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Dossier : 2013-1987(GST)I

ENTRE :

ROBERT GAGNÉ,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

Appel entendu le 3 février 2014, à Québec (Québec).

Devant : L'honorable juge Réal Favreau


Comparutions :

 

Pour l'appelant :

l'appelant lui-même

Avocate de l'intimée :

Me Chantale Paris

 

JUGEMENT

        L'appel à l’encontre d'une nouvelle cotisation établie en vertu de la partie IX de la Loi sur la taxe d’accise, dont l'avis est daté du 27 mars 2013 et porte le numéro F-043465, pour la période du 3 juin 2008 au 28 février 2010, est rejeté selon les termes des motifs du jugement ci-joints.

 

Signé à Québec, Canada, ce 26e jour de juin 2014.

« Réal Favreau »

Juge Favreau

 


Référence : 2014 CCI 205

Date : 20140626

Dossier : 2013-1987(GST)I

ENTRE :

ROBERT GAGNÉ,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 


MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Favreau

 

[1]             Il s'agit d'un appel à l'encontre d'une nouvelle cotisation, dont l'avis est daté du 27 mars 2013 et porte le numéro F-043465, pour la période du 3 juin 2008 au 28 février 2010 (la « période visée »), établie en vertu de la partie IX de la Loi sur la taxe d’accise. L.R.C. (1985), ch. E-15 (la « LTA ») par le ministre du Revenu du Québec, pour et au nom du ministre du Revenu national, (le « ministre »).

[2]             En vertu de cette nouvelle cotisation, le ministre réclame à l'appelant le paiement de droits de 5 738,85 $, sans intérêts, ni pénalités, à titre d'administrateur de la société « Les Entreprises G.G. Tech Inc. » pour des montants de taxes sur les produits et services (« TPS ») que ladite société devait remettre à Revenu Québec.

[3]             La société « Les Entreprises G.G. Tech Inc.  » a résulté de la fusion intervenue le 21 octobre 2011 entre les sociétés « Les Entreprises G.G. Tech Inc. », une société constituée le 16 septembre 2002 en vertu de la partie 1A de la Loi sur les compagnies du Québec et « Magtek 2008 Inc. », une société constituée en vertu de la Partie 1A de la Loi sur les compagnies du Québec par un certificat de constitution daté du 1er mars 2007. La société «  Les Entreprises G.G. Tech Inc. » oeuvrait dans le domaine du recyclage de métaux et des travaux mécaniques et la société « Magtek 2008 Inc. » oeuvrait dans le domaine de la location de conteneurs et dans le domaine de la récupération de métal.

[4]             Le 26 mars 2012, la société « Les Entreprises G.G. Tech Inc. »  a fait cession de ses biens en vertu de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité.

[5]             Selon la déclaration modificative de la personne morale «  Les Entreprises G.G. Tech Inc. »  qui a été déposée le 20 mars 2008 en vertu de la Loi sur la publicité légale des entreprises individuelles, des sociétés et des personnes morales, l'appelant était, à cette date, un actionnaire et un administrateur de ladite société.

[6]             Selon l'état de renseignements du registre des entreprises déposé le 16 juillet 2009 par la société « Magtek 2008 Inc. », l'appelant était, à cette date, un actionnaire et un administrateur de ladite société.

[7]             Selon le témoignage de l'appelant, il a acheté, en 2008, 29 actions de catégorie « A » du capital-actions de la société « Les Entreprises G.G. Tech Inc. », alors que ses deux fils, Mathieu et Alexis Gagné ont chacun acheté 10 actions de catégorie « A » de cette même société. La convention de souscription d'actions ou d'achat d'actions n'a pas été déposée en preuve.

[8]             La preuve au dossier ne renferme aucune information concernant la date à laquelle l'appelant est devenu actionnaire de la société « Magtek 2008 Inc. » et aucune convention de souscription ou d'achat d'actions de cette société n'a été déposée en preuve. Par contre, selon les témoignages de mesdames Sylvie Demers, agente de recouvrement auprès de l'agence du Revenu du Canada (l'« ARC »), et de Nathalie Labelle, agente de faillite auprès de l'ARC, les sociétés «  Les Entreprises G.G. Tech Inc. » et « Magtek 2008 Inc. » avaient leurs bureaux à la même adresse et les mêmes personnes étaient à la fois actionnaires et administrateurs de chacune de ces sociétés.

[9]             Une confirmation du fait que l'appelant était également actionnaire de la société « Magtek 2008 Inc. » découle de la convention de vente d'actions intervenue en date du 7 juillet 2010 mais en vigueur à partir du 23 juin 2010, entre l'appelant (le Vendeur), monsieur Clermont Bélanger (l'acheteur) et la société « Magtek 2008 Inc. » (l'Intervenante). Le troisième attendu de cette convention se lit comme suit:

ATTENDU QUE le Vendeur est propriétaire de trente-neuf (39) actions de catégorie « A » émises et en circulation du capital-actions de l'Intervenante.

[10]        Lors de son témoignage, l'appelant a expliqué qu'en vertu de ladite convention de vente, il a vendu les 29 actions de catégorie « A » dont il était propriétaire de même que les 10 actions de catégorie « A » dont un de ses fils était propriétaire. Le prix de vente convenu pour les 39 actions de catégorie « A » était pour la somme de 1 $. L'appelant a souligné, qu'en vertu du paragraphe 5 de ladite convention de vente, l'acheteur s'est engagé à libérer le vendeur de tous les endossements, cautionnements ou garanties personnelles consentis par ce dernier envers les créanciers de l'intervenant, dont notamment mais non limitativement, les marges de crédit au montant approximatif de 80 000 $ contractés auprès de Visa Affaires, la TPS et la taxe de vente du Québec au montant approximatif de 19 000 $, les cautionnements des deux (2) camions F‑350 ainsi que la partie de responsabilité personnelle des deux (2) prêts aux petites entreprises contractées auprès du Mouvement Desjardins dont les soldes respectifs étaient d'environ 6 000 $ et de 7 000 $ respectivement.

[11]        Suite à la vente des actions que l'appelant détenait dans le capital-actions de la société « Magtek 2008 Inc. », l'appelant a cessé d'occuper ses fonctions en tant qu'administrateur de la société « Magtek 2008 Inc. » et de la société « Les Entreprises G.G. Tech Inc. ».   

[12]        Pendant la période au cours de laquelle l'appelant était administrateur de la société « Magtek 2008 Inc. », cette dernière a fait défaut de remettre au ministre les montants de TPS perçus entre le 1er septembre 2008 et le 31 mai 2010. Suite à la fusion des sociétés « Les Entreprises G.G. Tech Inc. » et « Magtek 2008 Inc. » intervenue le 21 octobre 2011, l'obligation de remettre les montants de TPS perçus est devenue la responsabilité de la société résultant de la fusion. L'appelant n'a jamais été actionnaire, ni administrateur de la société qui a résulté de la fusion.

La position de l'appelant

[13]        Lors de son témoignage, l'appelant a invoqué le fait qu'il n'était aucunement impliqué dans l'administration des sociétés « Les Entreprises G.G. Tech Inc. » et « Magtek 2008 Inc. » et qu'il n'avait ni les connaissances, ni les compétences pour s'occuper de la gestion de ces sociétés. Il n'a pas complété son secondaire II et il a travaillé toute sa vie dans le domaine de la construction.

[14]        Selon lui, l'administration des sociétés « Les Entreprises G.G. Tech Inc. » et « Magtek 2008 Inc. » relevait entièrement de monsieur Clermont Bélanger, qui détenait la majorité des actions de catégorie « A » de chacune de ces sociétés.

[15]        Monsieur Clermont Bélanger est un comptable professionnel qui a son propre bureau de comptabilité. Ce dernier s'occupait de la tenue de livres des sociétés, de la préparation des états financiers et de la production des déclarations de revenu des sociétés et des déclarations de taxes. Il gérait les comptes de banque des sociétés, en plus de s'occuper des comptes à payer et de percevoir les comptes à recevoir. Monsieur Bélanger avait la responsabilité de trouver le financement nécessaire pour permettre aux sociétés d'opérer. Il s'occupait des assurances, des réclamations de la Commission de la Santé et Sécurité au Travail (et des relations de travail avec les employés (embauche, salaires, etc.)).

[16]        L'appelant a expliqué qu'il n'a participé à aucune réunion des conseils d'administration de l'une ou de l'autre des sociétés « Les Entreprises G.G. Tech Inc. » et « Magtek 2008 Inc. », qu'il n'a jamais signé de résolutions des conseils d'administration respectifs de ces deux sociétés et qu'il n'a jamais signé les états financiers desdits sociétés, ni leurs déclarations de revenu.

[17]        Selon l'appelant, monsieur Clermont Bélanger semblait tout avoir sous son contrôle et tout semblait être en ordre. L'appelant avait confiance en monsieur Bélanger parce qu'en plus d'être son ami, ce dernier avait beaucoup d'expérience dans l'administration de sociétés. Il n'avait aucune raison de douter de lui.

[18]        L'appelant a expliqué qu'il n'a été informé des difficultés financières des sociétés qu'en 2009 par monsieur Clermont Bélanger. À compter de ce moment, les marges de crédit des sociétés « Les Entreprises G.G. Tech Inc. » et de « Magtek 2008 Inc. » ont été augmentés. Les clients de ces sociétés ont été appelés pour accélérer le paiement des comptes à recevoir et un consultant en redressement d'entreprise, monsieur Sébastien Girard, a été mandaté. Suite à ces mesures, il y a une rentrée d'argent et la situation s'est quelque peu améliorée mais, par la suite, la situation financière de la société « Magtek 2008 Inc. » s'est détérioré à nouveau. Il a alors décidé de disposer de ses actions dans la société « Magtek 2008 Inc. » en se faisant libérer de ses endossements et cautionnements et de ses responsabilités pour les taxes dues aux autorités fiscales.

La position de l'intimée

[19]        L'intimée considère que la convention de vente d'actions intervenue en date du 7 juillet 2010 est inopposable aux tiers parce qu'elle a été faite sous forme sous seing privée et que, par conséquent, elle ne peut avoir pour effet de libérer l'appelant quant à sa responsabilité solidaire pour les défauts de remettre les montants de TPS perçus.

[20]        L'appelant était conscient des obligations fiscales de la société « Magtek 2008 Inc. » et il a été informé dès 2009 que ladite société était en défaut de respecter ses obligations à cet égard. C'est d'ailleurs pour cette raison que l'appelant a exigé l'insertion dans la convention de vente d'actions intervenue en date du 7 juillet 2010 de la disposition ayant trait à la libération de tous ses endossements, cautionnements ou garanties personnelles dont la TPS et la taxe de vente du Québec s'élevant à un montant approximatif de 19 000 $.

[21]        L'appelant n'a pas mis en place un système adéquat pour prévenir de nombreux manquements au versement de la TPS par la société « Magtek 2008 Inc. » dont il était un administrateur.

Analyse

[22]        La cotisation en litige est une nouvelle cotisation qui a annulé et remplacé l'avis de cotisation délivré le 25 mai 2012 et portait le numéro F-037631. Le montant cotisé en vertu du paragraphe 323(1) de la LTA était de 9 188,31 $, soit 7 999,42 $ en droits et 1 188,90 $ en intérêts. La nouvelle cotisation a fait suite aux représentations de l'appelant et a été rendue nécessaire afin de retrancher les montants de TPS pour les périodes où l'appelant n'était pas administrateur de la société en défaut. Le montant cotisé en vertu de cette nouvelle cotisation était de 5 738,85 $ en droits; les intérêts et les pénalités ayant été enlevés.

[23]        La cotisation initiale a été établie à l'intérieur de la période de deux ans après que l'appelant a cessé pour la dernière fois d'être administrateur de la société « Magtek 2008 Inc. ».

[24]        Les dispositions pertinentes de la LTA aux fins du présent litige sont le paragraphe 299(4) et l'article 323 qui prévoient ce qui suit :

299(4) Présomption de validité — Sous réserve d'une nouvelle cotisation et d'une annulation prononcée lors d'une opposition ou d'un appel fait selon la présente partie, une cotisation est réputée valide et exécutoire malgré les erreurs, vices de forme ou omissions dans la cotisation ou dans une procédure y afférent en vertu de la présente partie.

323.(1) Responsabilité des administrateurs — Les administrateurs d'une personne morale au moment où elle était tenue de verser, comme l'exigent les paragraphes 228(2) ou (2.3), un montant de taxe nette ou, comme l'exige l'article 230.1, un montant au titre d'un remboursement de taxe nette qui lui a été payé ou qui a été déduit d'une somme dont elle est redevable, sont, en cas de défaut par la personne morale, solidairement tenus, avec cette dernière, de payer le montant ainsi que les intérêts et pénalités afférents.

(2) Restrictions — L'administrateur n'encourt de responsabilité selon le paragraphe (1) que si :

a) un certificat précisant la somme pour laquelle la personne morale est responsable a été enregistré à la Cour fédérale en application de l'article 316 et il y a eu défaut d'exécution totale ou partielle à l'égard de cette somme;

b) la personne morale a entrepris des procédures de liquidation ou de dissolution, ou elle a fait l'objet d'une dissolution, et une réclamation de la somme pour laquelle elle est responsable a été établie dans les six mois suivant le premier en date du début des procédures et de la dissolution;

c) la personne morale a fait une cession, ou une ordonnance de faillite a été rendue contre elle en application de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité, et une réclamation de la somme pour laquelle elle est responsable a été établie dans les six mois suivant la cession ou l'ordonnance.

(3) Diligence — L'administrateur n'encourt pas de responsabilité s'il a agi avec autant de soin, de diligence et de compétence pour prévenir le manquement visé au paragraphe (1) que ne l'aurait fait une personne raisonnablement prudente dans les mêmes circonstances.

(4) Cotisation — Le ministre peut établir une cotisation pour un montant payable par une personne aux termes du présent article. Les articles 296 à 311 s'appliquent, compte tenu des adaptations de circonstance, dès que le ministre envoie l'avis de cotisation applicable.

(5) Prescription —L'établissement d'une telle cotisation pour un montant payable par un administrateur se prescrit par deux ans après qu'il a cessé pour la dernière fois d'être administrateur.

(6) Montant recouvrable — Dans le cas du défaut d'exécution visé à l'alinéa (2)a), la somme à recouvrer d'un administrateur est celle qui demeure impayée après l'exécution.

(7) Privilège — L'administrateur qui verse une somme, au titre de la responsabilité d'une personne morale, qui est établie lors de procédures de liquidation, de dissolution ou de faillite a droit au privilège auquel Sa Majesté du chef du Canada aurait eu droit si cette somme n'avait pas été versée. En cas d'enregistrement d'un certificat relatif à cette somme, le ministre est autorisé à céder le certificat à l'administrateur jusqu'à concurrence de son versement.

(8) Répétition — L'administrateur qui a satisfait à la réclamation peut répéter les parts des administrateurs tenus responsables de la réclamation.

[25]        Comme la convention de vente d'actions intervenue en date du 7 juillet 2010 est régie par les lois du Québec, il y a lieu de référer à l'article 1440 du Code civil du Québec qui prévoit ce qui suit:

1440. Le contrat n'a d'effet qu'entre les parties contractantes; il n'en a point quant aux tiers, excepté dans les cas prévus par la loi.

[26]        La preuve documentaire soumise a clairement démontré que l'appelant était un administrateur des sociétés « Les Entreprises G.G. Tech Inc. » et « Magtek 2008 Inc. ».

[27]        Même si l'appelant ne s'occupait pas de la gestion quotidienne des sociétés « Les Entreprises G.G. Tech Inc. » et « Magtek 2008 Inc. », ni de la préparation et de la production de leurs rapports financiers, l'appelant était tout de même impliqué dans les transactions financières réalisées par lesdites sociétés pour avoir consenti des endossements, cautionnements et garanties personnelles pour des sommes importantes à différents créanciers de la société « Magtek 2008 Inc. ».

[28]        L'appelant connaissait également les formalités de remise de la TPS pour avoir signé un chèque de remise de taxes au montant de 1 938,81 $, daté du 30 septembre 2008 et tiré sur un compte de banque de la société « Les Entreprises G.G. Tech Inc. ».

[29]        Il n'y a aucune preuve au dossier à l'effet que l'appelant ait pris quelque mesure que ce soit pour s'assurer du versement de la TPS à Revenu Québec. Il n'y a pas de preuve du mandat de redressement confié à monsieur Sébastien Girard et monsieur Clermont Bélanger n'a pas témoigné pour corroborer le mandat de redressement et les autres mesures prises par les administrateurs de la société « Magtek 2008 Inc. » pour remédier au défaut de versement de la TPS.

[30]        L'appelant n'a pas démontré que les conditions requises pour se prévaloir avec succès du moyen de défense de diligence raisonnable prévu au paragraphe 323(3) de la LTA. Pour se prévaloir du moyen de défense de diligence raisonnable, les administrateurs de la société en défaut doivent établir qu'ils ont exercé le degré de soin, de diligence et d'habileté requis pour prévenir le manquement qu'une personne raisonnablement prudente aurait exercé dans des circonstances comparables.

[31]        Pour ces motifs, l'appel est rejeté.

Signé à Québec, Québec, ce 26e jour de juin 2014.

« Réal Favreau »

Juge Favreau

 


RÉFÉRENCE :

2014 CCI 205

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :

2013-1987(GST)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Robert Gagné et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L’AUDIENCE :

Québec (Québec)

DATE DE L’AUDIENCE :

le 3 février 2014

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

L'honorable juge Réal Favreau

DATE DU JUGEMENT :

le 26 juin 2014

COMPARUTIONS :

 

Pour l'appelant :

l'appelant lui-même

Avocate de l'intimée :

Me Chantale Paris

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

Pour l'appelant:

Nom :

 

Cabinet :

 

Pour l’intimée :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 

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