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Référence : 2013 CCI 325

Date : 20131011

Dossier : 2013-760(GST)I

 

ENTRE :

ELANCHCHELVI SIVAKUMAR,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

(Révisés à partir de la transcription des motifs du jugement rendus oralement à l’audience le 9 septembre 2013, à Toronto (Ontario)).

 

La juge Campbell

 

[1]             Qu’il soit maintenant consigné au dossier que je rends les présents motifs oralement dans l’appel interjeté par Mme Sivakumar, que j’ai entendu plus tôt aujourd’hui.

 

[2]             En l’espèce, la Cour est appelée à se prononcer sur la question de savoir si l’appelante a droit au remboursement pour habitations neuves en vertu de la Loi sur la taxe d’accise. Il s’agit de déterminer si l’appelante a acquis le bien en cause pour qu’il lui serve de lieu de résidence habituelle ou serve ainsi à sa famille. Le bien en cause est situé au 6 Blairmore Terrace (« bien Blairmore »), à Brampton.

 

[3]             L’offre d’achat a été signée le 8 octobre 2009. La date de clôture avait été initialement prévue au 24 juin de l’année suivante, soit 2010, mais le constructeur avait reporté la clôture au 22 octobre 2010.

 

[4]             L’appelante a témoigné que, le 20 octobre, soit deux jours avant la date de clôture, elle avait procédé à une inspection du bien, et avait alors fait part au constructeur de préoccupations relatives à la sécurité, concernant les trappes de grenier et le fait qu’une fenêtre était particulièrement basse. Les préoccupations concernaient la fille cadette de l’appelante, qui était alors âgée de trois ans.

 

[5]             Durant la période susmentionnée, la famille, ainsi que les parents de l’appelante, résidait au 5 Eastway (« bien Eastway »), une résidence qui avait été achetée le 6 juillet 2005. Selon l’appelante, son époux et elle ont [traduction] « partiellement » – et ce sont ses mots – emménagé dans le bien Blairmore, mais les deux filles du couple ont continué à résider avec les parents de l’appelante dans le bien Eastway.

 

[6]             Dans l’explication qu’elle m’a donnée de ce qu’elle entendait par [traduction] « partiellement emménagé », elle a déclaré que des rideaux et un lit avaient été installés dans le bien. Le bien Blairmore a été mis en vente le 8 décembre 2010, environ six semaines après que la possession et le titre avaient été transférés à l’appelante.

 

[7]             Tout au long de la période susmentionnée, le 5 Eastway a continué à être présenté comme étant l’adresse postale du couple.

 

[8]             Le bien Blairmore a été vendu le 17 mars de l’année suivante, soit 2011, et le profit réalisé était d’environ 85 000 $. Lorsque le bien Blairmore a été acheté, l’appelante a cédé le remboursement au constructeur et, en conséquence, le constructeur a porté le montant du remboursement au crédit de l’appelante, lequel montant est, en l’espèce, supérieur à 24 000 $.

 

[9]             La demande de remboursement de l’appelante a été refusée, parce que celle‑ci n’avait pas acquis le bien Blairmore pour qu’il lui serve de lieu de résidence habituelle.

 

[10]        Durant la fin de l’année 2010, et ultérieurement en 2011 et en 2012, l’appelante a acquis trois autres biens en plus du bien Eastway et du bien Blairmore.

 

[11]        Le 4 octobre 2010, l’appelante a signé un contrat de vente pour un bien situé au 4 Apple Valley Way (« bien Apple Valley »). C’était juste avant qu’elle n’achète le bien Blairmore, le 22 octobre 2010. Le transfert du bien Apple Valley a eu lieu le 8 novembre 2011.

 

[12]        Le 6 février 2011, l’appelante a signé un contrat de vente relativement au bien situé au 6 Gentry Way, lequel bien a fait l’objet d’un transfert le 18 octobre 2011.

 

[13]        Finalement, l’appelante a signé une offre de vente le 24 janvier 2011 pour le bien situé au 45 Education Road, dont le transfert a été effectué le 3 mai 2012.

 

[14]        Des remboursements ont été demandés et accordés relativement à tous les biens susmentionnés, y compris le premier bien, à savoir le bien Eastway.

 

[15]        L’appelante a témoigné à l’égard d’un certain nombre de choses, dont le fait que son époux et elle avaient tous les deux l’intention que le bien Blairmore serve de résidence habituelle pour eux, parce que le bien Eastway était devenu trop petit pour leur famille. Elle a également déclaré que le constructeur avait été avisé par écrit des préoccupations relatives à la sécurité qui avaient été relevées lors de l’inspection du bien Blairmore.

 

[16]        Toutefois, l’appelante n’a presque rien fait d’autre pour étayer les affirmations qu’elle avait faites et pour s’acquitter de la charge de la preuve, qui consiste à établir la preuve qui m’amènerait à conclure que certaines hypothèses essentielles émises par le ministre dans la réponse à l’avis d’appel sont erronées ou incomplètes.

 

[17]        L’appelante ne s’est pas acquittée de la charge de la preuve qui lui incombe en l’espèce. Elle aurait pu corroborer les énoncés qu’elle avait faits concernant les préoccupations relatives à la sécurité en produisant une copie du document écrit qu’elle affirme avoir envoyé au constructeur au moment de l’inspection. L’époux de l’appelante aurait pu être appelé comme témoin pour confirmer le témoignage de son épouse. Les parents de l’appelante auraient également pu être utiles à la Cour dans la détermination du but et de l’intention de l’appelante relativement au bien Blairmore.

 

[18]        Comme l’ancien juge en chef Bowman, de la Cour, l’a fait observer, au paragraphe 10 de la décision Coburn Realty Ltd. c La Reine, 2006 CCI 245, « […] [L]’utilisation réelle du bien constitue souvent la meilleure preuve du but de l’acquisition ». Ce n’est pas que la preuve présentée sous forme d’énoncés seulement par un appelant puisse ne pas être suffisante, mais il est toujours préférable qu’une preuve corroborante soit produite lorsqu’elle existe; des affirmations qui ne sont pas étayées par des éléments de preuve seront généralement insuffisantes pour l’emporter sur des hypothèses de fait lorsque la charge de la preuve incombe à l’appelant.

 

[19]        Lorsque je regarde les dates et les opérations concernant les cinq différents biens sur une très courte période, cela m’amène à la conclusion selon laquelle l’appelante se livre à une activité consistant à investir dans des biens, à tout le moins, et tout au plus, à ce que l’on appelle [traduction] « achat et revente » de biens.

 

[20]        Les actions de l’appelante permettent d’étayer l’existence d’antécédents en matière de placement et d’une stratégie de placement.

 

[21]        Il convient également de souligner que, juste avant de prendre possession du bien Blairmore et d’en acquérir le titre, l’appelante a présenté une offre d’achat du bien Apple Valley, lequel est finalement devenu sa résidence.

 

[22]        Entre le 22 octobre 2010 et le 17 mars 2011, période au cours de laquelle l’appelante était propriétaire du bien Blairmore, j’estime que le lieu de résidence habituelle de l’appelante aurait été le bien Eastway, où ses enfants avaient continué à résider et où, apparemment, l’essentiel des meubles était resté, ou le nouveau bien acquis, à savoir le bien Apple Valley.

 

[23]        Toutefois, là n’est pas la question dont je suis saisie, et la question de savoir si le bien Blairmore était un projet commercial ne se pose pas non plus en l’espèce. La question qui se pose est simplement de savoir si je crois l’appelante lorsqu’elle affirme que le bien Blairmore était la résidence habituelle de la famille durant la période susmentionnée, et je n’accepte pas qu’il y ait jamais eu l’intention de faire de ce bien la résidence habituelle de la famille. Il pourrait y avoir eu une brève et vague intention de la part de l’appelante, mais elle ne s’était jamais complètement concrétisée, en particulier eu égard à la signature de l’offre du 4 octobre concernant le bien Apple Valley.

 

[24]        Je demeure incertaine quant à ce que l’appelante entendait par ses explications selon lesquelles elle avait [traduction] « partiellement » emménagé. En effet, je ne dispose d’aucun élément de preuve selon lequel l’appelante et son époux ont, en réalité, jamais passé la nuit dans ce bien, et l’appelante a mentionné avoir seulement installé un ou plusieurs lits dans le bien ainsi que des rideaux. Ces actes ne font pas d’un bien une résidence habituelle.

 

[25]        Selon la preuve, la famille en tant qu’unité est habituellement restée établie, la plupart du temps, à sa résidence située sur Eastway. L’appelante a déclaré qu’elle avait mis en vente le bien Blairmore afin de [traduction] « tester le marché ». Cette déclaration, le fait de mettre le bien en vente aussi rapidement et la signature d’une offre d’achat du bien Apple Valley, sont tous des éléments qui illustrent que l’on est en présence d’un bien de placement et d’une stratégie de placement et n’étayent pas l’affirmation de l’appelante selon laquelle le bien Blairmore était une résidence habituelle.

 

[26]        Bien qu’il puisse y avoir, comme l’a souligné l’avocate de l’intimée, des circonstances atténuantes dont le tribunal peut tenir compte et qui peuvent faire obstacle à l’intention et au but du contribuable d’avoir le bien à titre de résidence habituelle, de telles circonstances n’existent pas en l’espèce. Je considère de telles circonstances atténuantes, qui sont absentes en l’espèce, comme étant celles sur lesquelles une personne n’a que peu de contrôle, voire aucun, telles que la perte d’un emploi, la maladie, la mort ou une réinstallation nécessaire.

 

[27]        Alors que je reconnais que les questions relatives à la sécurité des enfants constituent des préoccupations légitimes, j’estime aussi qu’il aurait été possible de renforcer la sécurité des trappes de grenier et d’une fenêtre basse d’une manière raisonnable, si la véritable intention de l’appelante avait été d’utiliser le bien Blairmore comme résidence habituelle de la famille.

 

[28]        Par conséquent, l’appel de l’appelante est rejeté, sans dépens, parce que je n’admets pas les affirmations de l’appelante selon lesquelles son intention était de faire du bien Blairmore sa résidence habituelle, compte tenu des éléments de preuve qui étayent une conclusion différente.

 

[29]        Tels sont les motifs que j’ai rendus dans l’appel de ce matin, et c’est ainsi que se terminent les travaux de la Cour aujourd’hui; les audiences reprendront demain à 10 h 30. Je vous remercie.

 

       Signé à Ottawa, Canada, ce 11e jour d’octobre 2013.

 

 

 

« Diane Campbell »

Juge Campbell

 

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 20jour de novembre 2013.

 

Espérance Mabushi, M.A. Trad. Jur.


RÉFÉRENCE :                                 2013 CCI 325

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :    2013-760(GST)I

                                                         

INTITULÉ :                                      ELANCHCHELVI SIVAKUMAR c.

                                                          SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 9 septembre 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT :             L’honorable juge Diane Campbell

 

DATE DU JUGEMENT 

RENDU ORALEMENT :                 Le 9 septembre 2013

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelante :

L’appelante elle‑même

Avocate de l’intimée :

Me Alicia Apostle

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelante :

      

            Nom :                                                      

 

            Cabinet :                              

 

       Pour l’intimée :                          William F. Pentney

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 

 

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