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Dossier : 2012-2683(IT)G

ENTRE :

BURLINGTON RESOURCES FINANCE COMPANY,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Requêtes entendues le 30 avril 2013, à Calgary (Alberta).

 

Devant : L’honorable juge Robert J. Hogan

 

Comparutions :

 

Pour l’appelante :

Me Martha MacDonald

Me Al Meghji

Mme Brynne Harding (stagiaire)

Avocats de l’intimée :

Me Naomi Goldstein

Me Erin Strashin

Me Thang Trieu

 

____________________________________________________________________

 

ORDONNANCE

 

          Vu la requête de l’intimée présentée en vue d’obtenir une ordonnance l’autorisant à déposer une réponse modifiée;

 

          La requête est accueillie conformément aux motifs de l’ordonnance ci‑joints.

 

          Vu la requête de l’appelante visant à faire radier la réponse modifiée ou, subsidiairement, à obtenir une ordonnance enjoignant à l’intimée de fournir des précisions;

 

          La requête en radiation est accueillie en partie, et l’intimée se voit accorder une autorisation de signifier et de déposer, dans les 60 jours suivant la présente ordonnance, une nouvelle réponse modifiée remédiant aux lacunes précisées dans les motifs de l’ordonnance que j’ai rendus. L’appelante peut signifier et déposer une réplique dans les 60 jours suivant le dépôt de la nouvelle réponse modifiée.

 

          Les dépens afférents aux requêtes suivront l’issue de l’instance.

 

Signé à Magog (Québec), ce 17jour de juillet 2013.

 

 

« Robert J. Hogan »

Juge Hogan

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 25jour d’octobre 2013.

 

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste

 


 

 

 

 

Référence : 2013 CCI 231

Date : 20130717

Dossier : 2012-2683(IT)G

 

ENTRE :

BURLINGTON RESOURCES FINANCE COMPANY,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

 

Le juge Hogan

I      Aperçu

 

[1]             En 2001 et en 2002, Burlington Resources Finance Company (l’« appelante » ou « BRFC »), une société à responsabilité illimitée de la Nouvelle‑Écosse (« SARINE »), a emprunté environ trois milliards de dollars américains par l’émission de sept débentures (les « débentures ») garanties par Burlington Ressources Inc. (« BRI »), la société mère. BRI a été constituée en société aux États‑Unis et résidait aux États‑Unis. L’appelante a ensuite prêté les fonds à des entités affiliées au Canada. Durant ses années d’imposition allant de 2002 à 2005, l’appelante a versé environ 83 millions de commissions de garantie (les « commissions de garantie ») à BRI.

 

[2]             Le ministre du Revenu national (le « ministre ») a établi de nouvelles cotisations à l’égard de l’appelante, dans lesquelles il a refusé les demandes de déduction pour les commissions de garantie et pour certains frais de financement engagés par l’appelante relativement à l’émission des débentures (les « frais de financement »).

 

[3]             Le 30 avril 2013, chacune des parties a présenté une requête. L’intimée sollicite l’autorisation de déposer une réponse modifiée (la « réponse modifiée »). L’appelante demande à la Cour de radier la réponse modifiée ou, subsidiairement, de rendre une ordonnance enjoignant à l’intimée de fournir des précisions supplémentaires.

 

[4]             Pour les motifs exposés ci‑après, la requête de l’intimée visant à obtenir l’autorisation de déposer la réponse modifiée est accueillie. La requête de l’appelante en vue d’obtenir une radiation de la réponse modifiée est également accueillie. Toutefois, l’intimée se voit accorder l’autorisation de déposer, dans les 60 jours suivant la date de la présente ordonnance, une nouvelle réponse modifiée remédiant aux lacunes précisées ci‑dessous. L’appelante peut signifier et déposer une réplique dans les 60 jours suivant la signification et le dépôt, par l’intimée, d’une nouvelle réponse modifiée. Les dépens suivront l’issue de l’instance.

 

II       Contexte factuel

 

[5]             L’appelante est une SARINE résidant au Canada. BRI, la société mère américaine, détient 100 % de ses actions, ainsi que les actions de plusieurs autres sociétés au Canada (les « sociétés soeurs »).

 

[6]             Durant les années 2001 et 2002, l’appelante a émis les débentures en faveur de parties sans lien de dépendance, et a ainsi recueilli environ trois milliards de dollars américains. En conséquence, l’appelante a supporté deux types de frais. Durant son année d’imposition 2001, l’appelante a supporté des frais de financement, qui comprenaient des frais de prise ferme, des frais juridiques et comptables ainsi que des frais payables à la Securities and Exchange Commission. Durant ses années d’imposition allant de 2002 à 2005, l’appelante a payé des commissions de garantie. L’appelante a soutenu qu’elle avait payé les commissions de garantie en contrepartie d’une garantie totale et sans condition de BRI du capital et de toute prime ainsi que de tout intérêt sur chacune des débentures.

 

[7]             L’appelante, BRI et les sociétés sœurs se sont aussi émis mutuellement des billets à ordre et ont conclu des contrats d’achat à terme et des accords de swap (les « instruments hybrides ») en vertu desquels l’appelante a prêté le produit provenant des débentures aux sociétés sœurs. Selon l’intimée, les instruments hybrides faisaient en sorte que l’appelante pouvait effectuer les paiements dus relativement aux débentures. Les sociétés sœurs ont affecté le produit à leurs activités générales, y compris le remboursement de dettes existantes et la facilitation de l’acquisition d’actifs pétroliers et gaziers.

 

[8]             Dans le calcul de son revenu imposable pour ses années d’imposition allant de 2002 à 2005, l’appelante a déduit les commissions de garantie et les frais de financement de la manière suivante : en application de l’article 9 de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »), l’appelante a déduit les commissions de garantie annuelles payables à BRI dans chacune de ces années d’imposition, pour un montant total de 23 156 153 $ pour 2002, de 21 952 025 $ pour 2003, de 19 590 771 $ pour 2004 et de 18 118 688 $ pour 2005; et, en application de l’alinéa 20(1)e) de la Loi, l’appelante a déduit 20 % du total des frais de financement pour chacune des années d’imposition en question.

 

[9]             En 2011, le ministre a établi de nouvelles cotisations à l’égard de l’appelante, dans lesquelles il a refusé les demandes de déduction susmentionnées et a imposé à l’appelante des pénalités relatives au prix de transfert.

 

[10]        Pour refuser les demandes de déduction concernant les commissions de garantie, le ministre s’est fondé sur les alinéas 247(2)a) et c) de la Loi, et a affirmé que les modalités de l’arrangement entre l’appelante et BRI relativement aux commissions de garantie n’étaient pas des modalités sur lesquelles se seraient entendues des parties sans lien de dépendance. Dans sa réponse, l’intimée invoque également les alinéas 247(2) b) et d) de la Loi, et fait valoir que les séries d’opérations ayant donné lieu aux commissions de garantie n’auraient pas été conclues entre personnes sans lien de dépendance et qu’il est raisonnable de considérer qu’elles n’ont pas été principalement conclues pour des objectifs véritables, si ce n’est l’obtention d’un avantage fiscal.

 

[11]        Pour refuser les demandes de déduction pour frais de financement, le ministre s’est fondé sur l’article 67 et l’alinéa 18(1)a) de la Loi, et a affirmé que les dépenses déduites n’étaient pas raisonnables et qu’elles n’avaient pas été engagées par l’appelante en vue de tirer un revenu de l’entreprise.

 

[12]        L’appelante a déposé un avis d’appel (l’« avis d’appel ») pour contester les nouvelles cotisations établies. En retour, l’intimée a déposé une réponse (la « réponse »).

 

[13]        Le 10 avril 2013, l’appelante a déposé un avis de requête modifié indiquant qu’elle présenterait une requête pour demander à la Cour de radier la réponse et d’accueillir son appel, compte tenu du fait qu’aucun des arguments avancés par l’intimée ne pouvait raisonnablement être accepté ou, subsidiairement, pour demander à la Cour de radier la réponse et d’autoriser le dépôt d’une réponse modifiée dans les 15 jours suivant la date de l’ordonnance ou, subsidiairement encore, pour solliciter une ordonnance de la Cour enjoignant à l’intimée de produire de plus amples précisions en réponse à la demande de précisions qui avait été signifiée à l’intimée le 14 novembre 2012.

 

[14]        Le 19 avril 2013, l’intimée a signifié la réponse modifiée à l’appelante. La réponse modifiée est différente de la réponse initiale quant à deux aspects importants. Premièrement, l’intimée ne conteste plus les déductions pour frais de financement. Deuxièment, l’intimée a ajouté des hypothèses concernant les faits portant sur les séries d’opérations en question et les pénalités imposées relativement aux prix de transfert.

 

[15]        L’appelante a offert d’accepter le dépôt de la réponse modifiée, sous réserve de deux conditions : (i) que la prochaine requête de l’appelante visant à obtenir une radiation de la réponse soit plutôt dirigée contre la réponse modifiée, et (ii) que l’intimée paie des dépens de 5 000 $. L’intimée a rejeté cette offre.

 

[16]        Le 30 avril 2013, chacune des parties a présenté une requête. L’intimée cherche à déposer sa réponse modifiée alors que l’appelante demande à la Cour de radier la réponse modifiée et d’accueillir son appel. Subsidiairement, l’appelante demande à la Cour de radier la réponse modifiée et d’autoriser le dépôt d’une nouvelle réponse modifiée. Subsidiairement encore, l’appelante veut obtenir de plus amples précisions en réponse à une demande de précisions qu’elle avait antérieurement signifiée à l’intimée. J’examinerai les deux requêtes à tour de rôle.

 

III      La requête présentée par l’intimée en vue de déposer la réponse modifiée

 

[17]        L’appelante soutient que la réponse modifiée comporte les mêmes lacunes que la réponse initiale. Toutefois, l’appelante accepte que la requête de l’intimée présentée en vue de déposer la réponse modifiée soit accueillie dans le but limité de permettre que la requête de l’appelante soit dirigée contre la réponse modifiée. L’appelante demande que, pour son acceptation de la réponse modifiée, des dépens de 5 000 $ lui soient adjugés. Compte tenu de la position de l’appelante, j’accueille la requête présentée par l’intimée en vue de déposer la réponse modifiée de telle sorte que la requête en radiation de l’appelante soit dirigée contre la réponse modifiée.

 

IV      La requête présentée par l’appelante en vue d’obtenir la radiation de la réponse modifiée

 

[18]        Comme je l’ai mentionné ci‑dessus, l’appelante demande à la Cour de radier la réponse modifiée et d’accueillir l’appel avec dépens. À titre subsidiaire, l’appelante demande à la Cour de radier la réponse modifiée et d’autoriser le dépôt d’une nouvelle réponse modifiée. À titre subsidiaire encore, l’appelante demande à la Cour de rendre une ordonnance enjoignant à l’intimée de produire de plus amples précisions en réponse à la demande de précisions de l’appelante. Celle-ci demande également une prorogation de délai pour déposer une réplique à la réponse modifiée, s’il le faut. Voici un résumé des observations des parties.

 

A.      Les observations de l’appelante concernant la requête en radiation

 

[19]        Aux paragraphes 4 à 11 de ses observations écrites, l’appelante a résumé ses arguments de la manière suivante :

 

[traduction]

 

Dans l’appel interjeté auprès de la Cour à l’encontre des cotisations, la Couronne conteste d’abord, dans la réponse modifiée (la « réponse modifiée ») qu’elle veut déposer, l’argument avancé par BRFC, argument selon lequel la question qui se pose à l’égard de l’article 247 est le prix de pleine concurrence de la garantie, et soutient que la question qui se pose est le prix de pleine concurrence de la commission de garantie. Autrement dit, la réponse modifiée décrit la question posée relativement à l’article 247 comme une question portant sur le prix de la contrepartie payée par BRFC pour la garantie, et non le prix de la garantie elle‑même. L’ensemble de la réponse modifiée – y compris les hypothèses de fait, d’autres faits importants, les questions à trancher et les moyens invoqués – vise à prouver que le prix des « charges » n’était pas un prix de pleine concurrence.

 

BRFC soutient que la théorie du « prix des charges » avancée par la Couronne est tellement absurde, illogique et dénuée de fondement, par rapport aux dispositions légales pertinentes, qu’elle n’a aucune chance raisonnable de succès. La réponse modifiée devrait donc être radiée et l’appel de BRFC accueilli.

 

La théorie du « prix des charges » augmente d’ailleurs la confusion et devient indéfendable, parce que la Couronne dit qu’elle « n’a pas connaissance » de la garantie ni de la question de savoir si la commission visée a été payée en contrepartie de cette garantie. La Couronne avance quant à elle que les commissions de garantie étaient simplement des « charges » payées par BRFC à BRI. Par conséquent, la Couronne soutient que la question de droit à trancher est le prix de pleine concurrence de certaines « charges » – qui, apparemment, ne sont liées à aucune garantie – et exhorte la Cour à conclure que les charges en question devraient être refusées au titre de l’article 247. Là encore, il n’y a aucune chance raisonnable qu’un juge de première instance bien instruit puisse confirmer les cotisations établies sur la base de cette théorie, et la réponse modifiée devrait donc être radiée.

 

Même si la Cour permettait à la Couronne de modifier son acte de procédure et de remplacer la théorie du « prix des charges » par la question manifestement correcte du « prix de la garantie », les hypothèses de fait émises par le ministre et adoptées par la Couronne sont fatales à la cause de celle‑ci. Dans la réponse modifiée, la Couronne admet que BRFC serait incapable d’emprunter de l’argent sans la garantie; que, sans la garantie, BRFC ne pourrait pas obtenir la cote de solvabilité nécessaire aux investissements recherchés; qu’une partie sans lien de dépendance exigerait une garantie sans condition; et qu’une partie sans lien de dépendance exigerait une commission « exorbitante » pour garantir la dette de BRFC. Ces aveux démontrent de façon concluante que la garantie avait plusieurs objets commerciaux véritables, et que la commission annuelle était inférieure à celle qu’une partie sans lien de dépendance aurait exigée. Ainsi, ces aveux démolissent la validité des cotisations et sont déterminants quant à l’issue d’une cause bien formulée.

 

La Cour devrait‑elle conclure que la théorie du « prix des charges » avancée par la Couronne est défendable, en ce sens qu’elle a des chances raisonnables de succès, malgré les hypothèses de faits émises par le ministre et adoptées par la Couronne? BRFC, néanmoins, soutient que la réponse modifiée devrait être radiée (mais avec autorisation de la modifier). La réponse modifiée est tellement vague, déroutante et truffée de contradictions et d’incohérences internes et non conforme aux Règles, que l’affaire ne peut être poursuivie à l’étape suivante que si la Couronne réussit à prouver clairement et précisément le bien‑fondé de sa position. Autrement, il s’agirait d’une instance inéquitable, vague, désorganisée, longue et coûteuse.

 

BRFC a cherché à obtenir que la position de la Couronne soit tirée au clair, et à éviter le recours à la présente requête, par la signification d’une demande de précisions. S’il y avait le moindre doute, à savoir si le caractère vague et confus de la demande modifiée était de propos délibéré, la réponse de la Couronne à la demande de précisions confirme qu’il s’agissait d’une action intentionnelle. La réponse de la Couronne démontre que celle‑ci n’a aucune intention de présenter clairement sa position ni aucun intérêt à le faire. L’objet même des actes de procédure est de forcer les parties à présenter clairement leur position pour faire en sorte que la procédure préalable à l’instance se déroule de manière équitable et efficace. BRFC avance que la réponse modifiée de la Couronne est loin de satisfaire à la norme minimale acceptable d’une réponse adéquate, et que le refus catégorique de la Couronne de produire quelque précision que ce soit concernant des faits importants dans la réponse modifiée justifie la radiation de celle‑ci.

 

Il y a toutefois une autre raison sérieuse de radier la réponse modifiée de la Couronne. Le dossier démontre, au-delà de tout doute raisonnable, que le ministre a conclu, de façon évidente et non équivoque, que BRI avait fourni une garantie sans condition et que les 50 points de base payés par BRFC étaient une contrepartie pour cette garantie, et que la question qui se pose est le prix de pleine concurrence de la garantie. Ces hypothèses de fait contredisent directement la « théorie du prix des charges » avancée par la Couronne ainsi que son argument central selon lequel les montants en cause sont simplement des « charges » qui ne sont liées à aucune garantie. La Couronne a choisi de ne pas plaider ces conclusions et ces hypothèses dans sa réponse modifiée. Le pouvoir de plaider les hypothèses de fait procure à la Couronne un avantage considérable dans un litige en matière fiscale et ce pouvoir est assorti de l’obligation de plaider les hypothèses complètement et exactement. C’est pour cette raison que la Cour se montre intransigeante lorsqu’elle insiste sur le fait que la Couronne a une obligation déontologique rigoureuse de plaider complètement et exactement toutes les hypothèses de fait, y compris celles qui sont en faveur du contribuable. BRFC estime que le défaut de plaider ces hypothèses constitue un motif pour radier la réponse et d’autoriser le dépôt d’un acte de procédure modifié qui énonce complètement et exactement les fondements de la cotisation et les hypothèses.

 

Si la Cour refuse de radier la réponse modifiée pour l’une ou l’autre des raisons exposées ci‑dessus, BRFC demande, subsidiairement encore, qu’il soit ordonné à la Couronne de produire les précisions demandées à l’égard d’allégations imprécises ou confuses, et que la Cour accorde à BRFC une prorogation de délai pour déposer quelque réponse que ce soit[1].

 

B       La position de l’intimée concernant la requête en radiation

 

[20]        Aux paragraphes 34 à 36 et 38 à 41 de ses observations écrites, l’intimée a présenté les arguments suivants :

 

[traduction]

 

Avant d’accepter le paiement d’une commission de garantie, une partie sans lien de dépendance, se trouvant à la place de l’appelante, examinerait des conditions telles que sa capacité de remboursement de la dette; le risque de défaut de remboursement; sa capacité de prévenir le défaut de remboursement; le contrôle exercé sur l’amortissement de la dette ainsi que d’autres avantages et obligations.

 

La société mère a structuré l’appelante sans lui accorder des éléments d’actifs suffisants ou sans lui assurer la capacité de supporter les risques pour fonctionner en tant que société de financement; elle a pris toutes les décisions importantes concernant les débentures, y compris le remboursement; elle pouvait exiger une capitalisation, les conditions des émissions obligataires et le remboursement de la dette (c’est‑à‑dire qu’elle pouvait entraîner le non-respect des obligations de l’appelante). Le statut de société à responsabilité illimitée de l’appelante a fait en sorte que la société mère était en définitive responsable des dettes non réglées. Les instruments hybrides ont directement touché les droits et les obligations existants entre l’appelante et la société mère relativement à la dette non réglée.

 

Il est loin d’être évident et manifeste qu’une partie sans lien de dépendance, se trouvant à la place de l’appelante, accepterait de payer à la société mère quelque commission que ce soit dans de telles circonstances.

 

[...]

 

La question demeure de savoir, au moins en ce qui concerne l’application du paragraphe 247(2), quel aurait été le prix de transfert approprié de la garantie.

 

[…]

 

La cotisation établit la dette fiscale d’une personne. Le ministre émet des hypothèses de fait pour établir cette dette fiscale. Ces hypothèses peuvent être émises tout au long du processus d’établissement de la cotisation. Elles doivent être plaidées de manière exacte, de telle sorte que le contribuable connaisse exactement la preuve qu’il doit réfuter et le fardeau dont il doit s’acquitter dans un appel interjeté à l’encontre de la cotisation.

 

Le but des actes de procédure et les principes applicables ont été énoncés par le juge Bowie dans la décision Zelinski[2], de la manière suivante :

 

L’acte de procédure a pour but de définir les questions faisant l’objet du litige entre les parties aux fins de production et de communication préalable ainsi qu’en prévision du procès. Il incombe aux parties de présenter un exposé concis des faits pertinents sur lesquels elles se fondent. Les faits pertinents sont ceux qui, dans l’éventualité où ils sont établis au cours du procès, concourront à démontrer que la partie ayant déposé l’acte de procédure a droit au redressement demandé. […]

 

L’intimée a satisfait aux exigences concernant les actes de procédure et a complété les faits de la réponse au moyen des précisions. L’appelante a été pleinement informée des hypothèses émises et d’autres faits importants, ce qui devrait lui permettre de déterminer les questions soulevées, de produire les documents pertinents et de se préparer pour l’interrogatoire préalable et l’audience.

 

C.      L’analyse

 

[21]        Dans l’arrêt CIBC c. Canada[3], la Cour d’appel fédérale a entendu un appel interjeté à l’encontre d’une ordonnance de la Cour radiant certains arguments figurant dans la réponse de la Couronne. Dans la cotisation qu’il a établie, le ministre avait refusé les déductions demandées par la CIBC relativement à des paiements qu’elle avait effectués pour régler des litiges dans lesquels elle était défenderesse. Le paragraphe 134 de la réponse, qui constituait le fondement de l’argument de la Couronne, est ainsi rédigé :

 

[traduction

 

134. L’inconduite [de la CIBC et de ses sociétés affiliées] était si flagrante ou répugnante que tout paiement effectué à titre de règlement en découlant […] ne saurait être considéré comme ayant été engagé en vue de tirer ou de produire un revenu d’une entreprise ou d’un bien au sens de l’alinéa 18(1)a) de la Loi de l’impôt sur le revenu. Les [sociétés affiliées de la CIBC] ont sciemment aidé et encouragé Enron à violer les lois fédérales américaines sur les valeurs mobilières et à falsifier ses états financiers. L’inconduite des [sociétés affiliées de la CIBC] qui a permis à Enron de commettre de telles fraudes au vu et au su [de la CIBC] et l’inconduite [de la CIBC] elle‑même étaient si extrêmes et les conséquences étaient si graves qu’elles ne pouvaient s’inscrire dans le cadre des activités normales d’une banque.

 

 

[22]        En première instance, la CIBC avait fait valoir que le paragraphe 134 et certains autres arguments concernant la justesse de la conduite alléguée de la CIBC étaient non pertinents, étaient préjudiciables, et n’avaient aucune chance raisonnable de succès, et qu’ils devraient donc être radiés.

 

[23]        Le juge en chef adjoint Rossiter a conclu, en première instance, que de nombreuses affirmations contenues dans la réponse concernant la conduite alléguée de la CIBC étaient scandaleuses, qu’elles étaient préjudiciables ou qu’elles constituaient un abus de procédure, et qu’elles devraient donc être radiées. Toutefois, le juge en chef adjoint Rossiter a refusé de radier le paragraphe 134 de la réponse, concluant qu’il n’était pas évident et manifeste que la théorie de la Couronne, telle qu’elle était énoncée dans la réponse, n’avait pas de chances de succès. La CIBC a interjeté appel de la décision confirmant le maintien du paragraphe 134. La Couronne a interjeté appel de l’ordonnance de radiation des autres assertions.

 

[24]        D’entrée de jeu, la Cour d’appel fédérale a décrit le critère applicable en matière de radiation d’actes de procédure. Au paragraphe 7 de l’arrêt, la juge Sharlow a fait les observations suivantes :

 

Il n’y a aucune controverse quant au critère général en matière de radiation d’actes de procédure. Il a été récemment réaffirmé dans l’arrêt R. c. Imperial Tobacco Canada Ltée., 2011 CSC 42, [2011] 3 R.C.S. 45, au paragraphe 17 : s’agissant d’une requête en radiation de la réponse de Sa Majesté dans le cadre d’un appel en matière fiscale, la requête n’est accueillie que s’il est évident et manifeste, dans l’hypothèse où les faits allégués dans la réponse sont avérés, que la réponse ne permet pas de conclure de façon raisonnable que la nouvelle cotisation frappée d’appel est correcte.

 

[25]        La Cour d’appel fédérale n’était pas du même avis que le juge en chef adjoint Rossiter quant à l’ordonnance que celui‑ci avait rendue confirmant le maintien du paragraphe 134 de la réponse, et avait conclu que la justesse de la conduite d’un contribuable n’est pas pertinente pour ce qui est de la déduction. Au paragraphe 76 de l’arrêt, la juge Sharlow s’est exprimée ainsi :

 

[…] la seule question qui se pose pour décider si l’alinéa 18(1)a) interdit une déduction donnée est la suivante : le contribuable a‑t‑il engagé la dépense en vue de tirer un revenu? Comme il s’agit de la seule question pertinente, il s’ensuit que, même si la CIBC s’est comportée comme l’affirment les demandeurs dans les procédures Newby et MegaClaim, et même si les agissements qu’on lui reproche sont flagrants et répugnants, la qualification de la moralité de la conduite de la CIBC n’est pas juridiquement pertinente lorsqu’il s’agit d’appliquer l’alinéa 18(1)a). Par conséquent, j’abonde dans le sens de la CIBC et conclus que le paragraphe 134 de la réponse doit être radié.

 

 

[26]        La Cour d’appel fédérale a ensuite confirmé l’ordonnance du juge en chef adjoint Rossiter, laquelle exigeait la radiation de certains termes utilisés, parce qu’ils étaient scandaleux, préjudiciables et abusifs. Aux paragraphes 87, 89 et 90 de l’arrêt, la juge Sharlow a fait les observations suivantes :

 

[…] après avoir examiné la réponse, je suis d’accord avec le juge pour dire que les mots et expressions en question ont été employés non pas uniquement pour exposer les faits présumés par le ministre ou ceux que Sa Majesté souhaitaient alléguer, mais pour les déformer de manière à inviter le juge chargé d’instruire l’appel à se prononcer sur la justesse de la conduite des employés de la CIBC et de ses affiliés. […]

 

Pour les motifs qui ont été exposés en détail dans le contexte de l’appel interjeté par la CIBC dans la présente affaire, je rappelle qu’il n’est pas pertinent d’apprécier la moralité de la conduite de la CIBC pour se prononcer sur la déductibilité des paiements effectués à titre de règlement. Il en va de même pour l’appréciation de la légalité de cette même conduite en droit américain. Formuler de telles allégations dans les actes de procédure en l’espèce, que ce soit dans les hypothèses ou dans le reste de la réponse entraîne inévitablement une multiplication des ressources consacrées à l’enquête préalable, le tout sans le moindre espoir de produire quoi que ce soit d’utile pour trancher les questions en litige dans le présent appel. À tout le moins, de telles allégations risquent de retarder le déroulement des appels de la CIBC en matière fiscale et je suis par ailleurs d’accord avec le juge pour dire que ces allégations sont préjudiciables et vexatoires.

 

[…] Ces allégations appellent une controverse stérile parce qu’elle n’est pas pertinente. La CIBC ne devrait pas avoir à consacrer inutilement des ressources pour réfuter des hypothèses ou des allégations de fraude ou de conduite criminelle qui ne contribueront en rien à aider la Cour de l’impôt à se prononcer sur la déductibilité des paiements effectués à titre de transaction.

 

Pour les besoins de la présente requête, l’appelante doit démontrer qu’il est évident et manifeste que les faits énoncés dans les actes de procédure en question, si leur exactitude est présumée, ne font état d’aucun fondement permettant de conclure raisonnablement que la nouvelle cotisation établie est correcte, ou invitent à un débat stérile qui, en droit, n’est pas pertinent aux questions soulevées.

 

(1)     La théorie du prix des charges

 

[27]        Dans ses observations, l’appelante a clairement relevé de nombreuses lacunes rédactionnelles contenues dans la réponse modifiée. En raison de ces lacunes, l’intimée n’a pas su formuler adéquatement ses arguments en ce qui a trait à la manière dont les alinéas 247(2)a) et c) de la Loi servent de fondement approprié aux nouvelles cotisations établies.

 

[28]        À l’alinéa 11b) de sa réponse modifiée, l’intimée avance que la question à trancher en l’espèce en ce qui concerne les alinéas 247(2)a) et c) de la Loi est de [traduction] « savoir si les modalités conclues ou imposées relativement aux charges » que l’intimée définit au paragraphe 4 de la réponse modifiée comme étant des commissions de garantie payables à BRI par l’appelante [traduction] « diffèrent de celles sur lesquelles se seraient entendues des personnes sans lien de dépendance ».

 

[29]        La formulation dont il est question est manifestement incorrecte. La question qui se pose vraiment relativement aux alinéas 247(2)a) et c) de la Loi est de savoir si les modalités imposées en ce qui a trait à la garantie elle‑même, non les modalités des commissions de garantie, diffèrent de celles sur lesquelles se seraient entendues des personnes sans lien de dépendance. Je ne vois pas comment l’intimée peut se fonder sur les alinéas 247(2)a) et c) de la Loi pour contester les modalités concernant les montants payés par l’appelante pour la garantie. En fait, si je comprends bien la position de l’intimée, les modalités qu’elle conteste au titre des alinéas 247(2)a) et c) de la Loi sont les montants des commissions elles‑mêmes.

 

[30]        À mon avis, des phrases telles que [traduction] « la contrepartie pour la commission de garantie » ou [traduction] « le prix de la commission de garantie » ne sont pas claires. Si l’intimée se fonde sur les alinéas 247(2)a) et c) de la Loi pour contester les montants des commissions payées par l’appelante, la question qui se pose est le prix de la garantie, non le prix ou la contrepartie des commissions de garantie. En outre, si l’on n’admet pas l’existence d’une garantie, comment peut‑on contester le prix de cette garantie? L’intimée devrait tirer ce point au clair.

 

[31]        À l’audience, j’ai demandé aux avocats de l’intimée pourquoi leur cliente avait choisi d’ignorer l’existence de la garantie dans la réponse modifiée. Ils ont laissé entendre que c’était pour éviter de compromettre la théorie de l’intimée selon laquelle une personne sans lien de dépendance aurait refusé de conclure un tel accord de garantie.

 

[32]        Je ne vois aucun mal à reconnaître que l’appelante avait conclu un accord de garantie avec BRI. Le fait de reconnaître ce point n’entre pas en conflit avec l’argument de l’intimée fondé sur les alinéas 247(2)a) et c) ou 247(2)b) et d) de la Loi, argument voulant qu’une personne sans lien de dépendance, se trouvant dans la même situation que celle des parties, n’aurait pas conclu un tel accord. Le fait de reconnaître l’existence de la garantie ne s’oppose pas non plus à la prétention de l’intimée selon laquelle il est raisonnable de considérer que l’entente sur les opérations en question n’a pas été conclue par l’appelante principalement pour des objets véritables, si ce n’est l’obtention d’un avantage fiscal.

 

[33]        L’appelante conteste également le paragraphe 7 de la réponse modifiée, qui est ainsi libellé : [traduction] « En ce qui concerne le paragraphe 17 de l’avis d’appel, [l’intimée] nie les faits allégués compte tenu du fait qu’ils sont incompatibles avec les hypothèses de fait du ministre énoncées dans la présente ». Le paragraphe 17 de l’avis d’appel mentionne certaines hypothèses émises par le ministre concernant les cotes de solvabilité de l’appelante et de BRI ainsi que la nécessité pour BRI de garantir les débentures.

 

[34]        À mon avis, la réponse de l’intimée au paragraphe 7 de la réponse modifiée n’est pas appropriée, parce que l’intimée n’affirme pas clairement qu’elle admet, qu’elle nie ou qu’elle ne connaît pas les faits énoncés au paragraphe 17 de l’avis d’appel. En niant certains faits [traduction] « compte tenu du fait qu’ils sont incompatibles avec les hypothèses émises par le ministre » dans la réponse modifiée, l’intimée invite à un débat stérile quant aux faits mentionnés dans la réponse modifiée qui sont [traduction] « incompatibles » avec les faits figurant au paragraphe 17 de l’avis d’appel. Il est possible que deux parties dont les intérêts sont opposés ne soient pas d’accord quant à la question de savoir si certaines hypothèses sont incompatibles. L’intimée doit adopter une position claire à l’égard de ces faits.

 

[35]        L’appelante a clairement souligné de nombreuses lacunes rédactionnelles figurant dans la réponse modifiée. Toutefois, une rédaction qui laisse à désirer n’est pas un motif suffisant pour radier la réponse modifiée et accueillir l’appel. Le redressement approprié est de permettre à l’nte de déposer une nouvelle réponse modifiée dans laquelle elle reconnaît l’existence de la garantie et fournit un cadre adéquat de l’analyse fondée sur les alinéas 247(2)a) et c) et 247(2)b) et d) de la Loi. L’appelante ne devrait pas avoir à consacrer inutilement des ressources pour tenter de déterminer la position de l’intimée sur plusieurs faits essentiels en cause.

 

[36]        Bien que ce qui précède tranche la question de la requête de l’appelante en radiation de la réponse modifiée, j’examinerai les autres arguments de l’appelante afin de donner à l’intimée certaines indications pour la rédaction de sa nouvelle réponse modifiée.

 

(2)     La plaidoirie de l’intimée quant aux faits ne peut pas être qualifiée d’argumentation bien formulée

 

[37]        L’appelante soutient que l’intimée ne peut pas justifier les nouvelles cotisations à cause de certaines hypothèses émises par le ministre. Elle affirme que les hypothèses suivantes énoncées aux alinéas 9 p), r), s), t) et x) de la réponse modifiée sont fatales à la cause de l’intimée :

 

[traduction]

 

p)         l’appelante ne pouvait pas emprunter, de manière indépendante, les fonds dont elle avait besoin pour exercer ses activités en tant que société de financement;

 

r)          l’appelante ne pouvait pas exercer ses activités de financement en l’absence d’une garantie sans condition de la société mère;

 

s)         l’appelante ne pouvait pas obtenir la cote de solvabilité nécessaire relativement aux débentures sans la garantie fournie par la société mère;

 

t)          l’insuffisance de fonds de l’appelante et l’incapacité de celle‑ci à supporter le risque de manière indépendante exigeaient que tout prêteur sans lien de dépendance obtienne une garantie sans condition de la société mère;

 

x)         une partie sans lien de dépendance exigerait, pour garantir les dettes de l’appelante, une commission tellement exorbitante que l’appelante n’aurait pas pu négocier les prêts à un taux concurrentiel.

 

 

[38]        Je ne souscris pas à la position de l’appelante. Selon le critère décrit dans l’arrêt CIBC[4], il n’est pas évident et manifeste que les hypothèses en question sont fatales à la cause de l’intimée au titre de l’article 247 de la Loi.

 

[39]        Si je devais radier la réponse modifiée en tenant pour acquis que les hypothèses en question démontrent que le prix payé par l’appelante pour la garantie n’était pas excessif, comme l’appelante l’a allégué, alors je devrais comparer le prix payé par l’appelante avec le prix de transfert de pleine concurrence. Seul le juge du fond ayant accès à tous les éléments de preuve pertinents à la présente question peut être en mesure d’entreprendre une telle analyse.

 

[40]        Dans la réponse modifiée, l’intimée souligne que l’appelante était une SARINE. Selon l’article 135 de la Companies Act[5], les actionnaires actuels et certains anciens actionnaires d’une SARINE sont responsables des dettes de celle‑ci lorsqu’elle est liquidée et qu’elle n’a pas suffisamment d’éléments d’actifs. Cela veut dire que BRI serait responsable des dettes de l’appelante si celle‑ci était liquidée sans qu’elle ait suffisamment d’actifs. Je suis d’accord avec l’intimée sur le fait qu’il est légitime de poser la question de savoir si une personne sans lien de dépendance se trouvant à la place de l’appelante aurait été disposée à payer les commissions de garantie relativement à la garantie explicite de BRI tout en sachant que BRI pouvait être responsable des dettes de l’appelante, même en l’absence de la garantie.

 

[41]        L’intimée invoque aussi le pouvoir qui permet, aux alinéas 247(2)b) et d) de la Loi, de faire une nouvelle qualification de la garantie s’il a été satisfait aux deux conditions préalables suivantes : (i) les opérations en question n’auraient pas été conclues entre personnes sans lien de dépendance et (ii) il est raisonnable de considérer que l’opération n’a pas été conclue principalement pour des objets véritables, si ce n’est l’obtention d’un avantage fiscal.

 

[42]        En ce qui concerne la première condition préalable à l’alinéa 247(2)b) de la Loi, il est énoncé dans la réponse modifiée que le ministre a supposé qu’une personne sans lien de dépendance n’aurait pas conclu les opérations en question, parce que, entre autres, l’appelante était fortement sous‑capitalisée compte tenu du montant des débentures. Je ne peux rien déceler dans les autres hypothèses de fait qui permette de contredire cette affirmation.

 

[43]        L’intimée soutient également que la deuxième condition préalable à l’alinéa 247(2)b) de la Loi a été remplie. Dans la réponse modifiée, l’intimée avance que la garantie et les instruments hybrides utilisés pour [traduction] « prêter » le produit aux sociétés sœurs correspondaient à des opérations conclues [traduction] « pour aucun objet véritable si ce n’est l’obtention d’un avantage fiscal pour l’appelante ».

 

[44]        Je souscris également à l’observation de l’appelante selon laquelle plusieurs hypothèses du ministre pourraient indiquer qu’il y avait des objets véritables à l’origine des opérations. Toutefois, je ne suis pas d’accord avec l’appelante sur le fait que les hypothèses en question sont fatales à la cause de l’intimée. La condition énoncée au sous‑alinéa 247(2)b)(ii) de la Loi n’est remplie que si l’opération a été « principalement » conclue par le contribuable pour des objets véritables autres que l’obtention d’un avantage fiscal. Cela permet d’envisager la possibilité pour le contribuable de conclure une opération ayant à la fois un objet fiscal et un objet non fiscal.

 

[45]        Le simple fait que les opérations en question pourraient avoir un objet non fiscal véritable ne signifie pas que l’objet principal des opérations était un objet non fiscal véritable. Les hypothèses de fait mentionnées par l’appelante ne sont pas, de façon évidente et manifeste, incompatibles avec la position de l’intimée selon laquelle les opérations en cause ont été principalement conclues par l’appelante pour l’obtention d’un avantage fiscal.

 

(3)     L’argument fondé sur le facteur du double emploi

 

[46]        L’appelante conteste aussi le prétendu [traduction] « facteur du double emploi » avancé par l’intimée. Au paragraphe 64 des observations écrites concernant sa requête en radiation, l’appelante s’est exprimée ainsi :

 

[traduction]

 

Enfin, la Couronne se fonde sur le prétendu « facteur du double emploi » pour réduire à zéro le montant de la commission de garantie. La Couronne soutient essentiellement que la garantie est redondante, parce que BRFC est une société à responsabilité illimitée constituée sous le régime des lois de la Nouvelle‑Écosse. Dans la réponse modifiée, toutefois, l’on a soutenu qu’il était impératif pour tout prêteur sans lien de dépendance d’exiger de BRI une garantie sans condition. Il ressort des arguments de la Couronne que la garantie était nécessaire et suffisante pour que les prêteurs puissent investir dans les débentures. Les prêteurs ou les détenteurs des débentures avaient le droit d’invoquer la garantie pour réclamer paiement auprès de BRI si BRFC omettait de faire un paiement relativement aux débentures. Selon la réponse modifiée, les détenteurs de débentures ne considéraient pas la garantie comme redondante, parce qu’elle était impérative pour eux. En d’autres mots, les détenteurs de débentures n’auraient pas été disposés à prêter trois milliards de dollars américains à BRFC en l’absence d’une garantie. Compte tenu de ces arguments, l’argument fondé sur le « facteur du double emploi » ne saurait être retenu.

 

 

[47]        En effet, il semble que l’appelante conteste l’argument de l’intimée selon lequel, bien que la garantie explicite de BRI fût nécessaire, le prix de pleine concurrence de cette garantie était nul, parce que BRI garantissait implicitement les débentures du fait que l’appelante était une SARINE. Toutefois, je ne suis pas d’accord avec l’appelante sur le fait qu’il est évident et manifeste que cet argument du « facteur du double emploi » ne saurait être retenu.

 

[48]        Pour que l’argument susmentionné soit radié de l’acte de procédure, je dois conclure qu’une garantie implicite est forcément moins valable qu’une garantie explicite, ce qui commande que j’examine le prix de pleine concurrence d’une garantie explicite. Comme je l’ai déjà mentionné, il s’agit là du rôle du juge du fond, qui doit statuer en tenant compte de tous les éléments de preuve.

 

(4)     Les hypothèses incomplètes

 

[49]        Enfin, l’appelante soutient que l’intimée est tenue d’admettre dans la réponse modifiée que le Comité de revue des prix de transfert (le « CRPT ») de l’Agence du revenu du Canada a refusé une demande de l’intimée en vue d’obtenir qu’une cotisation soit établie à l’égard de l’appelante en vertu des alinéas 247(2)b) et d) de la Loi. Dans le passage reproduit au paragraphe 84 des observations écrites de l’appelante concernant sa requête en radiation, le CRPT a répondu de la manière suivante à la demande du Bureau des services fiscaux de Calgary (le « BSFC ») :

 

[traduction]

 

Les membres […] CRPT ont examiné les faits et les circonstances de la présente affaire qui étayent l’application des dispositions concernant la nouvelle qualification au titre des alinéas 247(2)b) et d). À ce stade‑ci, le président a décidé que le BSFC ne devrait pas procéder à une nouvelle qualification compte tenu des circonstances du dossier.

 

[50]         Selon le paragraphe 87 des observations écrites de l’appelante concernant sa requête en radiation, [traduction] « la Couronne a une obligation de plaider tous les faits et toutes les hypothèses qui ont amené le ministre à décider de ne pas procéder à une nouvelle qualification des opérations ». L’appelante soutient donc que la réponse modifiée n’est pas appropriée, parce qu’elle ne révèle pas que le CRPT a rejeté la demande du BSFC en vue d’obtenir une nouvelle qualification au titre des alinéas 247(2)b) et d) de la Loi.

 

[51]        Pour étayer son argument, l’appelante mentionne le paragraphe 29 de l’arrêt Canada c. Anchor Pointe Energy Ltd.[6], dans lequel la Cour d’appel fédérale a fait l’observation suivante : « L’équité exige que les faits allégués comme hypothèses soient complets, précis, exacts et énoncés de façon honnête et franche afin que le contribuable sache bien clairement ce qu’il devra prouver ». L’appelante renvoie également au paragraphe 13 de la décision Shaughnessy v. The Queen[7] où le juge en chef adjoint Bowman s’est exprimé ainsi : « La formulation d’hypothèses dans la réponse à l’avis d’appel comporte une sérieuse obligation, pour la Couronne, d’énoncer honnêtement et intégralement les hypothèses effectives sur lesquelles le ministre s’est fondé en établissant la cotisation, qu’elles appuient ou non la cotisation ».

 

[52]        Selon le paragraphe 47 des observations écrites de l’intimée, [traduction] « [l]es faits qui ont été décrits dans le document de renvoi sont sensiblement différents des faits que la Couronne a énoncés comme étant d’autres faits importants et dont elle a la charge de prouver la véracité à l’audience ».

 

[53]        Je ne suis pas d’accord avec l’appelante sur le fait que l’intimée est tenue de plaider le fait que le CRPT a refusé la demande de nouvelle qualification du BSFC. Premièrement, une telle communication ne change ni ne clarifie la preuve que l’appelante doit établir ou la charge dont elle doit s’acquitter, comme il en a été question dans l’arrêt Anchor Pointe[8]. Deuxièment, il n’est pas évident que l’intimée [traduction] « se soit fondée » sur la réponse du CRPT pour établir les cotisations à l’égard de l’appelante, comme il a été expliqué dans la décision Shaughnessy[9].

 

(5)     La conclusion

 

[54]        La réponse modifiée contient de nombreuses lacunes rédactionnelles. Toutefois, les hypothèses de fait mentionnées par l’appelante ne sont pas incompatibles, de façon évidente et manifeste, avec les rajustements du prix de transfert en question. Par conséquent, le redressement approprié est de radier la réponse modifiée et d’autoriser le dépôt d’une nouvelle réponse modifiée qui reconnaisse l’existence de la garantie et qui formule correctement la question que le juge du fond aura à examiner au titre des paragraphes 247(2)a) et c) et 247(2)b) et d) de la Loi, en tenant compte des lacunes analysées ci‑dessus.

 

[55]        L’appelante a également demandé une prorogation de délai pour signifier et déposer une réplique. Si elle le souhaite, l’appelante peut signifier et déposer une réplique à l’égard de la nouvelle réponse modifiée de l’intimée dans les 60 jours suivant la signification et le dépôt de la nouvelle réponse modifiée.

 

V       La décision

 

[56]        La requête de l’intimée en vue de déposer la réponse modifiée est accueillie. La requête de l’appelante visant à obtenir une radiation de la réponse modifiée est également accueillie. Toutefois, l’intimée se voit accorder l’autorisation de signifier et de déposer, dans les 60 jours suivant la présente ordonnance, une nouvelle réponse modifiée remédiant aux lacunes précisées ci‑dessus. L’appelante peut signifier et déposer une réplique dans les 60 jours suivant la signification et le dépôt de la nouvelle réponse modifiée de l’intimée. Les dépens suivront l’issue de l’instance.

 

Signé à Magog (Québec), ce 17jour de juillet 2013.

 

 

« Robert J. Hogan »

Juge Hogan

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 25jour d’octobre 2013.

 

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste.


RÉFÉRENCE :                                 2013 CCI 231

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :    2012-2683(IT)G

                                                         

INTITULÉ :                                      BURLINGTON RESOURCES FINANCE COMPANY c.

                                                          SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                Calgary (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 30 avril 2013

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :   L’honorable juge Robert J. Hogan

 

 

DATE DE L’ORDONNANCE :       Le 17 juillet 2013

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelante :

Me Martha MacDonald

MAl Meghji

Mme Brynne Harding (stagiaire)

Avocat de l’intimée :

Me Naomi Goldstein

Me Erin Strashin

Me Thang Trieu

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

      

            Nom :                                            

 

            Cabinet :                              

 

       Pour l’intimée :                          William F. Pentney

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

 



[1] Les observations écrites de l’appelante (requête en radiation de l’appelante), aux paragraphes 4 à 11.

[2] Zelinski v. The Queen, 2002 DTC 1204.

[3] 2013 CAF 122.

[4] Précité, note 3.

[5] RSNS 1989, ch. 81.

[6] 2007 CAF 188.

[7] 2002 DTC 1272 (CCI).

[8] Précité, note 6.

[9] Précitée, note 7.

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