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Dossier : 2013-2513(it)i

ENTRE :

Christian Girard,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

____________________________________________________________________

Appel entendu le 5 février 2014, à Montréal (Québec).

 

Devant : L’honorable juge Lucie Lamarre

 

Comparutions :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocate de l'intimée :

Me Valerie Messore

 

____________________________________________________________________

 

JUGEMENT

          Les appels des cotisations établies par le ministre du Revenu national en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2007, 2008, 2009 et 2010 sont rejetés, selon les motifs de jugement ci-joints.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 10e jour d’avril 2014.

 

 

 

« Lucie Lamarre »

Juge Lamarre


 

 

 

Référence : 2014 CCI 107

Date : 20140410

Dossier : 2013-2513(it)i

ENTRE :

Christian Girard,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

La juge Lamarre

 

[1]             L’appelant en appelle de cotisations établies par le ministre du Revenu national (ministre) par lesquelles on lui refuse des dépenses d’entreprise, d’un montant de 6 000 $ par année, réclamées dans ses déclarations de revenus produites pour les années d’imposition 2007, 2008, 2009 et 2010. Des pénalités ont également été imposées en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu (LIR).

 

[2]             Bien que chacune de ces déclarations de revenus indique avoir été signée par l’appelant dans le courant du mois d’avril suivant l’année d’imposition pour laquelle elles ont été remplies, toutes ces déclarations n’auraient été reçues par l’Agence du revenu du Canada (ARC) qu’au mois de septembre 2011 (pièce I-1, onglets 1, 2, 3 et 4, page 4 de chacun de ces onglets).

 

[3]             Il ressort de ces déclarations que l’appelant a déclaré un revenu d’emploi de 19 999,92 $ pour chacune des années en cause (pour lesquelles un relevé T4 a été établi), sans mentionner aucune autre source de revenu. Les dépenses réclamées sont qualifiées de frais de gestion mensuelle, à raison de 1 000 $ par mois, dont l’appelant demande la moitié comme déduction.

 

[4]             L’appelant a expliqué qu’il habite sur une ferme située à Notre-Dame de Stanbridge, dans les Cantons de l'Est, dans la province de Québec. Cette ferme est exploitée par Ferme Pierre Girard Inc., société par actions constituée le 26 novembre 1987. Au cours des années en litige, l’appelant détenait la totalité des actions ordinaires et 20,56 pour 100 des actions privilégiées. Son père, Pierre Girard, détenait le restant des actions privilégiées, soit 79,44 pour 100 (pièce I-3).

 

[5]             L’appelant a tiré son revenu d’emploi de cette société. Sur la ferme, qui était une ferme laitière dans le passé, on cultivait du maïs et du soja et élevait du porc au cours des années en litige. Les produits de la ferme étaient vendus à des commerçants dans le marché public.

 

[6]             À la demande du ministre, en date du 2 décembre 2011, l’appelant a justifié les frais de gestion réclamés pour chacune des années en litige par des factures qu’il dit avoir lui-même adressées en tant qu’être humain à « Christian Girard, la personne juridique », à laquelle le gouvernement a attribué un numéro d’assurance sociale (NAS). Il s’agit de ses frais de subsistance, comprenant la nourriture, l’essence, le logement, les soins de santé et les déplacements (pièce I-1, onglets 5 et 6). Aucune pièce justificative n’y est annexée.

 

[7]             L’appelant prétend que chaque être humain est constitué d’une entité physique (la « personne naturelle ») et d’une entité juridique d’une autre nature (la « personne morale ») créée lorsqu’un NAS est attribué à l’être humain. Selon ses arguments, la personne naturelle est souveraine, c’est-à-dire qu’elle est libre et qu’elle n’a pas d’obligations, alors que la personne morale est un bien de l’État et est en conséquence soumise aux lois de l’État[1].

 

[8]             Par lettres datées du 23 février 2012 et du 26 mars 2012, l’ARC a avisé l’appelant qu’elle considérait que les documents soumis montraient un lien avec un stratagème connu et a refusé la déduction des dépenses réclamées, tout en avisant ce dernier qu’il serait assujetti à une pénalité (pièce I-1, onglets 7 et 8). Les cotisations ont été établies le 24 avril 2012 (pièce I-1, onglet 18).

 

[9]             À son opposition, reçue par l’ARC le 13 juillet 2012, l’appelant a joint une copie de son acte de naissance (pièce I-1, onglet 9) pour appuyer le fait qu’il est une personne morale qui a le droit de déduire ses dépenses d’entreprise. Il a également contesté les pénalités imposées aux termes du paragraphe 163(2) LIR au motif que sa conduite ne dénote pas une négligence grave.

 

[10]        Le 19 septembre 2012, l’appelant a fait parvenir à l’ARC de l’information supplémentaire dans laquelle il dit s’appuyer, entre autres, sur la Déclaration universelle des droits de l’homme (Universal Declaration of Human Rights) pour soutenir qu’il n’a aucune obligation d’accepter la personnalité juridique que l’État lui a donnée (entre autres par l’attribution de son NAS) au détriment de ses droits fondamentaux en tant qu’être humain. Je crois comprendre de son témoignage et de cette correspondance qu’il ne veut pas être considéré comme un sujet du Canada et de ce fait il ne se définit pas comme une personne juridique ayant des obligations envers la société, mais comme un être humain ayant des droits qui sont protégés par la Déclaration canadienne des droits (Canadian Bill of Rights) et la Charte canadienne des droits et libertés (pièce I-1, onglet 10).

 

[11]        Le 4 mars 2013, soit environ quinze mois après les premières demandes d’explications envoyées par l’ARC, et suite au refus de l’ARC de lui accorder la déduction des dépenses d’entreprise qu’il réclamait, l’appelant, en disant cette fois se prévaloir de ses droits ancestraux, exige de l’ARC « le respect de l’article 35 de la [C]onstitution, de la [P]roclamation royale et de [ses] droits ancestraux » (pièce I‑1, onglet 11). C’est à ce moment qu’il requiert de l’ARC une déclaration sous serment qui reconnaîtrait qu’en n’acceptant pas la déduction des dépenses d’entreprise qu’il réclame « pour le fonctionnement de la corporation Christian Girard [suivi de son NAS] », l’ARC l’empêche « de vivre décemment en le privant de tous les droits tel [sic] que décrit [sic] dans la [C]harte des droits et libertés du Canada, la [D]éclaration universelle des droits de l’homme ainsi que le [P]acte international relatif aux droits civils et politiques » (pièce I-1, onglet 11). Il réitère cette demande à trois reprises (voir lettres datées du 12 mars 2013, du 1er avril 2013 et du 17 avril 2013 produites sous la cote A-1, de même qu’à la pièce I-1, onglets 12, 14 et 15). Le 28 mars 2013, l’ARC a confirmé les cotisations (pièce I-1, onglet 13).

 

[12]        Le 14 mai 2013, l’appelant produit des déclarations de revenus modifiées en indiquant que toutes les informations requises, à l’exception de celles relatives au remboursement de l’impôt retenu à la source sur son revenu d’emploi, sont non applicables. Il y joint un « Certificat d’Origine Indigène » provenant de la société Mikinak. Selon la déclaration apparaissant sur ce certificat, l’appelant se déclare être d’origine aborigène (Indigène de l’Amérique du Nord, Amérindien). Cette déclaration a été signée par l’appelant devant deux témoins assermentés par un commissaire à l’assermentation, M. André Perreault (pièce I-1, onglet 16).

 

[13]        À l’audience, l’appelant a déclaré que cette déclaration avait été faite par suite de la confection de son arbre généalogique, dont il ne connaissait pas l’auteur. Il a plus tard fourni cet arbre à la demande de la Cour. L’auteure de cet arbre généalogique, Mme Thérèse Lachance, a affirmé par affidavit en date du 6 mars 2014 qu’elle n’avait jamais reçu de formation professionnelle pour effectuer des recherches généalogiques, que ses compétences se limitaient à indiquer si la personne qui était son client avait un ancêtre amérindien et qu’elle n’était pas affiliée à la société Mikinak.

 

[14]        L’intimée a mis en preuve un document du Registraire des entreprises du Québec (REQ) qui démontre que Mikinak est une société par actions constituée en vertu de la Loi canadienne sur les sociétés par actions (LCSA), dont l’actionnaire majoritaire est M. André Perreault (pièce I-4). À l’audience, l’appelant a reconnu que Mikinak n’était pas située sur une réserve indienne.

 

[15]        L’appelant a dit qu’il n’avait pas fait la demande auprès du ministère des Affaires autochtones et Développement du Nord Canada pour obtenir son statut d’Indien parce qu’il n’habitait pas sur une réserve ni dans un territoire amérindien. De plus, selon des cartes provenant du Secrétariat aux affaires autochtones du Québec et d’Affaires autochtones et Développement du Nord Canada, il semble clair que la ferme n’est pas située dans une région qui fait partie d’une nation autochtone (pièce I-2).

 

[16]        L’appelant a fait parvenir à la Cour, quelques jours avant l’audience, un ajout à l’avis d’appel. Il semble reprocher au ministre sa façon d’agir et reprend également les propos qu’il a formulés dans la documentation soumise en cour.

 

[17]        Je suis d’accord avec l’intimée que notre Cour n’est pas le forum approprié pour juger de la manière d’agir du ministre. Notre Cour tire sa compétence de la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt et celle-ci lui octroie le pouvoir de déterminer la validité de la cotisation et non du processus par lequel la cotisation a été établie (Main Rehabilitation Co. c. La Reine, 2004 CAF 403, paragraphes 7 et 8; Burrows c. La Reine, 2005 CCI 761, paragraphe 35).

 

[18]        L’appelant soulève en fait deux arguments.

 

 

1er argument

 

[19]        Le premier argument de l’appelant a trait à son droit de déduire ses frais de subsistance. Il a reconnu à l’audience que ces frais ne constituaient pas des dépenses qui sont déductibles aux termes de la LIR (alinéas 18(1)a) et h) ou paragraphe 8(2) de la LIR, selon que le contribuable déclare des revenus d’entreprise ou des revenus d’emploi).

 

[20]        L’argument de l’appelant se situe plutôt au-delà de la LIR. Il soutient qu’en lui refusant ses dépenses (et donc en appliquant la LIR), le ministre ignore ses droits en vertu de la Déclaration universelle des droits de l’homme, de la Déclaration canadienne des droits et de la Charte canadienne des droits et libertés, et le place dans un état d’esclavage et de servitude. Selon ce que je comprends, il soutient ne pas être assujetti aux lois instaurées par les différents paliers de gouvernement parce qu’il s’est fait imposer une personnalité juridique sans son consentement.

 

[21]        Ce qui est paradoxal dans l’argumentaire de l’appelant est qu’il ne se sent pas concerné par les lois canadiennes ou provinciales en ce qui a trait à ses obligations en tant que citoyen québécois ou canadien. Pourtant, il s’appuie également sur la Charte canadienne des droits et libertés et la Déclaration canadienne des droits, toutes deux instaurées par le Parlement canadien, pour faire appel à la reconnaissance de ses droits fondamentaux. De plus, il reconnaît que c’est par son adhésion à la société, entre autres en raison de l’octroi d’un numéro d’assurance maladie ou d’un NAS, qu’il retire le droit d’utiliser les soins de santé ou le privilège de conduire un véhicule et de circuler sur les routes : droit et privilège qui sont d’ailleurs financés par les différents paliers de gouvernement, et indirectement par les contribuables par le biais des impôts.

 

[22]        Sa thèse voulant qu’il faille faire une distinction, aux fins fiscales qui nous préoccupent ici, entre la personne juridique et l’être humain qu’il est ne peut être retenue. Tous les contribuables canadiens sont assujettis aux mêmes lois et la LIR n’y fait pas exception. Ce n’est pas un cas où l’on a le choix de décider d’y adhérer ou non. Dans la société démocratique qu’est le Canada, la loi est souveraine; il n’y a qu’une loi pour tous et la relation entre l’État et l’individu est régie par la loi (A. V. Dicey, Introduction to the Study of the Law of the Constitution, 10e éd., Macmillan & Co, Londres, 1959). Toutes les personnes sont égales en valeur et en dignité et ont droit à une égale protection de la loi. Les autorités gouvernementales ne peuvent exercer leur pouvoir avec arbitraire (Roncarelli c. Duplessis, [1959] R.C.S. 121; Charkaoui c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CSC 9, [2007] 1 R.C.S. 350, paragraphe 134) et les contribuables doivent respecter toutes les lois quelles que soient leurs convictions (Alberta c. Hutterian Brethren of Wilson Colony, 2009 CSC 37, [2009] 2 R. C. S. 567). Ce principe de la primauté du droit est reconnu de façon incontestable tant dans le préambule de la Loi constitutionnelle de 1867 que dans celui de la Loi constitutionnelle de 1982 (voir Renvoi relatif aux droits linguistiques au Manitoba, [1985] 1 R.C.S. 721, aux pages 750-751). L’appelant doit donc, en tant que citoyen et résident canadien, se conformer aux dispositions applicables de la LIR.

 

[23]        L’appelant fait valoir également qu’il ne peut être sujet qu’à la loi de Dieu et que le Canada est fondé sur des principes qui reconnaissent cette suprématie de Dieu (Ajout à l’avis d’appel, 28 janvier 2014, paragraphe 12). Il est vrai que le préambule de la Loi constitutionnelle de 1982 reconnaît la suprématie de Dieu, mais, comme l’a dit le juge Muldoon dans la décision O’Sullivan v. M.N.R « le préambule de la Charte fournit un outil important pour définir le Canada, mais la reconnaissance de la suprématie de Dieu dans la loi suprême du Canada ne fait qu'empêcher l'État canadien de devenir officiellement athée. Elle ne transforme pas le Canada en une théocratie du fait de la grande variété de croyances quant à la façon dont Dieu […] veut que ses fidèles se comportent en général et le vénèrent en particulier ». ([1992] 1 C.F. 522, page 536, (1991), 45 F.T.R. 284, 84 D.L.R. (4th) 124 (F.C.T.D.)).

 

[24]        L’appelant a témoigné à l’audience avoir trouvé l’argument de la personne double ou divisée en effectuant des recherches sur Internet et a dit qu’il n’a pas vérifié la validité de cet argument auprès d’un avocat ou d’un autre professionnel. Il prétend également qu’il n’a jamais parlé de cet argument avec des tiers. Cependant, quand on examine, par exemple, l’information supplémentaire qu’il a fait parvenir à l’ARC en date du 19 septembre 2012 (pièce I-1, onglet 10, page 6), on constate qu’il a fait signer ce document par deux témoins qui reprennent exactement le même style de signature que lui, soit la marque caractéristique du prénom suivi des deux-points et du nom de famille.

 

[25]        En l’espèce, l’on peut croire que l’appelant fait partie de ce que le juge en chef adjoint Rooke de la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta appelle les « Organized Pseudolegal Commercial Argument [OPCA] litigants » dans la décision Meads v. Meads, 2012 ABQB 571, [2013] 3 W.W.R. 419 :

 

-   L’appelant s’identifie comme « Christian : Girard » ou « Christian de la famille des Girard ». Or, « [a]ny litigant who uses this “dash colon”  motif almost certainly has some kind of OPCA background or affiliation » (voir paragraphe 206 de la décision Meads);

 

-   L’appelant a transmis une copie de son acte de naissance pour appuyer le fait qu’il est une personne morale. Or, « [a] person’s birth certificate is a focus of certain OPCA schemes » (voir paragraphe 230 de la décision Meads);

 

-   L’appelant a soutenu dans son argumentation que le Canada était une personne morale parce qu’il figurait sur le site de la Securities Exchange Commission des États-Unis et qu’en tant que citoyen canadien, il était lui aussi une personne morale. Or, « [i]dentification that a municipality, province, or Canada is a corporation is a clear indication of OPCA affiliation » (voir paragraphe 222 de la décision Meads);

 

-   L’appelant fait valoir qu’il a été créé par Dieu et qu’il ne peut être sujet qu’à la loi de Dieu. Or, si le plaideur croit être « only subject to a category of law, typically “natural law”, “common law” or “God’s law” », cela est une bonne indication qu’il s’agit d’un litige OPCA (voir paragraphe 221 de la décision Meads);

 

-   L’appelant utilise au soutien de son appel des lois inhabituelles en matière fiscale. Or, « [m]any OPCA documents mention certain obsolete, foreign, or typically otherwise irrelevant legislation » (voir paragraphe 228 de la décision Meads).

 

[26]        Maintes décisions ont systématiquement rejeté les arguments soulevés par les « OPCA litigants ». Par exemple, ma collègue la juge Campbell a statué qu’un tel « argument est sans fondement, il détourne l’attention des procédures judiciaires et est totalement dépourvu de sens » (Cassa c. La Reine, 2013 CCI 43, paragraphe 13). Elle a même considéré que cela constituait de l’abus de procédure : « De telles futilités nuisent à la disponibilité des ressources de la Cour pour les contribuables qui comparaissent en personne et qui s’efforcent honnêtement de faire valoir leurs appels dans le système judiciaire en temps opportun » (Cassa, paragraphe 14).

 

[27]        Je rejette donc le premier argument et considère que le ministre était tout à fait justifié de refuser la déduction des dépenses réclamées. Aucun contribuable ne peut déduire de ses revenus ses frais de subsistance.

 

 

2e argument

 

[28]        Le deuxième argument de l’appelant est qu’il n’est pas assujetti à l’impôt canadien puisqu’il serait exempté de taxation en tant qu’Indien. Cet argument n’a été soulevé par l’appelant que récemment.

 

[29]        Une somme peut effectivement être exonérée de l’impôt sur le revenu dans le cas d’un Indien aux termes de l’alinéa 81(1)a) de la LIR et de l’article 87 de la Loi sur les Indiens (LI), mais il y a des conditions. Ces dispositions législatives se lisent comme suit :

 

Loi de l’impôt sur le revenu

 

Sous-section g — Sommes exclues du calcul du revenu

 

81. (1) Sommes à exclure du revenu — Ne sont pas inclus dans le calcul du revenu d’un contribuable pour une année d’imposition :

 

a) Exemptions prévues par une autre loi [incluant celles prévues dans un accord avec les Indiens] — une somme exonérée de l’impôt sur le revenu par toute autre loi fédérale, autre qu’un montant reçu ou à recevoir par un particulier qui est exonéré en vertu d’une disposition d’une convention ou d’un accord fiscal conclu avec un autre pays et qui a force de loi au Canada;

 

Loi sur les Indiens

 

Taxation

 

87. (1) Biens exempts de taxation — Nonobstant toute autre loi fédérale ou provinciale, mais sous réserve de l’article 83 et de l’article 5 de la Loi sur la gestion financière des premières nations, les biens suivants sont exemptés de taxation :

a) le droit d’un Indien ou d’une bande sur une réserve ou des terres cédées;

b) les biens meubles d’un Indien ou d’une bande situés sur une réserve.

 

(2) Idem — Nul Indien ou bande n’est assujetti à une taxation concernant la propriété, l’occupation, la possession ou l’usage d’un bien mentionné aux alinéas (1)a) ou b) ni autrement soumis à une taxation quant à l’un de ces biens.

 

(3) Idem — Aucun impôt sur les successions, taxe d’héritage ou droit de succession n’est exigible à la mort d’un Indien en ce qui concerne un bien de cette nature ou la succession visant un tel bien, si ce dernier est transmis à un Indien, et il ne sera tenu compte d’aucun bien de cette nature en déterminant le droit payable, en vertu de la Loi fédérale sur les droits successoraux, chapitre 89 des Statuts revisés du Canada de 1952, ou l’impôt payable, en vertu de la Loi de l’impôt sur les biens transmis par décès, chapitre E-9 des Statuts revisés du Canada de 1970, sur d’autres biens transmis à un Indien ou à l’égard de ces autres biens.

 

[30]        Les revenus d’emploi et d’entreprise, entre autres, sont considérés comme des biens meubles au sens de la LI (Nowegijick c. la Reine, [1983] 1 R.C.S. 29) et sont donc exemptés de taxation s’ils sont situés sur une réserve.

 

[31]        Pour pouvoir invoquer l’exemption fiscale en vertu des alinéas 81(1)a) de la LIR et 87(1)b) de la LI, l’appelant doit d’abord prouver qu’il est un Indien aux termes de la LI. Ce terme est défini comme suit à l’article 2 de la LI :

 

2. (1) Définitions Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.

 

« Indien » Personne qui, conformément à la présente loi, est inscrite à titre d’Indien ou a droit de l’être.

 

[32]        Comme l’appelant n’a pas apporté de preuve qu’il était déjà une personne inscrite à titre d’Indien au registre des Indiens, on doit regarder si l’appelant a le droit d’y être inscrit. L’article 6 de la LI prévoit quelles sont les personnes qui ont le droit d’être inscrites au registre. Cet article est reproduit ci-après :

 

Définition et enregistrement des indiens

Registre des Indiens

 

[…]

 

6.   (1) Personnes ayant droit à l’inscription — Sous réserve de l’article 7, toute personne a le droit d’être inscrite dans les cas suivants :

a)   elle était inscrite ou avait le droit de l’être le 16 avril 1985;

b)   elle est membre d’un groupe de personnes déclaré par le gouverneur en conseil après le 16 avril 1985 être une bande pour l’application de la présente loi;

c)   son nom a été omis ou retranché du registre des Indiens ou, avant le 4 septembre 1951, d’une liste de bande, en vertu du sous-alinéa 12(1)a)(iv), de l’alinéa 12(1)b) ou du paragraphe 12(2) ou en vertu du sous-alinéa 12(1)a)(iii) conformément à une ordonnance prise en vertu du paragraphe 109(2), dans leur version antérieure au 17 avril 1985, ou en vertu de toute disposition antérieure de la présente loi portant sur le même sujet que celui d’une de ces dispositions;

c.1) elle remplit les conditions suivantes :

(i)           le nom de sa mère a été, en raison du mariage de celle-ci, omis ou retranché du registre des Indiens ou, avant le 4 septembre 1951, d’une liste de bande, en vertu de l’alinéa 12(1)b) ou en vertu du sous-alinéa 12(1)a)(iii) conformément à une ordonnance prise en vertu du paragraphe 109(2), dans leur version antérieure au 17 avril 1985, ou en vertu de toute disposition antérieure de la présente loi portant sur le même sujet que celui d’une de ces dispositions,

(ii)         son autre parent n’a pas le droit d’être inscrit ou, s’il est décédé, soit n’avait pas ce droit à la date de son décès, soit n’était pas un Indien à cette date dans le cas d’un décès survenu avant le 4 septembre 1951,

(iii)       elle est née à la date du mariage visé au sous-alinéa (i) ou après cette date et, à moins que ses parents se soient mariés avant le 17 avril 1985, est née avant cette dernière date,

(iv)       elle a eu ou a adopté, le 4 septembre 1951 ou après cette date, un enfant avec une personne qui, lors de la naissance ou de l’adoption, n’avait pas le droit d’être inscrite;

d)   son nom a été omis ou retranché du registre des Indiens ou, avant le 4 septembre 1951, d’une liste de bande, en vertu du sous-alinéa 12(1)a)(iii) conformément à une ordonnance prise en vertu du paragraphe 109(1), dans leur version antérieure au 17 avril 1985, ou en vertu de toute disposition antérieure de la présente loi portant sur le même sujet que celui d’une de ces dispositions;

e)   son nom a été omis ou retranché du registre des Indiens ou, avant le 4 septembre 1951, d’une liste de bande :

(i)           soit en vertu de l’article 13, dans sa version antérieure au 4 septembre 1951, ou en vertu de toute disposition antérieure de la présente loi portant sur le même sujet que celui de cet article,

(ii)         soit en vertu de l’article 111, dans sa version antérieure au 1er juillet 1920, ou en vertu de toute disposition antérieure de la présente loi portant sur le même sujet que celui de cet article;

f)    ses parents ont tous deux le droit d’être inscrits en vertu du présent article ou, s’ils sont décédés, avaient ce droit à la date de leur décès.

 

(2) Idem — Sous réserve de l’article 7, une personne a le droit d’être inscrite si l’un de ses parents a le droit d’être inscrit en vertu du paragraphe (1) ou, s’il est décédé, avait ce droit à la date de son décès.

 

(3) Présomption — Pour l’application de l’alinéa (1)f) et du paragraphe (2) :

a)   la personne qui est décédée avant le 17 avril 1985 mais qui avait le droit d’être inscrite à la date de son décès est réputée avoir le droit d’être inscrite en vertu de l’alinéa (1)a);

b)   la personne visée aux alinéas (1)c), d), e) ou f) ou au paragraphe (2) et qui est décédée avant le 17 avril 1985 est réputée avoir le droit d’être inscrite en vertu de ces dispositions;

c)   la personne visée à l’alinéa (1)c.1) et qui est décédée avant l’entrée en vigueur de cet alinéa est réputée avoir le droit d’être inscrite en vertu de celui-ci.

 

[33]        L’appelant a fourni récemment à la Cour une copie de son arbre généalogique et, suite à l’examen de cet arbre, il appert clairement que l’appelant n’est pas un Autochtone de première ou de deuxième génération, ce qui, à la lecture des paragraphes 6(1) et 6(2) de la LI, est une des conditions pour pouvoir être admissible à l’inscription au registre des Indiens. Comme l’appelant a également reconnu qu’il n’était pas déjà inscrit au registre, qu’il n’était pas membre d’une bande et qu’il est né après le 4 septembre 1951, l’appelant ne respecte pas les autres conditions qui pourraient faire en sorte qu’il soit admissible à l’inscription au registre des Indiens. Et même s’il l’était, comme l’appelant ne réside sur une réserve ni ne travaille pour une réserve, il ne possède pas de biens meubles situés sur une réserve, tel qu’il est requis par l’alinéa 87(1)b) LI (Bastien (Succession) c. Canada, 2011 CSC 38, [2011] 2 R.C.S. 710, paragraphe 62). Il ne peut donc bénéficier de l’exemption fiscale prévue à cet alinéa.

 

[34]        Finalement, bien qu’il ne l’ait pas exprimé clairement, l’appelant semble prétendre que les Autochtones bénéficient d’une immunité fiscale générale au Canada et que, dans la mesure où il se déclare d’origine aborigène, il peut en bénéficier lui aussi.

 

[35]        Il s’appuie dans son avis d’appel sur les décisions Daniels c. Canada (Affaires indiennes et du Nord canadien), 2013 CF 6, [2013] 2 R.C.F. 268 et R. c. Powley, 2003 CSC 43, [2003] 2 R.C.S. 207, en invoquant ses droits ancestraux, sans plus d’analyse.

 

[36]        Dans l’affaire Daniels, la Cour fédérale a conclu que, bien que les Métis soient des Indiens au sens du paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867 (qui confère au Parlement compétence exclusive pour faire des lois relativement à toutes les matières tombant dans la catégorie de sujets « les Indiens et les terres réservées aux Indiens »), ils n’en sont pas au sens de la LI (paragraphes 526, 545 et 600).

 

[37]        Le juge Phelan, dans l’affaire Daniels, citait l’ouvrage Constitutional Law of Canada du professeur Peter Hogg, au paragraphe 527 :

 

[traduction]

Les Indiens inscrits sont probablement tous des « Indiens » au sens du paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867. Mais il y a aussi de nombreuses personnes de culture et de sang indien qui sont exclues de la définition prévue par la loi. Ces « Indiens non inscrits », dont le nombre s’élève à environ 200 000, sont eux aussi incontestablement des « Indiens » au sens du paragraphe 91(24), et ce, même s’ils ne sont pas visés par la Loi sur les Indiens.

 

Les Métis, un peuple ayant vu le jour dans l’Ouest, des suites des mariages entre des hommes canadiens-français et des femmes indiennes à l’époque du commerce des fourrures, ont reçu des concessions de terres de « métis », au lieu d’un droit de vivre dans des réserves, et ont par conséquent été exclus du groupe auquel le statut d’Indien a été dévolu à l’origine. Cependant, ils sont probablement des Indiens au sens du paragraphe 91(24) […]

 

[Peter W. Hogg, Constitutional Law of Canada, 5e éd., Toronto, Carswell, 2007 à la page 28-4].

                                                                                               [Je souligne.]

 

[38]        Ceci ne fait que confirmer qu’un Indien au sens du paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867 n’est pas un Indien au sens de la LI s’il n’est pas inscrit au registre des Indiens ou n’a pas droit de l’être. Si une personne n’est pas un Indien au sens de la LI, elle ne peut bénéficier de l’exemption fiscale, ce qui est le cas de l’appelant.

 

[39]        Quant à l’arrêt Powley, la Cour suprême du Canada déterminait dans cette affaire une méthode pour définir un Métis aux fins de l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, et, dans ce cadre, a reconnu un droit de chasse ancestral aux Métis de Sault Ste. Marie pour leur permettre de se nourrir.

 

[40]        Le simple fait de se fonder sur l’arrêt Powley pour confirmer l’existence d’une communauté métisse est insuffisant pour prouver un quelconque droit général à l’autonomie gouvernementale et encore moins un quelconque droit plus précis et identifiable (Gauthier c. Canada, 2006 CCI 290, [2006] A.C.I. no 218 (QL), paragraphe 24). Par ailleurs, l’appelant n’a fait la preuve d’aucun traité lui permettant de réclamer une exemption fiscale visant les Autochtones (voir Benoit c. Canada, 2003 CAF 236, [2003] A.C.F. no 923 (QL)).

 

[41]        Dans l’affaire Sackaney c. La Reine, 2013 CCI 303, on faisait valoir que la Couronne n’avait pas compétence pour assujettir les Autochtones à l’impôt sur le revenu au motif que ceux-ci n’avaient jamais accepté d’en payer et n’avaient pas été préalablement consultés sur la question. Le juge Paris de notre Cour s’exprimait ainsi aux paragraphes 12 à 22 :

 

12        La position des appelantes équivaut à nier la souveraineté de la Couronne sur les peuples autochtones en matière fiscale. L'opinion contraire, à savoir que les Autochtones sont assujettis aux dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu, découle du fait de la souveraineté du Canada sur les peuples autochtones vivant au Canada. Dans l'arrêt Nowegijick c La Reine, [1983] 1 R.C.S. 29, le juge Dickson écrit, au paragraphe 24 :

 

Les Indiens possèdent la citoyenneté canadienne et, dans les affaires qui ne sont régies ni par des traités ni par la Loi sur les Indiens, ils ont les mêmes responsabilités, dont le paiement d'impôts, que les autres citoyens canadiens.

 

13        Dans le même ordre d'idées, dans l'arrêt R c Sparrow, [1990] 1 R.C.S. 1075, la Cour suprême décrète, à la page 1103 :

 

Il convient de rappeler que bien que la politique britannique envers la population autochtone fût fondée sur le respect de leur droit d'occuper leurs terres ancestrales, comme en faisait foi la Proclamation royale de 1763, dès le départ, on n'a jamais douté que la souveraineté et la compétence législative, et même le titre sous-jacent, à l'égard de ces terres revenaient à Sa Majesté [...].

 

                                                            [Non souligné dans l'original.]

 

14        Au vu de ces affirmations de la Cour suprême, il est évident que la revendication des appelantes quant à l'existence d'un droit ancestral inhérent à l'immunité fiscale, découlant de la prétention selon laquelle les Autochtones n'ont pas accepté de payer de l'impôt et n'ont pas été consultés sur la question, est incompatible avec la souveraineté de la Couronne sur le territoire canadien.

 

15                Cette revendication de l'existence d'un droit ancestral inhérent à l'immunité fiscale n'étant pas fondée, il est évident que les arguments qu'invoquent les appelantes à propos de l'article 25 de la Charte et du paragraphe 35(1) de la Loi constitutionnelle de 1982 ne sauraient être accueillis.

 

16                La Charte indique, à l'article 25 :

 

25.   Le fait que la présente charte garantit certains droits et libertés ne porte pas atteinte aux droits ou libertés -- ancestraux, issus de traités ou autres -- des peuples autochtones du Canada, notamment :

 

a)   aux droits ou libertés reconnus par la proclamation royale du 7 octobre 1763;

b)   aux droits ou libertés existants issus d'accords sur des revendications territoriales ou ceux susceptibles d'être ainsi acquis.

 

17                Et, au paragraphe 35(1) :

 

35(1).   Les droits existants -- ancestraux ou issus de traités -- des peuples autochtones du Canada sont reconnus et confirmés.

 

18                Dans l’arrêt Mitchell c M.R.N., 2001 CSC 33, la juge en chef McLachlin explique que l’adoption du paragraphe 35(1) de la Loi constitutionnelle de 1982 a eu pour effet de conférer un statut constitutionnel aux droits ancestraux et issus de traités de common law existants.

 

19                Il est clair aussi que les droits ancestraux que protège l’article 25 de la Charte sont ceux reconnus par la proclamation royale ou ceux issus d’accords sur des revendications territoriales à l’époque où la Loi constitutionnelle de 1982 est entrée en vigueur ou les droits ainsi acquis par la suite. Dans l’arrêt R. c Kapp, 2008 CSC 41, la juge en chef McLachlin, s’exprimant au nom des juges majoritaires, décrète que « les droits des Autochtones ou les programmes destinés à ceux-ci ne sont pas tous visés par cette disposition » et que « seuls les droits de nature constitutionnelle sont susceptibles de bénéficier de la protection de l’art. 25. »

 

20                Étant donné que les appelantes n’ont exposé aucun fait qui étayerait la conclusion selon laquelle les peuples autochtones du Canada bénéficiaient de l’immunité fiscale avant l’entrée en vigueur de l’article 25 de la Charte et du paragraphe 35(1) de la Loi constitutionnelle de 1982 et que les appelantes ne font mention d’aucun accord sur une revendication territoriale dans leurs actes de procédure, rien ne permet de conclure que l’on a enfreint ces dispositions en assujettissant un Autochtone à l’impôt sur le revenu.

 

21                Même si les appelantes avaient plaidé des faits montrant que les Autochtones bénéficiaient de l’immunité fiscale à un moment quelconque avant 1982, il est évident que ces droits se seraient éteints au moment où l’impôt sur le revenu a été imposé en 1917 à « toute personne ayant son domicile ou son domicile habituel au Canada » : Loi de l’impôt de guerre sur le revenu, 1917, S.C. 1917, ch. 28, paragraphe 4(1). Dans Mitchell, la juge en chef McLachlin explique qu’avant 1982 la Couronne pouvait abroger unilatéralement des droits ancestraux :

 

10 […] les intérêts et les lois coutumières autochtones étaient présumés survivre à l’affirmation de souveraineté, et ont été incorporés dans la common law en tant que droits, sauf si : (1) ils étaient incompatibles avec l’affirmation de la souveraineté de la Couronne; (2) ils avaient été cédés volontairement par traité; ou (3) le gouvernement les avait éteints […].

 

22                Enfin, les appelantes n’ont allégué aucun fait susceptible d’étayer l’existence d’un droit issu de traités, par opposition à un droit ancestral inhérent, à l’immunité fiscale.

 

[42]        Comme dans l’affaire Sackaney, et tel qu’il est mentionné plus haut, l’appelant n’a exposé aucun fait qui étayerait la conclusion selon laquelle les peuples autochtones du Canada bénéficiaient de l’immunité fiscale avant l’entrée en vigueur de l’article 25 de la Charte et du paragraphe 35(1) de la Loi constitutionnelle de 1982 — que ce soit en vertu d’un droit ancestral, d’un droit issu de traités ou d’un accord sur une revendication territoriale — et selon laquelle l’on a enfreint ces dispositions en assujettissant les Autochtones à l’impôt sur le revenu.

 

[43]        Je rejette donc le deuxième argument de l’appelant.

 

 

Pénalité

 

[44]        Quant à la pénalité imposée pour faute lourde aux termes du paragraphe 163(2) de la LIR, elle sera appliquée si l’intimée démontre que le contribuable a fait sciemment ou dans des circonstances qui justifient l’imputation d’une faute lourde un faux énoncé dans une déclaration. « La « faute lourde » doit être interprétée comme un cas de négligence plus grave qu’un simple défaut de prudence raisonnable. Il doit y avoir un degré important de négligence qui corresponde à une action délibérée, une indifférence au respect de la Loi » (Venne c. Canada (M.R.N.), [1984] A.C.F. no 314 (QL)).

 

[45]        Mon collègue le juge Favreau a eu à décider, par le passé, de l’application de la pénalité en vertu du paragraphe 163(2) LIR dans un cas (Robert c. La Reine, 2011 CCI 166, 2011 DTC 1133) comme celui de l’appelant, et voici ce qu’il a conclu :

 

16        Les tribunaux ont souvent eu l'occasion de se prononcer sur l'interprétation à donner au paragraphe 163(2) de la Loi. Comme il s'agit d'une disposition de nature pénale, les tribunaux ont souvent appliqué une interprétation restrictive de cette disposition législative. Dans les cas où une interprétation raisonnable permettrait d'éviter l'imposition de ladite pénalité dans une situation particulière, c'est cette interprétation qui doit prévaloir (voir à l'arrêt Venne précité au paragraphe 34)[2].

 

17        Dans le présent cas, je ne crois pas que l'interprétation fournie par l'appelant soit raisonnable dans les circonstances. À mon avis, le ministre a rencontré son fardeau de la preuve et a établi sans ambiguïté que l'appelant a, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, participé à la production d'une fausse réclamation de dépenses d'entreprise dans sa déclaration de revenu pour l'année d'imposition 2000.

 

18        Le témoignage de l’appelant n’était pas crédible, il ne savait rien du fonctionnement et des tâches de la corporation RICHARD ROBERT et il était confus quant à savoir qui était le contribuable, la corporation ou lui-même en tant que personne humaine. Il ne savait pas si des transferts de fonds ont été effectués entre la corporation qui lui a été assignée et dont il était l’animateur et lui-même en tant que personne humaine.

 

19        Selon ce qui a été mis en preuve, la corporation RICHARD ROBERT n’a jamais été enregistrée officiellement au Québec ou au Canada et le numéro utilisé pour l’identifier est celui du certificat de naissance de l’appelant. Ladite corporation semble avoir surgi 63 ans après l’assignation à l’appelant lors de sa naissance. Ladite corporation n’a jamais produit de déclaration de revenu T-2 et le semblant de comptabilité utilisée n’était qu’une comptabilité interne et théorique. La corporation n’a jamais exploitée [sic] d’entreprise et elle n’a jamais gagné de revenus; elle n’avait que des dépenses.

 

20        Les documents d’ordre corporatif mis en preuve, décrits au paragraphe 11 ci-dessus, ont tous été préparés par le conseiller de l’appelant, Christian LaChapelle. Ces documents sont tous datés du 18 novembre 2008 mais ils devaient s’appliquer rétroactivement à l’année 2000. Ces documents constituent ni plus ni moins de la planification rétroactive présentée dans le but de diminuer les impôts et les intérêts payables par l’appelant depuis l’année 2000. Ces documents démontrent que l’appelant a utilisé un montage fictif n’ayant aucun fondement légal. L’existence d’une entreprise par défaut n’a aucun fondement en droit.

 

21        Les dépenses réclamées par l’appelant n’ont pas été engagées dans le but de gagner du revenu. Ces dépenses sont des frais personnels et de subsistance à l’égard desquels aucune déduction ne peut être réclamée en vertu de l’alinéa 18(1)h) de la Loi

 

[46]        Dans le présent cas, je ne crois pas non plus que l’interprétation fournie par l’appelant soit raisonnable dans les circonstances. À mon avis, le ministre a fait la preuve que l’appelant a, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, fait des fausses réclamations de dépenses d’entreprise dans ses déclarations de revenus pour les années 2007 à 2010 et qu’il a également volontairement indiqué la mauvaise date de signature dans ses déclarations.

 

[47]        En l’espèce, je crois que, comme le prétend l’intimée, l’appelant a choisi de croire ce qui lui convenait à partir de ses recherches sur Internet, afin de se soustraire à ses obligations fiscales. L’intimée ajoute que, si l’appelant avait effectué des recherches sur le site web de l’ARC, il aurait appris qu’il n’était pas en droit de déduire ses frais de subsistance et qu’il ne pouvait posséder le statut d’Indien au sens de la LI.

 

[48]        J’estime que les arguments présentés par l’appelant n’avaient aucun fondement juridique et qu’il a agi avec aveuglement volontaire (la faute lourde peut découler de l’aveuglement de son auteur selon les arrêts P.G. du Canada c. Villeneuve, 2004 CAF 20, 2004 DTC 6077, et Panini c. La Reine, 2006 CAF 224). Il n’a pas remis en question ce qu’il a lu sur Internet et n’a consulté personne pour l’éclairer à ce sujet. Sa façon délibérée d’agir dans les circonstances dénote une négligence plus grave qu’un simple défaut de prudence raisonnable.

 

[49]        Pour toutes ces raisons, je considère donc que l’imposition de la pénalité pour faute lourde à l’appelant était justifiée dans les circonstances. L’appel est rejeté et les cotisations demeurent inchangées.

 

Signé à Ottawa, Canada, ce 10e jour d’avril 2014.

 

 

« Lucie Lamarre »

Juge Lamarre


RÉFÉRENCE :                                 2014 CCI 107

 

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :    2013-2513(it)i

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :            Christian Girard c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 5 février 2014

 

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :     L’honorable juge Lucie Lamarre

 

DATE DU JUGEMENT :                 Le 10 avril 2014

 

COMPARUTIONS :

 

Pour l’appelant :

L’appelant lui-même

Avocate de l’intimée :

Me Valerie Messore

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

 

       Pour l’appelant:

 

                     Nom :                          

 

                 Cabinet :

 

       Pour l’intimée :                          William F. Pentney

                                                          Sous-procureur général du Canada

                                                          Ottawa, Canada

 



[1]           Il est à noter à ce propos que la juge Sheridan, de notre Cour, faisait remarquer dans une cause similaire que « [c]omme par hasard, tous les revenus gagnés par l’être humain sont attribués à la personne naturelle, alors que toutes les obligations fiscales en découlant sont imposées exclusivement à son alter ego juridique » (Kion c. La Reine, 2009 CCI 447, paragraphe 3).

[2]           Voir également (Farm Business Consultants Inc. c. Canada, [1994] A.C.I. no 760 (QL), [1994] 2 C.T.C. 2450).

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