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Dossier : 2018-979(IT)G

ENTRE :

QUÉBECOR INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LE ROI,

intimé.

 

Appel entendu les 29 et 30 juin 2021 à Ottawa, Canada, par vidéoconférence.

Devant : l’honorable juge Sylvain Ouimet


Comparutions :

Avocats de l’appelante :

Me Wilfrid Lefebvre

Me Catherine Dubé

Avocats de l’intimé :

Me Natalie Goulard

Me Marie-Aimée Cantin

Me Sara Jahanbakhsh

 

JUGEMENT

L’appel des avis de détermination établis en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2007 est accueilli, avec dépens, selon les motifs ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 3e jour d’octobre 2023.

« Sylvain Ouimet »

Juge Ouimet


Référence : 2023 CCI 142

Date : 20231003

Dossier : 2018-979(IT)G

ENTRE :

QUÉBECOR INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LE ROI,

intimé.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Ouimet

I. INTRODUCTION

[1] Québecor Inc. (« Québecor ») interjette appel des avis de détermination établis par le ministre du Revenu national (le « Ministre ») le 17 octobre 2012[1]. Ces avis concernent l’année d’imposition 2007 de Québecor et ils ont été émis en application de la règle générale anti-évitement (« RGAÉ ») prévue à l’article 245 de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch.1 (5e suppl.) (« LIR »)[2]. Par ces avis, le Ministre a effectué trois changements en lien avec la disposition de 44 821 024 actions ordinaires d’Abitibi Consolidated Inc. (« Abitibi Consolidated ») par Québecor. Les changements effectués par le Ministre sont les suivants :

  • 1-Le Ministre a révisé le prix de base rajusté (« PBR »)[3] des 44 821 024 actions ordinaires d’Abitibi Consolidated. Le PBR a été révisé pour le faire passer de 191 833 983 $ à 1 $[4];

  • 2-Le Ministre a ajouté au revenu de Québecor un gain en capital de 95 916 990 $ en lien avec la disposition de 44 821 024 actions ordinaires d’Abitibi Consolidated[5];

  • 3-Le Ministre a refusé à Québecor une perte en capital de 95 916 992 $ en lien avec la disposition de 44 821 024 actions ordinaires d’Abitibi Consolidated [6].

II. QUESTIONS EN LITIGE

[2] Les questions en litige sont les suivantes :

  • 1-Est-ce à bon droit que le Ministre a diminué le PBR des 44 821 024 actions ordinaires d’Abitibi Consolidated détenues par Québecor pour le faire passer de 191 833 982 $ à 1 $?

  • 2-Est-ce à bon droit que le Ministre a ajouté au revenu de Québecor un gain en capital de 95 916 990 $ à la suite de la disposition de ses 44 821 024 actions ordinaires d’Abitibi Consolidated?

  • 3-Est-ce à bon droit que le Ministre a refusé à Québecor la déduction d’une perte en capital de 95 916 992 $ réclamée à la suite de la disposition de ses 44 821 024 actions ordinaires d’Abitibi Consolidated?

[3] Afin de répondre à ces trois questions, notre Cour doit déterminer si la RGAÉ s’applique en l’espèce. À cette fin, notre Cour doit répondre aux trois questions suivantes[7] :

  • 1-Est-ce que Québecor a bénéficié d’un avantage fiscal découlant d’une opération ou d’une opération faisant partie d’une série d’opérations?

  • 2-Est-ce que l’opération qui a généré l’avantage fiscal est une opération d’évitement? Afin de répondre à cette question, notre Cour doit déterminer s’il est raisonnable de conclure que l’opération a été principalement effectuée pour des objets véritables à l’exclusion de l’obtention d’un avantage fiscal.

  • 3-Est-ce que l’opération d’évitement est abusive? Afin de répondre à cette question, notre Cour doit déterminer si ladite opération a entraîné directement ou indirectement un abus de l’une des dispositions de la LIR.

[4] En l’espèce, la Cour doit déterminer si, tel que l’intimé le soutient, il y a eu abus de l’une des dispositions suivantes :

  • -Les articles 3, 38 et 54 de la LIR;

  • -Les paragraphes 39(1), 40(1), 69(5), 84(2), 85(1) et 88(2) de la LIR.

III. LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES PERTINENTES

[5] Les dispositions législatives pertinentes sont les suivantes :

Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.)

PARTIE I – Impôt sur le revenu

SECTION B – Calcul du revenu

Règles fondamentales

Revenu pour l’année d’imposition

3 Pour déterminer le revenu d’un contribuable pour une année d’imposition, pour l’application de la présente partie, les calculs suivants sont à effectuer :

a) le calcul du total des sommes qui constituent chacune le revenu du contribuable pour l’année (autre qu’un gain en capital imposable résultant de la disposition d’un bien) dont la source se situe au Canada ou à l’étranger, y compris, sans que soit limitée la portée générale de ce qui précède, le revenu tiré de chaque charge, emploi, entreprise et bien;

b) le calcul de l’excédent éventuel du montant visé au sous-alinéa (i) sur le montant visé au sous-alinéa (ii) :

(i) le total des montants suivants :

(A) ses gains en capital imposables pour l’année tirés de la disposition de biens, autres que des biens meubles déterminés,

(B) son gain net imposable pour l’année tiré de la disposition de biens meubles déterminés,

(ii) l’excédent éventuel de ses pertes en capital déductibles pour l’année, résultant de la disposition de biens autres que des biens meubles déterminés sur les pertes déductibles au titre d’un placement d’entreprise pour l’année, subies par le contribuable;

c) le calcul de l’excédent éventuel du total établi selon l’alinéa a) plus le montant établi selon l’alinéa b) sur le total des déductions permises par la sous-section E dans le calcul du revenu du contribuable pour l’année (sauf dans la mesure où il a été tenu compte de ces déductions dans le calcul du total visé à l’alinéa a));

d) le calcul de l’excédent éventuel de l’excédent calculé selon l’alinéa c) sur le total des pertes subies par le contribuable pour l’année qui résultent d’une charge, d’un emploi, d’une entreprise ou d’un bien et des pertes déductibles au titre d’un placement d’entreprise subies par le contribuable pour l’année;

Pour l’application de la présente partie, les règles suivantes s’appliquent :

e) si un montant est calculé selon l’alinéa d) à l’égard du contribuable pour l’année, le revenu du contribuable pour l’année correspond à ce montant;

f) sinon, le revenu du contribuable pour l’année est réputé égal à zéro.

SOUS-SECTION C – Gains en capital imposables et pertes en capital déductibles

Sens de gain en capital imposable et de perte en capital déductible

38 Pour l’application de la présente loi :

a) sous réserve des alinéas a.1) à a.3), le gain en capital imposable d’un contribuable pour une année d’imposition, tiré de la disposition d’un bien, est égal à la moitié du gain en capital qu’il a réalisé pour l’année à la disposition du bien;

[…]

b) la perte en capital déductible d’un contribuable, pour une année d’imposition, résultant de la disposition d’un bien est égale à la moitié de la perte en capital que le contribuable a subie, pour l’année, à la disposition du bien;

[…]

Sens de gain en capital et de perte en capital

39 (1) Pour l’application de la présente loi :

a) un gain en capital d’un contribuable, tiré, pour une année d’imposition, de la disposition d’un bien quelconque, est le gain, déterminé conformément à la présente sous-section (jusqu’à concurrence du montant de ce gain qui ne serait pas, compte non tenu du passage « autre qu’un gain en capital imposable résultant de la disposition d’un bien », à l’alinéa 3a), et de l’alinéa 3b), inclus dans le calcul de son revenu pour l’année ou pour toute autre année d’imposition), que ce contribuable a tiré, pour l’année, de la disposition d’un bien lui appartenant, à l’exception :

[…]

b) une perte en capital subie par un contribuable, pour une année d’imposition, du fait de la disposition d’un bien quelconque est la perte qu’il a subie au cours de l’année, déterminée conformément à la présente sous-section (jusqu’à concurrence du montant de cette perte qui ne serait pas déductible, si l’article 3 était lu de la manière indiquée à l’alinéa a) du présent paragraphe et compte non tenu du passage « et des pertes déductibles au titre d’un placement d’entreprise subies par le contribuable pour l’année » à l’alinéa 3d), dans le calcul de son revenu pour l’année ou pour toute autre année d’imposition) du fait de la disposition d’un bien quelconque de ce contribuable, à l’exception :

[…]

Règles générales

40 (1) Sauf indication contraire expresse de la présente partie :

a) le gain d’un contribuable tiré, pour une année d’imposition, de la disposition d’un bien est l’excédent éventuel :

(i) en cas de disposition du bien au cours de l’année, de l’excédent éventuel du produit de disposition sur le total du prix de base rajusté du bien, pour le contribuable, calculé immédiatement avant la disposition, et des dépenses dans la mesure où celles-ci ont été engagées ou effectuées par lui en vue de réaliser la disposition,

(ii) en cas de disposition du bien avant l’année, du montant éventuel dont le contribuable a demandé la déduction en vertu du sous-alinéa (iii) dans le calcul de son gain pour l’année précédente, tiré de la disposition de ce bien,

sur :

(iii) sous réserve du paragraphe (1.1), le montant dont il peut demander la déduction, dans le cas d’un particulier — à l’exclusion d’une fiducie —, sur le formulaire prescrit présenté avec la déclaration de revenu prévue à la présente partie pour l’année et, dans les autres cas, dans la déclaration de revenu produite en vertu de la présente partie pour l’année, jusqu’à concurrence du moins élevé des montants suivants :

(A) un montant raisonnable à titre de provision à l’égard de toute partie du produit de disposition du bien qui lui est payable après la fin de l’année et qu’il est raisonnable de considérer comme une partie du montant déterminé en vertu du sous-alinéa (i) pour ce bien,

(B) le produit de 1/5 de l’excédent déterminé en vertu du sous-alinéa (i) pour ce bien et de l’excédent éventuel de 4 sur le nombre d’années d’imposition antérieures du contribuable qui se terminent après la disposition du bien;

b) la perte d’un contribuable résultant, pour une année d’imposition, de la disposition d’un bien est :

(i) en cas de disposition du bien au cours de l’année, l’excédent éventuel du total du prix de base rajusté du bien, pour le contribuable, immédiatement avant la disposition, et des dépenses dans la mesure où celles-ci ont été engagées ou effectuées par lui en vue de réaliser la disposition sur le produit de disposition du bien qu’il en a tiré,

(ii) dans les autres cas, nulle.

Rajustements du prix de base

53 (1) Un contribuable doit, dans le calcul du prix de base rajusté, pour lui, d’un bien à un moment donné, ajouter au coût, pour lui, de ce bien les montants suivants qui s’y rapportent :

[…]

Définitions

54 Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente sous-section.

[…]

prix de base rajusté S’agissant du prix de base d’un bien quelconque pour un contribuable à un moment donné s’entend, sauf dispositions contraires :

a) lorsque le bien entre dans la catégorie des biens amortissables du contribuable, du coût en capital du bien, supporté par lui, à ce moment;

b) dans les autres cas, du coût du bien, pour le contribuable, rajusté à ce moment, conformément à l’article 53;

toutefois :

c) il demeure entendu que, lorsqu’un bien du contribuable (sauf une participation dans une entité intermédiaire, au sens du paragraphe 39.1(1), ou une action du capital-actions d’une telle entité, que le contribuable a acquise de nouveau pour la dernière fois par suite d’un choix fait selon le paragraphe 110.6(19)) est un bien qu’il a acquis de nouveau après en avoir disposé, le coût du bien pour lui, tel qu’il a été acquis de nouveau, ne peut faire l’objet du rajustement qui devait être fait à son égard en vertu de l’article 53 avant qu’il ne l’acquière de nouveau;

d) le prix de base rajusté d’un bien pour le contribuable à un moment donné ne peut, en aucun cas, être inférieur à zéro. (adjusted cost base)

produit de disposition Sont compris dans le produit de disposition d’un bien :

a) le prix de vente du bien qui a été vendu;

b) toute indemnité pour biens pris illégalement;

c) toute indemnité afférente à la destruction de biens, et toute somme payable en vertu d’une police d’assurance du fait de la perte ou de la destruction de biens;

d) toute indemnité afférente aux biens pris en vertu d’une loi, ou le montant du prix de vente des biens vendus à une personne ayant donné un avis de son intention de les prendre en vertu d’une loi;

e) toute indemnité afférente aux biens ayant subi un préjudice, légalement ou illégalement, ou en vertu d’une loi ou de toute autre façon;

f) toute indemnité afférente aux dommages causés aux biens et toute somme payable en vertu d’une police d’assurance au titre de dommages causés à des biens, sauf dans la mesure où cette indemnité ou cette somme, suivant le cas, a, dans un délai raisonnable après que les dommages ont été subis, été dépensée pour réparer les dommages;

g) le montant de la réduction de la dette dont un contribuable est débiteur envers un créancier hypothécaire découlant de la vente du bien hypothéqué en vertu d’une clause du contrat d’hypothèque, plus toute partie du produit d’une telle vente reçue par le contribuable;

h) toute somme comprise, par l’effet de l’article 79, dans le calcul du produit de disposition du bien revenant à un contribuable;

i) pour une action, toute somme réputée, aux termes du sous-alinéa 88(2)b)(ii), ne pas être un dividende sur cette action.

Malgré les autres dispositions de la présente partie, le terme ne vise toutefois pas :

j) une somme qui serait par ailleurs le produit de disposition d’une action, dans la mesure où elle est réputée, en vertu du paragraphe 84(2) ou (3), être un dividende reçu et n’est pas, en vertu de l’alinéa 55(2)a) ou du sous-alinéa 88(2)b)(ii), réputée ne pas être un dividende;

k) une somme qui serait par ailleurs le produit de disposition d’un bien d’un contribuable dans la mesure où elle est réputée par les paragraphes 84.1(1), 212.1(1) ou 212.2(2) être un dividende versé au contribuable. (proceeds of disposition)

SOUS-SECTION F– Règles relatives au calcul du revenu

Contreparties insuffisantes

69 (5) Lorsque, au cours d’une année d’imposition d’une société, des biens de la société ont été attribués de quelque manière que ce soit à un actionnaire ou au profit de celui-ci, lors de la liquidation de la société, les règles suivantes s’appliquent :

a) pour le calcul de son revenu pour l’année, la société est réputée avoir disposé des biens immédiatement avant la liquidation pour un produit égal à leur juste valeur marchande à ce moment;

b) l’actionnaire est réputé avoir acquis les biens à un coût égal à leur juste valeur marchande immédiatement avant la liquidation;

c) les paragraphes 52(1) et (2) ne s’appliquent pas lorsqu’il s’agit de déterminer le coût de ces biens pour l’actionnaire;

d) les paragraphes 13(21.2), 14(12), 18(15) et 40(3.4) et (3.6) ne s’appliquent pas aux biens dont il a été disposé lors de la liquidation.

[…]

SOUS-SECTION H – Les sociétés résidant au Canada et leurs actionnaires

Distribution lors de liquidation, etc.

84 (2) Lorsque des fonds ou des biens d’une société résidant au Canada ont, à un moment donné après le 31 mars 1977, été distribués ou autrement attribués, de quelque façon que ce soit, aux actionnaires ou au profit des actionnaires de tout catégorie d’actions de son capital-actions, lors de la liquidation, de la cessation de l’exploitation ou de la réorganisation de son entreprise, la société est réputée avoir versé au moment donné un dividende sur les actions de cette catégorie, égal à l’excédent éventuel du montant ou de la valeur visés à l’alinéa a) sur le montant visé à l’alinéa b) :

a) le montant ou la valeur des fonds ou des biens distribués ou attribués, selon le cas;

b) le montant éventuel de la réduction, lors de la distribution ou de l’attribution, selon le cas, du capital versé relatif aux actions de cette catégorie;

chacune des personnes qui détenaient au moment donné une ou plusieurs des actions émises est réputée avoir reçu à ce moment un dividende égal à la fraction de l’excédent représentée par le rapport existant entre le nombre d’actions de cette catégorie qu’elle détenait immédiatement avant ce moment et le nombre d’actions émises de cette catégorie qui étaient en circulation immédiatement avant ce moment.

Rachat, etc.

84 (3) Lorsque, à un moment donné après le 31 décembre 1977, une société résidant au Canada a racheté acquis ou annulé de quelque façon que ce soit (autrement que par une opération visée au paragraphe (2)) toute action d’une catégorie quelconque de son capital-actions :

a) la société est réputée avoir versé au moment donné un dividende sur une catégorie distincte d’actions constituée des actions ainsi rachetées, acquises ou annulées, égal à l’excédent éventuel de la somme payée par la société lors du rachat, de l’acquisition ou de l’annulation, selon le cas, de ces actions sur le capital versé relatif à ces actions, existant immédiatement avant ce moment;

b) chacune des personnes qui détenaient au moment donné une ou plusieurs actions de cette catégorie distincte est réputée avoir reçu à ce moment un dividende égal à la fraction de l’excédent déterminé en vertu de l’alinéa a) représentée par le rapport existant entre le nombre de ces actions que détenait cette personne immédiatement avant ce moment et le nombre total des actions de cette catégorie distincte que la société a rachetées, acquises ou annulées, à ce moment.

[…]

 

Transfert d’un bien par un actionnaire à une société

85 (1) Lorsqu’un contribuable a disposé, au cours d’une année d’imposition, d’un bien admissible en faveur d’une société canadienne imposable et pour une contrepartie comprenant des actions du capital-actions de la société, et que le contribuable et la société en ont fait le choix sur le formulaire prescrit et conformément au paragraphe (6), les règles suivantes s’appliquent :

a) la somme convenue entre le contribuable et la société dans le choix qu’ils ont fait relativement au bien est réputée être, pour le contribuable, le produit de disposition du bien et, pour la société, le coût du bien;

b) sous réserve de l’alinéa c), lorsque la somme convenue entre le contribuable et la société dans le choix qu’ils ont fait relativement au bien est inférieure à la juste valeur marchande, au moment de la disposition, de la contrepartie de la disposition (autre que toutes actions du capital-actions de la société ou un droit d’en recevoir), reçue par le contribuable la somme ainsi convenue est, quel qu’en soit le montant effectivement convenu entre eux, réputée être une somme égale à cette juste valeur marchande;

c) lorsque la somme convenue entre le contribuable et la société dans le choix qu’ils ont fait relativement au bien est supérieure à la juste valeur marchande, au moment de la disposition, du bien dont il a été ainsi disposé, la somme ainsi convenue est, quel qu’en soit le montant effectivement convenu entre eux, réputée être une somme égale à cette juste valeur marchande;

[…]

h) le coût supporté par le contribuable de toutes catégories d’actions ordinaires du capital-actions de la société qu’il doit recevoir en contrepartie de la disposition est réputé être la fraction de l’excédent éventuel du produit de disposition sur le total de la juste valeur marchande, au moment de la disposition, de la contrepartie (autre que des actions du capital-actions de la société ou le droit d’en recevoir) qu’il a reçue pour la disposition et du coût que le contribuable a supporté pour toutes les actions privilégiées du capital-actions de la société qu’il doit recevoir en contrepartie de la disposition, représentée par le rapport entre :

(i) d’une part, la juste valeur marchande, immédiatement après la disposition, de ces actions ordinaires de cette catégorie,

(ii) d’autre part, la juste valeur marchande, immédiatement après la disposition, de toutes les actions ordinaires du capital-actions de la société qu’il doit recevoir en contrepartie de la disposition;

[…]

Liquidation d’une société canadienne

88 (2) Lorsqu’une société canadienne (à l’exclusion d’une filiale à la liquidation de laquelle les règles du paragraphe (1) s’appliquent) a été liquidée après 1978 et que, à un moment donné au cours de la liquidation, la totalité, ou presque, des biens appartenant à la société immédiatement avant ce moment ont été attribués aux actionnaires de la société :

a) pour le calcul, pour la société :

(i) de son compte de dividendes en capital,

(i.1) de son compte de dividendes sur les gains en capital, au sens du paragraphe 131(6), dans le cas où la société est une société de placement,

(ii) de son compte de dividendes sur les gains en capital (au sens de l’article 133),

(iii) de son surplus de capital en main avant 1972,

au moment (appelé « moment du calcul » au présent alinéa) immédiatement avant le moment donné :

(iv) l’année d’imposition de la société qui aurait autrement compris le moment donné est réputée s’être terminée immédiatement avant le moment du calcul, et une nouvelle année d’imposition est réputée avoir commencé à ce moment,

(v) chacun des biens de la société qui ont été ainsi attribués au moment donné est réputé avoir fait l’objet d’une disposition par la société immédiatement avant la fin de l’année d’imposition réputée s’être ainsi terminée, à un produit égal à la juste valeur marchande du bien immédiatement avant le moment donné,

[…]

b) lorsque la société est réputée, en vertu du paragraphe 84(2), avoir payé, au moment donné, un dividende (appelé « dividende de liquidation » au présent alinéa) relatif à des actions d’une catégorie quelconque de son capital-actions, les règles suivantes s’appliquent :

(i) la partie du dividende de liquidation qui n’excède pas le compte de dividendes en capital de la société immédiatement avant ce moment ou son compte de dividendes sur les gains en capital immédiatement avant ce moment est réputée, pour le choix prévu aux paragraphes 83(2), 131(1) (dans son application à l’article 130) ou 133(7.1), et, si la société en fait le choix, à toutes autres fins, être le montant total d’un dividende distinct,

(ii) est réputée ne pas être un dividende la partie du dividende de liquidation qui correspond au moindre du surplus de capital en main avant 1972 de la société immédiatement avant ce moment et de l’excédent du dividende de liquidation sur, selon le cas :

(A) la partie de ce dividende à l’égard de laquelle la société fait le choix prévu au paragraphe 83(2),

(B) la partie de ce dividende à l’égard de laquelle la société fait le choix prévu au paragraphe 133(7.1),

(iii) malgré la définition de dividende imposable au paragraphe 89(1), le dividende de liquidation est réputé être un dividende distinct qui est un dividende imposable, dans la mesure où il dépasse le total de la partie de ce dividende réputée, en vertu du sous-alinéa (i), être un dividende distinct à toutes fins et de la partie réputée, en vertu du sous-alinéa (ii), ne pas être un dividende,

(iv) chaque personne détenant une ou plusieurs actions émises de cette catégorie au moment donné est réputée avoir reçu un montant correspondant au produit de la multiplication de tout dividende distinct, calculé selon le sous-alinéa (i) ou (iii), par le rapport entre le nombre d’actions de cette catégorie qu’elle détenait immédiatement avant le moment donné et le nombre d’actions émises de cette catégorie en circulation immédiatement avant ce moment;

c) pour le calcul du revenu de la société pour son année d’imposition qui comprend le moment donné, l’alinéa 12(1)t) est remplacé par ce qui suit :

« 12(1)t) la somme déduite en application des paragraphes 127(5) ou (6) dans le calcul de l’impôt payable par le contribuable pour l’année ou pour une année d’imposition antérieure dans la mesure où cette somme n’a pas été incluse dans le calcul du revenu du contribuable pour une année d’imposition antérieure en application du présent alinéa ou n’est pas incluse dans une somme déterminée en vertu des alinéas 13(7.1)e) ou 37(1)e) ou des sous-alinéas 53(2)c)(vi) ou h)(ii) ou représentée par l’élément I de la formule figurant à la définition de fraction non amortie du coût en capital au paragraphe 13(21) ou l’élément L de la formule figurant à la définition de frais cumulatifs d’exploration au Canada au paragraphe 66.1(6); ».

[…]

SECTION C – Calcul du revenu imposable

Paiements forfaitaires

Déduction des dividendes imposables reçus par une société résidant au Canada

112 (1) Lorsqu’une société a reçu, au cours d’une année d’imposition, un dividende imposable :

a) soit d’une société canadienne imposable;

b) soit d’une société résidant au Canada (autre qu’une société de placement appartenant à des non-résidents et une société exonérée d’impôt en vertu de la présente partie) et dont elle a le contrôle,

une somme égale au dividende peut être déduite du revenu pour l’année de la société qui le reçoit, dans le calcul de son revenu imposable.

PARTIE XVI – Évitement fiscal

Définitions

245 (1) Les définitions qui suivent s’appliquent au présent article.

attribut fiscal S’agissant des attributs fiscaux d’une personne, revenu, revenu imposable ou revenu imposable gagné au Canada de cette personne, impôt ou autre montant payable par cette personne, ou montant qui lui est remboursable, en application de la présente loi, ainsi que tout montant à prendre en compte pour calculer, en application de la présente loi, le revenu, le revenu imposable, le revenu imposable gagné au Canada de cette personne ou l’impôt ou l’autre montant payable par cette personne ou le montant qui lui est remboursable. (tax consequences)

avantage fiscal Réduction, évitement ou report d’impôt ou d’un autre montant exigible en application de la présente loi ou augmentation d’un remboursement d’impôt ou d’un autre montant visé par la présente loi. Y sont assimilés la réduction, l’évitement ou le report d’impôt ou d’un autre montant qui serait exigible en application de la présente loi en l’absence d’un traité fiscal ainsi que l’augmentation d’un remboursement d’impôt ou d’un autre montant visé par la présente loi qui découle d’un traité fiscal. (tax benefit)

opération Sont assimilés à une opération une convention, un mécanisme ou un événement. (transaction)

Disposition générale anti-évitement

(2) En cas d’opération d’évitement, les attributs fiscaux d’une personne doivent être déterminés de façon raisonnable dans les circonstances de façon à supprimer un avantage fiscal qui, sans le présent article, découlerait, directement ou indirectement, de cette opération ou d’une série d’opérations dont cette opération fait partie.

Opération d’évitement

(3) L’opération d’évitement s’entend :

a) soit de l’opération dont, sans le présent article, découlerait, directement ou indirectement, un avantage fiscal, sauf s’il est raisonnable de considérer que l’opération est principalement effectuée pour des objets véritables — l’obtention de l’avantage fiscal n’étant pas considérée comme un objet véritable;

b) soit de l’opération qui fait partie d’une série d’opérations dont, sans le présent article, découlerait, directement ou indirectement, un avantage fiscal, sauf s’il est raisonnable de considérer que l’opération est principalement effectuée pour des objets véritables — l’obtention de l’avantage fiscal n’étant pas considérée comme un objet véritable.

Application du par. (2)

(4) Le paragraphe (2) ne s’applique qu’à l’opération dont il est raisonnable de considérer, selon le cas :

a) qu’elle entraînerait, directement ou indirectement, s’il n’était pas tenu compte du présent article, un abus dans l’application des dispositions d’un ou de plusieurs des textes suivants :

(i) la présente loi,

(ii) le Règlement de l’impôt sur le revenu,

(iii) les Règles concernant l’application de l’impôt sur le revenu,

(iv) un traité fiscal,

(v) tout autre texte législatif qui est utile soit pour le calcul d’un impôt ou de toute autre somme exigible ou remboursable sous le régime de la présente loi, soit pour la détermination de toute somme à prendre en compte dans ce calcul;

b) qu’elle entraînerait, directement ou indirectement, un abus dans l’application de ces dispositions compte non tenu du présent article lues dans leur ensemble.

Attributs fiscaux à déterminer

(5) Sans préjudice de la portée générale du paragraphe (2) et malgré tout autre texte législatif, dans le cadre de la détermination des attributs fiscaux d’une personne de façon raisonnable dans les circonstances de façon à supprimer l’avantage fiscal qui, sans le présent article, découlerait, directement ou indirectement, d’une opération d’évitement :

a) toute déduction, exemption ou exclusion dans le calcul de tout ou partie du revenu, du revenu imposable, du revenu imposable gagné au Canada ou de l’impôt payable peut être en totalité ou en partie admise ou refusée;

b) tout ou partie de cette déduction, exemption ou exclusion ainsi que tout ou partie d’un revenu, d’une perte ou d’un autre montant peuvent être attribués à une personne;

c) la nature d’un paiement ou d’un autre montant peut-être qualifiée autrement;

d) les effets fiscaux qui découleraient par ailleurs de l’application des autres dispositions de la présente loi peuvent ne pas être pris en compte.

[…]

PARTIE XVII – Interprétation

Série d’opérations

248 (10) Pour l’application de la présente loi, la mention d’une série d’opérations ou d’événements vaut mention des opérations et événements liés terminés en vue de réaliser la série.

IV. LES FAITS

A. Contexte

[6] Québecor est une société de gestion qui œuvre dans le secteur des communications par l’entremise de Québecor Média Inc. (« Québecor Média ») et de ses filiales. Québecor est une société publique canadienne constituée en 1965 en vertu de la partie I de la Loi sur les compagnies (la « LCQ »)[8] et régie par la Loi sur les sociétés par actions (la « LSA »)[9]. Québecor est une « société canadienne imposable » au sens de la LIR[10] et ses actions sont inscrites à une bourse de valeurs désignées. Son année d’imposition se termine le dernier samedi du mois de décembre[11].

Acquisition par Québecor de 44 821 024 actions ordinaires d’Abitibi Consolidated

[7] Le 7 juillet 1987, Québecor a acquis 44 821 024 actions ordinaires d’Abitibi Consolidated. À la suite de cette acquisition, Québecor détenait 10,18 % des actions en circulations d’Abitibi Consolidated. À cette époque, Abitibi Consolidated était une société publique constituée en vertu de la Loi canadienne sur les sociétés par actions[12] (la « LCSA ») œuvrant dans le secteur de l’industrie forestière. Au 14 décembre 2005, la juste valeur marchande (la « JVM »)[13] de ces actions était de 191 833 983 $ et leur capital versé (le « CV »)[14] était de 1 $. Le PBR de ces actions était de 1 $[15].

Investissements de Québecor et de la société Capitale d’Amérique CDPQ Inc. dans Québecor Média

[8] Québecor Média est une société canadienne imposable constituée le 8 août 2000 en vertu de la partie IA de la LCQ et elle est présentement régie par la LSA[16]. Quant à la société Capitale d’Amérique CDPQ Inc. (« Capitale d’Amérique CDPQ »), elle est une filiale à part entière de la Caisse de dépôt et placement du Québec et elle est exempte d’impôt en vertu de la LIR[17].

[9] En octobre 2000, Québecor et Capitale d’Amérique CDPQ ont investi des sommes importantes dans Québecor Média. Cet investissement avait pour but de permettre à Québecor Média d’acquérir l’ensemble des actions du Groupe Vidéotron ltée (le « Groupe Vidéotron »). À la suite de cet investissement, Québecor détenait directement et indirectement 54,72 % des actions du capital-actions de Québecor Média. Les 45,28 % restants du capital-actions de Québecor Média étaient détenus par Capitale d’Amérique CDPQ[18].

Acquisition par Québecor Média de l’ensemble des actions en circulation du Groupe Vidéotron

[10] Le 23 octobre 2000, Québecor Média a acquis toutes les actions en circulation du Groupe Vidéotron[19]. Au moment de cette acquisition, le Groupe Vidéotron détenait les actions suivantes de la société 3662527 Canada Inc.[20] (« 3662527 ») :

 

PBR

CV

10 000 actions ordinaires votantes

20 134 789 $

19 775 000 $

90 000 actions ordinaires non votantes

181 213 178 $

177 979 000 $

[11] Le solde des actions de 3662527, soit 5 000 actions privilégiées de catégorie « C », était détenu par le Groupe Carlyle[21]. Le Groupe Carlyle est un tiers sans lien de dépendance avec Québecor[22]. Il a souscrit des actions privilégiées de catégorie « C » de 3662527 en novembre 1999 pour 200 000 000 $[23].

Transfert par Québecor Média de ses actions du Groupe Vidéotron à la société 9071-4866 Québec Inc. et fusion de ces deux dernières sociétés

[12] Le 7 décembre 2000, Québecor Média a transféré les actions qu’elle détenait dans le capital-actions du Groupe Vidéotron à la société 9071-4866 Québec Inc. (« 9071-4866 »). Cette dernière était une filiale en propriété exclusive de Québecor Média. Le transfert a été effectué conformément au paragraphe 85(1) de la LIR. En contrepartie de ce transfert d’actions, Québecor Média a reçu des actions ordinaires de 9071-4866[24].

[13] Par la suite, Groupe Vidéotron a fusionné avec 9071-4866 conformément au paragraphe 87(1) de la LIR. Le nouveau Groupe Vidéotron ltée (le « nouveau Groupe Vidéotron ») a ainsi été formé. Cette fusion a permis la majoration du PBR des actions de 3662527 détenues par le nouveau Groupe Vidéotron, conformément à l’alinéa 88(1)d) de la LIR[25]. Le PBR a été augmenté à un total de 400 000 000 $, réparti comme suit[26] :

 

PBR

CV

PBR majoré

10 000 actions ordinaires votantes

20 134 798 $

20 065 202 $

40 200 000 $

90 000 actions ordinaires non votantes

181 213 178 $

178 586 822 $

359 800 000 $

 

Constitution de 9101-0827 Québec Inc. en société

[14] Le 16 février 2001, la société 9101-0827 Québec Inc. (« 9101-0827 ») a été constituée en vertu de la partie IA de la LCQ[27].

Constitution de la société Vidéotron Telecom ltée

[15] Le 31 août 2001, les deux sociétés opérantes détenues par 3662527 ont fusionné pour devenir la société Vidéotron Telecom ltée (« Vidéotron Telecom »)[28].

Liquidation du nouveau Groupe Vidéotron dans Québecor Média

[16] Au cours du mois de décembre 2002, le nouveau Groupe Vidéotron a été liquidé dans Québecor Média[29].

Émission par 9101-0827 de 100 actions ordinaires à Québecor Média

[17] Le 9 décembre 2003, 9101-0827 a émis 100 actions ordinaires à Québecor Média pour une somme de 100 $[30].

Souscription par Québecor Média d’actions ordinaires de 9101-0827

[18] Le 22 décembre 2003, Québecor Média a souscrit 55 000 000 actions ordinaires de 9101-0827 pour 55 000 000 $[31].

Acquisition par 9101-0827 des actions privilégiées de catégorie « C » de 3662527 détenues par le Groupe Carlyle

[19] Le 22 décembre 2003, 9101-0827 a fait l’acquisition des 5 000 actions privilégiées de catégorie « C » de 3662527 détenues par le Groupe Carlyle pour 125 000 000 $ (un montant de 55 000 000 $ comptant et un montant additionnel de 70 000 000 $, pouvant varier et s’élever jusqu’à 110 000 000 $, à verser au plus tard en décembre 2008)[32]. À la suite de cette acquisition, toutes les actions de 3662527 étaient détenues par Québecor Média et sa filiale 9101-0827.

Diminution de la JVM de Québecor Média

[20] Au 31 décembre 2004, après une période de ralentissement de ses activités et de l’économie en général, la JVM de Québecor Média a diminué pour atteindre 3 400 000 000 $[33]. Une portion de la diminution de la JVM de Québecor Média est attribuable à la diminution de la JVM des actions de 3662527 [34].

JVM et PBR des actions de 3662527 détenues par Québecor Média

[21] Au 13 décembre 2005, les actions de 3662527 avaient une JVM totale de 195 600 000 $. Les actions ordinaires votantes et non votantes détenues par Québecor Média avaient une JVM totale et un PBR total de 400 000 000 $. Les 5 000 actions privilégiées de catégorie « C » de 3662527 détenues par 9101-0827 avaient une JVM de 195 600 000 $ et un PBR de 166 500 000 $[35].

Réduction du CV des actions privilégiées de catégorie « C » de 3662527 détenues par 9101-0827

[22] Le 14 décembre 2005, le compte de capital déclaré afférent aux actions privilégiées de catégorie « C » de 3662527 détenues par 9101-0827 a été réduit de 199 995 000 $. Le CV de ces actions est passé de 200 000 000 $ à 5 000 $. La réduction du CV a été inscrite au surplus d’apport[36].

Transfert des actions d’Abitibi Consolidated par Québecor à 3662527 en contrepartie de 1 000 actions privilégiées de catégorie « D » de 3662527

[23] Le 14 décembre 2005, Québecor a disposé de ses 44 821 024 actions ordinaires d’Abitibi Consolidated en faveur de 3662527. La disposition s’est faite par un transfert effectué conformément au paragraphe 85(1) de la LIR, soit par « roulement ». La somme convenue, le CV et le PBR des actions étaient de 1 $. La JVM des actions était de 191 833 983 $. En contrepartie, 3662527 a émis 1 000 actions privilégiées de catégorie « D » à Québecor. La JVM de ces actions était de 191 833 983 $ et leur CV de 1 $[37].

Rachat des 1 000 actions privilégiées de catégorie « D » de 3662527 détenues par Québecor en contrepartie d’un billet à demande de 191 833 983 $

[24] Le 14 décembre 2005, les 1 000 actions privilégiées de catégorie « D » de 3662527 détenues par Québecor ont immédiatement été rachetées par 3662527. En contrepartie, 3662527 a émis à Québecor un billet à demande de 191 833 983 $[38].

[25] En vertu paragraphe 84(3) de la LIR, 3662527 a ainsi été réputée avoir versé un dividende de 191 833 982 $ à Québecor. Étant donné que 3662527 était une société canadienne imposable, en vertu du paragraphe 112(1) de la LIR, ce dividende imposable a pu être déduit du revenu de Québecor[39]. Le versement réputé de ce dividende n’a donc pas eu de conséquence fiscale pour Québecor.

Distribution des actions d’Abitibi Consolidated détenues par 3662527 à Québecor en contrepartie du billet à demande

[26] Le 14 décembre 2005, Québecor a échangé son billet à demande de 191 833 983 $ contre les 44 821 024 actions ordinaires d’Abitibi Consolidated détenues par 3662527[40]. Avec cet échange, 3662527 a disposé de ses actions d’Abitibi Consolidated et a réalisé un gain en capital de 191 833 982 $ (soit le produit de disposition de 191 833 983 $ moins le PBR de 1 $). Le PBR des actions ordinaires d’Abitibi Consolidated détenues par Québecor a été établi à 191 833 982 $, soit la somme que Québecor a payé pour les actions, qui correspond à la valeur du billet à demande[41].

Liquidation de 3662527

[27] Le 14 décembre 2005, 3662527 a été liquidée conformément au paragraphe 88(2) de la LIR, qui traite de la liquidation d’une société canadienne. En tant que détentrice des actions privilégiées de 3662527, 9101-0827 a reçu la totalité des actifs de 3662527, soit les actions de Vidéotron Telecom et le solde de son compte bancaire s’élevant à environ 45 600 000 $. La JVM des actions de Vidéotron Telecom était d’environ 150 000 000 $. Québecor Média n’a reçu aucun actif dans le cadre de la liquidation de 3662527[42].

[28] La liquidation de 3662527 a eu les conséquences fiscales suivantes[43] :

  • -3662527 a été réputée avoir disposé de ses actifs à leur JVM, conformément au paragraphe 69(5) de la LIR. Le paragraphe 69(5) traite des règles applicables si des biens de la société liquidée ont été attribués à un de ses actionnaires ou au profit d’un de ceux-ci lors de la liquidation.

  • -3662527 a déclaré une perte en capital de 206 067 698 $ résultant de la disposition de ses actions de catégorie « A » de Vidéotron Telecom (produit de disposition de 138 141 304 $ moins le PBR de 344 209 002 $). 3662527 a également réalisé un gain en capital de 5 536 021 $ résultant de la disposition de ses actions de catégorie « C » de Vidéotron Telecom (produit de disposition de 11 859 696 $ moins le PBR de 6 323 675 $);

  • -La perte en capital de 3662527 de 206 067 698 $ résultant de la disposition des actions de catégorie « A » de Vidéotron Telecom a pu être déduite des gains en capital imposables suivants :

  • ole gain en capital de 191833 982 $ réalisé sur les actions d’Abitibi Consolidated;

  • ole gain en capital de 5 536 021 $ réalisé sur les actions de catégorie « C » de Vidéotron Telecom.

  • -Conformément au paragraphe 84(2) de la LIR, 3662527 a été réputée avoir versé à 9101-0827 un dividende de liquidation de 195 527 333 $. 9101-0827 a été réputée avoir reçu ce dividende. Le dividende de liquidation a été déduit du revenu de 9101-0827 conformément au paragraphe 112(1) de la LIR étant donné que le dividende a été reçu d’une société canadienne imposable.

  • -9101-0827 a été réputée avoir disposé des 5 000 actions privilégiées de catégorie « C » de 3662527 à leur JVM. Le produit de disposition des actions était de 5 000 $. Le PBR de ces actions était de 166 500000 $. Par conséquent, 9101-0827 a déclaré une perte en capital qui a été réduite à 0 $ en vertu du paragraphe 112(3) de la LIR, qui traite des pertes sur des actions qui sont des immobilisations.

  • -Québecor Média a été réputée avoir disposé des 10 000 actions ordinaires votantes et des 90 000 actions ordinaires non votantes de 3662527 à leur JVM. Le produit de disposition de ces actions était nul alors que leur PBR était de 400000 000 $. Par conséquent, Québecor Média a déclaré une perte en capital de 400 000 000 $ résultant de la disposition de ses actions de 3662527.

Fusion d’Abitibi Consolidated avec Bowater et disposition des 44 821 024 actions d’Abitibi Consolidated par Québecor

[29] En 2007, dans le cadre de la fusion d’Abitibi Consolidated et de Bowater, Québecor a disposé de ses 44 821 024 actions ordinaires d’Abitibi Consolidated en échange de 2 806 244 actions d’Abitibi Bowater Canada (« Abitibi Bowater »). À la suite de la disposition de ses actions d’Abitibi Consolidated, Québecor a déclaré une perte en capital de 95 916 992 $ (produit de disposition de 95 916 991 $ moins le PBR de 191 833 983 $)[44].

Disposition par Québecor de ses 2 806 244 actions d’Abitibi Bowater

[30] En 2010, dans le cadre d’un processus d’arrangement avec les créanciers entrepris par Abitibi Bowater, Québecor a disposé de ses 2 806 244 actions d’Abitibi Bowater. Le produit de disposition de ces actions était de 0 $. À la suite de cette disposition, Québecor a déclaré une perte en capital de 95 916 991 $[45].

[31] Québecor a indemnisé Capital d’Amérique CDPQ pour l’utilisation des attributs fiscaux qui lui ont été transférés par Québecor Média[46].

B. La série d’opérations

[32] Les parties se sont entendues que la série d’opérations est constituée des opérations suivantes[47] :

  • -La constitution de 9101-0827 en société et l’émission de 100 actions ordinaires à Québecor Média;

  • -L’acquisition par 9101-0827 des 5 000 actions privilégiées de catégorie « C » de 3662527. Ces actions étaient détenues par le Groupe Carlyle;

  • -La réduction du CV des actions privilégiées de catégorie « C » de 3662527 détenues par 9101-0827;

  • -Le transfert par voie de roulement libre d’impôt des actions d’Abitibi Consolidated par Québecor à 3662527 en contrepartie de 1 000 actions privilégiées de catégorie « D » de 3662527;

  • -Le rachat des 1 000 actions privilégiées de catégorie « D » de 3662527 détenues par Québecor en contrepartie d’un billet à demande de 191 833 983 $;

  • -La distribution des actions d’Abitibi Consolidated détenues par 3662527 à Québecor en contrepartie du billet à demande;

  • -La liquidation de 3662527;

  • -La disposition par Québecor des actions d’Abitibi Consolidated.

[33] Cette série d’opérations a engendré deux pertes en capital à l’égard de deux biens distincts et ce, pour le même intérêt économique dans 3662527[48]. Plus précisément, il s’agit d’une première perte en capital de l’ordre de 206 067 698 $ découlant de la disposition par 3662527 de ses actions de catégorie « A » de Vidéotron Telecom et d’une seconde perte en capital de l’ordre de 400 000 000 $ découlant de la disposition par Québecor Média de ses actions ordinaires votantes et non votantes de 3662527. La perte économique relativement aux activités de Vidéotron Telecom a été réalisée à la fois dans l’actif de 3662527 et dans son capital-actions.

C. L’avantage fiscal au sens du paragraphe 245 (1) de la LIR

[34] Les parties se sont entendues sur le fait que la série d’opérations a donné lieu à un avantage fiscal au sens du paragraphe 245(1) de la LIR. Il s’agit de la réduction de l’impôt payable par Québecor à la suite de la disposition de ses 44 821 024 actions ordinaires d’Abitibi Consolidated[49].

D. L’opération d’évitement au sens du paragraphe 245(3) de la LIR

[35] Les parties se sont entendues sur le fait que l’opération d’évitement est constituée des opérations suivantes[50] :

  • -La constitution de 9101-0827 en société;

  • -L’acquisition par 9101-0827 des 5 000 actions privilégiées de catégorie « C » de 3662527. Ces actions étaient détenues par le Groupe Carlyle;

  • -La réduction du CV des actions privilégiées de catégorie « C » de 3662527 détenues par 9101-0827;

  • -Le transfert par voie de roulement libre d’impôt des actions d’Abitibi Consolidated par Québecor à 3662527 en contrepartie des 1 000 actions privilégiées de catégorie « D » de 3662527;

  • -Le rachat des 1 000 actions privilégiées de catégorie « D » de 3662527 détenues par Québecor en contrepartie d’un billet à demande de 191 833 983 $;

  • -La distribution des actions d’Abitibi Consolidated détenues par 3662527 à Québecor en contrepartie du billet à demande;

  • -La liquidation de 3662527.

V. POSITION DES PARTIES

A. Position des parties quant au cadre juridique applicable à la RGAÉ

[36] Les parties s’entendent sur le cadre juridique applicable à la RGAÉ. Les parties soutiennent que la RGAÉ permet au Ministre de supprimer les avantages fiscaux de certains mécanismes qui, bien que conformes à une interprétation littérale des dispositions de la LIR, constituent un abus de l’application de ces dispositions[51].

[37] Les parties soutiennent qu’afin de déterminer si la RGAÉ est applicable, une analyse des trois étapes suivantes doit être effectuée:

  • -La première étape consiste à déterminer s’il existe un « avantage fiscal » découlant d’une opération ou d’une série d’opérations au sens du paragraphe 245(1) de la LIR;

  • -La deuxième étape consiste à déterminer si l’opération (ou au moins une des opérations de la série d’opérations) ayant généré l’avantage fiscal constitue une opération d’évitement visée par le paragraphe 245(3) de la LIR, en ce sens qu’elle n’a pas été principalement effectuée pour des objets véritables, l’obtention de l’avantage fiscal n’étant pas un objet véritable;

  • -La troisième étape consiste à déterminer si l’opération d’évitement est abusive au sens du paragraphe 245(4) de la LIR[52].

[38] Les parties soutiennent que ces trois étapes constituent trois conditions qui doivent être remplies afin que la RGAÉ soit applicable[53].

[39] Quant à la première étape, les parties soutiennent qu’en application du paragraphe 245(1) de la LIR, l’avantage fiscal est établi lorsqu’il y a une réduction, un évitement ou un report d’impôt ou une augmentation d’un remboursement d’impôt ou d’un autre montant visé par la LIR [54].

[40] Quant à la deuxième étape, les parties soutiennent qu’en présence d’une série d’opérations, il suffit qu’une des opérations de la série ait été effectuée principalement pour des objets fiscaux pour qu’il y ait une opération d’évitement[55].

[41] Quant à la troisième étape, qui consiste à déterminer si les opérations d’évitement sont abusives au sens du paragraphe 245(4) de la LIR, les parties soutiennent que l’approche retenue par la Cour suprême du Canada comporte les deux volets suivants[56] :

  • -Le premier volet consiste à cerner l’objet ou l’esprit des dispositions de la LIR qui sont invoquées pour obtenir l’avantage fiscal, eu égard à l’économie de la LIR, aux dispositions pertinentes et aux moyens extrinsèques admissibles[57];

  • -Le second volet consiste à déterminer si l’avantage fiscal obtenu porte atteinte à l’objet ou à l’esprit des dispositions invoquées pour obtenir l’avantage fiscal[58].

[42] Les parties soutiennent que la Cour peut conclure qu’une opération d’évitement a un caractère abusif dans les trois circonstances suivantes[59], qui peuvent par ailleurs se chevaucher[60]:

  • -Si l’opération ou la série d’opérations produit un résultat qu’une disposition législative vise à empêcher;

  • -Si l’opération ou la série d’opérations va à l’encontre de la raison d’être d’une disposition;

  • -Si l’opération ou la série d’opérations contourne l’application de la disposition de manière à contrecarrer son objet ou son esprit.

[43] C’est l’intimé qui a le fardeau de démontrer que l’opération d’évitement constitue un abus des dispositions de la LIR[61].

B. Position de Québecor

[44] Québecor admet qu’elle a obtenu un avantage fiscal à la suite de la série d’opérations, effectuées afin d’obtenir cet avantage[62]. Mais Québecor affirme que la troisième condition nécessaire à l’application de la RGAÉ n’est pas remplie.

[45] Québecor soutient que le Ministre a injustement eu recours à la RGAÉ afin de modifier les conséquences fiscales résultant de l’opération d’évitement. Selon Québecor, le Ministre ne pouvait pas agir ainsi étant donné que la troisième condition nécessaire à l’application de la RGAÉ n’est pas remplie[63].

[46] Par conséquent, dans la présente affaire, la Cour doit uniquement déterminer si les opérations identifiées par le Ministre sont abusives au sens du paragraphe 245(4) de la LIR[64]. Selon Québecor, l’opération d’évitement n’a pas entraîné d’abus de l’objet et de l’esprit de l’alinéa 38b) et des paragraphes 69(5), 84(3), 85(1), 88(2) et 112(1) de la LIR lorsque ceux-ci sont interprétés à la lumière de la LIR dans son ensemble[65].

[47] Québecor soutient que la liquidation de 3662527 a créé dans sa structure d’entreprise des pertes en capital à deux niveaux.

[48] Une première perte en capital de 400 000 000 $ a été réalisée par Québecor Média lors de la liquidation de 3662527 lorsqu’elle a été réputée avoir disposé de ses 10 000 actions ordinaires votantes et des 90 000 actions ordinaires non votantes de 3662527 à leur JVM. Le produit de disposition de ces actions était nul alors que leur PBR était de 400 000 000 $. Par conséquent, Québecor Média a réalisé une perte en capital de 400 000 000 $ résultant de la disposition de ses actions de 3662527.

[49] Une deuxième perte en capital de 206 067 698 $ a été réalisée par 3662527 lors de sa propre liquidation. Elle résulte de la disposition de ses actions de catégorie « A » de Vidéotron Telecom[66].

[50] Québecor soutient qu’en l’absence de principe de consolidation en droit fiscal canadien, chaque bien doit recevoir un traitement distinct[67]. Elle soutient également que ces pertes n’ont pas été créées, comme le soutient l’intimé, mais qu’il s’agissait de pertes latentes qui ont été réalisées. Elles reflètent une diminution de la valeur des actions de 3662527 et de Vidéotron Telecom[68].

[51] Québecor soutient que le paragraphe 88(2) de la LIR ne prévoit pas que les opérations qui précèdent une liquidation doivent être prises en considération dans le cadre d’une liquidation effectuée en application de cette disposition[69]. De plus, selon Québecor, l’intimé n’a pas invoqué une des dispositions de la LIR qui vise à limiter ou à empêcher la déduction de pertes latentes[70]. Québecor soutient que ces dispositions contiennent des règles spécifiques et démontrent que le législateur a choisi délibérément de tenir compte du principe de non-consolidation et du fait qu’en raison de l’existence distincte d’une société, le calcul de l’impôt se fait à chaque niveau, ce qui peut donner lieu à trois niveaux d’attributs fiscaux pour le même intérêt économique[71].

[52] En agissant ainsi, Québecor soutient avoir respecté l’objet et l’esprit des dispositions invoquées par l’intimé et que, par conséquent, elle n’a abusé d’aucune disposition de la LIR[72].

1. L’application de la RGAÉ à la série d’opérations effectuée par Québecor

a) Existe-t-il un « avantage fiscal » découlant d’une opération au sens du paragraphe 245(1) de la LIR?

[53] Québecor admet que la première condition nécessaire à l’application de la RGAÉ est remplie. Elle admet donc l’existence d’un « avantage fiscal » découlant d’une opération au sens du paragraphe 245(1) de la LIR. Plus précisément, elle admet que la série d’opérations mentionnée au paragraphe 35 lui a procuré un avantage fiscal au sens de la LIR. L’« avantage fiscal » découle de l’augmentation du PBR des actions d’Abitibi Consolidated de 191 833 982 $, ce qui a donné lieu à la réalisation d’une perte en capital de 95 916 992 $ en 2007, lorsqu’elle a échangé ses 44 821 024 actions d’Abitibi Consolidated contre 2 806 244 actions d’Abitibi Bowater[73].

b) Est-ce que la série d’opérations constitue une opération d’évitement visée par le paragraphe 245(3) de la LIR, en ce sens qu’elle n’a pas été principalement effectuée pour des objets véritables?

[54] Québecor admet que la deuxième condition nécessaire à l’application de la RGAÉ est également remplie. Par conséquent, elle admet que certaines opérations qu’elle a effectuées ont principalement été faites pour des objectifs fiscaux[74]. Ces opérations font partie d’une série d’opérations dont découle un avantage fiscal et constituent des opérations d’évitement au sens du paragraphe 245(3) de la LIR. Ces opérations sont décrite énumérées au paragraphe 35 ci-dessus[75].

c) Est-ce que les opérations d’évitement effectuées par Québecor sont abusives au sens du paragraphe 245(4) de la LIR?

(1) Les dispositions mises en cause

[55] Selon Québecor, l’intimé soutient dans sa réponse à son avis d’appel que les opérations d’évitement ont entraîné un abus de l’objet et de l’esprit de l’alinéa 38b) et des paragraphes 69(5), 84(3), 85(1), 88(2) et 112(1) de la LIR lorsqu’ils sont interprétés à la lumière de la LIR dans son ensemble[76]. Cependant, dans les notes écrites de l’intimé, ce ne sont pas ces dispositions qui ont été mises en cause. L’intimé soutient plutôt qu’il y a eu abus des articles 3, 38, 39(1), 40(1), 54, 69(5), 84(2), 85(1) et 88(2) de la LIR[77].

(2) L’objet et l’esprit des dispositions en cause
(a) L’alinéa 38b) de la LIR

[56] Selon Québecor, en application de l’alinéa 38b) de la LIR, un contribuable peut déduire une perte en capital résultant de la disposition d’un bien, y compris une disposition d’actions[78]. Elle soutient que l’objet de l’alinéa 38b) a été défini par la Cour d’appel fédérale du Canada dans l’arrêt Triad Gestco Ltd. c. Canada[79]. Dans cet arrêt, la Cour a déterminé que l’objet de cette disposition est d’accorder un allègement d’impôt, dans la mesure où il y a compensation avec un gain en capital, dans le cas où le contribuable a subi une perte économique par suite de la disposition d’un bien[80].

[57] Selon Québecor, Québecor Média a réalisé une perte en capital de 400 000 000 $ sur les actions de 3662527 qu’elle détenait à la suite de la liquidation de cette dernière. Lors de sa liquidation, 3662527 a elle-même réalisé une perte en capital de 206 067 698 $ sur les actions qu’elle détenait de Vidéotron Telecom.

[58] Le rachat des actions d’Abitibi Consolidated par Québecor a augmenté le PBR de celles-ci de 191 833 982 $. Cette augmentation du PBR a entraîné la réalisation d’un gain en capital lors de la disposition des actions d’Abitibi Consolidated par 3662527, duquel cette dernière a pu déduire la perte en capital réalisée sur les actions de Vidéotron Telecom[81].

[59] Québecor soutient que, contrairement aux situations discutées dans les affaires Triad Gestco[82], 1207192 Ontario Limited c. Canada[83] et Canada c. Global Equity Fund Ltd.[84], elle n’a pas manipulé la base fiscale d’actions ou d’actifs sous-jacents afin de créer différents niveaux de pertes ou d’attributs fiscaux[85]. Elle soutient que la JVM de Québecor Média et des actions sous-jacentes n’a pas été indûment réduite[86].

[60] Québecor soutient que les pertes en capital attribuables aux actions de Québecor Média, de 3662527 et de Vidéotron Telecom ne font que refléter les pertes économiques réelles subies. D’ailleurs, sur le plan comptable, elles ont diminué substantiellement la valeur de son investissement dans Québecor Média, qui est passé d’environ 5 300 000 000 $ en octobre 2000 à 3 400 000 000 $ au 31 décembre 2004[87].

[61] De plus, Québecor ajoute que la valeur de toutes les actions de 3662527 détenues par Québecor Média est passée de 566 500 000 $ à environ 195 600 000 $ au cours de la même période[88].

[62] Quant à ses actions d’Abitibi Bowater, elle soutient qu’elles ne valaient plus rien au moment de leur disposition dans le cadre de la procédure de protection contre les créanciers de cette dernière[89].

[63] Enfin, Québecor soutient qu’elle a subi des pertes économiques réelles sur ses investissements et que, par conséquent, l’objet et l’esprit de l’alinéa 38b) de la LIR ont été respectés[90].

(b) Le paragraphe 85(1) de la LIR

[64] Québecor soutient que l’objet du paragraphe 85(1) de la LIR s’infère des conséquences de son application. Québecor soutient que cette disposition permet à un contribuable de reporter le gain en capital qui aurait autrement été réalisé lors de la disposition d’un bien en faveur d’une société canadienne imposable jusqu’à une disposition ultérieure[91].

[65] Selon Québecor, en vertu du paragraphe 85(1) de la LIR, une société peut reporter l’impôt payable sur un gain en capital[92]. Il n’est pas nécessaire qu’il y ait un objectif commercial pour pouvoir bénéficier d’un roulement[93]. Le roulement visé au paragraphe 85(1) peut être fait pour un motif fiscal[94]. Pour que le paragraphe 85(1) trouve application, l’auteur du transfert d’un bien doit recevoir au minimum une action du capital-actions de la société canadienne imposable bénéficiaire du transfert. Par conséquent, de manière concrète, l’auteur du transfert peut substituer au bien transféré des actions de la société canadienne imposable bénéficiaire du transfert[95].

[66] Québecor soutient que le paragraphe 85(1) de la LIR lui a permis de transférer ses actions d’Abitibi Consolidated à 3662527 sans conséquence fiscale. Le gain en capital latent sur les actions d’Abitibi Consolidated a donc été reporté ou, autrement dit, transféré à 3662527 afin que cette dernière puisse l’utiliser à l’encontre de ses pertes en capital[96].

[67] Selon Québecor, il n’est pas pertinent en l’espèce que le roulement ait été effectué afin que le gain latent sur les actions d’Abitibi Consolidated soit transféré en faveur de 3662527 pour que cette dernière puisse le déduire de ses pertes en capital. L’existence d’un objectif commercial n’est pas une condition nécessaire à l’application du paragraphe 85(1) de la LIR. Par conséquent, il n’y a pas eu d’abus de cette disposition[97].

[68] Québecor soutient que l’argument soulevé par l’intimé selon lequel, dans la présente affaire, l’impôt n’a pas été différé, mais plutôt totalement évité, car le gain en capital qui est survenu ultérieurement à la suite d’une disposition a été épongé par une perte en capital, n’est pas valable. Selon Québecor, un gain en capital a été réalisé et a fait l’objet d’une imposition : le gain en capital a été déclaré dans une déclaration de revenus et des pertes en capital réelles ont été appliquées à ce gain de façon légitime. Ainsi, selon Québecor, il y a eu imposition et l’impôt n’a pas été évité[98].

[69] De plus, selon Québecor, le roulement effectué en l’espèce n’est pas visé par le paragraphe 69(11) de la LIR. Cette disposition anti-évitement a pour effet d’empêcher qu’un roulement prévu au paragraphe 85(1) de la LIR puisse être effectué dans certaines circonstances[99].

[70] Enfin, pour Québecor, appliquer la RGAÉ en l’espèce créerait une très grande incertitude quant à l’application du paragraphe 85(1) de la LIR. En effet, en agissant ainsi, la Cour ajouterait une condition d’application qui n’est pas prévue dans la LIR, c’est-à-dire que de l’impôt soit ultérieurement payé sur les biens qui ont fait l’objet d’un roulement, et ainsi interdirait l’utilisation de pertes pour éponger un tel gain[100].

(c) Le paragraphe 84(3) de la LIR

[71] Québecor soutient qu’en vertu du paragraphe 84(3) de la LIR, la portion de la somme payée par la société lors du rachat des actions qui représente un remboursement de capital n’est pas imposable entre les mains de l’actionnaire. Lorsque des actions sont rachetées à un prix qui excède leur CV, le paragraphe 84(3) trouve application et a pour effet de réputer un dividende égal à l’excédent de la somme payée par la société lors du rachat des actions sur le CV de ces actions[101].

[72] Québecor soutient que le paragraphe 84(3) de la LIR et l’alinéa 55(3)a) de la LIR sont conçus pour permettre le transfert d’actifs à l’intérieur d’un groupe de sociétés liées et le report de l’impôt payable. Selon Québecor, le paragraphe 84(3) est une disposition fréquemment utilisée afin de transférer des actifs d’une société en faveur de ses actionnaires[102]. Elle soutient qu’en l’espèce, l’exception prévue à l’alinéa 55(3)a) s’applique au rachat par 3662527 des 1 000 actions privilégiées émises à Québecor lors du roulement[103].

[73] Selon Québecor, en vertu du paragraphe 55(3) de la LIR, il existe des exceptions à l’application de la présomption de gain en capital prévue au paragraphe 55(2) de la LIR. Le paragraphe 55(2) est une disposition anti-évitement qui vise à combattre le dépouillement des gains en capital[104]. L’application du paragraphe 55(2) a pour conséquence que les dividendes intersociétés reçus en franchise d’impôt sont réputés ne pas être des dividendes, mais plutôt le produit de disposition d’un bien en immobilisation ou, lorsque la société ne dispose pas des actions, un gain réalisé à l’occasion de la disposition d’un bien en immobilisation. Grâce à l’application de l’exception prévue à l’alinéa 55(3)a) de la LIR, le dividende réputé reçu lors du rachat des actions en vertu du paragraphe 84(3) de la LIR n’est pas réputé être inclus dans le produit de disposition des actions qui sont rachetées.

[74] Selon Québecor, conformément à l’arrêt Copthorne de la Cour suprême du Canada, le paragraphe 84(3) de la LIR crée une présomption suivant laquelle la somme payée lors du rachat d’actions est répartie entre le CV et l’excédent sur le CV. La contrepartie versée à l’actionnaire qui est inférieure ou égale au CV est réputée constituer un remboursement de capital non imposable. Toutefois, lorsqu’elle est supérieure au CV, l’excédent est réputé constituer un dividende imposable. De fait, le paragraphe 84(3) prend simplement en compte le CV établi en application du paragraphe 89(1) de la LIR , y compris tout rajustement apparenté à celui que requièrent les dispositions applicables aux opérations, et présume que la somme versée en sus du CV ainsi établi est un dividende assujetti à l’impôt[105].

[75] Enfin, Québecor soutient que, puisque le paragraphe 84(3) de la LIR, combiné à l’alinéa 55(3)a) de la LIR, est conçu pour permettre le retrait d’actifs d’un groupe de sociétés sur une base de report d’impôt, l’application de ces dispositions dans le cadre de la série d’opérations ne devrait pas être vue comme un abus, puisqu’il s’agit précisément de leur raison d’être[106].

(d) Les paragraphes 88(2) et 69(5) de la LIR

[76] La liquidation de 3662527 a été effectuée en vertu du paragraphe 88(2) de la LIR. Québecor soutient que la règle générale applicable lors de la liquidation d’une société se trouve à ce paragraphe. La règle prévue au paragraphe 88(1) de la LIR constitue quant à elle l’exception[107]. Québecor soutient que les conditions d’application du paragraphe 88(1) n’étaient pas réunies étant donné que ni Québecor Média ni 9101-0827 ne détenait au moins 90 % des actions émises de chaque catégorie du capital-actions de 3662527[108].

[77] Québecor soutient que, lors de la liquidation d’une société en application du paragraphe 88(2), la LIR a pour objet de maintenir le statut de contribuable distinct de la société liquidée. Celle-ci doit faire une déclaration de revenus de façon indépendante de tout autre contribuable. Selon Québecor, cela montre clairement qu’il n’y a pas de principe de consolidation dans la LIR[109]. Lors d’une liquidation effectuée en vertu du paragraphe 88(2), le statut de deux contribuables distincts est maintenu jusqu’au moment de la liquidation. Une société liquidée doit produire une déclaration de revenus pour la dernière année d’imposition avant sa liquidation. Dans cette dernière, elle doit déclarer les gains et les pertes en capital réalisés lors de la disposition réputée de ses biens à leur JVM.

[78] Selon Québecor, l’intimé ne conteste pas que le paragraphe 88(1) de la LIR ne s’applique pas à la liquidation de 3662527. Cependant, l’intimé conteste le résultat qui découle de l’application des paragraphes 88(2) et 69(5) de la LIR.

[79] Québecor soutient que les paragraphes 88(2) et 69(5) de la LIR prévoient spécifiquement une liquidation sur une base imposable. En vertu du paragraphe 69(5), lors d’une liquidation effectuée en vertu du paragraphe 88(2), il y a une disposition réputée à la JVM des biens distribués par une société à son actionnaire. Lors d’une telle liquidation, étant donné que le transfert d’actifs s’effectue à la JVM, les gains ou pertes en capital réalisés sont constatés sur le plan fiscal, au cours de l’année d’imposition de la liquidation[110].

[80] Selon Québecor, puisque la liquidation de 3662527 a été faite sur une base imposable, 3662527 est réputée avoir disposé de ses actifs à leur JVM, et ce, conformément au paragraphe 69(5) de la LIR. Lors de la liquidation, une perte en capital de 206 067 968 $ a été réalisée par 3662527 lors de la disposition réputée des actions de catégorie « A » de Vidéotron Telecom. Cette perte a pu être déduite du gain en capital réalisé par 3662527 lors de l’échange de ses actions d’Abitibi Consolidated en contrepartie d’un billet à demande de 191 833 982 $[111].

[81] Le gain en capital réalisé par 3662527 sur les actions d’Abitibi Consolidated a été assujetti à l’impôt au sens de la LIR. Ce gain en capital a été déclaré par 3662527 dans sa déclaration de revenus et 3662527 a pu déduire de ce gain la perte en capital réalisée lors de sa liquidation. Pour Québecor, être assujettie à l’impôt ne signifie pas devoir payer de l’impôt[112].

[82] Québecor soutient que, sans liquidation imposable, il aurait été impossible de reconnaître la perte de 3662527 dans la distribution de ses actifs, ainsi que la perte des actionnaires de 3662527 lors de la disposition de leurs actions[113].

[83] Selon Québecor, dans la décision Produits forestiers Donohue Inc. c. La Reine[114], notre Cour a dit que la liquidation imposable d’une société afin de générer une perte ne constitue pas un abus de la LIR et ce, même si les actifs de la société liquidée sont distribués à l’actionnaire de contrôle, qui sera en mesure de réaliser une perte à son tour lors de la disposition de ses actions.

[84] Québecor ajoute que, conformément au paragraphe 84(2) de la LIR, les montants reçus par les actionnaires sont considérés comme étant des dividendes, pour la part des distributions qui excèdent la réduction du CV. Québecor soutient que, lors de la liquidation, ce dividende réduit le produit de disposition de l’actionnaire conformément à l’alinéa j) de la définition de « produit de disposition » figurant à l’article 54 de la LIR [115]. Quand le CV n’excède pas la valeur des biens distribués, le produit de disposition des actions de l’actionnaire sera équivalent au CV de ses actions. Si le PBR des actions disposées excède ce produit de disposition, une perte en capital est réalisée. Toutefois, Québecor fait valoir qu’en vertu du paragraphe 112(3) de la LIR, cette perte est réduite de tout dividende qui est reçu sur les actions et est déductible en application du paragraphe 112(1) de la LIR[116].

[85] De plus, Québecor soutient que, conformément à l’esprit et à l’objet de la LIR, l’alinéa 69(5)d) de la LIR empêche l’application des règles relatives aux « pertes suspendues » prévues aux paragraphes 40(3.3) et (3.4) de la LIR lors de la liquidation d’une société sur une base imposable[117].

[86] Québecor soutient que, lors de la liquidation de 3662527, Québecor Média n’a rien reçu. Par conséquent, elle a réalisé une perte en capital de 400 000 000 $[118].

[87] Quant à 9101-0827, elle a reçu des biens ayant une JVM supérieure au CV, mais inférieure au PBR de ses actions de 3662527. Par conséquent, 9101-0827 a donc été réputée avoir reçu un dividende de liquidation, lequel a été traité comme un dividende imposable en vertu du paragraphe 112(1) de la LIR. 9101-0827 a également réalisé une perte en capital lors de la disposition de ses actions de 3662527, laquelle a été réduite à 0 $ en application du paragraphe 112(3) de la LIR[119].

[88] Québecor soutient donc que l’effet combiné des paragraphes 88(2) et 69(5) de la LIR fait en sorte que la liquidation de 3662527 s’est effectuée sur une base imposable et, par conséquent, que la perte de 3662527 a été reconnue et utilisée à l’encontre du gain en capital réalisé lors de la distribution des actions d’Abitibi Consolidated à Québecor[120].

[89] Québecor soutient donc que, dans le cadre de sa liquidation, 3662527 a réalisé tous les gains et pertes en capital sur les biens attribués à ses actionnaires, proportionnellement à la JVM de leurs actions. Elle ajoute que, dans le cadre de la liquidation et de la dissolution de 3662527, les actions de 3662527 détenues par Québecor Média et par 9101-0827 ont été annulées. Québecor Média a subi une perte en capital attribuable à ces actions. Quant à 9101-0827, elle a subi une perte en capital attribuable à ses actions de 3662527, qui a été réduite à 0 $ en vertu du paragraphe 112(3) de la LIR[121].

[90] En réponse à l’argument du Ministre selon lequel le paragraphe 69(5) de la LIR indique qu’il ne sert qu’au calcul des gains et pertes en capital de la dernière année de la société liquidée, ce qui devrait mener à une interprétation limitée de la portée de l’article, Québecor soutient la position suivante : le gain en capital a été réalisé par 3662527 dans la même année que la liquidation. La LIR est donc claire : par l’application du paragraphe 69(5) lors de la liquidation de 3662527, il y a eu une disposition à leur JVM des actions de catégorie « A » qu’elle détenait dans le capital-actions de Vidéotron Telecom, ce qui a donné lieu à la réalisation de la perte en capital de l’ordre de 206 000 000 $[122]. Québecor ajoute qu’adopter le raisonnement de l’intimé quant à l’interprétation du paragraphe 69(5) reviendrait à faire un pas de géant vers l’importation du principe de consolidation dans la LIR, qui n’y est pourtant pas consacré[123].

[91] Ensuite, en réponse à l’argument du Ministre selon lequel l’objet du paragraphe 69(5) de la LIR n’est pas de pouvoir préserver la perte de la société liquidée sous forme d’augmentation du PBR des actions d’Abitibi Consolidated, Québecor répond que l’application du paragraphe 69(5) n’a pas eu l’effet d’augmenter le PBR des actions. Selon Québecor, le PBR avait été augmenté lors de l’échange des actions contre le billet à demande d’une valeur de 191 833 983 $[124].

[92] Québecor soutient qu’en vertu de paragraphe 88(1) de la LIR, une filiale peut transférer sans impôt la plupart de ses biens à sa société mère. Le paragraphe 88(1) s’applique uniquement si les conditions prévues à ce paragraphe sont remplies. En vertu de ce paragraphe, une filiale peut transférer ses biens et leurs attributs fiscaux, par exemple des pertes, à sa société mère par « roulement ».

[93] Québecor soutient que la liquidation d’une filiale en vertu du paragraphe 88(1) de la LIR est une exception au régime général énoncé, entre autres, aux paragraphes 88(2) et 69(5) de la LIR. En vertu de ce régime, une liquidation devrait avoir lieu sur une « base imposable ».

[94] Québecor soutient que le paragraphe 88(1) de la LIR est une « mesure de roulement » et qu’aucune politique claire et non ambiguë d’élimination du double impact économique ne se dégage de cette disposition. Elle soutient qu’au contraire, la politique claire et non ambiguë reconnue par le législateur est l’existence distincte des actions du capital-actions d’une société et des biens détenus par cette société.

[95] À titre d’exemple, Québecor soutient que, lorsqu’un contribuable transfère un bien à une société par « voie de roulement », le gain non réalisé attribuable au bien transféré par « voie de roulement » se reflète économiquement à deux niveaux : au niveau du bien acquis par la société cessionnaire et au niveau des actions obtenues par l’actionnaire cédant. La LIR ne contient pas de mesures particulières pour éliminer ce double effet économique[125].

[96] D’après Québecor, il aurait été facile pour le législateur de faire en sorte que le régime d’exception prévu au paragraphe 88(1) de la LIR ne puisse pas s’appliquer à une filiale détenue par sa société mère ou toute autre société liée à la société mère. Ce n’est pourtant pas ce que législateur a décidé de faire. Ainsi, toute liquidation autre qu’une liquidation visée au paragraphe 88(1) entraîne des conséquences fiscales pour la société et pour ses actionnaires, conformément aux paragraphes 88(2) et 69(5) de la LIR[126].

(e) Le paragraphe 112(1) de la LIR

[97] Québecor soutient que le paragraphe 112(1) de la LIR permet à une société de recevoir des dividendes sans que des impôts soient payables sur ces derniers (sujet à certaines conditions), lorsqu’ils sont versés par une société. Par conséquent, des dividendes inclus dans le calcul du revenu d’une société conformément au paragraphe 82(1) de la LIR sont reçus libres d’impôt.

[98] Québecor soutient également que des dividendes ne peuvent être assujettis à plusieurs niveaux d’impositions lorsqu’ils sont versés entre des sociétés qui sont actionnaires les unes des autres[127]. Selon Québecor, ce principe a été énoncé par notre Cour dans la décision Citibank Canada c. La Reine[128]. Dans cette décision, notre Cour a dit que les paragraphes 82(1) et 112(1) de la LIR permettent les mouvements de dividendes en franchise d’impôt entre deux sociétés résidant au Canada. Selon notre Cour, l’esprit de ces dispositions repose sur ces principes suivants[129] :

  • -Les dividendes sont normalement versés par les sociétés sur leurs bénéfices après impôt, appelés parfois « bénéfices non répartis »;

  • -Si les bénéfices non répartis d’une société X étaient versés en chaîne sous forme de dividendes à une série de sociétés actionnaires résidant au Canada et si ces dividendes n’étaient pas libres d’impôt entre les mains des sociétés actionnaires, les bénéfices non répartis de la société X, qui auraient déjà été imposés, seraient réduits des impôts additionnels perçus à chaque étape de la chaîne de sociétés actionnaires.

[99] Par conséquent, Québecor soutient que 9101-0827 était en droit de bénéficier de la déduction prévue au paragraphe 112(1) de la LIR[130]. Québecor soutient également que le paragraphe 55(2) de la LIR, qui empêche les contribuables d’éviter de payer de l’impôt sur les gains en capital lorsqu’ils se prévalent des paragraphes 84(3) et 112(1) de la LIR, ne s’applique pas en vertu de l’exception prévue à l’alinéa 55(3)a) de la LIR.

(3) L’argument économique

[100] L’intimé prétend que la série d’opérations a permis à Québecor de profiter de pertes en capital à deux niveaux dans sa structure d’entreprise pour le même intérêt économique dans 3662527[131]. La première perte en capital a été réalisée par Québecor Média et elle est en lien avec les actions qu’elle détient dans le capital-actions de 3662527. La seconde perte en capital a été réalisée par 3662527 en lien avec les actions qu’elle détenait de Vidéotron Telecom[132].

[101] Québecor admet qu’au plan strictement économique, des pertes latentes considérables existaient à l’époque où la série d’opérations a eu lieu. Plus particulièrement, au 13 décembre 2005, il existait une perte en capital latente au niveau de Québecor Média et de 3662527[133].

[102] Une perte en capital latente a été définie par l’avocate de l’intimé comme étant une perte de valeur d’un bien qui n’a pas encore été réalisée étant donné qu’il n’y a pas encore eu de disposition du bien[134].

[103] Sur le plan juridique, Québecor soutient que l’intimé reconnaît que les deux pertes en capital subies à deux niveaux de sa structure d’entreprise étaient à l’égard de deux biens distincts[135].

[104] Sur le plan économique, une perte de 206 067 698 $ a été réalisée par 3662527 et elle est reflétée dans la perte de 400 000 000 $ réalisée par Québecor Média[136]. Cependant, Québecor soutient qu’au plan juridique et au plan fiscal, les deux pertes sont distinctes puisqu’elles portent sur deux biens distincts[137]. Ainsi, Québecor soutient qu’on doit reconnaître deux niveaux de pertes[138].

[105] Pour Québecor, bien que parfois l’analyse économique puisse être pertinente, elle ne justifie pas une nouvelle qualification des rapports juridiques véritables établis par le contribuable[139]. Afin d’obtenir à nouveau les actions d’Abitibi Consolidated, qu’elle avait transférées antérieurement par voie de roulement à 3662527, elle a effectué un paiement en transférant à 3662527 un billet à demande d’une valeur de 191 833 983 $. Cela a eu pour conséquence de faire passer les actions d’Abitibi Consolidated entre les mains de Québecor avec un PBR de 191 833 983 $ qui reflète le prix payé par Québecor pour les acquérir à nouveau. L’intimé, en affirmant que le PBR de ces actions devrait être de 1 $, ignore l’existence du billet à demande utilisé par Québecor afin d’obtenir ces actions[140].

[106] Selon Québecor, l’intimé cherche à créer une politique de consolidation dans la LIR, alors qu’une telle politique ne s’y trouve pas[141]. Toujours selon Québecor, la LIR est claire et s’applique contribuable par contribuable, et bien par bien[142]. Selon Québecor, en l’absence d’un principe clair de consolidation, les tribunaux canadiens ont reconnu que chaque bien doit recevoir un traitement fiscal approprié. Québecor soutient que le raisonnement utilisé par la Cour d’appel fédérale du Canada dans l’arrêt Donohue[143] est applicable en l’espèce. Selon Québecor, la série d’opérations effectuées par le contribuable dans cette affaire est hautement similaire à celle effectuée par Québecor[144].

[107] Afin d’illustrer ce haut degré de similitude, Québecor a préparé le tableau suivant[145] :

Dossier Québecor

Dossier Produits Forestiers Donohue

Constitution de 9101-0827.

Constitution de DMI 1993.

Réduction du CV des actions privilégiées de catégorie « C » de 3662527 détenues par 9101-0827.

Réduction du CV des actions privilégiées de catégorie « B » et des actions ordinaires de DMI détenues par DSF.

Transfert des actions d’Abitibi Consolidated par Québecor à 3662527 par voie de roulement.

Transfert par DMI à DMI 1993 de ses actifs, sauf les scieries de la Vallée, par voie de roulement.

Rachat des 1 000 actions privilégiées de catégorie « D » de 3662527 détenues par Québecor en contrepartie d’un billet.

Rachat par DMI de ses actions privilégiées en contrepartie d’actions privilégiées et ordinaire que DMI détenait dans DMI 1993.

Liquidation de 3662527 et disposition par Québecor des actions d’Abitibi Consolidated.

Vente par DSF a Cédrico des actions de DMI.

[108] Québecor soutient que, dans Donohue, le Ministre invoquait la RGAÉ en soutenant que les biens à l’origine de la perte déclarée par DSF étaient indirectement détenus par les mêmes actionnaires (DSF). La perte déclarée était donc relative à des biens dont DSF n’avait pas réellement disposé[146].

[109] Québecor ajoute qu’en l’espèce, elle prend la même position que celle soutenue par Donohue[147]. Cette position se trouve aux paragraphes 63 et 64 de la décision de notre Cour, qui sont rédigés ainsi[148]:

[63] Le procureur de DSF a aussi fourni un exemple selon lequel l’utilisation d’une société puisse donner lieu à deux pertes juridiques distinctes à l’égard de ce qui est essentiellement une « même perte économique ». Si une société (Portefeuille) détenait des actions du capital-actions d’une filiale pour lesquelles elle a versé une somme de 100 $ et si cette somme était utilisée par la filiale pour l’achat d'un bien amortissable de 100 $, Portefeuille et la filiale pourraient toutes les deux subir une perte si la valeur de ce bien amortissable était nulle. Portefeuille pourrait réaliser une perte en capital ou une PTPE lors d’une disposition réelle ou réputée de ses actions et la filiale pourrait réaliser une perte finale lors de la disposition de son bien amortissable, laquelle perte pourrait être reportée à une année antérieure et déduite des revenus de cette année.

[64] Dans certains cas, certaines règles peuvent venir minimiser cette imposition double ou cette déduction double. Toutefois, soutient le procureur de DSF, cela n’est pas nécessairement le cas tout le temps. II n’existe pas de principe qui empêche nécessairement toute imposition double ou toute déduction double.

[Notes de bas de page omises.]

[110] Québecor soutient que la Cour d’appel fédérale du Canada, en confirmant le jugement de notre Cour, a conclu que le système d’imposition des sociétés et de leurs actionnaires est conçu en fonction de la réalité juridique selon laquelle les biens d’une société par actions appartiennent à la société et non aux actionnaires. Par conséquent, un gain ou une perte en capital peut être réalisé à un même moment par un actionnaire à l’égard de ses actions et par la société à l’égard de ses propres biens; aucun principe n’existe qui permet de consolider l’effet de ces opérations en les appariant. Selon la Cour d’appel fédérale, rien dans la LIR n’empêche un contribuable de réaliser une perte en capital sur des titres de société vendus à des tiers, et ce, même si une importante partie des actifs auxquels on pourrait attribuer la perte demeure à l’intérieur du groupe de sociétés. Québecor soutient que ce même raisonnement devrait être appliqué en l’espèce.

(4) Est-ce que Québecor a « contourné » certaines dispositions de la LIR?

[111] L’intimé prétend que les paragraphes 69(5) et 88(2) de la LIR ont été contournés. Québecor soutient que ces deux dispositions ont trouvé application au moment de la liquidation de 3662527 et non avant. La série d’opérations qui inclut le roulement fait par Québecor des actions d’Abitibi Consolidated à 3662527, le rachat des actions privilégiées des actions « D » et la distribution d’actions d’Abitibi Consolidated à Québecor a eu lieu avant que le processus de liquidation ne débute. Selon Québecor, aucune disposition de la LIR n’exige que les transactions qui précèdent une liquidation soient prises en compte dans le cadre de cette liquidation. Ainsi, Québecor soutient que ces dispositions n’ont pas été « contournées »[149].

[112] Québecor soutient qu’il est aussi pertinent de souligner que l’intimé n’invoque aucune des nombreuses dispositions de la LIR qui ont pour effet de limiter ou d’empêcher la déduction de pertes[150]. Ces règles sont les suivantes :

  • -Les règles réduisant les pertes d’autre part calculées (paragraphes 112(3) à (7) et alinéas 40(2)g) et h)).

  • -Les règles maintenant en suspens les pertes (paragraphes 40(3.3) à (3.5) et les règles visant les « pertes apparentes » à l’article 54).

  • -Les règles visant les « faits liés à la restriction de pertes » (paragraphes 111(4) à (5.4)).

  • -Les règles de continuité (paragraphes 87(1) et 88(1)).

[113] Selon Québecor, ces règles reflètent des choix délibérés du législateur pour tenir compte du principe de non-consolidation et du fait qu’en raison de l’existence d’une société distincte, le calcul de l’impôt se fait à chaque niveau. Cela peut créer trois niveaux d’attributs fiscaux pour le même intérêt économique[151].

[114] Finalement, Québecor prétend qu’en l’absence de règle qui viserait à limiter ou à empêcher la déduction des pertes subies en 2007 et en 2010 lors de la vente des actions d’Abitibi Consolidated, notre Cour doit conclure que l’objet et l’esprit de l’ensemble des dispositions invoquées ont été respectés[152].

(5) Les opérations d’évitement ont-elles entraîné un abus des dispositions de la LIR?

[115] Québecor soutient que l’argument de l’intimé selon lequel elle a pu profiter de deux pertes en capital pour un même intérêt économique à l’égard de deux biens distincts est inapproprié. Selon Québecor, le résultat obtenu représente simplement un transfert de pertes en capital dans le cadre de transactions entre personnes liées. Québecor a dressé le tableau suivant afin de comparer les résultats obtenus et ceux qui seraient survenus, n’eussent été les opérations d’évitement :

Transactions effectuées

Absence de roulement, rachat et échange, billet à demande, action

Gain en capital de 3662527 de 191 833 982 $ (billet émis pour les actions d’Abitibi Consolidated)

Rien

Perte en capital de 3662527 de 206 067 698 $ sur les actions de catégorie « A » de Vidéotron Telecom (liquidation)

Perte en capital de 206 067 698 $

Gain en capital de 3662527 de 5 536 021 $ sur les actions de catégorie « C » de Vidéotron Telecom (liquidation)

Gain en capital de 5 536 021 $

Perte en capital de Québecor Média de 400 000 000 $ sur les actions de 3662527

Perte en capital de 400 000 000 $

Dividende et perte de 9101-0827 non déductible

Dividende et perte de 9101-0827 non déductible

PBR Abitibi Consolidated Inc.=191 833 983 $

Perte en 2007 et en 2010

PBR Abitibi Consolidated = 1,00 $

Aucune perte

Gain en 2007 de 95 916 990 $

[116] Québecor soutient que la déduction des pertes en capital est parfaitement conforme à la politique de l’ARC. Selon Québecor, les notes explicatives du ministère des Finances relatives à la RGAÉ et la politique de l’ARC indiquent que le transfert de revenus ou de déductions au sein d’un groupe de sociétés affiliées ne tombe normalement pas sous le coup de l’article 245 de la LIR étant donné qu’habituellement, on ne considère pas que ces opérations entraînent des abus[153]. Il existe plutôt une politique bien établie selon laquelle, entre compagnies liées, le transfert de pertes en capital ou de profits est tout à fait admissible et correct[154].

[117] Par conséquent, Québecor fait valoir qu’elle a respecté l’objet et l’esprit de l’alinéa 38b) et des paragraphes 69(5), 84(3), 85(1), 88(2) et 112(1) de la LIR[155]. Elle soutient qu’elle n’a pas abusé du régime de liquidation des sociétés sur une base imposable, car l’objet, l’esprit et le but de ces dispositions à la lumière de la politique fiscale sous-jacente n’ont pas été contournés[156]. Le PBR des 44 821 024 actions d’Abitibi Consolidated devrait être rétabli à 191 833 983 $ et la perte en capital de 95 916 992 $ réalisée lors de la disposition des 44 821 024 actions d’Abitibi Consolidated devrait être reconnue[157].

C. Position de l’intimé

1. L’application de la RGAÉ à la série d’opérations effectuée par Québecor

a) Existe-t-il un « avantage fiscal » découlant d’une opération au sens des paragraphes 245(1) et (2) de la LIR?

[118] L’intimé soutient que le paragraphe 245(1) de la LIR définit un avantage fiscal comme étant une réduction, un évitement, un report d’impôt ou une augmentation d’un remboursement d’impôt ou d’un autre montant visé par la LIR. Selon l’intimé, l’existence d’un avantage fiscal peut être évident dans certaines situations, mais que dans d’autres cas, l’existence d’un tel avantage fiscal doit être déterminée « au moyen d’une comparaison entre différents mécanismes »[158]. Dans tous les cas, afin de déterminer s’il y a eu réalisation d’un avantage fiscal, il faut déterminer si le contribuable a réduit, évité ou reporté un montant d’impôt payable en vertu de la LIR.

[119] L’intimé soutient que Québecor admet que la série d’opérations a donné lieu à un avantage fiscal au sens du paragraphe 245(1) de la LIR[159]. Cet avantage correspond à la réduction de l’impôt payable par Québecor à la suite de la disposition de ses actions d’Abitibi Consolidated[160].

[120] Plus particulièrement, la série d’opérations effectuée par Québecor lui a permis d’augmenter le PBR des actions d’Abitibi Consolidated qu’elle détenait. L’intimé soutient donc qu’en augmentant le PBR de ses actions d’Abitibi Consolidated, Québecor a ainsi réussi à réduire l’impôt payable lors de la disposition desdites actions. En effet, pour calculer un gain en capital, il faut soustraire du produit de disposition (montant reçu lors de la disposition des actions) le PBR des actions (montant payé pour acquérir lesdites actions). L’augmentation du PBR entraîne ainsi une réduction du gain en capital et ainsi, de l’impôt payable relativement à ce gain[161].

b) Est-ce que la série d’opérations constitue une opération d’évitement visée par le paragraphe 245(3) de la LIR, en ce sens qu’elle n’a pas été principalement effectuée pour des objets véritables?

[121] L’intimé soutient que, conformément au paragraphe 245(3) de la LIR, une opération d’évitement comprend une opération qui fait partie d’une série d’opérations qui permet au contribuable d’obtenir directement ou indirectement un avantage fiscal, sauf s’il est raisonnable de considérer que l’opération a principalement été effectuée pour des objets véritables, l’obtention d’un avantage fiscal n’étant pas considérée comme un objet véritable[162].

[122] Dans la présente affaire, l’avantage fiscal obtenu par Québecor découle d’une série d’opérations. Dans une telle situation, la Cour doit tout d’abord déterminer quelles sont les opérations faisant partie de la série d’opérations. Ensuite, la Cour doit déterminer s’il est raisonnable de considérer que chacune des opérations de la série a principalement été effectuée pour un objet véritable. L’intimé soutient que, si une seule opération de la série a été principalement effectuée pour un objet fiscal, la Cour doit conclure qu’il s’agit d’une opération d’évitement et la RGAÉ permettra, le cas échéant de supprimer l’avantage qui découle de la série[163].

[123] L’expression « série d’opérations » qui se trouve aux paragraphes 245(2) et 245(3) de la LIR désigne une série d’opérations qui comprend un certain nombre d’opérations déterminées d’avance de manière à produire un résultat donné[164]. L’intimé soutient que la question de savoir si une opération a un objet véritable doit être tranchée de façon objective, au vu de l’ensemble de la preuve. L’intimé soutient qu’un contribuable ne peut se soustraire à l’application de la RGAÉ en déclarant simplement que l’opération a été principalement effectuée pour un objet non fiscal. La Cour doit faire une évaluation objective de l’importance relative des motivations auxquelles obéissait l’opération[165].

[124] Selon l’intimé, Québecor admet que certaines opérations faisant partie de la série d’opérations ont principalement été effectuées afin d’obtenir un avantage fiscal. Par conséquent, les opérations mentionnées ci-dessus au paragraphe 32 constituent une opération d’évitement au sens du paragraphe 245(3) de la LIR[166]. 

[125] Selon l’intimé, Québecor a admis que la seule raison d’être derrière toutes les opérations qui font partie de la série d’opérations était d’obtenir l’avantage fiscal qui est en jeu dans la présente affaire, soit la majoration du PBR des actions d’Abitibi Consolidated afin de profiter d’une réduction d’impôt lors de la disposition de ces actions[167].

c) Est-ce que l’opération d’évitement effectuée par Québecor est abusive au sens du paragraphe 245(4) de la LIR?

[126] Selon l’intimé, c’est à bon droit que le Ministre a déterminé que la RGAÉ devait être appliquée à la série d’opérations effectuée par Québecor. Contrairement à Québecor, l’intimé soutient que les trois conditions d’application de la RGAÉ sont remplies.

[127] L’intimé soutient que Québecor a abusé des articles 3, 38 et 54 de la LIR, ainsi que des paragraphes 39(1), 40(1), 69(5), 84(2), 85(1) et 88(2) de la LIR. L’intimé soutient que l’opération d’évitement effectuée par Québecor a été faite au titre de ces dispositions, qui se retrouvent dans deux régimes de la LIR. Plus précisément, l’intimé soutient que l’opération d’évitement effectuée par Québecor a mis en cause deux régimes de la section B de la partie I de la LIR. Cette section de la LIR porte sur le calcul du revenu d’un contribuable. Le premier régime se trouve à la sous-section C et il traite de l’imposition des gains et des pertes en capital (les articles 3, 38, 53 et 54 et des paragraphes 39(1) et 40(1)). Le second régime se trouve à la sous-section H et il traite du calcul du revenu des sociétés résidant au Canada et de leurs actionnaires (les paragraphes 69(5), 84(2), 85(1) et 88(2))[168].

[128] L’intimé soutient qu’en l’espèce, l’abus des deux régimes découle du fait que le PBR des actions d’Abitibi Consolidated a été majoré sans que le montant soit assujetti à l’impôt[169]. L’intimé soutient que deux opérations de la série d’opérations avaient pour but de majorer le PBR des actions d’Abitibi Consolidated. Ces opérations ont été effectuées le 14 décembre 2015 et elles sont les suivantes[170] :

  • -Le transfert des 44 821 024 actions ordinaires d’Abitibi Consolidated détenues par Québecor à 3662527 par voie de roulement en vertu du paragraphe 85(1) de la LIR;

  • -Le transfert subséquent de ces mêmes actions de 3662527 à Québecor en échange d’un billet à demande. Le billet à demande a été émis par 3662527 en faveur de Québecor à la suite du rachat de ses actions privilégiées « D » émises lors du transfert par voie de roulement en vertu du paragraphe 85(1) de la LIR.

[129] L’intimé soutient que ces opérations ont donné lieu à la réalisation d’un gain en capital imposable, ce qui met en cause l’application du premier régime relatif à l’imposition des gains et des pertes en capital. Plus particulièrement, les articles 3 et 38 et les paragraphes 39(1) et 40(1) de la LIR en plus des articles 53 et 54 de la LIR, qui définissent la notion de PBR[171].

[130] L’intimé soutient que Québecor a effectué des opérations dans le but de créer la perte en capital qui a permis d’éponger le gain qui a donné lieu au PBR majoré des actions d’Abitibi Consolidated. Ces opérations comprennent entre autres la liquidation de 3662527 sur une base imposable, ce qui a donné lieu à une perte en capital. Selon l’intimé, ces opérations ont mis en cause les dispositions touchant le second régime relatif à la liquidation imposable d’une société. Plus particulièrement, les paragraphes 69(5), 84(2) et 88(2) de la LIR[172].

(1) Quels sont l’objet et l’esprit du régime des gains et des pertes en capital, plus précisément des articles 3, 38, 53 et 54 de la LIR et des paragraphes 39(1) et 40(1) de la LIR?

[131] L’intimé soutient que le régime d’imposition des gains et pertes en capital vise à imposer l’accroissement de la valeur des biens en immobilisation, car celui-ci donne lieu à une forme d’enrichissement. Les contribuables doivent inclure dans le calcul de leur revenu une portion de leurs gains en capital. Ils peuvent aussi déduire, sous réserve de certaines restrictions, une portion des pertes en capital réalisées[173].

[132] Selon l’intimé, le gain ou la perte résultant de la disposition d’un bien se calcule en comparant la différence entre le PBR du bien et son produit de disposition[174]. Le PBR est constitué de sommes qui ont été assujetties à l’impôt et les gains et pertes en capital sont réalisés au moment de la disposition du bien[175].

[133] L’intimé soutient que le régime des gains et des pertes en capital s’applique aux gains et aux pertes réelles. Elle ajoute que ce régime vise à assujettir à l’impôt l’accroissement du pouvoir économique d’un contribuable et que les pertes théoriques n’ont aucune incidence sur ce pouvoir[176].

(a) L’article 3 de la LIR

[134] L’article 3 de la LIR traite d’une des règles fondamentales applicables au calcul du revenu d’un contribuable pour une année d’imposition. Selon l’intimé, l’alinéa 3b) de la LIR constitue le fondement législatif de l’imposition des gains et des pertes en capital. En vertu de cette disposition, un gain en capital est une source de revenus qui doit être assujettie à l’impôt dans l’année où il a été réalisé. Il y a réalisation d’un gain ou d’une perte en capital en application de la LIR lors de la disposition d’un bien, que la disposition soit réelle ou réputée[177]. Une perte en capital peut uniquement être déduite d’un gain en capital.

(b) L’article 38 de la LIR

[135] L’article 38 de la LIR permet quant à lui de déterminer la portion d’un gain en capital et d’une perte en capital qui doit être incluse dans le calcul du revenu d’un contribuable. En vertu de cette disposition, le gain en capital imposable d’un contribuable tiré de la disposition d’un bien en immobilisation équivaut généralement à la moitié du gain en capital qu’il a réalisé pour l’année à la disposition du bien. Quant à la perte en capital déductible pour une année d’imposition tirée de la disposition d’un bien, elle est égale à la moitié de la perte en capital que le contribuable a subie dans l’année au cours de laquelle il a disposé du bien[178].

(c) Le paragraphe 39(1) de la LIR

[136] Les expressions « gain en capital » et « perte en capital » sont définies au paragraphe 39(1) de la LIR. Ces définitions sont nécessaires pour le calcul du revenu d’un contribuable conformément à l’article 3 de la LIR. Selon l’intimé, la règle générale qui s’applique lors de la disposition d’un bien en immobilisation est que le gain ou la perte en capital qui en résulte ne doit pas être pris en compte ailleurs dans la LIR[179].

(d) Le paragraphe 40(1) de la LIR

[137] Le paragraphe 40(1) de la LIR explique comment calculer le gain ou la perte en capital résultant de la disposition d’un bien. L’intimé soutient que le contribuable réalise un gain en capital lorsque le produit de disposition d’une action excède la somme de son PBR et des dépenses engagées afin d’en disposer. Elle soutient également qu’il y a une perte en capital lorsque la somme du PBR d’une action et des dépenses engagées en vue d’en disposer excèdent son produit de disposition[180].

[138] Lors de l’audience, l’intimé a précisé qu’il ne soutient pas, comme le prétend Québecor, qu’il existe une politique de consolidation dans la LIR. Il soutient seulement que l’objet des dispositions en vertu desquelles les gains et les pertes en capital sont calculés est d’imposer les accroissements du pouvoir économique d’un contribuable[181].

(e) Les article 53 et 54 de la LIR

[139] L’intimé soutient que l’article 54 de la LIR définit les expressions « produit de disposition » et « prix de base rajusté ». L’intimé soutient que, lors d’une disposition d’actions, le produit de disposition est normalement le prix de vente des actions prévu au contrat de vente alors que le PBR des actions correspond au montant payé initialement par la société pour acquérir les actions vendues. Quant à l’article 53 de la LIR, l’intimé soutient qu’il dresse une liste de rajustements potentiels au PBR[182]. Le gain ou la perte en capital réalisés lors de la disposition d’une action est établi en fonction de son PBR[183].

(f) Conclusion quant à l’objet et l’esprit de ces dispositions du régime des gains et des pertes en capital

[140] L’intimé soutient que l’objet et l’esprit des dispositions ayant trait au régime d’imposition des gains et des pertes en capital ont déjà été déterminés par la Cour d’appel fédérale, notamment dans les arrêts Triad Gestco, 1207192 Ontario Limited et 2763478 Canada Inc.[184].

[141] L’intimé soutient que les articles 3 et 38 et les paragraphes 39(1) et 40(1) de la LIR ont pour objet d’assujettir à l’impôt les gains économiques réalisés par un contribuable à la suite de la disposition d’un bien ainsi que d’accorder un allègement d’impôt à un contribuable lorsqu’il subit une perte économique à la suite de la disposition d’un bien[185].

[142] L’intimé soutient également que l’objet et l’esprit du régime relatif au PBR, y compris les articles 53 et 54 de la LIR, ont également été déterminés par les tribunaux, notamment dans les arrêts Pomerleau et Copthorne. Il soutient que le PBR est un attribut fiscal qui permet la détermination du montant du gain ou de la perte économique qui sont réalisés lors de la disposition d’un bien. Elle ajoute que le PBR représente la somme que l’actionnaire a payée pour les actions et qu’en principe, il est constitué de montants qui ont été assujettis à l’impôt[186].

[143] De plus, l’intimé fait valoir la distinction entre le PBR et le CV. Il renvoie à ce propos à l’arrêt Copthorne, qui établit que le CV se rattache aux actions alors que le PBR se rattache à un contribuable en particulier. Le CV dépend du capital initialement investi alors que le PBR représente la somme payée par l’actionnaire pour acquérir les actions et, selon l’arrêt Pomerleau, est constitué de montants qui ont été assujettis à l’impôt[187].

(2) Quels sont l’objet et l’esprit des dispositions du régime ayant trait au calcul du revenu des sociétés résidant au Canada et de leurs actionnaires, plus précisément des paragraphes 69(5), 84(2), 85(1) et 88(2) de la LIR?

[144] Le régime ayant trait au calcul du revenu des sociétés résidant au Canada et de leurs actionnaires se trouve à la sous-section H de la section B de la partie 1 de la LIR. Les articles 82 à 89 de la LIR contiennent les règles suivantes[188] :

  • -Les règles portant sur les conséquences fiscales de certains aménagements impliquant les sociétés;

  • -Les règles portant sur la manière dont les dividendes de sociétés et les autres montants distribués par les sociétés doivent être inclus dans le revenu des actionnaires[189];

  • -Les règles dont le rôle est de régir l’imposition des transferts de biens entre les sociétés et leurs actionnaires;

  • -Les règles qui régissent l’imposition des opérations effectuées lors des fusions et liquidations de sociétés.

(a) Le paragraphe 85(1) de la LIR

[145] L’intimé soutient que l’objet et l’esprit du paragraphe 85(1) de la LIR sont de permettre à un contribuable de différer le paiement de l’impôt lors d’un transfert d’un bien par voie de roulement, et non pas de permettre à un contribuable d’éviter de payer l’impôt qui sera payable lors de la disposition ultérieure de ce bien[190].

[146] L’intimé soutient qu’en vertu du paragraphe 85(1) de la LIR, un bien admissible peut être transféré à une société canadienne imposable avec un report d’impôt si une contrepartie a été donnée. La contrepartie doit comprendre au moins une action de la société à laquelle le bien a été transféré[191].

[147] Selon l’intimé, l’objet du paragraphe 85(1) de la LIR est de permettre que l’impôt sur l’accroissement de la valeur d’un bien soit différé et non pas évité[192]. Il ne devrait pas y avoir de conséquences fiscales étant donné qu’il n’y a pas de changement fondamental sur le plan de la propriété. Au lieu de détenir le bien transféré, l’auteur du transfert détient des actions de même valeur[193]. L’intimé soutient que c’est ce que la Cour d’appel fédérale a conclu dans l’arrêt Canada c. Oxford Properties Group Inc.[194]. Le passage pertinent de cet arrêt est le suivant :

56 Ces roulements, y compris celui visé au paragraphe 97(2), reportent les conséquences fiscales des transferts entre certains groupes, comme les actionnaires et les sociétés (paragraphe 85(1)) et les associés et les sociétés de personnes (paragraphe 97(2)). La prémisse est qu’il ne devrait y avoir aucune conséquence fiscale, étant donné qu’il n’y a pas de changement fondamental sur le plan de la propriété— c.-à-d. que, au lieu de détenir le bien transféré, l’auteur du transfert détient une participation dans la société de personnes ou des actions de même valeur (Vern Krishna, The Fundamentals of Canadian Income Tax, 9e éd. (Toronto : Thomson/Carswell, 2006), p. 1112).

57 Le raisonnement qui sous-tend les roulements, comme le révèle le mécanisme utilisé pour leur donner effet— c.-à-d . le fait que le produit de disposition réputé de l’auteur du transfert devient le coût réputé du destinataire du transfert (le PBR ou la FNACC, selon le cas)—, établit clairement que l’impôt ainsi reporté sera payé lors de la disposition ultérieure donnant lieu à un changement dans la situation économique de l’auteur du transfert. Ainsi qu’il a été déclaré dans un passage où l’on fait directement référence au paragraphe 97(2): « [l]’impôt n’est pas évité, mais différé [...] » (Banque Continentale du Canada et al. c. Canada, [1994] A.C.I. nº 585, conf. par [1996] A.C.F. nº 710 (QL) (C.A.). Ce constat découle tant du libellé du paragraphe 97(2) que de son objet et de son esprit.

58 En effet, le paragraphe 97(4) permet expressément de parvenir à ce résultat relativement à la récupération en prévoyant que, lorsque des biens amortissables sont transférés à une société de personnes pour un produit supérieur au coût en capital entre les mains de l’auteur du transfert, ce coût devient celui de la société de personnes, et la différence est réputée avoir été prise comme amortissement par cette dernière.

59 Dans ce contexte, force est de reconnaître que l’objet et l’esprit des paragraphes 97(2) et 97(4) consistent à assurer le suivi des attributs fiscaux des biens amortissables afin de veiller à ce que la récupération et les gains reportés soient imposés ultérieurement[195].

[Non souligné dans l’original.]

[148] Quant aux paragraphes 69(5), 82(4) et 88(1) de la LIR, l’intimé soutient que l’objet et l’esprit de ces dispositions sont de permettre la liquidation d’une société en entraînant, au plan fiscal, une réalisation et une imposition de la plus-value accumulée sur les biens de la société[196]. Ce régime de liquidation imposable prévoit une forme d’appariement entre la valeur des biens de la société liquidée et la valeur des actions de cette société. Selon l’intimé, une telle liquidation permet le transfert de comptes fiscaux à la société mère, mais l’actionnaire ne peut réaliser de perte en capital sur ses actions.

[149] Quant au paragraphe 88(2) de la LIR, il permet lors de la liquidation à l’actionnaire de la société liquidée de réaliser une perte en capital sur ses actions. Cette perte est réalisée par la filiale et elle peut être déduite si possible dans le calcul du revenu de cette dernière pour sa dernière année d’imposition. Les pertes en capital non utilisables seront perdues. L’intimé soutient qu’en vertu des deux régimes de liquidation, un contribuable ne peut subir de double imposition ou profiter d’une perte en capital à deux niveaux.

[150] Finalement, l’intimé soutient que l’objet et l’esprit du paragraphe 69(5) de la LIR sont de permettre à la société de bénéficier des pertes réputées réalisées lors de sa liquidation, mais seulement aux fins du calcul de son revenu pour sa dernière année d’imposition, de telle sorte que toute perte qui est non utilisée par la société est vouée à disparaître. Ainsi, l’intimé soutient que l’objet et l’esprit du paragraphe 69(5) ne sont pas de permettre qu’une perte soit utilisée pour augmenter le PBR des actions d’une autre entité[197].

(b) L’article 88 de la LIR

[151] L’intimé soutient que, lors de la liquidation d’une société, la société liquidée est réputée avoir disposé de ses biens et ses actionnaires sont réputés les avoir acquis. Les actionnaires sont réputés avoir disposé des actions qu’ils détenaient dans la société liquidée[198]. Selon l’intimé, il existe deux régimes de liquidation pour l’application de la LIR; ils sont les suivants[199] :

  • -La liquidation prévue au paragraphe 88(1) de la LIR. Elle permet un transfert en franchise d’impôt des biens d’une filiale à sa société mère.

  • -La liquidation prévue au paragraphe 88(2) de la LIR. Elle implique l’application des paragraphes 69(5) et 84(2) de la LIR et elle engendre des incidences fiscales immédiates pour la société et pour ses actionnaires.

[152] En ce qui concerne le régime de liquidation prévu au paragraphe 88(1) de la LIR, l’intimé soutient qu’il s’applique automatiquement à une liquidation lorsque les conditions suivantes sont remplies[200] :

  • -Une société canadienne imposable (la filiale) a été liquidée après le 6 mai 1974.

  • -Immédiatement avant la liquidation, au moins 90 % des actions émises de chaque catégorie de son capital-actions appartenaient à une autre société canadienne imposable (la société mère).

  • -Les autres actions de la filiale, qui n’appartiennent pas à la société mère immédiatement avant la liquidation, appartiennent à des personnes avec lesquelles la société mère n’avait pas de lien de dépendance.

[153] Une liquidation effectuée en vertu du paragraphe 88(1) de la LIR permet le transfert d’actifs de la filiale à la société mère en franchise d’impôt. De plus, les actionnaires de la société liquidée sont réputés avoir disposé de leurs actions de la société au coût de ces dernières, et donc sans conséquences fiscales, et tous les biens de la filiale attribués à la société mère lors de la liquidation sont réputés avoir fait l’objet d’une disposition par la filiale pour un produit égal au coût indiqué du bien pour la filiale, immédiatement avant la liquidation[201].

[154] La société mère est réputée avoir acquis chaque bien qui lui est attribué lors de la liquidation pour un montant qui correspond au produit de disposition du bien pour la filiale et ce dernier correspond au coût du bien pour la filiale[202].

[155] La société mère est également réputée avoir disposé de ses actions de la filiale lors de la liquidation pour un produit de disposition égal au plus élevé des montants suivants :

  • 1-Le montant le moins élevé entre le CV des actions de la filiale et le coût fiscal des biens distribués à la société mère, tel que déterminé par le sous-alinéa 88(1)d)(i) de la LIR;

  • 2-Le PBR des actions de la filiale détenue par la société mère.

[156] L’intimé soutient également que, dans certaines circonstances, en vertu de l’alinéa 88(1)d) de la LIR, le coût d’un bien attribué à la société mère peut être augmenté (« bump ») afin de refléter le fait que le PBR des actions détenues par la société mère dans la filiale était plus élevé que la valeur fiscale nette des biens détenus par la filiale[203].

[157] Finalement, selon l’intimé, l’application de ces règles lors d’une liquidation effectuée en vertu du paragraphe 88(1) de la LIR a pour effet principal d’assurer la continuité des attributs fiscaux de la filiale à la société mère. Ce faisant, lors de l’attribution des actifs de la filiale à la société mère, cette dernière ne réalisera ni gain ni perte. Le gain ou la perte seront réalisés seulement lorsqu’elle disposera des actifs en faveur d’un tiers[204]. La filiale évitera également les conséquences relatives à la disposition de ses actifs[205].

[158] Quant au paragraphe 88(2) de la LIR, l’intimé soutient qu’il trouve application lors des liquidations qui ne relèvent pas du paragraphe 88(1) de la LIR et au cours desquelles, à un moment donné, la totalité ou presque des biens appartenant à la société immédiatement avant ce moment, ont été attribués aux actionnaires de la société[206]. Selon l’intimé, le paragraphe 88(2) porte principalement sur le calcul et la distribution du compte de dividendes en capital et du surplus de capital en main avant 1972 de la société liquidée[207].

(c) Le paragraphe 69(5) de la LIR

[159] L’intimé soutient que, lors d’une liquidation non assujettie au paragraphe 88(1) de la LIR, le paragraphe 69(5) de la LIR trouve application si, lors de la liquidation de la société, des biens d’une société ont été attribués à un actionnaire ou au profit de celui-ci. Il permet d’assurer que le transfert d’actifs s’effectue à la JVM et que tout revenu ou perte découlant du transfert se constate au moment du transfert[208]. L’application du paragraphe 69(5) a les conséquences suivantes[209] :

  • -La société liquidée est réputée, pour le calcul de son revenu pour l’année, avoir disposé des biens immédiatement avant la liquidation pour un produit égal à leur JVM à ce moment;

  • -L’actionnaire est réputé avoir acquis les biens à un coût égal à leur JVM immédiatement avant la liquidation.

[160] Selon l’intimé, la société est réputée avoir disposé des biens seulement « pour le calcul de son revenu pour l’année ». Les propos du professeur Krishna à ce sujet sont pertinents selon lui. Ce dernier a dit à ce sujet que les gains ou pertes en capital, récupérations de la déduction pour amortissement, gains d’inventaire ou pertes finales sont tous pris en compte dans le calcul du revenu de l’année d’imposition finale de la société[210]. L’intimé soutient que le paragraphe 69(5) de la LIR ne permet pas d’utiliser les pertes résultant de la disposition réputée à la JVM afin d’éponger les gains des autres sociétés ou de conserver un PBR majoré dans la structure d’entreprise[211].

[161] Autrement dit, lors d’une liquidation effectuée en vertu du paragraphe 88(2) de la LIR, les pertes en capital résultant de l’application du paragraphe 69(5) de la LIR doivent être déduites, si possible, lors du calcul du revenu de la dernière année de la société liquidée. L’intimé soutient que la perte en capital de 206 067 698 $ réalisée par 3662527 pouvait à bon droit être utilisée à l’encontre du gain de 5 536 021 $ qui a été réalisé par 3662527, lors de l’année de sa liquidation. Cependant, il soutient que cette perte ne pouvait servir à absorber le gain en capital latent réalisé en lien avec les actions d’Abitibi Consolidated détenues par Québecor pour permettre une majoration du PBR de ces actions par des sommes non assujetties à l’impôt[212].

[162] L’intimé ajoute qu’en vertu du paragraphe 69(5) de la LIR, certaines règles ayant trait à la minimisation des pertes se trouvant aux paragraphes 13(21.2), 14(22), 18(15), 40(3.4) et 40(3.6) de la LIR ne s’appliquent pas aux biens dont la société a disposé lors de sa liquidation. Selon lui, en général, les règles sur la minimisation des pertes en capital représentent des mesures anti-évitement spécifiques ayant pour effet de différer ou de suspendre une perte réalisée par un contribuable à la suite de la disposition d’un bien à une personne affiliée[213]. Étant donné que, lorsque le paragraphe 69(5) s’applique, ces règles sur la minimisation des pertes ne trouvent pas application, l’intimé soutient que la société est en mesure d’utiliser les pertes réalisées lors de la liquidation pour le calcul de son revenu pour son année d’imposition finale[214].

(d) Le paragraphe 84(2) de la LIR

[163] En ce qui concerne le paragraphe 84(2) de la LIR, l’intimé soutient qu’il trouve application lors d’une liquidation ou d’une distribution de fonds ou de biens aux actionnaires ou au profit des actionnaires de toute catégorie d’actions du capital-actions d’une société, et la société est réputée avoir versé un dividende sur les actions de cette catégorie. Le dividende est égal à la somme par laquelle la valeur de la distribution excède le CV des actions[215]. Selon l’intimé, toute distribution aux actionnaires qui dépasse la valeur du CV des actions sera réputée versée sous forme de dividendes aux actionnaires. Ces dividendes seront pris en compte pour le calcul du gain ou de la perte en capital résultant de la disposition réputée des actions des actionnaires de la société étant donné que le dividende réputé reçu par un actionnaire en vertu du paragraphe 84(2) de la LIR réduit le produit de disposition réputé reçu lors de la disposition de ces actions[216].

[164] L’intimé soutient que, bien que les paragraphes 69(5) et 88(2) de la LIR ne prévoient pas de règle explicite en ce sens, la définition de « produit de disposition » à l’article 54 de la LIR prévoit qu’il faut en exclure toute somme qui serait par ailleurs incluse dans le produit de disposition d’une action dans la mesure où cette somme est un dividende réputé selon le paragraphe 84(2) de la LIR[217].

[165] L’intimé conclut que la société mère réalisera un gain ou une perte sur la disposition de ses actions dans la filiale, mais ne se verra pas attribuer le gain ou la perte de la filiale qui aurait disposé de ses biens[218].

d) Est-ce que l’avantage fiscal obtenu par Québecor porte atteinte à l’objet ou à l’esprit d’une des dispositions de la LIR?

[166] Après avoir déterminé l’objet et l’esprit des dispositions en cause ayant généré l’avantage fiscal, la deuxième étape consiste à « examiner attentivement les faits pour décider si l’attribution d’un avantage fiscal serait conforme à l’objet ou à l’esprit des dispositions invoquées par le contribuable »[219].

[167] L’intimé soutient qu’il faut regarder l’effet de l’ensemble des opérations de la série afin de déterminer si, individuellement, elles entraînent un abus dans l’application d’une ou de plusieurs dispositions[220]. La motivation, la fin et la raison d’être économique des opérations peuvent être pertinentes afin d’établir si les opérations contrecarrent ou non l’objet des dispositions pertinentes[221].

[168] Selon l’intimé, l’effet de la série d’opérations a été de permettre à Québecor de majorer le PBR de ses actions d’Abitibi Consolidated, ce qui lui a permis de réduire ou éviter l’impôt payable à la disposition des actions en 2007 et en 2010[222].

e) Est-ce que l’opération d’évitement porte atteinte à l’objet ou à l’esprit de l’une des dispositions du régime de gains et pertes en capital, soit des articles 3, 38, 53 et 54 et des paragraphes 39(1) et 40(1) de la LIR, et à l’objet ou à l’esprit du paragraphe 85(1) de la LIR?

[169] L’intimé soutient que Québecor a transféré ses actions d’Abitibi Consolidated en vertu du paragraphe 85(1) de la LIR afin d’éviter l’impôt payable lors de la disposition éventuelle de ces actions à un tiers. Ce faisant, la série d’opérations a produit un résultat qui va à l’encontre de l’objet et de l’esprit du paragraphe 85(1), qui permet seulement un report d’impôt et non un évitement d’impôt[223]. L’intimé soutient également ce faisant que la série d’opérations a produit un résultat qui va à l’encontre de l’objet et de l’esprit des articles 3 et 38 et des paragraphes 39(1) et 40(1) de la LIR. Ceci est dû au fait que Québecor n’a pas été assujettie à l’impôt sur le gain économique qu’elle a réalisé lors de la disposition des actions d’Abitibi Consolidated. Au contraire, Québecor a obtenu un allègement d’impôt, même si elle n’avait pas subi de perte économique[224].

[170] L’intimé soutient également que la série d’opérations a produit un résultat qui va à l’encontre de l’objet et de l’esprit du régime du PBR prévu dans la LIR, plus particulièrement des articles 53 et 54 de la LIR, car le PBR des actions d’Abitibi Consolidated détenues par Québecor a été augmenté d’un montant non assujetti à l’impôt. L’intimé soutient que, bien qu’il y ait eu un gain, ce gain n’a pas été assujetti à l’impôt, car il a été entièrement épongé par la perte en capital réalisée par 3662527 au moment de la disposition réputée de ses actions de catégorie « A » de Vidéotron Telecom qui a eu lieu lors de sa liquidation[225].

f) Est-ce que l’opération d’évitement porte atteinte à l’objet ou à l’esprit de l’une des dispositions du régime de calcul du revenu des sociétés résidant au Canada et de leurs actionnaires, soit des paragraphes 69(5), 84(2) et 88(2) de la LIR?

[171] L’intimé soutient que l’application des paragraphes 69(5), 84(2) et 88(1) de la LIR lors des opérations d’évitement a produit les effets suivants :

  • -Conformément au paragraphe 69(5) de la LIR, lors de la liquidation de 3662527, cette dernière a été réputée avoir disposé de ses actifs à leur JVM. Parmi les actifs de cette société se trouvaient les actions de catégorie « A » de Vidéotron Telecom, qui avaient une JVM de 138 141 304 $ et un PBR de 344 209 002 $, ainsi que des actions de catégorie « C » de Vidéotron Telecom, qui avaient une JVM de 11 859 696 $ et un PBR de 6 323 675 $. Par conséquent, 3662527 a déclaré une perte en capital de 206 067 698 $ (138 141 304 $ - 344 209 002$) à la suite de la disposition de ses actions de catégorie « A » de Vidéotron Telecom et un gain en capital de 5 536 021 $ (11 859 696 $ - 6 323 675 $) à la suite de la disposition de ses actions de catégorie « C » Vidéotron Telecom.

  • -Conformément au paragraphe 84(2) de la LIR, 3662527 a été réputée avoir versé à la société 9101-0827 un dividende de liquidation de 195 527 333 $. Conformément au paragraphe 112(1) de la LIR, ce dividende de liquidation a été déduit du revenu de la société 9101-0827.

  • -9101-0827 a été réputée avoir disposé de ses 5 000 actions privilégiées de catégorie « C » de 3662527 à leur JVM. Le produit de disposition des actions était de 5 000 $[226], alors que le PBR était de 166 500 000 $. Par conséquent, la société 9101-0827 a déclaré une perte en capital, qui a été réduite à néant par l’application du paragraphe 112(3) de la LIR. En vertu du paragraphe 112(3), le montant de la perte en capital réalisée par un contribuable lors de la disposition d’actions est réduit du montant de dividendes non imposables reçus par le contribuable sur les actions.

  • -Québecor Média a été réputée avoir disposé de ses 10 000 actions ordinaires votantes et de ses 90 000 actions ordinaires non votantes qu’elle détenait dans le capital-actions de 3662527 à leur JVM. Le produit de disposition de ces actions était de 0 $ tandis que leur PBR était de 400 000 000 $. Par conséquent, Québecor Média a déclaré une perte en capital de 400 000 000 $ résultant de la disposition de ses actions de 3662527.

[172] La perte en capital de 206 067 698 $, résultant de la disposition par 3662527 de ses actions de catégorie « A » de Vidéotron Telecom, a été appliquée à l’encontre du gain en capital de 5 536 021 $ réalisé à la suite de la disposition des actions de catégorie « C » de Vidéotron Telecom et à l’encontre du gain en capital de 191 833 982 $ réalisé lors de la disposition par 3662527 des actions d’Abitibi Consolidated en faveur de Québecor.

[173] L’intimé reconnaît que 3662527 était en droit d’utiliser la perte en capital de 206 067 698 $ résultant de la disposition réputée de ses actions de catégorie « A » de Vidéotron Telecom afin d’éponger le gain en capital de 5 536 021 $ résultant de la disposition réputée de ses actions de catégorie « C » de Vidéotron Telecom ayant eu lieu lors de sa liquidation. Cependant, l’intimé soutient que 3662527 n’était pas en droit d’utiliser ce qui restait de la perte en capital afin d’éponger le gain en capital ayant résulté de sa disposition des actions d’Abitibi Consolidated en faveur de Québecor en contrepartie du billet à demande. L’intimé soutient que cette perte devait être considérée uniquement pour le calcul du revenu de l’année d’imposition finale de 3662527 et était donc vouée à disparaître et ne devait donc pas être conservée sous forme de PBR majoré des actions d’Abitibi Consolidated[227].

[174] L’intimé soutient que les paragraphes 65(5), 84(2) et 88(2) de la LIR ont permis la liquidation de 3662527 et la réalisation d’une perte en capital de 206 067 698 $ qui a été déduite du gain en capital découlant de la disposition des actions d’Abitibi Consolidated en faveur de Québecor. Cette disposition a eu pour effet de majorer le PBR des actions[228] pour le faire passer de 1 $ à 191 833 983 $.

[175] L’intimé soutient qu’il n’y a pas eu d’imposition sur le gain en capital ayant occasionné la majoration du PBR des actions d’Abitibi Consolidated détenues par Québecor. L’intimé reconnaît que ce gain en capital a été inclus dans le revenu de 3662527. Cependant, elle soutient que ce gain a été annulé par la perte en capital réalisée lors de la liquidation de 3662527. Cette liquidation a engendré la disposition réputée des actions de Vidéotron Telecom qui étaient détenues par 3662527, permettant ainsi de réaliser une perte en capital qui a été utilisée à l’encontre du gain en capital qui a découlé de la majoration du PBR des actions d’Abitibi Consolidated. Ce faisant, l’intimé soutient qu’il n’y a donc pas eu d’imposition sur ce montant constituant le nouveau PBR majoré des actions d’Abitibi Consolidated[229].

[176] L’intimé soutient que, si 9101-0827 n’avait pas été constituée, le paragraphe 88(1) de la LIR aurait trouvé application lors de la liquidation de 3662527. Si cela avait été le cas, il y aurait eu un transfert des actions de Vidéotron Telecom que 3662527 détenait à Québecor Média à leur PBR. Québecor Média aurait maintenu une perte en capital latente de 400 000 000 $ et la perte en capital de 206 000 000 $ réalisée à la suite de leur disposition réputée en vertu du paragraphe 69(5) de la LIR n’aurait pas eu lieu[230].

[177] L’intimé soutient également que les dispositions du régime de liquidation que l’on trouve aux paragraphes 69(5), 84(3) et 88(2) ont été utilisées de façon à doubler une partie de la perte latente des actions de 3662527[231]. La série d’opérations effectuée par Québecor a permis à cette dernière de profiter de deux pertes fiscales pour une seule perte économique. L’intimé admet qu’il y avait une perte économique de l’ordre de 400 000 000 $ dans la structure d’entreprise de Québecor[232]. Cependant, elle soutient que la perte latente de l’ordre de 206 000 000 $ relative aux actions de Vidéotron Telecom qui étaient détenues par 3662527 est reflétée dans la perte latente de 400 000 000 $ relative aux actions de 3662527 détenues par Québecor Média[233].

[178] L’intimé s’oppose à l’utilisation de la perte en capital de 206 000 000 $ réalisée par 3662527 lors de la disposition réputée des actions de Vidéotron Telecom au moment de sa liquidation[234]. Selon l’intimé, cette perte devait être utilisée uniquement lors du calcul du revenu de la dernière année de 3662527 et elle était donc vouée à disparaître à la suite de la liquidation[235]. L’intimé s’oppose donc à la déduction de cette perte, du gain en capital réalisé par 3662527 lors de la disposition des actions d’Abitibi Consolidated à Québecor. Elle a permis ainsi de majorer le PBR de ces actions, sans qu’il y ait d’imposition[236].

[179] L’intimé soutient que, grâce à la série d’opérations, Québecor passe d’une situation initiale où elle avait un gain en capital latent de 191 000 000 $ (relativement à ses 44 821 024 actions ordinaires qu’elle détenait dans le capital-actions d’Abitibi Consolidated initialement et avant la série d’opérations) et une perte en capital latente de 400 000 000 $, à une situation où elle réalise la perte économique de 400 000 000 $ et éponge le gain en capital de 191 000 000 $[237].

[180] L’intimé est d’avis que la LIR permet textuellement à Québecor de réaliser la perte en capital de 206 000 000 $, cependant elle allègue que Québecor a orchestré ses opérations d’une manière qui lui a permis d’utiliser cette perte d’une façon que la LIR ne prévoyait pas[238].

[181] Finalement, l’intimé soutient que Québecor a pu conserver la perte réputée de 3662527 qui autrement aurait été perdue lors de la liquidation, sous forme de PBR majoré des actions d’Abitibi Consolidated détenues par Québecor. L’intimé soutient donc que la série d’opérations a produit un résultat qui va à l’encontre de l’objet et de l’esprit des paragraphes 69(5), 82(4) et 88(1) de la LIR[239].

g) Les conséquences raisonnables

[182] L’intimé soutient que le paragraphe 245(2) de la LIR dispose qu’en cas d’opération d’évitement, les attributs fiscaux doivent être déterminés de façon raisonnable dans les circonstances, l’objectif étant de supprimer l’avantage fiscal qui découlerait des opérations d’évitement sans la RGAÉ[240].

[183] Selon l’intimé, la réduction de l’impôt payable par Québecor à la suite de la disposition de ses actions d’Abitibi Consolidated n’est pas raisonnable. Afin de supprimer l’avantage découlant des opérations d’évitement, l’intimé soutient que le Ministre devait faire ce qui suit[241] :

  • -Refuser à Québecor la majoration de 191 833 982 $ du PBR des 44 821 024 actions ordinaires d’Abitibi Consolidated;

  • -Ajouter aux revenus de Québecor un gain en capital de 95 916 990 $ pour l’année d’imposition 2007 en lien avec la disposition des 44 821 024 actions d’Abitibi Consolidated;

  • -Refuser la perte en capital de 95 916 992 $ réalisée lors de la disposition des 44 821 024 actions d’Abitibi Consolidated et dont la déduction est réclamée par Québecor pour l’année d’imposition 2007.

[184] L’intimé soutient que, n’eût été la série d’opérations, le PBR des actions d’Abitibi Consolidated détenues par Québecor serait demeuré à 1 $ et il n’aurait pas été majoré à 191 833 983 $. Ce faisant, au moment de la disposition de ces actions par Québecor, cette dernière aurait réalisé un gain en capital de 95 916 991 $, car le produit de disposition était de 95 916 992 $, et le PBR aurait été de 1 $[242].

VI. DISCUSSION

A. La RGAÉ

1. Introduction

[185] Il est bien reconnu en droit canadien que le contribuable a le droit d'organiser ses affaires de façon à réduire le plus possible l'impôt payable[243]. Cependant, ce principe énoncé dans l’arrêt Duke of Westminster n’est pas absolu et il est loisible au législateur d’y déroger. C’est ce qu’il a fait au moyen de la RGAÉ[244], qui ne doit toutefois pas être interprétée comme mettant de côté le précepte fondamental en droit fiscal[245]. Comme le disait la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Trustco[246], le législateur veut que les contribuables profitent pleinement des dispositions de la LIR qui confèrent des avantages fiscaux. Il s’agit là de la condition de réussite des différentes politiques que la LIR cherche à promouvoir. Par conséquent, en l’absence de dispositions contraires dans la LIR, les tribunaux ne peuvent empêcher un contribuable d’utiliser des stratégies complexes afin de minimiser l’impôt qu’il doit payer si elles respectent les dispositions pertinentes de la LIR[247]. Un contribuable peut donc faire une série d’opérations ayant comme objectif de minimiser l’impôt qu’il doit payer[248]. L’application de la RGAÉ permet donc au Ministre de supprimer un avantage fiscal que dans les cas où l’opération en cause est manifestement abusive[249].

[186] La RGAÉ est consacrée à l’article 245 de la LIR. Elle constitue le mécanisme qu’a choisi le législateur pour mettre fin à la prolifération des tactiques d’évitement fiscal. Le gouvernement a reconnu que des règles anti‑évitement spécifiques ne sont pas toujours souhaitables, car elles rendent le régime fiscal plus complexe, créent parfois d’autres échappatoires imprévues et ne portent pas sur les opérations déterminées avant l’entrée en vigueur des modifications[250]. La RGAÉ reflète le choix du législateur d’adopter une règle générale afin de compléter ses efforts spécifiques pour contrer l’évitement fiscal[251].

[187] L’objet de la RGAÉ est de supprimer les avantages fiscaux de certains mécanismes qui sont conformes à une interprétation littérale des dispositions de la LIR, mais qui constituent un abus dans l’application de ses dispositions[252]. Par conséquent, la Cour doit faire une analyse objective, approfondie, et point par point afin de justifier sa conclusion[253]. L’application de la RGAÉ permet au Ministre de supprimer un avantage fiscal dans les cas où une opération d’évitement est manifestement abusive[254]. L’évitement fiscal abusif peut consister en des stratégies fiscales qui n’avaient pas été prévues par le législateur ou des situations qui minent l’intégrité du système fiscal en contrecarrant l’objet et l’esprit des dispositions invoquées par le contribuable[255].

[188] Une opération d’évitement peut en soi produire un avantage fiscal, mais elle peut également faire partie d’une série d’opérations qui en confère un. Bien que l’accent doive être mis sur elle, lorsque l’opération fait partie d’une série, il faut l’examiner dans le contexte de la série pour déterminer s’il y a évitement fiscal abusif[256]. Dans un tel cas, le caractère abusif d’une opération ne se révèle que dans le contexte de la série dans laquelle elle s’inscrit et de l’effet global obtenu[257].

[189] L’objet ou l’esprit peuvent être circonscrits grâce à la méthode employée pour toute interprétation législative, à savoir une méthode « textuelle, contextuelle et téléologique unifiée » de manière à établir l’objet ou l’esprit des dispositions concernées[258]. Mais comme le rappelait la Cour suprême dans l’arrêt Copthorne, il ne faut pas confondre la détermination de la raison d’être des dispositions applicables de la LIR avec le jugement de valeur quant à ce qui est bien ou mal non plus qu’avec les conjectures sur ce que devrait être une loi fiscale ou sur l’effet qu’elle devrait avoir[259].

[190] La RGAÉ n’a pas pour but la réprobation morale du contribuable qui, afin de réduire son obligation fiscale, se montre ingénieux pour faire jouer la LIR en sa faveur[260]. Elle se veut une mesure de dernier recours destinée à prévenir l’évitement fiscal lorsqu’il est abusif[261].

2. Les conditions d’application de la RGAÉ

[191] Lors de l’application de la RGAÉ, les tribunaux doivent déterminer si l’avantage fiscal obtenu par un contribuable constitue un abus de l’application de certaines dispositions de la LIR. À cette fin, une analyse faisant appel à un test en trois étapes doit être effectuée[262]. À chacune des étapes, la Cour doit répondre à une question. Chacune des questions correspond à une condition qui doit être remplie afin que la RGAÉ puisse s’appliquer[263]. Les trois questions auxquelles notre Cour doit répondre sont les suivantes :

  • 1-Existe-t-il un « avantage fiscal » découlant d’une « opération » ou d’une « série d’opérations » au sens des paragraphes 245(1) et (2) de la LIR ?

  • 2-Est-ce que l’« opération » ou la « série d’opérations » constituent une « opération d’évitement » au sens du paragraphe 245(3) de la LIR ?

  • 3-Est-ce que l’opération d’évitement est abusive au sens du paragraphe 245(4) de la LIR [264]?

[192] Ce n’est que lorsque ces trois conditions sont remplies que la RGAÉ permet au Ministre de supprimer un avantage fiscal[265]. Par conséquent, dans le cadre de son analyse, notre Cour doit déterminer si les trois conditions sont remplies, et ce, successivement[266].

[193] À ce sujet, il convient de rappeler qu’il incombe au contribuable de démontrer que les deux premières conditions ne sont pas remplies et au Ministre de démontrer que l’« opération d’évitement » est abusive au sens du paragraphe 245(4) de la LIR[267].

a) La première condition : existe-t-il un « avantage fiscal » découlant d’une « opération » ou d’une « série d’opérations » au sens des paragraphes 245(1) et (2) de la LIR?

[194] La définition de l’expression « avantage fiscal » se trouve au paragraphe 245(1) de la LIR et, pour l’année d’imposition en cause, elle est la suivante :

avantage fiscal Réduction, évitement ou report d’impôt ou d’un autre montant exigible en application de la présente loi ou augmentation d’un remboursement d’impôt ou d’un autre montant visé par la présente loi. Y sont assimilés la réduction, l’évitement ou le report d’impôt ou d’un autre montant qui serait exigible en application de la présente loi en l’absence d’un traité fiscal ainsi que l’augmentation d’un remboursement d’impôt ou d’un autre montant visé par la présente loi qui découle d’un traité fiscal. (tax benefit)

[195] Dans tous les cas, la Cour doit déterminer si le contribuable a réduit, évité ou reporté un montant d’impôt payable en vertu de la LIR[268]. Il est aussi important de noter que l’avantage fiscal doit s’être concrétisé[269].

b) La deuxième condition : est-ce que la série d’opérations constitue une « opération d’évitement » au sens du paragraphe 245(3) de la LIR?

[196] La définition d’une opération d’évitement se trouve au paragraphe 245(3) de la LIR et elle est la suivante :

(3) L’opération d’évitement s’entend :

a) soit de l’opération dont, sans le présent article, découlerait, directement ou indirectement, un avantage fiscal, sauf s’il est raisonnable de considérer que l’opération est principalement effectuée pour des objets véritables — l’obtention de l’avantage fiscal n’étant pas considérée comme un objet véritable;

b) soit de l’opération qui fait partie d’une série d’opérations dont, sans le présent article, découlerait, directement ou indirectement, un avantage fiscal, sauf s’il est raisonnable de considérer que l’opération est principalement effectuée pour des objets véritables — l’obtention de l’avantage fiscal n’étant pas considérée comme un objet véritable.

[197] Une opération d’évitement peut être constituée d’une seule opération ou faire partie d’une série d’opérations[270]. Une série d’opérations comprend aussi les opérations et événements liés en vue de réaliser la série, ce qui renvoie à des opérations et à des événements survenus avant ou après la série qui ont eu lieu en raison de la série ou relativement à celle‑ci[271]. Une série d’opérations constitue une opération d’évitement s’il est raisonnable de considérer qu’elle n’a pas été principalement effectuée pour un objet véritable. En vertu du paragraphe 245(3) de la LIR, l’obtention de l’avantage fiscal ne peut constituer un objet véritable[272].

c) La troisième condition : est-ce que l ’opération d’évitement effectuée est abusive au sens du paragraphe 245(4) de la LIR?

[198] Une opération d’évitement est abusive au sens du paragraphe 245(2) de la LIR dans les cas énumérés au paragraphe 245(4) de la LIR. Le paragraphe 245(4) est rédigé ainsi :

(4) Le paragraphe (2) ne s’applique qu’à l’opération dont il est raisonnable de considérer, selon le cas :

a) qu’elle entraînerait, directement ou indirectement, s’il n’était pas tenu compte du présent article, un abus dans l’application des dispositions d’un ou de plusieurs des textes suivants :

(i) la présente loi,

(ii) le Règlement de l’impôt sur le revenu,

(iii) les Règles concernant l’application de l’impôt sur le revenu,

(iv) un traité fiscal,

(v) tout autre texte législatif qui est utile soit pour le calcul d’un impôt ou de toute autre somme exigible ou remboursable sous le régime de la présente loi, soit pour la détermination de toute somme à prendre en compte dans ce calcul;

b) qu’elle entraînerait, directement ou indirectement, un abus dans l’application de ces dispositions compte non tenu du présent article lues dans leur ensemble.

[199] Dans l’arrêt Trustco, la Cour suprême du Canada a décrit de la manière ci-après l’analyse qui doit être effectuée par la Cour afin de déterminer si une opération d’évitement est abusive :

[44] L’interprétation contextuelle et téléologique des dispositions de la Loi invoquées par le contribuable et l’application des dispositions interprétées correctement aux faits d’une affaire donnée sont au cœur de l’analyse fondée sur le par. 245(4). Il faut d’abord interpréter les dispositions générant l’avantage fiscal pour en déterminer l’objet et l’esprit. Il faut ensuite déterminer si l’opération est conforme à cet objet ou si elle le contrecarre. L’analyse globale porte donc sur une question mixte de fait et de droit. L’interprétation textuelle, contextuelle et téléologique de dispositions particulières de la Loi de l’impôt sur le revenu est essentiellement une question de droit, mais l’application de ces dispositions aux faits d’une affaire dépend nécessairement des faits.

[…]

[47] La première partie de l’examen fondé sur le par. 245(4) exige que le tribunal aille audelà du simple texte des dispositions et adopte une méthode dinterprétation contextuelle et téléologique en vue de dégager un sens qui sharmonise avec le libellé, lobjet et l’esprit des dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu. Cela n’a rien de nouveau. Même lorsque le sens de certaines dispositions peut paraître non ambigu à première vue, le contexte et l’objet de la loi peuvent révéler ou dissiper des ambiguïtés latentes. […]

[55] […] La deuxième étape consiste à examiner le contexte factuel de l’affaire pour déterminer si l’opération d’évitement contrecarrait l’objet ou l’esprit des dispositions.

[200] Par conséquent, afin de déterminer si une opération d’évitement est abusive au sens du paragraphe 245(4) de la LIR, la Cour doit effectuer une analyse qui comporte les deux étapes suivantes[273] :

  • 1-La première étape consiste à identifier l’objet ou l’esprit des dispositions de la LIR qui sont invoquées pour obtenir l’avantage fiscal, eu égard à l’économie de la LIR, aux dispositions pertinentes et aux moyens extrinsèques admissibles.

  • 2-La deuxième étape consiste à déterminer si l’avantage fiscal obtenu porte atteinte à l’objet ou à l’esprit de ces dispositions.

(1) Première étape : la détermination de l’objet ou de l’esprit des dispositions de la LIR qui sont invoquées pour obtenir l’avantage

[201] La RGAÉ exige que la Cour examine la raison d’être des dispositions invoquées pour obtenir l’avantage fiscal[274]. L’objet et l’esprit d’une disposition représente la raison d’être de celle-ci. Le texte de la disposition, son contexte et son objet contribuent à faire la lumière sur cette raison d’être[275]. La Cour doit cerner l’objet et l’esprit des dispositions dont il y aurait abus, eu égard aux dispositions elles-mêmes, à l’économie de la LIR et aux moyens extrinsèques admissibles. L’objet et l’esprit des dispositions ont été qualifiés de raison d’être qui sous‑tend des dispositions particulières ou interdépendantes de la LIR[276].

[202] La première étape de l’examen fondé sur le paragraphe 245(4) de la LIR exige que notre Cour aille au-delà du simple texte des dispositions[277]. En effet, lors de l’interprétation des dispositions de la LIR, la Cour doit lire les termes de la LIR dans leur contexte global, en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit, l’objet et l’intention du législateur[278]. Il est en effet possible que, même si le sens des mots employés par le législateur est clair, la raison d’être de la disposition ne ressort pas celui-ci[279]. Cerner l’objet et l’esprit d’une disposition n’équivaut pas à la récrire; la Cour ne fait que prendre un pas de recul pour formuler une brève description de la raison d’être qui sous‑tend la disposition, à la lumière de laquelle il faut examiner une opération qui y est autrement conforme[280].

[203] Afin de déterminer l’objet ou l’esprit des dispositions en cause, notre Cour doit utiliser la méthode d’interprétation législative « textuelle, contextuelle et téléologique unifiée »[281].

[204] Cette méthode d’interprétation législative n’est pas unique aux questions ayant trait à l’application de la RGAÉ ou des dispositions de la LIR, elle est la même que pour toute autre loi[282]. Cependant, lors de l’application de la RGAÉ, l’analyse vise à dégager un aspect différent de la loi.

[205] Dans un cas classique d’interprétation législative, les tribunaux appliquent l’analyse textuelle, contextuelle et téléologique pour établir le sens du texte de la loi[283]. Dans le cas de la RGAÉ, l’analyse textuelle, contextuelle et téléologique vise à cerner la raison d’être de la disposition qui peut ne pas ressortir de la seule signification des mots eux‑mêmes[284]. Cette analyse débute par la lecture des termes de la LIR dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la LIR, son objet et avec l’intention du législateur[285].

[206] Puisque les trois composantes à analyser dans l’interprétation législative sont souvent inextricablement liées, il est difficile de les évaluer séparément. À ce sujet, la Cour suprême du Canada a dit ce qui suit dans l’arrêt Mathew c. Canada :

43 Nous tenons à ajouter que, bien qu’il soit utile d’examiner séparément les trois éléments d’interprétation législative de manière à ce que chacun reçoive l’attention qu’il mérite, force est de constater que ces éléments sont inextricablement liés. Par exemple, en analysant le contexte législatif, il faut tenir compte des objets et de la politique générale des dispositions examinées. Et bien qu’il soit utile d’examiner individuellement les facteurs indiquant un objectif législatif, cet objectif législatif représente en même temps la question à laquelle il faut répondre en définitive, à savoir ce qu’a voulu le législateur[286].

[Non souligné dans l’original.]

[207] Lors de l’analyse, la Cour peut employer plusieurs sources utiles afin de déterminer l’objet et l’esprit des dispositions de la LIR en cause. La Cour peut avoir recours aux notes explicatives et études du ministère des Finances, à la description de l’objet dans les décisions antérieures, aux manuels et aux articles de revues juridiques pris en considération par les tribunaux ainsi qu’au suivi de l’évolution de la législation, depuis sa création jusqu’à sa forme actuelle en tenant compte des modifications successives qu’elle a pu subir[287].

(a) L’analyse textuelle

[208] Le texte d’une disposition est pertinent lors de l’analyse de l’objet et l’esprit d’une disposition[288]. Sans perdre de vue la recherche de la raison d’être sous‑jacente de la disposition, la Cour peut se demander en quoi le texte de la disposition renseigne sur ce que celle-ci visait à accomplir[289]. Il convient d’examiner ce que le texte de la disposition permet ou interdit expressément[290].

[209] L’analyse textuelle doit être faite en utilisant une méthode dite « grammaticale ». Lors de l’application de cette méthode, la Cour doit faire ce qui suit :

  • -Donner aux mots le sens qu’ils ont dans la langue courante;

  • -Donner aux mots le sens qu’ils avaient le jour de l’adoption de la loi;

  • -Éviter d’ajouter aux termes de la loi ou encore de les priver d’effet[291].

[210] La Cour doit donc donner aux mots utilisés dans la disposition leur sens ordinaire et grammatical. À ce sujet, dans l’arrêt Pharmascience inc. c. Binet, la Cour suprême du Canada a dit ce qui suit :

30 Bien que le poids à accorder au sens ordinaire des mots varie énormément suivant le contexte de leur emploi, dans la présente affaire, l’interprétation textuelle appuie l’analyse globale fondée sur l’objet de la loi. Le sens ordinaire réfère la plupart du temps [TRADUCTION] « à la première impression du lecteur, c’estàdire au sens qui lui vient spontanément lorsquil lit les termes dans leur contexte immédiat » (R. Sullivan, Sullivan and Driedger on the Construction of Statutes (4e éd. 2002), p. 21, citée dans Marche c. Cie d’Assurance Halifax, [2005] 1 R.C.S. 47, 2005 CSC 6, par. 59). Dans Lignes aériennes Canadien Pacifique Ltée c. Assoc. canadienne des pilotes de lignes aériennes, 1993 CanLII 31 (CSC), [1993] 3 R.C.S. 724, p. 735, le juge Gonthier parlait du « sens naturel qui se dégage de la simple lecture de la disposition »[292].

[211] Lors de cette analyse, certaines présomptions reconnues par la Cour Suprême du Canada peuvent être utile. En voici quelques exemples :

  • -Le législateur est bien informé et compétent dans la rédaction de la législation[293];

  • -Le législateur évite d’utiliser des mots superflus ou sans signification[294];

  • -Le législateur utilise le langage avec soin et cohérence, de sorte que, dans une loi ou un autre instrument législatif, les mêmes mots ont le même sens et les mots différents ont un sens différent[295].

[212] La Cour doit aller au-delà des termes de la disposition puisque des mots en apparence clairs et exempts d’ambiguïté peuvent, en fait, se révéler ambigus une fois placés dans leur contexte[296]. La possibilité que le contexte révèle une telle ambiguïté latente découle logiquement de la méthode moderne d’interprétation[297].

(b) L’analyse contextuelle

[213] L’analyse contextuelle suppose l’examen des autres dispositions pertinentes de la LIR, soit celles qui interagissent et ont un effet sur la disposition en cause[298]. Bien entendu, il ne s’agit pas d’examiner toutes les autres dispositions de la LIR[299]. C’est la relation entre la disposition dont le contribuable aurait abusé et le régime particulier auquel elle appartient qui importe[300]. Même si la LIR est longue et détaillée, la compréhension de sa structure peut contribuer à identifier la fonction de la disposition en cause[301].

[214] Le recours à des moyens extrinsèques admissibles et à l’historique de la disposition est permis[302]. Ultimement, l’analyse contextuelle vise un tout harmonieux, afin d’assurer l’interaction logique et cohérente d’une disposition avec l’ensemble de la LIR. L’analyse contextuelle est donc axée sur la détermination du contexte législatif d’une disposition. Dans l’arrêt Copthorne, la Cour suprême du Canada a dit ce qui suit sur le sujet :

[91] L’examen du contexte suppose l’examen d’autres dispositions de la Loi, ainsi que des moyens extrinsèques admissibles (Trustco, par. 55). Cependant, toutes les dispositions de la Loi ne sont pas pertinentes pour la définition du contexte de la disposition en cause. La pertinence tient en fait au [TRADUCTION] « regroupement » des dispositions ou à leur « interaction pour la mise en œuvre d’un plan plausible et cohérent » (R. Sullivan, Sullivan on the Construction of Statutes (5e éd. 2008), p. 361 et 364)[303].

(c) L’analyse téléologique

[215] L’analyse téléologique ou de l’objet vise à déterminer quel résultat, parmi la multitude d’objectifs poursuivis par la LIR, le législateur a voulu que produise la disposition[304]. Une analyse téléologique permet au tribunal d’examiner à la fois l’historique législatif et la preuve extrinsèque[305]. Les dispositions fiscales peuvent poursuivre toute une gamme d’objectifs indépendants et interdépendants[306].

[216] L’analyse téléologique vise donc à déterminer l’objet de la législation ou du régime législatif dans lequel la disposition se trouve. Par contre, les lois ont souvent plusieurs objets et l’analyse vise à discerner le résultat que le législateur a voulu que la disposition produise. Dans l’arrêt Copthorne, la Cour Suprême du Canada a dit ce qui suit à ce sujet :

[113] Les dispositions fiscales ont pour objet de « favoriser la réalisation d’objectifs liés à des activités précises » (Trustco, par. 52). Le présent volet vise à déterminer quel résultat, parmi la multitude d’objectifs poursuivis par la Loi, le législateur a voulu que produise la disposition[307].

[217] Parfois l’objet est explicitement inclus dans la LIR[308], d’autre fois, l’objet est déterminé par rapport à une ou plusieurs lois étroitement liées[309]. Souvent, l’objet peut être discerné à partir de ces dispositions et des dispositions connexes de la LIR[310]. Lorsque l’objet ne ressort pas de la loi, l’historique législatif peut être utilisé[311]. De plus, les notes explicatives peuvent aussi servir à déterminer l’objet[312].

(2) Deuxième étape : déterminer si l’avantage fiscal obtenu porte atteinte à l’objet ou à l’esprit de ces dispositions

[218] Afin de déterminer si l’opération d’évitement est abusive, il faut tenir compte du contexte, c’est-à-dire de l’ensemble des opérations qui font partie de la série d’opérations, soit son effet global. À ce sujet, la Cour suprême du Canada a dit ce qui suit dans l’arrêt Lipson :

[34] Les appelants font valoir à juste titre que dans le cas d’une série d’opérations, l’abus doit être lié aux opérations mêmes qui la constituent. Cependant, l’ensemble des opérations doit être pris en compte pour déterminer si, individuellement, elles entraînent un abus dans l’application d’une ou de plusieurs dispositions de la LIR. Chacune des opérations doit être considérée dans le contexte de la série. Le tribunal de révision appelé à déterminer s’il y a eu évitement fiscal abusif peut ainsi apprécier et saisir la nature des éléments individuels de la série. Il faut toutefois se garder de mettre l’accent sur l’« objet global » des opérations, car cela pourrait impliquer à tort que la motivation du contribuable ou la fin de l’opération est décisive. Il est alors préférable de parler d’« effet global », ce qui correspond plus précisément au libellé du par. 245(4) et à l’arrêt Trustco Canada.

[Non souligné dans l’original.]

[219] L’objet d’une opération ne devrait pas être au centre de l’analyse visant à déterminer si l’opération d’évitement est abusive[313] :

[45] Bien que ce qui précède me permette de statuer sur le présent appel, je note que la conclusion de la Cour de l’impôt quant à un abus dans l’application de l’article 84.1 semble avoir été influencée par l’incapacité de M. Wild d’expliquer l’objet de certaines opérations ou de leur structure. L’objet de l’opération est pertinent lorsqu’il s’agit de décider si l’opération donnant lieu à l’avantage fiscal est une opération d’évitement (Copthorne, paragraphe 40); il ne devrait pas être au centre de l’analyse visant à déterminer si l’opération était contraire à l’objet ou à l’esprit des dispositions sur lesquelles elle se fondait.

[220] L’analyse reste strictement axée sur le caractère abusif. La Cour doit aller au‑delà de la forme juridique qu’ont prise les opérations et de leur respect technique des dispositions; elle doit comparer leur résultat à la raison d’être sous‑jacente de la disposition et déterminer si cette raison d’être est contrecarrée. Pour tirer une telle conclusion, l’opération doit être manifestement abusive[314].

[221] Les trois situations qui peuvent permettre à la Cour de conclure que l’opération d’évitement est abusive ont été décrites par la Cour suprême du Canada dans Copthorne de la manière suivante :

[72] L’analyse fait conclure à l’évitement fiscal abusif lorsque l’opération (1) produit un résultat que la disposition législative vise à empêcher, (2) va à l’encontre de la raison d’être de la disposition ou (3) contourne l’application de la disposition de manière à contrecarrer son objet ou son esprit : Trustco, par. 45; Lipson, par. 40. Ces considérations ne jouent pas indépendamment les unes des autres, et elles peuvent se chevaucher. À cette étape, le ministre doit montrer clairement que l’opération a un caractère abusif, et le contribuable a le bénéfice du doute.

[222] Par conséquent, l’opération d’évitement aura un caractère abusif dans les circonstances suivantes[315] :

  • -Si l’opération d’évitement produit un résultat qu’une disposition législative vise à empêcher;

  • -Si l’opération d’évitement va à l’encontre de la raison d’être d’une disposition;

  • -Si l’opération d’évitement contourne l’application de la disposition de manière à contrecarrer son objet ou son esprit.

[223] Les tribunaux ont énoncé plusieurs principes à respecter lors de la détermination de l’objet ou de l’esprit des dispositions dans le contexte de la RGAÉ. Ces principes sont les suivants :

  • -Les tribunaux ne sont pas autorisés à chercher une politique prépondérante de la LIR qui n’est pas fondée sur une interprétation textuelle, contextuelle et téléologique unifiée des dispositions invoquées pour obtenir l’avantage fiscal[316].

  • -La politique globale du législateur veut que le droit fiscal soit certain, prévisible et équitable afin que le contribuable puisse organiser intelligemment ses affaires. La recherche d’une politique prépondérante de la LIR qui n’est pas fondée sur une interprétation textuelle, contextuelle et téléologique des dispositions en cause irait à l’encontre de cette politique[317].

  • -La Cour doit faire preuve de prudence lors d’une décision portant sur l’application de la RGAÉ relativement au CV ou au PBR d’une catégorie d’actions, car une telle décision peut avoir des répercussions sur d’innombrables opérations courantes effectuées par les contribuables chaque année[318].

  • -Si le législateur n’a pas fait preuve de clarté et d’absence d’ambiguïté à l’égard de la politique générale qu’il envisageait, la Cour ne peut décider qu’il y a eu abus et le respect de la LIR doit l’emporter[319].

B. Est-ce à bon droit que le Ministre a appliqué la RGAÉ à la série d’opérations effectuée par Québecor afin d’en annuler les effets?

[224] Tel qu’il est mentionné plus haut, afin de répondre à cette question, la Cour doit déterminer si les trois conditions d’application de la RGAÉ sont remplies et ce, successivement.

1. Est-ce que Québecor a obtenu un « avantage fiscal » découlant de la série d’opérations au sens des paragraphes 245(1) et (2) de la LIR?

[225] Afin de déterminer si cette condition est remplie, la Cour doit déterminer si Québecor a réduit, évité ou reporté un montant d’impôt payable en vertu de la LIR. Il incombait à Québecor de démontrer qu’elle n’a pas obtenu d’avantage fiscal au sens du paragraphe 245(1) de la LIR des suites de la série d’opérations. Les parties ont admis que la série d’opérations est constituée des opérations mentionnées ci-dessus au paragraphe 32.

[226] Québecor a admis avoir obtenu un avantage fiscal des suites de cette série d’opérations[320]. Cette série d’opérations a permis à Québecor d’augmenter le PBR de ses actions d’Abitibi Consolidated de 191 833 982 $, ce qui a donné lieu à la réalisation d’une perte en capital de 95 916 992 $ lors de la disposition de ses 44 821 024 actions d’Abitibi Consolidated en échange de 2 806 244 actions d’Abitibi Bowater. N’eût été cette série d’opérations, Québecor aurait réalisé un gain en capital de 95 916 990 $ lors de la disposition des actions d’Abitibi Consolidated au lieu d’une perte en capital du même montant.

[227] Compte tenu de ce qui précède, la Cour conclut que Québecor a obtenu un avantage fiscal résultant d’une opération ou d’une série d’opérations au sens des paragraphes 245(1) et 245(2) de la LIR.

2. Est-ce que la série d’opérations constitue une opération d’évitement au sens du paragraphe 245(3) de la LIR?

[228] Afin de déterminer si cette condition est remplie, la Cour doit déterminer si la série d’opérations effectuée par Québecor constitue une opération d’évitement. À cette fin, la Cour doit déterminer s’il est raisonnable de considérer que la série d’opérations a été principalement effectuée pour un objet véritable.

[229] En l’espèce, une lettre de KPMG datée du 31 août 2005 explique le motif pour lequel la série d’opérations a été effectuée. À la lecture de cette lettre, il est clair que l’objectif de la série d’opérations était d’augmenter le PBR des actions d’Abitibi Consolidated détenues par Québecor Média afin de réduire le gain en capital qui serait réalisé à la suite de la disposition de celles-ci. Afin de pouvoir arriver à ce but, 3662527 devait être mise dans une position où elle réaliserait une perte en capital lors d’une distribution de ses biens à ses actionnaires et ainsi pouvoir être utilisée afin d’augmenter le PBR des actions d’Abitibi Consolidated détenues par Québecor Média. Le passage pertinent de cette lettre est le suivant :

[traduction]

[…] Pour commencer, il est important de prendre en considération que, sans l’avantage fiscal découlant de la série d’opérations indiquées, aucune des opérations indiquées dans la présente opinion n’aurait été effectuée. En fait, l’objectif derrière la série d’opérations indiquées est que QI puisse augmenter le prix de base rajusté de ses actions d’ACI afin de réduire le gain en capital lors de l’éventuelle disposition des actions. En temps normal, QMI aurait acquis les actions de VTLH de Carlyle et la liquidation subséquente de VTLH sous le régime du paragraphe 88(1) n’aurait pas créé de perte en capital pour augmenter le prix de base rajusté des actions d’ACI à QI. Cependant, en mettant en œuvre la série d’opérations indiquées, y compris la constitution de 9101 pour acquérir les actions de VTLH de Carlyle, VTLH se place en position de réaliser une perte sur la distribution des biens à ses actionnaires, laquelle perte sera disponible pour accroître le prix de base rajusté des actions d’ACI à QI[321].

[Non souligné dans l’original.]

[230] De plus, dans la même lettre, KPMG écrit ce qui suit : [traduction] « sans l’avantage fiscal découlant de la série d’opérations désignées, aucune des opérations désignées dans la présente opinion n’aurait été effectuée »[322].

[231] En vertu du paragraphe 245(3) de la LIR, l’obtention de l’avantage fiscal ne peut constituer un objet véritable et la preuve démontre que la série d’opérations a été faite pour ce seul et unique motif. Compte tenu de ceci, la Cour conclut que la série d’opérations n’a pas été principalement effectuée pour un objet véritable. Par conséquent, la Cour conclut que la deuxième condition nécessaire à l’application de la RGAÉ est remplie.

[232] Puisque la Cour a conclu que les deux premières conditions à l’application de la RGAÉ sont remplies, elle conclut, tel que l’ont fait valoir les parties, que la seule question en litige dans la présente affaire est celle de savoir si l’opération d’évitement est abusive au sens du paragraphe 245(4) de la LIR.

[233] Avant de débuter l’analyse du troisième critère aux fins de déterminer si la RGAÉ devait s’appliquer en l’espèce, il importe de rappeler ces principes établis par la Cour suprême du Canada :

  • -Même si une opération d'évitement est établie (qui procure un avantage fiscal et dont le but premier est l'obtention de cet avantage), la RGAÉ s'appliquera pour refuser l'avantage fiscal que s'il ne peut être raisonnable de considérer qu'il ne résulte pas d’un abus au titre du paragraphe 245(4) de LIR.

  • -La formulation négative du par. 245(4) de la LIR indique que l'analyse part du principe qu'un avantage fiscal qui serait conféré par le texte même de la LIR n'est pas abusif[323].

3. Est-ce que l’opération d’évitement effectuée par Québecor est abusive au sens du paragraphe 245(4) de la LIR?

[234] Pour conclure au caractère abusif d’une opération, la Cour doit procéder à une analyse en deux étapes. Tout d’abord, elle doit déterminer l’objet ou l’esprit des dispositions de la LIR qui sont invoquées pour obtenir l’avantage fiscal, eu égard à l'économie de la LIR, aux dispositions pertinentes et aux moyens extrinsèques admissibles[324]. Ensuite, elle doit déterminer si l’opération est conforme à l’objet ou à l’esprit des dispositions ou si elle les contrecarre.

a) Quels sont l’objet et l’esprit des dispositions du régime des gains et des pertes en capital et du régime ayant trait au calcul du revenu des sociétés résidant au Canada et de leurs actionnaires?

(1) Quels sont l’objet et l’esprit du régime des gains et des pertes en capital, plus précisément des articles 3, 38, 53 et 54 de la LIR et des paragraphes 39(1) et 40(1) de la LIR?

[235] Le régime des gains et des pertes en capital a été analysé à de multiples reprises par la Cour d’appel fédérale. Dans l’arrêt 2763478, la Cour en a rappelé l’objet et l’esprit[325] :

[53] À l’occasion de l’affaire Triad Gestco, notre Cour a opéré une distinction entre une « perte théorique » et une « perte économique » ou « véritable » et a conclu que, vu l’objet et l’esprit des alinéas 38b), 39(1)b) et 40(1)b), une perte théorique ne peut donner lieu à une perte en capital déductible (Triad Gestco, paragraphes 39 et 51). La Cour a tracé cette ligne après avoir examiné le fonctionnement du cadre législatif instauré en 1972 afin d’imposer les gains en capital (Triad Gestco, paragraphes 27 à 36) et l’objectif sous-tendant ce régime (ibidem, paragraphe 42). Notre Cour a noté qu’avant 1972, l’augmentation de la valeur de biens en immobilisations n’était pas assujettie à l’impôt. C’est suite aux recommandations de la Commission Carter, après qu’elle eut constaté que l’accroissement de la valeur de biens en immobilisations donnait lieu à une forme d’enrichissement, que le régime législatif assujettissant le gain en capital à l’impôt a été instauré (Rapport de la Commission Carter, 1966, pages 51 à 53 et Triad Gestco, paragraphe 42).

[54] Ce régime a comme assise l’alinéa 3b) de la LIR qui reconnaît le gain en capital comme source de revenus et l’assujettit à l’impôt dans l’année où le gain se réalise suite à la disposition du bien qui le comporte. À l’inverse, une perte en capital est reconnue lorsqu’elle se réalise de la même façon. L’accroissement de la valeur de biens en immobilisations sans réalisation n’est pas imposable, mais l’on doit garder à l’esprit la disposition déterminative de l’alinéa 70(5)a) qui a pour effet d’assujettir à l’impôt l’accroissement en valeur de tous les biens en immobilisation détenus par un contribuable au moment de son décès.

[55] Les articles 39 et 40 prescrivent la méthode de calcul du gain ou de la perte. Une perte est subie lorsqu’un bien est disposé pour un « produit de disposition » inférieur à son « prix de base rajusté ». Le « prix de base rajusté » est le prix d’achat du bien tel qu’ajusté selon l’article 53 alors que le « produit de disposition » est son prix de vente ou toute indemnité afférente au bien, tel que prévu à l’article 54. La différence entre le prix de base rajusté et le produit de disposition sert à mesurer l’évolution de la valeur du bien, ainsi que l’accroissement ou la diminution du pouvoir économique qui en découle pour son titulaire (Triad Gestco, paragraphes 42 et 50).

[236] Dans l’arrêt Corpthorne, la Cour suprême du Canada a donné des précisions quant au calcul du gain ou de la perte en capital. Ces précisions sont les suivantes :

[101] […] Le gain et la perte en capital est établi en fonction du prix de base rajusté (« PBR ») d’une action, et non du CV. Le CV se rattache aux actions, et le PBR, à un contribuable en particulier. Le CV dépend du capital initialement investi, tandis que le PBR représente la somme que l’actionnaire a payée pour les actions. Il arrive que le PBR et le CV des actions coïncident, mais ce n’est pas toujours le cas. Il est peu probable que le PBR pour l’actionnaire corresponde au CV des actions acquises lorsque celles-ci appartenaient à un autre actionnaire[326].

[237] La Cour d’appel fédérale du Canada, dans l’arrêt Pomerleau, a précisé que la LIR présuppose que le coût d’acquisition d’un bien, incluant celui d’actions nouvellement émises, a été payé au moyen de sommes déjà assujetties à l’impôt :

[63] Tout comme elle le fait à l’égard de l’investissement initial effectué en contrepartie d’actions nouvellement émise, la LIR présuppose que le coût d’acquisition d’un bien – c.-à.-d. : son PBR initial – a été acquitté au moyen de sommes qui ont été assujetties à l’impôt. Par la suite, les seules modifications permises en vertu de l’article 53 s’effectuent en fonction d’opérations ou d’évènements imposables. C’est donc qu’en principe, le PBR est constitué de montants qui ont été assujettis à l’impôt[327].

Conclusion quant à l’objet et à l’esprit des dispositions du régime des gains et pertes en capital

[238] Compte tenu de ce qui précède, le régime des gains et pertes en capital a comme objet et esprit d’assujettir à l’impôt l’accroissement ou la diminution du pouvoir économique de la valeur du bien à la suite de sa disposition. Ceci ressort de l’alinéa 3b), qui est à la base du régime.

[239] L’article 38 et les paragraphes 39(1) et 40(1) prescrivent la méthode de calcul du gain ou de la perte et les articles 53 et 54 définissent respectivement les termes « produit de disposition » et « prix de base rajusté ». Ces dispositions permettent de déterminer l’accroissement ou la perte économique du bien qui sera assujetti à l’impôt. À cette fin, le PBR initial d’un bien doit avoir été acquitté au moyen de sommes assujetties à l’impôt et les seules modifications permises au PBR s’effectuent en fonction d’opérations ou d’évènements imposables. En définitive, les dispositions font une distinction entre les sommes utilisées pour acquérir le bien, qui ont déjà été assujetties à l’impôt, et les sommes reçues lors de la disposition du bien. Par conséquent, l’ensemble de ces dispositions permettent de mettre en œuvre l’objet et l’esprit de l’alinéa 3b).

(2) Quels sont l’objet et l’esprit des dispositions du régime ayant trait au calcul du revenu des sociétés résidant au Canada et de leurs actionnaires, plus précisément des paragraphes 69(5), 84(2), 85(1) et 88(2) de la LIR?
(a) Quels sont l’objet et l’esprit du paragraphe 85(1) de la LIR?

[240] Le paragraphe 85(1) de la LIR porte sur le transfert de biens par un actionnaire à une société canadienne imposable. Ce transfert est communément appelé un « roulement ». Le terme « roulement » n’est pas défini dans la LIR. Dans l’arrêt Husky Oil Limited c. Canada, la Cour d’appel fédérale du Canada a expliqué le concept de roulement ainsi :

La Loi de l’impôt sur le revenu contient diverses dispositions autorisant un contribuable à reporter la constatation d’un gain en capital à la disposition de biens en immobilisation si la disposition se produit dans certaines circonstances, habituellement dans le cadre de la réorganisation ou restructuration d’une société. Ce genre de disposition est appelé « roulement ». Lorsqu’un bien est échangé contre un autre dans le cadre d’une opération à laquelle un roulement s’applique, le contribuable, aux fins de l’impôt sur le revenu, est censé avoir vendu le bien original contre un produit de disposition égal à son coût aux fins de l’impôt (ou, en termes d’impôt sur le revenu, son « prix de base rajusté ») et avoir acquis le nouveau bien au même prix (le coût aux fins de l’impôt fait donc l’objet d’un « roulement » vers le nouveau bien). Le gain en capital ainsi reporté est constaté au moment où le nouveau bien est vendu ou lorsqu’il en est disposé autrement dans le cadre d’une opération imposable[328].

[Non souligné dans l’original.]

[241] Le texte du paragraphe 85(1) de la LIR est clair : il permet à un actionnaire d’une société canadienne qui dispose d’un bien en faveur de cette société de reporter le paiement d’impôt sur le gain en capital qui aurait été réalisé quant à ce bien, s’il n’en avait pas disposé au moyen d’un transfert à une société dont il est actionnaire. Pour cette actionnaire, l’impôt sur ce bien deviendra payable lors de la disposition du bien ayant été reçu en échange et sera calculé en fonction du produit de disposition de ce bien.

[242] Le gain en capitale reporté au moment du roulement pourra être imposé à deux niveaux. Premièrement, un gain en capital est imposé lors de la vente du bien qui a été transféré par la société qui l’a reçu. Un gain en capital pourrait aussi être réalisé, et par conséquent imposé, lors de la vente des actions reçues en contrepartie du bien[329]. À la connaissance de la Cour, il n’y a aucune disposition qui empêche une perte en capital à deux niveaux dans la mesure où le PBR des actions est supérieur au produit de disposition des actions aux deux niveaux.

[243] L’objet et l’esprit de certaines autres dispositions de la LIR impliquant un « roulement » ont déjà été déterminés par la Cour d’appel fédérale du Canada dans plusieurs décisions. Dans l’arrêt Oxford Properties[330], la Cour d’appel fédérale a dit ce qui suit :

56 Ces roulements, y compris celui visé au paragraphe 97(2), reportent les conséquences fiscales des transferts entre certains groupes, comme les actionnaires et les sociétés (paragraphe 85(1)) et les associés et les sociétés de personnes (paragraphe 97(2)). La prémisse est qu’il ne devrait y avoir aucune conséquence fiscale, étant donné qu’il n’y a pas de changement fondamental sur le plan de la propriété — c.-à-d . que, au lieu de détenir le bien transféré, l’auteur du transfert détient une participation dans la société de personnes ou des actions de même valeur (Vern Krishna, The Fundamentals of Canadian Income Tax, 9e éd. (Toronto : Thomson/Carswell, 2006), p. 1112).

57 Le raisonnement qui sous-tend les roulements, comme le révèle le mécanisme utilisé pour leur donner effet — c.-à-d . le fait que le produit de disposition réputé de l’auteur du transfert devient le coût réputé du destinataire du transfert (le PBR ou la FNACC, selon le cas) —, établit clairement que l’impôt ainsi reporté sera payé lors de la disposition ultérieure donnant lieu à un changement dans la situation économique de l’auteur du transfert. Ainsi qu’il a été déclaré dans un passage où l’on fait directement référence au paragraphe 97(2) : « [l]’impôt n’est pas évité, mais différé [...] » (Banque Continentale du Canada et al. c. Canada, [1994] A.C.I. nº 585, conf. par [1996] A.C.F. nº 710 (C.A.F.). Ce constat découle tant du libellé du paragraphe 97(2) que de son objet et de son esprit.

[…]

59 Dans ce contexte, force est de reconnaître que l’objet et l’esprit des paragraphes 97(2) et 97(4) consistent à assurer le suivi des attributs fiscaux des biens amortissables afin de veiller à ce que la récupération et les gains reportés soient imposés ultérieurement[331].

[Non souligné dans l’original.]

[244] Dans l’arrêt Canada c. Vaillancourt-Tremblay[332], la Cour d’appel fédérale du Canada a dit ce qui suit quant à l’objet et à l’esprit de l’article 85.1 de la LIR :

[5] L’article 85.1 crée un « roulement ». Lorsqu’un contribuable reçoit le produit de la disposition d’un bien qui excède le coût fiscal de ce bien (le prix de base rajusté), il réalise généralement un gain en capital imposable. Dans certaines situations, le contribuable est autorisé à reporter la constatation du gain en capital issu de la disposition du bien jusqu’à ce que ce dernier fasse l’objet d’une nouvelle disposition. Dans ces cas, les caractéristiques fiscales du bien font l’objet d’un « roulement » jusqu’à la disposition imposable finale[333].

[Non souligné dans l’original.]

[245] Dans la décision Banque continentale du Canada[334], notre Cour a dit ce qui suit quant à l’objet et à l’esprit de l’article 85 et du paragraphe 97(2) de la LIR :

95 Quel[s] sont donc « l’objet et l’esprit » du paragraphe 97(2)? Je ne sais pas avec certitude quel est son esprit, si tant est qu’il existe - la notion d’« esprit » est assez floue – mais son objet semble assez clair. Il vise à permettre au contribuable de transférer des éléments d’actif à une société en contrepartie d’une participation dans la société sans déclencher le résultat fiscal immédiat qu'un tel transfert entraînerait normalement. L’impôt n’est pas évité, mais différé, et l’impôt éventuel est conservé au sein de la société jusqu’à la disposition des éléments d’actif, sauf si, évidemment, un second transfert libre d’impôt est par la suite effectué en faveur d’une corporation en vertu de l’article 85. Ce report n’est pas obtenu sans un certain coût caché. Les éléments d’actif détenus au sein de la société et la participation dans la société ont, pour l’application de la Loi de l’impôt sur le revenu, un coût de base inférieur à celui qu’ils auraient eu si aucun formulaire de choix n’avait été produit en vertu du paragraphe 97(2). Il peut s’ensuivre éventuellement une double imposition, mais les contribuables en sont normalement informés par leurs conseillers et sont prêts à l’accepter. La prémisse sur laquelle les dispositions relatives aux transferts libres d’impôt de l'article 85 et du paragraphe 97(2) semblent reposer est que lorsqu’un contribuable transfère des éléments d'actif à une corporation ou à une société et qu’il reçoit en contrepartie des actions ou une participation dans une société, selon le cas, pour la partie de la valeur des éléments d’actif qui excède le « coût indiqué », la véritable situation économique du contribuable ne s’est pas améliorée. L’intérêt dans les éléments d’actif est simplement détenu par quelqu’un d’autre.

[Non souligné dans l’original.]

Conclusion quant à l’objet et à l’esprit du paragraphe 85(1) de la LIR

[246] Compte tenu des arrêts Oxford Properties et Vaillancourt-Tremblay de la Cour d’appel fédérale du Canada, notre Cour conclut que l’objet et l’esprit du paragraphe 85(1) de la LIR sont les suivants :

  • -Permettre de différer l’impôt éventuel payable sur un gain en capital et non pas de l’éviter;

  • -Assurer le suivi des attributs fiscaux des biens amortissables afin de veiller à ce que les gains en capital ont récupéré et les gains reportés soient imposés ultérieurement.

(b) L’objet et l’esprit du paragraphe 84(3) de la LIR

[247] En vertu du paragraphe 84(3) de la LIR, lorsqu’une société résidant au Canada rachète, acquiert ou annule de quelque façon que ce soit toute action d’une catégorie quelconque de son capital-actions, un dividende est réputé versé aux actionnaires. Ce dividende correspond à la somme qui est égale à la différence entre le produit de disposition et le CV des actions. Par conséquent, toute distribution aux actionnaires qui dépasse la valeur du CV des actions est réputée avoir été versée aux actionnaires en dividendes.

[248] Dans l’arrêt Copthorne, la Cour suprême du Canada a analysé le paragraphe 84(3) de la LIR et a conclu ce qui suit :

[84] Le paragraphe 84(3) crée une présomption suivant laquelle la somme payée lors du rachat d’actions est répartie entre le CV et l’excédent sur le CV. La contrepartie versée à l’actionnaire qui est moindre ou égale au CV est réputée constituer un remboursement de capital non imposable. Toutefois, lorsqu’elle est supérieure au CV, l’excédent est réputé constituer un dividende imposable[335].

[249] Dans l’arrêt Pomerleau, la Cour d’appel fédérale a tiré la même conclusion. Le passage suivant de cette décision est pertinent:

[69] L’appelant a d’abord provoqué l’application du paragraphe 84(3). Cette disposition a la même vocation que l’article 84.1, soit faire en sorte que seul le capital versé, tel qu’ajusté selon la LIR, puisse être retiré d’une société en franchise d’impôt. Lorsque des actions sont rachetées à un prix qui excède leur capital versé ainsi ajusté, le paragraphe 84(3) a pour effet de réputer un dividende égal à l’excédent[336].

Conclusion quant à l’objet et à l’esprit du paragraphe 84(3) de la LIR

[250] Suivant la conclusion à laquelle est arrivée la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Copthorne, le paragraphe 84(3) de la LIR a pour objet de créer une présomption en vertu de laquelle la partie de la somme payée lors d’un rachat d’actions qui excède le CV donne lieu à un dividende imposable égal à cette somme. Le paragraphe 84(3) a pour objet de restituer aux investisseurs le capital sur lequel l’impôt a déjà été payé[337].

(c) Quels sont l’objet et l’esprit de l’article 88 de la LIR?

[251] Les parties n’ont présenté aucune décision à la Cour relativement à l’objet et à l’esprit des paragraphes 88(2) et 69(5) de la LIR. Par conséquent, en l’absence d’interprétation judiciaire antérieure, notre Cour doit procéder à une analyse textuelle, contextuelle et téléologique.

  • (i)Analyse textuelle

[252] L’article 88 de la LIR traite de la liquidation d’une société canadienne, y compris des règles applicables lors d’une liquidation. Il existe deux régimes applicables lors d’une liquidation.

[253] Le premier régime est prévu au paragraphe 88(1) de la LIR et le second au paragraphe 88(2) de la LIR. En vertu de ces deux régimes, lorsqu’une société est liquidée, ses biens sont distribués à ses actionnaires. La société est réputée avoir disposé de ses biens et ses actionnaires sont réputés les avoir acquis. Les actionnaires sont aussi réputés avoir disposé de leurs actions de la société. Le paragraphe 88(1) permet le transfert sans impôt des biens d’une filiale à sa société mère. Lorsque les conditions prévues au paragraphe 88(1) sont remplies, ce paragraphe s’applique de manière automatique à la liquidation et permet ainsi une liquidation avec report d’impôt: les biens de la filiale liquidée sont réputés avoir été disposés à leur coût indiqué, pour cette filiale, et la société mère est réputée avoir fait l’acquisition de ces biens au même prix[338]. Il s’ensuit donc que tout gain ou perte afférent à ces biens est reporté jusqu’au moment où la société mère en dispose[339].

[254] Dans les cas où le paragraphe 88(1) de la LIR ne s’applique pas, c’est le paragraphe 88(2) de la LIR qui s’applique. En vertu du paragraphe 88(2), lorsqu’à un moment donné au cours de la liquidation d’une société canadienne, la totalité, ou presque, des biens appartenant à la société immédiatement avant ce moment ont été attribués aux actionnaires de la société, la liquidation est effectuée sur une base imposable[340].

[255] L’alinéa 88(2)a) de la LIR stipule que les biens attribués aux actionnaires font « l’objet d’une disposition […] à un produit égal à la juste valeur marchande ». Ceci est conforme au paragraphe 69(5) de la LIR, qui trouve application lors d’une liquidation faite sous le régime du paragraphe 88(2) de la LIR. Le paragraphe 69(5) prévoit que la société liquidée est réputée avoir vendu, et l’actionnaire de la société liquidée est réputé avoir acquis, les biens distribués aux actionnaires, immédiatement avant la liquidation, pour un produit égal à leur juste valeur marchande.

[256] Les parties sont d’accord sur le sens ordinaire des termes des paragraphes 88(2), 69(5) et 84(2) de la LIR[341]. La liquidation prévue au paragraphe 88(2) engendre des incidences fiscales immédiates pour la société et pour ses actionnaires dans l’année de la liquidation.

  • (ii)Analyse contextuelle et téléologique

[257] Le paragraphe 88(2) de la LIR se trouve dans la sous-section H intitulée « Les sociétés résidant au Canada et leurs actionnaires ». Cette sous-section vise, de façon générale, à établir les conséquences fiscales de certaines opérations entre sociétés résidant au Canada. D’autre part, le paragraphe 69(5) de la LIR se trouve dans la sous-section F, intitulée « Règles relatives au calcul du revenu ».

[258] Dans l’affaire Pomerleau, la Cour d’appel fédérale a déjà conclu que la sous-section F ne se limite pas à une section de la LIR, mais s’applique plutôt à toute série d’opérations amorcée qui porte atteinte aux objectifs visés par les articles de cette sous-section[342]. Dans cette affaire, la Cour d’appel fédérale a déterminé que le paragraphe 69(11) de la LIR s’appliquait à toute disposition effectuée pour un produit inférieur à la juste valeur marchande.

[259] Notre Cour a quant à elle affirmé que la sous-section H n’est pas une série d’exceptions, mais bien un régime complet[343]. L’article 89 de la LIR prévoit des définitions ainsi que les calculs à effectuer en fonction de la réorganisation intervenue.

[260] Le roulement prévu au paragraphe 85(1) de la LIR, comme l’explique la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Oxford Properties, permet de reporter les conséquences fiscales des transferts entre certains groupes[344]. Le principe sous-jacent « est qu’il ne devrait y avoir aucune conséquence fiscale, lorsqu’il n’y a pas de changement fondamental sur le plan de la propriété »[345].

[261] L’article 86 de la LIR vise à permettre une réorganisation du capital-actions libre d’impôt lorsqu’un contribuable cède toutes les actions d’une catégorie particulière pour une contrepartie comprenant d’autres actions de la même société[346]. Pour que l’échange libre d’impôt puisse se faire afin de différer l’impôt au moment de la disposition éventuelle, ces dispositions exigent, notamment, que la contrepartie payée autrement qu’en actions n’excède pas le PBR des actions reçues[347].

[262] Lors d’une fusion visée à l’article 87 de la LIR, l’entité issue de la fusion des sociétés remplacées est réputée être une « nouvelle société »[348]. Les biens des sociétés remplacées deviennent alors les biens de la nouvelle société et ces derniers maintiennent leur coût fiscal[349]. Par conséquent, les conséquences fiscales sont reportées jusqu’à la disposition éventuelle des biens par la nouvelle société.

[263] Le paragraphe 88(1) de la LIR traite de la liquidation d’une filiale détenue à 90 % dans sa société mère. Dans un tel contexte, lorsque les conditions prévues au paragraphe 88(1) sont remplies, ce paragraphe s’applique de manière automatique à la liquidation et permet ainsi une liquidation avec report d’impôt[350]. Les conditions suivantes doivent être remplies pour que le paragraphe 88(1) trouve application :

  • -La société (filiale) est une société canadienne imposable;

  • -Au moins 90 % des actions émises de chaque catégorie de son capital-actions appartenaient, immédiatement avant la liquidation, à une autre société canadienne imposable (société mère);

  • -Toutes les actions de la filiale qui n’étaient pas ainsi détenues par la société mère immédiatement avant la liquidation étaient détenues, à ce moment-là, par des personnes avec lesquelles la société mère n’avait aucun lien de dépendance[351].

[264] Une liquidation faite en vertu du paragraphe 88(1) de la LIR s’effectue avec report d’impôt : les biens de la filiale liquidée sont réputés avoir été disposés à leur coût indiqué pour cette filiale et la société mère est réputée avoir acquis de ces biens au même prix. Il s’ensuit donc que tout gain ou perte afférent à ces biens est reporté jusqu’au moment où la société mère en dispose[352].

[265] Les paragraphes 84(2) et 84(3) de la LIR visent à retourner aux actionnaires le capital versé libre d’impôt et réputent un dividende imposable correspondant à l’excédent du montant versé pour les actions et de leur capital versé[353]. De cette façon, les paragraphes visent à assujettir l’accroissement économique des biens assujettis aux dispositions de la sous-section H.

[266] Compte tenu de ce qui précède, et contrairement à d’autres dispositions de la sous-section H, le paragraphe 88(2) de la LIR crée un événement imposable. L’avantage d’une liquidation faite sous le régime de l’article 88(2) n’est pas de différer l’impôt, mais de se prévaloir de la non-application de diverses règles anti-évitement spécifiques.

[267] En effet, en vertu des alinéas 69(5)c) et 69(5)d) de la LIR, certaines règles anti-évitement spécifiques ne s’appliquent pas lors de la liquidation[354]. Les règles énumérées à l’alinéa 69(5)d), à savoir les paragraphes 14(12), 13(21.2), 40(3.4) et (3.6) ainsi que le paragraphe 18(15) de la LIR, empêchent normalement la reconnaissance d’une perte lors d’une opération avec des parties liées. Les règles énumérées à l’alinéa 69(5)c), soit les paragraphes 52(1) et 55(2) de la LIR, déterminent le coût des biens acquis par l’actionnaire. Or, toutes ces règles ne trouvent pas application lors d’une liquidation imposable.

[268] La règle prévue au paragraphe 13(21.2) de la LIR empêche le cédant d’un bien amortissable d’une catégorie prescrite de réaliser la perte latente lors du transfert du bien à une personne affiliée. Le paragraphe a pour effet de suspendre la perte jusqu’au moment immédiatement avant le premier en date des moments énumérés aux divisions 13(21.2)e)(iii)(A) à (E)[355].

[269] Tout comme le paragraphe 13(21.2), les paragraphes 40(3.3) à (3.6) de la LIR ont pour effet de reporter toute perte latente relative à un bien non amortissable jusqu’à ce que le bien soit disposé à l’extérieur du groupe affilié. Le paragraphe 40(3.6) s’applique lors de la disposition d’actions. Si une société dispose d’une action en faveur d’une société qui lui est affiliée immédiatement après la disposition, la perte en capital résultante est réputée nulle. La disposition a aussi pour effet d’augmenter le prix de base rajusté des actions de la même catégorie qui n’ont pas fait l’objet d’une disposition si la société affiliée continue à détenir des actions de cette catégorie. Si la société affiliée ne détient plus d’actions, la perte n’est ainsi pas reconnue[356].

[270] La règle au paragraphe 14(12) de la LIR[357] opère de manière à refuser la déduction prévue au paragraphe 24(1) de la LIR [358] lorsque le cédant (une société de personnes, une société ou une fiducie) transfère une immobilisation admissible et que, dans les 30 jours qui précèdent ou qui suivent, le cédant ou une personne affiliée a acquis l’immobilisation admissible ou un droit d’acquérir le bien. Dans ce cas, le cédant est réputé continuer à être propriétaire du bien (c’est-à-dire qu’aucune déduction ne peut être demandée pour avoir cessé d’exploiter l’entreprise en vertu du paragraphe 24(1) de la LIR)[359].

[271] La règle au paragraphe 18(15) de la LIR détermine les effets des opérations visées par les paragraphes 18(13) et 18(14). Ces paragraphes visent à empêcher le déclenchement d’une perte artificielle en faveur du cédant à l’occasion de la disposition en faveur d’une personne ou d’une société de personnes que contrôle le cédant. Même s’il y a eu une disposition juridique d’un bien autre qu’en capital, le cédant contrôle quand même le bien par le truchement de la personne ou de la société de personnes avec laquelle il a un lien de dépendance[360].

[272] Les règles aux paragraphes 52(1) et 55(2) de la LIR, empêchent une société actionnaire de convertir ce qui serait par ailleurs un gain en capital imposable lors d’une disposition d’actions en un dividende intersociétés, qui serait déductible en vertu du paragraphe 112(1) de la LIR, si les conditions prévues au paragraphe 55(2) sont remplies[361].

[273] L’exclusion de l’application de toutes ces règles spécifiques anti-évitement démontre l’intention claire du législateur de produire des conséquences spécifiques lors d’une liquidation faite sous le régime du paragraphe 88(2) de la LIR. Plus précisément, elle dénote l’intention de permettre, lors de la dernière année de la société liquidée, la reconnaissance de pertes qui autrement n’auraient pas pu être réalisées en vertu des règles anti-évitements spécifiques.

Conclusion quant à l’objet et à l’esprit de l’article 88 de la LIR

[274] En résumé, l’objet et l’esprit de l’article 88 de la LIR sont d’énoncer les règles applicables lors de la liquidation d’une société canadienne. Plus précisément, cet article a pour objet de créer deux régimes applicables lors d’une liquidation d’une société canadienne. Le premier régime autorise le transfert sans impôt des biens d’une filiale à sa société mère tandis que le second ne le permet pas, car la liquidation est effectuée sur une base imposable.

[275] L’objet et l’esprit du paragraphe 88(2) de la LIR sont d’énoncer les règles applicables lors de la liquidation d’une société canadienne dont le capital action n’est pas détenu à 90 % par sa société mère. Plus précisément, il a pour objet de créer un régime de liquidation imposable auquel certaines règles spécifiques anti-évitement ne s’appliquent pas.

b) Est-ce que l’avantage fiscal obtenu par Québecor porte atteinte à l’objet ou à l’esprit d’une des dispositions de la LIR?

[276] Notre Cour doit déterminer si l’intimé a relevé son fardeau de démontrer que l’avantage fiscal obtenu par Québecor porte atteinte à l’objet ou à l’esprit de l’une des dispositions de la LIR. Dans un premier temps, il incombait à l’intimé de démontrer que l’avantage fiscal obtenu par Québecor à la suite de l’opération d’évitement porte atteinte à l’objet ou à l’esprit de certaines dispositions du régime des gains en capital imposables et des pertes en capital déductibles. Plus précisément, la Cour doit déterminer si l’avantage fiscal obtenu par Québecor porte atteinte aux articles 3, 38, 53 et 54 et aux paragraphes 39(1), 40(1) de la LIR. Dans un second temps, il incombait à l’intimé de démontrer que l’avantage fiscal porte atteinte à l’objet ou à l’esprit de certaines dispositions du régime de calcul du revenu des sociétés résidant au Canada et de leurs actionnaires. Plus précisément, la Cour doit déterminer si l’intimé a démontré que l’avantage fiscal porte atteinte aux paragraphes 69(5), 84(2), 85(1) ou 88(2) de la LIR.

(1) Est-ce que l’opération d’évitement porte atteinte à l’objet ou à l’esprit de l’une des dispositions du régime de gains et pertes en capital, soit des articles 3, 38, 53 et 54 et des paragraphes 39(1) et 40(1) de la LIR et de l’objet ou l’esprit du paragraphe 85(1) de la LIR?

[277] L’intimé soutient que l’abus de ce régime découle du fait que le PBR des actions d’Abitibi Consolidated a été majoré sans que le montant soit assujetti à l’impôt. L’intimé soutient que deux opérations de la série d’opérations ayant eu lieu le 14 décembre 2005 en lien avec les actions d’Abitibi Consolidated sont à l’origine d’un abus des articles 3, 38 et 54 et des paragraphes 39(1) et 40(1) de la LIR. Ces deux opérations ont fait suite à l’échange d’actions fait en vertu du paragraphe 85(1) de la LIR. Selon l’intimé, elles ont été effectuées uniquement afin de faire augmenter le PBR des actions d’Abitibi Consolidated de 1 $ à 191 833 983 $. Québecor a ainsi pu réaliser des pertes en capital de 95 916 992 $ en 2007 et de 95 916 991 $ 2010 en lien avec ces actions au lieu de réaliser un gain en capital de 95 196 990 $ en 2007 et aucune perte en capital en 2010. Ces deux opérations sont les suivantes :

  • -Le rachat par 3662527 de ses 1 000 actions privilégiées de catégorie « D » détenues par Québecor en contrepartie d’un billet à demande de 191 833 983 $.

  • -L’échange par 3662527 de ses 44 821 024 actions ordinaires d’Abitibi Consolidated à Québecor contre le billet à demande de 191 833 983 $.

[278] Le paragraphe 85(1) de la LIR a comme objectif principal de permettre de différer l’impôt éventuel payable sur un gain en capital et non pas de l’éviter. La Cour est d’accord avec l’intimé lorsqu’il soutient qu’à cette fin, il est primordial que les attributs fiscaux du bien transféré suivent le bien reçu en contrepartie afin de permettre la récupération de l’impôt sur les gains en capital reportés sur ces biens. Le gain ou la perte en capital réalisé par l’auteur du transfert sera ultimement déterminé en fonction du produit de disposition de la contrepartie reçue en échange au moment de sa disposition et de son PBR, qui doit être égal à celui du bien transféré. En fonction de la nature de la contrepartie, du moment de la vente et du marché pour ce type de bien, le gain ou la perte en capital réalisé à ce moment par le cessionnaire ne correspondra pas nécessairement au gain ou à la perte en capital qui aurait été réalisé sur le bien transféré si le l’auteur du transfert en avait disposé autrement au lieu de l’échanger.

[279] L’objectif des dispositions de roulement, y compris le paragraphe 85(1) de la LIR, est de permettre de différer l’impôt. L’impôt éventuel est conservé au sein de la société jusqu’à la disposition des éléments d’actif, sauf si un second transfert libre d’impôt est par la suite effectué en faveur d’une autre société en application du paragraphe 85(1)[362]. Par conséquent, le paragraphe 85(1) permet à une société de transférer un gain ou une perte en capital non encore réalisé sur un bien à une autre société.

[280] Comme le soutient Québecor, l’intimé n’a pas soutenu ni démontré que l’une des dispositions de la LIR qui vise à limiter ou à empêcher la déduction de pertes latentes s’applique en l’espèce ou que l’opération d’évitement a résulté en un abus de l’une d’elles. Quoique la perte latente de 3662527 ait été vouée à disparaître à la suite de sa liquidation, l’intimé n’a pas démontré à la Cour que le législateur a voulu que le paragraphe 85(1) de la LIR soit appliqué de façon différente lorsqu’il est appliqué entre des personnes liées et non liées. Par conséquent, la Cour est d’avis que cette disposition permet à deux sociétés liées (d’un même groupe) de transférer un gain en capital à être réalisé sur un bien d’une société n’ayant pas de perte en capital à une autre qui a une perte en capital afin que cette dernière puisse la déduire du gain en capital à être réalisé sur le bien transféré. C’est ce qu’a fait Québecor en transférant ses actions d’Abitibi Consolidated à 3662527. Puisque 3662527 et Québecor ont déclaré leurs gains en capital respectifs en lien avec la disposition des actions reçues dans le cadre du roulement il n’y a donc pas eu d’abus du paragraphe 85(1) en ce sens ou du régime de liquidation en ce sens.

[281] Il a été établi par les tribunaux, notamment dans Oxford Properties, que l’objet et l’esprit des dispositions de « roulement » consistent à assurer le suivi des attributs fiscaux des biens amortissables afin de veiller à ce que la récupération et les gains en capital reportés soient imposés ultérieurement[363]. L’intimé soutient à raison que, compte tenu de la façon dont on calcule les gains et les pertes en capital en vertu de la LIR, l’augmentation du PBR d’un bien a pour effet de réduire 1’impôt payable lors de la disposition du bien. Le PBR est un attribut fiscal qui est utilisé afin de déterminer le montant du gain ou de la perte économique qui seront réalisés par un contribuable lors de la disposition d’un bien. L’intimé soutient aussi à raison que la LIR présuppose que le PBR est constitué d’un montant qui a été assujetti à l’impôt, ceci ayant été confirmé par la Cour d’appel fédérale dans la décision Pomerleau.

[282] Compte tenu des observations de l’intimé et des arrêts Copthorne de la Cour suprême du Canada et Pomerleau de la Cour d’appel fédérale, notre Cour conclut que la LIR permet la majoration du PBR d’un bien si les sommes utilisées pour le majorer ont été assujetties à l’impôt.

[283] Par conséquent, il est donc possible pour un contribuable de réduire un gain en capital éventuel sur un bien échangé en application du paragraphe 85(1) de la LIR en augmentant le PBR du bien si les sommes utilisées pour le majorer ont été assujetties à l’impôt, c’est-à-dire à la suite d’opérations ou d’événements imposables. Si c’est le cas, l’objet et l’esprit du régime des gains et des pertes en capital, soit d’assujettir à l’impôt l’accroissement du pouvoir économique d’un contribuable, auront été respectés[364]. En l’espèce, si les sommes utilisées par Québecor afin d’augmenter le PBR des actions d’Abitibi Consolidated ont été assujetties à l’impôt, la Cour devra conclure qu’il n’y a pas eu d’abus des articles 3, 38 et 54 de la LIR et des paragraphes 39(1), 40(1) et 85(1) de la LIR.

[284] L’intimé soutient que la somme de 191 833 983 $, soit la valeur du billet à demande remis à 3662527 par Québecor en échange de ses 1 000 actions privilégiées de catégorie « D » n’a pas été assujettie à l’impôt. La Cour doit donc déterminer si cette somme a été assujettie à l’impôt ou non.

[285] Il est donc utile d’analyser l’opération qui a permis à Québecor d’acquérir le billet d’échange et ce qu’il en est advenu par la suite.

[286] En échange des actions privilégiées de 3662527, 3662527 a remis un billet à demande de 191 833 983 $ à Québecor. En vertu paragraphe 84(3) de la LIR, 3662527 a été réputée avoir versé un dividende de 191 833 982 $ à Québecor qui, sans ce paragraphe, aurait donné lieu à un gain en capital. Par la suite, en vertu du paragraphe 112(1) de la LIR, ce dividende imposable a pu être déduit de son revenu. Le versement réputé de ce dividende n’a donc pas eu de conséquence fiscale pour Québecor et aucun gain en capital n’a été constaté dans le cadre de cette opération.

[287] Ceci dit, l’objet et l’esprit du paragraphe 112(1) de la LIR consistent à permettre le transfert en franchise d’impôt de dividendes au sein de certains groupes de sociétés, sous réserve d’une imposition éventuelle, entre les mains des destinataires ultimes[365]. Par conséquent, compte tenu des paragraphes 84(3) et 112(1), si les destinataires ultimes du dividende de 191 833 983 $ versés à Québecor ont payé de l’impôt sur ceux-ci, la Cour doit conclure que le montant de 191 833 983 $ a été assujetti à l’impôt. Dans une telle situation, l’augmentation du PBR des actions d’Abitibi Consolidated découlera de la somme assujettie à l’impôt.

[288] L’intimé devait démontrer à la Cour que le montant le 191 833 983 $ n’a pas été assujetti à l’impôt entre les mains du destinataire ultime, comme ce serait le cas si, par exemple, cette somme avait été versée à des contribuables exonérés d’impôt, tel que dans l’affaire Oxford Properties[366]. L’intimé n’a pas présenté de preuve en ce sens. En l’absence d’une telle preuve, la Cour doit donc conclure que le dividende réputé avoir été reçu par Québecor n’a pas pu être transféré à des destinataires ultimes sans imposition.

[289] Pour ces motifs, la Cour conclut que la somme de 191 833 982 $ utilisée par Québecor afin de faire augmenter le PBR des actions d’Abitibi Consolidated a été assujetti à l’impôt. Par conséquent, l’opération d’évitement n’a pas permis de produire un résultat que les articles 3, 38, 53 et 54 et les paragraphes 39(1), 40(1) et 85(1) de la LIR visent à empêcher. Il n’y a donc pas eu d’abus de ces dispositions.

(2) Est-ce que l’opération d’évitement porte atteinte à l’objet ou à l’esprit de l’une des dispositions du régime de calcul du revenu des sociétés résidant au Canada et de leurs actionnaires, soit des paragraphes 69(5), 84(2) et 88(2) de la LIR?

[290] L’intimé soutient que l’opération d’évitement a entraîné un abus des paragraphes 69(5), 84(2) et 88(2) de la LIR. Selon l’intimé, il y a eu abus de ces dispositions, car la liquidation de 3662527 a été effectuée en application du paragraphe 88(2) et non du paragraphe 88(1) grâce à la constitution de 9101-0827, qui a permis le doublement de perte. Selon l’intimé, n’eût été la constitution de 9101-0827 le 16 février 2001, 3662527 aurait été liquidée en application du paragraphe 88(1) de la LIR. Si cela avait été le cas, les actions de catégorie « A » et « C » de Vidéotron Telecom auraient été transférées de 3662527 à Québecor Média à leur PBR et il n’y aurait eu aucune incidence fiscale que ce soit pour 3662527 ou pour Québecor Média. 3662527 n’aurait pas réalisé de perte en capital de 206 067 698 $ (produit de disposition de 138 141 304 $ moins le PBR de 344 209 002 $) en lien avec la disposition de ses actions de Vidéotron Telecom. 3662527 aurait dû payer de l’impôt sur le gain en capital de 191 833 983 $ réalisé lors de l’échange de ses 44 821 024 actions ordinaires d’Abitibi Consolidated contre le billet à demande détenu par Québecor.

[291] Au lieu de ceci, puisque 3662527 a été liquidée en application du paragraphe 88(2) de la LIR, 3662527 a été réputée avoir disposé de ses actifs à leur JVM, conformément au paragraphe 69(5) de la LIR. En application du paragraphe 88(2), la liquidation a été effectuée avec des incidences fiscales pour 3662527 et Québecor Média, c’est-à-dire que la liquidation a été effectuée sur une base imposable. La liquidation a permis la réalisation par 3662527 d’une perte en capital de 206 067 698 $ sur ses actions de Vidéotron Telecom qui a pu être utilisée à l’encontre du gain en capital réalisé par 3662527 sur la disposition de ses actions d’Abitibi Consolidated.

[292] Par conséquent, 3662527 n’a pas payé d’impôt sur le gain en capital de 191 833 982 $ réalisé à la suite de la disposition de ses actions d’Abitibi Consolidated, et la perte en capital de 206 067 698 $, qui aurait été vouée à disparaître à la suite de la liquidation si elle avait été effectuée en application du paragraphe 88(1) de la LIR, a pu être utilisée afin de diminuer l’impôt payable par 3662527.

[293] L’intimé soutient que l’objectif et l’esprit du paragraphe 69(5) de la LIR sont de permettre à la société de bénéficier des pertes réputées réalisées lors de sa liquidation, mais seulement aux fins du calcul de son revenu pour cette dernière année. Autrement dit, ils ne sont pas de permettre que cette perte soit utilisée afin de majorer le PBR des actions d’une autre entité. Accepter cette proposition reviendrait à donner une interprétation plus large à cette disposition qui, à la base, ne répute des règles applicables que dans une situation spécifique. De plus, le paragraphe 85(1) de la LIR ne dit pas qu’un bien, une fois qu’il a fait l’objet d’un roulement, n’appartient pas au contribuable qui le reçoit. Par conséquent, la proposition de l’intimé ne peut être acceptée; le fait que le gain en capital réalisé par 3662527 lors de la disposition de ses actions d’Abitibi Consolidated soit inclus dans son revenu pour l’année ne contrecarre pas l’objet et l’esprit du paragraphe 69(5).

[294] Comme mentionné plus haut, l’article 88 de la LIR traite de la liquidation d’une société canadienne, en établissement deux régimes applicables lors d’une liquidation. Le premier régime est prévu au paragraphe 88(1) de la LIR et le second au paragraphe 88(2) de la LIR.

[295] En vertu de ces deux régimes, lorsqu’une société est liquidée, ses biens sont distribués à ses actionnaires. La société est réputée avoir disposé de ses biens et ses actionnaires sont réputés les avoir acquis. Les actionnaires sont aussi réputés avoir disposé de leurs actions de la société.

[296] Le paragraphe 88(1) de la LIR permet le transfert sans impôt des biens d’une filiale à sa société mère. Lorsque les conditions prévues au paragraphe 88(1) sont remplies, ce paragraphe s’applique de manière automatique à la liquidation et permet ainsi une liquidation avec report d’impôt[367]. Les biens de la filiale liquidée sont réputés avoir été disposés au coût indiqué pour cette filiale et la société mère est réputée avoir fait l’acquisition de ces biens au même prix. Il s’ensuit donc que tout gain ou perte afférent à ces biens est ainsi reporté jusqu’au moment où la société mère en disposera[368].

[297] Dans les cas où le paragraphe 88(1) de la LIR ne s’applique pas automatiquement, c’est donc le paragraphe 88(2) qui s’applique. En vertu du paragraphe 88(2) de la LIR, lorsqu’à un moment donné au cours de la liquidation d’une société canadienne, la totalité, ou presque, des biens appartenant à la société immédiatement avant ce moment ont été attribués aux actionnaires de la société, la liquidation est effectuée sur une base imposable[369].

[298] L’objet et l’esprit de l’article 88 de la LIR sont uniquement d’énoncer les règles applicables lors de la liquidation d’une société canadienne. Plus précisément, il a pour objet de créer deux régimes applicables lors de la liquidation d’une société canadienne. Le premier régime autorise le transfert sans impôt des biens d’une filiale à sa société mère tandis que le second ne le permet pas, car la liquidation étant effectuée sur une base imposable.

[299] L’intimé n’a pas démontré à la Cour que le législateur ait voulu empêcher la constitution d’une société afin de permettre à des sociétés affiliées de bénéficier de l’application du paragraphe 88(1) plutôt que du paragraphe 88(2) de la LIR, ou vice-versa. L’intimé n’a pas non plus démontré à la Cour que la raison d’être sous‑jacente des paragraphes 88(1) et 88(2), tel que décrite ci-dessus, ait été contrecarrée ou que l’opération d’évitement a produit un résultat que les paragraphes 88(1) ou 88(2) visent à empêcher ou qu’elle est allée à l’encontre de la raison d’être de la disposition.

[300] La Cour ne peut donc pas considérer que les opérations ont contrecarré les objectifs de l’article 88 de la LIR. La société liquidée et ses actionnaires ont réalisé des gains en capital, et des pertes latentes ont pu être utilisées en conformité avec les dispositions de la LIR.

[301] L’intimé a admis que la diminution de la JVM de Québecor Média était réelle et reflétait un ralentissement des activités de Québécor Média et de l’économie en général[370]. Cette diminution se reflète dans la diminution de la JVM des actions de 3662527, cette dernière détenant des actions de Vidéotron Télécom. Le régime des gains et des pertes en capital vise à assujettir à l’impôt l’accroissement ou la diminution du pourvoir économique. En l’espèce, le fait qu’aucun impôt n’est payable indique simplement que le contribuable a subi une réduction cumulative de son pouvoir économique. L’intimé n’a pas démontré à la Cour que cette perte est théorique ou a été réalisée à partir de montants ne correspondant pas à leur JVM. Enfin, aucun des attributs fiscaux de 3662527 qui résulte de la liquidation n’a été transféré à ses actionnaires après la liquidation, ce qui est conforme à l’objet et à l’esprit des paragraphes 88(2), 84(2) et 69(5) de la LIR.

[302] À ce stade, il importe de rappeler les propos de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Copthorne, à l’effet qu’il ne faut pas confondre la détermination de la raison d'être des dispositions applicables de la LIR avec le jugement de valeur quant à ce qui est bien ou mal non plus qu'avec les conjectures sur ce que devrait être une loi fiscale ou sur l'effet qu'elle devrait avoir[371].

[303] Compte tenu de ce qui précède, la Cour doit conclure que l’opération d’évitement n’est pas manifestement abusive.

VII. CONCLUSION

[304] Pour les motifs ci-dessus, la Cour conclut qu’il n’y a pas eu d’abus des articles 3, 38 et 54 et des paragraphes 39(1), 40(1), 69(5), 84(2), 85(1) et 88(2) de la LIR.

[305] L’intimé avait le fardeau d’établir que l’opération d’évitement effectuée par Québecor est abusive au sens du paragraphe 245(4) de la LIR. Or, sur la base des arguments avancés, la Cour est d’avis que l’intimé n’a pas démontré, suivant une interprétation textuelle, contextuelle et téléologique des dispositions en cause, qu’il est raisonnable de considérer que l’opération d’évitement a produit un résultat que l’une des dispositions vise à empêcher, que le résultat de l’opération va à l’encontre de la raison d’être de l’une d’elles ou que l’opération a permis le contournement de leur application de manière à contrecarrer son objet ou son esprit de telle sorte que la RGAÉ puisse s’appliquer pour supprimer l’avantage fiscal. La conclusion à l’effet que l'opération d'évitement n'est pas abusive s’impose dans les circonstances.

[306] Par conséquent, ce n’est pas à bon droit que le Ministre a diminué le PBR des 44 821 024 actions ordinaires d’Abitibi Consolidated détenues par Québecor pour le faire passer de 191 833 982 $ à 1 $, qu’il a ajouté au revenu de Québecor un gain en capital de 95 916 990 $ à la suite de la disposition de ses 44 821 024 actions ordinaires d’Abitibi Consolidated, et qu’il a refusé à Québecor la déduction d’une perte en capital de 95 916 992 $ réclamée en lien avec cette disposition.

[307] L’appel est accueilli avec dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 3e jour d’octobre 2023.

« Sylvain Ouimet »

Juge Ouimet


RÉFÉRENCE :

2023 CCI 142

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :

2018-979(IT)G

INTITULÉ DE LA CAUSE :

QUÉBECOR INC. ET SA MAJESTÉ LE ROI

LIEU DE L’AUDIENCE :

Ottawa, Canada

DATE DE L’AUDIENCE :

Les 29 et 30 juin 2021

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

L’honorable juge Sylvain Ouimet

DATE DU JUGEMENT :

le 3 octobre 2023

COMPARUTIONS :

Avocats de l’appelante :

Me Wilfrid Lefebvre

Me Catherine Dubé

Avocats de l’intimé :

Me Natalie Goulard

Me Marie-Aimée Cantin

Me Sara Jahanbakhsh

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

Pour l’appelante:

Nom :

Me Wilfrid Lefebvre

Cabinet :

Norton Rose Fulbright Canada

Montréal, Québec

Pour l’intimé :

Shalene Curtis-Micallef

Sous-procureure générale du Canada

Ottawa, Canada



[1] Entente conjointe sur les faits, par. 31.

[2] Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch.1 (5e suppl.) [LIR].

[3] L’expression « prix de base rajusté » est définie à l’article 54 de la LIR et représente « la somme que l’actionnaire a payée pour les actions »; voir Copthorne Holdings Ltd. c. Canada, 2011 CSC 63, par. 101 [Copthorne].

[4] Entente conjointe sur les faits, par. 31a).

[5] Entente conjointe sur les faits, par. 31b).

[6] Entente conjointe sur les faits, par. 31c).

[7] Deans Knight Income Corp. c. Canada, 2023 CSC 16, par. 51 [Deans Knight].

[8] Loi sur les compagnies, R.L.R.Q., ch. C-38, partie I.

[9] Loi sur les sociétés par actions, R.L.R.Q., ch. S-31.1.

[10] LIR, supra note 3, par. 89(1) et art. 248 (« Société qui, au moment où l’expression est pertinente : a) d’une part, était une société canadienne; b) d’autre part, n’était pas, en vertu d’une disposition législative, exonérée de l’impôt prévu à la présente partie. »)

[11] Entente conjointe sur les faits, par. 2 et 3.

[12] Loi canadienne sur les sociétés par actions, L.R.C. (1985), ch. C-44.

[13] L’expression « juste valeur marchande » n’est pas définie dans la LIR. Cette expression a été définie par la Cour fédérale du Canada dans la décision Henderson c. Ministre du Revenu national, [1973] A.C.F. no 800 (QL). La Cour a déterminé que la « juste valeur marchande » est le prix le plus élevé que le propriétaire d’un bien peut raisonnablement s’attendre à en tirer s’il le vend de façon normale et dans le cours ordinaire des affaires, le marché n’étant pas soumis à des pressions inhabituelles et étant constitué d’acheteurs disposés à acheter et des vendeurs disposés à vendre, qui n’ont entre eux aucun lien de dépendance et qui ne sont en aucune façon obligés d’acheter ou de vendre.

[14] L’expression « capital versé » est définie au paragraphe 89(1) de la LIR. En résumé, le capital versé pour une action représente le capital initialement investi par un ou plusieurs actionnaires dans une catégorie d’actions d’une société. Le capital versé peut généralement être récupéré par un actionnaire sans incidence fiscale. Voir Copthorne, supra note 3, par. 84 et 101.

[15] Entente conjointe sur les faits, par. 4.

[16] Entente conjointe sur les faits, par. 5.

[17] Entente conjointe sur les faits, par. 7.

[18] Entente conjointe sur les faits, par. 6.

[19] Entente conjointe sur les faits, par. 8.

[20] Ibid.

[21] Entente conjointe sur les faits, par. 9.

[22] Ibid.

[23] Entente conjointe sur les faits, par. 9. Voir annexe 1, p. 11, par. 22.

[24] Entente conjointe sur les faits, par. 10. Voir annexe 2.

[25] Entente conjointe sur les faits, par. 11. L’alinéa 88(1)d) de la LIR trouve application lors d’une fusion faite en vertu du paragraphe 87(11) de la LIR. Suivant cette disposition, lors d’une fusion entre une société mère et l’une de ses filiales (détenue à cent pour cent par la société mère), la société mère est réputée avoir disposé des actions de la filiale immédiatement avant la fusion pour un produit égal à celui qui serait déterminé selon l’alinéa 88(1)b) si les paragraphes 88(1) et (1.7) s’appliquaient, avec les adaptations nécessaires, à la fusion.

[26] Entente conjointe sur les faits, par. 11.

[27] Entente conjointe sur les faits, par. 12.

[28] Entente conjointe sur les faits, par. 13.

[29] Entente conjointe sur les faits, par. 14. Voir annexe 4.

[30] Entente conjointe sur les faits, par. 15.

[31] Entente conjointe sur les faits, par. 16.

[32] Entente conjointe sur les faits, par. 17.

[33] Entente conjointe sur les faits, par. 18.

[34] Entente conjointe sur les faits, annexe 1, p. 11, par. 23.

[35] Entente conjointe sur les faits, par. 19.

[36] Entente conjointe sur les faits, par. 21i). Voir annexe 6. L’expression « surplus d’apport » n’est pas définie dans la LIR. Selon la définition prévue dans le Manuel de CPA Canada, le « surplus d’apport » correspond à tous les apports versés par les porteurs de titres de capitaux propres à l’entité, en sus des montants attribués au poste de capital-actions. Autrement dit, le « surplus d’apport » correspond à tout apport de la part des actionnaires qui est en sus de la valeur attribuée aux actions.

[37] Entente conjointe sur les faits, par. 21ii).

[38] Entente conjointe sur les faits, par. 21iii)

[39] Ibid.

[40] Entente conjointe sur les faits, par. 21iv)

[41] Ibid.

[42] Entente conjointe sur les faits, par. 21v).

[43] Entente conjointe sur les faits, par. 22.

[44] Entente conjointe sur les faits, par. 23. Voir annexe 13.

[45] Entente conjointe sur les faits, par. 24. Voir annexe 14.

[46] Entente conjointe sur les faits, par. 25.

[47] Entente conjointe sur les faits, par. 26.

[48] Entente conjointe sur les faits, par. 27. Voir annexe 16.

[49] Entente conjointe sur les faits, par. 28.

[50] Entente conjointe sur les faits, par. 29.

[51] Plan d’argumentation de l’appelante, par. 14; Notes écrites de l’intimé, par. 36; Hypothèques Trustco Canada c. Canada, 2005 CSC 54, par. 16 [Trustco].

[52] Plan d’argumentation de l’appelante, par. 17; Notes écrites de l’intimé, par. 39; Trustco, supra note 51, par. 17; Copthorne, supra note 3, par. 32 et 33.

[53] Plan d’argumentation de l’appelante, par. 17; Notes écrites de l’intimé, par. 39;

[54] Plan d’argumentation de l’appelante, par. 18; Notes écrites de l’intimé, par. 40; Trustco, supra note 51, par. 19; LIR, supra note 3, par. 245(1).

[55] Plan d’argumentation de l’appelante, par. 20; Notes écrites de l’intimé, par. 43; Trustco, supra note 51, par. 34; Copthorne, supra note 3, par. 40.

[56] Plan d’argumentation de l’appelante, par. 24; Notes écrites de l’intimé, par. 48; Deans Knight, supra note 7, par. 57.

[57] Trustco, supra note 51, par. 44; Copthorne, supra note 3, par. 69.

[58] Trustco, supra note 51, par. 45; Copthorne, supra note 3, par. 71.

[59] Plan d’argumentation de l’appelante, par. 25; Notes écrites de l’intimé, par. 49; Copthorne, supra note 3, par. 72.

[60] Notes écrites de l’intimé, par. 49; Copthorne, supra note 3, par. 72; Trustco, supra note 51, par. 45.

[61] Plan d’argumentation de l’appelante, par. 26; Trustco, supra note 51, par. 66; Copthorne, supra note 3, par. 72.

[62] Plan d’argumentation de l’appelante, par. 5 et 6.

[63] Plan d’argumentation de l’appelante, par. 9 et 102.

[64] Plan d’argumentation de l’appelante, par. 7.

[65] Plan d’argumentation de l’appelante, par. 34 et 35.

[66] Plan d’argumentation de l’appelante, par. 81; Transcription de l’audience du 29 juin 2021, p. 12. Voir aussi Entente conjointe sur les faits, annexe 15, p. 173.

[67] Plan d’argumentation de l’appelante par. 84; Transcription de l’audience du 29 juin 2021, p. 12.

[68] Transcription de l’audience du 29 juin 2021, p. 16 à 19.

[69] Plan d’argumentation de l’appelante, par. 93.

[70] Plan d’argumentation de l’appelante, par. 94; LIR, supra note 3, par. 112(3) à (7), al. 40(2)g) et h), par. 40(3.3) à (3.5), 111(4) à (5.4), 87(1) et 88(1).

[71] Plan d’argumentation de l’appelante, par. 95.

[72] Plan d’argumentation de l’appelante, par. 101 et 102.

[73] Plan d’argumentation de l’appelante, par. 5.

[74] Plan d’argumentation de l’appelante, par. 6; Transcription de l’audience du 29 juin 2021, p. 26.

[75] Plan d’argumentation de l’appelante, par. 21.

[76] Plan d’argumentation de l’appelante, par. 34.

[77] Notes écrites de l’intimé, par. 13 et 50 à 52; Transcription de l’audience du 29 juin 2021, p. 178 et 179.

[78] Plan d’argumentation de l’appelante, par. 36.

[79] Plan d’argumentation de l’appelante, par. 38; Triad Gestco Ltd. c. Canada, 2012 CAF 258 [Triad Gestco].

[80] Triad Gestco, supra note 79, par. 50.

[81] Plan d’argumentation de l’appelante, par. 39.

[82] Triad Gestco, supra note 79.

[83] 1207192 Ontario Limited c. Canada, 2012 CAF 259 [1207192].

[84] Canada c. Global Equity Fund Ltd., 2012 CAF 272.

[85] Plan d’argumentation de l’appelante, par. 40.

[86] Plan d’argumentation de l’appelante, par. 41.

[87] Plan d’argumentation de l’appelante, par. 42; voir aussi Entente conjointe sur les faits, annexe 1, p. 12, par. 23.

[88] Plan d’argumentation de l’appelante, par. 43.

[89] Plan d’argumentation de l’appelante, par. 44.

[90] Plan d’argumentation de l’appelante, par. 45.

[91] Transcription de l’audience du 29 juin 2021, p. 35 et 36.

[92] Plan d’argumentation de l’appelante, par. 49; Continental Bank Leasing Corp. c. Canada, [1998] 2 R.C.S. 298, par. 49 [Continental Bank].

[93] Plan d’argumentation de l’appelante, par. 51; Transcription de l’audience du 29 juin 2021, p. 42 et 43.

[94] Transcription de l’audience du 29 juin 2021, p. 43.

[95] Plan d’argumentation de l’appelante, par. 48.

[96] Plan d’argumentation de l’appelante, par. 50.

[97] Plan d’argumentation de l’appelante, par. 51.

[98] Transcription de l’audience du 29 juin 2021, p. 41 et 42.

[99] Plan d’argumentation de l’appelante, par. 52.

[100] Transcription de l’audience du 29 juin 2021, p. 41, 42 et 59.

[101] Plan d’argumentation de l’appelante, par. 54; Pomerleau c. Canada, 2018 CAF 129, par. 69 [Pomerleau].

[102] Plan d’argumentation de l’appelante, par. 55.

[103] Plan d’argumentation de l’appelante, par. 56.

[104] Canada c. Kruco Inc., 2003 CAF 284, par. 32.

[105] Plan d’argumentation de l’appelante, par. 57; Copthorne, supra note 3, par. 84.

[106] Plan d’argumentation de l’appelante, par. 58.

[107] Plan d’argumentation de l’appelante, par. 60.

[108] Transcription de l’audience du 29 juin 2021, p. 16.

[109] Transcriptions de l’audience du 30 juin 2021, p. 208 et 209.

[110] Plan d’argumentation de l’appelante, par. 65 à 68.

[111] Transcription de l’audience du 29 juin 2021, p. 16 et 17.

[112] Transcription de l’audience du 29 juin 2021, p. 41 et 42.

[113] Plan d’argumentation de l’appelante, par. 76.

[114] Produits forestiers Donohue Inc. c. La Reine, 2001 CanLII 562 (C.C.I.) [Donohue CCI], conf. par 2002 CAF 422 [Donohue CAF].

[115] Plan d’argumentation de l’appelante, par. 69.

[116] Plan d’argumentation de l’appelante, par. 70.

[117] Plan d’argumentation de l’appelante, par. 71.

[118] Plan d’argumentation de l’appelante, par. 72.

[119] Plan d’argumentation de l’appelante, par. 73.

[120] Plan d’argumentation de l’appelante, par. 74.

[121] Plan d’argumentation de l’appelante, par. 75.

[122] Transcription de l’audience du 30 juin 2021, p. 200.

[123] Transcription de l’audience du 30 juin 2021, p. 200.

[124] Transcription de l’audience du 30 juin 2021, p. 201 et 202.

[125] Plan d’argumentation de l’appelante, par. 61 et 62.

[126] Plan d’argumentation de l’appelante, par. 63 et 64.

[127] Plan d’argumentation de l’appelante, par.78.

[128] Citibank Canada c. La Reine, [2001] A.C.I. no 14, conf. par 2002 CAF 128 [Citibank].

[129] Citibank, supra note 128, par. 6.

[130] Plan d’argumentation de l’appelante, par. 79.

[131] Plan d’argumentation de l’appelante, par. 80.

[132] Plan d’argumentation de l’appelante, par. 82.

[133] Plan d’argumentation de l’appelante, par. 81.

[134] Transcription de l’audience du 29 juin 2021, p. 64.

[135] Plan d’argumentation de l’appelante, par. 82.

[136] Transcription de l’audience du 29 juin 2021, p. 46.

[137] Transcription de l’audience du 30 juin 2021, p. 192.

[138] Transcription de l’audience du 30 juin 2021, p. 198.

[139] Plan d’argumentation de l’appelante, par. 83; Shell Canada Ltée c. Canada, [1999] 3 R.C.S. 622, par. 39.

[140] Transcription de l’audience du 29 juin 2021, p. 22.

[141] Transcription de l’audience du 30 juin 2021, p. 191.

[142] Transcription de l’audience du 30 juin 2021, p. 190.

[143] Donohue CAF, supra note 114.

[144] Plan d’argumentation de l’appelante, par. 85.

[145] Plan d’argumentation de l’appelante, par. 87.

[146] Plan d’argumentation de l’appelante, par. 85.

[147] Plan d’argumentation de l’appelante, par. 86.

[148] Donohue CCI, supra note 114, par. 63 et 64.

[149] Plan d’argumentation de l’appelante, par. 91 à 93.

[150] Plan d’argumentation de l’appelante, par. 94.

[151] Plan d’argumentation de l’appelante, par. 95.

[152] Plan d’argumentation de l’appelante, par. 96.

[153] Plan d’argumentation de l’appelante, par. 99.

[154] Transcription de l’audience du 29 juin 2021, p. 55; volume 2, Cahier de jurisprudence de l’appelante, onglet 24, Agence du Revenu du Canada, Impôt sur le revenu – Nouvelles techniques No 30, Opérations de transfert de pertes intersociétés, 21 mai 2004.

[155] Plan d’argumentation de l’appelante, par. 101.

[156] Plan d’argumentation de l’appelante, par. 102.

[157] Plan d’argumentation de l’appelante, par. 103.

[158] Notes écrites de l’intimé, par. 40; Trustco, supra note 51, par. 20.

[159] Entente conjointe sur les faits, par. 28.

[160] Notes écrites de l’intimé, par. 41.

[161] Transcription de l’audience du 29 juin 2021, p. 97 et 127.

[162] Notes écrites de l’intimé, par. 42.

[163] Notes écrites de l’intimé, par. 43; Trustco, supra note 51, par. 34.

[164] Notes écrites de l’intimé, par. 44; Trustco, supra note 51, par. 25 et 26; Copthorne, supra note 3, par. 43.

[165] Notes écrites de l’intimé, par. 45; Trustco, supra note 51, par. 28 et 29; Copthorne, supra note 3, par. 59.

[166] Notes écrites de l’intimé, par. 46.

[167] Transcription de l’audience du 29 juin 2021, p. 95 et 96.

[168] Notes écrites de l’intimé, par. 50.

[169] Notes écrites de l’intimé, par. 11.

[170] Notes écrites de l’intimé, par. 51.

[171] Notes écrites de l’intimé, par. 51.

[172] Notes écrites de l’intimé, par. 52.

[173] Notes écrites de l’intimé, par. 8.

[174] Notes écrites de l’intimé, par. 9.

[175] Notes écrites de l’intimé, par. 8 et 9.

[176] Notes écrites de l’intimé, par. 54; Triad Gestco, supra note 79, par. 41 et 42.

[177] Notes écrites de l’intimé par. 55; 2763478 Canada Inc. c. Canada, 2018 CAF 209, par. 54 [2763478]; Transcription de l’audience du 29 juin 2021, p. 137.

[178] Notes écrites de l’intimé, par. 56.

[179] Notes écrites de l’intimé, par. 57.

[180] Notes écrites de l’intimé, par. 58.

[181] Transcription de l’audience du 30 juin 2021, p. 210.

[182] Notes écrites de l’intimé, par. 59.

[183] Notes écrites de l’intimé, par. 60.

[184] Notes écrites de l’intimé, par. 63.

[185] Notes écrites de l’intimé, par. 64.

[186] Notes écrites de l’intimé, par. 65.

[187] Notes écrites de l’intimé, par. 60 à 62; Copthorne, supra note 3, par. 101; Pomerleau, supra note 101, par. 63.

[188] Notes écrites de l’intimé, par. 66.

[189]Collins & Aikman Products Co. c. La Reine, 2009 CCI 299, par. 62, conf. par 2010 CAF 251 [Collins & Aikman].

[190] Notes écrites de l’intimé, par. 90.

[191] Notes écrites de l’intimé, par. 69.

[192] Notes écrites de l’intimé, par. 70; Transcription de l’audience du 29 juin 2021, p. 158.

[193] Notes écrites de l’intimé, par. 70; Transcription de l’audience du 29 juin 2021, p. 156.

[194] Canada c. Oxford Properties Group Inc., 2018 CAF 30 [Oxford Properties].

[195] Ibid., par. 56 à 59.

[196] Notes écrites de l’intimé, par. 91.

[197] Notes écrites de l’intimé, par. 93; Transcription de l’audience du 29 juin 2021, p. 174.

[198] Notes écrites de l’intimé, par. 71.

[199] Notes écrites de l’intimé, par. 72.

[200] Notes écrites de l’intimé, par. 73.

[201] Notes écrites de l’intimé, par. 75; LIR, supra note 3, al. 88(1)a).

[202] LIR, supra note 3, sous-al. 88(1)c)(i).

[203] Notes écrites de l’intimé, par. 76; Steven J. Roberts et Mark E. Briggs, « The Taxation of Corporate Reorganizations – Winding Up: Part 1 », Canadian Tax Journal (1996), vol. 44, no 2, p. 533 (à la p. 549).

[204] Canada c. Mara Properties, [1995] 2 C.F. 433 (C.A.F.), p. 444, 445 et 453, juge McDonald, dissident, inf. par [1996] 2 R.C.S. 161 [Mara Properties].

[205] Notes écrites de l’intimé, par. 77.

[206] Notes écrites de l’intimé, par. 79.

[207] Notes écrites de l’intimé, par. 79; Colin Green, Spencer Ebbert et David Stevens, « Corporate Reorganizations » dans Rachel Gervais et al., dir., Taxation of Private Corporations and their Shareholders, 5e éd., Toronto, Fondation canadienne de fiscalité, 2020, ch. 12, p. 23 et 24; ainsi que Roberts et Briggs, supra note 197, p. 944.

[208] Notes explicatives du ministère des Finances pour le paragraphe 69(5) de la LIR.

[209] Notes écrites de l’intimé, par. 80.

[210] Notes écrites de l’intimé, par. 81; Vern Krishna, Fundamentals of Canadian Income Tax – Volume 2: Corporate Tax, Toronto, Thomson Reuters, 2018, au chapitre 16 « Winding-up of a Corporation ».

[211] Transcription de l’audience du 29 juin 2021, p. 165.

[212] Transcription de l’audience du 30 juin 2021, p. 219.

[213] Notes écrites de l’intimé par. 82; Roberts et Briggs, supra note 203; Pomerleau, supra note 101, par. 70.

[214] Notes écrites de l’intimé, par. 83; Krishna, supra note 210.

[215] Notes écrites de l’intimé, par. 84; Green, Ebbert et Stevens, supra note 207, ch. 12, p. 21.

[216] Notes écrites de l’intimé, par. 85.

[217] Notes écrites de l’intimé, par. 86.

[218] Notes écrites de l’intimé, par. 87.

[219] Notes écrites de l’intimé, par. 94; Trustco, supra note 51, par. 44 et 59.

[220] Notes écrites de l’intimé, par. 95; Lipson c. Canada, 2009 CSC 1, par. 34 [Lipson].

[221] Notes écrites de l’intimé, par. 95; Lipson, supra note 220, par. 38.

[222] Notes écrites de l’intimé, par. 97.

[223] Notes écrites de l’intimé, par. 99; Transcription de l’audience du 29 juin 2021, p. 178.

[224] Notes écrites de l’intimé, par. 100; Transcription de l’audience du 29 juin 2021, p. 178.

[225] Notes écrites de l’intimé, par. 101; Transcription de l’audience du 29 juin 2021, p. 178.

[226] Conformément à l’article 54 de la LIR, la définition de produit de disposition exclut tout dividende réputé reçu conformément au paragraphe 84(2) de la LIR.

[227] Transcription de l’audience du 29 juin 2021, p. 166.

[228] Notes écrites de l’intimé, par. 68.

[229] Transcription de l’audience du 29 juin 2021, p. 116, 117, 144 et 145.

[230] Transcription de l’audience du 29 juin 2021, p. 160 et 161, et Transcription de l’audience du 30 juin 2021, p. 213.

[231] Notes écrites de l’intimé, par. 12.

[232] Transcription de l’audience du 29 juin 2021, p. 89.

[233] Transcription de l’audience du 29 juin 2021, p. 88, 89, 150 et 151.

[234] Transcription de l’audience du 29 juin 2021, p. 91.

[235] Transcription de l’audience du 29 juin 2021, p. 166.

[236] Transcription de l’audience du 29 juin 2021, p. 116, 165; Transcription de l’audience du 30 juin 2021, p. 216.

[237] Transcription de l’audience du 29 juin 2021, p. 121, 122, 175 et 176.

[238] Transcription de l’audience du 29 juin 2021, p. 122.

[239] Notes écrites de l’intimé, par. 102; Transcription de l’audience du 29 juin 2021, p. 179.

[240] Notes écrites de l’intimé, par. 103.

[241] Notes écrites de l’intimé, par. 104.

[242] Transcription de l’audience du 29 juin 2021, p. 125.

[243] Deans Knight, supra note 7, par. 46; Copthorne, supra note 51, par. 49; Inland Revenue Commissioners v. Duke of Westminster (1935), 19 T.C. 490 (UK HL).

[244] Deans Knight, supra note 7, par. 47.

[245] Trustco, supra note 51, par. 61.

[246] Trustco, supra note 51, par. 31.

[247] Trustco, supra note 51, par. 62.

[248] Copthorne, supra note 3, par. 65.

[249] Trustco, supra note 51, par. 50.

[250] Ibid. par. 43 et 44.

[251] Ibid. par. 45.

[252] Trustco, supra note 51, par. 16.

[253] Copthorne, supra note 3, par. 68.

[254] Ibid.

[255] Deans Knight, supra note 7, par.45 (Canada c. Alta Energy Luxembourg S.A.R.L., 2021 CSC 49, par. 80).

[256] Copthorne, supra note 3, par. 71.

[257] Ibid. (Lipson, supra note 220, par. 34).

[258] Trustco, supra note 51, par. 47; Lipson, supra note 220, par. 26.

[259] Copthorne, supra note 51, par. 70.

[260] Copthorne, supra note 3, par. 65.

[261] Trustco, supra note 51, par. 21.

[262] Deans Knight, supra note 7, par. 51.

[263] Trustco, supra note 51, par. 17.

[264] Trustco, supra note 51, par. 66.

[265] Ibid.

[266] Trustco, supra note 51, par. 17.

[267] Deans Knight, supra note 7, par. 52.

[268] Deans Knight, supra note 7, par. 53; Trustco, supra note 51, par. 20.

[269] 1245989 Alberta Ltd. c. Canada, 2018 CAF 114, par. 30 à 34 [1245989]; voir aussi Gladwin Realty Corporation c. Canada, 2020 CAF 142, par.47 [Gladwin].

[270] Deans Knight, supra note 7, par. 54.

[271] Ibid. par. 55.

[272] Copthorne, supra note 3, par. 40.

[273] Deans Knight, supra note 7, par. 56.

[274] Oxford Properties, supra note 194, par. 45.

[275] Deans Knight, supra note 7, par. 57.

[276] Ibid. par. 58.

[277] Trustco, supra note 51, par. 47.

[278] Canada c. Villa Ste-Rose Inc., 2021 CAF 35, par. 39

[279] Copthorne, supra note 3, par. 70.

[280] Deans Knight, supra note 7, par. 60.

[281] Trustco, supra note 51, par. 47; Copthorne, supra note 3, par. 70.

[282] Lipson, supra note 220, par. 26.

[283] Deans Knight, supra note 7, par. 63.

[284] Ibid.

[285] Ibid.; voir aussi Trustco, supra note 51, par. 10.

[286] Mathew c. Canada, 2005 CSC 55, par. 43; voir aussi Copthorne, supra note 3, par. 87.

[287] Ruth Sullivan, Sullivan and Driedger on the Construction of Statutes, 4e éd., Markham, Butterworths, 2002, p. 209 et 210.

[288] Deans Knight, supra note 7, par. 64.

[289] Ibid.

[290] Ibid.

[291] Pierre-André Côté, Interprétation des lois, 4 e éd., Montréal, Thémis, 2009, p. 295

[292] Pharmascience Inc. c. Binet, 2006 CSC 48, par. 30.

[293] ATCO Gas & Pipelines Ltd. c. Alberta (Energy & Utilities Board), 2006 CSC 4, par. 59; voir aussi Triad Gestco, supra note 79, par. 56, citant avec approbation 1207192, supra note 77, par. 73 à 83; Syndicat de la fonction publique du Québec c. Québec (Procureur général), 2010 CSC 28, par. 36 et 37.

[294] Voir p. ex. Colombie‑Britannique c. Philip Morris International, Inc., 2018 CSC 36, par. 29.

[295] Ruth Sullivan, The Construction of Statutes, 7e éd., Markham, LexisNexis Canada, 2022, ch. 8 - Presumption about how legislation is drafted; voir aussi Grenon c. La Reine, 2021 CCI 30, par. 192 à 195; Orphan Well Association c. Grant Thornton Ltd., 2019 CSC 5, par. 82 à 84.

[296] Trustco, supra note 51, par. 47; Montréal (Ville) c. 2952-1366 Québec Inc., 2005 CSC 62, par. 10

[297] Montréal (Ville) c. 2952-1366 Québec Inc., supra note 287, par. 10; voir aussi Iberville Developments Limited c. La Reine, 2018 CCI 102, par. 60, conf. par 2020 CAF 115, autorisation de pourvoi à la CSC refusée, 24817 (1er avril 2021).

[298] Deans Knight, supra note 7, par. 66.

[299] Ibid.

[300] Ibid. par. 67.

[301] Ibid.

[302] Copthorne, supra note 3, par. 91.

[303] Ibid.; voir aussi Gladwin, supra note 265, par. 55.

[304] Copthorne, supra note 3, par. 113.

[305] Deans Knight, supra note 7, par. 68.

[306] Ibid.; Trustco, supra note 51, par. 53.

[307] Trustco, supra note 51, par. 113;

[308] Voir p. ex. Canada (Procureur général) c. Almalki, 2016 CAF 195, par. 40.

[309] Bell ExpressVu Limited Partnership c. Rex, 2002 CSC 42, par. 44 à 46.

[310] Hillier c. Canada (Procureur général), 2019 CAF 44, par. 27.

[311] Ruth Sullivan, supra note 291, section 23.03 – Legislative History (ceci inclut les rapports des commissions royales, des commissions de réforme du droit et d’autres organismes similaires; les études ministérielles; les propositions et les mémoires soumis au Cabinet; les observations du ministre responsable d’un projet de loi; les documents déposés ou autrement portés à l’attention du corps législatif au cours du processus législatif, y compris les notes explicatives; les documents publiés par le gouvernement au cours du processus législatif, tels que les documents d’information ou les communiqués de presse; le compte rendu des débats législatifs et des audiences des comités; le compte rendu des motions visant à modifier le projet de loi; et les résumés de l’étude d'impact de la réglementation); voir p. ex. Société Télé-Mobile c. Ontario, 2008 CSC 12, par. 29 à 40.

[312] Lawyers’ Professional Indemnity Company c. Canada, 2020 CAF 90, par. 74 à 79.

[313] 1245989, supra note 265, par. 45.

[314] Deans Knight, supra note 7, par. 69.

[315] Copthorne, supra note 3, par. 72.

[316] Plan d’argumentation de l’appelante, par. 30; Trustco, supra note 51, par. 41.

[317] Plan d’argumentation de l’appelante, par. 30; Trustco, supra note 51, par. 42.

[318] Plan d’argumentation de l’appelante, par. 32 et 33; Copthorne, supra note 51, par. 67.

[319] Plan d’argumentation de l’appelante, par. 29; OSFC Holdings Ltd. c. Canada, 2001 CAF 260, par. 70 [OSFC Holdings].

[320] Plan d’argumentation de l’appelante, par. 19; Transcription de l’audience du 29 juin 2021, p. 24.

[321] Lettre de KPMG à Québecor datée du 31 août 2005, p. 41 et 42, annexe 1 de l’Entente conjointe sur les faits. Notez que la mention à VTHL correspond à la société 3662527.

[322] Ibid.

[323] Copthorne, supra note 3, par. 65.

[324] Copthorne, supra note 3, par. 69; voir aussi Trustco, supra note 51, par. 55.

[325] 2763478, supra note 177, par. 53 à 55.

[326] Copthorne, supra note 3, par. 101.

[327] Pomerleau, supra note 101, par. 63.

[328] Husky Oil Limited c. Canada, 2010 CAF 125, par. 2.

[329] Manon Thivierge, « Les roulements » dans Journée d’études fiscales, Montréal, L’Association canadienne d’études fiscales, 2010, no 3, p. 1 à 26.

[330] Voir Oxford Properties, supra note 194, et Banque continentale du Canada c. Canada, [1994] A.C.I. nº 585 (QL) [Banque continentale].

[331] Oxford Properties, supra note 194, par. 56, 57 et 59.

[332] Canada c. Vaillancourt-Tremblay, 2010 CAF 119 [Vaillancourt-Tremblay].

[333] Ibid., par. 5.

[334] Banque Continentale, supra note 324, par. 95.

[335] Copthorne, supra note 3, par. 84.

[336] Pomerleau, supra note 101, par. 69.

[337] Copthorne, supra note 3, par. 84.

[338] Mara Properties, supra note 204, p. 437.

[339] Mara Properties, supra note 204, p. 444, 445 et 453.

[340] Silvia Jacinto et Kay Leung, « When Two Become One: A Union of Legal Aspects of Corporate Wind-ups and Amalgamations » dans 2021 Ontario Tax Conference, Toronto, Fondation canadienne de fiscalité, 2021, no 6, p. 42.

[341] Plan d’argumentation de l’appelante, par. 63 et 64; Notes écrites de l’intimée, par. 72.

[342] Pomerleau, supra note 101, par. 65

[343] Collins & Aikman, supra note 189, par 62.

[344] Oxford Properties, supra note 194, par. 56.

[345] Ibid.

[346] Green, Ebbert et Stevens, supra note 207, ch. 12, p. 3 et 4.

[347] Québec (Agence du revenu) c. Services Environnementaux AES Inc., 2013 CSC 65, par. 4.

[348] Envision Credit Union c. Canada, 2011 CAF 321, par. 23.

[349] Jacinto et Leung, supra note 340, ch. 12, p. 10 et 11.

[350] Mara Properties, supra note 204, p. 437.

[351] Jacinto et Leung, supra note 340, ch. 6, p. 1 à 63.

[352] Mara Properties, supra note 204, p. 444, 445 et 453.

[353] Copthorne, supra note 3, par. 84; Vaillancourt-Tremblay, supra note 326, par. 4.

[354] Ibid.; Roberts et Briggs, supra note 203, p. 943 à 954.

[355] Jacinto et Leung, supra note 340, ch. 11, p. 23 et ch. 17, p. 37.

[356] Ibid., ch. 17, p. 37; voir aussi Jack Bernstein et Kay Leung, « Loss Utilization Planning: An Update », dans 2003 Ontario Tax Conference, Toronto, Fondation canadienne de fiscalité, 2003, no 17, p. 27.

[357] Cette disposition a été abrogée, Loi no 2 d’exécution du budget de 2016, L.C. 2016, ch. 12, art. 14.

[358] Cette disposition a été abrogée, Loi no 2 d’exécution du budget de 2016, L.C. 2016, ch. 12, art. 8.

[359] Bernstein et Leung, supra note 356, ch. 17, p. 26.

[360] OSFC Holdings, supra note 315, par. 74 et 75.

[361] 626468 New Brunswick Inc. c. Canada, 2019 CAF 306, par. 68.

[362] Oxford Properties, supra note 194, par. 56 et 57, et Banque continentale, supra note 324, par. 95.

[363] Oxford Properties, supra note 194, par. 108.

[364] Triad Gestco, supra note 79, par. 42 et 50.

[365] Fiducie financière Satoma c. Canada, 2018 CAF 74, par. 52.

[366] Oxford Properties, supra note 194, par. 108.

[367] Mara Properties, supra note 204, p. 437.

[368] Mara Properties, supra note 204, p. 444, 445 et 453.

[369] Jacinto et Leung, supra note 340, ch. 6, p. 42.

[370] Entente conjointe sur les faits, par. 18.

[371] Copthorne, supra note 3, par. 70.

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