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Dossier : 2009-177(IT)G

 

ENTRE :

BRADMAN LEE,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

________________________________________________________________

 

Appel entendu les 8 et 9 mars et les 28 et 29 août 2012, et le 6 février 2013, à Toronto (Ontario)

 

Devant : L'honorable juge Judith Woods

 

Comparutions :

 

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Avocat de l'intimée :

Me Darren Prevost

________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L'appel interjeté à l'encontre des cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu relativement aux années d'imposition 1999, 2000, 2001 et 2002 est accueilli, et les cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations conformément à ce qui suit :

 

a)       pour l'année d'imposition 1999, il convient d'ajouter 59 985,74 $ au revenu net de l'appelant, et la pénalité pour faute lourde doit être rajustée en conséquence;

 

b)      pour l'année d'imposition 2000, il convient d'ajouter 29 189,36 $ au revenu net de l'appelant, et la pénalité pour faute lourde doit être rajustée en conséquence;

 

c)       pour l'année d'imposition 2001, il convient d'ajouter 59 448,47 $ au revenu net de l'appelant, et la pénalité pour faute lourde doit être rajustée en conséquence;

 

d)      pour l'année d'imposition 2002, il convient d'ajouter 62 472 $ au revenu net de l'appelant, et la pénalité pour faute lourde doit être annulée.

 

Signé à Toronto (Ontario), ce 16e jour de septembre 2013.

 

 

« J. M. Woods »

Le juge Woods

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 15e jour de novembre 2013.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 


 

 

 

 

Référence : 2013 CCI 289

Date : 20130916

Dossier : 2009-177(IT)G

 

Entre :

BRADMAN LEE,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge Woods

 

[1]             L'appelant, Bradman Lee, interjette appel à l'encontre des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 1999, 2000, 2001 et 2002. Le présent appel intéresse le revenu de commissions que M. Lee a gagné en tant que vendeur d'immeubles auprès de la Sutton Group Commitment Realty Ltd. (« Sutton »).

 

[2]             Ce n'est pas la première fois que le revenu visé par le présent appel fait l'objet d'une instance judiciaire. Il y a déjà eu une instance criminelle, de même qu'un appel devant la Cour à l'encontre de cotisations de taxe sur les produits et services (« TPS »).

 

[3]             En 2007, Bradman Lee a été déclaré coupable d'évasion fiscale par un tribunal de l'Ontario parce qu'il avait omis de déclarer un revenu de commissions qui lui avait été versé par Sutton. Les motifs rendus par le juge Cowan sont publiés dans la décision R. c. Lee, [2008] G.S.T.C. 65, [2008] 5 C.T.C. 117. Je crois comprendre qu'il n'y a pas d'appel en instance relativement à cette décision. Les années d'imposition visées dans l'instance criminelle sont les mêmes que celles visées dans le présent appel, sauf que l'instance criminelle ne portait pas sur l'année d'imposition 2002.

 

[4]             En plus de contester les accusations au criminel, M. Lee s'est aussi opposé aux cotisations d'impôt sur le revenu et de TPS établies relativement au revenu provenant de Sutton. L'Agence du revenu du Canada (l'« ARC ») a examiné les oppositions et a ratifié les cotisations après que M. Lee eut été déclaré coupable dans l'instance criminelle.

 

[5]             Des appels ont par la suite été interjetés auprès de la Cour. J'ai tout d'abord été saisie de l'appel en matière de TPS, qui a nécessité quatre jours non consécutifs d'audience.

 

[6]             Dans l'appel en matière de TPS, les cotisations ont généralement été maintenues, sauf pour une partie des crédits de taxe sur les intrants qui n'était pas en litige dans l'instance criminelle. La décision en matière de TPS est publiée sous l'intitulé Lee c. La Reine, 2010 CCI 400.

 

[7]             La présente affaire est l'appel en matière d'impôt sur le revenu qui a été mis au rôle par la suite et dont j'ai aussi été saisie. L'audience a duré cinq jours et s'est étalée sur une assez longue période.

 

[8]             Monsieur Lee a agi pour son propre compte à l'audience. Il a soulevé les questions suivantes dans son avis d'appel :

 

a)       Les nouvelles cotisations sont‑elles prescrites?

 

b)      Le ministre a‑t‑il calculé avec exactitude le revenu imposable?

 

c)       Y a‑t‑il un montant d'impôt à payer?

 

d)      Les pénalités pour faute lourde ont‑elles été imposées à juste titre?

 

[9]             Avant d'examiner ces questions, il convient de faire quelques observations au sujet de l'instance criminelle.

 

L'instance criminelle

 

[10]        Les accusations au criminel étaient fondées sur le fait que M. Lee avait omis de déclarer le revenu de commissions qu'il avait reçu de Sutton dans ses déclarations de revenus. Il a été déclaré coupable d'infractions au titre des alinéas 239(1)a) et d) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi »), puisqu'il avait sciemment fait des fausses déclarations dans ses déclarations de revenus et avait volontairement éludé le paiement d'un impôt.

 

[11]        Le paragraphe 239(1) prévoit en partie ce qui suit :

 

(1) Autres infractions et peines — Toute personne qui, selon le cas :

 

a) a fait des déclarations fausses ou trompeuses, ou a participé, consenti ou acquiescé à leur énonciation dans une déclaration, un certificat, un état ou une réponse produits, présentés ou faits en vertu de la présente loi ou de son règlement;

 

[...]

 

d) a, volontairement, de quelque manière, éludé ou tenté d'éluder l'observation de la présente loi ou le paiement d'un impôt établi en vertu de cette loi;

 

[...]

 

commet une infraction [...]

 

[12]        Il a été convenu, pour les besoins de l'instance criminelle, que les déclarations de revenus initiales ne faisaient pas état du revenu reçu de Sutton. La question était donc essentiellement de savoir si M. Lee était au courant de l'omission. Lors du procès criminel, l'avocat de M. Lee a fait valoir que le spécialiste en déclarations de revenus avait omis par inadvertance d'inclure ces montants dans les déclarations (R. c. Lee, par. 85).

 

[13]        Dans l'instance criminelle, le spécialiste en déclarations de revenus, Farooz Mohamed, a témoigné qu'il avait inclus la totalité des revenus dont on lui avait fait part et le juge a trouvé que son témoignage était digne de foi.

 

[14]        Monsieur Lee a aussi témoigné au procès criminel. Le juge du procès n'a pas ajouté foi à son témoignage, comme l'illustrent les passages suivants de la décision rendue dans l'instance criminelle :

 

[TRADUCTION]

 

114      Par contre, j'ai trouvé que M. Lee était un témoin extrêmement évasif. Il a une expérience considérable dans le domaine de l'immobilier, non seulement en ce qui concerne l'achat et la vente de maisons, mais aussi en ce qui concerne les aspects financiers relatifs à l'obtention de financement et à l'exploitation de sa propre entreprise. Cependant, à l'audience, il a tenté de se présenter comme une personne qui se fiait grandement à ses comptables, dont deux étaient décédés subitement alors qu'ils préparaient ses déclarations tardives. Chose étrange, dans les deux cas, il a été impossible de trouver les documents faisant état du travail que les comptables avaient effectué pour lui ni aucun document justificatif qu'il leur avait laissé.

 

115      Lorsqu'on lui a mentionné son omission de payer l'impôt sur le revenu et la TPS sur un revenu important, il a de vive voix et de façon alambiquée invoqué des rencontres avec des représentants non identifiés, mais dénombrés, de l'ARC qui, malgré tous ses efforts, ont repoussé ses tentatives de paiement. Son témoignage était contradictoire, vague, et il n'offrait dans certains cas aucune réponse aux questions posées.

 

116      Si j'accepte son témoignage, je devrais conclure que, même s'il avait remis les feuillets T4A appropriés à M. Mohamed et passé environ une demi‑heure à examiner ses déclarations, il n'avait pas remarqué qu'il n'était fait état, dans aucune des déclarations, des revenus de commissions importants qu'il avait gagnés.

 

[...]

 

120      Il faudrait aussi que je croie qu'il pensait que, bien qu'il n'ait pas déclaré des revenus s'élevant à 148 623,57 $ au cours d'une période de trois ans, il ne devait pas d'impôt et le gouvernement lui devait de l'argent.

 

121      Il serait bien naïf de ma part de le croire.

 

122      Je n'ajoute tout simplement pas foi à son témoignage, et je ne doute pas qu'il sût que les renseignements fournis dans ces déclarations étaient faux et trompeurs, et il a ainsi commis les infractions qui lui sont reprochées.

 

Les nouvelles cotisations sont‑elles prescrites?

 

[15]        Monsieur Lee affirme dans l'avis d'appel que l'« avis de nouvelle cotisation » est frappé de prescription, étant donné qu'il a été établi après l'expiration de la période normale de nouvelle cotisation. Aucun fait ni argument n'a été fourni. Il a seulement été dit que la Couronne avait le fardeau d'établir les faits pertinents.

 

[16]        En général, la Couronne a le fardeau de prouver que le ministre a établi et mis à la poste un avis de nouvelle cotisation en temps opportun, à condition que le contribuable allègue qu'il n'a pas reçu l'avis de nouvelle cotisation et qu'aucun avis de ce genre n'a été établi : Aztec Industries Inc. c. La Reine, [1995] A.C.F. no 535 (QL), au par. 10, 95 D.T.C. 5235, à la page 5237 (C.A.F.).

 

[17]        En l'espèce, M. Lee a bel et bien allégué qu'il n'avait pas reçu les nouvelles cotisations, mais ces allégations ont été formulées lors du contre-interrogatoire et non dans l'avis d'appel. Il y a lieu de se demander si les principes de l'arrêt Aztec s'appliquent dans la présente affaire.

 

[18]        Néanmoins, j'ai conclu que la Couronne a établi que les nouvelles cotisations pertinentes ne sont pas prescrites.

 

[19]        En l'absence d'une présentation erronée des faits dans la déclaration, le ministre a trois ans suivant l'envoi d'une cotisation pour établir une nouvelle cotisation. Les dispositions pertinentes sont énoncées ci‑dessous :

 

152(3.1) Période normale de nouvelle cotisation — Pour l'application des paragraphes (4), (4.01), (4.2), (4.3), (5) et (9), la période normale de nouvelle cotisation applicable à un contribuable pour une année d'imposition s'étend sur les périodes suivantes :

 

a) quatre ans suivant soit la date d'envoi d'un avis de première cotisation en vertu de la présente partie le concernant pour l'année, soit, si elle est antérieure, la date d'envoi d'une première notification portant qu'aucun impôt n'est payable par lui pour l'année, si, à la fin de l'année, le contribuable est une fiducie de fonds commun de placement ou une société autre qu'une société privée sous contrôle canadien;

 

b) trois ans suivant le premier en date de ces jours, dans les autres cas.

 

152(4) Cotisation et nouvelle cotisation — Le ministre peut établir une cotisation, une nouvelle cotisation ou une cotisation supplémentaire concernant l'impôt pour une année d'imposition, ainsi que les intérêts ou les pénalités, qui sont payables par un contribuable en vertu de la présente partie ou donner avis par écrit qu'aucun impôt n'est payable pour l'année à toute personne qui a produit une déclaration de revenu pour une année d'imposition. Pareille cotisation ne peut être établie après l'expiration de la période normale de nouvelle cotisation applicable au contribuable pour l'année que dans les cas suivants :

 

a) le contribuable ou la personne produisant la déclaration :

 

(i) soit a fait une présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire, ou a commis quelque fraude en produisant la déclaration ou en fournissant quelque renseignement sous le régime de la présente loi,

 

(ii) soit a présenté au ministre une renonciation, selon le formulaire prescrit, au cours de la période normale de nouvelle cotisation applicable au contribuable pour l'année;

 

[...]

 

[20]        La preuve montre que les déclarations de revenus initiales ont été reçues par l'ARC en juin 2003 pour les années 1999, 2000 et 2001 et en mai 2004 pour l'année 2002 (pièce R‑2, onglets 1 à 4).

 

[21]        La preuve établit également que l'ARC a reçu des avis d'opposition aux nouvelles cotisations établies pour les années d'imposition 1999, 2000, 2001 et 2002 le 18 mars 2005 (pièce R‑1).

 

[22]        Il ressort clairement de la preuve que les nouvelles cotisations pertinentes datées du 5 mars 2005 ont été reçues par M. Lee ou pour son compte dans les trois années suivant les déclarations de revenus initiales. Il est peu probable que l'ARC ait établi les cotisations avant la production des déclarations de revenus initiales, et M. Lee n'a pas affirmé que cela a été le cas. Par conséquent, je conclus que les nouvelles cotisations pertinentes ont été établies au cours de la période normale de nouvelle cotisation.

 

[23]        Avant de passer à une autre question, j'aimerais faire remarquer que certains des éléments de preuve présentés par la Couronne au sujet de la question de la prescription m'ont posé problème. La Couronne a présenté des éléments de preuve qui établissaient la date à laquelle les avis de cotisation avaient été établis, mais la preuve n'établissait pas que l'ARC avait effectivement mis les avis à la poste ou les avait autrement envoyés. Si la Couronne avait eu le fardeau d'établir ce fait, j'aurais jugé la preuve insatisfaisante.

 

[24]        Cependant, je suis convaincue que toutes les nouvelles cotisations pertinentes ont été établies en temps opportun et ne sont pas prescrites.

 

Le ministre a‑t‑il calculé avec exactitude le revenu imposable?

 

[25]        Dans l'avis d'appel, M. Lee soutient que le ministre a mal calculé le revenu imposable. Comme dans le cas de la question de la prescription, l'avis d'appel ne renferme aucun fait pertinent à l'appui de cette allégation.

 

[26]        Le revenu qui est en litige a été gagné par M. Lee en sa qualité de vendeur d'immeubles à commission auprès de Sutton de 1999 à 2002.

 

[27]        Aucun revenu de Sutton n'a été déclaré dans les déclarations de revenus pour les années 1999, 2000 et 2001. Le ministre affirme que le revenu reçu de Sutton est de 60 126 $ pour l'année 1999, de 36 985 $ pour l'année 2000 et de 67 703 $ pour l'année 2001.

 

[28]        Pour l'année d'imposition 2002, M. Lee a déclaré un revenu brut de Sutton s'élevant à 121 830 $ et un revenu net de 15 804 $. Le ministre a établi une cotisation en tenant pour acquis que des revenus bruts de 5 350 $[1] n'avaient pas été déclarés et que des déductions erronées s'élevant à 57 122 $ avaient été faites (Réponse, alinéas 12e) et f)). En fonction de ces montants, le ministre a apporté un rajustement total de 62 472 $ au revenu net de M. Lee pour 2002.

 

[29]        Monsieur Lee a le fardeau d'établir quels sont les montants appropriés de revenus imposables. La preuve n'était absolument pas suffisante pour qu'il puisse s'acquitter de ce fardeau.

 

[30]        À l'audience, M. Lee semblait plus déterminé à établir qu'il avait déclaré, ou essayé de déclarer, le revenu reçu de Sutton qu'à essayer de réfuter le montant de revenu imposable ayant fait l'objet de la cotisation. Autrement dit, M. Lee semblait chercher à prouver qu'il avait erronément été déclaré coupable d'évasion fiscale. M. Lee a laissé entendre qu'il avait donné les bons montants au spécialiste en déclarations de revenus et que celui‑ci ne les avait pas inclus dans les déclarations de revenus initiales. M. Lee a également soutenu qu'il avait produit des déclarations de revenus dûment modifiées à l'ARC et qu'il avait payé tout l'impôt qu'il devait.

 

[31]        Rien de tout cela n'est utile pour contester le montant de revenu imposable déterminé par le ministre.

 

[32]        Malgré l'insuffisance de la preuve de M. Lee, l'affaire ne s'arrête pas là, parce que j'ai des préoccupations au sujet d'une injustice pouvant être causée par des différences dans le calcul du revenu pour les besoins de l'établissement des cotisations et pour les besoins des accusations au criminel.

 

[33]        Les montants pertinents en ce qui concerne les accusations au criminel sont énoncés au premier paragraphe de la décision du juge Cowan, dont voici le texte :

 

[TRADUCTION]

 

1          Bradman Lee fait l'objet de trois chefs d'accusation pour avoir illégalement fait des déclarations fausses ou trompeuses dans ses déclarations de revenus des particuliers T1 pour les années d'imposition 1999, 2000 et 2001, ou y avoir participé, y avoir consenti ou y avoir acquiescé, en omettant de déclarer des revenus imposables de 59 985,74 $, de 29 189,36 $ et de 59 448,47 $ respectivement pour ces années, commettant ainsi dans chaque cas une infraction au titre de l'alinéa 239(1)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu.

 

[34]        Ces montants sont tous inférieurs aux montants dont il est question dans la réponse.

 

[35]        Autant que je m'en souvienne, cet écart n'a pas été mentionné à l'audience. À mon avis, il serait injuste de changer les allégations sans fournir d'explication afin que M. Lee puisse y répondre à l'audience.

 

[36]        J'ai donc l'intention d'exiger qu'un rajustement soit apporté aux nouvelles cotisations pour les années 1999, 2000 et 2001 afin que les montants correspondent aux montants à l'égard desquels M. Lee a été déclaré coupable d'évasion fiscale.

 

[37]        Avant de passer à un autre point, j'aimerais faire remarquer que la Couronne a fait valoir à l'audience que les déclarations de culpabilité étaient seulement une preuve prima facie que le revenu avait été faussement déclaré. Il a été allégué que M. Lee pouvait réfuter à l'audience les conclusions tirées dans l'instance criminelle.

 

[38]        Je ne sais pas trop pourquoi la Couronne a adopté cette position parce que, dans l'arrêt sur lequel l'avocat de l'intimée s'est fondé, il a été conclu qu'une déclaration de culpabilité peut être une preuve déterminante et non une simple preuve prima facie : Toronto (Ville) c. S.C.F.P., section locale 79, 2003 CSC 63, [2003] 3 R.C.S. 77 (« S.C.F.P. »), aux paragraphes 56 à 58.

 

[39]        Si M. Lee avait présenté des éléments de preuve convaincants remettant en question les déclarations de culpabilité, la Cour se trouverait dans une situation difficile où elle pourrait devoir mettre en doute une conclusion qu'un tribunal compétent a tirée selon une norme très élevée en matière de preuve. Dans l'arrêt S.C.F.P., la Cour suprême du Canada indique clairement que cette situation porte atteinte à l'intégrité du système de justice criminel.

 

[40]        Quoi qu'il en soit, compte tenu des conclusions que j'ai tirées concernant la preuve en l'espèce, je ne suis pas en présence d'une situation dans laquelle je dois mettre en doute les déclarations de culpabilité.

 

Y a‑t‑il un montant d'impôt à payer au ministre?

 

[41]        Dans l'avis d'appel, M. Lee demande un allégement en faisant valoir qu'aucune somme n'est due à la Couronne.

 

[42]        Cette allégation pose problème parce que la Cour n'a pas compétence pour établir si un impôt a été payé. Il y a lieu de se référer aux motifs que j'ai rendus dans l'appel de M. Lee en matière de TPS.

 

Les pénalités ont‑elles été imposées à juste titre?

 

[43]        Le ministre a imposé à M. Lee des pénalités en application du paragraphe 163(2) en tenant pour acquis qu'il avait fait de faux énoncés dans ses déclarations de revenus. Le montant de la pénalité correspond à 50 % de l'impôt à payer sur les sommes non déclarées. Des extraits de la disposition pertinente sont reproduits ci‑dessous :

 

163(2) Faux énoncés ou omissions — Toute personne qui, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, fait un faux énoncé ou une omission dans une déclaration, un formulaire, un certificat, un état ou une réponse (appelé « déclaration » au présent article) rempli, produit ou présenté, selon le cas, pour une année d'imposition pour l'application de la présente loi, ou y participe, y consent ou y acquiesce est passible d'une pénalité égale, sans être inférieure à 100 $, à 50 % du total des montants suivants :

 

a) l'excédent éventuel du montant visé au sous‑alinéa (i) sur le montant visé au sous‑alinéa (ii) :

 

(i) l'excédent éventuel de l'impôt qui serait payable par cette personne pour l'année en vertu de la présente loi sur les sommes qui seraient réputées par les paragraphes 120(2) et (2.2) payées au titre de l'impôt de la personne pour l'année, s'il était ajouté au revenu imposable déclaré par cette personne dans la déclaration pour l'année la partie de son revenu déclaré en moins pour l'année qu'il est raisonnable d'attribuer au faux énoncé ou à l'omission et si son impôt payable pour l'année était calculé en soustrayant des déductions de l'impôt payable par ailleurs par cette personne pour l'année, la partie de ces déductions qu'il est raisonnable d'attribuer au faux énoncé ou à l'omission,

 

(ii) l'excédent éventuel de l'impôt qui aurait été payable par cette personne pour l'année en vertu de la présente loi sur les sommes qui auraient été réputées par les paragraphes 120(2) et (2.2) payées au titre de l'impôt de la personne pour l'année, si l'impôt payable pour l'année avait fait l'objet d'une cotisation établie d'après les renseignements indiqués dans la déclaration pour l'année;

 

[...]

 

[44]        La preuve à l'appui de l'imposition de pénalités pour les années 1999, 2000 et 2001 est plus que suffisante. Les déclarations de revenus produites n'indiquaient aucunement les revenus de commissions reçus de Sutton.

 

[45]        Pour se défendre, M. Lee a principalement invoqué une théorie faisant état d'un complot auquel prenaient part l'ARC, le spécialiste en déclarations de revenus et son avocat dans l'instance criminelle. Ce témoignage était tellement invraisemblable qu'il était totalement dénué de crédibilité.

 

[46]        Les pénalités imposées pour les années 1999, 2000 et 2001 doivent être maintenues, sauf qu'elles doivent être fondées sur les revenus non déclarés établis dans l'instance criminelle.

 

[47]        Il en est autrement pour l'année d'imposition 2002, parce que les revenus reçus de Sutton ont été déclarés et qu'aucune accusation au criminel n'a été portée quant à de faux énoncés faits dans la déclaration de revenus de cette année‑là.

 

[48]        La thèse de la Couronne à l'égard de l'imposition de pénalités pour cette année-là pose problème à plusieurs égards.

 

[49]        Tout d'abord, le montant de la pénalité qui a été imposée et la façon dont celle‑ci a été calculée sont très mal décrits dans la réponse. Au paragraphe 17 de la réponse, il est indiqué que, pour 2002, le faux énoncé est l'omission de déclarer des revenus de 5 952 $. Il est ensuite indiqué au paragraphe 18 que la différence entre l'impôt fédéral qui a été payé et celui qui était exigible était de 11 751 $ et que la pénalité devrait être d'au moins 1 117,86 $. Les faits divulgués par l'intimée concernant la pénalité ne sont pas suffisants.

 

[50]        Ensuite, la déclaration de revenus qui a été produite pour l'année 2002 a été présentée en preuve. Elle comprend le T4A de Sutton, qui montre la totalité des revenus gagnés. Le montant figurant dans le T4A a aussi été inclus dans l'état du revenu d'entreprise joint à la déclaration. Il m'est difficile de conclure que M. Lee a commis une faute lourde en ne déclarant pas ce montant.

 

[51]        Quant aux dépenses, elles sont sans doute très fortement gonflées, mais je ne dispose pas d'éléments de preuve suffisants pour conclure que les pénalités ont été imposées à l'égard des dépenses. Il semble que la pénalité pour 2002 a peut‑être été imposée seulement sur l'omission de déclarer des revenus bruts de 5 952 $.

 

[52]        Compte tenu des circonstances, je propose d'annuler la pénalité imposée pour l'année d'imposition 2002.

 

Conclusion

 

[53]        Par conséquent, l'appel sera accueilli compte tenu de ce qui suit :

 

a)       pour l'année d'imposition 1999, il convient d'ajouter 59 985,74 $ au revenu net de l'appelant, et la pénalité pour faute lourde doit être rajustée en conséquence;

 

b)      pour l'année d'imposition 2000, il convient d'ajouter 29 189,36 $ au revenu net de l'appelant, et la pénalité pour faute lourde doit être rajustée en conséquence;

 

c)       pour l'année d'imposition 2001, il convient d'ajouter 59 448,47 $ au revenu net de l'appelant, et la pénalité pour faute lourde doit être rajustée en conséquence;

 

d)      pour l'année d'imposition 2002, il convient d'ajouter 62 472 $ au revenu net de l'appelant, et la pénalité pour faute lourde doit être annulée.

 

[54]        Quant aux dépens, l'avocat de la Couronne devrait présenter des observations écrites sur le sujet dans un délai de 20 jours à compter du prononcé des présents motifs. M. Lee peut présenter des observations écrites en réponse aux observations de la Couronne dans les 20 jours suivant le dépôt des observations de la Couronne.

 

[55]        Enfin, j'aimerais faire remarquer qu'il semble tout à fait inefficace d'avoir deux audiences distinctes, l'une pour la TPS et l'autre pour l'impôt sur le revenu, dans la présente affaire. Les questions se recoupaient grandement.

 

Signé à Toronto (Ontario), ce 16e jour de septembre 2013.

 

 

« J. M. Woods »

Le juge Woods

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 15e jour de novembre 2013.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 


RÉFÉRENCE :                                 2013 CCI 289

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :   2009‑177(IT)G

 

INTITULÉ :                                      BRADMAN LEE c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATES DE L'AUDIENCE :             Les 8 et 9 mars et les 28 et 29 août 2012, et le 6 février 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT :             L'honorable juge J. M. Woods

 

DATE DU JUGEMENT :                 Le 16 septembre 2013

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

 

Avocat de l'intimée :

Me Darren Prevost

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

          Pour l'appelant :

                   Nom :                   s.o.

                   Cabinet :

                  

 

          Pour l'intimée :     William F. Pentney

                                       Sous-procureur général du Canada

                                       Ottawa (Ontario)

 



[1] Le montant figurant à l'alinéa 12e) de la réponse, soit 5 350 $, n'est pas compatible avec d'autres passages de la réponse. Il semble que ce montant devrait être de 5 952 $, tel qu'il est indiqué au paragraphe 17 de la réponse.

 

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