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Dossier : 2012-793(IT)G

 

ENTRE :

LEONARD ROSZKO,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

________________________________________________________________

Appel entendu le 7 février 2014, à Edmonton (Alberta).

 

Par : L'honorable juge Campbell J. Miller

 

Comparutions :

 

Avocat de l'appelant :

Me S. Dane ZoBell

Avocate de l'intimée :

Me Donna Tomljanovic

 

________________________________________________________________

 

JUGEMENT

 

          L'appel interjeté à l'encontre de la nouvelle cotisation établie au titre de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 2008 est accueilli, et la nouvelle cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant compte du fait que l'appelant n'a pas gagné de revenu d'intérêts de 156 000 $ en 2008.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 21e jour de février 2014.

 

 

« Campbell J. Miller »

Le juge C. Miller

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 3e jour de juin 2014.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 


 

 

 

 

Référence : 2014 CCI 59

Date : 20140221

Dossier : 2012-793(IT)G

 

ENTRE :

LEONARD ROSZKO,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Le juge C. Miller

 

[1]             En 2008, M. Roszko a reçu 156 000 $ de la société TransCap Corporation (la société « TransCap »). À l'insu de M. Roszko, la société TransCap avait orchestré une fraude pyramidale. La question que je dois trancher est de savoir si la somme de 156 000 $ représentait des intérêts reçus par M. Roszko dûment imposables à titre de revenu tiré d'une source ou si la somme en question était un remboursement de capital pour une partie des 800 000 $ que M. Roszko croyait avoir prêtés à la société TransCap.

 

[2]             Les parties ont présenté un exposé conjoint des faits qui est ainsi rédigé :

 

[TRADUCTION]

 

1.         Pendant toute la période pertinente, l'appelant était un particulier résidant au Canada, en Alberta, pour l'application de la Loi de l'impôt sur le revenu.

 

2.         De février 2006 à décembre 2007, l'appelant a fourni à la société TransCap une série de quatre versements totalisant 800 000 $.

 

3.         Pour chaque montant fourni à la société TransCap, l'appelant a reçu les documents suivants :

 

a)         pièce 1 – copies de l'annexe A de la société TransCap, « Document pour les prêteurs », et de l'annexe B, « Billet à ordre et avis de livraison pour des services de virement télégraphique », concernant les fonds de 100 000 $ de février/mars 2006;

 

b)         pièce 2 – copies de l'annexe A de la société TransCap, « Document pour les prêteurs », et de l'annexe B, « Billet à ordre et avis de livraison pour des services de virement télégraphique », concernant les fonds de 100 000 $ de mai/juin 2006;

 

c)         pièce 3 – copies de l'annexe A de la société TransCap, « Document pour les prêteurs », et de l'annexe B, « Billet à ordre et avis de livraison pour des services de virement télégraphique », concernant les fonds de 300 000 $ de janvier 2007;

 

d)         pièce 4 – copies de l'annexe A de la société TransCap, « Document pour les prêteurs », et de l'annexe B, « Billet à ordre et avis de livraison pour des services de virement télégraphique », concernant les fonds de 300 000 $ d'octobre 2007.

 

4.         Les annexes A, « Documents pour les prêteurs », et les annexes B, « Billets à ordre », qui se trouvent sous les cotes 1 à 4 ont été délivrées selon l'entente de prêt générale de T.C.C. Une copie de l'entente en question est en annexe sous la cote 5.

 

5.         En 2008, l'appelant a reçu un total de 156 000 $ de la société TransCap, réparti de la manière suivante :

 

i)          une somme mensuelle de 7 500 $, versée par chèque ou par dépôt direct;

 

ii)         une somme annuelle de 66 000 $, versée par chèque.

 

Les copies des chèques pour la période allant de mai 2008 à décembre 2008 sont en annexe sous la cote 6.

 

6.         L'appelant a déclaré les 156 000 $ reçus de la société TransCap dans sa déclaration de revenus des particuliers T1 pour 2008 en tant que revenus d'intérêts et a payé l'impôt fédéral et provincial à l'égard de cette somme.

 

7.         La société TransCap n'a jamais envoyé à l'appelant de feuillet T5, « État des revenus de placements », pour des fonds reçus de la société TransCap.

 

8.         La société TransCap a commis une fraude à l'égard d'investisseurs de l'Alberta, y compris l'appelant, contrevenant ainsi à la loi de l'Alberta intitulée Securities Act (Loi sur les valeurs mobilières), R.S.A. 2000, ch. S‑4. Des copies des décisions rendues par la Commission des valeurs mobilières de l'Alberta, à savoir Re TransCap Corporation, 2013 ABASC 201, et Re TransCap Corporation, 2013 ABASC 326, sont annexées à la présente sous la cote 7.

 

9.         Au total, la société TransCap a remis 408 000 $ à l'appelant de 2006 à 2009 inclusivement, de la manière suivante :

 

2006 :

22 500 $

2007 :

81 000 $

2008 :

156 000 $

2009 :

148 500 $

 

L'appelant a reçu les montants annuels au moyen de chèques mensuels ou par dépôts directs et, en 2008 et en 2009, il a reçu un montant plus important de 66 000 $. L'appelant n'a reçu aucun autre montant de la société TransCap.

 

10.       Le 6 décembre 2012, l'appelant a envoyé une lettre à la société TransCap dans laquelle il déclarait que tous les fonds reçus de celle‑ci étaient considérés comme un remboursement de capital. Une copie de cette lettre est en annexe sous la cote 8.

 

[3]             Toutes les pièces mentionnées dans l'exposé conjoint des faits n'ont pas été reproduites en annexe. Seules les pièces suivantes sont annexées à la présente :

 

Annexe A — Billet à ordre de 100 000 $ du 1er mars 2006 (le second billet à ordre de 100 000 $ est semblable au premier);

 

Annexe B — Billet à ordre de 300 000 $ du 18 janvier 2007 (le second billet à ordre de 300 000 $ est semblable au premier);

 

Annexe C — Extraits de l'entente de prêt générale.

 

[4]             Monsieur Roszko a témoigné et a donné des précisions sur certains faits susmentionnés. Il avait vendu la ferme familiale en 2006 et avait confié sa part du produit à une entreprise financière digne de confiance en Alberta. Toutefois, étant donné qu'il était préoccupé par les impôts découlant de la vente de la ferme, il avait assisté à une présentation donnée par la société TransCap à Edmonton, dans l'espoir qu'il recevrait des conseils utiles relativement à sa situation fiscale. Compte tenu des promesses faites par Blair Carmichael de la société TransCap, selon lesquelles il pouvait obtenir un rendement important du capital investi, de 18 % à 22 %, et après une rencontre ultérieure avec M. Carmichael, M. Roszko a plutôt décidé d'essayer un placement initial de 100 000 $. Comme cela ressort manifestement des annexes ci‑jointes, le montant a été accordé sous forme de prêt. M. Roszko a été amené à croire que la société TransCap achetait et vendait des marchandises en réalisant des profits importants pour obtenir des taux de rendement élevés.

 

[5]             Comme il avait reçu les paiements mensuels promis sur la première tranche de 100 000 $, M. Roszko a procédé à un placement supplémentaire de 100 000 $ et a reçu encore une fois les paiements mensuels promis. Il a ensuite fait les deux autres placements de 300 000 $, et a reçu des paiements de la société TransCap comme cela est énoncé au paragraphe 9 de l'exposé conjoint des faits.

 

[6]             En décembre 2009, après le décès accidentel de son fils, M. Roszko a demandé à la société TransCap de lui rembourser certains fonds afin qu'il puisse payer les frais funéraires. La manière dont sa demande a été refusée a éveillé des soupçons chez lui. Il a fait des demandes de renseignements qui ont finalement mené à une enquête effectuée par la Commission des valeurs mobilières de l'Alberta, qui a conclu que la société TransCap avait commis une fraude à l'égard d'investisseurs. La Commission des valeurs mobilières de l'Alberta[1] a fait les observations suivantes dans sa décision du 9 mai 2013 :

 

[TRADUCTION]

 

143      L'« acte prohibé » allégué par le personnel consistait, essentiellement, en de fausses déclarations, faites à des investisseurs de l'Alberta, selon lesquelles leur argent serait utilisé dans des activités de négociation d'obligations et de prêts‑relais, qui serviraient à payer les intérêts et à rembourser le capital relativement aux titres émis par la TCC et la STC, alors qu'en réalité, les paiements effectués aux investisseurs dans cette fraude pyramidale étaient financés par les fonds de souscription des investisseurs eux‑mêmes et des co‑investisseurs — une situation qui ne pouvait tenir que tant que les fonds de souscription pouvaient couvrir les paiements effectués.

 

La question en litige

 

[7]             La somme de 156 000 $ reçue par M. Roszko en 2008 de la société TransCap représente‑t‑elle un revenu d'intérêts au sens de l'alinéa 12(1)c) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi ») ou s'agit‑il d'un remboursement de capital?

 

Analyse

 

[8]             L'appelant soutient que la somme de 156 000 $ qu'il a reçue est un remboursement du capital prêté à la société TransCap et qu'elle n'est pas à inclure dans son revenu pour les deux raisons suivantes :

 

a)       Premièrement, l'appelant a conclu l'entente de prêt en se fondant sur de fausses déclarations frauduleuses. En tant que partie innocente, l'appelant a annulé l'entente de prêt, rendant ainsi le contrat nul ab initio et le privant de tout effet relativement à quelque paiement d'intérêts que ce soit. Subsidiairement, l'appelant soutient que le transfert de fonds qu'il a effectué à la société TransCap en l'absence de toute entente exécutoire, et sans contrepartie payable par la société TransCap, crée une fiducie par déduction. M. Roszko a, par conséquent, toujours conservé la propriété bénéficiaire des fonds qu'il avait avancés. La seule qualification possible du paiement fait à l'appelant est le transfert en sa faveur du titre juridique concernant des fonds dont il avait déjà la propriété bénéficiaire.

 

b)      Deuxièmement, l'entente de prêt même prévoit qu'en cas de fausse déclaration ou de violation de l'entente, le capital et les intérêts deviennent exigibles, sans demande. Par conséquent, il est raisonnable que l'appelant qualifie le montant reçu comme un remboursement de capital.

 

[9]             L'intimée se fonde sur les quatre contrats ainsi que sur l'entente de prêt générale pour soutenir que les 156 000 $ sont manifestement des intérêts au sens de l'alinéa 12(1)c) de la Loi, et que l'acte frauduleux n'empêche pas de conclure à l'existence d'intérêts provenant d'une source. L'intimée a tenu compte des facteurs énumérés dans la décision R. c. Cranswick[2] et s'est aussi fondée sur l'arrêt R. c. Johnson[3], rendu par la Cour d'appel fédérale, pour arriver à cette conclusion. L'intimée a également relevé trois exigences, selon les arrêts Perini c. La Reine[4] et R. c. Sherway Centre Ltd.[5], rendus par la Cour d'appel fédérale, qui, si elles sont respectées, font qu'un montant soit des intérêts :

 

a)       le montant a été versé en contrepartie de l'utilisation d'une somme d'argent par l'emprunteur;

 

b)      le montant pouvait être déterminé sur une base quotidienne;

 

c)       le montant se rapportait au capital impayé.

 

[10]        La distinction fondamentale entre la démarche de l'intimée et le premier argument avancé par l'appelant est que celui‑ci soutient que, juridiquement, il pouvait annuler le contrat et le rendre nul ab initio (ce qu'il a fait par lettre datée du 6 décembre 2012), alors que l'intimée affirme qu'il faut tenir compte des modalités du contrat, qui sont exécutoires et qui établissent le droit de M. Roszko à des revenus d'intérêts. En bref, l'intimée invoque le contrat, alors que l'appelant ne l'invoque pas.

 

[11]        Les parties soulèvent des arguments plutôt techniques qui portent sur le droit des contrats, le droit des créances et le droit fiscal. Je ne suis pas convaincu que la situation ait besoin d'être décortiquée d'une manière aussi technique. Dans l'arrêt Johnson, qui portait également sur une fraude pyramidale, la Cour d'appel fédérale a conclu qu'une fraude pyramidale pouvait effectivement être une source de revenus. Elle a confirmé que, comme dans cette affaire‑là, si l'investisseur reçoit finalement en retour plus qu'il n'a investi, par application des facteurs énoncés dans l'arrêt Cranswick, il y a effectivement une source de revenus.

 

[12]        Toutefois, les faits de l'affaire Johnson sont différents de ceux de l'affaire dont je suis saisi. Dans l'arrêt Johnson, la Cour d'appel fédérale a conclu que, selon le contrat, Mme Johnson avait simplement accepté d'investir de l'argent qui devait lui être remboursé « en versements multiples dont les montants et les dates [étaient] indiqués sur les chèques postdatés qu'il lui a[vait] remis en échange ». La Cour d'appel fédérale a ajouté les observations suivantes :

 

39.       Il se peut très bien que Mme Johnson ait cru que M. Lech allait utiliser les fonds pour tirer des bénéfices d'opérations sur options, parce que c'est ce qu'il lui avait dit qu'il ferait. Cependant, le dossier ne contient aucun élément de preuve sur le fondement duquel la juge pouvait raisonnablement conclure que M. Lech avait l'obligation contractuelle de générer des bénéfices pour Mme Johnson de cette manière ou d'une autre.

 

[...]

 

43.       [...] Hypothétiquement, si Mme Johnson avait fait ses paiements à M. Lech en sachant qu'il utiliserait les fonds pour diriger une fraude pyramidale, elle en aurait bénéficié exactement de la même manière qu'elle l'a fait durant les années en cause dans le présent appel [...]

 

[...]

 

49.       Cependant, le principe en vertu duquel M. Hammill ne pouvait pas réclamer d'allégement fiscal pour les pertes qu'il avait subies ne s'applique pas à la situation de Mme Johnson. Les faits sont totalement différents, non pas parce que Mme Johnson a tiré un bénéfice des opérations conclues avec M. Lech, mais parce que ses droits contractuels ont été respectés. D'un point de vue juridique, le fait que M. Lech ait utilisé les produits de sa fraude pyramidale illégale pour financer les bénéfices que le contrat l'obligeait à verser à Mme Johnson n'est pas pertinent quant à l'impact fiscal de leurs opérations.

 

[Non souligné dans l'original.]

 

[13]        Il existe des différences importantes entre la situation de Mme Johnson et celle de M. Roszko :

 

a)       l'entente conclue entre M. Roszko et la société TransCap stipulait comment les fonds devaient être investis;

 

b)      M. Roszko a été amené à croire que les fonds seraient investis comme convenu;

 

c)       les fonds n'ont pas été investis comme convenu, et les droits contractuels de M. Roszko n'ont pas été respectés; bien qu'il ait reçu un paiement de 156 000 $, la source de ce montant n'était pas celle qui avait été convenue;

 

d)      il a été admis que la société TransCap avait commis une fraude;

 

e)       la fraude a été décrite par la Commission des valeurs mobilières de l'Alberta au paragraphe 143 de sa décision précitée.

 

[14]        L'intimée a soutenu que je ne pouvais pas me fonder sur des faits soulevés dans la décision de la Commission des valeurs mobilières de l'Alberta qui ne sont pas établis en l'espèce. Bien que j'admette cette thèse générale, j'estime que la description de la fraude telle qu'elle est énoncée dans la citation qui précède, provenant du paragraphe 143, est la conclusion de droit de la Commission des valeurs mobilières de l'Alberta. Il n'est pas nécessaire que M. Roszko fasse témoigner les personnes qui ont commis la fraude au nom de la société TransCap pour qu'elles décrivent la fraude. La Commission des valeurs mobilières de l'Alberta s'en est chargée, et je suis disposé à me fonder sur la conclusion qu'elle a tirée.

 

[15]        Monsieur Roszko a été amené à croire, à tort, que les intérêts seraient financés par la société TransCap. Tel n'a pas été le cas. Le financement des paiements en question, décrits comme étant des intérêts, provenait des fonds de M. Roszko lui‑même et d'autres investisseurs. Ce n'est pas ce qui avait été convenu : ce ne sont pas des intérêts.

 

[16]        Si l'on applique l'analyse ci‑dessus à l'argument de l'intimée, j'estime qu'il y a un élément qui manque pour conclure à l'existence d'intérêts : la société TransCap n'a pas utilisé l'argent de M. Roszko comme elle s'y était contractuellement engagée — le paiement de 156 000 $ ne peut pas être considéré comme un paiement versé pour l'utilisation de l'argent. En fait, on peut même se demander si la société TransCap pouvait être considérée comme un « emprunteur » si elle a simplement pris l'argent de Pierre pour payer Paul : ce ne sont pas des intérêts, c'est un remboursement de capital. C'est seulement si l'investisseur reçoit un montant supérieur au capital, comme dans la situation de Mme Johnson, que nous pouvons nous poser la question de savoir si un tel profit constitue un revenu d'entreprise tiré d'une source.

 

[17]        En outre, dans l'arrêt Johnson, la Cour d'appel fédérale a ensuite établi une distinction entre l'affaire dont elle était saisie et l'affaire Hammill c. La Reine[6]. En examinant l'affaire Hammill, la Cour d'appel fédérale a formulé les observations suivantes :

 

48        [...] Cependant, il a été établi au moment du procès que M. Hammill avait été victime d'une fraude qui a débuté à partir du moment où on l'a contacté pour lui parler des bénéfices liés à l'achat et à la vente de pierres précieuses, et qui s'est poursuivie par les soi‑disant efforts des responsables pour les vendre. La Cour a confirmé que ses dépenses n'étaient pas déductibles, car elles ne se rapportaient à aucune source de revenu — ou, en d'autres termes, il n'y avait en fait pas d'entreprise même si M. Hammill croyait honnêtement le contraire. Le juge Noël, s'exprimant au nom de la Cour, a résumé comme suit sa conclusion au paragraphe 28 des motifs :

 

Une affaire qui s'avère frauduleuse du début à la fin (ou, si l'on veut, une « arnaque ») ne peut donner naissance à une source de revenu du point de vue de la victime, et donc ne peut être considérée comme une entreprise, quelque définition qu'on donne de ce terme.

 

[18]        La situation de M. Roszko, c'est‑à‑dire celle d'avoir été victime de fraude dès le début, est plus semblable à celle dans laquelle M. Hammill s'est retrouvé et, comme l'a confirmé le juge Noël, elle ne peut pas donner naissance à une source de revenu d'entreprise. Certes, en l'espèce, l'intimée ne fait pas valoir qu'il existe une source de revenu d'entreprise, mais une source de revenu tiré d'un bien sous la forme d'intérêts. Le principe, je crois, est le même : les prétendus intérêts sont une fraude dès le départ. Ils ne peuvent pas être considérés comme un revenu tiré d'un bien, mais plutôt comme un remboursement du capital jusqu'à concurrence des montants initiaux investis : seuls les remboursements excédentaires pourraient être considérés comme un revenu. Cette situation est très différente de celle de Mme Johnson où il y avait des surplus, et la cour a conclu que Mme Johnson avait conclu un contrat et que ses droits conférés par le contrat avaient été respectés. On n'a pas conclu à l'existence d'une fraude en tant que telle : Mme Johnson a reçu exactement ce qui était prévu dans le contrat qu'elle avait conclu.

 

[19]        Comme je suis arrivé à cette conclusion, j'estime qu'il n'est pas nécessaire de m'attaquer aux questions épineuses soulevées par l'appelant concernant les effets de l'annulation d'un contrat, le concept de la fiducie par déduction ou les conséquences de la violation continue d'un contrat. À mon avis, la question est plus simple : M. Roszko a été victime de fraude — le fait a été admis. Il a fait confiance à la société TransCap et a cru que celle‑ci investirait raisonnablement ses 800 000 $ de manière à obtenir un rendement important. Ce n'est pas ce que la société TransCap a fait. En réalité, la société TransCap a simplement donné à M. Roszko son propre argent ou celui d'autres investisseurs trompés. J'estime qu'il y a une distinction à faire entre le fait de gagner un revenu au moyen d'un acte frauduleux ou d'une activité illégale et le fait de conclure que le contrat en soi est une fraude. Dans le premier cas, il peut y avoir une source de revenus qui peut être imposable. Dans le deuxième cas, il n'y en a pas.

 

[20]        L'appel est accueilli et l'affaire est déférée au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant compte du fait que M. Roszko n'a pas gagné de revenu d'intérêts de 156 000 $ en 2008.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 21jour de février 2014.

 

 

« Campbell J. Miller »

Le juge C. Miller

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 3e jour de juin 2014.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur


ANNEXE A

 

[TRADUCTION]

 

 

 

 

 


ANNEXE B – BILLET À ORDRE

_____________________________________________________________

 

PRÊTEUR :

Len Roszko

EMPRUNTEUR :

TransCap Corporation

 

C.P. 1386

 

10 Discovery Ridge Heath S.O.

 

Mayerthorpe (Alberta)

T0E 1N0

 

Calgary (Alberta)

T3H 4Y2

 

Code d'opération : BJP0306‑LR100‑000C

 

Les présentes attestent que l'emprunteur doit au prêteur la somme de 100 000 dollars canadiens (le « capital »). Le présent billet à ordre est émis conformément à l'entente de prêt générale de T.C.C. et est également assujetti aux modalités suivantes :

 

1.       CAPITAL ET INTÉRÊTS : Constitué en vertu des lois de l'Alberta, au Canada, l'emprunteur, en échange de la contrepartie reçue, reconnaît par la présente entente qu'il a une dette envers le prêteur et promet de payer à celui‑ci le 28 février 2011, ou vers cette date, le capital plus les intérêts au taux de 1,5 % par mois, payables mensuellement à terme échu, tous les montants devant être affectés d'abord au paiement des intérêts et ensuite au remboursement du capital.

 

2.       RENONCIATION : La renonciation ou le consentement du prêteur ne prend effet que s'il est constaté par écrit et signé par un représentant autorisé du prêteur.

 

3.       AVIS : Tout avis peut être donné à l'emprunteur par courrier recommandé affranchi, envoyé à son adresse mentionnée dans les présentes, et tout avis ainsi donné est réputé avoir été dûment donné le lendemain du jour où l'enveloppe contenant l'avis a été déposée à un bureau de poste et envoyée par courrier recommandé affranchi. Malgré ce qui précède, l'avis donné à l'emprunteur qui précise le lieu du paiement ou la personne chargée de recevoir le paiement qui ne sont pas ceux mentionnés dans les présentes est réputé avoir été reçu par la société six jours après la date à laquelle cet avis a été envoyé par courrier recommandé.

 

4.       DROIT APPLICABLE : La présente entente est interprétée conformément aux lois de la province de l'Alberta, au Canada, et les parties aux présentes acceptent de manière irrévocable la compétence des tribunaux de la province de l'Alberta pour toutes les questions liées à la présente entente, à sa validité ou à son interprétation.

 

5.       SUCCESSEURS ET AYANTS DROIT : La présente entente s'applique aux parties ainsi qu'à leurs successeurs et ayants droit.

 

6.       NON NÉGOCIABLE ET NON TRANSFÉRABLE : Le présent billet à ordre n'est ni négociable ni transférable.

 

Fait le 1er mars 2006.

Signé au nom et pour le compte de TransCap Corporation

 

Par :  ______________________

          Dale E. St. Jean (président)

 


ANNEXE B

 

[TRADUCTION]

 

 

 

 

 


ANNEXE B – BILLET À ORDRE

_____________________________________________________________

 

PRÊTEUR :

Len Roszko

EMPRUNTEUR :

TransCap Corporation

 

C.P. 1386

 

10 Discovery Ridge Heath S.O.

 

Mayerthorpe (Alberta)

T0E 1N0

 

Calgary (Alberta)

T3H 4Y2

 

Code d'opération : SJB0207‑LR300‑000C

 

Les présentes attestent que l'emprunteur doit au prêteur la somme de 300 000 dollars canadiens (le « capital »). Le présent billet à ordre est émis conformément à l'entente de prêt générale de T.C.C. et est également assujetti aux modalités suivantes :

 

1.       CAPITAL ET INTÉRÊTS : Constitué en vertu des lois de l'Alberta, au Canada, l'emprunteur, en échange de la contrepartie reçue, reconnaît par la présente entente qu'il a une dette envers le prêteur et promet de payer à celui‑ci le 31 janvier 2012, ou vers cette date, le capital plus les intérêts au taux de 1,5 % par mois, payables mensuellement à terme échu, tous les montants devant être affectés d'abord au paiement des intérêts et ensuite au remboursement du capital.

 

2.       RENONCIATION : La renonciation ou le consentement du prêteur ne prend effet que s'il est constaté par écrit et signé par un représentant autorisé du prêteur.

 

3.       AVIS : Tout avis peut être donné à l'emprunteur par courrier recommandé affranchi, envoyé à son adresse mentionnée dans les présentes, et tout avis ainsi donné est réputé avoir été dûment donné le lendemain du jour où l'enveloppe contenant l'avis a été déposée à un bureau de poste et envoyée par courrier recommandé affranchi. Malgré ce qui précède, l'avis donné à l'emprunteur qui précise le lieu du paiement ou la personne chargée de recevoir le paiement qui ne sont pas ceux mentionnés dans les présentes est réputé avoir été reçu par la société six jours après la date à laquelle cet avis a été envoyé par courrier recommandé.

 

4.       DROIT APPLICABLE : La présente entente est interprétée conformément aux lois de la province de l'Alberta, au Canada, et les parties aux présentes acceptent de manière irrévocable la compétence des tribunaux de la province de l'Alberta pour toutes les questions liées à la présente entente, à sa validité ou à son interprétation.

 

5.       SUCCESSEURS ET AYANTS DROIT : La présente entente s'applique aux parties ainsi qu'à leurs successeurs et ayants droit.

 

6.       NON NÉGOCIABLE ET NON TRANSFÉRABLE : Le présent billet à ordre n'est ni négociable ni transférable.

 

Fait le 1er février 2007.

Signé au nom et pour le compte de TransCap Corporation

 

Par :  ______________________

          Dale E. St. Jean (président)

 


 

ANNEXE C

 

[TRADUCTION]

 

1.1     Le prêteur est la partie qui prête des fonds à l'emprunteur.

 

1.2     La dette de l'emprunteur envers le prêteur est, à tout moment, égale au montant global impayé tiré de tous les prêts et avances consentis par le prêteur à l'emprunteur en vertu de la présente entente et de tout intérêt ou gain en capital y afférent (la « dette »).

 

[...]

 

2.2     Le montant du prêt et tous les intérêts et gains en capital accumulés et impayés, et tout autre montant qui est dû et payable par l'emprunteur au prêteur, deviennent dans tous les cas exigibles à la date d'échéance du prêt, tel que cela a été convenu par le prêteur et l'emprunteur. Malgré toute autre disposition prévue à la présente, et en plus de toute autre disposition relative à l'échéance du paiement ou à l'exigibilité immédiate prévue à la présente, toutes les créances deviennent exigibles, sans demande, en cas de retard ou de défaut de paiement des intérêts ou des gains en capital.

 

[...]

 

3.3     Aux termes de déclarations et de garanties irrévocables faites à l'égard de diverses organisations et institutions et selon des dispositions particulières, les fonds prêtés ne peuvent servir qu'à la réalisation d'« opérations admissibles », soit les acquisitions d'actif uniquement lorsque TransCap a d'abord conclu des « contrats d'engagement à terme » avec des organisations et des institutions ayant la capacité financière de garantir l'achat de ces actifs à un prix et à une date prédéterminés, ce qui permettra à TransCap de tirer des profits de l'opération. Selon des modalités supplémentaires de la convention d'entiercement de TransCap, les fonds initialement prêtés ne peuvent être retournés qu'au prêteur et seulement à l'adresse initiale, à moins qu'un avis de modification soit reçu du prêteur.

 

[...]

 

5.1.2  Détenir les fonds prêtés dans le « compte d'entiercement de TransCap » et les gérer selon les conditions énoncées à l'article 3.3 de la présente.

 

5.1.3  Demeurer responsable de toute dette en souffrance si, pour quelque raison que ce soit, les fonds ne peuvent pas être recouvrés auprès du « compte d'entiercement de TransCap » et, en cas de défaut, acquitter intégralement la dette, et le prêteur a le droit de réclamer le paiement total de la dette.

 

[...]

 

7.1.2  En cas de non-respect de toute clause ou de toute modalité prévue à la présente entente;

 

[...]

 

 


RÉFÉRENCE :                                 2014 CCI 59

 

No DU DOSSIER DE LA COUR :    2012-793(IT)G

 

INTITULÉ :                                      LEONARD ROSZKO c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                 Edmonton (Alberta)

 

DATE DE L'AUDIENCE :               Le 7 février 2014

 

MOTIFS DU JUGEMENT :             L'honorable juge Campbell J. Miller

 

DATE DU JUGEMENT :                 Le 21 février 2014

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l'appelant :

Me S. Dane ZoBell

Avocate de l'intimée :

MDonna Tomljanovic

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

          Pour l'appelant :

 

          Nom :                             S. Dane ZoBell

          Cabinet :               Felesky Flynn LLP

 

          Pour l'intimée :     William F. Pentney

                                       Sous-procureur général du Canada

                                       Ottawa, Canada

 

 



[1]           TransCap Corporation, Re, 2013 ABASC 201.

 

[2]           [1982] 1 C.F. 813.

 

[3]           2012 CAF 253.

 

[4]           82 D.T.C. 6080.

 

[5]           [1998] 3 C.F. 36.

 

[6]           2005 CAF 252.

 

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