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Dossiers : 2013-2864(EI)

2013-2863(CPP)

ENTRE :

PAUL E. MALLON,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

____________________________________________________________________

Appels entendus le 8 janvier 2014, à Toronto (Ontario).

 

Devant : L’honorable juge Campbell J. Miller

 

Comparutions :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui‑même

Avocate de l’intimé :

MAlisa Apostle

 

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

 

Les appels interjetés au titre du paragraphe 103(1) de la Loi sur l’assurance‑emploi et de l’article 28 du Régime de pensions du Canada sont rejetés.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 14e jour de janvier 2014.

 

 

« Campbell J. Miller »

Juge C. Miller

 

Traduction certifiée conforme

ce 14e jour de février 2014.

 

Alya Kaddour‑Lord, traductrice


 

 

 

 

Référence : 2014 CCI 14

Date : 20140114

Dossiers : 2013-2864(EI),

2013-2863(CPP)

ENTRE :

PAUL E. MALLON,

appelant,

et

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge C. Miller

 

[1]             Depuis juillet 2011, M. Mallon occupe auprès de Honeycomb Worldwide Inc. (« Honeycomb ») un poste que je qualifierais de vendeur à la commission, avec le titre de directeur ou de vice‑président de l’expansion des affaires. Le gouvernement affirme que, du 5 juillet 2011 au 3 octobre 2012, M. Mallon était un employé de Honeycomb et qu’il occupait ainsi un emploi assurable et ouvrant droit à pension pour l’application de la Loi sur l’assurance‑emploi (la « Loi ») et du Régime de pensions du Canada (le « Régime »). M. Mallon soutient qu’il était un entrepreneur indépendant. D’où la sempiternelle question : qu’était-il?

 

[2]             J’ai entendu deux témoins : M. Mallon et le PDG de Honeycomb, M. John Hughes. Contrairement à ce qui est le cas dans de nombreuses affaires portant sur la même question, en l’espèce, M. Hughes, le représentant du payeur, et M. Mallon, l’entrepreneur indépendant ou l’employé, ont raconté la même histoire. Leur description du travail, de l’entente est du contrat était identique. J’ai trouvé cela très rafraîchissant.

 

[3]             Honeycomb est une entreprise spécialisée dans le domaine des médias numériques. Elle organise des séminaires sur Internet, ou webinaires, pour l’industrie de la biotechnologie. Pour réussir, l’entreprise a besoin tout à la fois d’un public et de commanditaires. Le travail de M. Mallon consistait à trouver des commanditaires, qui finançaient Honeycomb afin qu’elle commandite des webinaires, ce qui donnait à Honeycomb l’occasion de faire connaître ses services à des clients potentiels de l’industrie de la biotechnologie.

 

[4]             Avant de travailler pour Honeycomb, M. Mallon travaillait pour la chambre de commerce de Toronto. Alors que son contrat arrivait à son terme, il a répondu à une annonce publiée sur Craig’s List concernant un poste auprès de Honeycomb. Honeycomb avait besoin de quelqu’un pour élargir ses horizons commerciaux, et après quelques rencontres entre MM. Hughes et Mallon, rencontres à l’occasion desquelles M. Mallon a exprimé le désir d’avoir un statut d’entrepreneur indépendant, ceux-ci ont conclu une entente, l’entente de services. M. Mallon a déclaré qu’il s’était servi de son contrat avec la chambre de commerce, auquel il avait apporté quelques modifications mineures, pour son nouveau poste.

 

[5]             Le travail de M. Mallon consistait à solliciter des commandites. En 2011, M. Hughes et lui étaient les seuls à s’occuper de cet aspect de l’entreprise. Depuis, les services d’autres personnes ont été retenus dans le domaine de la vente, et à une exception près, elles ont été engagées aux termes d’un contrat d’emploi. L’autre particulier qui a commencé à travailler avec le statut d’entrepreneur indépendant est devenu un employé après que son statut a posé problème avec le gouvernement. Seul M. Mallon a poussé l’affaire plus loin.

 

[6]             Tous les membres de l’effectif des ventes étaient payés de la même manière; ils recevaient une rémunération de base, 2 000 $ par mois dans le cas de M. Mallon, à laquelle s’ajoutaient les commissions prévues à l’annexe A de l’entente de services. L’annexe A est ainsi rédigée :

 

[traduction]

 

À compter du 5 juillet 2011, Honeycomb versera des commissions à l’entrepreneur pour toutes les ventes de commandites effectuées par ce dernier selon les conditions suivantes :

 

         Du 5 juillet au 6 septembre 2011, au taux de 20 % du montant de la commandite.

 

         Par la suite, les commissions seront versées au taux de 10 % pour les ventes mensuelles totalisant jusqu’à 15 000 $ et au taux de 15 % pour la portion des ventes mensuelles excédant la somme de 15 000 $.

 

Les commissions seront versées le dernier jour de chaque mois, seulement sur les sommes d’argent reçues au cours du mois.

 

[7]             Quand M. Mallon a commencé à travailler pour Honeycomb, M. Hughes a consacré deux ou trois heures à le renseigner au sujet de l’entreprise, mais il a eu le sentiment que M. Mallon avait suffisamment d’expérience dans le domaine des ventes et qu’il n’avait pas besoin de lui donner davantage de formation. M. Mallon effectuait son travail à partir des bureaux de Honeycomb, en se servant des ordinateurs et du téléphone que l’entreprise lui fournissait. La plupart des clients se trouvaient en Europe ou aux États-Unis, de telle sorte qu’il ne faisait aucune présentation en personne. Les heures normales de bureau étaient de 8 h 30 à 17 h 30, et M. Mallon travaillait selon cet horaire la plupart du temps, bien qu’il lui arrivait souvent de travailler le samedi.

 

[8]             M. Mallon a déclaré que son rendement ne faisait l’objet d’aucune évaluation formelle, pas plus qu’il n’avait de congés officiels. Il a ajouté que, par politesse, il prévenait M. Hughes quand il allait s’absenter quelques jours. M. Mallon demandait conseil à M. Hughes quand il négociait des taux avec des clients. M. Mallon ne remettait pas de factures à Honeycomb, pas plus qu’il ne facturait la taxe sur les produits et services (la « TPS »). Il n’engageait jamais de remplaçant. S’il y avait un problème avec un client potentiel, il s’en occupait, mais par contre, s’il y avait un problème avec un client existant, il se pouvait que M. Hughes s’en mêle. M. Mallon a reconnu qu’en fin de compte, M. Hughes était le visage de Honeycomb.

 

[9]             M. Mallon a déclaré qu’il n’avait aucune dépense d’entreprise et qu’il tenait au statut d’entrepreneur indépendant simplement pour rester indépendant et garder la liberté de mettre fin à l’entente avec un court préavis.

 

[10]        M. Hughes a qualifié l’industrie de compétitive, ajoutant qu’il était courant pour les vendeurs de conclure des ententes en tant qu’entrepreneurs indépendants, et il a donc envisagé d’aller en ce sens quand M. Mallon lui a donné le choix, et ce, bien que le reste de l’effectif des ventes de Honeycomb ait été constitué d’employés. M. Hughes a demandé comment il se pouvait que la chambre de commerce de Toronto puisse conclure une telle entente alors que cela lui posait problème à lui, en tant que petite entreprise.

 

[11]        La question en litige en l’espèce fait ressortir ce qui se trouve souvent au cœur des questions de relation d’employeur à employé ou de client à entrepreneur indépendant, et c’est que les parties concernées croient qu’elles ont le choix d’adhérer à l’assurance-emploi (l’« AE ») ou de s’y soustraire. Si un travailleur souhaite avoir le statut d’entrepreneur indépendant, alors il obtient ce statut d’un trait de stylo, malgré le fait que tous les autres travailleurs occupant des postes similaires sont traités comme des employés, et malgré la véritable nature de l’entente de travail. Il ne s’agit pas d’une critique, vu que souvent cette entente de travail est tellement informelle que la frontière est floue entre une relation d’employeur à employé et une relation de client à entrepreneur indépendant, et qu’il suffit de peu de chose pour faire pencher la balance d’un côté ou de l’autre.

 

[12]        La question en litige en l’espèce illustre également combien il est dangereux de trop se fier à l’intention des parties pour définir la relation appropriée. Dans son récent arrêt 1392644 Ontario Inc. (Connor Homes) c Canada (Revenu national)[1], la Cour d’appel fédérale s’est efforcée de donner au critère de l’intention des parties la place qui lui revenait dans la hiérarchie déterminante. La Cour d’appel fédérale s’est ainsi exprimée:

 

[37]      […] on ne peut simplement laisser les parties décider à leur seul gré si elles sont liées par une relation d’employeur à employé ou de client à entrepreneur indépendant. La situation juridique d’entrepreneur indépendant ou d’employé ne se détermine donc pas seulement sur la base de l’intention déclarée des parties. Cette détermination doit aussi se fonder sur une réalité objective et vérifiable.

 

[…]

 

[39]      La première étape consiste à établir l’intention subjective de chacune des parties à la relation. On peut le faire soit d’après le contrat écrit qu’elles ont passé, soit d’après le comportement effectif de chacune d’elles, par exemple en examinant les factures des services rendus, et les points de savoir si la personne physique intéressée s’est enregistrée aux fins de la TPS et produit des déclarations d’impôt en tant que travailleur autonome.

 

[40]      La seconde étape consiste à établir si la réalité objective confirme l’intention subjective des parties. Comme le rappelait la juge Sharlow au paragraphe 9 de l’arrêt TBT Personnel Services Inc. c. Canada, 2011 CAF 256 (CanLII), 2011 CAF 256, 422 N.R. 366, « il est également nécessaire d’examiner les facteurs exposés dans Wiebe Door afin de déterminer si les faits concordent avec l’intention déclarée des parties ». Autrement dit, l’intention subjective des parties ne peut l’emporter sur la réalité de la relation telle qu’établie par les faits objectifs. À cette seconde étape, on peut aussi prendre en considération l’intention des parties, ainsi que les modalités du contrat, puisqu’elles influent sur leurs rapports. Ainsi qu’il est expliqué au paragraphe 64 de l’arrêt Royal Winnipeg Ballet, les facteurs applicables doivent être examinés « à la lumière de » l’intention des parties. Cela dit, cependant, la seconde étape est une analyse des faits pertinents aux fins d’établir si le critère des arrêts Wiebe Door et de Sagaz est, ou non, rempli, c’est‑à‑dire si la relation qu’ont nouée les parties est, sur le plan juridique, une relation de client à entrepreneur indépendant ou d’employeur à employé.

 

[41]      La question centrale à trancher reste celle de savoir si la personne recrutée pour assurer les services le fait, concrètement, en tant que personne travaillant à son compte. Comme l’expliquent aussi bien les arrêts Wiebe Door que Sagaz, aucun facteur particulier ne joue de rôle dominant, et il n’y a pas de formule fixe qu’on puisse appliquer, dans l’examen qui permet de répondre à cette question. Les facteurs à prendre en considération varient donc selon les faits de l’espèce. Néanmoins, les facteurs que spécifient les arrêts Wiebe Door et Sagaz  sont habituellement pertinents, ces facteurs étant le degré de contrôle exercé sur les activités du travailleur, ainsi que les points de savoir si ce dernier fournit lui‑même son outillage, engage ses assistants, gère et assume des risques financiers, et peut escompter un profit de l’exécution de ses tâches.

 

[13]        Je lis conjointement ces lignes directrices et les commentaires suivants, que la Cour d’appel fédérale a formulés dans l’arrêt Royal Winnipeg Ballet c M.R.N.[2] :

 

Je souligne, une fois de plus, que cela ne veut pas dire que les affirmations que font les parties quant à la nature juridique de leur contrat sont concluantes. Cela ne veut pas dire non plus que les déclarations que font les parties quant à leurs intentions doivent nécessairement amener le tribunal à conclure que leurs intentions ont été concrétisées. Pour paraphraser la juge Desjardins (au paragraphe 71 des motifs principaux de l’arrêt Wolf), lorsqu’il est prouvé que les modalités du contrat, examinées dans le contexte factuel approprié, ne reflètent pas la relation juridique que les parties affirment avoir souhaité établir, alors il ne faut pas tenir compte de leur intention déclarée.

[Non souligné dans l’original.]

 

[14]        Ainsi, il est possible de ne « pas tenir compte » de l’intention déclarée : « [l]a situation juridique d’entrepreneur indépendant ou d’employé ne se détermine donc pas seulement sur la base de l’intention déclarée des parties ». En toute déférence, transformer ce qui était une approche à un volet avant l’arrêt Royal Winnipeg Ballet en une approche à deux volets exigeant qu’on procède en deuxième lieu à une analyse de la situation à travers le « prisme » de l’intention semble donner une importance démesurée au critère de l’intention, lequel peut être si facilement manipulé sans tenir compte de la véritable nature de la relation de travail, mais plutôt dans le but de se soustraire aux retenues à la source. Je suis lié par l’approche que la Cour d’appel fédérale a adoptée, et c’est l’approche que j’adopterai, vu qu’il est manifeste en l’espèce que les actes de M. Mallon (ni facture, ni dépense d’entreprise, ni TPS) et les actes de Honeycomb (qui traitait tous les autres travailleurs occupant des postes similaires comme des employés) n’appuient pas l’intention exprimée seulement par des mots dans l’entente de services, selon laquelle les parties avaient l’intention d’instaurer une relation de client à entrepreneur indépendant. Il est par conséquent inutile d’aborder le second volet de l’analyse prismatique que la Cour d’appel fédérale a proposée pour établir si nous sommes en présence d’une relation de client à entrepreneur indépendant. Il convient d’étudier les critères traditionnels pour répondre à cette question simple : à qui appartient l’entreprise en cause?

 

[15]         Je dirais, en toute déférence, que l’approche à deux volets constitue un recul. Dans un premier temps, il s’agit d’établir quelle est la véritable nature de l’entente en ayant recours à l’analyse traditionnelle et, comme le juge Noël l’a reconnu dans l’arrêt Wolf c Canada[3], si la réponse n’est pas définitive, il faut alors tenir compte de l’intention mutuelle des parties. Ou peut-être considérer l’intention des parties au même titre que les critères traditionnels, comme le contrôle, la propriété des instruments de travail, les occasions de profit et les risques de pertes, en se limitant à une analyse à un seul volet. J’ai toujours été préoccupé par le fait qu’il n’a nullement été question de cet élément dans l’arrêt de principe que la Cour suprême du Canada a prononcé sur ce point (voir l’arrêt 1671122 Ontario Ltd. c Sagaz Industries Canada Inc.[4]); quoi qu’il en soit, notre analyse doit maintenant passer par le prisme de l’intention des parties. En tant que juges, nous nous efforçons de définir des critères, non seulement pour nous doter d’un cadre d’analyse utile, mais également pour donner des lignes directrices utiles aux contribuables, ou en l’occurrence, aux employeurs et aux travailleurs. Quand il s’agit de définir la nature d’une entente de travail, il convient de communiquer le message selon lequel les tribunaux examineront principalement les actes et les comportements constitutifs d’une relation et établiront à qui appartient l’entreprise en cause. En fait, ce sont les actes et les comportements qui définissent l’intention, et non l’inverse. L’intention de M. Mallon d’avoir le statut d’entrepreneur indépendant était, pour lui, synonyme de liberté de mettre fin à son contrat avec un court préavis. Il ne s’agit manifestement pas d’un élément de différenciation dans le contexte de l’analyse et il affaiblit toute valeur qu’on pourrait accorder à l’intention déclarée des parties. C’est avec prudence que je fais entrer l’intention des parties dans l’équation.

 

[16]        En l’espèce, je conclus qu’il n’existe qu’une seule entreprise et qu’elle appartient à Honeycomb. M. Mallon ne travaille pas à son propre compte. Je passerai maintenant en revue les critères pertinents qui me conduisent à cette conclusion.

 

i)       Le contrôle

 

[17]        Dans les ententes informelles, il est toujours difficile de reconnaître des éléments donnant à entendre qu’on était en présence d’une situation de contrôle ou d’une absence de contrôle. M. Mallon travaillait dans le même bureau que M. Hughes, au point que M. Hughes a laissé entendre que M. Mallon pourrait apprendre le métier par osmose. Il n’y avait certainement aucune évaluation formelle du rendement, mais il était tout aussi certain que M. Hughes était constamment présent. M. Mallon se conformait aux horaires de bureau de Honeycomb. Il a convenu qu’il était le seul en mesure de fournir les services en cause – pas de remplaçants. L’entente en tant que telle prévoyait que le contrat visait une [traduction] « période indéterminée », pendant laquelle M. Mallon était [traduction] « libre de fournir ses services à d’autres organismes », tout en s’engageant par ailleurs à consacrer [traduction] « toute son attention à la fourniture des services » prévus dans l’entente. Il ne pouvait pas fournir ses services ailleurs si cela entrait en conflit avec le travail qu’il accomplissait pour le compte de Honeycomb.

 

[18]        Les clients que M. Mallon contactait étaient les clients de Honeycomb, et le contrôle exercé sur les contrats conclus avec les clients et sur la gestion de ces clients relevait en définitive de M. Hughes.

 

[19]        Il ne s’agissait ni d’une entente donnant toute la latitude possible à M. Mallon ni d’une entente donnant lieu à un contrôle trop strict de la part de la gestion. M. Mallon travaillait en étroite collaboration avec M. Hughes dans un petit bureau, bureau dont M. Hughes était responsable. Je conclus que le critère de contrôle ne fait pas significativement pencher la balance d’un côté ou de l’autre.

 

ii)      La propriété de l’équipement

 

[20]        C’était Honeycomb qui fournissait tout l’équipement à M. Mallon, et compte tenu de la nature de l’entreprise, cela voulait dire l’équipement de bureau. L’examen de ce facteur milite en faveur de l’existence d’une relation d’employeur à employé.

 

iii)     Les occasions de profit

 

[21]        M. Mallon n’était pas uniquement payé à la commission. Il avait un revenu mensuel garanti de 2 000 $ et touchait des commissions en fonction de certains objectifs de vente. Il n’était pas le seul travailleur de Honeycomb à bénéficier de telles conditions. Tous les autres travailleurs avaient le statut d’employé. Une commission donne à entendre que plus on travaille et plus on conclut de ventes, plus le revenu sera élevé. Le fait d’être seulement payé à la commission donnerait davantage à penser qu’on est en présence d’une relation de client à entrepreneur indépendant; toutefois, le revenu mensuel garanti milite contre une telle conclusion. En outre, la vente de commandites serait limitée par un élément hors du contrôle de  M. Mallon, à savoir la capacité de Honeycomb à assurer la tenue des webinaires. Cela donne à entendre qu’il était possible que M. Mallon, à la différence d’un entrepreneur indépendant, n’ait pas eu de possibilités illimitées de profit. Cela me laisse croire qu’on était en présence d’une seule entreprise, et qu’il s’agissait de Honeycomb. Ce critère va dans le sens d’une conclusion selon laquelle on était en présence d’une relation d’employeur à employé.

 

iv)     Les risques de perte

 

[22]        Pour dire les choses simplement, M. Mallon n’en courait aucun. Il a admis qu’il n’avait aucune dépense d’entreprise. Il ne payait aucuns frais d’assurance, ni frais d’intérêts sur emprunts ni frais de déplacement. C’était Honeycomb qui assumait tous les frais. M. Mallon avait un revenu mensuel garanti. Cela me donne à entendre que M. Mallon ne courait aucun risque et qu’il se trouvait dans une relation d’employeur à employé.

 

v)      Les autres critères pertinents

 

[23]        M. Mallon n’a pas investi de capitaux en tant que tels dans sa propre entreprise.

 

[24]        Selon la prépondérance des probabilités, les critères traditionnels donnent à penser que Honeycomb et M. Mallon étaient liés par une relation d’employeur à employé. M. Hughes a demandé pourquoi la chambre de commerce de Toronto pouvait, elle, conclure des ententes client-entrepreneur indépendant. Malheureusement, je ne suis pas au fait de toutes les circonstances entourant les ententes conclues entre la chambre de commerce de Toronto et ses travailleurs, et je ne peux donc pas répondre à la question. En l’espèce, je rends des conclusions fondées sur des faits bien précis, lesquels ne sont pas susceptibles de donner lieu à des généralisations permettant de répondre aux préoccupations de M. Hughes.

 

[25]        Les appels sont rejetés.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 14e jour de janvier 2014.

 

 

« Campbell J. Miller »

Juge C. Miller

 

Traduction certifiée conforme

ce 14e jour de février 2014.

 

Alya Kaddour‑Lord, traductrice

 


RÉFÉRENCE :                                 2014 CCI 14

 

 

NOS DES DOSSIERS DE LA COUR :       2013-2864(EI), 2013-2863(CPP)

 

 

INTITULÉ :                                      Paul E. Mallon c. Le ministre du Revenu national

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                Toronto (Ontario)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 8 janvier 2014

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :             L’honorable juge Campbell J. Miller

 

 

DATE DU JUGEMENT :                 Le 14 janvier 2014

 

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui‑même

Avocate de l’intimé :

Me Alisa Apostle

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant :

 

                Nom :                                s.o.

 

               Cabinet :

 

       Pour l’intimé :                            William F. Pentney

                                                          Sous‑procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada



[1]           2013 CAF 85.

 

[2]               2006 CAF 87.

 

[3]           2002 D.T.C. 6853 (C.A.F.).

 

[4]           2001 CSC 59.

 

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