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Dossier : 2012-4145(IT)G

 

ENTRE :

BLENK DEVELOPMENT CORP.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

Requête entendue le 25 avril 2014, à Vancouver (Colombie‑Britannique).

 

Devant : L'honorable juge Randall S. Bocock

 

Comparutions :

 

Avocat de l'appelante :

Me Greg J. Pratch

Avocat de l'intimée :

Me Bruce Senkpiel

 

 

ORDONNANCE

 

          CONFORMÉMENT aux motifs de l'ordonnance rendus oralement par voie de conférence téléphonique le 20 mai 2014, la requête de l'appelante est accueillie et M. Brad Rolph peut assister à titre d'expert à l'interrogatoire préalable du représentant de l'intimée par l'appelante, sous réserve des conditions suivantes :

 

1.       Monsieur Rolph s'engagera expressément envers l'intimée et la présente Cour à observer la règle de l'engagement implicite; ce document sera rédigé par l'avocat de l'intimée et approuvé par l'avocat de l'appelante, qui devra agir de façon raisonnable à cet égard;

 

2.       L'expert lui‑même ne posera pas de question, pas plus qu'il ne prendra la parole au cours du processus d'interrogatoire officiel;

 

3.       Toute assistance que l'expert fournira à l'avocat de l'appelante devra être donnée à l'avance, au moyen de notes discrètes au cours de la procédure officielle d'interrogatoire préalable ou lors des discussions non destinées à être divulguées ou des pauses prévues;

 

4.       Des dépens de 1 000 $ sont adjugés à l'appelante pour la requête, mais ils suivront l'issue de la cause ou la décision qui sera rendue lorsque la question sera soulevée par un avocat devant un juge responsable de la gestion de l'instance ou le juge du procès dans le cas où M. Brad Rolph demanderait à témoigner à titre de témoin expert à l'audience et où son aptitude à le faire serait remise en cause.

 

Signé à Ottawa (Ontario), ce 23e jour de mai 2014.

 

 

« R. S. Bocock »

Le juge Bocock

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 29e jour d'août 2014.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 


 

 

 

 

Référence : 2014 CCI 185

Date : 20140604

Dossier : 2012-4145(IT)G

 

ENTRE :

BLENK DEVELOPMENT CORP.,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

 

(Rendus oralement à l'audience le 20 mai 2014, à Ottawa (Ontario).)

 

Le juge Bocock

 

[1]             Les présents motifs de l'ordonnance sont rendus oralement ce 20 mai 2014, après examen et délibération à l'égard d'une requête relative à l'affaire 2012‑4145(IT)G, Blenk Development Corp. c. Sa Majesté la Reine, qui a été entendue à Vancouver (Colombie‑Britannique), le 25 avril 2014.

 

[2]             Par la présente requête, l'appelante, Blenk Development Corp. (« Blenk »), demande à la Cour de rendre une ordonnance autorisant un expert à assister à l'interrogatoire préalable que l'appelante mènera à l'égard du représentant de l'intimée.

 

[3]             Le ministre a établi une nouvelle cotisation à l'égard de Blenk par laquelle il a refusé la déduction des frais d'intérêts demandée au titre de l'alinéa 20(1)c) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi »). Le ministre a refusé la déduction en partant du principe que le taux d'intérêt dont Blenk s'était servie lors d'une opération de prêt avec lien de dépendance, qui faisait intervenir un ami de l'unique actionnaire de Blenk, était déraisonnable, vu les hypothèses que le ministre a formulées quant aux conditions, au calendrier et aux risques du marché afférents au prêt (les « facteurs comparatifs »). Le ministre a également refusé la déduction en cause en se fondant sur des hypothèses relatives au fait que la dette et le prêt n'avaient jamais existé en premier lieu, qualifiant l'affaire de stratagème.

 

[4]             Dans sa réponse modifiée, le ministre a expressément formulé l'hypothèse selon laquelle, quand on les analysait d'un point de vue comparatif, les conditions, le calendrier et les risques du marché afférents au prétendu prêt montraient que des institutions financières, tant étrangères que canadiennes, auraient accordé des prêts similaires à des taux d'intérêt considérablement plus bas (l'« analyse économique »). Après avoir effectué l'analyse économique du prêt, le ministre a formulé l'hypothèse selon laquelle les taux d'intérêt avaient été gonflés, et il a refusé la déduction au titre des frais d'intérêts. C'est ce qui ressort de manière cumulative, notamment, des alinéas 26oo) à aaa) de la réponse modifiée. Plus précisément, la Cour renvoie aux alinéas suivants :

 

[TRADUCTION]

 

oo)       les banques canadiennes n'auraient pas considéré Gerhard Blenk comme un client présentant des risques;

 

pp)       les prétendus prêts ont été entièrement garantis par les biens de l'appelante ainsi que par une garantie personnelle de Gerhard Blenk;

 

qq)       la garantie personnelle de Gerhard Blenk pour les sommes prétendument empruntées aurait garanti des taux d'intérêt bien meilleurs à l'égard des prétendus prêts que ceux dont il est fait état dans les prétendues ententes de prêt;

 

rr)        le taux d'inexécution pour les prêts personnellement garantis par Gerhard Blenk est nul;

 

ss)        une banque canadienne aurait été disposée à prêter à l'appelante les sommes prétendument empruntées au taux préférentiel;

 

ss)        une banque canadienne aurait été disposée à compenser les prétendus prêts d'une étape de l'aménagement de Wilden à l'autre aux mêmes conditions;

 

[...]

 

zz)       Gerhard Blenk aurait pu emprunter les sommes prétendument empruntées à des banques en Allemagne et au Liechtenstein à des taux d'intérêt raisonnables;

 

aaa)      Gerhard Blenk aurait pu emprunter les sommes prétendument empruntées à des banques en Allemagne et au Liechtenstein à des taux inférieurs au taux préférentiel;

 

[...]

 

[5]             L'avocat de l'appelante soutient que la connaissance de la méthode, de la définition et de l'application des facteurs comparatifs, de même que de l'analyse économique qui s'ensuit, va au‑delà des aptitudes et des connaissances juridiques normalement attendues d'un avocat, et que le fait de conduire l'interrogatoire préalable sans bénéficier de l'assistance et de la présence d'un expert pourrait l'empêcher de conduire l'interrogatoire comme il se doit.

 

[6]             En s'opposant à la requête, l'avocat de l'intimée soutient que l'appelante ne s'est pas déchargée du fardeau de la preuve qui lui incombait pour trois raisons :

 

a.       la Cour ne dispose d'aucun élément de preuve selon lequel les facteurs comparatifs et l'analyse économique excèdent tellement les compétences et les connaissances de l'avocat de l'appelante que celui‑ci n'est pas en mesure de conduire un interrogatoire préalable convenable en l'absence d'un expert;

 

b.       la question du caractère raisonnable du taux d'intérêt, bien qu'elle requière une analyse économique de facteurs comparatifs, ne présente qu'un très faible degré de complexité dans le cas d'un tel prix de transfert et s'inscrit dans un contexte factuel relativement simple, et encore, elle ne porte que sur une petite partie de l'appel en cause, qui est par ailleurs largement fondé sur des faits;

 

c.       le droit relatif au rôle des témoins experts en général a fait l'objet de changements récents découlant de la jurisprudence en évolution et de modifications apportées aux règles de la Cour elle‑même, dont on pourrait à présent dire qu'elles écartent un expert des interrogatoires préalables ou de l'audience quand celui-ci est susceptible de plaider le point de vue d'une partie.

 

[7]             Avant de faire une analyse élargie de la thèse de l'intimée dans la présente requête, il serait utile à la Cour de procéder à un examen succinct du fondement juridique sur lequel il est possible d'autoriser la présence d'experts aux interrogatoires préalables. Les avocats des deux parties se sont entendus sur le critère que la Cour fédérale du Canada a énoncé dans la décision S & M Brands Inc. c. Paul, 2003 CF 1035, au paragraphe 12 de laquelle le juge Blais, maintenant juge en chef de la Cour d'appel fédérale, a renvoyé avec approbation à la décision Ormiston v. Matrix Financial Corp., 2002 SKQB 257, qui avait été rendue par le juge Klebuc. La Cour résume et adapte ces principes généraux applicables à la présence de tiers aux interrogatoires préalables de la manière suivante :

 

a)       en général, seuls les parties et leurs avocats peuvent être présents, à moins qu'un juge saisi d'une requête n'accorde à un tiers l'autorisation d'être présent;

 

b)      voici une liste non exhaustive de circonstances dans lesquelles une telle autorisation discrétionnaire pourrait être accordée :

 

i.        quand les connaissances spécialisées — scientifiques, techniques ou autres — pertinentes à l'appel et aux questions et hypothèses y afférentes excèdent la compétence des avocats et empêchent la conduite convenable des interrogatoires préalables (cela s'applique en l'espèce);

 

ii.       quand un tiers possède une compétence ou une connaissance qui sera utile ou instructive lors de l'interrogatoire préalable;

 

iii.      quand une partie a besoin d'une assistance précise dans les circonstances;

 

c)       le fardeau de la preuve incombe à la partie qui présente la requête, et celle‑ci se décharge habituellement de ce fardeau en produisant un affidavit décrivant le besoin, l'inquiétude ou l'assistance requise, selon les circonstances;

 

d)      une fois le fardeau acquitté, il revient à la partie adverse de démontrer l'existence de tout préjudice ou de tout autre motif d'exclusion.

 

[8]             Pour poursuivre l'analyse des motifs sur lesquels l'intimée s'est fondée pour s'opposer à la requête, la Cour tranchera la question en se référant au critère qui a été adapté à partir de la décision Ormiston, précitée.

 

[9]             L'intimée affirme que la Cour n'a pas été saisie de suffisamment d'éléments de preuve lui permettant de conclure que Me Fellhauer, l'avocat inscrit au dossier, n'a pas les connaissances voulues, autres que celles auxquelles on peut raisonnablement s'attendre, pour conduire un interrogatoire convenable. D'un point de vue factuel, l'avocat de l'intimée fait valoir que la Cour n'est en possession d'aucun témoignage sous serment relatif aux connaissances de Me Fellhauer, dans un sens ou dans l'autre. D'un point de vue juridique, en ce qui a trait à l'appel, l'affaire sera vraisemblablement tranchée en fonction des conclusions de fait que la Cour tirera plutôt qu'en fonction des questions et de la méthodologie relatives à l'analyse économique des facteurs comparatifs. Pour étayer cet argument, l'avocat de l'intimée renvoie à une correspondance antérieure pendant le processus d'opposition qui, selon ses dires, a circonscrit les questions relatives aux facteurs comparatifs et à l'analyse économique et y a répondu.

 

[10]        En ce qui concerne la première affirmation, la Cour n'est pas convaincue que ce soit le cas. Me Pratch, qui a comparu comme avocat lors de la présente requête, qui s'est chargé de contre‑interroger l'auteur de l'affidavit et qui a par ailleurs participé à tout le processus jusqu'à ce jour, a affirmé à la Cour qu'il participera à l'interrogatoire préalable. Il a également déclaré que les hypothèses sous‑jacentes relatives aux subtilités des facteurs comparatifs et de l'analyse économique excèdent ce dont on peut raisonnablement s'attendre d'un avocat plaideur. En outre, l'auteur de l'affidavit, dont les titres de compétence sont de calibre national, a attesté du fait qu'une telle compréhension ne venait qu'au terme d'années d'études, de pratique et d'expérience du domaine. On n'a pas remis en cause cette affirmation lors du contre‑interrogatoire. La Cour conclut que l'utilisation des facteurs comparatifs et de l'analyse économique ne font pas normalement partie de la pratique générale du droit ainsi que des litiges en matière d'impôt en général.

 

[11]        Maintenant, en ce qui concerne le second point selon lequel les facteurs comparatifs et l'analyse économique ne sont plus en litige de manière significative, la Cour doit de nouveau renvoyer au témoignage de l'auteur de l'affidavit selon lequel une partie essentielle des hypothèses formulées dans la réponse modifiée exige de faire référence à un [TRADUCTION] « modèle de prix de transfert »  s'appuyant sur les publications de l'OCDE et de l'ARC afin d'encadrer l'analyse économique des facteurs comparatifs. Il n'est ni évident ni manifeste, pas plus qu'il ne ressort clairement des éléments de preuve dont la Cour est saisie dans la présente requête, que l'avocat de l'intimée a tort ou a raison en ce qui concerne le fait que cette question a été résolue. Un juge des faits pourrait très bien établir que cela est vrai, mais cela n'appartient pas au juge saisi de la requête, pas plus que cela ne relève de sa compétence, compte tenu du nombre important de références, d'actes de procédure et de plaidoiries qui ont été présentés jusqu'ici à l'égard de cette question.

 

[12]        L'avocat de l'intimée ajoute que, même si le critère inclut des principes des prix de transfert faisant appel à une analyse qui vise à établir si la déduction au titre des frais d'intérêts était raisonnable, le présent appel est parmi les plus simples de ce genre et ne présente pas le type de complexité qui exigerait qu'un expert soit présent à l'interrogatoire préalable. Les deux types de lignes directrices qui ont été publiées, la circulaire d'information IC87‑2R de l'ARC et les Principes de l'OCDE applicables en matière de prix de transfert, existent depuis un certain temps et s'appliqueront avec peu de variation méthodologique. Quoi qu'il en soit, on se penchera sur une telle application lors de l'audience, à l'occasion du témoignage des experts respectifs quant aux facteurs comparatifs et au montant. L'avocat de l'intimée soutient que les autres questions qui devront être tranchées à l'audience, qui constituent la majeure partie des questions, sont factuelles, et que c'est à la Cour, et non aux experts, qu'il revient de les trancher.

 

[13]        La Cour souscrit certainement à l'opinion de l'avocat de l'intimée selon laquelle la question de l'établissement d'un taux d'intérêt raisonnable à l'égard des frais d'intérêts dont la déduction a été refusée n'est pas la seule question que la Cour devra trancher : une simple référence à l'avis d'appel et à la réponse modifiée en fournit la preuve prima facie.

 

[14]        La Cour ne souscrit pas à la thèse selon laquelle le caractère raisonnable, du fait qu'il s'agit d'une norme dont il est fréquemment question dans la Loi et devant la Cour, présente un tel niveau de familiarité, de simplicité et d'expérience commune dans ce contexte qu'il est facile de le définir. L'application de cette norme, à la lumière des hypothèses, de l'analyse sous‑jacente et des conclusions de l'intimée contenues dans la réponse modifiée est moins simple qu'elle ne le semble à première vue.

 

[15]        Selon la preuve dont la Cour a été saisie, pour arriver à la position qu'il a prise en établissant la nouvelle cotisation en cause, le ministre a eu recours aux services de l'économiste travaillant pour la Direction de l'impôt international de l'ARC. Le rapport qu'il a produit a, à première vue, constitué le fondement des hypothèses de fait relatives au caractère déraisonnable, sans limites et artificiel des taux d'intérêt auxquels l'appelante a prétendument eu recours. L'intimée a renvoyé à ce rapport, à ses modifications et aux mises à jour ultérieures chaque fois qu'elle en a éprouvé le besoin. Ce point mis à part, on a eu recours à la méthodologie du modèle de prix de transfert, laquelle constitue une partie essentielle d'une des bases sur lesquelles le ministre s'est fondé pour refuser la déduction des frais d'intérêts, même s'il s'agissait du niveau le plus élevé, au motif que ces frais étaient « déraisonnables ». Les facteurs comparatifs et l'analyse économique afférente visant à refuser la déduction de frais d'intérêts que l'appelante avait demandée intègrent l'exigence d'une telle expertise dans l'une des questions en litige dont la Cour est saisie en l'espèce. Sous réserve des restrictions qui suivent, on a suffisamment établi la nécessité, les réserves de l'avocat et la nature de l'assistance pour justifier la présence de l'expert demandé lors de l'interrogatoire préalable.

 

[16]        Le dernier motif sur lequel l'intimée se fonde pour s'opposer à la présence de l'expert a trait à la récente évolution de la jurisprudence ainsi qu'aux règles de la Cour elle‑même. L'avocat de l'intimée, en renvoyant aux différentes positions adoptées par diverses cours supérieures provinciales, a laissé entendre que la norme la plus récente consiste à exclure de l'interrogatoire préalable un expert susceptible de témoigner à l'audience.

 

[17]        La jurisprudence peut être résumée de la manière suivante : il est possible d'exclure de l'audience un témoin expert qui a participé aux interrogatoires préalables, mais il est difficile de concevoir dans quelles conditions il conviendrait de rendre une telle ordonnance : voir la décision Ian MacDonald Library Services Ltd. v. P.Z. Resort Systems Inc., 1985 CanLII 259, au paragraphe 15. Quand il examine l'argument du préjudice découlant du rôle double joué par un expert lors des interrogatoires préalables et lors de l'audience, le juge de la requête n'a pas besoin de s'attarder trop longuement sur une telle question parce que la qualification pour chaque étape distincte engage une norme et un rôle différents : Ormiston, précité, au paragraphe 24. Quand les règles d'une cour exigent que l'expert joue le rôle d'amicus curiae, le témoin expert sera écarté s'il y a eu de nombreuses discussions privées de fond, des réunions et des révisions aux rapports : voir la décision Moore v. Getahun, 2014 ONSC 237, aux paragraphes 50, 51 et 53. Dans cette décision, bien qu'il ait été question de conclusions excessives sur la causalité dans le témoignage médico‑légal, la Cour a renvoyé à une partie de l'article 53.03 des Règles de procédure civile de l'Ontario. Aux termes de cet article, l'expert a les obligations suivantes envers la Cour :

 

[...]

 

a) de rendre un témoignage d'opinion qui soit équitable, objectif et impartial;

 

b) de rendre un témoignage d'opinion qui ne porte que sur des questions qui relèvent de son domaine de compétence;

 

c) de fournir l'aide supplémentaire que le tribunal peut raisonnablement exiger pour décider une question en litige.

 

[...]

 

[18]        L'avocat de l'intimée fait valoir que la règle précitée est plus ou moins analogue aux récentes modifications qui ont été apportées aux règles de la Cour, et, plus particulièrement, au paragraphe 145(1) des Règles de la Cour canadienne de l'impôt (procédure générale) et au Code de conduite régissant les témoins experts, qui prévoient notamment ce qui suit :

 

145. (1) Dans le présent article, « rapport d'expert » s'entend :

 

a) soit d'une déclaration solennelle du témoin expert proposé faite en vertu de l'article 41 de la Loi sur la preuve au Canada;

 

[...]

 

(2) Le rapport d'expert :

 

a) reproduit entièrement la déposition du témoin expert;

 

b) indique les titres de compétence et les domaines d'expertise pour lesquels le témoin entend être reconnu comme témoin expert;

 

c) est accompagné d'un certificat rédigé selon la formule 145(2), signé par le témoin expert, attestant que ce dernier a lu le Code de conduite régissant les témoins experts établi à l'annexe III et qu'il accepte de s'y conformer.

 

ANNEXE III

 

CODE DE CONDUITE RÉGISSANT LES TÉMOINS EXPERTS

 

Devoir général envers la Cour

 

1. Le témoin expert a l'obligation primordiale d'aider la Cour avec impartialité quant aux questions qui relèvent de son domaine de compétence.

 

2. [...] Le témoin expert se doit d'être indépendant et objectif. Il ne plaide pas le point de vue d'une partie.

 

Rapport d'expert

 

3. Le rapport d'expert [...] comprend :

 

[...]

 

d) les faits et les hypothèses sur lesquels les opinions figurant dans le rapport sont fondées;

 

[19]        Pour conclure, l'avocat de l'intimée affirme que la présence de l'expert à l'interrogatoire préalable fera en sorte que celui‑ci plaidera un point de vue, et vu qu'il est possible que l'expert comparaisse comme témoin expert à l'audience, cela nuira à l'indépendance et à l'objectivité prévues par le Code de conduite régissant les témoins experts de la Cour.

 

[20]        Les arguments et les observations que l'intimée a formulés sur ce point ont un certain bien‑fondé. Ils sont également prématurés et par ailleurs généralement atténués par l'imposition de certaines exigences procédurales à ce stade.

 

[21]        Le nouveau Code de conduite régissant les témoins experts a expressément trait à la préparation d'un expert et à son témoignage ultérieur à l'égard d'un rapport d'expert. Tous les arguments qu'une partie avancera à l'encontre du rapport proposé d'un témoin expert se soulèvent logiquement quand le rapport est signifié à l'avocat de la partie adverse, le cas échéant. Dans l'affaire Moore, il était question d'un rapport d'expert inadéquat découlant de révisions « stratégiques » et de conclusions causales et factuelles plutôt que d'une exclusion fondée sur la présence de l'expert aux interrogatoires préalables. En outre, des hypothèses de fait inappropriées ou erronées contenues dans un rapport ou un témoignage d'expert portent un coup fatal à la crédibilité et sont ce que l'avocat de la partie adverse aspire à découvrir lors du contre‑interrogatoire. Toutefois, si ce témoin expert qui sera présent à l'interrogatoire préalable demande à témoigner à titre d'expert à l'audience, un juge responsable de la gestion de l'instance pourra alors se pencher sur l'argument du préjudice et du non-respect du Code de conduite régissant les témoins experts de la Cour. Le contenu et le contexte du rapport d'expert seront cruciaux à l'égard de cette décision précise, de la même manière que dans l'affaire Moore. Ainsi, le respect des droits de l'intimée ainsi que des procédures de la Cour sera garanti à cet égard.

 

[22]        Pour ce qui est de la crainte que l'expert plaide le point de vue d'une partie et la protection par la Cour de ses propres procédures, à savoir les interrogatoires préalables, la Cour souligne ce qui suit : l'objet de la présence de l'expert aux interrogatoires préalables est seulement d'assister l'avocat de l'appelante et non de fournir une distraction, de tenir lieu de second plaideur ou de tirer quelque avantage que ce soit. Pour résumer, si l'expert participe à l'interrogatoire en respectant ces limites, on devrait pouvoir le voir, mais non l'entendre, lors de la procédure officielle.

 

[23]        Pour les motifs susmentionnés, la requête est accueillie et l'expert, M. Brad Rolph, pourra assister à l'interrogatoire préalable du représentant de l'intimée par l'appelante, sous réserve des conditions suivantes :

 

a.       Monsieur Rolph s'engagera expressément envers l'intimée et la présente Cour à observer la règle de l'engagement implicite; ce document sera rédigé par l'avocat de l'intimée et approuvé par l'avocat de l'appelante, qui devra agir de façon raisonnable à cet égard;

 

b.       L'expert lui‑même ne posera pas de question, pas plus qu'il ne prendra la parole au cours du processus d'interrogatoire officiel;

 

c.       Toute assistance que l'expert fournira à l'avocat de l'appelante devra être donnée à l'avance, au moyen de notes discrètes au cours de la procédure officielle d'interrogatoire préalable ou lors des discussions non destinées à être divulguées ou des pauses prévues.

 

[24]        Compte tenu de la nature de la requête, des dépens de 1 000 $ sont adjugés à l'appelante, mais leur paiement suivra l'issue de la cause ou la décision qui sera rendue lorsque la question sera soulevée par un avocat devant un juge responsable de la gestion de l'instance ou le juge du procès si l'on prétend qu'un préjudice découle du fait que le même expert, M. Rolph, rédige et produit un rapport d'expert ultérieur, le cas échéant.

 

Signé à Ottawa (Ontario), ce 4e jour de juin 2014.

 

 

« R. S. Bocock »

Le juge Bocock

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 29e jour d'août 2014.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 


RÉFÉRENCE :

2014 CCI 185

 

NO DU DOSSIER DE LA COUR :

2012-4145(IT)G

 

INTITULÉ :

Blenk Development Corp. c. Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L'AUDIENCE :

Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L'AUDIENCE :

Le 20 mai 2014

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :

L'honorable juge Randall S. Bocock

 

DATE DE L'ORDONNANCE :

Le 4 juin 2014

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l'appelante :

Me Greg J. Pratch

 

Avocat de l'intimée :

Me Bruce Senkpiel

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

          Pour l'appelante :

 

Nom :

Thomas P. Fellhauer
Greg J. Pratch

 

Cabinet :

Pushor Mitchell LLP

 

Pour l'intimée :

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 

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