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Dossier : 2015-5635(IT)G

ENTRE :

CO2 SOLUTION TECHNOLOGIES INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

Appel entendu les 20, 21 et 22 novembre 2018,
à Québec (Québec).

Devant : L'honorable juge Guy R. Smith


Comparutions :

Avocat de l'appelante :

Me Julie Gaudreault-Martel

Me Lauzanne Bernard Normand

Avocat de l'intimée :

Me Anne Poirier

Me Simon Petit

 

JUGEMENT

L’appel à l’encontre de la cotisation en date du 31 décembre 2012, établie par le ministre du Revenu national en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu, réduisant à néant le crédit d’impôt à l’investissement remboursable réclamé par l’appelante pour l’année d’imposition 2009, est rejeté, avec dépens en faveur de l’intimée, conformément aux motifs de jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 20e jour de décembre 2019.

«Guy R. Smith»

Smith J.


Référence : 2019 CCI 286

Date : 20191220

Dossier : 2015-5635(IT)G

ENTRE :

CO2 SOLUTION TECHNOLOGIES INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Smith J.

I. Contexte

[1]  CO2 Solution Technologies inc. (ci-après « CO2 Technologies » ou « l’appelante ») a réclamé des dépenses admissibles de recherche scientifique et de développement expérimental (« RS&DE ») en vertu du paragraphe 127(9) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, c. 1 (5e suppl.) (« LIR ») en indiquant qu’elle était une « société privée sous le contrôle canadien » (ci-après « SPCC »).

[2]  La LIR prévoit un régime de dépenses admissibles de RS&DE qui donnent généralement droit à un crédit d’impôt à l’investissement (ci-après « CII ») de 20%. Cependant, si la société est une SPCC, tel que définie, le paragraphe 127(10.1) prévoit une majoration de 15% du CII et le paragraphe 127.1(1) prévoit ensuite un CII remboursable (ci-après « CII remboursable ») de 35% pour une « société admissible », soit une société qui est une SPCC au sens du paragraphe 125(7).

[3]  Le ministre du Revenu national (le « ministre ») a établi une cotisation pour l’année d’imposition 2009, fixant le CII remboursable de l’appelante à néant, sur la base qu’elle n’était pas une SPCC, étant contrôlée, directement ou indirectement, par une société publique, soit CO2 Solutions inc. (« CO2 Publique » ou « la société publique ») et conséquemment, qu’elle n’avait pas droit à la majoration du CII ni au CII remboursable en vertu du paragraphe 127.1(1) de la LIR.

[4]  Sauf indication contraire, tous les renvois aux dispositions législatives dans les présents motifs sont des renvois aux dispositions législatives de la LIR qui concernent la cotisation et l’année d’imposition en question.

II. Question en litige

[5]  La question en litige est de savoir si l’appelante avait droit au CII remboursable à titre de SPCC ou si, selon les prétentions du ministre, elle était une « société contrôlée, directement ou indirectement, de quelque manière que ce soit (…) par une ou plusieurs sociétés publiques » au sens de l’alinéa 125(7)(a).

[6]  Dans l’alternative, la Cour doit déterminer si la société publique était réputée avoir le contrôle de droit en vertu du sous-alinéa 251(5)(b)(i).

III. Sommaire des faits

[7]  Les parties ont déposé une entente partielle (« l’entente partielle ») résumant l’ensemble des faits pertinents, laquelle est jointe comme Annexe A.

[8]  Je vais néanmoins faire un survol des faits pertinents en ajoutant que la Cour a aussi entendu plusieurs témoins pour le compte de l’appelante.

[9]  CO2 Publique est constituée comme société par actions en 1997. Il s’agit d’une société de haute technologie œuvrant « dans le domaine du captage et de la gestion du gaz carbonique ». Elle réclame des CII remboursables en lien avec ses activités de RS&DE mais cesse d’en réclamer lorsqu’elle devient publique en 2004.

[10]  Au cours de l’année 2005, CO2 Publique établie la structure suivante.

Annexe A – l’entente partielle

[11]  Le 20 juin 2005, la société 9157-4400 Québec inc. (« 4400 ») est constituée comme filiale en propriété exclusive de CO2 Publique et les sociétés 9157‑4426 Québec inc. (« 4426 ») et 9157‑4475 Québec inc. (« 4475 ») sont constituées comme filiales en propriété exclusive de 4400.

[12]  La société CO2 Technologies est aussi constituée le 20 juin 2005.

[13]  Le 4 juillet 2005, 4400 constitue la Fiducie Financière CO2 Solution (« Fiducie CO2 ») et l’acte constitutif de la fiducie prévoit que les bénéficiaires du capital sont 4400, 4426 et 4475 et les bénéficiaires du revenu sont 4426, 4475 et CO2 Technologies.

[14]  Les administrateurs de CO2 Publique sont administrateurs de 4400, 4426, 4475 et de l’appelante. Ils sont aussi fiduciaires de Fiducie CO2. Selon l’acte constitutif de la fiducie (« l’acte de fiducie »), il est une condition essentielle que chaque fiduciaire doit aussi être un administrateur de CO2 Publique. Pour l’année d’imposition en question, il est admis que les administrateurs de ces entités étaient essentiellement les mêmes personnes.

[15]  Fiducie CO2 souscrit à des actions de 4426 et à des actions de CO2 Technologies. À toute époque pertinente au présent litige, Fiducie CO2 est l’unique actionnaire de CO2 Technologies et elle seule peut élire ses administrateurs.

La cession des éléments d’actifs de RS&DE à l’appelante

[16]  CO2 Publique fait ensuite la cession de tous ses éléments d’actifs en lien avec ses activités de RS&DE (para. 18 de l’entente partielle) de même que les contrats d’emploi des employés impliqués directement dans ces activités, à CO2 Technologies et conclut une entente de location ou de sous-location de certains biens meubles et d’un espace commercial. Il n’y a pas de déménagement.

[17]  En contrepartie de cette cession, CO2 Technologies émet 305 000 actions ayant une juste valeur marchande et un capital versé de 305 000 $ à CO2 Publique. Le même jour, CO2 Technologies rachète ces actions pour la somme de 305 000 $.

La convention de recherche de RS&DE

[18]  CO2 Publique et CO2 Technologies conviennent ensuite une convention de recherche et développement (« la convention de recherche ») relatif « à la gestion, la séquestration, l’élimination et le recyclage du gaz à effet de serre » (para. 22 de l’entente partielle). En contrepartie, CO2 Publique s’engage à verser une compensation financière égale à i) 10 % des revenus découlant de la vente et de la commercialisation des résultats obtenus par CO2 Technologies et ii) 25 % de tout revenu découlant de l’octroi de licences pour l’utilisation des résultats obtenus par CO2 Technologies. Les parties s’entendent que CO2 Publique allait demeurer « propriétaire de la propriété intellectuelle ainsi développée » (para 24).

Le financement de l’appelante et de ses opérations

[19]  Le 4 juillet 2005, CO2 Publique souscrit à 500 000 actions de 4400 pour une contrepartie de 500 000 $ et celle‑ci verse ce même montant à 4426 à titre de contribution appliquée à son surplus d’apport. 4426 déclare ensuite un dividende du même montant sur les actions détenues par Fiducie CO2. Cette dernière acquiert des actions de l’appelante pour une contrepartie totale de 500 000 $. Une partie de ce montant, soit la somme de 305 000 $, sert au rachat des actions de CO2 Publique, tel qu’expliqué ci‑haut.

[20]  Suite à la réorganisation, CO2 Publique souscrit à trois reprises entre 2005 et 2008 à des actions de 4400 pour une contrepartie de 3 500 000 $ (dont 2 000 000 $ pendant l’année fiscal 2009). Cette dernière verse ensuite le montant reçu comme contribution à 4426 qui déclare un dividende du même montant sur les actions détenues par Fiducie CO2 qui avance ensuite les montants reçus à CO2 Technologies moyennant un billet à ordre sans intérêt.

Les témoignages

[21]  Comme indiqué ci-haut, la Cour a entendu le témoignage de plusieurs personnes, dont celui de Mme Linda Parent, directrice financière de CO2 Publique. Suite à la réorganisation en juin 2005, elle s’occupe de la gestion administrative des filiales et de l’appelante. Elle mentionne qu’environ 16 de 19 employés sont transférés à l’appelante suite à la réorganisation. Elle ajoute que l’appelante n’a jamais reçu de redevance en vertu du contrat de recherche et notamment qu’elle n’a généré aucun revenu en 2009.

[22]  Je retiens de son témoignage et de l’ensemble des autres témoignages que l’intention était que l’appelante aurait une certaine autonomie opérationnelle et économique. Elle avait une comptabilité distincte, mais elle payait des frais de gestion et d’administration de 10 % à CO2 Publique. Elle pouvait entretenir des relations d’affaires avec des tiers, autres que CO2 Publique, ce qu’elle a fait à quelques reprises.

IV. Prétentions des parties

(a) Prétentions de l’appelante

[23]  L’appelante prétend qu’elle est une SPCC depuis la date de sa constitution et que le contrôle de droit a toujours été exercé par Fiducie CO2. Elle maintient que CO2 Publique n’a jamais exercé un contrôle direct ou indirect de quelque manière que ce soit, aux fins de la LIR.

[24]  L’appelante maintient que l’analyse de cette question doit se faire en fonction de l’ensemble des années pendant laquelle elle a exploité l’entreprise, soit de 2005 à 2012. Elle reconnaît qu’elle était une entreprise en démarrage, qu’elle a reçu du financement de plusieurs sources, dont les filiales de CO2 Publique, mais elle maintient que la gestion de ses affaires et son conseil d’administration était autonome et distinct de CO2 Publique sur le plan opérationnel. Elle avait son propre compte de banque, sa comptabilité, ses états financiers et ainsi de suite.

[25]  S’il y avait un lien quelconque entre l’appelante et CO2 Publique, c’est qu’il s’agissait d’un partenariat qui relevait du contrat de recherche et du fait que cette dernière avait retenu la propriété intellectuelle. C’est en raison de ceci que le nom de l’appelante figurait dans les états financiers consolidés de la société publique. Mais il s’agissait essentiellement d’un partenariat d’affaires. Même si les membres du conseil d’administration étaient les mêmes, ces derniers avaient une compréhension de leurs fonctions et opéraient pour le compte de l’appelante de façon autonome et indépendante. Il n’y avait donc pas de contrôle de fait.

[26]  Quant à l’argument alternatif de l’intimée, l’appelante prétend que la présomption de droit en vertu du sous‑alinéa 251(5)b)(i) ne s’applique pas à la présente situation de sorte qu’elle n’est pas réputée être contrôlée par CO2 Publique.

(b) Prétentions de l’intimée

[27]  L’intimée prétend que CO2 Publique a créé la structure en question, après qu’elle est devenue publique, dans le but de contourner les restrictions de la LIR qui l’empêchaient de profiter du régime de CII plus avantageux pour les SPCC.

[28]  En dépit de la réorganisation, l’intimée maintient que l’appelante n’était pas une SPCC puisqu’elle était « contrôlée, directement ou indirectement, de quelque manière que ce soit » par « une ou plusieurs sociétés publiques » au sens de l’alinéa 125(7)(a). De plus, en vertu du paragraphe 256(5.1), CO2 Publique avait le contrôle de fait, étant une « entité dominante » qui avait « une influence directe ou indirecte dont l’exercice entraînerait le contrôle de fait » de l’appelante.

[29]  Tout en concédant que le contrôle opérationnel ou économique n’est pas pertinent à cette analyse en vertu de la jurisprudence applicable à cette époque, l’intimée maintient que CO2 Publique avait le contrôle de fait de l’appelante, en vertu de l’acte de fiducie et du contrat de recherche. L’intimée ajoute qu’en vertu des statuts constitutifs de l’appelante, seules les filiales de CO2 Publique ou des entités reliées pouvaient en être actionnaire. L’appelante ne pouvait émettre des actions à une tierce partie non reliée à la société publique.

[30]  Dans l’alternative, l’intimée affirme que CO2 Publique est réputée avoir le contrôle de droit en raison de l’application de la présomption au sous‑alinéa 251(5)(b)(i) de la LIR qui créé une fiction juridique selon laquelle chacune de ses filiales aurait « en vertu d’un contrat, en equity ou autrement (…) un droit, immédiat ou futur, conditionnel ou non » aux actions du capital-actions de l’appelante. En vertu de cette disposition, ils sont réputés, pour les fins du contrôle, être dans la même position que s’ils en étaient propriétaire. Et même s’il s’agit ici d’une fiducie discrétionnaire, le paragraphe 248(25) prévoit une définition parallèle pour les personnes ayant « un droit de bénéficiaire » en ajoutant « soumis ou non à l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire ».

[31]  Finalement, l’intimée précise que l’analyse du statut de l’appelante à titre de SPCC doit se faire d’une année à l’autre, et donc en l’espèce pour l’année d’imposition 2009. Il en découle de ceci qu’il n’est pas pertinent pour la Cour d’analyser les faits qui surviennent avant ou après l’année en cause.

V. Encadrement législatif et jurisprudence

[32]  Il est admis que CO2 publique était une « société publique » et que l’appelante était une « société canadienne » et une « société privée » selon la définition de ces expressions prévues au paragraphe 89(1) de la LIR. Cependant, il est nécessaire de déterminer si l’appelant avait le statut de SPCC.

[33]  Le paragraphe 248(1) de la LIR indique que la définition de « société privée sous contrôle canadien » est prévue au paragraphe 125(7), qui se lit comme suit :

125(7) - Les définitions qui suivent s'appliquent au présent article.

[...]

« société privée sous contrôle canadien » Société privée qui est une société canadienne, à l'exception des sociétés suivantes:

125(7) - The definitions in this subsection apply in this section.

[...]

“Canadian-controlled private corporation” means a private corporation that is a Canadian corporation other than:

a) la société contrôlée, directement ou indirectement, de quelque manière que ce soit, par une ou plusieurs personnes non résidentes, par une ou plusieurs sociétés publiques (sauf une société à capital de risque visée par règlement), par une ou plusieurs sociétés visées à l'alinéa c) ou par une combinaison de ces personnes ou sociétés;

[…]

(a) a corporation controlled, directly or indirectly in any manner whatever, by one or more non-resident persons, by one or more public corporations (other than a prescribed venture capital corporation), by one or more corporations described in paragraph (c), or by any combination of them;

[…]

 [Mon soulignement.]

(i) Le contrôle de droit (ou de juré)

[34]  Étant donné l’utilisation de l’expression « société contrôlée », il y a lieu, dans un premier temps, de revoir la notion de contrôle de droit qui a été établi dans l’affaire Buckerfield’s Limited et al. c. MNR, 64 DTC 5301, (1964) CTC 504 (C. de l’Échiquier ») (« Buckerfield’s ») ou la Cour a indiqué qu’il s’agissait de savoir si un actionnaire avait le « contrôle effectif » des affaires de la société en raison de son droit de propriété d’un nombre suffisant d’actions donnant droit à la majorité des voix pour l’élection du conseil d’administration (p. 507).

[35]  La notion de « contrôle effectif » a par la suite été confirmée par la Cour suprême du Canada dans la décision de Duha Printers (Western) Ltd. c. La Reine, [1998] 1 R.C.S. 795, 98 DTC 6334, (1998) 3 CTC 303 (« Duha Printers »), ou la Cour a indiqué qu’il fallait tenir compte des actes régissant la société, du registre des actionnaires, de toute limite particulière ou exceptionnelle touchant le pouvoir de l’actionnaire majoritaire de contrôler l’élection du conseil d’administration ou le pouvoir du conseil d’administration de gérer l’entreprise et les affaires de la société par le biais, notamment des actes constitutifs ou d’une convention unanime des actionnaires. Le juge Iacobucci a précisé que les documents externes, autres que le registre des actionnaires, les actes constitutifs et les conventions unanimes des actionnaires, ne doivent généralement pas être pris en considération pour la question du contrôle de droit (para 85).

(ii) Le contrôle de fait (ou de facto)

[36]  La notion d’un de contrôle de fait a été introduite dans la LIR suite à l’ajout en 1988 du paragraphe 256(5.1), qui se lit comme suit :

[…]

256(5.1) - Pour l’application de la présente loi, lorsque l’expression « contrôlée, directement ou indirectement, de quelque manière que ce soit, » est utilisée, une société est considérée comme ainsi contrôlée par une autre société, une personne ou un groupe de personnes — appelé « entité dominante » au présent paragraphe — à un moment donné si, à ce moment, l’entité dominante a une influence directe ou indirecte dont l’exercice entraînerait le contrôle de fait de la société (…)

[…]

256(5.1) - For the purposes of this Act, where the expression “controlled, directly or indirectly in any manner whatever,” is used, a corporation shall be considered to be so controlled by another corporation, person or group of persons (in this subsection referred to as the “controller”) at any time where, at that time, the controller has any direct or indirect influence that, if exercised, would result in control in fact of the corporation (…)

 [Mon soulignement.]

[37]  Dans la décision de Silicon Graphics Ltd. c. La Reine, 2002 CAF 260 (« Silicon Graphics »), la Cour d’appel fédérale devait décider si les actionnaires non-résidents avaient le contrôle de droit de la société. Ayant conclu que la preuve était insuffisante à cet égard, la Cour s’est ensuite demandé si « une ou plusieurs personnes non résidentes avaient une influence directe ou indirecte qui, si elle était exercée, aurait entrainé le contrôle de fait au cours des années » (para 62). La Cour a conclu ce qui suit :

67. (…) je suis d'avis que pour que l'on puisse conclure à un contrôle de fait, une personne ou un groupe de personnes doivent avoir le droit et la capacité manifestes de procéder à une modification importante du conseil d'administration ou des pouvoirs du conseil ou d'influencer d'une façon très directe les actionnaires qui auraient autrement la capacité de choisir le conseil d'administration. 

[Mon soulignement.]

[38]  Par la suite, la Cour d’appel fédérale a tenté de résumer la tendance jurisprudentielle de l’époque dans Transport M.L. Couture c. La Reine, 2004 CAF 23 (« Transport M.L. »), citant le juge de première instance qui a expliqué qu’en « l’absence de disposition législative, les tribunaux ont conclu au cours des années que seul le contrôle de juré (p. ex. le pouvoir d’élire la majorité des administrateurs d’une société) était déterminant » (para 12) et que :

[14] (…) c'est dans le but d'incorporer à la loi la notion de contrôle de facto, de pair avec la notion de contrôle de jure, que le paragraphe 256(5.1) fut adopté en 1988. Afin d'éviter tout conflit entre ces deux notions, la loi précise maintenant au sous-alinéa 256(1.2)b)ii) qu'une société peut être contrôlée par une personne même si une autre la contrôle aussi ou est réputée contrôler aussi la société. Ainsi, Transport Couture pouvait exercer un contrôle de fait sur ML1 et ML2 même si le contrôle de jure résidait ailleurs.

[39]  La Cour a ensuite conclu ce qui suit :

[24] Il n'est pas possible d'énumérer tous les facteurs qui peuvent être utiles afin de déterminer si une société est ou non assujettie à un contrôle de fait (Duha Printers, 1998 CanLII 827 (CSC), [1998] 1 RCS 795, paragraphe [38]). Cependant, quels que soient les facteurs retenus, ils doivent démontrer qu'une personne ou un groupe de personnes possède la capacité manifeste de modifier le Conseil d'administration de la société visée ou d'influencer de façon très directe les actionnaires qui auraient autrement la capacité de choisir le Conseil d'administration (Silicon Graphics, [2002] C.A.F. 260, paragraphe [67]). En d'autres mots, la preuve doit démontrer que le pouvoir décisionnel de la société visée réside dans les faits ailleurs qu'entre les mains de ceux qui possèdent le contrôle de jure.

[Mon soulignement.]

[40]  La question des « facteurs » qui doivent être analysés pour déterminer si une société est ou non « assujettie à un contrôle de fait » a été traitée dans la décision de notre Cour dans Lyrtech RD inc. c. La Reine, 2013 CCI 12 (« Lyrtech ») ou une société publique avait cédé ses activités de RS&DE à l’appelante et l’actionnaire unique de cette dernière était une fiducie dont les fiduciaires étaient également administrateurs de la société publique.

[41]  Les faits dans Lyrtech étaient donc très semblables à la présente instance. La Cour a conclu qu’il existait un contrôle de fait entre la société publique et l’appelante qui cherchait à bénéficier des avantages reliés au statut de SPCC. Le juge Favreau s’est notamment fondé sur un ensemble de facteurs qui, selon lui, démontraient que la société publique pouvait influencer les activités de l’appelante au-delà de son pouvoir à modifier la composition de son conseil d’administration, dont i) le fait que la charge de fiduciaire devait obligatoirement être occupée par un administrateur de la société publique; ii) les deux individus qui étaient administrateur de l’appelante et fiduciaire étaient également des dirigeants importants de la société publique et iii) l’appelante était économiquement dépendante de la société publique, surtout en raison du fait que l’appelante était rémunérée sur la base des ventes et non du travail effectué, que ses opérations étaient largement déficitaires et financés par la société publique.

[42]  Ainsi, la Cour a conclu que les activités de la société appelante étaient entièrement intégrées dans la société publique et qu’elle ne bénéficiait d’aucune autonomie sur le plan opérationnel ou financier.

[43]  La décision Lyrtech a été confirmée en appel et la Cour d’appel fédérale a émis les commentaires suivants concernant le moment où l’analyse du contrôle de fait devait être effectuée : Lyrtech RD.inc. c. La Reine, 2014 CAF 267 :

42.   Ce qui est pertinent aux fins des crédits pour R&D, c'est qu'il y ait existé une dépendance économique ou contrôle de fait au cours des années d'imposition en litige. Il n'est pas pertinent que l'Appelante ait eu l'intention d'assurer éventuellement son autonomie financière, mais bien qu'elle ait été autonome au cours des années en cause, à défaut de quoi elle ne pouvait avoir droit aux crédits.

[44]  Par la suite, dans la décision Solutions Mindready R&D Inc. c. La Reine, 2015 CCI 17 (« Solutions Mindready ») [1] , le juge Favreau devait revoir une situation quasi identique à Lyrtech ou une firme de comptable avait recommandé une structure « pour qualifier l’appelante comme » SPCC. Il a conclu ce qui suit :

[35]  Suite aux décisions rendues par cette Cour et par la Cour d’appel fédérale dans Mimetix Pharmaceuticals Inc. c. Canada, [2001] A.C.I. no 749 (juge Lamarre) confirmé par la Cour d’appel fédérale, 2003 CAF 106; Plomberie J.C. Langlois Inc. c. Canada, 2004 CCI 734 (juge Lamarre-Proulx) confirmée par la Cour d’appel fédérale, 2006 CAF 113; L.D.G. 2000 Inc. c. Canada, [2002] A.C.I. no 659 (juge Angers) et plus récemment dans Lyrtech RD Inc. c. La Reine, 2013 CCI 12, confirmées par la Cour d’appel fédérale, 2014 CAF 267, il est maintenant bien établi que la détermination de l’influence requise pour qu’une société soit considérée comme étant contrôlée par une autre société requiert l’examen des décisions opérationnelles et économiques de la société en question. Une forme d’influence économique déterminante permettant à une société d’être en position d’imposer sa volonté sur la gestion des affaires d’une autre société est suffisante pour constituer un contrôle de fait.

[Mon soulignement.]

[45]  Par la suite, la décision de cette Cour dans McGillivray Restaurants c. La Reine, 2014 CCI 257 (« McGillivray ») [2] a été porté en appel devant la Cour d’appel fédérale (2016 CAF 99), laquelle a résumé la décision de première instance :

[16]  Le juge a déterminé qu'il existait deux interprétations différentes du paragraphe 256(5.1). Il a conclu que la décision de la Cour dans l'arrêt Silicon Graphics Ltd. c. Canada, 2002 CAF 260 (CanLII), [2003] 1 C.F. 447 (Silicon Graphics), offrait une interprétation restrictive en vertu de laquelle une personne ne serait considérée comme exerçant un contrôle de fait que si elle avait le droit et la capacité manifeste de procéder à une modification importante du conseil d'administration ou des pouvoirs du conseil ou d'influencer d'une façon très directe les actionnaires qui auraient la capacité de choisir le conseil d'administration.

[17]  En revanche, il a conclu que les décisions de la Cour dans les arrêts Mimetix Pharmaceuticals Inc. c. La Reine, 2003 CAF 106 (CanLII) (Mimetix Pharmaceuticals), et Plomberie J.C. Langlois inc. c. La Reine, 2006 CAF 113 (CanLII) (Plomberie J.C. Langlois), ont élargi le critère énoncé dans l'arrêt Silicon Graphics. Il a ainsi conclu que le critère l'amenait à ne pas tenir compte uniquement du droit et de la possibilité d'influencer la composition ou les pouvoirs du conseil d'administration et à prendre en considération des sources d'influence plus générales pour déterminer qui, en réalité, exerce un contrôle réel sur les activités et les destinées de la société en question.

[46]  Ainsi, tout comme dans la décision Lyrtech, le juge Boyle avait conclu qu’il devait tenir compte « des sources d’influence plus générales » pour s'attaquer à la question de contrôle de fait. Mais la Cour d‘appel fédérale n’était pas d’accord indiquant ce qui suit :

43.  Dans l'arrêt Lyrtech, la Cour a affirmé que le critère qui s'applique au contrôle de fait est celui de l'arrêt Silicon Graphics […]. L'arrêt Lyrtech ne peut pas, selon moi, être interprété comme ayant déterminé que le critère étroit de l'arrêt Silicon Graphics était manifestement erroné et qu'on ne devrait pas le suivre. Si l'arrêt Lyrtech peut être interprété comme ayant répudié le critère de l'arrêt Silicon Graphics, on ne devrait pas le suivre.

[47]  La Cour d’appel fédérale était donc d’avis que le critère développé dans l’arrêt Silicon n’avait pas été assoupli. Elle a conclu au paragraphe 45 : « Par conséquent, je confirme que le critère étroit énoncé au paragraphe 67 de l’arrêt Silicon Graphics est correct et n’a pas été infirmé par la Cour. »

[48]  Ayant fait ces observations, le juge Ryer a conclu qu’une entente orale entre deux conjoints, accordant à l’un d’eux le droit « de choisir les administrateurs de la contribuable constituait le genre d’influence visé par le paragraphe 256(5.1), tel que l’a interprété la Cour dans l’arrêt Silicon Graphics » (para. 57).

[49]  La décision McGillivray a ensuite été appliquée pour la première fois par notre Cour dans l’affaire Aeronautic Development Corp. c. La Reine, 2017 CCI 39 (« Aeronautic ») ou le juge Hogan s’est exprimé en ces mots :

46  Pour que le juge puisse conclure que l'entité dominante exerce le contrôle de fait, je crois qu'il doit ressortir des preuves que cette entité a la capacité d'influencer l'intérêt économique des actionnaires ayant un droit de vote, et ce, d'une manière qui lui permet de leur imposer sa volonté, si elle décide de le faire. Les preuves doivent mettre le juge en mesure de déterminer s'il serait peu vraisemblable que les actionnaires exercent leurs droits de vote indépendamment des souhaits de l'entité dominante.

[50]  À propos de l’entente de mise au point, le juge Hogan a souligné que les « conditions de l'entente de mise au point étaient dictées par M. Silva qui contrôlait les deux parties au moment de la conclusion de l'entente. Les conditions de l'entente de mise au point me paraissent inégales. » (para 50), Il a ajouté que cette entente était la seule source de revenus de l’Appelante.

[51]  Bien que la décision de première instance ait été confirmée par la Cour d’appel fédérale, cette dernière, sous la plume de la juge Gleason, a critiqué la manière dont l’arrêt McGillivray a été appliqué en première instance :

48.  En me penchant dans un premier temps sur les erreurs de droit alléguées, je suis d'accord avec ADC pour dire que la Cour canadienne de l'impôt a commis une erreur dans son interprétation du paragraphe 256(5.1) de la LIR des deux façons avancées par ADC.

49.  Comme cela fut déjà mentionné, dans l'arrêt McGillivray, qui est l'arrêt le plus récent sur la question, la Cour a conclu que le contrôle de l'exploitation n'est pas suffisant pour établir le contrôle de fait au sens du paragraphe 256(5.1) de la LIR et que le contrôle de fait doit plutôt découler d'une ou de plusieurs conventions juridiquement contraignantes. Il ne fait aucun doute que l'entente de mise au point constitue une telle convention.

50.  Toutefois, en l'espèce, la Cour canadienne de l'impôt est allée bien au-delà des modalités de l'entente de mise au point lorsqu'elle a examiné les circonstances qui ont donné lieu au contrôle de fait. Elle a examiné des questions comme la situation financière d'ADC, la dépendance des autres actionnaires à l'égard de la viabilité d'ADC et les observations faites par M. Silva dans les bulletins portant sur l'intégration d'ADC à ses autres sociétés. Bien que ces facteurs révèlent l'existence d'un contrôle de l'exploitation, ils ne découlent pas d'une convention juridique contraignante. J'en conclus donc que la Cour canadienne de l'impôt a commis une erreur en basant sa décision liée au contrôle de fait en partie sur des facteurs qui ont été jugés non pertinents pour l'application du paragraphe 256(5.1) de la LIR dans l'arrêt McGillivray.

[Mon soulignement.]

[52]  Ainsi, la Cour d’appel fédérale a réitéré que les facteurs à considérer doivent découler d’une ou de plusieurs ententes juridiquement contraignantes, confirmant à nouveau que le critère pour analyser le contrôle de fait est étroit. Cependant, la décision de première instance est confirmée :

52  Malgré ces deux erreurs, je ne vois aucune raison de modifier la décision rendue par la Cour canadienne de l'impôt, car ces erreurs sont sans conséquence en ce qui concerne le résultat. Comme on l'a déjà mentionné, et comme ADC l'a reconnu, l'entente de mise au point constitue une convention juridiquement contraignante permettant d'établir un contrôle de fait aux termes du paragraphe 256(5.1) de la LIR dans les circonstances de l'espèce.

[Mon soulignement.]

(iii) Le contrôle de droit réputé

[53]  Tel qu’indiqué ci-haut, l’intimée prétend dans l’alternative que CO2 Publique est réputée avoir le contrôle de droit de l’appelante en raison du sous-alinéa 251(5)b)(i) et de la définition de « droit de bénéficiaire » au paragraphe 248(25) de la LIR. Ces dispositions prévoient ce qui suit :

251(5) - Pour l’application du paragraphe (2) et de la définition de société privée sous contrôle canadien au paragraphe 125(7):

[…]

251(5) - For the purposes of subsection 251(2) and the definition Canadian-controlled private corporation in subsection 125(7) :

[…]

b) la personne qui, à un moment donné, en vertu d’un contrat, en equity ou autrement, a un droit, immédiat ou futur, conditionnel ou non :

(i) à des actions du capital-actions d’une société ou de les acquérir ou d’en contrôler les droits de vote, est réputée occuper la même position relativement au contrôle de la société que si elle était propriétaire des actions à ce moment, sauf si le droit ne peut être exercé à ce moment du fait que son exercice est conditionnel au décès, à la faillite ou à l’invalidité permanente d’un particulier

[…]

(b) where at any time a person has a right under a contract, in equity or otherwise, either immediately or in the future and either absolutely or contingently:

(i) to, or to acquire, shares of the capital stock of a corporation or to control the voting rights of such shares, the person shall, except where the right is not exercisable at that time because the exercise thereof is contingent on the death, bankruptcy or permanent disability of an individual, be deemed to have the same position in relation to the control of the corporation as if the person owned the shares at that time

[…]

 

248(25) Les règles suivantes s’appliquent dans le cadre de la présente loi :

a) comptent parmi les personnes ou sociétés de personnes ayant un droit de bénéficiaire dans une fiducie donnée celles qui ont le droit — immédiat ou futur, conditionnel ou non, ou soumis ou non à l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire par une personne ou une société de personnes — à titre de bénéficiaire d’une fiducie de recevoir tout ou partie du revenu ou du capital de la fiducie donnée, soit directement de celle-ci, soit indirectement par l’entremise d’une ou de plusieurs fiducies ou sociétés de personnes;

248(25) For the purposes of this Act,

(a) a person or partnership beneficially interested in a particular trust includes any person or partnership that has any right (whether immediate or future, whether absolute or contingent or whether conditional on or subject to the exercise of any discretion by any person or partnership) as a beneficiary under a trust to receive any of the income or capital of the particular trust either directly from the particular trust or indirectly through one or more trusts or partnerships;

[54]  Ces dispositions se situent dans la Partie XVII de la LIR intitulée « Interprétation » et donc, à moins d’indication contraire, la Cour doit conclure qu’ils sont d’application générale. Ils ont été revus par la Cour d’appel fédérale dans la décision Propep Inc. c. Canada, 2009 CAF 274 (« Propep ») ou la juge Lamarre (tel était alors son titre) de cette Cour devait déterminer si des compagnies étaient reliées pour les fins de la « déduction des petites entreprises » prévue au paragraphe 125(1) de la LIR. Il suffit d’indiquer que dans cette instance, la totalité des actions votantes du capital-actions de l’appelante était la propriété d’une autre société dont les actions étaient détenues par une fiducie. La juge Lamarrre a conclu que les sociétés n’étaient pas associées puisque, selon son interprétation de l’acte de fiducie, le droit du deuxième bénéficiaire du capital et du revenu « était conditionnel à ce que » le premier bénéficiaire « soit liquidé » (para 9), soit « une condition suspensive non réalisée » (para 15), et donc que le sous‑alinéa 256(1.2)f)(ii) n’avait pas d’application. Cette disposition prévoit ce qui suit :

Précisions sur les notions de contrôle et de propriété des actions

256 (1.2) - Pour l’application du présent paragraphe et des paragraphes (1), (1.1) et (1.3) à (5):

(…)

f) les actions du capital-actions d’une société dont une fiducie est à un moment donné propriétaire ou réputée propriétaire en application du présent paragraphe :

(i) [Abrogé, 2014, ch. 39, art. 76]

(ii) sont réputées être la propriété à ce moment de chaque bénéficiaire dont la part sur le revenu ou le capital accumulés de la fiducie est conditionnelle au fait qu’une personne exerce ou n’exerce pas un pouvoir discrétionnaire,

For the purposes of this subsection and subsections 256(1), 256(1.1) and 256(1.3) to 256(5),

(…)

(f) where shares of the capital stock of a corporation are owned, or deemed by this subsection to be owned, at any time by a trust,

(i) [Repealed, 2014, c. 39, s. 76]

(ii) where a beneficiary’s share of the accumulating income or capital therefrom depends on the exercise by any person of, or the failure by any person to exercise, any discretionary power, those shares are deemed to be owned at that time by the beneficiary,

 [Mon soulignement.]

[55]  La juge Cour d’appel fédérale n’était pas d’accord, indiquant qu’il était nécessaire « d’identifier les effets juridiques qui se dégagent de l’acte de fiducie selon son libellé et les circonstances entourant sa signature. » (para 14) et que même si s’agissait d’un « condition suspensive non réalisée », les fiduciaires avaient toute même la discrétion d’avantager le bénéficiaire de sorte que, en vertu du sous‑alinéa 256(1.2)f)(ii), les actions en question étaient réputées être la propriété du bénéficiaire en question.

[56]  La Cour a conclu que de toute façon, « le doit de participer au revenu d’une fiducie, même lorsqu’assujettie à une condition, est considéré comme étant absolu » (para 20), en vertu de la définition de « participation de revenu » au paragraphe 108(1) de la LIR et de plus, en vertu du paragraphe 248(25) cité ci-haut, qui est d’application générale et qui prévoit notamment qu’un « contribuable est réputé avoir un droit de bénéficiaire » lorsqu’il a le droit de recevoir le revenu ou le capital d’une fiducie, que ce droit soit « conditionnel ou non ». (para 22). La juge de première était d’avis que l’expression « droit de bénéficiaire » ne s’appliquait pas, étant donné qu’elle ne figurait pas dans l’une ou l’autre des dispositions qui traitent de sociétés associées. Mais la Cour d’appel fédérale n’était pas d’accord, indiquant que :

[24]  Avec égards, l’expression « droit de bénéficiaire » n’a pas à être reproduite dans chaque disposition où elle est susceptible de trouver application. Cette notion s’applique chaque fois que la question se pose à savoir si une personne possède, à l’égard d’une fiducie donnée, un « droit de bénéficiaire ». Une personne qui a un droit conditionnel soit au capital ou au revenu d’une fiducie possède aux fins de la Loi un « droit de bénéficiaire ».

[57]  L’appelante dans cette instance s’appuie sur l’analyse de ces dispositions par le juge Favreau dans Lyrtech (2013 CCI 12) ou il a conclu que le droit des bénéficiaires de la fiducie en question était « trop aléatoire, incertain ou indirect pour pouvoir constituer un droit visé par l’alinéa 251(5)(b) » (para. 55), indiquant de plus que :

[56]  Je doute fortement que le législateur ait eu l'intention de faire en sorte que le paragraphe 248(25) s'applique à l'alinéa 251(5)(b) parce que le concept du droit de bénéficiaire a une portée beaucoup trop large et trop floue pour qu'il puisse être appliqué à la notion de contrôle de droit aux fins de la définition de « société privée sous contrôle canadien ».

[58]  Dans l’appel de la décision Lyrtech, la Cour d’appel fédérale n’a pas abordé l’argument subsidiaire portant sur cette question.

VI.  – Analyse et conclusion

[59]  Il y a lieu tout d’abord de préciser que l’analyse du statut d’une SPCC et la notion de contrôle en vertu du paragraphe 256(5.1) doit d’effectuer d’une année à l’autre, étant donné l’expression « à un moment donné si, à ce moment donné (…) » au paragraphe 256(5.1). De même, la définition de « société admissible » prévoit que cette notion s’applique à une société qui est une SPCC « au cours de l’année donnée » et la définition de « société non admissible » prévoit qu’il s’agit « d’une société qui, à ce moment » n’est une SPCC. Donc, je ne suis pas d’accord avec l’appelante que la Cour doit faire l’analyse de l’ensemble de ses opérations de 2005 à 2012. Il s’agit de revoir sa situation pendant l’année d’imposition.

[60]  Pour les fins de la question du contrôle de droit, il est admis que Fiducie CO2 était l’unique actionnaire de l’appelante et donc qu’elle en avait le contrôle de droit. Mais la Cour suprême du Canada nous enseigne dans l’arrêt Duha Printers, en citant Buckerfield’s, qu’il est nécessaire d’aller au-delà du registre des actionnaires ou des administrateurs dans le but d’identifier la personne ou le groupe de personnes ayant le « contrôle effectif » d’une société.

[61]  La Cour suprême précise qu’il est nécessaire de revoir « les actes régissant la société » et notamment « toute limite particulière ou exceptionnelle touchant le pouvoir de l’actionnaire majoritaire de contrôler l’élection du conseil d’administration ». Même si le juge Iacobucci fait une mise en garde concernant les documents dits « externes », il reste que dans cette instance, l’acte de fiducie est l’acte constitutif de la fiducie, soit l’unique actionnaire de l’appelante.

[62]  Fiducie CO2 a été constituée par acte de fiducie établie par 4400, soit une filiale en propriété exclusive de CO2 Publique. La Cour doit conclure, et la preuve testimoniale confirme que cette dernière a conçu, élaboré et dicté les termes et les conditions de ce document, qui prévoyait notamment que les fiduciaires devaient aussi être administrateurs de CO2 Publique. Selon l’entente partielle, il est admis qu’au début de l’année d’imposition en question, les administrateurs de CO2 Publique étaient aussi fiduciaires de Fiducie CO2 en plus d’être administrateur de 4400, 4426 et 4475 et de l’appelante.

[63]  Selon le mécanisme prévu, un changement au niveau du conseil d’administration de CO2 Publique entraînerait, ipso facto, un changement des fiduciaires de la fiducie. Autrement dit, un fiduciaire qui cessait d’être administrateur de CO2 Publique, cessait automatiquement d’être fiduciaire de Fiducie CO2. Il est admis qu’il s’agissait d’une condition essentielle. A mon avis, cela est suffisant et permet à la Cour de conclure que CO2 Publique avait le contrôle effectif et donc le contrôle de droit de l’appelante au sens de Buckerfield’s et Duha Printers. En arrivant à cette conclusion, je n’attache aucune importance au fait que les fiduciaires devaient consentir à cette charge étant donné qu’ils devaient aussi dans le cours normal des choses, consentir à leur nomination à titre d’administrateur de la société publique, de ses filiales et de l’appelante.

[64]  Cependant, l’intimée n’a pas explicitement soulevé cet argument, ayant choisi plutôt de s’appuyer sur la notion plus générale et plus large de contrôle de fait. Tel que l’explique la Cour d’appel fédérale dans Transport M.L. « c'est dans le but d'incorporer à la loi la notion de contrôle de facto, de pair avec la notion de contrôle de jure, que le paragraphe 256(5.1) fut adopté en 1988 ». De plus, tel que le précise la Cour d’appel fédérale dans Lyrtech « le législateur a adopté les paragraphes 256(6.1) et (6.2) pour établir l’existence du concept de contrôle simultané de droit et de contrôle de fait » (para. 22).

[65]  Dans l’analyse du contrôle de fait, même si la Cour fait abstraction dans cette instance des facteurs d’influence au niveau opérationnel et économique qui sont apparent, tel que nous l’enseigne la Cour d’appel fédérale dans McGillivray et Aeronautic, elle doit néanmoins conclure qu’en raison de l’acte de fiducie, l’appelante était « une société contrôlée, directement ou indirectement, de quelque manière que ce soit » par une société publique au sens du paragraphe 256(5.1). Pour citer l’arrêt Silicon Graphics, CO2 Publique avait, en raison de l’acte de fiducie, et par l’entremise de ses filiales, « le droit et la capacité manifeste, d’influencer d’une façon très directe » l’unique actionnaire de l’appelante, soit la Fiducie CO2. La Cour doit conclure que l’entente de fiducie était une « convention juridiquement contraignante », selon l’expression consacrée par la Cour d’appel fédérale dans McGillivray et Aeronautic.

[66]  Tel que l’indique l’intimée, alors que dans la décision McGillivray il était question d’une entente orale entre deux conjoints, dans cette instance il s’agit d’une entente écrite, soit l’acte de fiducie. Tout comme le juge Ryer, la cour doit conclure que ce document constitue « le genre d’influence visé par la paragraphe 256(5.1), tel que l’a interprété la Cour dans Silicon Graphics ».

[67]  De plus, à l’Annexe « C » du certificat de constitution de l’appelante en date du 20 juin 2005, il est prévu que seules certaines entités « peuvent détenir des actions du capital-actions émis et en circulation », soit CO2 Publique ou ses filiales en propriété exclusive ou encore une fiducie ou les bénéficiaires sont CO2 Publiques ou ses filiales en propriété exclusive. Il me semble apparent qu’il s’agit d’un contrat juridiquement contraignant dont l’objet était d’assurer le contrôle de l’appelante par la société publique, au sens du paragraphe 256(5.1).

[68]  Il reste la convention de recherche entre l’appelante et la société publique dont les termes et les conditions auraient aussi été dicté par cette dernière. Tel que l’indique la juge Gleason dans la décision Aeronautic (CAF) « le contrôle de fait doit découler d’une ou de plusieurs conventions juridiquement contraignantes » (para 49) et « l’entente de mise au point constitue une convention juridiquement contraignante permettant d’établir un contrôle de fait aux termes du paragraphe 256(5.1) de la LIR » (para 52). Quoiqu’il est allégué dans cette instance que l’appelante avait une certaine autonomie et qu’elle avait transigé avec des tiers, je ne vois aucune raison de distinguer les faits dans cette instance de Lyrtech ou Solutions Mindready qui étaient quasi-identique ou encore de Aeronautic ou il était aussi question d’une convention de recherche.

[69]  En fin compte, et en raison de ce qui précède, la Cour doit conclure que CO2 Publique était une « entité dominante » qui, pour l’année d’imposition en question, avait « une influence directe ou indirecte dont l’exercice entraînerait le contrôle de fait » de l’appelante au sens du paragraphe 256(5.1).

[70]  Ayant conclu que l’appelante était assujettie au contrôle de fait de la société publique, il n’est pas nécessaire d’aborder l’argument subsidiaire de l’intimée quant au contrôle de droit réputé de l’appelante en vertu du sous-alinéa 251(5)b)(i) ou du droit de bénéficiaire prévu au paragraphe 248(25). Il me semble toutefois que cette Cour aurait été liée par la conclusion de la Cour d’appel fédérale dans la décision Propep.

[71]  La Cour conclut donc que l’appelante n’était pas une SPCC pour l’année d’imposition en question, puisqu’elle était une société contrôlée « directement ou indirectement, de quelque manière que ce soit » par une société publique au sens de l’alinéa 125(7)(a). Cela suffit pour dire qu’elle n’était pas une « société admissible » en vertu du paragraphe 127.1(2) et donc qu’elle n’avait pas droit à la majoration du CII en vertu du paragraphe 127(10.1) ni au CII remboursable en vertu du paragraphe 127.1(1).

[72]  Pour ces motifs, l’appel est rejeté avec dépens en faveur de l’intimée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 20e jour de décembre 2019.

« Guy Smith »

Juge Smith

[1]   Cette décision a été portée en appel, mais il y a eu un désistement et donc la Cour d’appel fédérale ne s’est pas prononcée.

 

2   Suite à cette décision, la loi a été modifiée avec l’introduction dans le budget fédéral de 2017, du nouveau paragraphe 256(5.11) mais son application n’est pas rétroactive pour les fins de ce dossier. Les notes explicatives indiquent que ce nouveau paragraphe « annule les effets d'une décision rendue en 2016 par la Cour d'appel fédérale (McGillivray Restaurant Ltd. c. La Reine), dans laquelle la Cour a conclu que les facteurs qui peuvent être utilisés pour déterminer si une personne a le contrôle de fait se limitent à un droit et à une capacité ayant force exécutoire de procéder à une modification du conseil d'administration ou de ses pouvoirs ou d'influencer les actionnaires qui ont ce droit et cette capacité. » CANADA, ministère des Finances, Le budget de 2017, 22 mars 2017 (« Discours sur le Budget »), Mesures fiscales : Renseignements supplémentaires, p. 29. Tel que l’explique Alain Fournier, « Mise à jour sur le contrôle de fait et le contrôle de droit », Collection APFF – Impôt et taxes, 6 octobre 2017 : « Désormais, les influences qui peuvent s’exercer quant à la nomination du conseil d’administration n’ont pas seulement à tirer leur source d’un droit ayant force exécutoire, mais également de tout autre facteur pouvant être pertinent sans pour autant que cette influence tire sa source d’un droit ayant force légale. Ainsi, divers facteurs d’ordre familial et économique pourront notamment être pris en compte dans la mesure toutefois où ces éléments ne peuvent influencer que la composition du conseil d’administration.»



RÉFÉRENCE :

2019 CCI 286

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :

2015-5635(IT)G

INTITULÉ DE LA CAUSE :

CO2 SOLUTION TECHNOLOGIES INC. c. SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Québec (QC)

DATE DE L’AUDIENCE :

Les 20, 21 et 22 novembre 2018

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

L'honorable juge Guy R. Smith

DATE DU JUGEMENT :

Le 20 décembre 2019

COMPARUTIONS :

Avocat de l'appelant :

Me Julie Gaudreault-Martel

Me Lauzanne Bernard Normand

 

Avocat de l'intimée :

Me Anne Poirier

Me Simon Petit

AVOCATS INSCRIT AU DOSSIER :

Pour l'appelant:

Nom :

Me Julie Gaudreault-Martel

Cabinet :

BCF s.e.n.c.r.l.

Montréal, Québec

Pour l’intimée :

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Ottawa, Canada

 



 

 

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