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Dossier : 2012-4452(IT)I

ENTRE :

 

TRACEY RIDOUT,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

 

Appel entendu le 17 juin 2013, à Vancouver (Colombie‑Britannique).

 

Devant : L’honorable juge Judith M. Woods

 

Comparutions :

 

Représentant de l’appelante :

M. Michael F. Campagne

Avocat de l’intimée :

Me Kristian DeJong

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JUGEMENT

La Cour ordonne que l’appel interjeté à l’encontre de la cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2010 soit rejeté. Chaque partie assumera ses propres dépens.

 

       Signé à Toronto (Ontario), ce 20e jour d’août 2013.

 

« J. M. Woods »

Juge Woods

 

Traduction certifiée conforme

ce 11e jour de septembre 2013.

 

S. Tasset

 


 

 

 

 

Référence : 2013 CCI 260

Date : 20130820

Dossier : 2012-4452(IT)I

ENTRE :

 

TRACEY RIDOUT,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

La juge Woods

 

[1]             En 2010, Tracey Ridout a demandé un crédit d’impôt pour personnes handicapées ainsi qu’un crédit d’impôt personnel supplémentaire relativement à son fils. La demande, qui visait les années d’imposition 2000 à 2009, a été approuvée par le ministre du Revenu national.

 

[2]             Mme Ridout a versé à DTS Disability Tax Services Ltd. (« DTS ») la somme de 7 125,37 $ en honoraires de consultation et de préparation de cette demande de crédit. La question qui se pose dans cet appel consiste à déterminer si ces honoraires peuvent être déduits du calcul du revenu suivant l’alinéa 60o) de la Loi de l’impôt sur le revenu.

 

[3]             Voici le libellé de l’alinéa 60o) :

 

 Autres déductions - Peuvent être déduites dans le calcul du revenu d’un contribuable pour une année d’imposition les sommes suivantes qui sont appropriées :

 

                                              […]

 

o) frais judiciaires et extrajudiciaires [opposition ou appel] - les sommes payées au cours de l’année par le contribuable au titre des honoraires ou frais engagés pour préparer, présenter ou poursuivre une opposition ou préparer, interjeter ou poursuivre un appel au sujet :

 

(i) d’une cotisation à l’égard de l’impôt, des intérêts ou des pénalités en vertu de la présente loi ou d’une loi provinciale imposant un impôt semblable à celui qui est imposé par la présente loi,

 

(ii) d’une décision de la Commission de l’emploi et de l’assurance du Canada, de la Commission de l’emploi et de l’immigration du Canada, d’un conseil arbitral ou d’un juge-arbitre en vertu de la Loi sur l’assurance‑chômage ou de la Loi sur l’assurance‑emploi,

 

(iii) d’une cotisation de tout impôt sur le revenu qu’il peut déduire en vertu de l’article 126 ou de toute peine ou de tout intérêt y afférent,

 

(iv) d’une cotisation ou d’une décision rendue en vertu du Régime de pensions du Canada ou d’un régime provincial de pensions au sens de l’article 3 de cette loi;

 

[4]             À l’audience, Mme Ridout était représentée par M. Michael Campagne, président de DTS. Ce dernier a informé la Cour du fait que la question en litige en l’espèce concernait plusieurs des clients de DTS mais qu’il s’agissait du premier appel dont la Cour était saisie sur ce point.

 

[5]             M. Campagne a été le seul à témoigner pour le compte de Mme Ridout. Quant à la Couronne, elle a appelé à la barre Lisa Lalonde, de l’Agence du revenu du Canada (« ARC »), laquelle a pris part à la décision de refuser la déduction des honoraires.

 

Arguments des parties

 

[6]             La Couronne soutient que les honoraires versés à DTS par Mme Ridout ne donnent pas droit à la déduction visée à l’alinéa 60o) parce qu’ils ne se rapportent pas à une opposition ou à un appel portant sur une cotisation d’impôt.

 

[7]             Mme Ridout prétend qu’il est justifié d’autoriser la déduction, étant donné les circonstances exceptionnelles qui caractérisent son cas. M. Campagne a relevé certaines de ces circonstances, que voici :

 

a)                 Par le passé, l’ARC avait accordé une déduction semblable relativement aux honoraires payés par d’autres clients de DTS.

 

b)                Les dispositions législatives relatives au crédit d’impôt pour les personnes handicapées prévoient un régime unique d’évaluation préalable qui exige du contribuable qu’il produise l’attestation d’un médecin avant de demander le crédit. Il est inhabituel d’exiger que des documents soient produits préalablement à l’inclusion d’une déduction dans une déclaration de revenus.

 

c)                 Parce que les dispositions législatives relatives au crédit d’impôt pour les personnes handicapées sont complexes, un allégement devrait être accordé au contribuable pour le coût des conseils d’experts qu’il doit obtenir à l’étape de l’évaluation préalable.

 

d)                Certains éléments de preuve tendent à indiquer que l’ARC réserve un traitement inéquitable à M. Campagne.

 

Analyse

 

[8]             Bien que les circonstances de Mme Ridout suscitent de la compassion, il y a lieu de rejeter l’appel, car l’alinéa 60o) de la Loi n’autorise pas la déduction qu’elle demande.

 

[9]             Qu’une disposition législative puisse produire un résultat dur dans un cas particulier ne constitue pas un motif suffisant pour accueillir un appel. Comme l’ont souligné à maintes reprises les juges de la Cour lors d’appels suscitant de la compassion, il appartient au législateur de rédiger lois comme il le juge indiqué, et la Cour a le devoir de les appliquer.

 

[10]        D’après le libellé de l’alinéa 60o), pour que Mme Ridout puisse obtenir gain de cause dans cet appel, les honoraires qu’elle a payés doivent se rapporter à la préparation, à la présentation ou à la poursuite d’une opposition ou d’un appel au sujet d’une cotisation d’impôt sur le revenu établie en vertu d’une loi fédérale ou provinciale.

 

[11]        Pour trancher cette question, il est essentiel de s’interroger sur le sens à donner aux termes « opposition » et « appel » en ce qui a trait à une cotisation d’impôt sur le revenu. Dans un premier temps, j’examinerai la cotisation fédérale.

 

[12]        La Loi prévoit des règles particulières concernant les oppositions et les appels visant une cotisation. Ce régime est énoncé aux articles 165 et 169, reproduits partiellement ci‑dessous. 

 

 (1) Opposition à la cotisation - Le contribuable qui s’oppose à une cotisation prévue par la présente partie peut signifier au ministre, par écrit, un avis d’opposition exposant les motifs de son opposition et tous les faits pertinents, dans les délais suivants :

 

a) lorsqu’il s’agit d’une cotisation relative à un contribuable qui est un particulier (sauf une fiducie) ou une fiducie testamentaire, pour une année d’imposition, au plus tard le dernier en date des jours suivants :

 

(i) le jour qui tombe un an après la date d’échéance de production qui est applicable au contribuable pour l’année,

 

(ii) le 90e jour suivant la date de mise à la poste de l’avis de cotisation;

 

b) dans les autres cas, au plus tard le 90e jour suivant la date de mise à la poste de l’avis de cotisation.

 

                                        […]

 

(2) Signification - L’avis d’opposition prévu au présent article est signifié au chef des Appels d’un bureau de district ou d’un centre fiscal de l'Agence du revenu du Canada soit par personne, soit par courrier.

 

                                                   […]

 

 (1) Appel - Lorsqu’un contribuable a signifié un avis d’opposition à une cotisation, prévu à l’article 165, il peut interjeter appel auprès de la Cour canadienne de l’impôt pour faire annuler ou modifier la cotisation; 

 

a) après que le ministre a ratifié la cotisation ou procédé à une nouvelle cotisation;

 

b) après l’expiration des 90 jours qui suivent la signification de l’avis d’opposition sans que le ministre ait notifié au contribuable le fait qu’il a annulé ou ratifié la cotisation ou procédé à une nouvelle cotisation;

 

toutefois, nul appel prévu au présent article ne peut être interjeté après l’expiration des 90 jours qui suivent la date où avis a été expédié par la poste au contribuable, en vertu de l’article 165, portant que le ministre a ratifié la cotisation ou procédé à une nouvelle cotisation.

 

[13]        Le problème que pose la thèse de Mme Ridout réside dans le fait qu’elle n’avait pas l’intention de signifier un avis d’opposition ou d’interjeter appel en vertu de ces dispositions. D’ailleurs, elle en était probablement empêchée relativement à certaines années d’imposition en cause du fait de l’expiration des délais de prescription.

 

[14]        Mme Ridout a présenté sa demande d’allégement fiscal pour personnes handicapées par voie de demande de redressement de ses déclarations de revenus. Elle a produit à cette fin une demande de redressement d’une T1. Il s’agit d’une procédure différente de celle de l’opposition.

 

[15]        Il s’ensuit que les honoraires payés par Mme Ridout ne se rapportaient pas à la préparation, à la présentation ou à la poursuite d’une opposition ou d’un appel au sujet d’une cotisation aux termes des articles 165 ou 169. J’en conclus que les honoraires ne se rapportent pas à une opposition ou un appel visant une cotisation fédérale.

 

[16]        Pour ce qui est de savoir si les honoraires se rapportent à une opposition ou à un appel visant une cotisation provinciale, je dois dire qu’en fait, il ne semble pas du tout évident qu’ils aient quoi que ce soit à voir avec une cotisation provinciale et du reste, aucune des parties n’a fait allusion à l’impôt provincial à l’audience. Quoi qu’il en soit, les lois provinciales applicables prévoient en général l’établissement automatique d’une nouvelle cotisation provinciale en cas de nouvelle cotisation fédérale (paragraphe 30(1) de l’Income Tax Act de la Colombie‑Britannique). Aucune procédure d’opposition et d’appel distincte n’est prévue pour ces cas. Je suis portée à conclure que les honoraires en cause ne se rapportent pas non plus à une opposition ou un appel concernant une cotisation provinciale.

 

[17]        Passons maintenant aux arguments de M. Campagne. Tous ces arguments se fondent sur des considérations d’équité et de principe qui ne me permettent pas d’accueillir l’appel.

 

[18]        Notamment, la Cour ne peut accorder un allégement du simple fait que d’autres contribuables ont eu droit à une déduction : Sinclair c La Reine, 2003 CAF 348.

 

[19]        La Cour ne peut pas non plus accorder un allégement uniquement pour des raisons d’équité. Son rôle se limite à déterminer la justesse d’une cotisation en fonction des dispositions applicables de la Loi et des faits donnant lieu à l’obligation du contribuable prévue par la loi : Ereiser c La Reine, 2013 CAF 20.

 

[20]        M. Campagne soutient qu’une procédure différente d’établissement de l’impôt payable s’applique à l’égard des demandes de crédit d’impôt pour personnes handicapées, étant donné que cette demande doit être accompagnée de l’attestation d’un médecin.

 

[21]        La difficulté que soulève cet argument est que la déduction prévue à l’alinéa 60o) s’applique uniquement aux frais engagés relativement aux oppositions et aux appels. La Cour n’a pas le loisir d’élargir le champ d’application de la déduction à d’autres types de frais, comme ceux engagés pour une demande de redressement d’une T1, même si la procédure concernée est analogue à celle d’une opposition. La restriction énoncée à l’alinéa 60o) est de l’ordre de la politique générale, un domaine relevant de la prérogative du législateur, et non des tribunaux.

 

[22]        Enfin, M. Campagne prétend qu’en tant que consultant spécialisé dans les demandes de crédit d’impôt pour personnes handicapées, il a été traité de manière inéquitable par l’ARC. Pour étayer ses dires, il a porté deux documents à mon attention.

 

[23]        Le premier document est un courriel interne de l’ARC dans lequel il est énoncé que l’agence a décidé de refuser la déduction des honoraires versés à DTS [traduction] « dans tous les dossiers » (pièce A-1, onglet 6).

 

[24]        Le deuxième document est la réponse donnée par l’ARC à la plainte de M. Campagne visant ses services (pièce A-1, onglet 8). Dans la lettre, l’ARC informe M. Campagne de sa politique, qui est de ne pas divulguer les renseignements de nature médiale aux représentants autorisés dans les dossiers concernant le crédit d’impôt pour personnes handicapées. Voici un extrait de cette lettre :

 

[traduction]

 

Depuis juin 2009, l’ARC applique une nouvelle politique consistant à limiter les communications avec les représentants autorisés dans les dossiers portant sur le CIPH. Désormais, l’ARC ne communique aux représentants que les renseignements concernant l’état du traitement de la demande ou la décision quant à l’admissibilité. L’ARC considère que les renseignements figurant dans les lettres de clarification et les réponses envoyées par les médecins sont de nature médicale plutôt que fiscale et qu’il est par conséquent inopportun de les divulguer aux représentants autorisés.

 

[25]        Le traitement injuste attribué à l’ARC n’est pas un motif valable pour accorder la déduction demandée par Mme Ridout (Ereiser c La Reine, 2013 CAF 20, au paragraphe 31). Par conséquent, bien qu’il s’agisse d’une allégation grave, il ne convient pas que je me prononce à ce sujet.

 

[26]        Selon moi, la déduction des frais acquittés par Mme Ridout n’est pas autorisée par l’alinéa 60o) de la Loi et l’appel devrait donc être rejeté.

 

[27]        Chaque partie assumera ses propres dépens.

 

 

       Signé à Toronto (Ontario), ce 20e jour d’août 2013.

 

« J. M. Woods »

Juge Woods

 

Traduction certifiée conforme

ce 11e jour de septembre 2013.

 

S. Tasset

 


RÉFÉRENCE :                                 2013 CCI 260

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :    2012-4452(IT)I

 

INTITULÉ :                                      TRACEY RIDOUT et

                                                          SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 17 juin 2013 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :             L’honorable juge J.M. Woods

 

DATE DU JUGEMENT :                 Le 20 août 2013

 

COMPARUTIONS :

 

Représentant de l’appelante :

M. Michael F. Campagne

 

Avocat de l’intimée :

Me Kristian DeJong

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

 

                          Nom :                     s.o.

 

                            Cabinet :              

 

       Pour l’intimée :                          William F. Pentney

                                                          Sous‑procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Ontario

 

 

 

 

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