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Dossier : 2019-2139(GST)I

ENTRE :

AXAMIT VERSA INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LE ROI,

intimé.

 

Appel entendu le 24 octobre 2022, à Montréal (Québec)

Devant : L’honorable juge Jean Marc Gagnon


Comparutions :

Avocate de l’appelante :

Me Claire Ross

Avocat de l’intimé :

Me Julien Vailles

 

JUGEMENT

L’appel interjeté à l’encontre de la nouvelle cotisation établie le 9 mai 2019 en application de la Loi sur la taxe d’accise pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2015 est accueilli, sans frais, conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 15e jour de décembre 2022.

« J.M.Gagnon »

Juge Gagnon

 


Référence : 2022 CCI 163

Date : 20221215

Dossier : 2019-2139(GST)I

ENTRE :

AXAMIT VERSA INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LE ROI,

intimé.

 


MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Gagnon

I. Introduction

[1] L’appelante en appelle d’une nouvelle cotisation établie par l’Agence du revenu du Québec Agence »), en qualité de mandataire de la ministre du Revenu national Ministre »), en application de la Loi sur la taxe d’accise, L.R.C. 1985, ch. E-15, telle que modifiée (« LTA »).

[2] À la suite de la production par l’appelante de sa déclaration annuelle visant la période de déclaration annuelle du 1er janvier au 31 décembre 2015 (« Période »), l’Agence émet un avis de cotisation en date du 20 juin 2016 refusant à l’appelante les demandes de crédit de taxe sur les intrants (« CTI »). Une nouvelle cotisation émise par l’Agence en date du 9 mai 2019 suite à une opposition réduit le montant total refusé des CTI pour la Période à 691 $, d’où le présent appel.

[3] À l’ouverture de l’audition, l’appelante réduit son appel à la réclamation d’un seul CTI au montant de 675 $ en lien avec la taxe sur les produits et services applicable sur les paiements mensuels de loyer effectués par l’appelante (« CTI réclamé »).

[4] L’appelante exploite au cours de la Période une entreprise de consultants en informatique et à cette fin occupe depuis 2013 certains espaces loués d’un immeuble commercial appartenant à 9097-6549 Québec inc. (« Locateur »). En 2015, le contrat de louage commercial entre le Locateur et l’appelante fait l’objet d’un renouvellement pour une période d’une année. Un élément important est que le nom du Locateur apparaissant à la convention de renouvellement intervenue entre les parties n’est pas celui de sa dénomination sociale, mais celui d’une raison sociale inscrite au dossier du Locateur auprès du Registraire des entreprises du Québec, soit Gestion 170 René-Lévesque. Cette raison sociale qui correspond au numéro d'immeuble des espaces loués à l’appelante est utilisée par le Locateur aux fins de l’exploitation de l’immeuble et serait inscrite à son dossier auprès du registraire des entreprises du Québec depuis le 27 juin 2002.

[5] L’appelante et l’intimé admettent que l’unique point en litige concerne l’obligation de l’appelante d’obtenir en temps utile le numéro d’inscription aux fins de la LTA (« numéro de TPS ») du Locateur et la communication de ce numéro aux autorités compétentes. Les autres conditions donnant droit au CTI incluant le montant du CTI réclamé ne sont pas en litige.

II. Question en litige

[6] La question en litige est de déterminer si aux fins de donner droit au CTI réclamé l’appelante a satisfait aux conditions applicables de l’alinéa 169(4)a) LTA et du Règlement sur les renseignements nécessaires à une demande de CTI (TPS/TVH), DORS/91-45 (« Règlement ») en lien avec le numéro de TPS du Locateur.

III. Position de l’appelante

[7] L’appelante reconnaît que la Partie IX de la LTA prévoit qu’un inscrit doit satisfaire des conditions précises afin de justifier son droit à un CTI et soutient que ces exigences ont été respectées en l’espèce. Plus particulièrement, l’appelante avait obtenu le numéro de TPS du Locateur au moment de produire sa déclaration annuelle pour la Période tel que requis par l’alinéa 169(4)a) LTA. Selon l’appelante, il s’agit de l’unique exigence de l’inscrit relativement au numéro de TPS du fournisseur de la fourniture. L’appel doit être accueilli.

IV. Position de l’intimé

[8] Le fardeau de la preuve repose sur l’appelante et cette dernière doit démolir les présomptions de fait sur lesquelles repose la nouvelle cotisation. Le paragraphe 13 de la réponse de l’intimé à l’avis d’appel indique les conclusions et hypothèses de faits sur lesquelles la nouvelle cotisation est fondée :

a) Les faits admis ci-dessus;

b) L’appelante est un inscrit aux fins de la Partie IX de la LTA;

c) L’exercice financier de l’appelante, pendant la période visée, débute le 1er janvier d’une année et se termine le 31 décembre;

d) L’appelante exploite une entreprise de services informatiques;

e) Pour la période visée, l’appelante a notamment réclamé les montants de CTI décrits au paragraphe 9 des présentes;

f) Les pièces justificatives soumises au soutien de ces réclamations ne respectaient pas les exigences réglementaires obligatoires.

[9] Dans les circonstances, le numéro de TPS du Locateur doit être obtenu par l’appelante dans un document signé ou délivré par le Locateur visé à l’alinéa h) de la définition de pièce justificative prévue à l’article 2 du Règlement avant de produire la période de déclaration annuelle visant la Période. Il ne s’agit pas d’une formalité technique, mais bien d’une obligation absolue. L’appelante doit obtenir le numéro de TPS du Locateur qui doit le lui fournir sans délai et par écrit tel qu’indiqué au paragraphe 223(2) LTA. Il n’appartient pas à l’Agence d’en faire la démarche.

[10] La preuve ne supporte pas l’obtention par l’appelante d’un tel document dans le délai prescrit et une preuve testimoniale est insuffisante pour satisfaire la condition. L’appelante n’a pas transmis le numéro de TPS du Locateur aux fins d’établir sa réclamation dans le délai, ce qui justifiait le refus au crédit. Une application non conforme des règles applicables est contraire aux mesures adoptées dans la LTA et ses règlements d’application.

[11] Considérant ce qui précède, l’appel doit être rejeté.

V. Analyse

- dispositions législatives

[12] L’alinéa 169(4)a) LTA stipule :

(4) L’inscrit peut demander un crédit de taxe sur les intrants pour une période de déclaration si, avant de produire la déclaration à cette fin :

a) il obtient les renseignements suffisants pour établir le montant du crédit, y compris les renseignements visés par règlement;

(notre soulignement)

[13] Le paragraphe 223(2) LTA stipule :

Renseignements concernant une fourniture

(2) La personne qui effectue une fourniture taxable au profit d’une autre personne doit, à la demande de celle-ci, lui remettre, sans délai et par écrit, les renseignements requis par la présente partie pour justifier une demande de crédit de taxe sur les intrants ou une demande de remboursement par l’autre personne.

(notre soulignement)

[14] Les extraits des articles 2 et 3 du Règlement qui pourraient s’avérer pertinents aux fins des présentes énoncent :

2 Les définitions qui suivent s’appliquent au présent règlement.

[…]

pièce justificative Document qui contient les renseignements exigés à l’article 3, notamment :

a) une facture;

b) un reçu;

c) un bordereau de carte de crédit;

d) une note de débit;

e) un livre ou registre de comptabilité;

f) une convention ou un contrat écrits;

g) tout registre faisant partie d’un système de recherche documentaire informatisé ou électronique ou d’une banque de données;

h) tout autre document signé ou délivré en bonne et due forme par un inscrit pour une fourniture qu’il a effectuée et à l’égard de laquelle il y a une taxe payée ou payable. (supporting documentation)

[…]

3 Les renseignements visés à l’alinéa 169(4)a) de la Loi, sont les suivants :

[…]

b) lorsque le montant total payé ou payable, selon la pièce justificative, à l’égard d’une ou de plusieurs fournitures est de 30 $ ou plus et de moins de 150 $ :

(i) le nom ou le nom commercial du fournisseur ou de l’intermédiaire et le numéro d’inscription attribué, conformément à l’article 241 de la Loi, au fournisseur ou à l’intermédiaire, selon le cas,

[…]

c) lorsque le montant total payé ou payable, selon la pièce justificative, à l’égard d’une ou de plusieurs fournitures est de 150 $ ou plus :

(i) les renseignements visés aux alinéas a) et b),

[…]

(notre soulignement)

- preuve testimoniale

[15] À l’audition, le président de l’appelante a témoigné pour le compte de l’appelante et l’intimé a fait entendre l’agente aux oppositions de l’Agence responsable du traitement de l’opposition présentée par l’appelante.

[16] Le président de l’appelante, monsieur Bulgakov, occupe ce poste depuis mars 2009. En 2015, l’appelante a 3 employés.

[17] Il confirme que les déclarations de taxes notamment pour les années 2013, 2014 et 2015 sont préparées par une firme comptable externe sur la foi des documents et informations que l’appelante détient et a pris soin de transmettre à la firme.

[18] En réponse à une question en lien avec la façon dont le numéro de TPS du Locateur a été obtenu par l’appelante, il précise que le numéro a été obtenu en 2013 soit lors de la première année de location au 170 René-Lévesque. Il s’agissait de la première année au cours de laquelle l’appelante était susceptible de réclamer un CTI pour la taxe sur les produits et services remise au Locateur. Ce numéro avait été demandé à l’appelante par ses comptables aux fins de la préparation des déclarations de taxes.

[19] Il confirme avoir lui-même demandé au Locateur le numéro de TPS et l’avoir transmis aux comptables sur réception en 2013. Le témoin confirme que le numéro de TPS du Locateur avait été obtenu suite à sa demande auprès du Locateur et que ce numéro était en sa possession avant que toute déclaration de taxe contenant une demande de CTI en lien avec le Locateur ne soit préparée.

[20] Eu égard au défaut de transmettre le numéro de TPS du Locateur à l’Agence dans le cadre de l’opposition présentée à l’encontre de la déclaration de taxe 2015, il n’a pas de souvenir que le numéro de TPS du Locateur a été expressément demandé par l’agente aux fins de justifier le droit au CTI.

[21] Lors d’une transmission par télécopieur en date du 25 mars 2019 au soutien de l’opposition, le témoin explique avoir joint un extrait du Registraire des entreprises relatif au Locateur faisant preuve de l’existence d’une raison sociale sous le nom de Gestion 170 René-Lévesque utilisée par le Locateur. La télécopie confirme la dénomination sociale du Locateur 9097-6549 Québec inc. et la raison sociale Gestion 170 René-Lévesque qui figure sur la convention de renouvellement intervenue entre le Locateur et l’appelante. L’information permettait de lier la raison sociale Gestion 170 René-Lévesque au Locateur. Aucune réponse n’aurait été obtenue du service des oppositions de l’Agence suite à la transmission par télécopieur et le mémoire sur opposition daté du 27 mars 2019 fut complété.

[22] En contre-interrogatoire, le témoin a confirmé que les documents transmis à l’agente aux oppositions en soutien à la demande de CTI relative au bail avec le Locateur ne contenaient pas le numéro de TPS du Locateur. Il a également confirmé qu’il avait lui-même communiqué avec le Locateur pour obtenir son numéro de TPS, mais que l’appelante n’avait pas en sa possession un document signé par le Locateur confirmant son numéro de TPS.

[23] Lors de son interrogatoire principal, l’agente aux oppositions confirme avoir recherché sans succès aux deux registres d’inscription disponibles à l’Agence l’inscription sous le nom de Gestion 170 René-Lévesque. Elle explique que cette recherche a été effectuée par curiosité seulement puisqu’il ne revient pas à l’Agence de faire ces recherches.

[24] En contre-interrogatoire, elle confirme avoir demandé lors d’un entretien téléphonique avec l’appelante, et non par écrit, le numéro de TPS du Locateur. Elle confirme aussi avoir reçu la télécopie de l’appelante en date du 25 mars 2019, et ne pas avoir fait de recherche aux deux registres d’inscription internes de l’Agence concernant la dénomination sociale du Locateur 9097-6549 Québec inc. avant de transmettre son mémoire sur opposition. Elle explique ne pas être mandatée pour ce faire.

- traitement applicable

[25] L’alinéa 169(4)a) LTA est clair. Un inscrit doit avant de produire la déclaration dans laquelle un CTI est réclamé obtenir les renseignements prescrits applicables en lien avec la fourniture pour laquelle le crédit est réclamé. Dans le cas présent, l’un de ces renseignements figure au sous-alinéa 3b)(i) du Règlement soit le numéro d’inscription attribué au Locateur.

[26] L’intimé est d’avis que l’appelante n’avait pas obtenu le numéro de TPS du Locateur avant de produire la période de déclaration annuelle visant la Période. Dans le cas contraire, pour quelle raison l’appelante ne l’aurait-elle pas transmis à l’Agence?

[27] L’intimé insiste également sur la preuve écrite signée du Locateur pour satisfaire la condition et dont cette preuve écrite n’a jamais été obtenue du Locateur par l’appelante alors que le numéro de TPS du Locateur a finalement été transmis à l’Agence, mais subséquemment à la décision sur opposition. Il réfère notamment l’alinéa h) de la définition de pièce justificative au Règlement pour justifier la nécessité dans le cas présent d’un document du Locateur pour établir que le numéro de TPS du Locateur avait été obtenu.

[28] Enfin, le cahier de sources de l’intimé contient 3 décisions : Systematix Technology Consultants Inc. c Canada, 2007 CAF 226, Tan c La Reine, 2015 CCI 121 et 3922731 Canada inc. c La Reine, 2011 CCI 186.

[29] La Cour ne croit pas que les principes établis par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Systematix soient remis en question dans la présente affaire. Le numéro de TPS du Locateur doit avoir été obtenu par l’appelante avant de produire la déclaration de remise de TPS dans laquelle est réclamé le CTI. Il s’agit d’une exigence obligatoire que l’appelante doit satisfaire. Cela semble également être la position reconnue par l’appelante à l’audition. L’enjeu se situe plutôt sur les moyens permis par le Règlement pour rencontrer l’exigence obligatoire.

[30] La Cour ne croit pas que l’affaire Tan soit déterminante aux fins du présent litige. Dans cette affaire rendue en matière informelle, l’appelante soulevait une incompréhension d’avoir à fournir les numéros de TPS de ses fournisseurs puisque ces informations sont déjà connues de la Ministre. Il n’est pas question ici de débattre de cet argument ou de remettre en question les conditions à rencontrer pour être en droit de réclamer un intrant notamment quant à l’obligation d’obtenir au préalable le numéro de TPS du Locateur. Le numéro de TPS du Locateur est connu. Il demeure à déterminer si les circonstances entourant l’obtention de ce numéro par l’appelante respectent les exigences impératives de la LTA.

[31] La Cour ne croit pas qu’il faut extrapoler un possible malentendu lors d’une conversation téléphonique eu égard aux renseignements demandés et conclure que l’appelante refuse de transmettre le numéro de TPS du Locateur au motif que la Ministre et son mandataire ont accès à cette information. La preuve et les représentations de l’appelante à l’audition supportent difficilement cette thèse.

[32] Enfin, l’affaire 3922731 Canada (décidée en matière informelle) apparaît aussi s’éloigner du présent cas. Plus particulièrement, le paragraphe 19 de l’affaire auquel a référé l’intimé traite d’une facture comportant un certain nombre d’anomalies et la facture serait présentée comme l’unique source pouvant contenir le numéro de TPS du fournisseur bien que non-inscrit au moment de la facturation. Les faits sont donc centrés sur une facture propre à ce dossier. Et l’affaire ne discute pas des moyens possibles de satisfaire la condition, sans doute en raison des circonstances de l’affaire qui ne le requièrent pas.

[33] Le mémoire sur opposition de l’agente aux oppositions dans le cas présent confirme qu’il n’y a pas de restrictions quant à la forme et au nombre de documents pouvant contenir les renseignements pour appuyer une demande de CTI. Au surplus, les principes repris dans 3922731 Canada ne sont pas remis en question ici.

[34] En résumé, la décision 3922731 Canada n’apparaît pas déterminante dans le cas sous étude.

[35] La preuve testimoniale non contredite a démontré que l’appelante par l’entremise de son président a contacté le Locateur au cours de l’année 2013 pour lui demander de transmettre son numéro de TPS. La preuve a également établi qu’une fois cette information obtenue l’appelante a transmis cette information à ses comptables qui ont subséquemment préparé les déclarations annuelles de taxes de l’appelante dont la déclaration visant la Période qui incluait le CTI réclamé.

[36] La preuve non contredite a également démontré que l’appelante n’a pas obtenu le numéro de TPS du Locateur dans un document signé par le Locateur et que ce numéro n’avait toujours pas été transmis à l’Agence au moment de la transmission du mémoire sur opposition.

[37] L’interprétation et la mesure à donner aux conditions prévues au Règlement aux fins d’obtenir les renseignements prescrits avant la production de la déclaration d’une période incluant une demande de CTI ont connu un certain développement depuis l’introduction de ces dispositions législatives. Et certains de ces développements peuvent occasionnellement faire l’objet d’une évolution selon les enjeux en présence ou certes conférer un certain confort quant au sens ou à la portée à donner au langage utilisé.

[38] Ces développements incluent non seulement des positions exprimées par les tribunaux, mais également des positions exprimées par les autorités responsables de l’introduction des mesures ou de l’application de la législation visée.

[39] À ce propos, il apparaît pertinent de reprendre ici certaines de ces positions qui dénotent la portée et le sens à donner au moment, à la manière et la forme entourant l’obtention des renseignements prescrits qu’un inscrit doit obtenir afin d’être en droit de réclamer un CTI. L’obtention du numéro de TPS du fournisseur est certes visée par ces prises de position.

[40] La décision de la Cour d’appel fédérale dans Systematix est sans doute une décision centrale dans la confirmation voulant que les conditions prévues au Règlement soient obligatoires et doivent être satisfaites pour donner ouverture à la réclamation d’un intrant. Cette position est maintenant régulièrement reprise par cette Cour.

[41] Le paragraphe 33 de la section 4 du chapitre 8 du mémorandum préparé par l’Agence du revenu du Canada et portant sur les CTI, tel que modifié le 8 avril 2015, précise en lien avec la provenance des renseignements à obtenir visés au Règlement :

Plus d'un document

33. Les preuves nécessaires pour justifier une demande de CTI n'ont pas à être présentées dans un seul document. Il n'est pas rare, surtout lorsqu'il existe une convention écrite, que les renseignements fournis initialement doivent être appuyés de documents supplémentaires. Par exemple, il arrive qu'un contrat de service précise des détails en ce qui concerne le fournisseur, l'acquéreur, les modalités de paiement, etc., mais que la contrepartie et la taxe payée ou payable ne soient déterminées que périodiquement et documentées sur des factures distinctes. La convention écrite et la facture seront toutes deux nécessaires pour satisfaire aux exigences documentaires permettant de demander un CTI.

(notre soulignement)

[42] En 2009, dans le cadre d’une réunion annuelle de l’Association du Barreau canadien Section des taxes à la consommation, l’Agence du revenu du Canada précise :

36. -- ETA 169(4) Documentation

Facts / Background

The Input Tax Credit Information (GST/HST) Regulations stipulate certain information requirements that must be obtained to substantiate an ITC claim. The CRA indicated in the past that such information could be taken from several documents.

Question

In the following circumstances, would an ITC be allowed to the recipient?

1. The supplier has a valid GST registration number.

2. The recipient has obtained such number at one point in time in the past and has kept a copy in its files.

3. The supplier issues an invoice with the above-mentioned GST number but due to a typo (one character is wrong), the valid number is not exactly reproduced on the invoice.

4. At the time of issuing this invoice, the supplier GST number is still valid.

CRA Comments

Subsection 169(4) of the Excise Tax Act (the ETA) provides that, before filing the return for the period in which an input tax credit is claimed, the registrant must have obtained sufficient to allow the amount of the input tax credit to be determined, including information that may be prescribed under the Input Tax Credit (GST/HST) Information Regulations (the Regulations).

The requirement to obtain the registration number of the supplier is found under subparagraph 3(b)(i) of the Regulations. This obligation exists when the total amount paid or payable on the supporting documentation in respect of the supply is $30 or more. “Supporting documentation” is defined in section 2 of the Input Tax Credit Information (GST/HST) Regulations (the Regulations) to include:

(a) an invoice,

(b) a receipt,

(c) a credit-card receipt,

(d) a debit note,

(e) a book or ledger of account,

(f) a written contract or agreement,

(g) any record contained in a computerized or electronic retrieval or data storage system, and

(h) any other document validly issued or signed by a registrant in respect of a supply made by the registrant in respect of which there is tax paid or payable.

There is no requirement that the evidence needed to support an input tax credit claim be contained in a single document. Therefore, if the registrant has the correct registration number of the supplier in its files before filing the return in which the input tax credit is claimed, the registrant will have met the documentary requirement of subparagraph 3(b)(i) of the Regulations.

(notre soulignement)

[…]

[43] En 2004, dans le cadre d’une table ronde de l’Institut des comptables agréés de l’Alberta, l’Agence du revenu du Canada mentionne en réponse à une question portant sur la possibilité de réunir plusieurs sources pour satisfaire aux exigences du Règlement :

Question 2

[…]

Response

There is no provision which requires all requisite information in support of an ITC claim to be presented in a specific kind of document or format or that all required information be contained within a single document, in the Excise Tax Act or in the related regulations.

Subsection 286(1) requires that books and records be kept in such form and contain such information as will enable the determination of liabilities and obligations under Part IX of the Act. A “record” is broadly defined under subsection 123(1) and includes, in part, “an agreement … a statement … and any other thing containing information, whether in writing or in any other form.”

Paragraph 169(4)(a) states that, in order to claim an ITC, the registrant must obtain “sufficient evidence in such form containing such information as will enable the amount of the input tax credit to be determined, including any such information as may be prescribed.”

The prescribed information, per the Input Tax Credit Information GST/HST Regulations, should allow the Minister to ascertain:

• the identities of the supplier and recipient;

the Business number of the supplier;

• when the supply took place;

• the nature of the supply;

• the tax status of the supply;

• the value of the consideration paid or payable;

• the terms of payment; and

• the amount of tax paid or payable.

 

An ITC would be allowed to the extent that this information is available in support of a registrant's claim, and to the extent that the supply is for consumption, use or supply in the course of commercial activities of the recipient. It remains a question of fact, verifiable on audit, whether a particular document or record, or set of documents and/or records, is sufficient to support a specific ITC claimed by a registrant.

(notre soulignement)

[44] La Cour canadienne de l’impôt confirme dans l’affaire McDavid v The Queen, 2014 CCI 12 (une procédure générale) :

[27] The required information does not have to be in the form of an invoice nor does it have to be contained in a single document. Indeed, the definition of supporting documentation is an inclusive and broad one. It is found in section 2 of the Regulations.

[45] Récemment, dans l’affaire CFI Funding Trust v The Queen, 2022 TCC 60, une décision en procédure générale non portée en appel, le juge Hogan précise aux paragraphes 41 et 42 de ses motifs :

[41] Subsection 169(4) simply provides that the registrant must have obtained the prescribed information in a form that will allow the ITCs to be determined. How that information is obtained does not matter. It may be obtained through oral or electronic communication. In addition, the information may be obtained by the recipient from so‑called foundational documents or from other sources that contain the prescribed information.

[42] As noted by the Appellant, the Respondent’s position contradicts prior public statements made by the CRA on what constitutes “supporting documentation” for the purpose of the Regulations.

(notre soulignement)

[46] La position annoncée par l’intimé dans le présent cas est quelque peu au même effet et tend à contredire les prises de position de l’Agence du revenu du Canada notamment quant à la forme rigide d’obtenir un écrit signé du Locateur confirmant son numéro de TPS.

[47] À cet égard, la Cour fait siens, avec les adaptations nécessaires, les propos du juge Hogan aux paragraphes 45 à 47 de ses motifs faisant allusion aux positions de l’Agence du revenu du Canada énoncées plus haut :

[45] It is impossible to reconcile the Respondent’s stance here with the statements noted above. If the Respondent is correct, then the CRA’s position on reverse billing is incorrect. One should not lose sight of the reasons why the CRA informs taxpayers of its interpretation of the law. The CRA does so to dispel uncertainty on how issues will be dealt with on audit. This practice promotes tax compliance and allows taxpayers to avoid disputes, which is undoubtedly beneficial to both parties. In this context, it is not good practice for the CRA to resile from published positions simply because it may be convenient to do so in a particular case.

[46] Statutory definitions are either exhaustive or non‑exhaustive. Exhaustive definitions are usually introduced by the word “means”, followed by a definition that comprises the meaning of the word. Non‑exhaustive definitions are introduced by the expression “includes” or “does not include”, followed by a directive which adds to or subtracts from the ordinary or technical meaning of the word.

[47] As the Supreme Court of Canada emphasized in Canada Trustco Mortgage Co, “when the words of a provision are precise and unequivocal, the ordinary meaning of the words play[s] a dominant role in the interpretive process.”

(notre soulignement)

[48] La Cour suprême du Canada dans Canada c Loblaw Financial Holdings Inc., 2021 CSC 51, précise que dans le contexte de la législation fiscale, une plus grande attention est accordée au texte et au contexte en raison de la particularité et des détails de nombreuses dispositions fiscales, ainsi qu’en raison du principe selon lequel les contribuables ont le droit d'organiser leurs affaires de manière à minimiser le montant de l'impôt à payer. Par conséquent, si les contribuables doivent agir avec un certain degré de certitude dans le cadre d'un tel régime, il faut donner plein effet aux paroles précises et sans équivoque du Parlement.

[49] Les précisions formulées plus haut par l’Agence du revenu du Canada sont justifiées par le libellé de l’alinéa 169(4)a) LTA et sont en harmonie avec le sens et la portée à donner aux mesures décrites au Règlement concernant les renseignements qu’un inscrit se doit d’obtenir en lien avec une fourniture.

[50] Plus particulièrement, il n’apparaît pas approprié que le libellé général du préambule de la définition de pièce justificative au Règlement reçoive une portée limitative à l’énumération qui suit le préambule. Au contraire, le texte du préambule permet une flexibilité que le législateur a voulu privilégier. Le mot « document » dans la version française et le mot « form » dans la version anglaise reflètent ce choix. Le mot document est défini au paragraphe 123(1) LTA et réfère à registre lui-même défini au même paragraphe pour y inclure « comptes, conventions, livres, […] formulaires, images, factures, lettres, […] états, télégrammes, pièces justificatives et toute autre chose renfermant des renseignements, qu’ils soient par écrit ou sous toute autre forme. ».

[51] La version anglaise de l’alinéa 169(4)a) LTA est au même effet en référant aux mots « … in such form containing such information…. » et dans la version française aux mots « … les renseignements suffisants … » sans référer par ailleurs à la définition de pièce justificative utilisée aux fins du Règlement seulement.

[52] La Cour est d’avis que la décision dans CFI Funding Trust est également conséquente des positions annoncées par les autorités fiscales fédérales et reflète l’interprétation que doit recevoir le texte législatif en matière telle qu’établi par la Cour suprême du Canada encore récemment dans l’affaire Loblaw Financial Holdings.

[53] Dans le cas présent, le témoignage du président de l’appelante a confirmé que les renseignements visant le numéro de TPS du Locateur inclus au cahier des pièces de l’appelante avaient été obtenus dès 2013 et transmis aux comptables externes. La Cour considère ce témoignage crédible et suffisamment fiable pour y donner foi. L’intimé ne l’a pas attaqué. L’appelante avait donc obtenu ce renseignement avant la production de la déclaration annuelle 2015 contenant la demande du CTI réclamé. La condition relative à l’obtention du numéro de TPS n’exige pas de forme particulière ou que cette information doive être transmise à l’Agence pour permettre à la Cour de trancher l’appel. Pour plus de clarté, accepter que la preuve testimoniale confirme que le renseignement a été obtenu n’entache pas l’exigence réglementaire obligatoire de l’appelante d’obtenir ce renseignement avant la production de la déclaration.

[54] La Cour est d’avis que le paragraphe 223(2) LTA n’a pour effet d’ajouter une condition aux dispositions de l’alinéa 169(4)a) LTA. L’application du paragraphe est soumise à la discrétion de l’acquéreur. Cette disposition n’a donc pas d’application en toutes circonstances. Il s’agit d’un moyen dont un acquéreur dispose pour inciter son fournisseur à lui transmettre les renseignements au soutien de la demande de CTI. Le défaut de collaboration de la part du fournisseur l’expose à des sanctions sous la LTA. L’acquéreur n’est pas tenu d’exercer le droit conféré au paragraphe 223(2).

[55] La Cour comprend que le processus de vérification ne doit pas imposer à l’Agence la responsabilité de vérifier systématiquement et unilatéralement les numéros de TPS au soutien des réclamations d’intrants. Cette obligation appartient uniquement à l’inscrit qui réclame l’intrant.

[56] Dans le cas présent, la Cour est d’avis que les circonstances entourant l’omission de l’appelante de transmettre à l’Agence le numéro de TPS du Locateur après que l’agente des oppositions a débuté volontairement une vérification interne du numéro sans avoir l’obligation de la poursuivre après avoir reçu la dénomination sociale du Locateur ne serait être un frein au devoir de la Cour de trancher l’appel.

VI. Conclusion

[57] La Cour est d’avis que l’appelante a satisfait son fardeau et rempli la condition relative à l’obtention du numéro de TPS du Locateur telle qu’établi à l’alinéa 169(4)a) LTA et au Règlement.

[58] Compte tenu de tout ce qui précède, l’appel interjeté par l’appelante relativement à la période de déclaration annuelle du 1er janvier au 31 décembre 2015 est accueilli et l’affaire renvoyée à la Ministre pour réexamen et établissement d’une nouvelle cotisation accordant le CTI réclamé au montant de 675 $ en lien avec les charges locatives mensuelles.

Signé à Ottawa, Canada, ce 15e jour de décembre 2022.

« J.M. Gagnon »

Juge Gagnon

 


RÉFÉRENCE :

2022 CCI 163

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :

2019-2139(GST)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :

AXAMIT VERSA INC. ET SA MAJESTÉ LE ROI

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATE DE L’AUDIENCE :

le 24 octobre 2022

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

L'honorable juge Jean Marc Gagnon

DATE DU JUGEMENT :

le 15 décembre 2022

COMPARUTIONS :

Avocate de l’appelante :

Me Claire Ross

Avocat de l’intimé :

Me Julien Vailles

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

Pour l’appelante :

Nom :

Me Claire Ross

Cabinet :

1, Place du Commerce, suite 420

Verdun (Québec) H8E 1A2

Pour l’intimé :

François Daigle

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 

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