Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Dossier : 2011-1810(IT)G

ENTRE :

HENCO INDUSTRIES LIMITED,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Appel entendu le 31 mars, du 1er au 4 avril et les 7 et 9 avril 2014 à Toronto (Ontario)

Devant : L’honorable juge Campbell J. Miller


Comparutions :

 

Avocats de l’appelante :

Mes Geoffrey Shaw et Eric Mayzel

Avocats de l’intimée :

Mes Samantha Hurst et Christian Cheong

 

JUGEMENT

          L’appel relatif à la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2007 est accueilli et la nouvelle cotisation est renvoyée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation, étant entendu que :

a)     la somme de 15 800 000 $ que Henco a reçue de l’Ontario était une rentrée de capital non imposable;

b)    la somme de 650 000 $ que Henco a reçue de l’Ontario était un gain fortuit non imposable;

c)     la juste valeur marchande du terrain Seneca était de 800 000 $ et le paiement était imputable au revenu;

d)    la juste valeur marchande du terrain Morrison était de 1 400 000 $, conformément à l’évaluation.

Si les parties souhaitent traiter des dépens, elles sont priées de le faire dans des observations écrites qu’elles déposeront auprès de la Cour dans les 30 jours suivant la date du présent jugement, à défaut de quoi les dépens seront adjugés à l’appelante conformément au tarif de la Cour.

Signé à Ottawa, Canada, ce 9e jour de juin 2014.

« Campbell J. Miller »

Juge C. Miller

 

Traduction certifiée conforme

ce 2e jour de décembre 2014.

 

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste


Référence : 2014 CCI 192

Date : 20140609

Dossier : 2011-1810(IT)G

ENTRE :

HENCO INDUSTRIES LIMITED,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]


MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge C. Miller

[1]             Ceci est l’histoire d’un promoteur immobilier, la société Henco Industries Limited (« Henco »), qui – indépendamment de sa volonté – n’a pas pu faire de promotion immobilière. En 2006, une situation explosive à Caledonia, en Ontario, dont des barrages dressés par des manifestants des Six Nations (l’« occupation »), la réticence de la Police provinciale de l’Ontario à démanteler les barrages et le rezonage, par le gouvernement de l’Ontario, d’un terrain dont elle était propriétaire, ont fait en sorte que Henco s’est vu empêchée d’exploiter le terrain appelé Douglas Creek Estates (« terrain DCE »). Henco a finalement accepté une somme de 15 800 000 $ du gouvernement de l’Ontario pour se départir de la totalité de ses droits et intérêts à l’égard du terrain DCE. C’est l’imposition de cette somme qui est principalement en litige.

[2]             Aux dires de l’intimée, la somme de 15 800 000 $ était une contrepartie, soit pour l’intérêt de Henco à l’égard du terrain DCE, qui était un élément d’inventaire, soit pour l’entreprise de Henco, et cette somme, dans l’un ou l’autre cas, est entièrement imposable à titre de revenu. Selon Henco, le terrain DCE était sans valeur et la somme de 15 800 000 $ était un paiement fait par le gouvernement de l’Ontario pour régler une situation potentiellement catastrophique en mettant fin à l’anarchie causée par l’occupation : un paiement au titre du capital en vue d’indemniser Henco pour la destruction de son entreprise. Le paiement étant imputable au capital, l’appelant fait donc valoir qu’il ne peut que tomber sous le coup des règles régissant les immobilisations admissibles qui sont énoncées à l’article 14 de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »). Toutefois, l’application de cette disposition n’englobe pas le montant et, de ce fait, il s’agit d’une non‑valeur imposable. La principale question en litige est la question de savoir si le paiement de 15 800 000 $ est imputable au revenu ou au capital et, s’il est imputable au capital, s’il s’agit d’un montant en immobilisations admissible ou d’une rentrée de capital non imposable.

[3]             Il y a trois autres questions qui opposent les parties :

                   i.     si un paiement de 650 000 $ que le gouvernement de l’Ontario a versé à Henco est un revenu, aux termes de l’alinéa 12(1)x) de la Loi, ou un gain fortuit non imposable;

                ii.     la nature d’un paiement à titre d’élément du capital ou du revenu au moment de la disposition, par Henco, en faveur d’une société liée, d’un terrain appelé Seneca, qui se trouvait à proximité du terrain DCE et, par ailleurs, si la juste valeur marchande de ce terrain à l’époque était de 800 000 $ ou de 850 000 $;

              iii.     la juste valeur marchande d’un autre terrain situé à proximité, le terrain Morrison, au moment de sa disposition par Henco, là encore en faveur d’une société liée. Henco dit que la juste valeur marchande était de 1 000 000 $, tandis que le ministre du Revenu national (le « ministre ») dit qu’elle était de 1 400 000 $.

I. Les faits

[4]             Après avoir reçu ma décision sur certaines requêtes en matière de preuve et de procédure, que j’analyse aux paragraphes 79 à 117 des présents motifs, les parties ont pu établir un exposé conjoint des faits, en précisant toutefois qu’il serait nécessaire d’obtenir des preuves supplémentaires pour le compléter. J’ai vu des enregistrements vidéo d’événements survenus lors de l’occupation, et j’ai lu des communiqués de presse de la Police provinciale de l’Ontario, du gouvernement de l’Ontario, du gouvernement fédéral et du comté de Haldimand. J’ai entendu les témoignages de M. Don Henning, de l’inspecteur Haggith de la Police provinciale de l’Ontario, de Me Michael Bruder, l’avocat de Henco au cours de la période en cause, de Doug Carr, sous‑ministre adjoint – Division des négociations et de la réconciliation, du ministère des Affaires autochtones de l’Ontario, et de Tiffany Ivey, vérificatrice de l’Agence du revenu du Canada (« ARC »).

[5]             J’ai l’intention de passer en revue les événements en ordre chronologique, en indiquant quels sont les faits dont les parties ont convenu dans le cadre de l’exposé conjoint des faits et, ensuite, de m’étendre aux éléments de preuve se rapportant aux points mentionnés ci‑dessus. Je traiterai des terrains Seneca et Morrison séparément.

La période antérieure à février 2006

[6]             L’exposé conjoint des faits

          [traduction]

2.                  Henco Industries Limited (« Henco ») est une société canadienne imposable pour l’application de la Loi de l’impôt sur le revenu, LRC 1985, ch. 1, dont l’année d’imposition prend fin le 29 avril de chaque année.

3.                  Les dirigeants de Henco sont Donald (« Don ») et John Henning.

4.                  Pendant de nombreuses années précédant le mois de février 2006, Henco exploitait une entreprise d’aménagement foncier exclusivement dans la région de Caledonia, en Ontario.

5.                  Au début de février 2006, Henco possédait trois parcelles de terrain dans la région de Caledonia, appelées : i) Douglas Creek Estates (« DCE »), ii) le terrain Seneca (« Seneca ») et iii) le terrain Morrison (« Morrison »).

6.                  Pendant toute la période en cause, Henco était la propriétaire en common law et la propriétaire bénéficiaire du terrain DCE.

7.                  Le terrain DCE avait été acheté au départ par un prédécesseur de Henco en 1991, à des fins d’aménagement.

8.                  Au début de 2006, Henco avait rempli toutes les formalités applicables concernant l’aménagement du terrain DCE, dont le zonage, le plan de lotissement, les études techniques, l’obtention des autorisations, l’installation des services municipaux ainsi que la construction d’une maison‑témoin.

9.                  Avant l’occupation (définie ci‑après), Henco a conclu des ententes d’achat et de vente concernant certains des lots situés sur le terrain DCE.

[7]             Pour ce qui est du terrain DCE, Henco a également fait faire une évaluation archéologique. En plus de prendre toutes les mesures requises pour l’aménagement du terrain, Henco avait conclu des ententes d’achat et de vente avec plusieurs constructeurs. Le terrain DCE était prêt à aménager. Henco avait aussi fait construire une maison‑témoin sur l’un des 65 lots de la première phase (il y en avait 600 en tout) et avait commencé à assembler la charpente d’une maison sur un autre lot. Elle avait engagé des frais d’environ 6 000 000 $ et avait reçu des  constructeurs des dépôts d’un montant de plus de 1 000 000 $. Les Six Nations étaient au courant des plans et, jusque-là, n’avaient formulé aucune objection.

[8]             Henco prévoyait tirer de l’aménagement du terrain DCE des revenus de 45 000 000 $, ainsi que des bénéfices de 30 000 000 $, mais, au mois de février 2006, sa situation financière était, comme l’a dit Don Henning, fragile : elle avait peu de liquidités et des dettes considérables.

Le 28 février 2006

[9]             L’exposé conjoint des faits

          [traduction]

11.       Le 28 février 2006, certains membres de groupes des Premières Nations de la région de Caledonia, ou affiliés à ces derniers (les « manifestants ») ont occupé le terrain DCE (l’« occupation »).

12.       Les manifestants ont occupé le terrain « pour tenter d’arrêter, ou du moins pour perturber, l’aménagement du lotissement ».

13.       L’occupation a consisté, notamment, à dresser des barricades sur les voies routières menant au terrain DCE.

14.       L’occupation et les barrages ont été suivis d’actes de désobéissance civile, d’actes de vandalisme, de vols et de voies de fait perpétrés sur le terrain DCE et aux alentours.

15.       L’occupation a causé la cessation de tous les travaux d’aménagement et de construction sur le terrain DCE.

[10]        Don Henning a communiqué avec la police pour faire retirer les barrages qui bloquaient l’accès  au terrain de Henco. L’inspecteur Haggith s’est entretenu avec les manifestants, s’est rendu compte qu’ils n’allaient pas partir et a conseillé à M. Henning d’obtenir une injonction. M. Henning est entré en contact avec son avocat, Me Bruder.


Le 3 mars 2006

[11]        L’exposé conjoint des faits

          [traduction]

16.       Le 3 mars 2006, le juge Matheson, de la Cour supérieure de justice de l’Ontario, a rendu une injonction provisoire (l’« injonction provisoire ») obligeant les manifestants à quitter le terrain DCE, à enlever les barricades et à cesser d’entraver les travaux d’aménagement de Henco sur le terrain DCE.

Le 9 mars 2006

[12]        L’exposé conjoint des faits

          [traduction]

17.       Le 9 mars 2006, le juge Marshall, de la Cour supérieure de justice de l’Ontario, a rendu une ordonnance rendant l’injonction provisoire permanente (l’« injonction permanente »). […]

18.       Après l’octroi de l’injonction permanente, le nombre de manifestants qui occupaient le terrain DCE a augmenté, et comprenait des Autochtones et leurs partisans venant de collectivités situées en dehors de la région de Caledonia.

[13]        L’inspecteur Haggith a indiqué que la Police provinciale de l’Ontario a établi des communications avec les manifestants, à la recherche d’une solution pacifique et permanente, mais la Police provinciale de l’Ontario n’est pas intervenue avant le 22 mars 2006.

Le 13 mars 2006

[14]        Henco a reçu de fiduciaires de la Nation mohawk de la rivière Grand un avis de revendication commerciale internationale d’un montant de 110 000 000 $. M. Henning en a été ébranlé. Il s’est inquiété de la sécurité des biens de Henco.


Le 17 mars 2006

[15]        L’exposé conjoint des faits

          [traduction]

19.       Le 17 mars 2006, le juge Marshall a rendu une ordonnance d’outrage contre les manifestants qui occupaient le terrain DCE et a ordonné que des mandats d’arrestation soient exécutés le 22 mars 2006. […]

20.       Le juge Marshall a modifié son ordonnance du 17 mars 2006 le 28 mars 2006 afin de préciser que les manifestants occupant le terrain DCE s’étaient rendus coupables d’outrage civil et criminel. […]

Le 22 mars 2006

[16]        L’inspecteur Haggith a rencontré des manifestants et s’est fait dire qu’ils partiraient si Henco arrêtait tous les travaux jusqu’à ce que les revendications territoriales soient réglées. La Police provinciale de l’Ontario n’a procédé à aucune arrestation et n’a rien fait pour faire appliquer les injonctions.

Le 12 avril 2006

[17]        Les frères Henning, Me Bruder, deux membres du conseil du comté de Haldimand, deux représentants provinciaux, dont M. Carr, deux représentants fédéraux et une centaine de manifestants, dont des guerriers mohawks, se sont rencontrés dans un hôtel de Brantford. L’inspecteur Haggith a conseillé aux frères Henning de rester calmes, car ils risquaient d’être confrontés à des accusations ce qui a été le cas pouvant aller jusqu’à des menaces contre leur bien‑être. Don Henning n’avait jamais entendu dire auparavant que Henco était responsable de la situation : il était en colère et il avait peur. Il a laissé entendre aux représentants provinciaux qu’ils allaient devoir se préparer à sortir leur carnet de chèques.

[18]        Me Bruder a dit du 12 avril 2006 que c’est la date à laquelle il y a eu un changement de ton, en ce sens que les manifestants ont commencé à diriger leur animosité vers les Henning et Henco plutôt que vers le gouvernement.

Le 15 avril 2006

[19]        Doug Carr a écrit à Henco pour faire savoir que l’Ontario allait désigner un représentant afin de [traduction] « discuter avec vous du versement d’une somme d’argent afin d’aider à compenser les effets de l’occupation ». M. Carr a témoigné qu’il estimait qu’à cette époque un redressement provisoire serait équitable. Me Chadwick, du cabinet d’avocats Goodman, a été désigné comme représentant de l’Ontario.

Le 17 avril 2006

[20]        Doug Carr écrit de nouveau à Henco : [traduction] « le gouvernement nommera un représentant le mercredi 17 avril 2006 pour discuter de la situation financière à laquelle vous êtes actuellement confrontée, dans le but d’entamer des discussions cette semaine. Tous les renseignements, les documents ou les évaluations de cette situation dont vous disposez déjà nous aideront à entamer rapidement ces discussions avec vous et les constructeurs. Je suis conscient du fait que vous n’avez actuellement qu’un accès restreint à des documents ».

[21]        Henco a fourni ce qu’elle pouvait, soit des relevés bancaires et une liste d’inventaire, mais n’a pas pu avoir accès à son bureau pour en fournir davantage.

Le 20 avril 2006

[22]        L’exposé conjoint des faits

          [traduction]

22.       Le 20 avril 2006, la Police provinciale de l’Ontario a investi le terrain DCE en vue de faire appliquer les ordonnances judiciaires (le « raid de la Police provinciale de l’Ontario »).

23.       Lors du raid de la Police provinciale de l’Ontario, les manifestants ont occupé le terrain DCE; l’occupation s’est étendue aux routes environnantes; un agent de la Police provinciale de l’Ontario a été frappé par un sac de pierres; le pont de la rue Sterling a été réduit en cendres; des incendies ont été allumés près des voies ferrées situées à Sixth Line; et des partisans des manifestants des Six Nations ont bloqué les voies de chemin de fer à Marysville.

24.       En raison de cela, la Police provinciale de l’Ontario s’est retirée du terrain DCE.

25.       À la suite du raid de la Police provinciale de l’Ontario, la maison‑témoin et le bureau que possédait Henco sur le terrain DCE ont été vandalisés. On ignore l’identité des individus responsables.

[23]        L’inspecteur Haggith a témoigné que la Police provinciale de l’Ontario a tenté d’exécuter les mandats, mais qu’elle ne souhaitait pas déclencher une répétition de la crise d’Ipperwash. La Police provinciale de l’Ontario a déployé 100 agents plus une équipe tactique et un hélicoptère. De 15 à 20 manifestants ont été arrêtés. L’inspecteur Haggith a dit que la situation était à rendre malade, car des centaines de manifestants, armés de bâtons et de gourdins, ont confronté ses agents. À son avis, si la Police provinciale de l’Ontario restait sur place, il y aurait des blessés graves. Il a reconnu qu’au sein de la collectivité l’inquiétude était vive. La Police provinciale de l’Ontario était démoralisée.

[24]        M. Henning s’est senti intimidé par ces événements, dont le fait que des manifestants circulaient en voiture dans la rue sans issue où il vivait, d’autant plus que, contrairement à d’autres jours, la Police provinciale de l’Ontario n’était pas là pour offrir une protection. Il a eu le sentiment qu’il devait sortir sa famille de Caledonia. Il a qualifié la situation d’anarchique, dans laquelle sa ville était assiégée et la réputation de sa collectivité détruite.

Le 21 avril 2006

[25]        Au nom de l’Ontario, M. Carr a signé un document appelé [traduction] « Points d’entente conclus entre les Haudenosaunee/Six Nations, le Canada et l’Ontario », qui prévoyait un plan de travail détaillé visant à traiter des [traduction] « diverses questions en suspens ».

[26]        M. Henning a été invité à une réunion à Burlington pour rencontrer les Six Nations. Se sentant menacé, il a refusé. M. Carr a fait savoir à M. Henning, au téléphone, que l’Ontario examinait la possibilité d’accorder une aide financière.

Le 24 avril 2006

[27]        La collectivité de Caledonia a organisé une réunion au champ de foire de Caledonia : entre 1 500 et 2 000 personnes s’y sont présentées. L’inspecteur Haggith a tenté de préserver le calme, mais il a admis qu’il n’a pas réussi. Un grand nombre de personnes, croyait-il, voulait manifester leur colère. Certains se sont dirigés à pied vers le site de l’occupation, ce qui a inquiété l’inspecteur Haggith. Il a envoyé des agents pour les intercepter, et ils ont procédé à plusieurs arrestations pour violation de la paix.


Le 26 avril 2006

[28]        Un document intitulé [traduction] « Énoncé conjoint de réalisations des Haudenosaunee/Six Nations, du Canada et de l’Ontario » a été publié, indiquant qu’une [traduction] « table principale » avait été établie en vue de régler les problèmes de DCE. M. Carr a reconnu que Henco n’a pas pris part à ce processus.

Le 27 avril 2006

[29]        M. Chadwick a écrit à Henco pour offrir une aide financière « sous toutes réserves ». Une annexe A, jointe à la lettre de M. Chadwick, indique que l’aide financière est de 650 000 $ [traduction] « en vue d’atténuer l’effet de l’occupation continue de DCE ». Cette annexe indique aussi : [traduction] « l’aide financière concernant Douglas Creek Estates se rapporte aux dépenses d’aménagement et de construction et à d’autres frais connexes que Henco a engagés relativement au terrain Douglas Creek Estates du fait de l’occupation ».

[30]        M. Henning a témoigné que ces conditions n’ont pas été négociées ou acceptées par Henco. Rien n’a été signé.

Le 29 avril 2006

[31]        L’exposé conjoint des faits

          [traduction]

36.              Henco a demandé une réduction de la valeur de son stock de terrains, relativement au terrain DCE, à 7 $ sur sa déclaration T2 pour l’année d’imposition terminée le 29 avril 2006.

37.              Le 18 mai 2006, le ministre du Revenu national a établi un avis de cotisation concernant l’année 2006, reconnaissant la réduction de valeur du terrain DCE.

38.              Selon une évaluation immobilière établie par Ron Duda, de l’Agence du revenu du Canada (l’« évaluation de M. Duda »), l’occupation avait rendu le terrain DCE impossible à aménager et ce terrain n’avait aucune valeur en date du 1er mai 2006.

[32]        Henco a également obtenu une évaluation de Re/Max en vue d’étayer sa réduction de valeur du terrain. Re/Max a attesté que le terrain DCE n’avait aucune valeur marchande.

Le 3 mai 2006

[33]        L’exposé conjoint des faits

          [traduction]

26.       Le 3 mai 2006, l’Ontario a versé à Henco un paiement de 650 000 $.

27.       L’Ontario n’a pas exigé que Henco prenne des mesures particulières ou fasse quoi que ce soit de particulier à l’égard de l’usage qu’elle ferait des 650 000 $.

28.       L’Ontario n’a rien demandé en retour à Henco en contrepartie du paiement de 650 000 $.

Le 8 mai 2006

[34]        Un règlement sur le zonage a été pris le 8 mai 2006 en vertu de la Loi sur l’aménagement du territoire de l’Ontario. M. Carr a reconnu qu’il y avait eu des discussions préalables sur la question, mais Henco n’y a jamais pris part.

[35]        Le règlement de zonage avait trait au terrain DCE et prévoyait notamment ce qui suit :

          [traduction]

2(1)      Toute utilisation ainsi que l’érection, l’emplacement et l’utilisation de tout bâtiment ou de toute structure sont interdits sur le terrain décrit à l’article 1.

(2)        Tout ajout à un bâtiment ou à une structure quelconque ou tout agrandissement d’un bâtiment ou d’une structure quelconque sont interdits.

Les 16, 17 et 18 mai 2006

[36]        L’exposé conjoint des faits

          [traduction]

34.              Le 16 mai 2006, des représentants des manifestants, de l’Ontario et du Canada ont conclu une entente tripartite mettant immédiatement fin à tous les travaux d’aménagement sur le terrain DCE pour une période indéterminée (le « moratoire »).

35.              Le 17 mai 2006, le Règlement 2006/06 de l’Ontario, pris en vertu de la Loi sur l’aménagement du territoire, L.R.O. 1990, ch. P. 13, et intitulé « Zoning Area – Haldimand County » (Aire de zonage – comté de Haldimand ») (l’« ordonnance de zonage ») est entré en vigueur.

[37]        Me Bruder a pris connaissance du moratoire en consultant le site Web des Six Nations. Il a aussi découvert que l’Ontario avait convenu avec les Six Nations qu’il financerait une évaluation archéologique, même si Henco en avait déjà obtenu une plus tôt. Ce n’est que le 7 juin 2006 que l’Ontario a fourni un exemplaire de l’ordonnance de zonage à Henco.

[38]        Me Bruder soutient qu’il a communiqué avec M. Carr lorsqu’il a découvert l’existence du moratoire, pour demander si le gouvernement de l’Ontario envisagerait une telle mesure sans l’apport de Henco. Selon Me Bruder, M. Carr a nié que le gouvernement ferait une telle chose. M. Carr s’est souvenu de la conversation avec Me Bruder, mais pas de ce détail.

[39]        Le 18 mai 2006, Me Bruder et les Henning ont rencontré des hauts fonctionnaires de l’Ontario, disant que les Henning voulaient qu’on les rachète. Les Henning et Me Bruder étaient d’avis que l’Ontario avait agi à l’insu de Henco. À ce stade, Henco s’était faite discrète, mais elle avait maintenant le sentiment que l’Ontario n’agissait pas de bonne foi. Après la réunion, Me Bruder a écrit à M. Carr, à M. John Burke du ministère des Affaires municipales, à M. Neil Smith du ministère du Développement économique et du Commerce, à Me Chadwick du cabinet Goodmans, ainsi qu’à Brian Dominique de Cassels Brock & Blackwell :

[traduction]

À une réunion qui a eu lieu plus tôt ce matin entre John Burke, Neil Smith, John Henning, Don Henning et moi‑même, Don Henning a informé les représentants du gouvernement qu’il s’attendait à recevoir du ministre Ramsay un engagement écrit confirmant l’intention du gouvernement d’acheter Douglas Creek Estates à sa juste valeur marchande.

[…]

Nous ne voulons pas recevoir une lettre « sous toutes réserves » et demandons un engagement écrit ferme et exécutoire de la part de la province, relativement à l’achat des terrains à leur juste valeur marchande, et ce, d’ici à midi le vendredi 19 mai 2006.

Les mesures du gouvernement ont mis Henco dans une position intenable. […]

[…]

Jusqu’ici, nos clients ont été patients et respectueux du processus. Ils ont un droit incontestable sur le terrain et pourtant, pour une raison quelconque, un ministre a décidé unilatéralement d’imposer ce moratoire.

Mes clients indiquent qu’à moins que le gouvernement commence à négocier de bonne foi, ils utiliseront toutes leurs ressources pour essayer de régler cette question.

[40]        M. Henning a expliqué que la mention de la juste valeur marchande a réellement été le point de départ de ce que Henco avait perdu, soit son droit de faire des affaires. Me Bruder a dit de sa position qu’elle consistait simplement à essayer d’obtenir le maximum pour ses clients : le seul élément corporel était le terrain.

Le 19 mai 2006

[41]        Me Bruder a lancé une campagne médiatique, diffusant un communiqué portant sur le moratoire et prenant part à plusieurs entrevues radiophoniques. Il a rapidement reçu un appel de M. Burke, du ministère des Affaires municipales de l’Ontario, qui l’invitait à arrêter et lui indiquait qu’il faudrait qu’ils se rencontrent pour discuter du rachat du terrain de Henco.

Le 20 mai 2006

[42]        Les Henning et Me Bruder ont rencontré M. Burke et M. Smith. Il était clair aux yeux de Me Bruder que l’Ontario envisageait maintenant de racheter le terrain de Henco. Me Bruder a suggéré que l’Ontario achète les actions de Henco, mais l’Ontario ne s’est pas montré intéressé. Me Bruder croyait que l’Ontario voulait contrôler le processus d’injonction. Il a été convenu d’évaluer le terrain afin d’en déterminer la valeur à un moment antérieur à l’occupation : il y a eu des discussions au sujet des évaluateurs.

Les 22 et 23 mai 2006

[43]        L’exposé conjoint des faits

          [traduction]

29.       Dans les mois qui ont suivi l’échec du raid de la Police provinciale de l’Ontario, de nombreuses confrontations ont eu lieu entre, d’une part, les manifestants et, d’autre part, d’autres résidents de Caledonia et des particuliers opposés à l’occupation.

30.       Le 22 mai 2006, le poste de transfert d’électricité de Caledonia a été endommagé, causant une importante panne d’électricité dans certaines parties des comtés de Norfolk et de Haldimand.

31.       Les dommages causés au poste de transfert ont été évalués à environ 300 000 $, tandis que les dommages collatéraux que les clients d’Hydro One ont subis ont été estimés à plusieurs millions de dollars. Les chiffres définitifs des dommages ne sont pas connus. […]

32.       Le 22 mai 2006, le comté de Haldimand a décrété l’état d’urgence. […]

[44]        D’autres perturbations à Caledonia. L’Ontario a offert une récompense de 50 000 $ pour toute information menant à une arrestation relativement aux dommages causés aux transformateurs.

Le 26 mai 2006

[45]        Henco vend son équipement à une société liée, 819820 Ontario Inc., au prix de 187 360 $. M. Henning indique qu’il craignait d’autres poursuites.

Le 29 mai 2006

[46]        Selon Me Bruder, le juge Marshall de la Cour supérieure de l’Ontario demande, notamment à la Police provinciale de l’Ontario, qu’on explique pourquoi les ordonnances judiciaires ne sont pas exécutées, et pourquoi la collectivité est en train d’exploser.

Le 5 juin 2006

[47]        Des agents de la Police provinciale de l’Ontario se rendent par erreur sur des terres de la réserve; des agents de la police des Premières Nations les encerclent et les inculpent. D’autres incendies sont signalés.

Les 6 et 7 juin 2006

[48]        Échange de courriels entre M. Henning et Me Burke en vue d’organiser une réunion d’évaluateurs. Les communications avec les représentants de l’Ontario donnent à M. Henning l’impression qu’une minute ils étaient sérieux et la suivante pas tant que cela. Plus l’occupation est devenue tendue, plus le gouvernement de l’Ontario a paru désireux de traiter avec M. Henning et Henco.

Le 9 juin 2006

[49]        L’inspecteur Haggith appelle le 9 juin 2006 le jour de l’anarchie. Il y a de nombreux affrontements avec des manifestants, un journaliste est blessé et une automobile est volée. L’inspecteur Haggith s’est rendu compte que les injonctions étaient encore en vigueur et que les demandes d’information du juge Marshall attiseraient la colère des manifestants. Pour s’occuper de la situation en général, l’inspecteur Haggith a demandé l’assistance de centaines d’agents de l’ensemble de l’Ontario, ainsi que d’agents de la GRC.

[50]        M. Carr a reconnu qu’il a été mis au courant des événements le jour de l’anarchie.

Le 10 juin 2006

[51]        M. Carr a reçu un courriel de Jane Stewart, négociatrice pour l’Ontario avec les Premières Nations, soulignant à quel point il était crucial de désamorcer la situation. Elle a également souligné à quel point le retrait des barricades faciliterait nettement le [traduction] « travail important à faire ». Elle a aussi indiqué que le moratoire serait maintenu.

[52]        M. Carr a expliqué que les Six Nations ont continué de se préoccuper de l’exécution possible des injonctions. Il a qualifié ces dernières d’irritants constants. Il a associé l’achat du terrain DCE au fait de se débarrasser des injonctions. Il a cru que le fait que l’Ontario achète le terrain atténuerait la violation du droit de propriété d’un propriétaire de terrain privé et simplifierait aussi une situation complexe, laissant le différend entre les mains des Six Nations et de la Couronne.

Les 11 et 12 juin 2006

[53]        Dans un courriel envoyé à Henco, John Burke confirme le souhait du gouvernement de l’Ontario d’arriver à une entente le plus vite possible. Don Henning confirme qu’il faudrait que leurs évaluateurs respectifs se réunissent en vue d’arriver à un chiffre représentant la valeur du terrain comme étant [traduction] « au moins autant que cela ». Le solde serait déterminé par des consultants.


Du 13 au 16 juin 2006

[54]        M. Chadwick envoie à Henco le [traduction] « cadre schématisé » d’une entente. Les Henning y souscrivent le 15 juin 2006, mais Me Bruder a affirmé qu’il n’y a pas eu beaucoup de concessions mutuelles. En voici quelques éléments clés :

  Henco doit transférer la totalité du terrain DCE et tous les droits et intérêts connexes afférents à ce terrain à l’Ontario (ou à une fiducie), et l’Ontario convient de payer à Henco la juste valeur marchande en date du 27 février 2006, relativement aux droits, au titre de propriété et aux intérêts de Henco.

  Il y aura un paiement initial de 12 300 000 $, sous réserve de la négociation d’un montant d’indemnité définitif.

  Henco convient de mettre fin à toutes les mesures concernant l’aménagement du terrain DCE, y compris les travaux de construction et d’amélioration des bâtiments ou des structures qui s’y trouvent en attendant le transfert du terrain DCE et le versement du paiement initial (12 300 000 $).

  Au moment du règlement final et du paiement de toute indemnité définitive, Henco n’aura plus d’autres droits et ne pourra plus faire de revendications à l’encontre de l’acheteur de DCE, de la province ou de ses mandataires, relativement au terrain DCE ou aux circonstances ou aux événements qui y sont liés, à l’exception de ce qui pourra être énoncé dans l’entente conclue entre les parties.

  La province conviendra de payer les coûts raisonnables du promoteur pour ce qui est du paiement d’indemnité définitif concernant l’obtention des services de consultants, de conseillers juridiques, d’évaluateurs, d’experts, de conseillers ou d’autres tierces parties, sous réserve d’un montant maximal de 300 000 $.

 

Le 23 juin 2006

[55]        M. Henning a indiqué que des ébauches d’une entente finale ont été échangées pendant les deux dernières semaines de juin, encore que les choses ont mal commencé, parce que l’Ontario avait retenu les services d’un avocat spécialisé en droit immobilier pour ébaucher la première version d’une entente. La réponse de M. Henning à cette première ébauche a été adressée à M. Burke, représentant le gouvernement de l’Ontario, dans un courriel daté du 23 juin 2006 :


[traduction]

John, j’ai lu ce document et il est très évident que celui qui l’a écrit n’a aucune idée de ce qui se passe dans notre situation. La moitié de ce qui est écrit ne s’applique pas. Nous allons le passer en revue, mais cela va prendre beaucoup de travail. Il est dommage que le cabinet de Rob ne s’en soit pas chargé, car il est au courant de la situation.

À l’évidence, il s’attendait à ce que l’entente reflète le cadre schématisé– ce qui n’a pas été le cas. M. Burke a exprimé son accord.

Le 30 juin 2006

[56]        En fin de compte, une entente datée du 30 juin 2006 a été signée, portant sur la disposition des [traduction] « biens achetés », définis de façon à comprendre les terrains de Henco, les bâtiments, les contrats, les garanties et les biens meubles. Sont joints aux présents motifs, en tant qu’annexe « A », quelques extraits de ce document.

[57]        M. Carr, même s’il n’a pas participé directement à la négociation de l’entente, a témoigné que la décision du gouvernement d’acquérir le terrain DCE a été prise par des représentants élus et qu’elle reposait sur un certain nombre d’aspects, dont les suivants :

a)     l’équité envers les promoteurs, qui ne sont pas en mesure d’exécuter leur projet d’aménagement dans l’avenir prévisible;

b)    les préoccupations relatives à la sécurité du public si des efforts sont faits pour continuer d’aménager le terrain;

c)     un engagement de la part du gouvernement à trouver une solution pacifique aux problèmes opposant la collectivité locale et les intérêts des Six Nations;

d)    une affirmation de la part des Six Nations selon laquelle il existait un lieu de sépulture sur le terrain DCE.

[58]        Il y a eu aussi plusieurs documents de clôture, dont un acte de vente concernant les biens meubles, rédigé en ces termes :

[traduction]

Moyennant une autre contrepartie de valeur et la somme de deux dollars (2,00 $), dont la réception et le caractère suffisant sont par la présente reconnus, le vendeur convient par la présente de vendre, de transférer et de céder les biens meubles à l’acheteur.

Il n’y a aucune indication claire de ce qui constitue les biens meubles, à part la définition que comporte la section « définitions » de l’entente. (Voir l’annexe « A »).

[59]        Henco a signé une renonciation, dont le texte était en partie le suivant :

[traduction]

ET ATTENDU qu’il est prévu qu’en échange du paiement par l’acheteur au vendeur du montant d’indemnité définitif, le vendeur libérera l’acheteur (y compris la Société immobilière de l’Ontario et la Couronne provinciale ou ses mandataires) de toute action ou revendication concernant le terrain, les biens achetés et l’entente d’achat;

[…]

3.         Le vendeur libère par ailleurs à tout jamais l’acheteur de la totalité des actions, causes d’action, poursuites, dettes, créances, comptes, cautionnements, engagements, contrats, revendications ou demandes de quelque nature que ce soit que le vendeur pourrait avoir, peu importe le moment, à l’encontre de  l’acheteur (y compris la Société immobilière de l’Ontario et la Couronne provinciale ou ses mandataires), du fait de toute cause, affaire ou chose découlant directement ou indirectement de circonstances ou d’événements liés aux terrains, aux biens achetés ou à l’entente d’achat, à l’exception de toute responsabilité de l’acheteur pouvant découler des paragraphes 9.11 et 9.12 de l’entente d’achat.

4.         Le vendeur convient par ailleurs de ne pas présenter de revendication ou d’engager de procédure contre quelque tiers que ce soit, dont, notamment, l’acheteur (y compris la Société immobilière de l’Ontario et la Couronne provinciale ou ses mandataires), en vue d’obtenir une indemnité ou un recouvrement à l’égard des biens achetés et/ou des terrains.

[60]        Un état des rajustements prévoyait trois rajustements, l’un pour la contribution de 300 000 $ de l’Ontario pour les coûts supportés par Henco, un autre d’environ 256 000 $ pour les coûts supportés par Henco pour surdimensionnement (systèmes d’alimentation en eau, système sanitaire et système pluvial) ainsi qu’un troisième rajustement d’un crédit de 109 000 $ à l’Ontario pour les acomptes versés aux constructeurs pour le terrassement de mise à niveau.

[61]        Il n’y a pas eu de clause de non‑concurrence dans l’entente.


Le 4 juillet 2006

[62]        Le terrain DCE a été transféré à l’Ontario, et la valeur du transfert indiquée était de 12 300 000 $.

[63]        Henco a adopté des résolutions des administrateurs en vue de verser la majeure partie des fonds aux actionnaires.

[64]        Henco s’est adressée aux tribunaux pour obtenir une ordonnance infirmant l’injonction; le juge Marshall a mis la décision en délibéré.

Le 26 juillet 2006

[65]        Me Chadwick, du cabinet Goodmans, écrit à Me Bruder pour confirmer l’entente relative au montant d’indemnité définitif de 3 500 000 $ et y joint la renonciation [traduction] « à signer au moment où le montant d’indemnité définitif sera payé à Henco ». Il y a peu de preuves quant à la façon dont Henco et l’Ontario sont arrivés à ce montant de 3 500 000 $. Me Bruder a dit penser que lors des discussions relatives à l’indemnité son point de départ était les 45 000 000 $ de revenus que Henco aurait peut‑être pu s’attendre à tirer du terrain DCE.

Le 8 août 2006

[66]        Le juge Marshall se prononce sur la demande de levée des injonctions. Soulignant l’importance de la primauté du droit dans sa décision, il annule l’injonction, avec effet seulement après que [traduction] « l’ordonnance de la Cour pour outrage en matière criminelle aura été tranchée ». Il déclare également que les [traduction] « négociations devraient cesser jusqu’au retour de l’état de droit et au démantèlement des barricades ». Dans ses motifs, il indique par ailleurs :

[traduction]

Cependant, il est notoire que les habitants de Caledonia, après cinq mois d’occupation, ont vu la sécurité de leur ville remplacée par l’anarchie; des manifestants en tenue de combat, des agents de police en tenue anti-émeute et l’incertitude de leur avenir. Les valeurs de leurs biens réduites, les relations raciales avec les peuples autochtones voisins détruites après de nombreuses années de coexistence pacifique.

Il s’agit là d’un très triste résultat de part et d’autre, mais qu’il serait possible d’éviter à l’avenir grâce à un règlement rapide et proactif des revendications territoriales et grâce également à l’application rapide, par la Couronne et la police, des ordonnances motivées de la Cour.

[67]        M. Carr a confirmé que l’Ontario a porté cette décision en appel, indiquant qu’elle contrecarrait l’intention de la décision d’acquérir le terrain DCE.

Le 31 octobre 2006

[68]        L’exposé conjoint des faits

          [traduction]

39.              Au 31 octobre 2006, l’Ontario avait engagé une somme d’environ 15 millions de dollars pour les services de maintien de l’ordre liés à l’occupation.

Mars 2007

[69]        L’exposé conjoint des faits

          [traduction]

40.              En mars 2007, le gouvernement fédéral a fait à l’Ontario un paiement à titre gracieux d’un montant de 26,4 millions de dollars, dont 10,6 millions de dollars expressément désignés pour rembourser l’Ontario des frais de services de maintien de l’ordre occasionnés par l’occupation et 15,8 millions de dollars pour l’achat, par l’Ontario, de Douglas Creek Estates.

LE TERRAIN SENECA

[70]        L’exposé conjoint des faits

          [traduction]

41.              Le propriétaire précédent du terrain Seneca (« Ancienne Henco ») avait dressé des plans préliminaires en vue de la construction d’un terrain de golf.

42.              Cet objectif principal a été maintenu par Ancienne Henco, par l’entremise de Jack Henning, son actionnaire.

43.              Le 27 octobre 1997, la corporation de la ville de Haldimand a adopté le règlement administratif portant le numéro 42‑H‑97 en vue de faire modifier le règlement de zonage 1‑H‑86 pour autoriser l’aménagement d’un terrain de golf.

44.              Le règlement administratif no 42‑H‑97 avait pour objet et effet de changer le zonage du terrain Seneca en vue d’autoriser l’aménagement d’un terrain de golf public.

45.              Le décès de Jack Henning a eu pour effet d’interrompre la poursuite de l’aménagement du terrain de golf sur le terrain Seneca.

46.              Selon le plan officiel du comté de Haldimand, tel qu’il a été approuvé par le conseil municipal le 26 juin 2006, le terrain Seneca fait « partie d’un plus grand ensemble de terrains dont l’aménagement en terrain de golf a été approuvé ».

47.              Au 15 juin 2006, le zonage du terrain Seneca permettait d’utiliser le terrain comme terrain de golf et comme terrain d’exercice de golf.

48.              Au 15 juin 2006, le terrain Seneca n’était pas zoné en vue d’un usage résidentiel. Il aurait été nécessaire de procéder à un changement de zonage avant de pouvoir procéder à un aménagement quelconque pour usage résidentiel.

49.              Au 15 juin 2006, le terrain Seneca n’était pas viabilisé en vue d’un aménagement résidentiel.

50.              Pendant toute la période en cause, le terrain Seneca était désigné dans les grands livres généraux internes de Henco sous le nom de [traduction] « golf Seneca ».

[71]        M. Don Henning a témoigné qu’après la mort de son père en 2000, Henco s’est concentrée sur les terrains DCE et Morrison, mettant essentiellement en veilleuse le projet du terrain de golf Seneca. Il a également indiqué que le terrain Seneca ne convenait pas à des travaux d’aménagement résidentiel, et ce, pour un certain nombre de raisons.

[72]        Jusqu’à ce que le terrain Seneca soit transféré à sa société liée, 819820 Ontario Inc., en 2006, Henco n’avait rien fait pour essayer de le vendre, même si, en novembre 2005, elle avait reçu tout à fait à l’improviste une offre de Camplor Property Inc. (« Camplor ») de 3 200 000 $ pour ce terrain. L’affaire devait être conclue en juillet 2006, à la condition toutefois que Camplor s’assure, avant le 28 avril 2006, que le terrain pouvait être aménagé d’une manière conforme à ses attentes. L’affaire n’a jamais été conclue.

[73]        En se fondant sur la proximité du terrain Seneca et du terrain DCE, et en tenant compte de toutes les circonstances entourant le terrain DCE, Henco a fixé une valeur de 800 000 $ pour le transfert de pleine concurrence à 819820 Ontario Inc. M. Henning a déclaré qu’il estimait que même la somme de 800 000 $ était trop élevée, car la valeur des terrains à Caledonia avait été réduite à presque rien.

[74]        Par suite de la nouvelle cotisation de l’ARC, Henco a obtenu une évaluation du terrain Seneca auprès d’un cabinet d’évaluateurs immobiliers, Jacob Ellens & Associates, qui a conclu : [traduction] « l’estimation de la valeur marchande du bien varie entre 786 590 $ et 898 960 $, chiffre arrondi à : 850 000 $ ».

LE TERRAIN MORRISON

[75]        Le terrain Morrison a été inscrit comme figurant à l’inventaire dans les registres de Henco, avec une valeur comptable de 1 000 000 $. Ce terrain était plus proche du terrain DCE que le terrain Seneca. M. Henning a jugé que même la somme de 1 000 000 $ était trop élevée dans les circonstances.

[76]        M. Henning a exposé de la manière suivante ce qu’il pensait de la valeur du terrain :

[traduction]

[…] Je ne suis peut-être pas évaluateur mais, en tant que promoteur, quand je regarde quelque chose, je le regarde en tant que personne ayant à y investir son argent. Je ne le regarde donc pas comme un professionnel qui donne une valeur à quelque chose. Je le regarde comme quelqu’un qui va y mettre son argent et qui prend un risque.

Et quand je vois tous les jours à la télévision des incendies, des gens qui se battent, et cela jour après jour après jour, je ne vais pas me présenter et demander un rabais. Je vais me présenter – je ne vais pas m’y présenter du tout. Je vais plutôt tourner les talons. L’affaire ne m’intéresse pas. Et ça, c’est mon opinion au sujet de notre terrain. […]

[77]        Par suite de la cotisation de l’ARC, Henco a obtenu une évaluation du cabinet Jacob Ellens & Associates Inc., fixant la valeur du terrain à 1 400 000 $.

Les déclarations et les cotisations

[78]        L’exposé conjoint des faits

          [traduction]

52.       Le 26 octobre 2007, Henco a présenté un choix en vue de reporter l’application de changements à la variable « E » de la définition de « montant cumulatif des immobilisations admissibles » donnée au paragraphe 14(5) de la Loi de l’impôt sur le revenu.

53.       Dans sa déclaration de revenus concernant son année d’imposition ayant pris fin le 29 avril 2007, Henco a traité :

a.         la somme de 15 800 000 $ reçue de la province de l’Ontario conformément à l’entente relative à DCE à titre de produit de la disposition d’une immobilisation admissible;

b.         le produit du transfert du terrain Morrison à titre d’élément d’inventaire;

c.         le produit du transfert du terrain Seneca à titre d’immobilisation;

d.         la somme de 650 000 $ reçue de la province de l’Ontario à titre de rentrée de capital non imposable.

54.       Le ministre a tout d’abord établi la cotisation relative à Henco en se fondant sur la cotisation produite pour l’année d’imposition terminée le 29 avril 2007, par la voie d’un avis daté du 17 septembre 2007. Le ministre a établi une nouvelle cotisation à l’endroit de Henco par la voie d’un avis daté du 10 septembre 2010 et a procédé aux rajustements suivants :

a.         la somme de 15 800 000 $ reçue de la province de l’Ontario par suite de l’entente relative à DCE a été traitée comme un bénéfice net;

b.         la juste valeur marchande du terrain Morrison au moment du transfert a été majorée de 1 000 000 $ à 1 400 000 $;

c.         la juste valeur marchande du terrain Seneca au moment du transfert a été majorée de 800 000 $ à 850 000 $;

d.         le produit du transfert du terrain Seneca a été traité comme un revenu;

e.         la somme de 650 000 $ reçue de la province de l’Ontario a été traitée comme un revenu.

II. Les requêtes

[79]        Au début du procès, l’intimée a déposé une requête en vue d’obtenir une directive de la Cour :

a)     décrétant que l’entente écrite d’achat et de vente (l’« entente ») conclue entre Henco et Sa Majesté la Reine du Chef de l’Ontario (l’« Ontario »), relativement au terrain DCE, n’est pas ambiguë et qu’aucune preuve extrinsèque ne peut être admise en vue de son interprétation;

b)    excluant toute preuve de nature incendiaire ou préjudiciable concernant le rôle joué par la Couronne dans l’occupation du terrain de Henco;

c)     advenant que la Cour ne rende pas une telle directive, qu’il ne soit pas porté atteinte au droit de l’intimée de déposer une autre requête en vue d’obtenir la même réparation, s’il y a lieu, au cours du procès.

[80]        J’ai rejeté la requête à l’audience en l’assortissant de motifs succincts, que je souhaite maintenant étoffer.

[81]        L’intimée a mentionné la preuve extrinsèque que Henco, selon elle, avait l’intention de produire[1] :

[traduction]

Comme il est clairement indiqué au paragraphe 67 de son avis d’appel, l’appelante entend présenter des éléments de preuve extrinsèques. L’intimée déclare que la volumineuse preuve documentaire et de vive voix est inutile pour régler les questions qui sont en litige dans le présent appel. La preuve documentaire extrinsèque se range en général dans l’une des six catégories suivantes : 1) les documents relatifs aux ordonnances de la Cour supérieure, 2) les coupures de presse et les éditoriaux, 3) les communiqués de presse des divers ordres de gouvernement (municipal, provincial et fédéral), 4) les courriels internes de la province de l’Ontario, 5) une lettre d’opinion aux divers ordres de gouvernement et 6) les documents internes du ministère des Affaires indiennes et du Nord du Canada.

(J’en aurai plus à dire sur certains de ces documents dans ma décision portant sur l’exception relative aux documents publics.)

[traduction]

L’appelante a déclaré qu’elle a l’intention d’appeler M. Mike Katrycz, vice‑président, CHCH News, M. Brian Haggith de la Police provinciale de l’Ontario et M. Les Edwards, d’Edwards Custom Homes. Récemment, l’appelante a également signifié qu’elle a l’intention d’appeler à la barre le greffier du comté de Haldimand et les négociateurs de la province de l’Ontario, et même de déposer des transcriptions du Hansard. Tous ces éléments de preuve sont soit admis, soit peu pertinents. Aucune de ces personnes n’a pris part à l’évaluation des terrains de l’appelante, à la détermination de l’aide financière ou à la formulation et à la mise en application de l’entente.

Il s’avère que Henco n’a appelé ni M. Mike Katrycz ni M. Les Edwards.

[82]        L’intimée a demandé que l’on exclue la preuve extrinsèque, en se fondant sur la règle de l’exclusion de ce type de preuve, qu’elle décrit ainsi[2] :

[traduction]

Selon les règles générales de la common law, s’il existe un contrat qui a été mis par écrit, on ne peut fournir une preuve verbale sur ce qui s’est passé entre les parties avant que cet instrument soit établi ou pendant qu’il était en voie de rédaction de façon à y ajouter des éléments ou à en supprimer ou à le modifier ou le nuancer de quelque manière.

 

[83]        L’intimée soutient qu’une preuve extrinsèque ne peut être admise que s’il existe dans le contrat une ambiguïté manifeste ou latente, tout en reconnaissant que l’on peut déposer une preuve extrinsèque en vue d’expliquer une ambiguïté latente. Elle s’est fondée sur la décision de la Cour canadienne de l’impôt, On-Line Financing & Leasing Corp. c. La Reine[3]. Dans la décision On-Line, il a été demandé à l’avocat du ministère de la Justice de traiter du moment où avait été formulée  l’objection relative à la preuve extrinsèque, ainsi que de la question de savoir si le contrat était ambigu ou non. Cela présupposait que la règle d’exclusion de la preuve extrinsèque était en jeu. La juge Campbell s’est fondée sur l’arrêt de la Cour d’appel fédérale General Motors du Canada Ltée c. La Reine[4], où le juge Nadon a cité le juge Saunders, dans l’arrêt Gilchrist v. Western Star Trucks Inc.[5] :

[traduction]

L’objectif visé lorsqu’on interprète un contrat est de découvrir de façon objective l’intention qu’avaient les parties au moment de la conclusion du contrat. L’outil le plus utile est le libellé du contrat lui‑même. Il faut interpréter le libellé en tenant compte du contexte des circonstances qui existaient au moment où le contrat a été signé. Ce n’est que lorsque, considérés objectivement, les mots se prêtent à plus d’une interprétation que le tribunal peut tenir compte d’autres éléments tels que la conduite qu’ont adoptée les parties après la signature du contrat.

[84]        L’intimée a tout de même reconnu que des tribunaux ont déjà accepté des preuves extrinsèques en vue d’établir ce qui a été appelé la [traduction] « matrice factuelle » qui sous‑tend un contrat. Elle m’a renvoyé à une affaire de l’Alberta instruite en 2012, Nexxtep Resources Ltd. v. Talisman Energy Inc.[6], qui résume bien la situation à cet égard :

[traduction]

5.      L’interprétation contractuelle a pour but de vérifier ce que visaient objectivement les parties par leur marché, quand elles l’ont conclu. La priorité est donnée aux mots qu’elles ont employés, notamment dans un contrat écrit, parce que l’on présume que les parties ont choisi des mots qui exprimaient leurs intentions.

6.      Cependant, l’objectif demeure la détermination de l’intention des parties, et non le sens des mots que comporte un document. La jurisprudence donne donc des directives à propos de l’examen de la « matrice factuelle » ou des circonstances « environnantes » afin d’aider à déterminer l’intention contractuelle des parties, tel que la déterminerait une personne raisonnable se trouvant dans la même situation. Autrement dit, on utilise une preuve extratextuelle pour aider à comprendre ce que les parties voulaient dire par les mots qu’elles ont employés.

7.      Le point qui nous préoccupe ici a trait uniquement à la détermination de l’intention des parties, comprise de manière objective. Si, après ce processus, on découvre que l’objectif visé comporte une ambiguïté, on peut alors prendre en compte une preuve extrinsèque. Il s’agit là d’une étape d’analyse différente, et les faits que l’on prend en compte au moment de dissiper l’ambiguïté que suscite l’intention des parties peuvent être différents de ceux que l’on peut admettre lorsqu’il est question d’interpréter les mots que celles-ci ont employés.

8.      Enfin, lorsque la preuve montre clairement que les mots qu’ont employés les parties n’expriment pas correctement leur intention contractuelle objective, le tribunal peut recourir à sa compétence en equity pour corriger ou « rectifier » les mots que comporte le contrat. Une demande de rectification implique là encore une autre étape d’analyse, ainsi que des catégories et des normes de preuve différentes.

[85]        L’appelante pousse plus loin cette approche de la matrice factuelle, en invoquant une décision récente de la Cour canadienne de l’impôt : River Hills Ranch Ltd. c. R.[7], dans laquelle le juge Hogan fait à son tour référence à un arrêt de la Cour d’appel de l’Ontario : Dumbrell v. Regional Group of Companies Inc., où on peut lire ce qui suit[8] :

[traduction]

53.       Il faut lire le texte de l’accord écrit en tenant compte de sa globalité et des circonstances dans lesquelles il a été conclu. Ces circonstances comprennent les faits que les parties connaissaient ou auraient raisonnablement pu connaître au moment où elles ont conclu l’accord :[…]

54.       L’examen du contexte dans lequel l’accord écrit a été conclu fait partie intégrante du processus d’interprétation et n’est pas une opération à laquelle on recourt seulement lorsque les termes considérés isolément présentent une certaine ambiguïté. Pour constater une ambiguïté, il faut être arrivé à certaines conclusions sur la signification des termes employés. Or, on ne peut valablement arriver à une conclusion sur la signification des termes employés dans un contrat écrit qu’en examinant celui‑ci dans le contexte où il a été passé : McCamus, The Law of Contracts, Toronto, Irwin Law, 2005, aux pages 710 et 711.

55.       Les avis divergent sur la question de savoir jusqu’à quel point il convient d’examiner le contexte aux fins de l’interprétation des contrats : Geoff R. Hall, « A Curious Incident in the Law of Contract: The Impact of 22 Words from the House of Lords » (2004), 40 Rev. Can. Dr. Comm. 20. Quoi qu’il en soit, pour ce qui concerne les accords écrits, le contexte (ou la « matrice factuelle », comme on le désigne parfois) comprend indubitablement la genèse de l’accord, son objet et l’ensemble des circonstances commerciales où il a été conclu : Kentucky Fried Chicken Canada, a Division of Pepsi-Cola Canada Ltd. c. Scott’s Food Services Inc., [1998] O.J. No. 4368, 114 O.A.C. 357 (C.A.), à la page 363 des O.A.C.

56.       Je reprends à mon compte la conception du processus d’interprétation formulée par lord Steyn à la page 8 de « The Intractable Problem of the Interpretation of Legal Texts », précité :

[traduction]

Tout au contraire du droit romano‑germanique, la common law applique une théorie pour une grande part objective à l’interprétation des contrats. L’objet de l’interprétation d’un contrat n’est pas de découvrir comment les parties entendaient le texte dont elles ont convenu, mais plutôt de déterminer la signification de ce contrat par rapport à son contexte objectif. Généralement parlant, cette conception objective de l’interprétation sert les fins du commerce.

[86]        Dans la décision River Hills, le juge Hogan a déclaré :

42.       Des décisions judiciaires plus récentes ont clarifié la pertinence des « circonstances du moment » et donné ouverture à une approche différente de celle qui est exposée dans l’arrêt GM. Par exemple, dans l’arrêt Dumbrell c. Regional Group of Companies Inc. (« Dumbrell »), après avoir fait référence à l’opinion de lord Hoffmann dans la décision Investors Compensation Scheme Ltd v. West Bromwich Building Society, le juge Doherty, de la Cour d’appel de l’Ontario, a signalé : [traduction] « il convient de distinguer la signification du contrat écrit de la signification lexicographique et syntaxique des termes qui y sont employés ». Selon le juge Doherty, bien que la signification ordinaire des mots [traduction] « se révèle importante et souvent décisive dans l’établissement de la signification du document », un [traduction] « examen du contexte objectif » dans lequel l’accord écrit a été établi fait partie intégrante du processus d’interprétation; on n’y recourt pas uniquement dans les cas où les mots considérés isolément dénotent l’existence d’une certaine ambiguïté.

43.       Avant Dumbrell, le juge Goudge, de la Cour d’appel de l’Ontario, avait fait remarquer, lui aussi, que les tribunaux pouvaient utiliser des éléments de preuve extrinsèques pour prendre en compte la [traduction] « matrice factuelle » d’une entente dans les cas dénués de toute ambiguïté. Il a indiqué que la matrice factuelle d’une entente inclut la genèse de l’entente, son objet, et le contexte commercial dans lequel elle a été conclue. Ce faisant, il s’est fondé sur les observations suivantes de lord Wilberforce, de la Chambre des lords, dans la décision Reardon Smith Line Ltd. v. Yngvar Hansen‑Tangen :

 

[traduction]

Aucun contrat n’est conclu dans le vide : il existe toujours un cadre dans lequel il s’inscrit. On parle habituellement de « circonstances environnantes » pour définir la nature de ce dont il est légitimement possible de tenir compte, mais cette expression n’est pas précise : il est possible d’illustrer la chose, mais il est difficile de la définir. Lorsqu’un contrat commercial est en cause, la cour devrait certes connaître son objet commercial, ce qui présuppose d’autre part une connaissance de l’origine de l’opération, de l’historique, du contexte, du marché dans lequel les parties exercent leurs activités.

44.              Il ressort de ces deux décisions (Dumbrell et KFC) qu’il faut faire une distinction entre le cas dans lequel des éléments de preuve extrinsèques peuvent être admis en vue de dissiper une ambiguïté — une exception notable à la règle de l’exclusion de la preuve extrinsèque — et le cas dans lequel on prend en considération de tels éléments de preuve en vue de donner un sens aux modalités d’une entente en tenant compte des « circonstances du moment » ou de la matrice factuelle de l’entente. Dans ce dernier cas, aucune ambiguïté n’est requise.  […]

[87]        Pour ce qui est de la preuve extrinsèque d’une intention subjective, l’appelante a également attiré mon attention sur l’énoncé suivant de la Cour supérieure de justice de l’Ontario, dans la décision Mi sfud v. Owens Corning Canada Inc. [9] :

          [traduction]

14.              Il me faut donc conclure que la position de l’intimée est exacte, que la seule exception au principe bien établi selon lequel une preuve de l’intention subjective des parties à un contrat écrit n’est pas admissible est lorsque le contrat n’est pas ambigu à première vue, mais que, quand le tribunal prend en considération les circonstances pertinentes ou la matrice factuelle, il devient évident qu’il existe une ambiguïté latente et, de ce fait, le tribunal peut admettre une preuve de l’intention des parties quant au sujet auquel elles avaient l’intention de faire référence. […]

[88]        Comme il a été indiqué au procès, il n’y a pas de ligne de démarcation nette entre une preuve établissant une matrice factuelle (manifestement admissible) et une preuve d’intention subjective (peut‑être inadmissible). Je crois que, dans le contexte d’une affaire soumise à la Cour canadienne de l’impôt, où celle-ci n’a pas affaire à deux parties au contrat qui débattent d’éventuels droits ou obligations contractuels non écrits, mais doit se prononcer sur la justesse de la qualification de la nature d’un paiement fait par une tierce partie (le gouvernement du Canada), la matrice factuelle est essentielle pour assister la Cour dans cette tâche. Il n’est pas demandé à cette dernière de modifier le contrat vis-à-vis des obligations et des droits respectifs des parties. Il lui incombe de déterminer, en vue d’établir le montant d’impôt à payer, quelle est la nature véritable du paiement. Il est impossible, dirais-je, de le faire sans connaître les circonstances pertinentes, surtout quand celles-ci jouent de manière aussi manifeste dans l’entente ultime qui a été conclue.

[89]        J’ai quelques réserves à propos de l’application universelle de la règle d’exclusion de la preuve extrinsèque devant la présente Cour, où l’objectif de l’interprétation contractuelle est de fixer le montant d’impôt qu’un contribuable doit payer. Pour ce faire, la Cour doit souvent régler le dilemme de la distinction entre le capital et le revenu. C’est la nature même de l’affaire qui est en litige, vraisemblablement représentée par les mots employés dans le contrat; mais souvent ces mots sont inexacts et, en fait, les parties les ont peut‑être choisis par erreur, de manière inappropriée ou mal, parfois même de façon trompeuse et, souvent, sans avoir mûrement réfléchi aux répercussions fiscales.

[90]        Un exemple évident de situation dans laquelle la Cour est appelée à regarder au‑delà des mots employés dans une entente est la question de la distinction entre l’entrepreneur indépendant et l’employé. La Cour suprême du Canada a prescrit que la Cour doit prendre en considération les actes des parties plus que les mots qu’elles ont employés. Voilà qui est parfaitement sensé, si l’on considère l’objectif que vise la Cour : l’exactitude de la manière dont l’ARC évalue l’obligation fiscale du contribuable.

[91]        Un autre exemple où l’on invite la Cour à regarder au‑delà du libellé d’un contrat est l’article 68 de la Loi, une disposition qui autorise la Cour à tenir compte d’autres éléments que ce que les parties ont peut‑être explicitement établi comme contrepartie d’une vente de biens afin de pouvoir déterminer ce qui est raisonnable. Mais comment déterminer ce qui est raisonnable dans le vide? La Loi regorge de telles analyses fondées sur la « raisonnabilité ».

[92]        Dans le cas présent, l’intimée soutient que la Police provinciale de l’Ontario, les journalistes et les négociateurs ne sauraient éclairer davantage la Cour sur les circonstances exceptionnelles de façon à m’aider de quelque manière à déterminer la nature du paiement que l’Ontario a versé à Henco. Je ne suis pas d’accord. Il n’y avait pas ici de forces du marché qui étaient en jeu, de situation dans laquelle deux parties sans lien de dépendance, motivées par un marché d’aménagement foncier, sont arrivées à une décision commerciale raisonnable et l’ont couchée sur papier. Loin de là. Faire abstraction des circonstances exceptionnelles reviendrait à mettre des œillères. Il est impératif d’examiner en détail comment ces circonstances pertinentes ou cette matrice factuelle se sont répercutées sur l’entente et, en fin de compte, l’effet qu’elles ont sur la détermination de la nature du paiement.

[93]        Il faut que je sache ce qui sous-tend cette opération pour savoir exactement de quoi il s’agissait et me permettre de déterminer les conséquences fiscales.

[94]        J’ai conclu au procès que la preuve que Henco entendait produire était de la nature d’une matrice factuelle. Je suis conscient qu’une telle preuve peut déborder sur l’intention subjective des parties, mais si l’objet de cette preuve est d’établir l’existence d’une ambiguïté latente dans le contrat, elle aussi est admissible. J’ai toutefois laissé la porte ouverte pour que l’intimée fasse objection au moment du dépôt de la preuve, si elle croyait que celle-ci excédait la portée de ma décision. Il lui était également loisible de faire valoir que la Cour devrait accorder très peu de poids, voire aucun, à cette preuve extrinsèque pour la raison, quelle qu’elle soit, qu’elle estimerait appropriée.

[95]        Je suis conforté dans mon opinion selon laquelle une preuve extrinsèque est admissible en examinant le contrat lui-même. Dans le préambule même de ce dernier, il est indiqué :

          [traduction]

Attendu que, compte tenu des circonstances liées à l’utilisation et à l’aménagement du terrain […].

[96]        Cela mérite d’être examiné. De quelles circonstances s’agit-il?

[97]        Je n’invoquerai pas la règle d’exclusion d’une preuve extrinsèque à l’encontre d’une partie à un contrat s’il est clair qu’il existe des circonstances exceptionnelles, indépendantes de la volonté de cette partie, qui ont amené à conclure ce même contrat avec une tierce partie, qui n’est pas partie à l’action. Comme je l’ai déclaré au procès, pour déterminer la nature véritable du paiement, je me retrouverais menotté en tant que juge du procès. J’accepte que l’appelante puisse produire une preuve extrinsèque.

[98]        J’ai rendu cette décision avant d’entendre la preuve. Après avoir entendu la preuve, je peux maintenant traiter de certains éléments des arguments relatifs à la preuve extrinsèque qui n’étaient pas aussi évidents au moment où j’ai rendu ma décision initiale. Des éléments de preuve ultérieurs ont confirmé mon opinion initiale selon laquelle une preuve extrinsèque est non seulement admissible, mais cruciale aussi pour qualifier de manière appropriée le paiement de 15 800 000 $. Ce qui m’apparaît clair maintenant, après la fin du procès, c’est que bien que j’aie accepté que la règle d’exclusion de la preuve extrinsèque entre en jeu, l’exception permettant de traiter d’une ambiguïté dans l’entente entre aussi en jeu. Cette dernière doit être interprétée de manière à ce que je puisse déterminer, aux fins de l’impôt, la nature du paiement. L’entente aurait pu faire explicitement état d’une répartition entre les biens vendus. Cela n’a pas été le cas. Sans tirer d’hypothèses peut-être non fondées quant à la valeur du terrain, à la nature du terrain (élément d’inventaire ou immobilisation), à la valeur du droit rattaché aux injonctions (qui, comme la preuve l’a clairement indiqué, n’a pas simplement disparu au moment du transfert) et aux « biens incorporels » vendus, il serait impossible de déterminer de manière sensée et raisonnée la nature véritable du paiement. L’entente n’était tout simplement pas assez claire. Elle comportait des stipulations (comme le paragraphe 3.1 et l’alinéa 4.1(w) – voir l’annexe « A ») qui invitaient à procéder à un examen plus approfondi. Le fait d’imposer la règle d’exclusion de la preuve extrinsèque dans ces circonstances irait à l’encontre de l’objectif consistant à déterminer l’exactitude de la cotisation.

[99]        Même si j’ai conclu que l’entente n’est pas suffisamment claire, ce qui ouvre la voie à l’admission d’une preuve extrinsèque, je ne suis pas persuadé qu’il est même nécessaire qu’il y ait une ambiguïté dans certaines affaires soumises à la Cour pour que cette preuve soit admise. La preuve est requise pour que la Cour arrive à un résultat juste et correct. La présente espèce en est un exemple.

[100]   Les parties ont soulevé une autre question préliminaire, à savoir l’admissibilité de certains éléments de preuve documentaire. Pour que le dossier soit complet, je réitérerai ici ma décision sur cet aspect.

[101]   L’appelante a demandé à la Cour d’admettre en preuve certains documents qu’elle a décrits ainsi :

a)     certains affidavits signés par des représentants officiels, comme le sous‑ministre du Secrétariat aux affaires autochtones de l’Ontario, relativement à des événements qui sont directement liés aux questions en litige dans l’appel, et qui sont pertinents à l’égard de ces dernières;

b)    certains communiqués de presse diffusés par des ministères des gouvernements provincial et fédéral qui sont eux aussi directement liés aux questions en litige dans le présent appel, et qui sont pertinents à l’égard de ces dernières, dont la matrice factuelle entourant l’entente en question. L’intimée a admis l’authenticité des communiqués de presse en question.

[102]   L’appelante a invoqué l’exception des documents publics à la règle du ouï‑dire pour l’admission des affidavits. Cette exception a été décrite de la manière suivante : une déclaration faite hors de la salle d’audience par un fonctionnaire dans l’exercice d’une fonction de nature publique et destinée à servir de document d’archive doit être admise comme véridique sans que le fonctionnaire ait à être appelé à témoigner.

[103]   Les affidavits de Doug Carr, le sous‑ministre adjoint du Secrétariat aux affaires autochtones de l’Ontario, de Jane Stewart, la négociatrice en chef de l’Ontario dans le cas de l’occupation du terrain DCE, de Ronald Doering, négociateur principal pour le Canada, ainsi que de John Cain, directeur des opérations, région de l’Ouest, de la Police provinciale de l’Ontario ont été déposés auprès de la Cour d’appel de l’Ontario à l’appui d’une requête en sursis d’une décision de la Cour supérieure de justice de l’Ontario, qui a refusé d’annuler les injonctions visant l’occupation. L’avocat de l’appelante m’a informé que ce type de requête en vue d’obtenir une ordonnance interlocutoire devant la Cour d’appel est entendue sur preuve par affidavit. Il n’est pas contesté que la décision proprement dite de la Cour d’appel peut m’être fournie – et elle l’a été.

[104]   Les communiqués de presse en question ont été diffusés par le Secrétariat aux affaires autochtones de l’Ontario, la Police provinciale de l’Ontario et le comté de Haldimand. Se fondant sur l’arrêt R. v. P.(A.)[10], un arrêt de la Cour d’appel de l’Ontario de 1996, l’appelante a indiqué qu’il est nécessaire de satisfaire à quatre critères pour que l’exception à l’égard des documents publics s’applique :

1)    le document doit avoir été établi par un fonctionnaire;

2)    le fonctionnaire doit avoir établi le document dans l’exercice d’une fonction ou d’une obligation de nature publique;

3)    le document doit avoir été établi dans le but d’en faire un document d’archives;

4)    le document doit être à la disposition du public pour examen.

[105]   L’intimée a invoqué l’ouvrage de Sopinka, Lederman et Bryant : The Law of Evidence In Canada[11] pour décrire le critère à quatre volets d’une manière quelque peu différente :

1)    l’objet de la déclaration doit être de nature publique;

2)    l’auteur de la déclaration doit établir celle-ci dans le but de la conserver comme un document public;

3)    la déclaration a été faite à une fin publique et le public peut l’examiner à sa guise;

4)    elle a été établie par le fonctionnaire dans l’exercice de ses fonctions.

[106]   L’appelante a également traité de l’analyse fondée sur des principes de la preuve par ouï‑dire, qui exige que l’on détermine la fiabilité et la nécessité. Me Shaw a cité l’ouvrage de Sopinka en traitant d’une approche fondée sur des principes relativement à l’exception à l’égard des documents publics :

[traduction]

Comme dans le cas de certaines des autres exceptions à la règle du ouï‑dire, la nécessité est une autre justification de l’admissibilité d’un document public, mais il s’agit d’une nécessité différente. Jamais n’a-t-il été une condition préalable à l’admissibilité d’un document public que son auteur soit décédé. La nécessité spéciale que requiert donc ce type de preuve par ouï‑dire n’est pas tant l’indisponibilité d’autres moyens de preuve; elle est plutôt fondée sur la commodité, car, sans une telle exception, nombreux sont les fonctionnaires qui devront mettre de côté les tâches gouvernementales dont ils ont le devoir de s’acquitter pour aller témoigner devant la cour. C’est donc dire que l’on donne la priorité à la tâche du gouvernement ainsi qu’aux besoins du public, et, de ce fait, la loi n’insiste pas sur la présence en salle d’audience de fonctionnaires. De plus, on accomplirait peu de choses en exigeant qu’un fonctionnaire vienne témoigner de vive voix, car ce dernier n’aurait probablement aucun souvenir du fait en question, hormis le document lui‑même.

[107]   L’intimée a invoqué la décision Robb v. St. Joseph’s Health Centre[12], dans laquelle il a été conclu que le rapport Krever, qui portait sur la question du sang contaminé, n’était pas admissible dans le recours collectif qu’avaient intenté des familles touchées par le sang contaminé. Dans sa décision, le juge de première instance a écrit ([1998] O.J. no 5394(QL)) :

               [traduction]

19.              Le rapport Krever renferme l’opinion que s’est formée le commissaire Krever à partir d’un document qui n’a pas été soumis à la Cour. Ce rapport contient les conclusions et les opinions que le commissaire Krever a formulées en se fondant sur ce qui s’était passé selon ses observations, sur ce qui, selon lui, avait été fait correctement ou incorrectement et sur ce qui aurait dû être fait, mais qui ne l’a pas été. Le commissaire Krever n’a pas appliqué les normes de preuve qui régissent la conduite d’un procès civil. Je souscris à l’observation de M. Morrison selon laquelle les conclusions et les opinions du commissaire Krever reposent sur des preuves et des opinions qui ont été fournies aux audiences, et dont une bonne part ne serait pas admissible dans un procès civil ou criminel. […]

[108]   Je conclus que l’affaire Robb se distingue de la présente espèce, car, dans cette affaire, c’était le produit final de l’enquête – le rapport – qui était en litige. Dans le cas présent, ce n’est pas le produit final – la décision de la Cour d’appel – mais la preuve produite dans le cadre de la requête soumise à la Cour d’appel qui est en litige. Dans la décision Robb, la Cour a conclu que le rapport reposait sur des preuves et des opinions dont une bonne part n’aurait pas été admissible dans un procès civil. Ici, la preuve par affidavit était toutefois acceptable aux yeux de la Cour d’appel, notamment parce que cette instance n’était pas un procès et que des règles différentes au sujet de la preuve semblent avoir été applicables.

[109]   Donc, pour ce qui est de l’exception à l’égard des documents publics, il est élémentaire que le document en question soit de nature publique. Je ne souscris pas au point de vue de l’appelante selon lequel, comme les affidavits ont été établis par des fonctionnaires en vue d’être utilisés dans le cadre d’une affaire judiciaire, il s’ensuit qu’il s’agit de documents publics soumis à l’exception à la règle du ouï‑dire qui s’applique aux documents publics. La teneur des affidavits est vraisemblablement le souvenir qu’ont leurs auteurs d’événements liés à l’occupation. Il ne s’agit pas, comme il a été indiqué dans l’ouvrage de Sopinka, d’une teneur dont les auteurs des affidavits n’auraient par ailleurs aucun souvenir. Les affidavits ont été souscrits par des fonctionnaires, mais à titre de témoins d’événements, et non d’auteurs de documents publics. Le fait qu’ils fournissent une preuve d’événements qui les oblige à s’en souvenir n’est pas différent du fait que n’importe quel autre témoin doive fournir une preuve. La teneur de ces affidavits ne devient pas un document public soumis à la règle du ouï‑dire juste parce que ces documents ont été déposés dans le cadre d’une requête devant la Cour d’appel de l’Ontario.

[110]   L’intimée fait remarquer que l’article 144 des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (Procédure générale) exige un témoignage oral. Cela n’a pas préséance sur une méthode d’analyse raisonnée à l’égard de la règle du ouï‑dire selon laquelle la nécessité et la fiabilité peuvent faire en sorte qu’une preuve par ouï‑dire est admissible et qu’on laisse donc au juge le pouvoir discrétionnaire de lui accorder une force probante. Mais cela crée effectivement un point de départ. Il est préférable d’obtenir un témoignage de vive voix en ce qui concerne le souvenir d’événements, ce qui permet de procéder à un contre‑interrogatoire en vue de vérifier la véracité du témoignage. Les affidavits, dont le contenu, selon moi, n’en fait pas des documents publics, devraient donc être soumis aux critères ordinaires de la nécessité et de la fiabilité. Ici, la fiabilité n’est pas en litige, mais la nécessité l’est. La description du critère spécial de la nécessité que Me Shaw a tirée de l’ouvrage de Sopinka concernait les documents publics. Les présents affidavits, à mon sens, ne sont pas des documents publics auxquels s’applique l’exception, de sorte que la démarche habituelle à l’égard de la nécessité s’applique. Pourquoi, en fait, ces quatre personnes ne peuvent-elles pas comparaître devant moi? Je n’ai rien entendu qui me convainc qu’il est nécessaire que leur preuve soit fournie par voie d’affidavit. La crédibilité de ces quatre personnes n’a pas été vérifiée; elles ne témoignent pas au sujet de questions pour lesquelles elles ont l’obligation publique de conserver un document. Leur situation n’est tout simplement pas différente de celle de n’importe quel autre témoin.

[111]   Si l’appelante veut que la Cour souscrive à la preuve de ces quatre témoins potentiels sur les événements entourant l’occupation et ayant mené à l’entente conclue entre l’Ontario et Henco, il faudra donc que l’appelante les fasse témoigner.

[112]   Je ne considère pas que l’exception à la règle du ouï‑dire qui s’applique aux documents publics s’applique aux affidavits ou que ceux‑ci sont admissibles selon la méthode d’analyse raisonnée à l’égard de la règle du ouï‑dire. La meilleure preuve que la Cour puisse obtenir de ces quatre témoins est leur témoignage de vive voix.

[113]   La position de l’appelante est-elle donc sauvegardée par les articles 23 et 24 de la Loi sur la preuve au Canada? Non. Selon moi, à l’article 23, « [l]a preuve d’une procédure » ne désigne pas la preuve déposée dans une procédure. Si la Cour acceptait en bloc une preuve par affidavit dans une instance qui n’admet que des preuves par affidavit, cela constituerait une interprétation trop large des dispositions de la Loi sur la preuve au Canada. Si les parties devant la Cour d’appel de l’Ontario avaient été les mêmes que celles qui se trouvent devant moi, et s’il y avait eu une possibilité de contre‑interroger les auteurs des affidavits dans le cadre de cette instance‑là, alors peut-être que la Loi sur la preuve au Canada entrerait en jeu et que la Cour pourrait considérer ces preuves comme acceptables.

[114]   Passons maintenant aux communiqués de presse. Je me fonde sur la décision R.  v. McCormack[13], qui portait directement sur les communiqués de presse de la police, de même que sur la décision P.I.P.S.C. v. Canada[14], dans laquelle la Cour a décrété :

          [traduction]

70.       Quant au critère de la fiabilité, il est évident que ces documents ont été établis par des fonctionnaires de niveau supérieur ou des fonctionnaires bien informés en poste dans des ministères ou des organismes du gouvernement fédéral. Ils décrivent ou expliquent le fonctionnement des régimes de retraite et de ces comptes. Dans bien des cas, ces documents avaient pour but de transmettre des informations aux ministres et à des hauts fonctionnaires d’autres ministères ou organismes gouvernementaux. À mon avis, il est raisonnable de s’attendre à ce que l’on accorde une grande importance à leur exactitude. Il y a aussi l’attente de franchise, compte tenu des circonstances et du fait qu’il n’y avait à l’époque aucun litige. Cette preuve présente la « garantie circonstancielle de crédibilité ».

[115]   Je souscris à la position de l’appelante selon laquelle le fait d’appeler un témoin pour attester ces communiqués de presse serait un gaspillage de temps. Ils s’inscrivent dans les quatre critères mentionnés plus tôt. Je rejette la position de l’intimée selon laquelle le fait d’accepter les communiqués de presse de la police éliminerait le besoin de procéder à un procès criminel : il est nécessaire d’injecter un peu de bon sens dans ces considérations. Un communiqué de presse est certainement de nature publique et donc accessible, et il peut continuer d’être un compte rendu permanent d’un événement.

[116]   Les communiqués de presse sont retenus. Les affidavits sont exclus.

 

III. L’analyse

La question des 650 000 $ : revenu ou gain fortuit?

[117]   L’intimée soutient que le paiement de 650 000 $ qui a été fait le 3 mai 2006 tombe carrément sous le coup de l’alinéa  12(1)x) de la Loi, dont le texte est le suivant :

12(1)    Sont à inclure dans le calcul du revenu tiré par un contribuable d’une entreprise ou d’un bien, au cours d’une année d’imposition, celles des sommes suivantes qui sont applicables :

[…]

x)                  un montant (à l’exclusion d’un montant prescrit) reçu par le contribuable au cours de l’année pendant qu’il tirait un revenu d’une entreprise ou d’un bien :

[…]

(ii)        soit d’un gouvernement, d’une municipalité ou d’une autre administration,

s’il est raisonnable de considérer le montant comme reçu :

[...]

(iv)       soit à titre de remboursement, de contribution ou d’indemnité ou à titre d’aide, sous forme de prime, de subvention, de prêt à remboursement conditionnel, de déduction de l’impôt ou d’indemnité, ou sous toute autre forme, à l’égard, selon le cas :

(A) d’une somme incluse dans le coût d’un bien ou déduite au titre de ce coût,

(B) d’une dépense engagée ou effectuée,

dans la mesure où le montant, selon le cas :

[…]

(viii)     ne peut raisonnablement être considéré comme un paiement fait au titre de l’acquisition par le débiteur ou par l’administration d’une participation dans le contribuable, d’un intérêt ou, pour l’application du droit civil, d’un droit sur son entreprise ou d’un intérêt ou, pour l’application du droit civil, d’un droit réel sur son bien;

[118]   L’appelante soutient que ce paiement ne relève pas de l’alinéa 12(1)x) de la Loi, mais que la somme de 650 000 $ est un gain fortuit, citant à cet égard les exigences à remplir pour conclure à l’existence d’un tel gain qui sont énoncées dans l’arrêt R. c. Cranswick[15]. Il n’est pas utile selon moi de traiter des nombreux facteurs énoncés dans cet arrêt ni de se lancer dans une analyse détaillée des gains fortuits. La question est la suivante : le paiement de 650 000 $ tombe‑t‑il sous le coup de l’alinéa 12(1)x) de la Loi? Si oui, il s’agit d’un revenu. Si non, ce montant n’est pas imposable à titre de revenu. L’intimée n’a présenté aucune solution de rechange à cet alinéa pour que ce paiement soit considéré comme un élément de revenu, et il y a une bonne raison à cela.

[119]   Quelles conditions faut‑il donc remplir pour que l’alinéa 12(1)x) de la Loi s’applique :

1)    le montant de 650 000 $ doit avoir été reçu par Henco pendant qu’elle « tirait un revenu d’une entreprise ou d’un bien »;

2)    le paiement doit avoir été reçu d’un gouvernement;

3)    le paiement doit pouvoir raisonnablement être considéré comme ayant été reçu à titre d’aide à l’égard d’une dépense engagée ou effectuée;

4)    le paiement n’était pas destiné à l’acquisition de l’entreprise ou du bien de Henco.

L’appelante soutient que les conditions 1 et 3 ci‑dessus n’ont pas été remplies ou que, subsidiairement, le paiement avait pour but d’acquérir le terrain DCE.

[120]   Le paiement a-t-il été reçu pendant que le contribuable tirait un revenu d’une entreprise?

[121]   Le paiement a été reçu au début du mois de mai. À ce stade, Henco tirait‑elle un revenu d’une entreprise? L’appelante fait remarquer que ce libellé ne ressemble pas à celui que l’on retrouve à l’alinéa 12(1)a) de la Loi, par exemple, qui indique simplement : « dans le cours des activités d’une entreprise ». Henco pouvait‑elle encore exploiter une entreprise sans toutefois tirer un revenu d’une entreprise? Je crois que oui. Il est certainement arrivé un moment où Henco n’a plus été en mesure d’exploiter l’entreprise qui était la sienne, à savoir l’aménagement foncier. Il n’y avait aucune activité commerciale et donc aucun revenu à tirer d’une entreprise : à un certain moment il n’y avait pas d’exploitation d’une entreprise, juste une stratégie de récupération. Mais ce moment était-il au début du mois de mai, lorsque le paiement a été reçu?

[122]   L’intimée fait valoir que l’alinéa 12(1)x) de la Loi ne fait pas état d’un  moment particulier dans le temps, mais qu’il me faut considérer de manière plus large la question du moment afin de déterminer si le montant a été reçu pendant que le contribuable tirait un revenu d’une entreprise. Il s’agissait d’une situation exceptionnelle et regrettable. Il ne fait aucun doute que Henco, en 2005 et en 2006, exploitait une entreprise, et elle tirait certes un revenu d’une entreprise, mais la somme de 650 000 $ n’est manifestement pas liée à cette période, celle qui précède l’occupation. Ce n’est pas cette période-là qu’il faut prendre en considération pour répondre à la question de savoir si Henco a reçu la somme de 650 000 $ pendant qu’elle « tirait un revenu d’une entreprise ». La période est celle à laquelle se rapporte le paiement : de la fin du mois de février au début du mois de mai.

[123]   Je suis d’accord avec l’intimée pour dire qu’il ne serait pas sensé, au moment d’examiner l’aide financière accordée par un gouvernement à une entreprise en difficulté, de dire que cette entreprise n’a pas reçu le paiement pendant qu’elle tirait un revenu d’une entreprise juste parce qu’elle était déficitaire au moment où elle a reçu le paiement. Mais ce n’est pas cette situation-là qui m’est soumise. À un certain moment, Henco n’exploitait pas simplement son entreprise à perte, mais elle n’avait plus d’entreprise du tout et ne tirait plus un revenu d’une entreprise.

[124]   Je conclus qu’avant que Henco entende parler du moratoire, et, en fin de compte, avant l’imposition d’un règlement de rezonage empêchant tous autres travaux d’aménagement, Henco exploitait toujours son entreprise. Ces mesures n’ont été prises que plus tard en mai, après la réception du paiement de 650 000 $. Mais, entre la fin du mois de février et le moment où le paiement de 650 000 $ a été fait, même si elle exploitait encore une entreprise, Henco tirait‑elle un revenu d’une entreprise? Je ne le crois pas. Il peut s’agir là d’une distinction subtile, mais il s’agit manifestement d’une distinction que fait la loi elle‑même.

[125]   Il ressort clairement de la preuve qu’après le 28 février 2006, Henco n’a plus eu accès au terrain DCE. Elle ne pouvait pas exploiter une entreprise produisant un revenu. Comme l’a déclaré l’avocat de l’appelante, celle‑ci était sérieusement handicapée ou stérilisée. Cette « stérilisation » est devenue permanente plus tard au mois de mai, ce qui a mis un terme à l’entreprise. Mais, à compter du 28 février, Henco ne tirait pas de revenu d’une entreprise. Elle tentait plutôt de préserver l’entreprise elle‑même, dans l’expectative, manifestement de plus en plus faible à mesure que l’occupation se poursuivait, que les barrages soient levés et qu’elle puisse recommencer à tirer un revenu de l’entreprise. Elle a agi en prenant la seule mesure à sa disposition : tenter de faire lever légalement les barrages. Pendant la période du 28 février au 3 mai, il a été physiquement impossible à Henco de faire quoi que ce soit d’autre. Je conclus qu’elle n’a pas reçu le paiement pendant qu’elle tirait un revenu d’une entreprise. Elle ne se trouvait pas, par exemple, au stade du redémarrage d’une entreprise après un événement catastrophique, comme une inondation ou un tremblement de terre.

[126]   Si je me trompe en concluant que le montant n’a pas été reçu pendant que le contribuable « tirait un revenu d’une entreprise », je conclus que la troisième condition n’est pas remplie non plus. Peut-on raisonnablement considérer que le paiement a été reçu à titre d’aide à l’égard d’une dépense engagée ou effectuée? Henco n’a fourni aucune preuve indiquant à quoi la somme de 650 000 $ a servi. Dans la lettre du 27 avril de l’Ontario ainsi que dans l’annexe A ci‑jointe, il y a une preuve que le paiement avait pour but d’aider à supporter les coûts et les dépenses engagés à cause de l’occupation, mais il s’agissait‑là de l’opinion de l’Ontario, et non celle de Henco. Il n’y avait aucune exigence de paiement. Il n’y avait aucune exigence de reddition de comptes.

[127]   Il est clair toutefois qu’une somme de 300 000 $ a été payée par l’Ontario dans le cadre de l’entente et que, selon cette dernière, cette somme était destinée à couvrir [traduction] « les frais raisonnables que le vendeur a engagés depuis le 28 février 2006 relativement à l’occupation du terrain DCE, ce qui inclut la totalité des coûts engagés par le vendeur pour retenir les services de consultants, de conseillers juridiques, d’évaluateurs, d’experts et d’autres conseillers tiers ».

[128]   M. Henning a déclaré que la somme de 300 000 $ n’avait rien à voir avec celle de 650 000 $. Il a confirmé que Henco avait bel et bien engagé des frais pour ce type de services, ainsi que des dépenses d’un montant légèrement supérieur à 300 000 $. Quelle dépense engagée ou effectuée la somme de 650 000 $ vise‑t‑elle? Sans preuve d’autres « dépenses engagées ou effectuées », il serait déraisonnable de conclure que le paiement s’appliquait à des dépenses hypothétiques. Comme l’a laissé entendre M. Carr, c’était simplement ce que l’équité demandait.

[129]   Je conclus que la somme de 650 000 $ n’était bel et bien assortie d’aucune condition, un « cadeau » pour dire les choses simplement, non transformée en revenu par l’application de l’alinéa 12(1)x) de la Loi.

Le terrain Seneca : 800 000 $ ou 850 000 $ – revenu ou immobilisation?

[130]   Il y a deux questions en litige au sujet du terrain Seneca : le paiement était‑il imputable au revenu ou aux immobilisations, et la valeur était‑elle de 800 000 $ ou de 850 000 $?

[131]   Je puis régler rapidement la seconde question. Le montant de 850 000 $ de l’évaluateur, sur lequel l’intimée s’est fondée, se situait dans une fourchette indiquée de 786 590 $ à 898 960 $. À mon avis, n’importe quel montant se situant à l’intérieur de cette fourchette serait une détermination raisonnable de la juste valeur marchande. Les évaluations immobilières, surtout dans les cas où il y a en jeu des forces exceptionnelles autres que celles du marché, sont forcément imprécises. Une fourchette de valeurs est un résultat éminemment logique. De plus, lorsqu’un contribuable a désigné une valeur qui, en fin de compte, se situe à l’intérieur de la fourchette établie pour la juste valeur marchande raisonnable, il n’y a pas lieu selon moi d’y toucher. Ce sera donc 800 000 $.

[132]   Pour ce qui est maintenant de la question de la distinction entre le capital (ou « immobilisation ») et le revenu, l’arrêt Canada Safeway Ltd. c. R.[16] résume bien les facteurs dont il faut traiter :

61.       On peut dégager de ces décisions quelques principes qui peuvent, à mon avis, être résumés comme suit. Premièrement, il n’est pas facile de tracer une ligne de démarcation entre les revenus et les gains en capital et il est donc nécessaire, pour bien les distinguer, de tenir compte d’une foule de facteurs, et notamment de l’intention du contribuable au moment de l’acquisition du bien en litige. Deuxièmement, pour que l’opération soit considérée comme un projet comportant un risque de caractère commercial, il faut qu’au moment de l’acquisition, le contribuable ait eu à l’esprit la possibilité de revendre comme motif qui le poussait à faire cette acquisition. La conclusion qu’une telle motivation existe devrait être basée sur des inférences découlant des circonstances qui entourent la transaction. Autrement dit, c’est toute la conduite du contribuable qu’il faut apprécier. Troisièmement, en ce qui concerne l’« intention secondaire », celle-ci doit aussi avoir existé au moment de l’acquisition du bien et le contribuable doit avoir été motivé par l’intention secondaire de le revendre avec bénéfice au cas où une occasion intéressante se présenterait. Quatrièmement, le fait que le contribuable envisageait la possibilité de revendre son bien ne suffit pas, en soi, pour conclure à l’existence d’un projet comportant un risque de caractère commercial. Dans leur ouvrage Principles of Canadian Income Tax Law, précité, les éminents auteurs expriment l’avis, dans leur analyse du critère applicable en ce qui a trait à l’existence d’une « intention secondaire », que [TRADUCTION] « les critères de la doctrine de l’intention secondaire ne seront respectés que si la perspective de revente à profit a joué un rôle important dans la décision d’acquérir le bien » (à la page 337). Je souscris entièrement à cette proposition. Cinquièmement, le témoignage du contribuable au sujet de son intention n’est pas déterminant et doit être examiné à la lumière de l’ensemble des circonstances.

[133]   Je ne considère pas cela comme une analyse de l’intention secondaire. L’intimée fait valoir que Henco n’a jamais envisagé d’aménager le terrain Seneca de façon à ce qu’elle puisse posséder et exploiter un terrain de golf. Henco a toujours eu l’intention de conserver le terrain à titre d’élément d’inventaire dans le but d’en faire la revente, soit à l’exploitant d’un terrain de golf, soit en vue d’un aménagement résidentiel. Henco soutient que sa seule intention au moment de l’acquisition du bien était d’aménager un terrain de golf. En fait, l’exposé conjoint des faits indique :

               [traduction]

41.              L’ancien propriétaire du terrain Seneca (« Ancienne Henco ») avait dressé des plans préliminaires en vue de l’aménagement d’un terrain de golf.

42.              Cet objectif principal a été maintenu par Ancienne Henco, par l’intermédiaire de Jack Henning, son actionnaire.

[134]   Mais Henco allait‑elle aménager le terrain de golf et ensuite le vendre à un exploitant de terrain de golf, ou aménager ce terrain pour l’exploiter elle‑même? Telle est la question. Je souscris au témoignage de M. Henning selon lequel le terrain ne convenait pas à un aménagement résidentiel : il n’était pas zoné à cette fin; il consistait en des terrains désignés comme étant à risque; il serait difficile à viabiliser; et il présentait d’éventuels problèmes liés aux Premières Nations. Cela, cependant, comme je l’ai indiqué, n’était pas le problème. La question est celle de savoir quelle preuve révèle une intention de posséder et d’exploiter un terrain de golf, par opposition à une intention d’aménager le terrain en vue de sa vente comme terrain de golf : capital par opposition à revenu.

[135]   Les deux parties m’ont renvoyé aux livres de Henco qui, à vrai dire, pourraient être interprétés dans un sens comme dans l’autre. Le terrain Seneca était inscrit dans les livres en étant souvent assorti du mot « golf », mais n’y figure toutefois pas à titre de bien en capital de cette nature. Rien ne peut être tiré des livres.

[136]   Les deux parties ont évoqué l’offre de Camplor. L’appelante a laissé entendre qu’il s’agissait d’une offre non sollicitée, ce qui ne dénote aucune intention de la part de Henco. L’intimée a laissé entendre que, même si la proposition de Camplor n’avait pas eu de suite, Henco avait accepté l’offre et, en fait, avait fini par vendre le terrain à un autre promoteur. Ceci étant dit avec égards, aucun de ces faits, survenus longtemps après l’acquisition du terrain, ne permet de prouver l’intention, au moment de l’acquisition, de faire du bien un élément d’inventaire ou un bien en capital.

[137]   De plus, le don d’une partie du terrain Seneca au comté n’est pas une indication dans un sens ou dans l’autre, car M. Henning a témoigné qu’il y avait encore de la place pour y aménager un terrain de golf de 18 trous.

[138]   Je n’ai donc en main aucune preuve qui fasse pencher la balance en faveur d’une intention plutôt que de l’autre : un terrain aménagé en vue de sa vente en tant que terrain de golf, par opposition à un terrain aménagé en vue d’être possédé et exploité par Henco à titre de terrain de golf. L’une des présomptions du ministre était que [traduction] « l’appelante a fait des efforts pour rendre le terrain plus commercialisable, de façon à pouvoir le vendre à profit, en procédant à des plans préliminaires en vue d’aménager le terrain Seneca en terrain de golf ». Il incombe à l’appelante de réfuter cette présomption. Je conclus qu’aucune preuve à cet effet ne m’a été présentée. La totalité des éléments de preuve concorde tout autant avec une intention d’aménager le bien en vue de le vendre comme terrain de golf qu’avec l’intention de l’aménager en vue de le posséder et de l’exploiter en tant que terrain de golf. L’appelante ne s’est pas acquittée de ce fardeau. La somme de 800 000 $ est imputable au revenu.

Le terrain Morrison – sa juste valeur marchande?

[139]   La seule question concernant le terrain Morrison est le fait de savoir si le ministre s’est fondé à juste titre sur la juste valeur marchande de 1 400 000 $, par opposition à la détermination, par Henco, de la valeur de 1 000 000 $. Henco se fonde sur le fait que le ministre a accepté que la valeur du bien soit réduite à   1 000 000 $, ainsi que sur l’opinion personnelle de M. Henning à propos de sa valeur, compte tenu des circonstances à l’époque. Le ministre invoque l’évaluation rétrospective que Henco a obtenue du cabinet Jacob Ellens & Associates Inc., lequel avait fixé la valeur du terrain Morrison à 1 400 000 $. Le rapport d’évaluation, même s’il est inclus dans le recueil de documents de l’appelante, n’a pas été soumis à M. Henning ou à l’un quelconque des témoins. L’évaluateur n’a pas été appelé à témoigner.

[140]   Henco a‑t‑elle réfuté la présomption du ministre, soit une juste valeur marchande de 1 400 000 $?

[141]   Dans la décision Succession Gough c. Canada[17], la juge Campbell a écrit ce qui suit au sujet de la réfutation d’un rapport d’expert :

19.       Dans bien des cas où le contribuable ne produit pas de rapport d’expert pour réfuter la cotisation établie par le ministre relativement à la juste valeur marchande, la Cour doit rejeter l’appel parce que le contribuable ne s’est pas acquitté de la charge qui lui incombait. Toutefois, il y a eu quelques cas où le contribuable a pu s’acquitter de la charge qui lui incombait même s’il n’avait pas appelé d’expert à témoigner. La question de l’établissement de la juste valeur marchande dans les cas où une seule des deux parties cite un témoin expert a été examinée par le juge en chef adjoint Bowman, C.C.I., dans le jugement Klotz c. Canada, [2004] A.C.I. no 52. Le juge en chef adjoint Bowman, C.C.I., a dit ce qui suit au paragraphe 33 :

[...] Il peut être risqué de ne citer aucun témoin expert dans une affaire d’évaluation. Néanmoins, la Cour n’est pas tenue d’accepter l’opinion d’un expert et, en fin de compte, la Cour doit en arriver à sa propre détermination de la valeur compte tenu de la preuve dans son ensemble.

20        Dans l’affaire qui nous occupe, l’appelante n’a pas engagé d’expert et a décidé de se fier aux évaluations du Dr Gough relativement aux biens. Bien que le Dr Gough détienne un grand nombre de biens immobiliers, son domaine de compétence principal est la médecine. Il a établi une valeur à l’égard des biens en se fondant principalement sur son expérience avec ses propres biens de location et sur l’aide qu’il a fournie à son père au fil des ans relativement aux sept immeubles de location. Bien que je reconnaisse la participation importante du Dr Gough au marché immobilier, je dois rejeter l’approche qu’il a adoptée pour établir une valeur à l’égard des biens en question. La bonne méthode à employer pour déterminer la juste valeur marchande d’un bien peut varier en fonction des particularités de chaque cas, mais la pratique générale est d’évaluer les biens au moyen d’au moins une des trois méthodes d’évaluation reconnues. Lorsqu’il a initialement produit la déclaration de revenus de la succession, le Dr Gough s’est tout simplement fié à ses propres connaissances et à son expérience dans le domaine de l’immobilier pour faire les évaluations. Après que la cotisation a été établie, il a recueilli auprès du bureau d’enregistrement des données sur d’autres ventes effectuées pendant la période en question et a produit un graphique pour l’analyse. Cependant, l’utilisation d’un tel graphique ne représente pas une méthode d’évaluation reconnue. Même si j’acceptais le graphique, les taux d’appréciation utilisés n’étaient pas du tout appuyés, et c’est sur ces taux que le graphique était fondé.

[…]

24        L’appelante ne s’est pas acquittée de la charge qui lui incombait sur cette question. Elle ne s’est pas servie de données objectives, n’a pas utilisé de méthode d’évaluation reconnue, n’a pas fourni de rapport ou d’opinion d’expert et n’a pas présenté de preuves pour démontrer dans quelle mesure les écarts entre l’âge et l’emplacement des biens comparables pourraient avoir une incidence sur les conclusions en matière d’évaluation contenues dans le rapport d’expert. Les meilleurs éléments de preuve dont je dispose sont le rapport et le témoignage de M. Bennett.

[142]   Je suis confronté à une situation semblable. Premièrement, toutefois, je ne suis pas d’avis que, juste parce que le ministre n’a pas établi une nouvelle cotisation à l’endroit de Henco relativement à la réduction de valeur à 1 000 000 $, cela empêche de quelque façon le ministre de maintenir à présent  que la valeur est de 1 400 000 $. C’est la justesse de cette évaluation particulière qui m’est soumise et c’est à moi qu’il appartient de déterminer la valeur, quoique l’ARC ait pu le juger auparavant acceptable ou non dans un contexte différent.

[143]   M. Henning a‑t‑il fourni une preuve suffisante pour réfuter la valeur de 1 400 000 $ que l’intimée a fixée? Non, il ne l’a pas fait.

[144]   Sachant que la présomption du ministre reposait sur une évaluation que Henco elle‑même avait obtenue, M. Henning n’a fourni aucune preuve permettant d’attaquer ou de contredire de quelque façon cette évaluation d’expert. Dans son témoignage, il a simplement laissé entendre que l’occupation et les dommages causés à la [traduction] « marque » Caledonia étayent la valeur qu’il a fixée à l’époque, et rien de plus. En fait, il a laissé entendre au procès que le chiffre de 1 000 000 $ était trop élevé. M. Henning a reconnu qu’il a fondé la valeur sur celle qu’avait le terrain Morrison dans les livres.

[145]   M. Henning n’a pas fourni d’évaluation reposant sur une méthode technique quelconque. Son évaluation est en fait la valeur comptable de Henco. Il a reconnu ne pas être un évaluateur, mais a déclaré qu’il savait très bien quelle était la situation à l’époque. Cependant, cette connaissance ne se traduit pas en une évaluation méthodique et raisonnée.

[146]   L’explication que M. Henning a donnée (voir le paragraphe 76 des présents motifs) n’est tout simplement pas suffisante pour réfuter une valeur fondée sur une évaluation d’expert, surtout si cette évaluation n’a pas été soumise à l’examen détaillé d’un autre évaluateur, voire même de M. Henning.

[147]   Je conclus que l’évaluation du ministre, soit 1 400 000 $, est exacte.

La question des 15 800 000 $ : revenu ou capital; si capital, imposable ou non?

[148]   J’analyserai cet aspect en traitant des questions suivantes :

1)    Henco a‑t‑elle reçu les 15 800 000 $ pour le terrain DCE?

2)    si le montant de 15 800 000 $ se rapportait au terrain DCE, était‑il imputable au revenu, conformément aux articles 9 et 23 de la Loi, ou au capital?

3)    si la somme de 15 800 000 $ se rapportait à quelque chose d’autre que le terrain, cette somme était‑elle imputable au revenu ou au capital, et si elle était imputable au capital, a‑t‑elle donné lieu à un gain en capital ou s’agissait‑il d’un montant de capital (ou « en immobilisations ») admissible ou d’une rentrée de capital non imposable?

 

1)    Henco a-t-elle reçu les 15 800 000 $ pour le terrain?

[149]   Pour répondre à cette question, j’examinerai d’abord l’entente elle‑même et ensuite la matrice factuelle.

[150]   Le point de départ et, selon l’intimée, le point déterminant sont l’entente elle‑même, et, par le mot « entente », j’englobe tous les documents nécessaires pour clore l’opération. L’intimée soutient que l’entente indique sans équivoque qu’elle s’applique à la vente du terrain DCE au prix de 15 800 000 $. L’appelante soutient que l’entente ne reflète pas la nature véritable du marché conclu entre les parties, qui était de 15 800 000 $ pour mettre fin à l’entreprise de Henco.

[151]   Qu’est-ce que l’entente prescrit? D’abord, et par-dessus tout, elle n’indique pas explicitement que le terrain DCE est vendu moyennant une contrepartie de 15 800 000 $. Je note que l’entente n’est pas exprimée en termes de contrepartie, mais en termes d’indemnité (alinéa 3.1(a) de l’entente), un terme que l’on associe souvent à un paiement pour services ou à un paiement pour dommages. L’indemnité doit être déterminée en fonction de la juste valeur marchande des biens achetés en date du 27 février 2006, c’est-à-dire avant l’occupation : une indication, selon moi, que l’on considérait qu’il était difficile d’évaluer ce qui était vendu au moment de la vente. Cela implique qu’il s’agissait uniquement d’un moyen de déterminer l’indemnité, un moyen fondé sur l’unique bien corporel, mais, forcément, à une époque où ce bien avait une valeur.

[152]   L’entente fait état de plusieurs biens dans le cadre de la vente, dont le terrain, les contrats et les biens meubles, qui comprennent les biens incorporels.

[153]   Au début de l’entente, il est noté dans le préambule qu’il y a des circonstances qui sont liées à l’utilisation et à l’aménagement du terrain. Ensuite, si l’on examine les déclarations et les garanties, on relève un indice de ce que sont ces circonstances et de l’effet qu’elles pourraient avoir sur le marché. L’alinéa 4.1(d) de l’entente fait explicitement référence à ce qui guide le marché, car il oblige Henco à [traduction] « obtenir sans délai une ordonnance infirmant l’ordonnance du juge Marchall […] ». Un autre indice explicite figure à l’alinéa (w) des déclarations et garanties, qui oblige à mettre fin à l’entreprise de Henco. Il ressort clairement du document lui‑même qu’il ne s’agit pas d’une simple opération immobilière – il y a quelque chose d’autre qui se passe.

[154]   Les documents de clôture comprenaient un état des rajustements qui indiquait bel et bien que ceux-ci étaient liés au revenu. L’intimée fait valoir que cela dénote que la somme de 15 800 000 $ était donc imputable au revenu. Mais cela ne prouve pas quel montant a été payé pour le terrain. À l’évidence, la disposition du terrain faisait partie de cette transaction. Cependant, il est loin d’être clair au vu de l’entente que la somme de 15 800 000 $ a été payée pour le terrain, indépendamment des rajustements. Ces derniers auraient été faits, peu importe la contrepartie attribuable au terrain.

[155]   L’autre document postérieur à l’entente, qui fait partie des documents de clôture, est la renonciation totale et définitive, dont le préambule indique que le vendeur libérera l’acheteur de toutes actions en échange du paiement de 15 800 000 $. Dois‑je présumer que la totalité de la somme de 15 800 000 $ s’appliquait à la renonciation et non au terrain?

[156]   Je conclus que, même avant que l’on analyse la matrice factuelle, il y a des éléments qui étayent la conclusion selon laquelle cette entente, tout en faisant état de la vente d’un terrain, fait quelque chose de plus. Pourquoi Henco doit‑elle cesser ses activités? Pourquoi doit‑elle faire infirmer une ordonnance du juge Marshall? Quelle est cette ordonnance? Pourquoi n’y a-t-il pas eu d’évaluation à jour des biens achetés? Que se passe-t-il? Je rejette carrément la thèse selon laquelle l’entente reflète la vente claire et nette d’un terrain au prix de 15 800 000 $ : il y a manifestement quelque chose d’autre qui est en jeu. Je conclus aussi qu’il est impossible de distinguer la nature véritable de l’entente dans le but d’évaluer le montant d’impôt que Henco doit payer sans bien saisir l’ensemble des circonstances, la matrice factuelle.

[157]   Quelles sont donc ces circonstances pertinentes qui pourraient m’aider à déterminer avec exactitude pourquoi le montant de 15 800 000 $ a été payé?

[158]   Si l’on regarde au-delà de l’entente dans le but de prouver que la somme de 15 800 000 $, ou une bonne partie de cette dernière, a été payée pour le terrain DCE, la seule circonstance qui étaye cette thèse est le transfert proprement dit du titre de propriété, qui fait état d’une valeur de transfert de 12 300 000 $.

[159]   Si l’on regarde au-delà de l’entente dans le but de prouver que la somme de 15 800 000 $ ne s’applique pas au terrain, je constate les circonstances suivantes, qui sont antérieures à l’entente :

        d’après les évaluations des deux parties, le terrain n’avait aucune valeur : il ne valait rien;

        il n’existait pour le terrain aucun marché commercial;

        l’Ontario n’était pas mû par des besoins commerciaux;

        l’Ontario était confronté à l’anarchie, à une agitation civile et à des frais de services de police considérables.

[160]   Je pourrais énumérer toute une série d’événements qui démontrent ce fait, mais j’ai délibérément décrit de tels faits de manière très détaillée plus tôt dans les présents motifs. Ces faits font très largement état d’une situation de plus en plus dangereuse et alarmante à Caledonia, qui obligeait l’Ontario à agir.

        L’Ontario ne pouvait pas régler l’occupation et aucune négociation de traité ne pouvait avoir lieu tant que les Six Nations craignaient que l’on mette à exécution l’injonction : il était impératif que celle-ci soit levée et ce n’était qu’à ce moment-là que les barricades tomberaient.

        La Police provinciale de l’Ontario ne voulait pas risquer une aggravation de la violence ou mettre des vies en danger. Elle se préoccupait particulièrement d’une répétition de la crise d’Ipperwash, une crise sur laquelle l’enquête du même nom se déroulait à ce moment‑là. Le juge Marshall ne tolérait pas que l’on renonce au respect de la primauté du droit.

        Des représentants élus s’affairaient à trouver une solution.

        La couverture médiatique était considérable.

        Comme l’Ontario avait rezoné le terrain en vue d’éviter tous travaux d’aménagement, l’entreprise de Henco était essentiellement éteinte.

        Le moratoire et le rezonage n’ont pas été suffisants pour mettre fin à l’occupation.

        Selon M. Henning, l’Ontario a été plus actif dans ses rapports avec Henco pour la racheter lorsque s’est produite une flambée de violence, avant le début d’une audience judiciaire ou lorsqu’il y avait une couverture médiatique.

        M. Carr, en tant que représentant de l’Ontario, a reconnu que le fait de [traduction] « retirer les barricades et mettre fin à l’occupation était un aspect central de toutes nos discussions ».

        M. Carr a de plus indiqué que le fait d’écarter Henco laisserait le différend entre les mains, d’une part, de l’Ontario et du Canada et, d’autre part, des Six Nations.

        M. Henning craignait pour sa sécurité personnelle et celle de sa famille, car les Six Nations considéraient Henco comme la source de leurs problèmes, allant même jusqu’à accuser les Henning d’avoir déclenché une guerre.

[161]   Après la conclusion de l’entente, il y a eu un événement qui étaye lui aussi l’opinion selon laquelle l’Ontario payait pour quelque chose de plus que le terrain. Cet événement a été la tentative immédiate de Henco pour faire lever l’injonction; cette tentative a échoué. Le juge Marshall n’a pas levé l’injonction. L’Ontario a aussitôt pris en charge le règlement de l’affaire, ce qui a mené en fin de compte à la décision de la Cour d’appel, qui a levé l’injonction.

[162]   À Caledonia, la situation était extrêmement dangereuse. Il fallait que l’Ontario fasse quelque chose. Henco était coincée au milieu et a fini par en payer le prix. L’Ontario a écarté Henco, qui constituait un obstacle. La seule conclusion que l’on puisse tirer est que l’Ontario a payé Henco pour qu’elle disparaisse et pour que la province puisse ainsi se débarrasser de l’injonction, prendre en main la situation explosive et rétablir la paix. Cette mesure a eu pour effet de détruire l’entreprise de Henco.

[163]   Compte tenu des circonstances extraordinaires, je ne puis conclure que Henco a reçu 15 800 000 $ pour la vente d’un terrain sans valeur. Cela ne saisit ni l’essence de l’entente elle-même ni l’intention des parties; du point de vue de Henco, il s’agissait de récupérer ce qu’elle pouvait dans le contexte de la destruction de son entreprise et, du point de vue de l’Ontario, il s’agissait de désamorcer une situation explosive et peut-être d’agir de la bonne façon envers Henco. Même si le terrain a été transféré dans le cadre de l’opération, il ne s’agissait pas d’une opération foncière.

2)    Si la somme de 15 800 000 $ s’appliquait au terrain DCE, était‑elle imputable au revenu ou au capital?

[164]   Même si j’ai décidé que la somme de 15 800 000 $ reçue par Henco ne s’appliquait pas au terrain DCE, je tiens quand même à traiter de l’argument de l’intimée selon lequel, si cette somme s’appliquait au terrain, le montant est un revenu aux termes de l’article 23 de la Loi.

L’article 23 de la Loi dispose :

(1)        Lorsque, lors de la disposition d’une entreprise ou d’une partie quelconque d’une entreprise ou après en avoir disposé, ou lors de la cessation de l’exploitation d’une entreprise ou d’une partie quelconque d’une entreprise ou après avoir cessé de l’exploiter, un contribuable a vendu la totalité ou une partie des biens qui étaient à porter à l’inventaire de l’entreprise, les biens ainsi vendus sont réputés, pour l’application de la présente partie, avoir été vendus par lui dans le cadre de l’exploitation de l’entreprise.

(2)        [Abrogé en vertu de l’ancienne Loi]

(3)        Les biens mentionnés au présent article et qui étaient à porter à l’inventaire d’une entreprise sont réputés comprendre les biens qui y auraient été compris si le revenu tiré de l’entreprise n’avait pas été calculé selon la méthode autorisée par le paragraphe 28(1) ou l’alinéa 34a).

[165]   L’appelante soutient que le terrain a cessé d’être un élément d’inventaire pour devenir un bien en capital avant sa vente à l’Ontario et que, de ce fait, l’article 23 de la Loi ne s’applique pas. L’intimée fait valoir qu’à moins qu’il y ait eu un acte positif clair et non équivoque qui transforme un élément d’inventaire en un bien en capital, un terrain détenu à titre d’élément d’inventaire demeure un élément d’inventaire et, au moment de la disposition de l’entreprise ou de la cessation de l’exploitation d’une entreprise, il est vendu en tant que tel et incorporé au revenu. Dans une décision récente de la Cour canadienne de l’impôt, Peluso c. La Reine[18], le juge Jorré, tout en reconnaissant qu’il est possible de faire passer un terrain vague faisant partie de l’inventaire à un usage qui donnera lieu à un gain en capital, a conclu qu’on n’en avait pas fait assez pour démontrer l’existence de cette conversion : dans le meilleur des cas, il y avait eu un changement de plan. Il a cité la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Edmund Peachey Ltd. v. The Queen[19], qui confirmait à son tour un énoncé du président Jackett dans la décision Les Entreprises Chelsea Limitée v. MNR[20] :

[traduction]

À mon avis, en face d’une telle entreprise, aussi longtemps qu’elle continue de posséder du terrain faisant partie du stock d’origine de la compagnie, on peut raisonnablement supposer que l’entreprise n’a pas été liquidée, faute de preuve d’une initiative quelconque prise dans le but de la liquider, comme par exemple lorsque la compagnie retire le terrain de l’entreprise et le consacre à une autre construction destinée à servir d’immobilisations pour une autre entreprise.

[166]   L’intimée laisse entendre que Henco n’a rien fait pour démontrer un changement d’utilisation du bien qui aurait fait d’un élément d’inventaire un bien en capital. Oui, elle a réduit à zéro la valeur du terrain DCE dans ses livres, mais cela, laisse entendre l’intimée, n’était qu’une réduction de l’inventaire. Elle n’a rien fait d’autre. J’ai demandé à l’avocat de l’intimée quelles mesures concrètes Henco aurait dû prendre pour prouver qu’elle ne détenait plus le terrain DCE en tant qu’élément d’inventaire : elle n’a rien répondu, et ce n’est pas surprenant. La présente situation n’est pas la même que celle qui existait dans l’affaire Peluso. On ne peut pas présumer que Henco exploitait toujours une entreprise juste parce qu’elle continuait de détenir le terrain DCE. Rien ne pourrait être plus loin de la vérité. À en juger par les actions de l’Ontario, Henco avait cessé ses activités. Elle avait été active dans le domaine de l’aménagement foncier : elle possédait des terrains à aménager. L’occupation a rendu cela physiquement impossible, et le gouvernement de l’Ontario, en rezonant le terrain, a rendu cela juridiquement impossible. Il y a une preuve abondante, pour reprendre les propos du président Jackett, qu’une initiative a été prise pour liquider l’entreprise.

[167]   Mais, fait valoir l’intimée, si le terrain n’était pas un élément d’inventaire, il n’était pas détenu non plus à titre de placement ou à titre d’élément du capital d’une entreprise, dont la disposition de l’un ou de l’autre donnerait lieu à un gain en capital. Il s’agit là, selon moi, d’une vision trop étroite du capital. Je conviens qu’à l’époque où le terrain ne pouvait plus être aménagé, il n’était ni un placement (il ne valait rien) ni un bien en capital d’une entreprise (il n’y avait pas d’entreprise), mais il ne s’agissait certes pas d’un élément d’inventaire. Il s’agissait d’un bout de terrain inutile et sans valeur, privé de tout marché. On ne pourrait même pas dire qu’il était détenu à titre de projet comportant un risque de nature commerciale : il n’y avait aucun risque et sa disposition ultime en faveur du gouvernement de l’Ontario dans de telles circonstances inusitées ne peut en aucun cas être considérée comme ayant un caractère commercial.

[168]   Il n’est pas tout à fait juste de dire qu’il y a eu un changement d’utilisation, car le terrain est passé d’une utilisation à titre d’actif commercial à une absence totale d’utilisation. Il y a certes eu une conversion : une conversion dans laquelle le terrain DCE a perdu entièrement son caractère d’élément d’inventaire. Pour dire les choses clairement, le terrain n’a pas perdu son caractère d’élément d’inventaire parce qu’Henco a cessé ses activités et que le terrain a été vendu alors que Henco n’exploitait plus une entreprise (la situation même pour laquelle l’article 23 de la Loi a été édicté). Le terrain a perdu son caractère d’élément d’inventaire parce qu’on l’a rendu juridiquement inutilisable pour tout projet d’aménagement. C’est un peu une situation du genre « l’œuf et la poule », mais l’article 23 de la Loi porte sur la cessation d’une entreprise et les tentatives faites pour changer un élément d’inventaire en capital, tandis que, dans le cas présent, la nature de l’inventaire a changé et ensuite Henco a cessé ses activités; ce n’est pas le genre de situation que vise l’article 23 de la Loi.

[169]   Que nous reste-t-il donc pour caractériser le terrain DCE? Il semble qu’il ne soit ni chair ni poisson. Un bien corporel qui ne vaut rien est-il une non‑valeur imposable, même si quelqu’un (l’Ontario) est disposé à payer quelque chose pour lui? Ou est-ce qu’un élément d’actif, comme un terrain, qui, est-il conclu, n’est pas un actif commercial, est par défaut un bien en immobilisation? Cela commence à ressembler à une discussion qui tourne en rond, ce qui confirme ma conclusion antérieure selon laquelle, en fait et en droit, l’Ontario n’aurait pas pu payer et n’a pas payé 15 800 000 $ pour le terrain. Cependant, si cette somme correspond bel et bien au terrain, et si je conclus que le terrain n’est pas un élément d’inventaire, je conclus aussi dans ce cas qu’il doit être imputable au capital et imposé à titre de gain en capital.

3)    Si la somme de 15 800 000 $ reçue ne s’appliquait pas au terrain, était-elle imputable au revenu ou au capital, et si elle était imputable au capital, a-t-elle donné lieu à un gain en capital ou s’agissait‑il d’un montant en capital (ou « en immobilisations ») admissible ou d’une rentrée en capital non imposable?

[170]   J’ai conclu que la somme de 15 800 000 $ que Henco a reçue s’appliquait principalement à quelque chose d’autre que le terrain. Cette somme avait pour but d’indemniser Henco pour la perte totale de son entreprise, ou alors elle a été payée en contrepartie de certains droits, ou plus exactement de l’extinction de certains droits : celui de poursuivre l’Ontario et celui de prendre des mesures pour faire appliquer l’injonction obtenue. Henco soutient que c’était pour la première option et que cette indemnité pour une perte totale ne peut être qu’au titre du capital et ne pouvait pas se ranger que dans la catégorie des biens en immobilisation admissibles, mais elle fait valoir pourtant qu’en optant pour que les anciennes règles visées par le paragraphe 14(5) de la Loi s’appliquent (la règle de l’image inversée), elle échappe à cette catégorie et est donc simplement une non‑valeur imposable.

[171]   Je traiterai en premier lieu de l’argument de l’appelante selon lequel la somme de 15 800 000 $ est imputable au capital. Dans l’arrêt T. Eaton Ltd v. R.[21], la Cour d’appel fédérale a analysé de la manière suivante la question de savoir si une indemnité payée est imputable au revenu ou au capital :

24.       Comme le juge Strayer l’a si bien noté dans la décision Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, il existe une jurisprudence considérable sur la question de savoir si l’indemnité payée conformément à la résiliation d’un contrat commercial constitue du capital ou un revenu et, dans une large mesure, chaque cas repose sur ses propres faits. J’admets qu’il serait beaucoup plus facile d’adopter une règle rigide qui considérerait toute indemnité reçue pour rupture ou résiliation de tout contrat commercial, ou même un droit y afférent, comme un revenu tiré d’une entreprise. Mais ce n’est pas la voie suivie par la common law. Je ne suis pas prêt non plus à rejeter la jurisprudence existante à seule fin de promouvoir le caractère certain du droit aux dépens de son caractère souple et rationnel. Voici le moment venu de passer à l’autre allégation de la contribuable et aux arguments du ministre.

[172]   Dans l’affaire Eaton, le célèbre détaillant avait reçu un paiement forfaitaire en vue de faire annuler un contrat qui lui accordait une part des profits que tirait le propriétaire de tous les locataires présents dans un centre commercial particulier, où Eaton était le locataire-clé. La Cour a également déclaré :

17.       […] si un bien productif de revenu est endommagé partiellement, l’indemnité pour profits perdus est considérée comme une rentrée commerciale. Cependant, si le bien est complètement détruit, l’intégralité du versement d’indemnité est considérée comme une rentrée de capital puisque la rentabilité d’un bien est un élément à prendre en considération dans l’évaluation de la valeur en capital d’un bien. Ce dernier point vient étayer mon opinion selon laquelle l’indemnité en question est imputable au capital. Enfin, la Cour d’appel a ensuite précisé qu’il n’était pas nécessaire que toute l’entreprise de la contribuable soit perdue avant que l’indemnité pour profits perdus soit considérée comme imputable au capital. Elle a jugé qu’il suffisait que les pertes se rapportent à une partie de l’entreprise de la contribuable, comme cela se produit avec la perte d’un bien productif de revenu.

18        En résumé, l’arrêt London & Thames Haven repose sur la proposition selon laquelle l’indemnité payée pour la destruction d’un bien immobilisé sera imputable au capital même si une partie de l’indemnité se rapporte aux profits perdus. Si l’indemnité résulte de la destruction partielle de ce bien immobilisé, alors toute somme reçue relativement aux profits perdus est imposable en tant que rentrée commerciale, tandis que l’indemnité relative seulement aux biens endommagés constitue une rentrée de capital. En fin de compte, cependant, rien de cela n’est décisif quant au présent appel.

[173]   La différence entre Eaton et Henco est que Eaton a perdu un bien identifiable – le contrat de participation. Henco, quant à elle, a tout perdu, y compris tous les contrats. Je ne vois pas de différence dans l’application des principes.

[174]   La Cour d’appel fédérale a ensuite traité de l’affaire Pe Ben Industries Co. v. R.[22], là encore une situation mettant en cause l’annulation d’un contrat qui s’était soldé par la destruction d’une partie distincte de l’entreprise de Pe Ben. Il a été conclu que cela était imputable au capital.

[175]   Le juge en chef adjoint Bowman (plus tard juge en chef) a eu l’occasion de traiter du débat entourant la distinction entre le capital et le revenu dans la décision BP Canada Energy Resources Co. v. R.[23], là aussi dans le contexte d’une résiliation de certains contrats : « decontracting » est le terme inusité qui était employé. Le juge en chef adjoint Bowman a conclu que le montant en litige était arbitraire. Il n’a pas admis que le paiement était simplement une indemnité pour l’annulation d’un contrat. Ce n’était pas pour la perte d’une source de revenu. Le juge en chef adjoint Bowman a analysé en détail les décisions faisant autorité au sujet de la question de la distinction entre le revenu et le capital et il a prévenu, comme lui seul pouvait le faire, de :

54.       […] résister à la tentation de glaner certaines expressions frappantes de la jurisprudence, car elles peuvent appuyer à peu près n’importe quelle conclusion, et on risque ce faisant de perdre de vue l’objet réel de l’exercice, qui est de déterminer si le paiement a été fait en vue de l’extinction, de la disposition ou de la stérilisation d’une immobilisation, ou s’il est un des incidents ordinaires de la vie d’une entreprise, auquel cas la recette fait véritablement partie des recettes normales du commerce.

[176]   Je « glane » le commentaire du juge en chef adjoint Bowman selon lequel il y a, à une extrémité du spectre de la distinction entre le revenu et le capital un paiement qui découle des incidents ordinaires de la vie d’une entreprise et, à l’autre extrémité, un paiement fait en vue de la stérilisation d’un bien en capital. Dans l’affaire Henco, il est certes un peu difficile de savoir exactement ce qu’est le bien en capital stérilisé (les contrats, l’achalandage de l’entreprise, le droit d’intenter une poursuite, le droit de poursuivre des injonctions…), mais il est clair que le paiement n’était pas un incident ordinaire de la vie d’une entreprise. Pour situer ce paiement dans l’éventail de la distinction entre le revenu et le capital, je conclus qu’il se situe nettement du côté du « capital ».

[177]   Le juge Hogan s’est fondé sur l’analyse du juge en chef adjoint Bowman à propos de la stérilisation des biens en capital pour conclure, dans la décision River Hills Ranch Ltd. v. R.[24] que l’annulation des ententes était exactement cela, indiquant : « [l]es appelantes ont été contraintes de fermer leurs portes » et, de plus, « […] ces paiements ont été faits pour dédommager les appelantes de la perte de leurs entreprises de prélèvement d’UJG qu’entraînait la résiliation, par Wyeth, des accords de prélèvement ».

[178]   Je conclus que Henco se trouve dans une situation semblable. La preuve est on ne peut plus claire que l’entreprise de Henco a été détruite, que ce soit en raison du sens de l’équité de l’Ontario ou de l’intention de mettre fin à l’occupation. Je conclus que la somme de 15 800 000 $ était au titre du capital.

[179]   Toutefois, s’agissait-il d’un paiement fait en vue de la disposition d’une immobilisation admissible?

[180]   Les deux parties conviennent que, si j’arrive à la conclusion que la somme de 15 800 000 $ est imputable au capital, ce qui est effectivement le cas, je dois donc me rendre à l’article 14 de la Loi pour déterminer s’il s’agit d’un montant en immobilisations admissible; si ce n’est pas le cas, cette somme n’est alors pas assujettie à l’impôt.

[181]   Des modifications apportées en 2006 à l’article 14 de la Loi ont changé la définition de l’expression « montant cumulatif des immobilisations admissibles », faisant pratiquement disparaître ce que l’on appelait antérieurement la règle de l’image inversée. Il y avait une période pendant laquelle un contribuable pouvait faire un choix pour que s’appliquent les anciennes dispositions de l’article 14 de la Loi. Henco s’était prévalue d’un tel choix et, de ce fait, l’application de cet article doit être déterminée en fonction des anciennes règles.

[182]   La disposition pertinente, selon les anciennes règles, pour ce qui est de la question de savoir si le paiement de 15 800 000 $ est un montant en immobilisations admissible figure dans la définition de l’expression « montant cumulatif des immobilisations admissibles », plus précisément l’élément E, dont le texte, à l’époque, était le suivant :

E          le total des sommes dont chacune représente les ¾ de l’excédent éventuel du montant visé à l’alinéa a) sur le total visé à l’alinéa b) :

a) le montant que, par suite d’une disposition effectuée après le moment du rajustement applicable au contribuable et avant le moment donné, le contribuable est devenu ou peut devenir en droit de recevoir, au titre de l’entreprise qu’il exploite ou qu’il a exploitée, si la contrepartie qu’il en donne est telle que, s’il avait fait, pour cette contrepartie, un paiement après 1971, ce paiement aurait été pour lui une dépense en capital admissible au titre de l’entreprise;

b) le total des dépenses engagées ou effectuées par le contribuable en vue de donner cette contrepartie et qui ne sont pas déductibles par ailleurs dans le calcul de son revenu;

[...]

[183]   Cette disposition, comme je l’ai dit plus tôt, est la règle de l’image inversée. En tentant de démêler cette disposition oblique, je ne suis pas surpris qu’on l’ait modifiée.

[184]   Il faut tout d’abord déterminer ceci : si Henco avait effectué le paiement de 15 800 000 $, celui‑ci aurait été considéré une dépense en capital admissible. Cette expression est définie de la manière suivante au paragraphe 14(5) de la Loi :

« dépense en capital admissible » S’agissant d’une dépense en capital admissible d’un contribuable au titre d’une entreprise, la partie de toute dépense de capital engagée ou effectuée par lui, par suite d’une opération réalisée après 1971, en vue de tirer un revenu de l’entreprise, à l’exception d’une dépense de cette nature :

a) soit relativement à laquelle une somme est ou serait, sans les dispositions de la présente loi limitant le quantum de déductions, déductible (autrement qu’en vertu de l’alinéa 20(1)b)) dans le calcul du revenu qu’il a tiré de l’entreprise ou relativement à laquelle aucune somme n’est déductible, aux termes des dispositions de la présente loi, exception faite de l’alinéa 18(1)b), dans le calcul de ce revenu;

b) soit engagée ou effectuée en vue de tirer un revenu constituant un revenu exonéré;

c) soit représentant tout ou partie du coût, selon le cas :

(i) des biens tangibles ou, pour l’application du droit civil, des biens corporels acquis par le contribuable,

(ii) des biens intangibles ou, pour l’application du droit civil, des biens incorporels qui constituent des biens amortissables pour le contribuable,

(iii) des biens relativement auxquels une déduction (sauf celle prévue à l’alinéa 20(1)b)) est permise dans le calcul du revenu qu’il a tiré de l’entreprise ou serait permise si le revenu qu’il a tiré de l’entreprise était suffisant à cet effet,

(iv) d’un intérêt ou, pour l’application du droit civil, d’un droit sur un bien visé à l’un des sous-alinéas (i) à (iii) ou d’un droit d’acquérir ce bien;

[185]   L’appelante invoque l’arrêt Toronto Refiners & Smelters Ltd. c. La Reine[25] (« Toronto Refiners ») à l’appui de la thèse selon laquelle un paiement fait dans l’intérêt d’une municipalité et non dans un dessein lucratif ne serait pas un montant en immobilisations admissible, car il ne pourrait pas satisfaire à l’exigence d’un paiement fait en vue de tirer un revenu si l’on applique la règle de l’image inversée. La Cour d’appel fédérale a posé quatre questions dans cet arrêt en vue de déterminer si un montant constitue un montant en immobilisations admissible :

                         i.      la somme a-t-elle été reçue par suite d’une disposition?

                       ii.      la somme a-t-elle été reçue au titre de l’entreprise que le bénéficiaire du paiement exploitait?

                    iii.      quelle contrepartie le bénéficiaire a-t-il donnée pour le paiement?

                    iv.      si le bénéficiaire avait effectué le paiement pour la même contrepartie donnée par lui au payeur (la règle de l’image inversée), ce paiement aurait-il été une dépense en immobilisations admissible du bénéficiaire?

[186]   Dans l’arrêt Toronto Refiners, le paiement de 9 000 000 $ de la Ville de Toronto était un dédommagement pour l’impossibilité dans laquelle se trouvait la société de déménager son entreprise, et il a été expressément considéré comme représentant l’achalandage.

[187]   La Cour d’appel fédérale a répondu oui aux questions 1 et 2 dans l’arrêt Toronto Refiners et a donné la réponse suivante à la question 3 :

14.       Dans le contexte de la présente affaire, il me semble nécessaire d’ajouter une autre étape à cette réponse. Le contexte du paragraphe 19(2) de la Loi sur l’expropriation montre que l’objectif de cette disposition est d’autoriser le versement d’une indemnité représentant la disparition de l’achalandage d’une entreprise à laquelle il est mis fin par suite d’une expropriation et qui ne peut se réinstaller ailleurs. Si tel est le cas, alors la contrepartie donnée par Toronto Refiners pour le paiement de 9 000 000 $ est l’abandon par Toronto Refiners de toute demande d’indemnité représentant la disparition de son achalandage.

[188]   Pour ce qui est de la question 4, la Cour d’appel fédérale a indiqué :

22.       Revenons maintenant aux faits hypothétiques pour savoir où ils nous mènent. À ce stade de l’analyse, il s’agit de savoir si le paiement hypothétique de 9 millions de dollars effectué par Toronto Refiners répond à la définition de « dépense en immobilisations admissible » , à l’alinéa 14(5)b) (tel qu’il existait en 1992).

23        Plusieurs conditions doivent être remplies selon cette définition. La première condition, qui apparaît dans les mots introductifs de l’alinéa 14(5)b), est que le paiement doit avoir été un débours ou une dépense de capital fait ou engagé en vue de tirer un revenu d’une entreprise. À mon avis, cette condition n’est pas remplie. L’expropriation hypothétique, comme l’expropriation réelle, avait un objet municipal. Elle n’avait pas pour objet de générer un revenu, et certainement pas celui de tirer un revenu d’une entreprise.

[189]   Cette approche que la Cour d’appel a suivie dans l’arrêt Toronto Refiners a été analysée dans un arrêt ultérieur de la Cour d’appel fédérale : RCI Environnement Inc. c. La Reine[26]. L’affaire RCI n’avait pas trait à un paiement fait par une instance gouvernementale quelconque, mais à un règlement commercial relatif à la résiliation d’une entente de non‑concurrence. En commentant l’arrêt Toronto Refiners, la Cour d’appel fédérale a écrit :

46.       Contrairement à ce que soutient l’avocat de RCI (2006), je ne crois pas que cette décision fasse en sorte que l’analyse doive se faire en fonction du payeur en tout état de cause. La Cour dans cette affaire faisait face à une situation exceptionnelle, le paiement en question ayant été effectué par une autorité publique en vertu d’un texte législatif, dans un contexte hors commerce. Afin de tenir compte du contexte réel du paiement, la Cour devait garder à l’esprit que le paiement émanait d’une autorité publique, i.e., la Ville de Toronto, agissant dans l’exercice d’un pouvoir d’expropriation (Toronto Refiners, supra (para. 18)). À toutes fins utiles, ceci rendait la question qui sous-tend l’élément E inapplicable puisque personne ne paierait un montant pour obtenir le droit d’être exproprié.

[190]   La Cour d’appel fédérale a ensuite conclu que la question 4 hypothétique (la règle de l’image inversée) devrait être analysée sous l’angle du bénéficiaire et non sous celui du payeur.

[191]   Je vais traiter des quatre questions que la Cour d’appel fédérale a posées dans l’arrêt Toronto Refiners à la lumière des éclaircissements qu’elle a faits dans l’arrêt RCI.

(i) Le montant a-t-il été reçu par suite d’une disposition?

[192]   Bien que subsiste l’épineuse question de savoir comment décrire exactement ce dont on a disposé, il est évident qu’après la clôture de l’entente, Henco n’avait rien d’autre que l’argent qu’elle avait reçu de l’Ontario : avant l’entente, Henco avait quelque chose, que cette chose ait de la valeur ou pas. Il y a eu une disposition.

(ii) Le montant a-t-il été reçu au titre de l’entreprise qu’exploitait Henco?

[193]   L’appelante soutient que le paiement avait concrètement pour but de faire disparaître l’entreprise. Même si l’on peut faire valoir que, à l’époque où l’affaire a été conclue entre Henco et l’Ontario, Henco n’exploitait plus une entreprise, je conclus que le paiement, compte tenu surtout d’une stipulation de l’entente qui exigeait que Henco mette fin à ses activités, était néanmoins « au titre de » l’entreprise qu’exploitait Henco. Il y avait un lien étroit entre l’occupation, due au fait que Henco exploitait son entreprise d’aménagement foncier, et le besoin urgent qu’avait l’Ontario de faire disparaître les barrages en privant Henco de la capacité d’exercer ses activités. Je conclus, indépendamment du moment où Henco a cessé ses activités, que le montant a été reçu « au titre de » l’entreprise qu’exploitait Henco.

(iii) Quelle contrepartie Henco a-t-elle donnée pour le paiement?

[194]   La réponse à cette question est essentielle pour déterminer de quelle façon répondre à la quatrième question – la règle de l’image inversée. Lors des plaidoiries, il a été évident que l’intimée était d’avis que l’appelante n’avait pas traité convenablement de cette question, avouant qu’elle n’était pas exactement sûre de ce dont on avait disposé, s’il ne s’agissait pas seulement du terrain. L’appelante avait répliqué que l’entreprise tout entière avait disparu : paraphrasant le libellé de l’arrêt Toronto Refiners, l’appelante soutient que le paiement visait à détruire la totalité de l’achalandage de Henco. La juge Sharlow a décrit la contrepartie dans l’affaire Toronto Refiners dans l’extrait du paragraphe 14 de ses motifs que j’ai cité plus tôt. Et, a-t-elle ensuite ajouté au paragraphe 19 :

Si l’achalandage consistait en « immobilisations » au sens de la Loi de l’impôt sur le revenu, le paiement de 9 millions de dollars pourrait être qualifié de produit d’une disposition d’immobilisations donnant lieu à un gain en capital. Mais l’achalandage ne consiste pas en immobilisations. L’indemnité versée pour la perte d’achalandage ne trouve sa place nulle part dans le régime de la Loi de l’impôt sur le revenu, à moins qu’elle ne la trouve dans l’article 14. Plus précisément, une telle indemnité ne peut être considérée comme le produit de la disposition d’immobilisations, ni d’une autre manière être reflétée dans le calcul du revenu aux fins de l’impôt sur le revenu, sauf ce que prévoit l’article 14.

[195]   L’intimée laisse entendre que la distinction entre Toronto Refiners et Henco est qu’il a été conclu dans l’arrêt Toronto Refiners que la contrepartie de la somme de 9 000 000 $ payée par l’instance publique était la renonciation – c’était là le marché tout entier. Je conclus que la renonciation que Henco a fournie était un élément important de ce pour quoi l’Ontario a payé et que cela peut être considéré de la même façon que le paiement effectué dans l’affaire Toronto Refiners. Mais, dans les circonstances qui me sont soumises, je trouve tout aussi importantes que la promesse de ne pas intenter une poursuite la promesse de Henco de cesser ses activités et la promesse de Henco de faire en sorte que les injonctions soient levées. Je conclus que la stipulation exigeant la cessation des activités n’est pas différente de la renonciation lorsqu’il s’agit de catégoriser la nature de la contrepartie, cette nature étant la disparition de l’achalandage. Pour ce qui est de la promesse de faire lever l’injonction, je trouve utile l’approche que la Cour d’appel fédérale a suivie à l’égard de l’achalandage dans l’arrêt TransAlta Corp. c. La Reine[27].

[196]   La Cour a conclu dans l’arrêt TransAlta que l’achalandage est un concept résiduel. Toute contrepartie allant au-delà de ce qui peut être attribué aux biens identifiables – le bouchon si l’on veut – doit être applicable à l’achalandage, cet élément incorporel qui justifie le paiement excédentaire. Dans le cas présent, je conclus que le montant intégral est la valeur résiduelle. Lorsque les biens d’une entreprise ont perdu toute valeur et qu’un paiement est effectué, même s’il est dû à des circonstances exceptionnelles quelconques, ce paiement ne peut être considéré que comme la valeur résiduelle.

[197]   Dans l’arrêt TransAlta, la Cour d’appel fédérale a abordé de la manière suivante la détermination de l’achalandage aux fins de l’impôt :

69.       Voilà pourquoi la méthode résiduelle est l’approche privilégiée à adopter pour évaluer l’achalandage. Selon cette méthode, une juste valeur marchande est d’abord attribuée aux actifs les plus faciles à évaluer (par exemple les actifs corporels), et toute somme versée en sus de la juste valeur marchande est attribuée à l’achalandage. […]

70.       Le fait que certains éléments incorporels qui ne font pas partie de l’achalandage au sens juridique peuvent être pris en considération dans une telle méthode d’évaluation – par exemple l’avantage potentiel au titre de la provision pour impôt – ne signifie pas que la méthode d’évaluation est incorrecte ou inappropriée. La méthode révèle simplement que ces types d’actifs incorporels devraient être traités comme s’ils faisaient partie de l’achalandage à toutes fins pratiques – y compris à des fins comptables et fiscales – même s’ils ne relèvent pas à proprement parler de la notion juridique d’achalandage.

71.       Par conséquent, conformément à l’avis unanime des experts ayant témoigné en l’espèce, l’achalandage devrait normalement être évalué comme un tout résiduel. […]

[198]   À l’évidence, certains droits que l’on ne considérerait peut-être pas habituellement comme de l’achalandage peuvent être incorporés dans cette catégorie en raison de la méthode résiduelle. Je suis d’avis qu’une promesse de lever des injonctions se range dans cette catégorie fourre‑tout.

[199]   Où est-ce que tout cela nous mène? Comme l’a déclaré la juge Sharlow dans l’arrêt Toronto Refiners, une indemnité versée pour la perte d’achalandage ne trouve sa place nulle part dans le régime de la Loi, à moins qu’elle ne la trouve dans l’article 14. Est-ce là ce pour quoi l’Ontario a payé? Une indemnité pour la perte d’achalandage? Je crois que oui. L’Ontario se devait de faire disparaître Henco : Henco ne pouvait pas posséder le terrain; elle ne pouvait pas exploiter son entreprise; l’Ontario devait veiller à ce que Henco ne la poursuive pas; Henco ne pouvait pas faire appliquer l’injonction. Comme la totalité des actifs de son ancienne entreprise n’avait plus de valeur, le seul résultat possible, selon la méthode résiduelle concernant l’achalandage qui est exposée dans l’arrêt TransAlta, est que la somme de 15 800 000 $ compensait la perte d’achalandage de Henco. Si l’on considère la situation sous cet angle, il est inutile, selon moi, de tenter de faire une distinction entre la perte totale de l’entreprise et la disposition de droits particuliers : elle se range dans cette catégorie résiduelle.

(iv) Si Henco avait payé 15 800 000 $ pour la perte d’achalandage, ce paiement aurait-il été une dépense en immobilisations admissible de Henco?

[200]   Le paiement, de par sa nature même, n’aurait pas pu être fait pour gagner un revenu – tout le contraire. Il est certain que c’est de cette manière que la Cour d’appel fédérale a rationalisé le paiement dans l’arrêt Toronto Refiners (voir le paragraphe 23 de cet arrêt, cité plus tôt).

[201]   Dans l’arrêt RCI, la Cour d’appel fédérale a suivi une approche pragmatique à l’égard de la règle de l’image inversée dans le contexte d’un paiement fait par une instance publique, en ajoutant ceci au sujet de la quatrième question : « [à] toutes fins utiles, ceci rendait la question qui sous‑tend l’élément E inapplicable puisque personne ne paierait un montant pour obtenir le droit d’être exproprié ».

[202]   Ce point de vue sensé rend théorique l’analyse de la question de savoir si l’on considère la règle de l’image inversée sous l’angle du payeur ou sous celui du bénéficiaire. Il y a certaines situations, comme celle-ci, où le processus plutôt technique de détermination de la contrepartie et de l’application de la règle de l’image inversée ne fonctionne tout simplement pas. Cela me permet de prendre du recul par rapport à une telle analyse technique pour vraiment saisir ce qui s’est passé dans le cas présent. Ce qui ne s’est pas passé est que Henco a vendu un terrain dans le cadre de son entreprise d’aménagement foncier, comme le voudrait l’intimée. Rien ne pourrait être plus éloigné de la réalité.

[203]   L’entreprise de Henco a été détruite. Quand elle a fini par conclure une entente avec l’Ontario, Henco n’avait aucune valeur en tant qu’entreprise, peu importe la façon dont on tenterait de trancher l’analyse : il ne pouvait pas y avoir de source de revenu et il n’y en avait pas. La rentrée de capital n’était pas imposable.

IV. Le sommaire

[204]   Je fais droit à l’appel et je renvoie l’affaire au ministre pour nouvel examen et nouvelle cotisation, étant entendu que :

a)     la somme de 15 800 000 $ que Henco a reçue de l’Ontario était une rentrée de capital non imposable;

b)    la somme de 650 000 $ que Henco a reçue de l’Ontario était un gain fortuit non imposable;

c)     la juste valeur marchande du terrain Seneca était de 800 000 $, et le paiement était imputable au revenu;

d)    la juste valeur marchande du terrain Morrison était de 1 400 000 $, conformément à l’évaluation.

 


Si les parties souhaitent traiter des dépens, elles sont priées de le faire dans des observations écrites qu’elles déposeront auprès de la Cour dans les 30 jours suivant la date du présent jugement, à défaut de quoi les dépens seront adjugés à l’appelante conformément au tarif de la Cour.

Signé à Ottawa, Canada, ce 9e jour de juin 2014.

« Campbell J. Miller »

Juge C. Miller

 

Traduction certifiée conforme

ce 2e jour de décembre 2014.

 

 

 

Mario Lagacé, jurilinguiste

 


ANNEXE « A »

EXTRAITS DE L’ENTENTE

D’ACHAT ET DE VENTE – CALEDONIA (ONTARIO)

DATÉE DU 30 JUIN 2006

 

[traduction]

 

ET ATTENDU QUE […] compte tenu des circonstances liées à l’utilisation et à l’aménagement du terrain, les Parties ont convenu de conclure la présente entente et le vendeur a convenu de vendre la totalité de ses actifs matériels, y compris, notamment, le terrain DCE de Henco (défini dans les présentes) et l’acheteur a convenu d’acheter, d’acquérir et de prendre en charge les biens achetés du vendeur et d’établir une fiducie, une société à but unique ou une autre entité juridique en vue de détenir les biens achetés aux conditions énoncées dans la présente entente.

[…]

« Bâtiments » - Les bâtiments érigés sur les terrains de Henco ainsi que toutes les autres structures et améliorations fixes qui s’y trouvent.

[…]

« Biens meubles » - Le matériel, l’équipement, les accessoires, les biens meubles, les éléments de stock, les fournitures et tous les autres biens personnels corporels et incorporels appartenant au vendeur et utilisés exclusivement à l’égard de la  propriété, de l’exploitation ou de l’entretien des terrains, à l’exception des livres, des documents, du mobilier et du matériel de bureau.

[…]

« Terrains » - Les terrains de Henco et les bâtiments qui s’y trouvent.

« Biens achetés » - a) les terrains de Henco, b) les bâtiments, c) les contrats, d) les garanties et e) les biens meubles.

[…]

Totalité de l’entente. La présente entente, de pair avec les ententes, instruments, certificats et autres documents qu’il est envisagé de signer et de signifier aux termes des présentes, constitue la totalité de l’entente convenue entre les parties à l’égard de son objet […].

 

[…]

2.1       Le vendeur convient par les présentes de vendre, transférer, céder et mettre de côté les biens achetés en faveur de l’acheteur et ce dernier convient par les présentes d’acheter, d’acquérir et de prendre en charge lesdits biens du vendeur en contrepartie du montant d’indemnité définitif, et ce, aux conditions énoncées dans les présentes. Les biens achetés sont achetés « tels quels » à la clôture, […]

[…]

3.1       Calcul du montant d’indemnité définitif

a)         L’indemnité relative aux biens achetés (le « montant d’indemnité définitif ») est la juste valeur marchande déterminée en date du 27 février 2006, comme si les biens achetés étaient les seuls appartenant au vendeur en date du 27 février 2006. Le vendeur et l’acheteur déploieront tous leurs efforts commerciaux raisonnables pour convenir de la juste valeur marchande des biens achetés, en date du 27 février 2006, dans les quarante‑cinq (45) jours suivant la clôture, […]

[…]

d)         Une fois que l’acheteur aura payé intégralement le montant d’indemnité définitif, le vendeur n’aura plus d’autres droits ou d’autres possibilités de faire des réclamations à l’encontre de l’acheteur (y compris la Société immobilière de l’Ontario et la Couronne provinciale ou ses mandataires) relativement aux terrains ou à toute circonstance ou à tout événement liés à ces derniers, à l’exception de ce qui peut être prévu dans les présentes.

[…]

3.2       Paiement du montant d’indemnité définitif

Le montant d’indemnité définitif qui s’applique aux biens achetés sera payé et réglé par l’acheteur comme suit :

a)         en remettant la somme de DOUZE MILLIONS TROIS CENT MILLE DOLLARS (12 300 000 $) (le « paiement initial ») par chèque certifié ou traite bancaire payable à l’ordre du vendeur, ou de la manière prescrite par écrit à la clôture;

b)         le solde du montant d’indemnité définitif par chèque certifié ou traite bancaire payable à l’ordre du vendeur, ou de la manière prescrite par écrit, le quinzième (15e) jour ouvrable suivant la détermination finale du montant d’indemnité définitif, conformément à la section 3.1, sous réserve du rajustement prévu à la section 3.3, (la « date de paiement du montant d’indemnité définitif »).

[…]

4.1       Déclarations et garanties du vendeur

[…]

d)         Absence de litige. Il n’existe aucune action, poursuite ou instance importante qui a été introduite ou, au su du vendeur, qui est en instance à l’encontre du vendeur relativement aux terrains ou à leur occupation ou leur utilisation par le vendeur ou par les locataires, sauf :

i)          pour ce qui est de la demande déposée par Henco Industries Limited (« Henco ») à l’encontre du Haudenosaunee Six Nations Confederacy Council et al. Cayuga, Ontario, sous le numéro de dossier 48/2006 (la « demande »), et de pair avec le transfert des terrains, les parties conviennent que Henco obtiendra sans délai une ordonnance qui, d’une  part, infirmera l’ordonnance du juge Matheson datée du 3 mars 2006 ainsi que l’ordonnance du juge Marshall datée du 9 mars 2006 et, d’autre part, rejettera la demande.

ii)         l’avis de réclamation commerciale internationale portant le no de dossier 120393960002, déposé au Texas par les fiduciaires de la Nation Mohawk, Grand River, déclarante.

[…]

(w)       Société. Après exécution de l’opération prévue par les présentes, le vendeur mettra fin à ses activités.

[…]


7.1       Exploitation jusqu’à la clôture

Jusqu’à la clôture, le vendeur cessera de vendre des parties des terrains de Henco et prendra, dans la mesure du possible, conformément aux modalités des ententes d’achat et de vente respectives, toutes les mesures requises pour mettre fin aux ententes d’achat et de vente existantes qui visent les terrains de Henco. De plus, le vendeur cessera toute action concernant l’aménagement des terrains de Henco, ce qui inclut la construction sur ce dernier d’améliorations, de bâtiments ou d’autres structures.

[…]



RÉFÉRENCE :

2014 CCI 192

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2011-1810(IT)G

INTITULÉ :

HENCO INDUSTRIES LIMITED ET SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATES DE L’AUDIENCE :

31 mars, 1er au 4 avril, 7 et 9 avril 2014

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge Campbell J. Miller

DATE DU JUGEMENT :

Le 9 juin 2014

 

COMPARUTIONS :

 

Avocats de l’appelante :

Mes Geoffrey Shaw et Eric Mayzel

Avocats de l’intimée :

Mes Samantha Hurst et Christian Cheong

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

          Pour l’appelante :

Nom :

Mes Geoffrey Shaw et Eric Mayzel

 

Cabinet :

Cassels Brock & Blackwell s.r.l.

Pour l’intimée :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 



[1]           Extrait des paragraphes  9 et 10 des observations écrites de l’intimée.

 

[2]           Extrait de S.M. Waddams, The Law of Contracts, 6e éd. (Toronto : Canada Law Book, 2010), au paragraphe 320, note 10.

 

[3]           2010 CCI 117.

 

[4]           2008 CAF 142.

 

[5]           (2000) 73 B.C.L.R. (3d) 102.

 

[6]           [2012] A.J. No. 85 (QL), 2012 ABQB 62.

 

[7]           2013 CCI 248, 2013 CarswellNat 2858.

 

[8]           2007 ONCA 59.

 

[9]           2003 CarswellOnt 3823, 38 C.C.P.B. 110.

 

[10]          1996 CarswellOnt 3150 (CA).

 

[11]          The Law of Evidence in Canada, 3e éd. (Markham, Ontario : LexisNexis, 2009 (Sopinka), sous la direction de Alan W. Bryant Sidney, N. Lederman et Michelle K. Fuerst.

 

[12]          [2001] O.J. No. 4605.

 

[13]          2009 CarswellOnt 7019 (CSJ).

 

[14]          [2005] O.J. no 5775 (CSJ).

 

[15]          1982 CarswellNat 162, 1 C.F. 813 (C.A.F.).

 

[16]          2008 CarswellNat 115, 2008 CAF 24.

 

[17]          2004 CCI 756.

 

[18]          2012 CCI 153.

 

[19]          [1979] C.T.C. 51.

 

[20]          [1970] C.T.C. 598, 70 DTC 6379.

 

[21]          1999 CarswellNat 449, 99 D.T.C. 5178 (CAF).

 

[22]          1988 CarswellNat 365, [1988] 2 C.T.C. 120 (C.F. 1re inst.).

 

[23]          2002 CarswellNat 2784, 2002 DTC 2110.

 

[24]          Précité, note 7.

 

[25]          2002 CAF 476.

 

[26]          2008 CAF 419.

 

[27]          2012 CAF 20.

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.