Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Dossiers : 2014-90(IT)G,

2014-1171(IT)G

ENTRE :

PHILIPPE D’AUTEUIL,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LE ROI,

intimé.

 

Appels entendus concurremment en partie sur preuve commune et consécutivement avec les appels d’Antoine Bérubé (dossiers 2014-123(IT)G et 014-461(IT)G) et de Martin Fournier Giguère (dossiers 2014-1786(IT)G et 2014-1787(IT)G), les 13, 14, 15, 16, 20, 21, 22 et 23 septembre 2021, à Québec (Québec).

Devant : L'honorable juge Réal Favreau


Comparutions :

Avocats de lappelant :

Me Danny Galarneau

Me Bénédicte Dupuis

Avocats de l'intimé :

Me Grégoire Cadieux

Me Sonia Bédard

 

JUGEMENT

L’appel à l’encontre de la nouvelle cotisation établie en date du 1er novembre 2013 concernant l’année d’imposition 2008 est rejeté sans frais conformément aux motifs du jugement ci-joints.

Les appels à l’encontre des nouvelles cotisations établies en date du 1er novembre 2013 concernant les années d’imposition 2009, 2010, 2011 et 2012 sont accueillis en partie sans frais et lesdites cotisations sont déférées à la ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations afin de (1) diminuer le revenu imposable de l’appelant pour les années d’imposition 2009, 2010 et 2011 d’un montant de 305 661 $, 3 550 $ et 1 684 $ respectivement; et (2) d’accorder une perte d’entreprise de 215 781 $ pour l’année d’imposition 2012, le tout conformément aux motifs du jugement ci-joints.

Signé à Montréal (Québec), ce 25e jour de janvier 2023.

« Réal Favreau »

Juge Favreau


Référence : 2023 CCI 3

Date : 20230125

Dossiers : 2014-90(IT)G,

2014-1171(IT)G

ENTRE :

PHILIPPE D’AUTEUIL,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LE ROI,

intimé.


MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Favreau

[1] Il s’agit d’appels à l’encontre de nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985) (5e suppl.), ch. 1, telle que modifiée (ci-après la « Loi ») par le ministre du Revenu national (le « ministre ») en date du 1er novembre 2013 concernant les années d’imposition 2008, 2009, 2010, 2011 et 2012 de l’appelant.

I. Historique des cotisations et des appels

[2] Suite à une demande de production de sa déclaration de revenus pour l’année d’imposition 2008 qui est demeurée sans réponse, le ministre a établi, le 8 avril 2013, une première cotisation pour l’année d’imposition 2008. L’appelant a logé un avis d’opposition à l’encontre de la première cotisation et a fourni des renseignements additionnels. En vertu de cette première cotisation, le ministre a ajouté les montants suivants aux revenus de l’appelant:

  • Revenu de placement = 195 $

  • Gain en capital imposable = 5 008 $

  • Revenu d’entreprise de ses activités de poker = 700 000 $

[3] Le 1er novembre 2013, le ministre a établi une nouvelle cotisation pour l’année d’imposition 2008 dans le cadre de laquelle, il a ajouté aux revenus de l’appelant un montant de 167 688 $ à titre de revenus d’entreprise provenant de ses activités de poker et a imposé une pénalité en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi.

[4] L’appelant ne s’est pas opposé à cette cotisation avant d’en appeler de celle-ci devant cette Cour.

[5] Le 1er novembre 2013, le ministre a également établi de nouvelles cotisations à l’encontre de l’appelant pour les années d’imposition 2009, 2020, 2011 et 2012. En vertu de ces nouvelles cotisations, le ministre a ajouté aux revenus de l’appelant les montants suivants provenant de ses activités de poker et a imposé des pénalités en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi.

Années d’imposition

Revenus additionnels

2009

2010

2011

2012

305 661 $

1 410 320 $

1 920 558 $

736 848 $

[6] La nouvelle cotisation du 1er novembre 2013 pour l’année d’imposition 2009 a été établie à l’extérieur de la période normale de nouvelle cotisation.

[7] Suite à un consentement intervenu devant cette Cour sur la partie des appels de l’appelant qui concerne l’imposition des pénalités prévues au paragraphe 163(2) de la Loi en vertu des nouvelles cotisations datées du 1er novembre 2013 concernant les années d’imposition 2008, 2009, 2010, 2011 et 2012, les appels de l’appelant ont été admis sans frais par un jugement daté du 23 juin 2015 et les nouvelles cotisations ont été modifiées par l’annulation des pénalités en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi.

[8] Suite à un consentement partiel intervenu entre les parties le 13 septembre 2021 en vertu du paragraphe 171(2) de la Loi, les parties ont consenti, advenant que la Cour décide d’imposer les gains de poker de l’appelant à titre de revenus d’entreprise, que jugement soit rendu afin d’accueillir partiellement les appels et de modifier les nouvelles cotisations afin d’accorder (1) les dépenses d’entreprise déductibles suivantes encourues par l’appelant et de diminuer en conséquence son revenu imposable.

Année d’imposition

2009

2010

2011

Dépenses

305 661 $

3 550 $

1 648 $

et (2) une perte d’entreprise de 215 781 $ pour l’année d’imposition 2012.

II. Requête

[9] À l’ouverture .de l’audience, l’intimé a présenté une requête en vertu des paragraphes 53(1)c) et d) des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (Procédure générale) (ci-après les (« Règles ») afin de faire annuler une demande d’amener des documents joints à l’intention d’assigner à témoigner un employé de l’Agence du Revenu du Canada (« l’ARC »), monsieur Mathieu Marois.

[10] L’avis d’intention signifié le 3 août 2021 assignait le vérificateur de l’ARC qui a procédé à l’émission des avis de cotisation en litige dans les dossiers de Philippe D’Auteuil (dossiers 2014-90(IT)G et 2014-1171(IT)G), d’Antoine Bérubé (dossiers 2014-123(IT)G et 2014-461(IT)G) et de Martin Fournier Giguère (dossiers 2014-1786(IT)G et 2014-1787(IT)G) (les « appelants ») et lui demandait d’amener avec lui les informations et documents suivants :

  1. Nombre de dossiers de joueurs de poker traités à l’Agence du Revenu du Canada, séparés par province du Canada pour toutes [sic] années d’imposition de 2008 à aujourd’hui;

  2. Nombre de cotisations émises par l’Agence du Revenu du Canada, relativement au poker séparés par province du Canada pour toutes [sic] années d’imposition de 2008 à aujourd’hui;

  3. Montant global cotisé par l’Agence du Revenu du Canada dans les dossiers de Poker séparés par province du Canada pour toutes [sic] années d’imposition de 2008 à aujourd’hui;

  4. Nombre de dossiers de joueurs de poker dans lesquelles [sic] l’Agence du Revenu du Canada a accordé, séparés par province du Canada pour les années visées, des pertes d’entreprise pour les pertes liées aux activités de poker pour toutes [sic] années d’imposition de 2008 à aujourd’hui;

  5. Nombre de cotisations émises par l’Agence du Revenu du Canada accordant une perte d’entreprise à un joueur de poker pour ses activités de poker pour toutes [sic] années séparés par province du Canada d’imposition [sic] de 2008 à aujourd’hui;

  6. Montant global cotisé à titre de perte d’entreprise par l’Agence du Revenu du Canada dans les dossiers de Poker séparés par province du Canada pour toutes [sic] années d’imposition de 2008 à aujourd’hui;

  7. Toutes [sic] directives de travail liées de près ou de loin aux dossier [sic] de joueur [sic] de poker;

  8. Toute documentation interne à l’Agence du Revenu du Canada transmise aux vérificateurs de l’Agence relativement aux vérifications des joueurs de poker;

[11] Après avoir entendu les représentations des parties concernant ladite requête, la Cour a accueilli la requête et a annulé la demande d’amener les documents et les informations demandés au motif qu’ils sont manifestement non pertinents, ni utiles aux fins de la résolution des questions en litige aux présents appels qui consistent à déterminer si les gains de poker de chacun des appelants constituent du revenu d’entreprise au cours des années d’imposition 2008, 2009, 2010, 2011 et 2012. Un seul jeu de dépens attribuable à cette requête est accordé à l’intimé.

III. Question en litige

[12] La seule question en litige devant la Cour consiste à déterminer si les gains nets tirés des activités de jeu de poker de Philippe D’Auteuil doivent être inclus dans le calcul de son revenu à titre de revenu d’une source qui est une entreprise en vertu des articles 3 et 9 de la Loi pour les années d’imposition 2008,2009, 2010, 2011 et 2012.

[13] Tel qu’indiqué ci-dessus, la question des gains nets tirés des activités de jeu de poker de Philippe D’Auteuil n’est pas en litige devant cette Cour.

IV. Thèses des parties

A. Position de l’appelant

[14] Selon l’appelant, la Cour doit déterminer si le poker est un jeu de hasard et de chance (pari) ou s’il constitue un jeu d’habileté.

[15] Si la Cour en vient à la conclusion que le poker est un jeu de chance et de hasard, alors elle doit accueillir les appels et annuler les nouvelles cotisations sur la base de l’alinéa 40(2)) de la Loi.

[16] Selon l’article 3 de la Loi, il est nécessaire d’identifier la source de revenu d’un contribuable afin de déterminer la façon dont ce revenu sera traité pour fins fiscales.

[17] Les activités liées au jeu d’un contribuable peuvent constituer un revenu imposable si elles constituent une source de revenus. Règle générale, les gains provenant d’un jeu de hasard ne sont pas imposables puisqu’ils ne proviennent pas d’une source de revenus.

[18] Afin de déterminer si les activités d’un contribuable constituent une source de revenus tirés d’une entreprise ou non, la Cour Suprême du Canada a développé dans l’arrêt Stewart c. Canada, 2002 CSC 46 (« Stewart ») une approche à deux volets.

[19] Le premier consiste à déterminer si l’activité de poker est faite en vue de réaliser un profit ou s’il s’agit d’une démarche personnelle. Ce n’est que lorsque l’activité comporte un aspect personnel que cette première étape est pertinente car lorsque l’activité du contribuable n’est aucunement personnelle, il y aura nécessairement existence d’une source de revenus au sens de la Loi.

[20] Si l’activité du contribuable peut à la fois être un passe-temps et une entreprise, il faut alors se demander si cette activité est exploitée de manière suffisamment commerciale, soit avec l’intention subjective de réaliser un profit étayé par une preuve objective d’un comportement d’homme d’affaires sérieux (par. 54 de l’arrêt Stewart).

[21] Lors de l’analyse de cette intention subjective de réaliser un profit, il est important de prendre en considération tous les faits entourant l’activité du contribuable à la lumière d’un ensemble de facteurs. Dans l’arrêt Moldowan c. La Reine, [1978] 1 R.C.S. 480 (« Moldowan »), la Cour Suprême du Canada a suggéré les quatre critères suivants afin de déterminer objectivement si un contribuable a une expectative raisonnable de profit :

  • a) l’état des profits et des pertes pour les années antérieures;

  • b) la formation du contribuable;

  • c) la voie sur laquelle le contribuable entend s’engager; et

  • d) la capacité de réaliser un profit.

[22] Ces critères ne constituent cependant pas une liste exhaustive des critères à considérer. Il faut déterminer globalement si le contribuable exerce l’activité d’une manière commerciale. La jurisprudence a notamment mis de l’avant le critère de la minimisation du risque dans l’analyse de l’exploitation d’une entreprise par le contribuable. En effet, les tribunaux considèrent que la prise de risque est une caractéristique inhérente à toute activité génératrice des revenus et que c’est plutôt la minimisation du risque ou la gestion du risque qui est susceptible de faire de cette activité une source de revenus.

[23] La simple recherche du profit ne suffit pas à conclure qu’un contribuable exploite une entreprise. L’analyse de l’ensemble des critères doit être effectuée dans le contexte spécifique du jeu en l’espèce car il est évident que la totalité des joueurs ont l’intention de faire un profit lorsqu’ils s’adonnent à des activités ou jeux.

[24] D’après la décision Cohen c. La Reine, 2011 CCI 262 (« Cohen »), il doit y avoir plus que le simple espoir ou désir de gagner. Une expectative planifiée et raisonnable de réaliser un profit doit exister. Les gains de jeu d’un contribuable qui a l’intention de gagner mais qui ne mène pas ses activités comme le ferait un homme d’affaires sérieux, ne seront généralement pas imposables.

[25] Le second volet de l’approche développée par la Cour Suprême du Canada dans l’arrêt Stewart, à l’effet qu’il est nécessaire de déterminer si la source du revenu est celle d’une entreprise ou d’un bien n’a pas d’application en l’espèce si l’activité du contribuable ne représente pas une démarche personnelle et qu’il est déterminé que le contribuable avait l’intention subjective de réaliser un profit. L’appelant admet qu’il s’agirait alors d’un revenu d’entreprise.

[26] Selon les procureurs de l’appelant, l’application des critères établis par la jurisprudence aux faits particuliers de l’appelant démontre que :

  • a) Le poker est une activité à caractère personnel;

  • b) les activités de poker de l’appelant servaient uniquement à générer des fonds pour des activités de loisirs et n’avaient pas pour but de maximiser ses revenus;

  • c) avant 2008, l’appelant s’adonnait au poker de façon récréative et amicale. L’appelant a témoigné à l’effet qu’il a appris le poker en compagnie de son père avec du « faux argent » et avec des amis vers l’âge de 16 ans. A sa majorité, l’appelant s’est inscrit sur des sites Internet comme PartyPoker et PokerStars. Lorsque questionné à ce sujet, l’appelant a affirmé ne pas avoir étudié le poker si ce n’est qu’en visionnant des films comme Rounders ou en consultant à l’occasion certain forums consacrés au poker. En somme, l’appelant n’a jamais suivi ou eu une formation particulière, pertinente et significative sur le jeu de poker;

  • d) l’appelant n’entendait pas s’engager sur la voie de jouer au poker comme s’il exploitait une entreprise. L’intention à long terme de l’appelant d’exploiter une entreprise n’a pas été démontrée par l’intimé. Au contraire, le témoignage de l’appelant a plutôt démontré qu’il s’intéressait au monde des affaires. Au cours de l’année 2009, l’appelant a débuté un emploi auprès de monsieur Clément Gagnon, un spécialiste en financement pour l’entreprise CGE Capital Inc. En 2012, l’appelant à substantiellement diminué son temps consacré au jeu de poker et il s’est inscrit à un baccalauréat en économie à l’Université Laval qu’il a complété en 2020;

  • e) le témoignage de l’appelant a démontré qu’il cherchait avant tout la compétition, l’adrénaline, le « thrill ». L’appelant mettait au défi des joueurs considérés comme très bons à jouer au tête-à-tête (heads-up en anglais), un jeu hautement risqué et où les mises sont très élevées. À ce jeu, des dizaines de milliers de dollars peuvent être perdues très rapidement. Selon l’appelant, ce comportement est risqué, téméraire et très irrationnel. Lorsqu’il perd des sommes d’argent importantes, l’appelant tente de se refaire en jouant des parties à hautes mises;

  • f) l’appelant a témoigné qu’il n’avait aucune tenue de livre ou de comptabilité et qu’il n’avait aucune stratégie pour développer une entreprise viable, ni aucun plan d’affaires. Le fait que les gains tirés des activités de jeux de poker de l’appelant représentent sa principale ressource financière ne signifie aucunement qu’il exploitait une entreprise. La situation de l’appelant ressemblait davantage à un problème de jeu pathologique plutôt qu’à un plan d’affaires. Il ne faut pas confondre une dépendance au jeu avec le comportement d’un homme d’affaires raisonnable ayant une expectative de générer un profit;

  • g) même si l’appelant a généré plus de gains que de pertes durant les années en litige, sa capacité de réaliser un profit est imprévisible et instable. L’appelant ne peut contrôler le résultat des parties de poker parce que c’est ultimement la chance qui détermine qui réalisera un gain ou subira une perte;

  • h) l’appelant n’avait pas de comportement permettant la minimisation du risque. L’appelant jouait régulièrement de très hautes mises, souvent sous l’influence de l’alcool, parfois sous l’influence de drogues et à toute heure du jour et de la nuit. L’appelant n’était pas intéressé par les petites mises parce qu’elles ne lui permettaient pas de ressentir le « thrill » si recherché. Bien que divers sites Internet et logiciels soient disponibles afin de connaître les statistiques des autres joueurs, l’appelant a témoigné à l’effet qu’il ne les a utilisés que de façon marginale;

  • i) l’appelant ne choisissait pas ses opposants et il accédait aux tables disponibles. Il s’adonnait à jouer à de multiples tables simultanément (jusqu’à 12 tables en même temps) à un point où il en perdait le contrôle;

  • j) le fait que l’appelant jouait en ligne de manière fréquente et pendant une période prolongée ne fait preuve de rien. Le nombre et la fréquence des parties sont davantage révélateurs d’un comportement compulsif et d’un trouble de dépendance que de la commercialisation d’une activité.

[27] Les procureurs de l’appelant ont soutenu que les jeux de hasard n’ont pas les caractéristiques inhérentes essentielles à la détermination que l’appelant exploitait une activité commerciale pouvant générer un revenu imposable.

[28] Lors de l’audience, il a été démontré que peu de fiabilité et de crédibilité peuvent être accordées aux extraits que l’on retrouve dans les divers forums et blogues disponibles en ligne sur internet. C’est pour cette raison que l’intimé a retirée près de trois quarts des pièces au dossier de l’appelant, lesquelles pièces ont été consultées aux fins de la rédaction du rapport de vérification de l’appelant et du rapport d’expertise de monsieur Randal D. Heeb, docteur en économie, déposé au dossier de l’appelant. Il est soumis que si les passages du rapport de vérification et du rapport d’expertise de monsieur Heeb qui font référence aux pièces retirées et dont la preuve n’a pas été faite lors de l’audition, le rapport de vérification et le rapport d’expertise seraient ténus, voire factuellement infondés.

[29] Les procureurs de l’appelant ont attaqué le rapport de l’expert Heeb retenu par l’intimé sur plusieurs fronts :

  • a) étant docteur en économie, ce dernier ne possède pas les connaissances approfondies et la compréhension poussée et très technique que requiert une expertise mathématique et statistique afin de déterminer avec un degré de certitude scientifique si le jeu de poker est un jeu de chance ou d’habileté;

  • b) l’expert Heeb mentionne avoir témoigné comme expert dans le cadre de cinq procès aux États-Unis et un procès au Canada (Cohen c. Canada (Citoyenneté et Immigration) 2015 CF 1192). Contrairement à ce que l’expert souhaite laisser croire, ses conclusions sur le jeu de poker n’ont jamais été analysées et encore moins avalisées ou confirmées par un tribunal au Canada. Par contre, aux États-Unis, un juge de première instance a effectivement conclu que le poker est un jeu où les habiletés prédominent sur la chance mais la Cour d’appel dans la même affaire a renversé le jugement de première instance (voir United States v. Di Cristina, 12-3720 (726 F.3d 3292) et la Cour suprême des États-Unis a refusé de se saisir de l’appel formulé par le défendeur Di Cristina, mettant ainsi fin au débat;

  • c) le témoignage de l’expert s’apparente davantage à celui d’un témoin de fait s’auto qualifiant de joueur de poker professionnel plutôt qu’à celui d’un expert en économie impartial et indépendant. Lors de son témoignage, l’expert a référé à ses propres habitudes de jeu, a inféré des conclusions sur les comportements des joueurs alors qu’il n’a pas les qualifications requises pour ce faire et a formulé des énoncés généraux sans aucune source à l’appui. Selon le témoignage global de l’expert, ce dernier ne présente pas une opinion objective à la Cour et il n’a pas le degré requis d’indépendance et de crédibilité pour que son opinion et son expertise soient retenues.

[30] Les procureurs de l’appelant ont déposé deux rapports de contre-expertise. Un premier rapport de monsieur Mathieu Dufour, docteur en mathématiques ayant rédigé son thèse de doctorat sur la théorie des jeux, visait à analyser et à déterminer la part de hasard dans le résultat du jeu de poker de type Texas Hold’em. Selon cet expert, deux conclusions s’imposent :

  • a) l’issue d’une partie de poker dépend manifestement à la fois du hasard par la distribution des cartes et de l’habileté des joueurs;

  • b) décrivant la théorie des jeux, la part du hasard et de chance prédomine toujours sur la part d’habileté. Selon son analyse statistique des résultats de l’appelant, les résultats de ce dernier ne sont pas supérieurs à la moyenne.

[31] L’expert Dufour a émis plusieurs critiques à l’égard des rapports de l’expert Heeb, dont les suivants :

  • a) les tests effectués ne sont pas indépendants;

  • b) une erreur scientifique et logique est commise en ce quil démontre qu’il y a une partie d’habileté dans le jeu de poker mais qu’il ne démontre pas que l’habileté est prépondérante; et

  • c) la « mesure de contribution d’habileté » développée ne répond à aucun des critères nécessaires à une mesure statistique robuste et fiable.

[32] Le deuxième rapport de contre-expertise est celui de monsieur Jeffrey Rosenthal, docteur en statistiques, lequel visait à déterminer la part de contribution de la chance et de l’habileté dans le jeu de poker en ligne et de déterminer si les tests statistiques effectués par l’expert Heeb respectent les enseignements statistiques requis.

[33] Cet expert a conclu avec certitude que les tests et analyses effectués par l’expert Heeb ne permettent pas de déterminer que les habiletés prédominent sur la chance au poker. Selon lui, il est impossible de déterminer le degré réel que jouent la chance et l’habileté au poker et qu’il est indéniable que l’habileté ne prédomine pas sur la chance et ce, malgré des centaines de mains jouées. Il réfute d’emblée la conclusion tirée par l’expert Heeb à l’effet qu’après seulement 3 000 mains, la chance est occultée par les habiletés.

B. Position de l’intimé

[34] L’intimé souligne le sens très large donné à la définition du terme « entreprise » au paragraphe 248(1) de la Loi : sont compris parmi les entreprises, les professions, métiers, commerces, industries ou activités de quelque genre que ce soit et […] les projets comportant un risque ou les affaires de caractère commercial.

[35] Selon l’analyse de l’arrêt Cohen, lorsque les activités d’un contribuable comportent un élément personnel (comme dans le cas présent) la Cour doit déterminer si cette activité est exploitée de façon suffisamment commerciale pour se qualifier d’entreprise et être considérée comme une source de revenu aux fins de la Loi.

[36] Selon l’arrêt Stewart, 2002 CSC 46, pour qu’une activité d’un contribuable puisse être qualifiée de commerciale par nature, le contribuable doit avoir l’intention subjective de réaliser un profit. Cette détermination doit se faire en fonction de facteurs objectifs et cette activité doit être exercée conformément à des normes objectives de comportement d’homme d’affaires sérieux.

[37] La nature commerciale d’une activité se caractérise par l’existence d’un système organisé dans le but de gérer ou d’atténuer les risques. L’absence d’un tel système distingue un joueur invétéré d’un joueur professionnel (voir Balanko c. MNR, 81 DTC 887).

[38] L’application du critère de l’intention subjective de réaliser un profit aux causes de gains réalisés par le jeu ou les paris « consiste à essayer de voir quel est l’objectif dominant de la personne en cause, à savoir s’il s’agissait d’exploiter une entreprise ou de simplement se divertir » (voir MNR c. Mordern, 61 DTC 126 à la page 1267).

[39] Dans l’arrêt Moldovan, les facteurs objectifs suivants ont été utilisés afin de déterminer l’intention subjective de réaliser un profit :

  • a) l’état des profits et pertes des années antérieures;

  • b) la formation du contribuable;

  • c) la voie sur laquelle il entendait s’engager; et

  • d) la capacité de l’entreprise à réaliser un profit.

[40] La liste de facteurs énoncés dans l’arrêt Moldovan n’est pas exhaustive et d’autres facteurs peuvent être considérés.

[41] L’application de ces critères aux faits de la présente cause démontre que :

États des profits et pertes des années antérieures;

  • selon le registre de jeu de l’appelant sur le site de FullTiltPoker, l’appelant avait, au 5 janvier 2008, dans son compte (« bankroll ») la somme de 160 654 $ et, selon son registre de jeu sur le site de PokerStars, l’appelant avait, le 1er janvier 2008, dans son compte (« bankroll ») la somme de 166 731 $.

  • l’appelant est un autodidacte qui a appris à jouer au poker avec son père. Il a étudié des mains publiées sur des forums et il a visionné des émissions de télévision diffusant des parties de poker sur le réseau des sports TSN.

  • selon le témoignage de l’appelant, ce dernier n’avait pas de plan à moyen et long terme mais il entendait continuer à jouer tant qu’il pourra avoir des gains lui permettant de subvenir à ses besoins. Il consacre un jeu de poker entre 10 et 30 heures par semaine et, entre 2008 et 2012, il n’a eu qu’un seul autre emploi rémunérateur, soit du 1er mai 2009 au 29 avril 2010 et dont la rémunération fut de 16 000 $ en 2009 et de 8 000 $ en 2010.

  • les gains que l’appelant a tiré de ses activités de poker sont de 867 688 $ en 2008, 305 661 $ en 2009, 1 410 320 $ en 2010, 1 920 558 $ en 2011 et de 736 948 $ en 2012;

  • selon l’expert Heeb, ces gains démontrent un très haut niveau d’habilité et une expectative de profit par main de 0,91 c;

  • selon la contre-expertise du professeur Rosenthal, l’appelant a une probabilité de gain de 91,5% après 92 653 mains.

  • l’appelant adapte son jeu en fonction des sommes d’argent disponibles dans ses comptes (« bankroll »). A titre d’exemple, au début de 2012, l’appelant joue au tables des hautes mises suite à la récupération des sommes gelées dans son compte sur le site de FullTiltPoker et à la réalisation de gros gains à la fin de 2011. En avril 2012, après une série de pertes, l’appelant s’est calmé et a descendu le montant de ses mises parce qu’il avait moins d’argent dans ses comptes. Un autre exemple d’adaptation du jeu de l’appelant s’est produit en 2008. Après plusieurs pertes réalisées à jouer à « un contre un », l’appelant a commencé à jouer sur plusieurs tables à six (6) joueurs;

  • l’appelant jouait beaucoup en ligne et sur plusieurs tables de jeu en même temps. Selon un échantillonnage réalisé en 2008, il jouait une moyenne hebdomadaire de 21,67 heures sur 6,97 tables en même temps. Sur les sites de PartyPoker et FullTiltPoker, l’appelant a joué 289 jours en 2008, 261 jours en 2009, 292 jours en 2010 et 255 jours en 2011;

  • l’appelant a vendu des parts de tournois auxquels il participait et il a acheté des parts à des tournois auxquels monsieur Martin Fournier Giguère participait;

  • l’appelant a acheté et utilisé la logiciel Hold’em Manager qui lui permettait d’identifier certains de ses adversaires et d’obtenir des statistiques sur leur façon de jouer. Ce logiciel lui permettait également de vérifier aux 2 semaines l’état de ses gains et de ses pertes et de vérifier l’exactitude des transactions effectuées sur les sites sur lesquels il jouait;

  • l’appelant échangeait avec d’autres joueurs son argent sur le site de PartyPoker contre de l’argent sur d’autres sites pour des raisons d’efficacité et de rapidité des transactions et éviter les délais du passage de l’argent par son propre compte de banque;

  • l’appelant a considéré l’opportunité de vendre à rabais le solde de son compte sur le site de FullTiltPoker qui faisait l’objet d’un gel.

Formation :

Voie sur laquelle il entend s’engager :

Capacité de réaliser des profits :

Gestion ou minimisation du risque selon des normes objectives de comportement d’homme d’affaires sérieux :

Analyse des catégories de joueurs énoncées par le juge Bowman dans l’affaire Leblanc c. La Reine, 2006 CCI 680 (« Leblanc »)

  • Les affaires de jeu peuvent être rangées en trois catégories générales :

  • a) les joueurs pour qui le jeu constitue un divertissement ne sont pas assujettis à l’impôt même s’ils s’adonnent à cette activité régulièrement, et même d’une façon compulsive, en faisant preuve d’une certaine organisation ou en mettant en œuvre un système donné […];

  • b) les gains de jeu sont imposables lorsque le jeu est l’accessoire d’une entreprise qui était exploitée, comme c’est le cas pour le propriétaire d’un casino qui parie dans son propre casino […];

  • c) les gains de jeu sont imposables lorsqu’une personne utilise sa propre expertise et ses propres habilités pour gagner sa vie dans un jeu de hasard où l’habileté entre fortement en ligne de compte […].

  • Considérant les faits relatifs au jeu de poker de l’appelant, on doit conclure que les activités de poker de l’appelant ne sont pas qu’un simple divertissement et qu’il utilisait son expertise et ses habilités pour gagner sa vie au poker, un jeu où l’habileté entre fortement en ligne de compte.

[42] Les conclusions des rapports d’expertise produits par l’expert Heeb sont à l’effet que :

  • l’habileté prédomine sur la chance au poker et l’appelant a démontré son niveau supérieur d’habileté;

  • le niveau d’habileté de l’appelant est cohérent avec les gains qu’il a réalisés;

  • cet avantage explique les profits obtenus par l’appelant dans la mesure où il joue fréquemment et à long terme;

  • un bon joueur peut améliorer ses probabilités de gains potentiels en raison de ses décisions. La stratégie optimale a pour effet de maximiser la probabilité de victoire (cette assertion est en accord avec les conclusions de l’expert Dufour);

  • un joueur de poker peut utiliser son habileté pour augmenter sa probabilité de victoires et s’il joue souvent, il augmente son expectative de gain à long terme. Un joueur a une expectative de profit à long terme dans la mesure où il possède une probabilité de gain de plus de 50%, ce qui est le cas de l’appelant (cette assertion est en accord avec les conclusions de l’expert Rosenthal).

V. Témoignage de monsieur Philippe D’Auteuil (pseudonyme « Takechips »)

[43] Monsieur Philippe D’Auteuil a témoigné à l’audience pour expliquer d’où est venu son intérêt pour le poker et pour relater ses activités au cours des années 2008 à 2012.

[44] L’appelant a débuté à jouer au poker en 2003 alors qu’il avait 16 ans. Il jouait alors sur l’internet avec son père en utilisant de l’argent fictif. À 17 ans, il a joué avec son père en utilisant de l’argent véritable. Il habitait alors avec ses parents à Rimouski.

[45] En juillet 2006, il a déménagé à Québec pour poursuivre ses études à l’Université Laval (baccalauréat en administration). Il a ouvert alors son propre compte sur le site PartyPoker. Il demeurait alors en appartement avec deux de ses amis.

[46] Il a dit, qu’en décembre 2006, il jouait au poker de 15 à 25 heures par semaine en plus de jouer à des jeux vidéo en ligne (par exemple NHL). Il a déjà quitté l’université parce qu’il a brûlé le moteur de sa voiture lors d’un voyage à Chicoutimi.

[47] En janvier 2007, il a fait un voyage en Europe avec Martin Fournier Giguère (un ami qu’il a rencontré à Rimouski) et deux autres amis. Le voyage a duré deux à trois mois et il a visité la France, l’Espagne (Barcelone) et les Pays-Bas (Amsterdam). Au cours de ce voyage, il jouait au poker en ligne et il est initié aux drogues.

[48] À son retour de voyage, il a vécu dans son appartement à Québec avec des amis qui ne jouaient pas au poker. Il jouait au poker les après-midi et le soir en utilisant son ordinateur portable. Comme il gagnait de l’argent au poker, ses co- locataires et lui étaient toujours en fête.

[49] En janvier 2008, il a effectué un voyage en Australie avec Martin Fournier Giguère et quatre autres amis et joueurs de poker. En deux mois, il dit avoir gagné 170 000 $ en jouant une vingtaine d’heures par semaine.

[50] En juin 2008, il a acquis en co-propriété (40 %) avec Martin Fournier Giguère (60%) une résidence unifamiliale située à Sainte-Foy au coût de 525 000 $, payée par une traite bancaire obtenue sans financement. Deux autres co- locataires qui ne jouaient pas au poker habitaient également dans la résidence. L’appelant et Martin Fournier Giguère avaient beaucoup d’amis et de nombreuses festivités de piscine étaient organisées à leur résidence. L’appelant a décrit son rythme de vie. Il se levait vers 11 heures, il commandait alors ses repas de restaurant, il jouait au poker de 15 à 20 heures par semaine et il fréquentait des bars tous les soirs.

[51] En octobre 2008, l’appelant s’est rendu à Londres pour participer à deux tournois sur une période de trois semaines. Chaque tournoi était d’une durée de cinq jours. Il a fini cinquième dans le deuxième tournoi et a gagné 342 000 $.

[52] Au début de l’année 2009, l’appelant s’est rendu aux Bahamas pour participer à un tournoi et, par la suite, il a fait plusieurs autres voyages dont le résultat net a été de zéro profit.

[53] Au cours de l’année 2009, l’appelant a occupé un emploi auprès de CGE Capital Inc. et sa mission était d’identifier des clients pour leur vendre des abris fiscaux dans le domaine minier. Il a occupé cet emploi du 1er mai 2009 au 29 avril 2020 et il a gagné des revenus d’emploi de 16 000 $ et de 8 000 $ provenant de CGE Capital Inc. pour les années d’imposition 2009 et 2010 respectivement.

[54] En 2010, l’appelant a débuté l’année aux Bahamas où il jouait à des tables de 5 000 $ à 10 000 $. En mars et avril, il continuait de gagner et jouait à des tables de 20 000 $ à 40 000 $. En 2010, l’appelant a vécu un grand stress causé par les difficultés financières du site Hold’em Poker. L’appelant y avait alors un « bankroll » (i.e. l’argent du compte de l’appelant à ce site) de 950 000 $. Le site a été racheté par PokerStars et l’appelant a pu récupérer la totalité de ses gains.

[55] L’appelant n’a pas indiqué s’il avait voyagé à l’extérieur du Canada en 2011. L’appelant a relaté le fait qu’il avait gagné 400 000 $ en août alors qu’il jouait à des tables de 100 000 $ à 200 000 $. À la fin du mois d ’octobre, il a gagné la plus grosse cagnotte à vie, soit 900 000 $ en tout.

[56] Au début de 2012, l’appelant s’est rendu aux Bahamas. Il jouait beaucoup en ligne. En janvier et février, l’appelant a gagné 700 000 $ mais il a perdu 800 000 $ en mars et avril et 150 000 $ en fin d’année.

[57] De 2008 à 2012, l’appelant a accumulé beaucoup d’argent et n’avait pas besoin d’une autre source de revenus. Il jouait de hautes mises et il n’avait pas d’obligations familiales. Il a accepté un emploi chez GCE Capital Inc. par intérêt pour le domaine financier. En 2012, l’appelant s’est inscrit à des cours afin d’obtenir un baccalauréat en économie.

[58] De 2008 à 2012, l’appelant a affirmé avoir joué environ 20 heures par semaine en 2008 et en 2009 et environ 15 heures par semaine aux cours des années 2010, 2011 et 2012. Son nombre d’heures de jeu, selon lui, est basé sur le nombre de mains qu’il a joué au cours de ces années.

[59] Lors du contre-interrogatoire de l’appelant, l’intimé a indiqué que le nombre d’heures de jeu des joueurs de poker est enregistré par les sites de poker. Les fichiers renferment les heures de jeu des tables de tous les jours et toutes les transactions réalisées au cours d’une journée par chaque joueur. Le « bankroll » des joueurs y apparaît également.

[60] Lors de la vérification, l’ARC a obtenu les registres du jeu de PokerStars pour toute l’année 2010. Les informations obtenues de PokerStars ne contiennent pas d’informations concernant le nombre de mains jouées à chaque table. Par contre, il est généralement reconnu qu’un joueur qui joue sur huit tables à la fois peut jouer 1 000 mains par heure. Selon l’appelant, la règle serait plutôt d’une main par minute par table de six joueurs.

[61] Toujours lors du contre-interrogatoire de l’appelant, l’intimé a fait ressortir les nombreux transferts d’argent entre joueurs de poker et a longuement questionné l’appelant au sujet de ces transferts. L’appelant a indiqué qu’il s’agissait souvent de prêts ou de remboursement de dettes et qu’il tenait un registre des prêts consentis aux autres joueurs si un prêt n’était pas rapidement remboursé. Selon l’appelant, la très grande majorité des transferts d’argent sont reliés au poker.

[62] Lors du contre-interrogatoire de l’appelant, il a également été question d’une entrevue accordée sur MSN lors de son voyage en Australie et aux îles Fiji où il a connu beaucoup de succès et d’un livre publié par un monsieur Simon Gravel dans lequel il était indiqué que l’appelant aimait défier ses adversaires et qu’il aimait jouer contre les joueurs les plus forts avec de plus grosses mises.

[63] L’appelant a également été contre-interrogé concernant son utilisation du logiciel Hold’em Manager qui fournit des statistiques sur les joueurs de poker. L’appelant a affirmé avoir fait l’acquisition de ce logiciel en 2009 suite à une longue séquence de pertes et que sa motivation principale était de suivre ses propres résultats, compte tenu du nombre de mains jouées. L’appelant a dit qu’il a peu consulté ce logiciel pour connaître les statistiques de ses adversaires.

[64] En fin de témoignage, l’appelant a expliqué ce que les termes « Stake » et « Rakeback » signifiaient. Le terme « Stake » réfère à l’achat de parts dans la participation d’un joueur qui joue dans un tournoi en présentiel. Cela permet au joueur de partager son risque, soit principalement le coût d’inscription au tournoi. Naturellement, si le joueur gagne, il doit partager une partie de ses gains. Le « Rakeback » est la partie des frais prélevés par les sites du jeu sur chaque pot qui est remboursée aux joueurs afin de les fidéliser. Les frais prélevés par les sites de jeux et la partie remboursable de ces frais varient d’un site à l’autre.

[65] L’appelant prend souvent des « Stake » dans les gros tournois de Martin Fournier Giguère.

VI. Témoignage du vérificateur

[66] Monsieur Mathieu Marois a témoigné pour le compte de l’ARC en tant que vérificateur du dossier de l’appelant. Il est un expert en évaluation d’entreprise et il détient un baccalauréat en administration des affaires et un certificat en comptabilité, C.G.A., C.B.V. et E.E.E.

[67] Le rapport de vérification en date du 20 septembre 2013 a été déposé en preuve et les faits qui y sont énoncés n’ont pas été contestés sauf pour ce qui est des conclusions tirées des extraits de divers forums et blogues disponibles en ligne sur internet qui n’ont pas été mis en preuve par l’intimé. La période de vérification couvre les années d’imposition 2008 à 2012.

[68] L’appelant a répondu à un questionnaire sur ses habitudes de jeu au début de la vérification mais une entrevue initiale avec l’appelant n’a pu être effectuée parce que son représentant d’alors s’est opposé à une telle rencontre et à toute communication directe avec l’appelant.

[69] Selon les informations fournies par l’appelant, il exerce principalement ses activités sur les sites de poker en ligne suivants : PokerStars, FullTiltPoker, PartyPoker et Ultimatebet. Il participe également à des tournois de poker en personne dont les World Series of Poker à Las Vegas, les PokerStars Caribbean Adventure aux Bahamas et le PokerStars EPT à Londres.

[70] Dans le cadre de la vérification, l’appelant a fourni les registres pour deux des quatre sites importants sur lesquels il participe à des parties de poker en ligne, soit les sites de FullTiltPoker et PokerStars. Les habitudes de jeu de l’appelant et les gains tirés de ses activités de poker ont pu être établis à partir des registres des deux des quatre sites importants sur lesquels l’appelant participe à des parties de poker en ligne et à partir des registres bancaires personnels de l’appelant. Seuls les montants qui sont connus, fiables et certains ont été cotisés.

[71] Le vérificateur a expliqué, qu’à partir des registres des sites de FullTiltPoker et de PokerStars, il a procédé à un échantillonnage de trois mois par année pour les années 2008 à 2011 afin d’identifier les habitudes de jeux de l’appelant. Il ressort de cette analyse que l’appelant participe à des parties de poker en ligne pour environ 93 heures par mois et pour près de 22 heures par semaine. De plus, lorsque l’appelant débute une session, il joue en moyenne trois heures et 45 minutes et joue sur environ sept tables en même temps. L’appelant réalise en moyenne un profit de 72 193 $ mensuellement.

[72] L’analyse des registres de FullTiltPoker et de PokerStars révèle que l’appelant fréquente les sites de poker en ligne de façon quasi quotidienne et qu’il a fréquenté un des deux sites de jeux, souvent les deux, pour 289 jours, 261 jours, 292 jours et 255 jours respectivement au cours des années 2008, 2009, 2010 et 2011, soit une moyenne de 274 jours par année. Au cours de cette même période, l’appelant a été en mesure de déposer plus de 5 millions de dollars dans ses comptes bancaires personnels.

[73] Les dépôts réalisés dans les comptes bancaires de l’appelant proviennent principalement des sites de poker en ligne, tels que PokerStars et PartyPoker, et sont des gains réalisés lors de tournois de poker en personne et aussi des chèques d’autres joueurs de poker dont Martin Fournier Giguère. La régularité et l’importance des dépôts liés au poker démontrent que le poker est la principale source de revenus de l’appelant.

[74] Au cours de la période de vérification, l’appelant a occupé un emploi pendant une année auprès de CGE Capital Inc. en tant que chargé de comptes. L’appelant n’était pas soumis à un horaire fixe et pouvait exercer ses fonctions quand bon lui semblait. Les relevés T4 de l’appelant pour les années 2009 et 2010 affichent respectivement des montants de 16 000 $ et 8 000 $ provenant de CGE Capital Inc. Ce revenu est le seul revenu de l’appelant ne provenant pas de ses activités de poker au cours de la période vérifiée.

[75] L’analyse des relevés de carte de crédit RBC Banque Royale de l’appelant a démontré que, même lorsque l’appelant se trouvait à l’extérieur du pays en voyage, celui-ci a fréquenté les sites de jeu en ligne pratiquement à tous les jours de son voyage.

[76] Même lorsqu’il ne joue pas, l’appelant consacré beaucoup de temps aux activités de poker. Pour demeurer compétitif, l’appelant s’informe des tendances générales du poker en ligne; il revoit et analyse des mains auxquelles il a participé et il écoute des émissions consacrées au poker. L’appelant a évalué à environ deux heures par semaine le temps consacré à l’écoute des émissions liées au domaine du poker. Toujours afin d’améliorer son jeu, l’appelant a versé à deux reprises une somme de 155.55 $ à l’entreprise Poker Analytics Services pour l’abonnement à un site de poker en ligne qui fournit des services de consultation, d’apprentissage et de développement du jeu de poker.

[77] L ’appelant a confirmé avoir utilisé le logiciel Hold’em Manager lorsqu’il joue au poker en ligne. Ce logiciel sert, entre autres choses, à conserver ses statistiques de jeux, son historique de jeux et de nombreuses autres données pertinentes à ses activités de poker. Même si l’appelant a mentionné dans sa correspondance du 13 mai 2013 qu’il allait fournir les statistiques contenues dans ce logiciel, lesdites statistiques n’ont jamais été fournies par l’appelant.

[78] Le logiciel Hold’em Manager conserve également des informations sur les joueurs contre qui l’appelant a joué, ce qui permet à l’appelant de mieux réagir lorsqu’il les affronte à nouveau. À l’aide de ce logiciel, l’appelant est en mesure d’identifier certains joueurs contre lesquels il lui est plus profitable de jouer et d’autres qu’il vaut mieux éviter.

VII. Expertises présentées par l’intimé

[79] L’expert présenté par l’intimé est monsieur Randal D. Heeb, PhD (Economics), économiste-conseil et associé de la firme de consultation économique Bates White LLC. La Cour a reconnu monsieur Heeb à titre d’expert en économie et en théorie du jeu. Il est un joueur de poker professionnel aux États-Unis et il joue avec succès au poker depuis plus de 25 ans tant en présentiel qu’en ligne. Il a témoigné et produit des rapports dans cinq causes dont une au Canada, Cohen c. La Reine, 2011 CCI 262.

[80] Son mandat était de résumer et de mettre à jour les opinions qu’il a exprimées dans le cadre de la cause intitulée United States v. Di Cristina, entendue en 2012 par le US District Court of the Eastern District of New York, 2012 U.S. Dist. Lexis 118037, dans un rapport d’expert initial daté du 5 juillet 2012, dans un rapport d’expert supplémentaire daté du 13 août 2012 et dans une déclaration datée du 20 août 2012, lesquels portaient sur la question de savoir si l’habileté prédominait sur la chance dans les parties de poker de type Texas Hold’em sans limite jouées en ligne.

[81] L’expert Heeb a produit un rapport initial daté du 21 août 2020 auquel il a annexé les rapports produits dans le dossier Di Cristina. Après une analyse de données fournies par PokerStars, représentant 415 millions de mains de parties libres au jeu de Poker Texas Hold’em sans limite jouées sur le site de PokerStars (les « Données PokerStars ») dans ce litige américain, et après une analyse de données obtenues de HandHQ, une source indépendante de données, représentant des données d’observation de plus de 170 millions de mains de poker de PokerStars pour la même période, soit d’avril 2010 à mars 2011, au même niveau de jeu des Données PokerStars (il faut comprendre ici que ces données sont essentiellement des données sous-jacentes aux Données PokerStars, telles qu’observées par une source indépendante), l’expert Heeb a conclu que le poker est un jeu où l’habileté et la chance jouent un rôle dans les résultats mais que l’habileté des joueurs prévalait sur la chance au poker.

[82] Son opinion se fonde notamment sur les facteurs suivants :

  • le jeu de poker est un jeu qui implique un nombre considérable de décisions complexes qui peuvent influencer les résultats;

  • de nombreuses personnes vivent du poker et gagnent régulièrement;

  • les joueurs qui ont du succès gagnent régulièrement plus que les joueurs qui ont moins de succès et ce, virtuellement, avec toutes les mains de départ;

  • le niveau d’habileté des joueurs basé sur l’analyse statistique des Données PokerStars en tenant compte des nombreuses variables concernant les statistiques et les tactiques utilisées par les joueurs est un bon indicateur des résultats (i.e. combien d’argent un joueur gagne par partie jouée);

  • les techniques de simulation Monte Carlo ont démontré que les joueurs les plus habiles dominaient les joueurs les moins habiles, à tous les niveaux de jeu. Cet exercice visant à déterminer après combien de mains un joueur habile pouvait dominer un joueur moins habile dans au moins 90% des cas (i.e. de gagner plus d’argent ou de perdre moins d’argent);

  • plusieurs autres tests indépendants dont chacun tendant à établir que l’habileté prédominait sur le hasard au jeu du poker, ont procuré un niveau de confiance très élevé en cette conclusion;

  • l’analyse des jeux en argent en ligne du Texas Hold’em sans limite joués à des tables de six joueurs au maximum aux niveaux de 0,50 c/1 $ jusqu’à 10 $/20 $, a permis à l’expert de formuler l’opinion que le jeu de poker est un jeu où l’habileté prédomine sur la chance, et ce, pour plusieurs autres jeux de poker similaires;

  • le poker en présentiel accorde une place plus grande à l’habileté des joueurs parce que ces derniers doivent « lire » leurs adversaires et déduire les cartes que ces adversaires ont en leur possession;

  • en réponse à une question de la Cour dans l’affaire Di Cristina, l’expert Heeb a exprimé, qu’à son avis, le ratio d’habileté au poker par rapport à la chance est d’au moins 81% pour l’habileté et de 19% pour la chance, après 300 mains de jeu. Après 3 000 mains, l’habileté domine nettement la chance;

  • en réponse aux arguments et aux observations formulées par l’expert retenu par le gouvernement américain, le Dr. David DeRosa, dans la cause Di Cristina, l’expert Heeb a expliqué que la raison pour laquelle plus de joueurs perdent de l’argent plutôt qu’en gagner était attribuable aux frais exigés par l’opérateur des jeux de poker, communément appelés le « rake », qui est calculé en fonction d’un petit pourcentage déduit de chaque pot gagné;

  • dans sa déclaration datée du 20 août 2012 qui était en réponse à une lettre du gouvernement américain datée du 17 août 2012, l’expert Heeb a, entre autres choses, réfuté l’argument du gouvernement à l’effet que le degré d’habileté d’un joueur de poker devait être mesuré par rapport à chaque main jouée plutôt que sur une plus longue période reflétant le nombre réel de mains jouées.

[83] Dans la dernière partie de son rapport, l’expert Heeb a passé en revue la littérature académique traitant de l’habileté et de la chance au poker. L’étude la plus intéressante est celle menée en 2019 par des experts en informatique de l’Université Carnegie Mellon qui a démontré que Pluribus, une créature d’intelligence artificielle, a été capable de battre un groupe d’élite de cinq joueurs professionnels à une table de six joueurs jouant au Texas Hold’em sans limite via internet. L’étude d’une séquence de 10 000 mains a démontré que Pluribus a nettement dominé les joueurs professionnels.

[84] L’expert Heeb a produit un second rapport daté du 8 septembre 2020 en réponse à un mandat de la part de l’intimé d’évaluer si l’appelant a démontré une grande habileté au poker (si possible, jusqu’à quel degré) et si les gains de poker obtenus par l’appelant au cours des années 2009, 2010 et 2011 correspondaient à son niveau d’habileté. Pour réaliser son mandat, l’expert a consulté ses rapports en relation avec l’affaire Di Cristina et des documents publics dont le livre de Simon Gravel intitulé « Les Maîtres du poker », des entrevues, des extraits de forums de discussions et plusieurs autres documents et vidéos sur internet et des données de HandHQ concernant des mises de 0,50 ¢/1 $ jusqu’à 10 $/20 $.

[85] Selon les données de HandHQ, l’appelant a joué 92,653 mains en ne tenant compte que de son jeu aux mises 10 $/ 20 $ et a gagné 84 299 $ pour une moyenne de 0,91 c par main au cours de la période du mois d’avril 2010 au mois de mars 2011. L’expert Heeb a comparé ces résultats avec ceux de trois groupes de comparaison, soit la « population totale » qui comprend l’ensemble des joueurs, les « joueurs récréatifs » qui comprend tous les joueurs qui ont joué moins de 1 000 mains et la moitié des joueurs qui ont joué plus de 1 000 mains, et les « joueurs très habiles » qui comprend la moitié des joueurs qui ont joué plus de 1 000 mains mais qui ont été exclus des « joueurs récréatifs » et qui ont réalisé un profit par main, supérieur à la moyenne dans leur premier deux-tiers de mains. La catégorie des « joueurs récréatifs » représentait 90.8 % des joueurs ayant joué aux parties 10 $/20 $ et 88.8 % des joueurs ayant joué aux parties 5 $/10 $. Par conséquent, la catégorie des « joueurs très habiles » représentaient 9.2 % des joueurs ayant joué aux parties 10 $/20 $ et 11.2 % des joueurs ayant joué aux parties 5 $/10 $.

[86] Les comparaisons entre les résultats de l’appelant et ceux des différents groupes de joueurs effectuées par l’expert Heeb lui ont permis de conclure que :

  • après 92 653 mains, la moyenne des résultats par main jouée pour les joueurs de la catégorie de la « population totale » est négative à 0,18 ¢ par main;

  • l’appelant à une grande probabilité d’obtenir des résultats plus profitables après 92 653 mains qu’un joueur faisant partie de la catégorie de la « population totale »;

  • sur une base annuelle, 37.5 % des joueurs de la catégorie des « joueurs très habiles », qui jouent le même nombre de mains et avec le même mélange de parties aux mises 5 $/10 $ et 10 $/20 $ que les parties jouées par l’appelant, ont une expectative d’obtenir un profit et les joueurs les plus habiles de cette catégorie sont capables de gagner régulièrement et de gagner leur vie en jouant au poker;

  • après 92 653 mains, les joueurs de la catégorie des « joueurs très habiles » ont 93.14 % plus de probabilités d’obtenir de meilleurs résultats que les « joueurs récréatifs »;

  • l’appelant est un joueur très habile dont les résultats de profit par main dominent non seulement les joueurs de la catégorie des « joueurs récréatifs » mais également la plupart des joueurs de la catégorie des « joueurs très habiles »;

  • les joueurs faisant partie de la catégorie des « joueurs récréatifs » ont une expectative de profit négative à 0.99 ¢ par main alors que l’appelant à un résultat réel positif de 0.91 ¢ par main, ce qui place l’appelant à un percentile de 99.99 % des joueurs de cette catégorie pour les résultats anticipés de profit. Un joueur de cette catégorie n’a que 0.01 % de chance de gagner autant que l’appelant après 58 946 mains, soit quatre joueurs sur 10 000 joueurs de cette catégorie;

  • par rapport aux joueurs de la catégorie des « joueurs très habiles », l’appelant se situe dans le 95ième percentile des joueurs en terme de gains.

[87] L’expert retenu par l’intimé a également produit un rapport de contre-expertise daté du 25 novembre 2020 suite au rapport du professeur Jeffrey Rosenthal, un des deux experts retenus par l’appelant. Suite à la révision du rapport du professeur Rosenthal, l’expert Heeb a maintenu les opinons qu’il a rendues dans ses deux rapports précédents. Selon lui, le poker est un jeu où la contribution de l’habileté des joueurs prédomine sur la contribution du facteur chance dans la détermination des résultats des parties. L’expert a, de plus, réaffirmé que l’appelant était un très habile joueur de poker car il se situe dans le percentile 98.16 % des gains par main des joueurs faisant partie de la catégorie de la « population totale » et dans le percentile 99.99 % des joueurs faisant partie de la catégorie des « joueurs récréatifs ».

[88] L’expert Heeb a également estimé que l’appelant avait une probabilité de 91.5 % de gagner la moyenne le salaire annuel d’un entrepreneur américain de 50 000 $ américains et qu’il avait une probabilité de 99.8 % de gagner un profit net annuel en présumant qu’il s’adonne au poker à plein temps.

[89] Le 14 juillet 2021, l’expert Heeb a produit un autre rapport de contre-expertise au rapport du Dr. Mathieu Dufour, un des deux experts retenus par l’appelant. Après avoir fait une révision exhaustive du rapport du Dr. Dufour, l’expert Heeb a maintenu toujours que le poker est un jeu d’habileté en ce sens que la contribution du facteur habileté est plus important que la contribution du facteur chance dans la détermination des résultats au poker. Contrairement à l’opinion du Dr. Dufour, l’expert Heeb est d’avis que l’appelant est un joueur très habile et que le succès financier substantiel et répété de ce dernier en jouant du poker est compatible avec son haut niveau d’habileté.

[90] L’expert Heeb a en premier lieu, abordé et réfuté les trois principaux points de désaccord soulevés par le Dr. Dufour, à savoir que :

  • les différents critères d’habileté utilisés ne sont pas indépendants;

  • les critères et les analyses proposés sont des critères pour déterminer si le degré d’habileté au poker est plus grand que zéro, et non pour déterminer si la contribution de l’habileté est plus grande que la contribution du facteur chance;

  • la mesure du degré d’habileté manque d’un indice de confiance (i.e. une marge d’erreur), n’a pas de définition non ambigüe, ne mesure pas le concept désiré d’habileté et ne génère pas de résultat constant.

[91] Par la suite, l’expert a clarifié des points qui portaient à confusion dont le critère d’habileté, le calcul du nombre de mains jouées et le rythme de jeu d’un joueur de poker professionnel qui joue en ligne. Concernant ce dernier point, l’expert Heeb a discuté de trois sources possibles de confusion.

[92] La première source de confusion concerne le nombre de parties jouées en personne par des professionnels. Selon l’expert Heeb, le rythme de jeu en personne d’un professionnel est environ de 30 mains par heure, soit 300 mains par session quotidienne de dix heures par session et 1 500 mains pour une semaine de 50 heures alors que les joueurs professionnels en ligne vont normalement jouer 50 mains à l’heure, et ce, pour chaque table à laquelle ils jouent.

[93] La seconde source de confusion concerne le nombre de tables auxquelles un joueur peut jouer en ligne simultanément. Selon l’expert Heeb, les joueurs expérimentés peuvent facilement jouer à quatre tables à la fois et certains joueurs peuvent même jouer jusqu’à 12 tables et plus en même temps. Un joueur qui joue à quatre tables simultanément pendant dix heures par jour et cinq jours par semaine aura jouer 10 000 mains dans une semaine (soit 50 mains à l’heure x 4 tables x 10 heures par jour x 5 jours par semaine).

[94] La troisième source de confusion concerne le rythme de jeu annuel de l’appelant parce que les experts se concentrent uniquement sur les données obtenues de HandHQ, qui réfèrent à une seule suite de jeu (PokerStars) et seulement pour les mises de 0.50 ¢/1 $ à 10 $/20 $ et pour une période de 12 mois se terminant en mars 2011. Dans le cas de l’appelant, seulement 92 653 mains ont été prises en compte alors qu’il a reconnu avoir joué intensément sur au moins deux autres sites, soit sur Full Tilt Pocker et PartyPoker. Par conséquent, le nombre de mains jouées par l’appelant dont il a été tenu compte ne représente qu’une infime partie du nombre de mains réellement jouées dans une année.

[95] L’expert Heeb a apporté des précisions concernant le taux de commission exigé par le site PokerStars (le « rake ») parce que le Dr. Dufour a présumé que ce taux était de 5 % des mises. Selon l’expert Heeb, ce taux est incorrect et a pour effet de biaiser substantiellement l’impact du « rake ». Le taux réel du « rake » exigé par le site PokerStars est d’environ 5% jusqu’à un maximum de 3 $ pour les mises de 5 $/10 $ et de 10 $/20 $. Lorsque le pot d’une partie atteint 60 $, il n’y a pas de « rake » additionnel. L’effet du « rake » par main par joueur pour la période au cours de laquelle les données de PokerStars sont disponibles est de 0.18 ¢ par main par joueur pour les mises de 10 $/20 $ et de 0.16 ¢ par main par joueur pour les mises de 5 $/10 $.

VIII. Expertises présentées par l’appelant

[96] Un premier expert mandaté par le procureur de l’appelant est monsieur Jeffrey S. Rosenthal, lequel détient un BSc en mathématiques et physique et en science informatique de l’Université de Toronto (1988) et un doctorat en mathématiques de l’Université de Harvard (1992). Depuis 1993, il est professeur de statistiques à l’Université de Toronto.

[97] Son mandat consistait à évaluer les contributions relatives du facteur habileté et du facteur chance des joueurs de poker en ligne et, en particulier de réviser et commenter les différents rapports et conclusions de l’expert Heeb dans le cadre du litige de l’appelant avec l’ARC. Le professeur Rosenthal a produit un rapport daté du 19 octobre 2020 et il a témoigné à l’audience. Pour exécuter son mandat, le professeur Rosenthal a eu accès aux différents rapports de l’expert Heeb dans la cause Di Cristina et dans la cause de l’appelant et de celles de messieurs Martin Fournier Giguère et Antoine Bérubé, ainsi qu’à des dossiers financiers et à des courriels concernant les gains et les pertes de l’appelant résultant de son jeu en ligne et aux données détaillées portant sur les 187 millions de parties jouées en ligne sur le site de PokerStars au cours de la période d’avril 2020 à mars 2011.

[98] Essentiellement, la position du professeur Rosenthal est que les conclusions de l’expert Heeb à l’effet que l’appelant est un joueur extrêmement habile et que cette habileté domine grandement sur le facteur chance après quelques milliers de mains ne sont pas adéquatement démontrées et sont mêmes contredites par les résultats réels obtenus par l’appelant, lesquels montrent des probabilités significatives de pertes et de longues périodes de pertes substantielles.

[99] Le professeur Rosenthal a observé une circularité dans l’analyse de l’expert Heeb en ce sens que les joueurs ont été sélectionnés dans différentes catégories et évalués en utilisant les mêmes données de l’année. La même chose s’est produite afin de mesurer les statistiques du modèle de paris et les gains réalisés au poker.

[100] Dans le cas particulier de l’appelant, le professeur Rosenthal a observé que son pourcentage d’habileté, calculé selon la formule de l’expert Heeb, était estimé être 0 %, de 45.5 % (sur une base mensuelle), de 33.3 % (sur une base des profits nets annuels) et de 82.9 % des profits annuels totaux pour l’année des données. Au cours de la période où les données étaient disponibles, l’appelant a connu une longue période de pertes ce qui n’est pas conforme aux modèles de gains conçus par l’expert Heeb pour les joueurs les plus habiles. Au niveau recommandé de 3 000 mains, le pourcentage d’habileté estimé de l’appelant n’excède pas 19.4 %.

[101] Le deuxième expert mandaté par le procureur de l’appelant est le Dr. Matthieu Dufour lequel détient un doctorat en mathématiques de l’Université de Montréal et est un associé de la Société des actuaires. Monsieur Dufour est depuis 2001 professeur d’actuariat au Département de mathématiques à l’Université du Québec à Montréal et il a publié plusieurs articles sur la théorie des jeux.

[102] Son mandat, à titre d’expert indépendant en mathématiques, en théorie des jeux, en théorie des probabilités et en action actuariat, était d’analyser et de déterminer la part du hasard dans le résultat du jeu de poker de type Texas Hold’em et d’établir s’il est possible d’y jouer avec une espérance de gain positive à long terme.

[103] Le professeur Dufour a produit un rapport daté 11 juin 2021 de même qu’une réplique datée du 11 août 2021 à la réponse de l’expert Heeb à son rapport. Pour exécuter son mandat, le professeur Dufour a eu accès aux avis d’appel et aux réponses aux avis d’appel concernant l’appelant et à tous les rapports d’expertise produits par l’expert Heeb et par le professeur Rosenthal dans le dossier de l’appelant.

[104] Le professeur Dufour a témoigné à l’audience. Son témoignage et son rapport ont fait ressortir trois principaux points de désaccord avec les conclusions de l’expert Heeb. Ces points de désaccord sont les suivants :

  • - les critères d’évaluation de l’expert Heeb ne sont pas indépendants et ils constituent tous des variations d’un seul et même critère, i.e., la constatation qu’en moyenne, les meilleurs joueurs de son échantillon font mieux que les moins bons. L’habilité des joueurs peut justifier une certaine part de leurs succès, mais la démonstration de l’expert Heeb au moyen de ses graphiques, est erronée, car les mêmes types de graphiques sont obtenus avec des résultats purement aléatoires pour lesquels seul le hasard est en cause;

  • - en aucun moment, l’expert Heeb a démontré que l’habilité est prépondérante sur la chance au poker;

  • - « la mesure de contribution de l’habilité » d’un joueur de poker, telle qu’élaborée par l’expert Heeb, ne répond à aucun des critères nécessaires à une mesure statistique robuste et fiable, à savoir une définition non ambigüe, l’existence d’un intervalle de confiance (marge d’erreur), une capacité à mesurer la chose voulue et une cohérence dans les résultats (valeurs négatives);

  • - le professeur Dufour a également conclu que l’analyse des résultats de l’appelant pendant la période d’avril 2010 à mars 2011 de 0.91 ¢ par main lui procure une probabilité a priori de terminer l’année avec au moins le gain qu’il a obtenu n’est que de 8.5 %, ce qui est absolument non remarquable et ne ressort nullement de la moyenne;

  • - dans sa réplique à la réponse de l’expert Heeb, le professeur Dufour a notamment traité des questions suivantes :

  • - la confusion entourant les conclusions à l’effet que « Il y a au poker de l’habilité » (conclusion courte) et « Au poker, l’habilité prédomine » (conclusion erronée);

  • - le critère d’évaluation de la « mesure d’habilité »; et

  • - la capacité d’un joueur aguerri à tirer parti des faiblesses de ses adversaires dans le jeu en ligne.

[105] Concernant la « prédominance de l’habilité », le professeur Dufour a souligné que l’expert Heeb n’a pas défini précisément la signification de cette notion.

[106] Concernant le critère d’évaluation de la « mesure d’habilité », le professeur Dufour a soutenu que ce test ne respecte pas les standards minimums de crédibilité pour un test statistique, notamment à cause de l’absence de toute mesure d’intervalle de confiance qui viendrait valider ce test.

[107] Concernant la capacité pour un joueur aguerri à tirer parti des faiblesses de ses adversaires dans le jeu en ligne, le professeur Dufour a affirmé, en se basant sur les théorèmes mathématiques de la théorie des jeux, que la chance était largement dominante dans le succès d’un joueur et que, pour cette raison, il faut un grand nombre de mains pour qu’un joueur beaucoup plus fort qu’un autre finisse par l’emporter de façon convaincante. Selon lui, il n’a pas été démontré que l’appelant avait un talent particulier qui lui permettait de détecter si ses adversaires en ligne bluffaient ou non.

IX. Les dispositions législatives applicables

[108] Les dispositions de la Loi applicables au présent litige sont l’alinéa 3a), le paragraphe 9(1), l’alinéa 40(2)f) et le paragraphe 248(1).

[109] L’alinéa 3a) prévoit que, dans le calcul de son revenu, le contribuable doit inclure le revenu provenant d’une source au Canada ou à l’étranger, y compris le revenu tiré d’une entreprise. Le paragraphe 9(1) prévoit que le revenu que le contribuable tire d’une entreprise pour une année d’imposition est le bénéfice qu’il en tire pour cette année. L’alinéa 40(2)f) prévoit que le gain ou la perte d’un contribuable résultant de la disposition d’une chance de gagner un prix ou un pari ou d’un droit de recevoir une somme comme prix ou comme enjeu d’un pari est réputé être nul. Le paragraphe 248(1) précise que la définition du terme « entreprise » comprend les professions de même que les activités de quelque genre que ce soit et les projets comportant un risque ou les affaires de caractère commercial.

[110] Ces dispositions de la Loi se lisent comme suit :

Revenu pour l’année d’imposition

3 Pour déterminer le revenu d’un contribuable pour une année d’imposition, pour l’application de la présente partie, les calculs suivants sont à effectuer :

a) le calcul du total des sommes qui constituent chacune le revenu du contribuable pour l’année (autre qu’un gain en capital imposable résultant de la disposition d’un bien) dont la source se situe au Canada ou à l’étranger, y compris, sans que soit limitée la portée générale de ce qui précède, le revenu tiré de chaque charge, emploi, entreprise et bien;

Revenu

9 (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente partie, le revenu qu’un contribuable tire d’une entreprise ou d’un bien pour une année d’imposition est le bénéfice qu’il en tire pour cette année.

Perte

(2) Sous réserve de l’article 31, la perte subie par un contribuable au cours d’une année d’imposition relativement à une entreprise ou à un bien est le montant de sa perte subie au cours de l’année relativement à cette entreprise ou à ce bien, calculée par l’application, avec les adaptations nécessaires, des dispositions de la présente loi afférentes au calcul du revenu tiré de cette entreprise ou de ce bien.

[…]

40(2) f) est nul le gain ou la perte du contribuable résultant de la disposition :

(i) soit d’une chance de gagner un prix ou un pari,

(ii) soit d’un droit de recevoir une somme comme prix ou comme enjeu d’un pari,

à l’occasion d’une loterie ou d’un pari collectif mentionné à l’article 205 du Code criminel;

[…]

248(1) entreprise Sont compris parmi les entreprises les professions, métiers, commerces, industries ou activités de quelque genre que ce soit et, sauf pour l’application de l’alinéa 18(2)c), de l’article 54.2, du paragraphe 95(1) et de l’alinéa 110.6(14)f), les projets comportant un risque ou les affaires de caractère commercial, à l’exclusion toutefois d’une charge ou d’un emploi. (business)

X. Analyse et conclusion

[111] Il ne fait aucun doute que le jeu de poker de type Texas Hold’em sans limite est un jeu de hasard et d’habileté. Les experts retenus par les parties s’entendent sur ce point. Le désaccord entre les experts porte essentiellement sur les conclusions de l’expert Heeb à l’effet que l’habileté prévaut sur le hasard.

[112] Cette question, quoique très intéressante, n’est pas vraiment pertinente pour déterminer si l’appelant exploitait ou non une entreprise au cours des années en litige, parce que, contrairement aux prétentions de l’appelant, le poker n’est pas un jeu de type « pari » visé par l’alinéa 40(2)f) de la Loi. Le droit de recevoir une somme comme enjeu d’un pari n’est pas gagné à l’occasion d’une loterie ou d’un pari collectif mentionné à l’article 205 du code criminel. Mentionnons ici que l’article 205 du code criminel a par ailleurs été aboli par la loi de 1985, L.R. ch. 52 (1er suppl.) a.1, sanctionné le 20 décembre 1985.

[113] D’une façon générale, les parties s’entendent sur les critères à utiliser pour déterminer si l’appelant exploitait ou non une entreprise (voir les paragraphes 18 à 25 et les paragraphes 35 à 40). Leurs divergences proviennent de l’application de ces critères aux faits qui sont propres à l’appelant.

[114] Au cours des années 2008, 2009, 2010, 2011 et 2012, les activités de poker de l’appelant étaient beaucoup plus qu’un divertissement. Il jouait au poker pour gagner sa vie; en ce sens, il était un joueur de poker professionnel. Il jouait au poker de façon non récréative dans le but de dégager un profit. Il organisait sa vie en fonction du poker. Il jouait même en vacances et il payait ses voyages avec ses gains de poker.

[115] Les activités de jeu de poker de l’appelant représentaient sa principale source de revenus au cours des années en litige. Sa seule autre source de revenus était des revenus d’emploi de 16 000 $ et 8 000 $ provenant de CGE Capital Inc. pour les années 2009 et 2010.

[116] Selon le rapport de vérification, la conciliation des gains totaux réalisés par l’appelant uniquement sur les sites PokerStars et FullTiltPoker, lorsqu’ajoutés aux dépôts effectués à partir du site PartyPoker et des gains réalisés en tournois, démontre que les revenus réalisés par l’appelant sont au minimum de 5 241 025 $ pour les années 2008 à 2012.

[117] Dans les faits, l’appelant consacrait la quasi-totalité de son temps au jeu de poker. L’analyse des registres de FullTiltPoker et de PokerStars a révélé que l’appelant fréquentait les sites du poker en ligne de façon quasi-quotidienne et qu’il a fréquenté un des deux sites de jeu, souvent les deux sites, pour 289 jours, 261 jours, 292 jours et 255 jours respectivement au cours des années 2008, 2009, 2010 et 2011, soit une moyenne de 274 jours par année.

[118] En plus de ses heures de jeu, l’appelant a évalué à environ 2 heures par semaine le temps consacré à l’écoute d’émissions télévisuelles et autres consacrées au poker dans le but de demeurer compétitif et de s’informer des tendances générales du poker en ligne. Afin d’améliorer son jeu, l’appelant s’est abonné à un site de l’entreprise Poker Analytics Services qui fournit des services de consultations, d’apprentissage et de développement du jeu de Poker.

[119] L’appelant a également confirmé avoir utiliser la logiciel Hold’em Manager lorsqu’il joue au poker en ligne. Ce logiciel sert à conserver ses statistiques de jeux, son historique de jeux et de nombreuses autres données pertinentes à ses activités de poker, en plus de fournir des informations concernant les joueurs contre qui l’appelant a joué. À l’aide de ce logiciel, l’appelant était en mesure d’identifier des joueurs contre qui il était préférable de ne pas jouer et ceux contre qui il lui était plus profitable de jouer.

[120] Malgré son mode de vie hors norme et sa propension à toujours vouloir jouer aux tables de très hautes mises, l’appelant avait un comportement d’homme d’affaires sérieux. Il jouait au poker pour gagner. Il évitait de jouer contre certains adversaires et il adaptait son jeu en fonction de son « bankroll » pour éviter les situations trop périlleuses. L’appelant a adopté des normes objectives de gestion et de minimisation des risques. Lorsqu’il participait à des tournois en présentiel, il partageait et vendait à d’autres joueurs des parts en fonction des coûts d’entrée aux tournois. Il lui arrivait aussi de prendre des participations dans les tournois auxquels Martin Fournier Giguère participait pour les montants entre 100 000 $ et 150 000 $.

[121] A l’aide de ses gains de poker, l’appelant a été en mesure de faire l’acquisition de deux immobilisations importantes, à savoir une résidence acquise en 2008 en copropriété (40 %) avec M. Martin Fournier Giguère pour un coût total de 525 000 $, payé comptant de même qu’un véhicule automobile pour un coût de 37 500 $ aussi payé comptant.

[122] L’appelant réinvestissait également une partie de ses gains dans le poker en prenant des participations dans des tournois auxquels M. Martin Fournier Giguère participait. Ce genre d’opérations permettait à l’appelant de diversifier ses investissements et de maximiser ses possibilités de revenus.

[123] A ce niveau de gains réalisés par l’appelant sur une aussi longue période de temps, je suis convaincu que l’appelant pouvait raisonnablement s’attendre à pouvoir gagner sa vie en jouant au poker et même de faire une carrière de joueur professionnel.

[124] Compte tenu de ce qui précède, je viens à la conclusion que, selon la prépondérance des probabilités, l’appelant avait l’intention subjective de réaliser un profit en s’adonnant à ses activités de poker et qu’il utilisait son expertise et sur habilité pour gagner sa vie au poker, un jeu de hasard où l’habilité entre fortement en ligne de compte.

[125] Pour toutes ces raisons, (a) l’appel à l’encontre de la nouvelle cotisation en date du 1er novembre 2013 concernant l’année d’imposition 2008 est rejeté sans frais, et (b) les appels à l’encontre des nouvelles cotisations en date du 1er novembre 2013 concernant les années d’imposition 2009, 2010, 2011 et 2012 sont accueillis en partie, sans frais, et lesdites cotisations sont déférées à la ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations afin de (1) diminuer le revenu imposable de l’appelant pour les années d’imposition 2009, 2010 et 2011 d’un montant de 305 661 $, 3 550 $ et 1 684 $ respectivement; et (2) d’accorder une perte d’entreprise de 215 781 $ pour l’année d’imposition 2012.

Signé à Montréal, Québec, ce 25e jour de janvier 2023.

« Réal Favreau »

Juge Favreau


RÉFÉRENCE :

2023 CCI 3

Nº DES DOSSIERS DE LA COUR :

2014-90 (IT)G

2014-1171(IT)G

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Philippe D’Auteuil et SMR

LIEU DE L’AUDIENCE :

Québec (Québec)

DATE DE L’AUDIENCE :

Les 13, 14, 15, 16, 20, 21, 22 et 23 septembre 2021

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

L'honorable juge Réal Favreau

DATE DU JUGEMENT :

Le 25 janvier 2023

COMPARUTIONS :

Avocats de l’appelant :

Me Danny Galarneau

Me Bénédicte Dupuis

Avocats de l'intimée :

Me Grégoire Cadieux

Me Sonia Bédard

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelant:

Nom :

Me Danny Galarneau

Me Bénédicte Dupuis

Cabinet :

Cain Lamarre (SENCRL)

Fasken Martineau DuMoulin (SENCRL)

Pour l’intimé :

François Daigle

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

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