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Dossier : 2010-1444(GST)G

Dossier : 2010-1445(IT)G

ENTRE :

PARIS DRYDEN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appels entendus sur preuve commune les 19 et 20 août 2013 et les 3, 4 et 5 décembre 2013, à Toronto (Ontario).

Devant : L’honorable juge Johanne D’Auray


Comparutions :

Pour l’appelant :

L’appelant lui‑même

Avocate de l’intimée :

Me Diana Aird

 

JUGEMENT

Les appels interjetés des nouvelles cotisations établies au titre de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2003, 2004, 2005 et 2006 et à l’égard des nouvelles cotisations établies au titre de la Loi sur la taxe d’accise, dont les avis sont datés du 29 février 2008 et du 1er février 2010, relativement aux périodes qui ont pris fin les 31 décembre 2003, 2004, 2005 et 2006, sont accueillis, et les nouvelles cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations qui partira du principe que le revenu non déclaré de l’appelant devra être recalculé sur les fondements suivants :

Loi de l’impôt sur le revenu

a)                 à la fin de 2002, l’encaisse de l’appelant était de 39 476 $;

b)                aux termes de la cotisation fondée sur l’avoir net, les dépenses de l’appelant s’élevaient à 95 542,77 $ pour l’année d’imposition 2003, à 162 991,79 $ pour l’année d’imposition 2004, à 105 643,07 $ pour l’année d’imposition 2005, et à 100 834,71 $ pour l’année d’imposition 2006;

c)                 pour l’année d’imposition 2005, le solde de clôture qui apparaît sur l’état de l’actif de la cotisation fondée sur l’avoir net pour le compte de la banque Toronto Dominion xxxx822 est de 5 $;

d)                pour l’année d’imposition 2006, le solde de clôture qui apparaît sur l’état du passif de la cotisation fondée sur l’avoir net pour la ligne de crédit Visa xxxx337 est de 19 810,62 $;

e)                 l’appelant est tenu de payer la taxe sur les produits et services (la « TPS ») à l’égard de son revenu non déclaré;

Loi sur la taxe d’accise (Partie IX – TPS)

f)                  l’appelant est tenu de payer la TPS en fonction de ses revenus non déclarés comme ils ont été calculés aux fins de l’application de la Loi de l’impôt sur le revenu, rajustés conformément au présent jugement;

g)                 l’appelant est aussi passible de pénalités au titre du paragraphe 280(1) de la Loi sur la taxe d’accise pour défaut de versement et au titre de l’article 280.1 de la Loi sur la taxe d’accise pour omission de produire des déclarations de TPS rajustées conformément au présent jugement.

          Les dépens sont adjugés à l’intimée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 29e jour de juillet 2014.

« Johanne D’Auray »

Juge D’Auray

 

Traduction certifiée conforme,

ce 4e jour de février 2015.

 

 

François brunet, réviseur

 


Référence : 2014 CCI 241

Date : 20140729

Dossier : 2010-1444(GST)G

Dossier : 2010-1445(IT)G

ENTRE :

PARIS DRYDEN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]


 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

La juge D’Auray

Le contexte

[1]             Par avis de nouvelle cotisation daté du 13 mars 2008, le ministre du Revenu national (le « ministre ») a eu recours à la méthode de l’avoir net et a ajouté les sommes suivantes aux revenus de M. Paris Dryden (l’« appelant ») pour les années d’imposition 2003, 2004, 2005 et 2006, à titre de revenu d’entreprise non déclaré :

2003

61 209 $

2004

283 496 $

2005

441 467 $

2006

45 188 $

[2]             Le ministre a également établi une nouvelle cotisation à l’endroit de l’appelant à l’égard de la taxe sur les produits et services (la « TPS ») relative au revenu d’entreprise non déclaré.

[3]             En outre, dans sa nouvelle cotisation, le ministre a calculé des pénalités pour faute lourde au titre du paragraphe 163(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu, ainsi que pour omission de produire des déclarations de TPS dans les délais prévus, et d’effectuer des versements ou des acomptes provisionnels de TPS au titre des articles 280 et 280.1 de la Loi sur la taxe d’accise.

[4]             Le ministre a produit la nouvelle cotisation pour l’année d’imposition 2003 après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation prévue au sous‑alinéa 152(4)a)(i) de la Loi de l’impôt sur le revenu.

[5]             À la suite de l’avis d’opposition daté du 21 mai 2008 que l’appelant a déposé, le ministre a modifié les nouvelles cotisations en diminuant de 36 253 $ le revenu d’entreprise net de l’appelant pour l’année d’imposition 2005 et en augmentant de 27 695 $ le revenu d’entreprise net de l’appelant pour l’année d’imposition  2006. Le ministre a également modifié les nouvelles cotisations établies au titre de la Loi sur la taxe d’accise de manière à traduire les modifications effectuées aux fins de l’application de la Loi de l’impôt sur le revenu.

[6]             Au début du procès, l’intimée a déclaré qu’on avait considéré tous les retraits, transferts entre comptes bancaires, chèques, traites et transactions débitrices que l’appelant avait faits à partir de ses comptes bancaires comme des dépenses personnelles. Le vérificateur n’a pas tenu compte des transferts que l’appelant avait effectués entre ses comptes bancaires (les « transferts intercomptes »). Par exemple, si l’appelant avait transféré 100 $ d’un compte bancaire à un autre, le vérificateur a considéré qu’il s’agissait d’une dépense personnelle de l’appelant. Par conséquent, l’intimée a, à juste titre, concédé le fait que les dépenses personnelles dont il était fait état dans les cotisations fondées sur l’avoir net étaient trop élevées et qu’il fallait les réduire afin de traduire les transferts intercomptes effectués en retranchant les sommes suivantes[1] :

2003

 

Dépenses aux termes de la nouvelle cotisation

 

103 597 $

Moins les concessions

 

Citoyenneté et Immigration

(4 600 $)

Erreurs de transcription

(982,13 $)

Dépenses après les concessions

98 014 89 $

 

2004

 

Dépenses aux termes de la nouvelle

cotisation

 

378 991,79 $

Moins les concessions

 

Maison Gareene

(106 000 $)

Transferts intercomptes

(99 000 $)

Dépenses après les concessions

173 991,79 $

 

2005

 

Dépenses aux termes de la nouvelle

cotisation

 

203 312,52 $

Moins les concessions

 

Transferts intercomptes

(99 000 $)

Plus

 

Paiement excédentaire sur la maison Gareene

 

26 511,33 $

Dépenses après les changements

130 023,85 $

 

2006

 

Dépenses aux termes de la nouvelle

cotisation

 

108 021,09 $

Moins les concessions

 

Transferts intercomptes

(7 186,38 $)

Dépenses après les concessions

100 834,71 $

[7]             L’intimée a également affirmé que le solde de clôture qui figure sur l’état de l’actif pour le compte de la banque Toronto Dominion xxxx822 devrait être diminué de 74,64 $ à 5 $. Elle a ajouté que le solde de clôture qui figure sur l’état du passif pour la ligne de crédit Visa xxxx1337 relative à l’année d’imposition 2006 devrait être augmenté de 9 294,23 $ à 19 810,62 $.

[8]             Par conséquent, compte tenu des concessions que l’intimée a faites au début de l’audience, les revenus non déclarés de l’appelant qui ont été calculés au moyen de la méthode de l’avoir net pour les années d’imposition en cause étaient les suivants :

2003

56 589,80 $

2004

189 060,49 $

2005

241 658,97 $

2006

56 807,23 $

[9]             À la fin du procès, l’intimée a également concédé le fait que les sommes relatives aux paiements hypothécaires qui figurent dans le formulaire des dépenses personnelles devraient s’élever à 28 772 $ pour l’année d’imposition 2003 et à 30 339 $ pour l’année d’imposition 2005 au lieu de s’élever à 31 244,10 $ et à 30 519,78 $, respectivement.

Les faits

[10]        De 1990 à 1997, l’appelant a été au service de Citoyenneté et Immigration Canada.

[11]        Après que l’appelant eut quitté le service de Citoyenneté et Immigration Canada, il a démarré sa propre entreprise. L’appelant exerçait l’activité de consultant en immigration à temps plein, et, à cette fin, il a constitué Paris International Inc. en société le 4 novembre 1996.

[12]        Autour de l’année 2000, l’appelant a acheté avec Mme Elaine Ricketts (« Mme Ricketts ») une maison située au 18, promenade Hillhurst, à Richmond Hill, pour la somme de 507 000 $ (la « résidence personnelle »). Au moment de l’achat, l’appelant et Mme Ricketts ont payé la somme de 100 000 $ à titre de versement initial sur la maison.

[13]        Le 11 août 2001, l’appelant et Mme Ricketts se sont mariés.

[14]        En 2003, première année en cause en l’espèce, l’appelant et Mme Ricketts avaient trois enfants, âgés entre deux et neuf ans. En 2005, ils avaient quatre enfants.

[15]        Pendant les années en cause, Mme Ricketts était institutrice. Elle gagnait environ 40 000 $ par an. De septembre 2003 à juin 2004, Mme Ricketts ne travaillait pas parce qu’elle étudiait à l’université à temps plein.

[16]        Pendant les années en cause en l’espèce, la mère de l’appelant vivait également dans la résidence personnelle et elle ne travaillait pas.

[17]        Selon l’appelant, le gouvernement du Canada a instauré des exigences concernant l’autorisation d’exercer la profession de consultant en immigration dans le courant de l’année 2003. Par suite de la mise en œuvre de ces règles, l’appelant a décidé d’arrêter d’exercer l’activité de consultant en immigration et de retourner faire des études afin d’obtenir un diplôme en droit. Néanmoins, l’appelant a déclaré que le gouvernement du Canada avait fait bénéficier aux demandes qu’il avait introduites avant que les règles relatives aux consultants en immigration n’entrent en vigueur de dispositions transitoires.

[18]        Le 9 avril 2003, l’appelant a constitué en société Paris International Legal Services Inc. Il a déclaré qu’il avait fait cela afin de se tenir occupé et de financer son mode de vie étant donné que, à cette époque, il ne savait pas s’il serait admis à la faculté de droit. Il a ajouté qu’il voulait que Paris International Legal Services Inc. offre des services similaires à ceux qu’offraient les parajuristes, comme en ce qui a trait à la constitution des sociétés et à la contestation des contraventions de stationnement.

[19]        L’appelant était l’administrateur des deux sociétés, à savoir Paris International Inc. et Paris International Legal Services Inc. Paris International Inc. a été dissoute en 2006.

[20]        De septembre 2004 à août 2005, l’appelant suivait des études à temps partiel à l’Université York, à Toronto. De septembre 2005 à juin 2007, l’appelant étudiait le droit à temps plein à la University of Birmingham, en Angleterre. De septembre 2007 à octobre 2008, l’appelant étudiait en vue d’obtenir une maîtrise en droit auprès de la University of Westminster, en Angleterre.

[21]        En 2004, l’appelant a présenté à Gareene Homes Ltd. une offre en vue de l’achat d’une maison (la « maison Gareene »), à des fins d’investissement. L’achat de la maison Gareene a été conclu en 2005 pour la somme de 463 405 $, somme incluant les frais juridiques et les ajustements. L’appelant a déclaré que son épouse et lui avaient financé l’achat de la maison Gareene au moyen de la ligne de crédit de l’appelant, en augmentant le prêt hypothécaire grevant leur résidence personnelle et en demandant au père de l’appelant de les aider financièrement.

[22]        L’appelant n’a déclaré aucun revenu d’emploi ou d’entreprise pour les années en cause.

[23]        Aucune des sociétés n’a produit de déclaration de revenus des sociétés jusqu’à ce que l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») leur demande de le faire en 2007. Paris International Inc. a produit des déclarations de revenus des sociétés le 27 mars 2007. Paris International Legal Services Inc. a produit des déclarations de revenus des sociétés le 28 septembre 2007. Les sociétés n’ont déclaré aucun revenu.

[24]        L’appelant n’était pas inscrit aux fins de la TPS et il n’a pas produit de déclarations de TPS. Par conséquent, le ministre a inscrit l’appelant au compte de TPS.

Les questions en litige

[25]        Le ministre a-t-il commis une erreur en établissant de nouvelles cotisations à l’égard de l’appelant en ayant recours à la méthode de l’avoir net et en ajoutant des revenus d’entreprise aux revenus de l’appelant pour les années d’imposition 2003, 2004, 2005 et 2006?

[26]        Le ministre a-t-il commis une erreur en établissant de nouvelles cotisations de TPS relatives aux nouvelles cotisations d’impôt sur le revenu qu’il a établies en ayant recours à la méthode de l’avoir net?

[27]        Le ministre avait-il le droit d’établir de nouvelles cotisations à l’égard de l’appelant après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation pour l’année d’imposition 2003 au titre du paragraphe 152(4) de la Loi de l’impôt sur le revenu?

[28]        Le ministre a-t-il commis une erreur dans les nouvelles cotisations qu’il a établies en calculant des pénalités pour faute lourde à l’égard de l’appelant au titre du paragraphe 163(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2003, 2004, 2005 et 2006?

[29]        Le ministre a-t-il commis une erreur dans les nouvelles cotisations qu’il a établies à l’égard de l’appelant en calculant des pénalités pour omission de produire des déclarations de TPS dans les délais prévus et d’effectuer des versements ou des acomptes provisionnels de TPS au titre des articles 280 et 280.1 de la Loi sur la taxe d’accise?

Les thèses des parties

[30]        L’appelant soutient qu’il n’a exploité aucune entreprise, sous quelque forme que ce soit, pendant les années en cause.

[31]        L’appelant a fait valoir que, en raison des nouvelles exigences associées à l’autorisation d’exercer la profession de consultant en immigration qui ont été instaurées en 2003, il avait cessé son activité de consultant en immigration dans le courant de l’année 2003.

[32]        L’appelant a soutenu qu’il n’avait pas travaillé de 2004 à 2008 étant donné qu’il étudiait au Canada et en Angleterre. Il a affirmé qu’il avait payé les frais de subsistance de sa famille avec l’argent comptant que sa femme et lui avaient économisé au cours des années précédentes ainsi qu’avec les prêts en argent comptant que son père lui avait consentis pendant les années en cause.

[33]        L’appelant soutient qu’il n’a déclaré aucun revenu parce qu’il n’a gagné aucun [traduction] « revenu substantiel » pendant les années en cause; il a ajouté que l’évaluation de la valeur nette était dénuée de fondement pour les raisons suivantes :

             l’évaluation ne rend pas compte de son encaisse au 31 décembre 2002, l’année de base;

             on n’a pas tenu compte de tous les transferts intercomptes.

 

[34]        L’intimée est d’avis que l’appelant a gagné des revenus d’entreprise pendant les années d’imposition en cause. Elle a fait valoir que l’appelant n’aurait pas pu maintenir son mode de vie s’il n’avait pas gagné de revenus d’entreprise. Elle a également affirmé qu’elle avait tenu compte des transferts intercompte dans les concessions qu’elle a faites au début de l’audience.

[35]        L’intimée a également affirmé qu’il ne convenait pas de modifier l’encaisse dont il était fait état dans la cotisation fondée sur l’avoir net. Elle a soutenu qu’il convenait d’écarter le témoignage que Mme Ricketts, M. Egbert Dryden père (« M. Dryden père ») (le père de l’appelant) et M. James Craig (son ami et collègue)  avaient rendu au procès. L’intimée a soutenu que ces témoignages étaient intéressés et que, selon elle, les témoins essayaient d’aider un membre de leur famille. En outre, elle a déclaré qu’il y avait des incohérences ainsi qu’un manque de documents allant dans le sens des déclarations des témoins. Dans l’ensemble, l’intimée a soutenu que les déclarations des témoins n’étaient pas crédibles.

[36]        Par conséquent, l’intimée a soutenu que l’appelant n’a pas reçu de dons en argent comptant de son père, de sa sœur ou de sa belle-sœur, pas plus que des prêts en argent comptant de son père pendant les années en cause.

Les questions de la crédibilité et du fardeau de la preuve

[37]        Avant d’analyser les faits en l’espèce, il est important de souligner que, dans la plupart des affaires dans lesquelles il est question de cotisations fondées sur l’avoir net, les éléments déterminants sont habituellement la crédibilité et les explications de l’appelant et des témoins relativement aux raisons pour lesquelles la cotisation fondée sur l’avoir net que le ministre a établie est dénuée de fondements.

[38]        Pour apprécier la crédibilité des témoins, je m’appuie sur deux jurisprudences. La première est Faryna v Chorny[2], un arrêt rendu par la Cour d’appel de la Colombie-Britannique. S’exprimant au nom de la majorité de la Cour d’appel de la Colombie‑Britannique, le juge O’Halloran a défini les éléments que la Cour d’appel devait prendre en considération pour apprécier la crédibilité des témoins; aux paragraphes 10 et 11, il a tiré les conclusions suivantes :

[traduction]

[10]   On ne peut évaluer la crédibilité d’un témoin intéressé, en particulier dans les cas de témoignages contradictoires, en fonction du seul critère consistant à rechercher si le comportement du témoin permet de penser qu’il dit la vérité. Il faut soumettre la version des faits qu’il propose à un examen raisonnable de sa compatibilité avec les probabilités se rapportant aux conditions existantes. Bref, le véritable critère applicable à la véracité du témoignage d’une personne dans un tel cas doit être sa conformité à la prépondérance des probabilités qu’une personne pratique et bien informée estimerait d’emblée raisonnable dans le lieu et la situation en question. Ce n’est qu’ainsi que le juge peut apprécier de manière satisfaisante les déclarations de témoins à l’esprit alerte, sûrs d’eux‑mêmes et expérimentés, ainsi que de ces personnes astucieuses qui s’y entendent en matière de demi‑mensonge et s’appuient sur une longue et fructueuse expérience dans l’art de mettre en œuvre l’exagération habile et l’occultation partielle de la vérité. En outre, il peut arriver qu’un témoin dise ce qu’il croit sincèrement être la vérité, mais se trompe en toute honnêteté. Le juge du fond qui dirait : « Je le crois parce que je suis convaincu de sa véracité » tirerait une conclusion fondée sur l’examen de la moitié seulement du problème. En vérité, il pourrait bien s’agir là d’une autodirective dangereuse.

[11]   Le juge du fond doit aller plus loin et rechercher si les dires du témoin qu’il croit sont compatibles avec la prépondérance des probabilités en l’espèce et, pour que son avis puisse imposer le respect, le juge doit également motiver sa conclusion. La loi n’attribue pas au juge du fond la capacité de sonder comme par magie le cœur et l’esprit des témoins. De plus, la cour d’appel doit conclure que les conclusions que le juge de première instance a tirées au sujet de la crédibilité ne reposent pas sur un seul élément à l’exclusion de tout autre, mais qu’elles sont fondées sur tous les éléments qui permettent de vérifier la crédibilité dans un cas donné.

[39]        À l’occasion de l’affaire Nichols c La Reine[3], la juge V. Miller a donné une vue d’ensemble utile des éléments dont le juge doit tenir compte pour apprécier la crédibilité des témoins. Dans l’affaire Nichols, la question à trancher était également de savoir si la cotisation fondée sur l’avoir net que le ministre avait établie était dénuée de fondement. Au paragraphe 23 de ses motifs, la juge V. Miller s’est ainsi exprimée :

En matière de crédibilité, je peux tenir compte des incohérences ou des faiblesses que comporte le témoignage des témoins, y compris les incohérences internes (si le témoignage change pendant que le témoin est à la barre ou s’il diverge du témoignage rendu à l’interrogatoire préalable), les déclarations antérieures contradictoires et les incohérences externes (soit lorsque le témoignage est incompatible avec des éléments de preuve indépendants que j’ai acceptés). Il m’est ensuite loisible d’apprécier l’attitude et le comportement du témoin. Troisièmement, je peux rechercher si le témoin a des raisons de rendre un faux témoignage ou d’induire la Cour en erreur. Enfin, je peux prendre en compte la teneur générale de la preuve. C’est‑à‑dire que j’ai toute latitude pour rechercher si l’examen du témoignage à la lumière du sens commun donne à penser que les faits exposés sont impossibles ou hautement improbables.

[40]        Dans les appels en matière fiscale, à moins que le contribuable ne présente une preuve prima facie, c’est à lui qu’incombe le fardeau de la preuve; c’est lui qui a la charge de « démolir » les hypothèses de fait du ministre[4]. Ces dernières sont tenues pour vraies[5]. Toutefois, étant donné qu’il a été établi une nouvelle cotisation à l’égard de l’appelant pour l’année d’imposition 2003 après la période normale de nouvelle cotisation, il revient à l’intimée d’établir que, quand il a produit sa déclaration de revenus pour 2003, sous le régime de la Loi de l’impôt sur le revenu, l’appelant a fait une présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire, ou a commis quelque fraude en produisant la déclaration ou en fournissant quelque renseignement.

[41]        Pour que notre Cour puisse confirmer les pénalités calculées au titre du paragraphe 163(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu, le fardeau de la preuve incombe encore une fois à l’intimée. Celle‑ci doit prouver que, quand il a produit ses déclarations de revenus, l’appelant a sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, fait un faux énoncé ou une omission dans ces déclarations.

[42]        Pour se soustraire aux pénalités prévues à l’article 280 de la Loi sur la taxe d’accise, l’appelant doit prouver qu’il a fait preuve de diligence pour effectuer ses paiements et versements de TPS. Toutefois, il est passible de la pénalité prévue en cas d’omission de produire une déclaration de TPS si l’intimée est en mesure de prouver que l’appelant n’a pas produit ses déclarations de TPS dans les délais prévus par la Loi sur la taxe d’accise.

Analyse

Le ministre a‑t‑il commis une erreur en établissant une nouvelle cotisation fondée sur l’avoir net à l’égard de l’appelant par laquelle il a ajouté des revenus d’entreprise aux revenus de l’appelant pour les années d’imposition 2003, 2004, 2005 et 2006?

1. Les dépenses personnelles – les transferts intercomptes (évaluation de l’avoir net – formulaire de dépenses personnelles pour les années 2003, 2004, 2005 et 2006)

[43]        L’appelant a soutenu que, en plus des sommes que l’intimée a concédées, il aurait convenu de tenir compte d’autres transferts intercomptes pour réduire le montant de ses dépenses personnelles pour les années en cause.

1.1. La transaction d’un montant de 20 000 $ (compte d’épargne TD xxx822)

[44]        L’appelant a soutenu qu’il convient de retirer la somme de 20 000 $ à titre de dépenses personnelles de sa cotisation fondée sur l’avoir net pour l’année d’imposition 2004 étant donné que cette somme a fait l’objet d’un transfert intercomptes. Je rejette la thèse de l’appelant; il ressort des éléments de preuve que la traite bancaire en cause, d’un montant de 20 000 $, a été établie à l’ordre de Dona Mason, en fiducie pour l’acquisition de la maison Gareene. Par conséquent, la somme de 20 000 $ ne correspondait pas à un transfert intercomptes.

1.2. La transaction d’un montant de 6000 $US (compte américain TD xxxx000)

[45]        L’appelant a également soutenu qu’il conviendrait de retirer la somme de 6 000 $US à titre de dépenses personnelles de sa cotisation fondée sur l’avoir net pour l’année d’imposition 2004 parce cette somme a fait l’objet d’un transfert intercomptes. L’intimée a concédé le fait qu’il s’agissait d’un transfert intercomptes, mais elle a déclaré qu’elle avait déjà retiré la somme de 6 000 $US de l’évaluation de la valeur nette. J’abonde dans le sens de l’intimé; il ressort clairement de la pièce R-3, à la page 5, qu’on a déjà retiré la somme de 6 000 $ à titre de dépenses personnelles de la cotisation fondée sur l’avoir net pour l’année d’imposition 2004.

1.3. La transaction d’un montant de 11 000 $ (compte d’épargne TD xxxx822)

[46]        L’appelant a soutenu qu’il conviendrait de retirer la somme de 11 000 $ à titre de dépenses personnelles de sa cotisation fondée sur l’avoir net pour l’année d’imposition 2004 étant donné que cette somme a fait l’objet d’un transfert intercomptes. J’aborde dans le sens de l’appelant; il ressort du dossier que la somme de 11 000 $ a été transférée à la même date du compte TD xxxx822 au compte CIBC xxxx439. Par conséquent, il convient de réduire de 11 000 $ le montant qui apparaît sur le formulaire des dépenses personnelles relatif à la cotisation fondée sur l’avoir net pour l’année d’imposition 2004.

1.4. La transaction d’un montant de 25 000 $ (compte d’épargne TD xxxx822)

[47]        L’appelant a soutenu qu’il conviendrait de retirer la somme de 25 000 $ à titre de dépenses personnelles de sa cotisation fondée sur l’avoir net pour l’année d’imposition 2005 parce que cette somme a fait l’objet d’un transfert intercomptes. L’appelant a expliqué qu’il avait déposé une traite bancaire d’un montant de 25 000 $ dans le compte CIBC xxxx439 à partir du compte TD xxxx822. Outre la traite bancaire d’un montant de 25 000 $, l’appelant a déclaré qu’il avait déposé la somme de 5 500 $ en argent comptant, soit un dépôt total de 30 500 $. Il a effectué toutes les transactions le 1er mars 2005. Il a soutenu que la somme de 25 000 $ avait fait l’objet d’un transfert intercomptes.

[48]        L’intimée a soutenu qu’il n’y avait aucun document allant dans le sens la thèse de l’appelant. Elle a soutenu que l’appelant avait parcouru les dossiers après coup afin de trouver des arguments portant que les sommes avaient fait l’objet de transferts intercomptes et qu’il ne s’agissait pas de dépenses personnelles.

[49]        Il ressort des dossiers que les deux transactions ont été effectuées le même jour. Je crois l’appelant quand il affirme qu’il a transféré la somme de 25 000 $ d’un compte à un autre et que la somme de 25 000 $ a été incluse dans le dépôt de 30 500 $. Par conséquent, il convient de réduire de 25 000 $ la somme qui apparaît sur le formulaire de dépenses personnelles relatif à la cotisation fondée sur l’avoir net pour l’année d’imposition 2005.

2. La double comptabilisation de la prestation fiscale canadienne pour enfants (cotisation fondée sur l’avoir net – annexe III)

[50]        L’appelant a soutenu que la somme que sa femme et lui avaient reçue à titre de prestation fiscale canadienne pour enfants pour les années d’imposition en cause avait fait l’objet d’une double comptabilisation. Je rejette la thèse de l’appelant. Il ressort clairement de l’annexe III de la cotisation fondée sur l’avoir net qu’on a retiré les sommes de 7 931,40 $, de 7 972,85 $, de 8 955,33 $ et de 9 700,42 $, que l’appelant et sa femme avaient reçues à titre de prestation fiscale canadienne pour enfants pour les années d’imposition 2003, 2004, 2005 et 2006, respectivement.

3. Le paiement excédentaire relatif à la maison Gareene

[51]        Je le répète, l’appelant a acheté la maison Gareene en tant que bien de placement en 2005. Au procès, les deux parties ont convenu du fait que, à la conclusion de la transaction en 2005, le coût total de la maison Gareene s’élevait à 463 405 $, incluant les frais juridiques et les autres ajustements. Toutefois, il ressort du dossier que l’appelant a versé à son avocate, Dona Mason, la somme de 489 916,33 $.

[52]        Je conviens avec l’intimée du fait qu’elle a à juste titre inclus le paiement excédentaire de 26 511,33 $ dans la cotisation fondée sur l’avoir net à titre de dépense personnelle de l’appelant pour l’année d’imposition 2005. Il n’est pas inutile de signaler que, au procès, il a été établi que le paiement excédentaire qui a été fait à Mme Donna Mason ne s’élevait pas à 26 511,33 $, mais plutôt à 56 511,33 $. Un relevé bancaire daté du 20 septembre 2004 a été produit en preuve et il en ressort qu’un autre paiement d’un montant de 30 000 $ avait été fait à Donna Mason, en fiducie, au bénéfice de Gareene Homes Ltd.

4. Les dettes personnelles (cotisation fondée sur l’avoir net – annexe II)

4.1. La maison Gareene

[53]        L’appelant a déclaré que, pour acheter la maison Gareene, il avait utilisé quelque 36 000 $ provenant de sa ligne de crédit et augmenté le prêt hypothécaire grevant sa résidence personnelle de 49 000 $. L’appelant a soutenu que l’intimée avait omis d’inclure ces montants à titre de dettes dans ses cotisations fondées sur l’avoir net pour les années d’imposition 2005 et 2006, soit une somme totale de 85 000 $.

[54]        L’intimée a soutenu qu’elle avait déjà inclus la somme de 85 000 $ à titre de dettes dans les cotisations fondées sur l’avoir net qu’elle avait établies à l’égard de l’appelant pour les années d’imposition 2005 et 2006.

[55]        Je retiens la thèse de l’intimée; il ressort de la cotisation fondée sur l’avoir net que la ligne de crédit de l’appelant a augmenté de 102 860 $ en 2005, à savoir qu’elle est passée de 69 981 $ en 2004 à 172 841 $ en 2005. Le prêt hypothécaire grevant la résidence de l’appelant a également augmenté de 49 000 $ en 2005, à savoir qu’il est passé de 300 816 $ en 2004 à 349 137 $ en 2005. Par conséquent, l’intimée a déjà inclus la somme de 85 000 $ dans les dettes de l’appelant pour les années d’imposition 2005 et 2006. Par conséquent, il n’est pas nécessaire d’effectuer quelque ajustement que ce soit aux cotisations fondées sur l’avoir net.

5. L’encaisse

[56]        L’appelant a soutenu que la cotisation fondée sur l’avoir net doit traduire l’encaisse d’environ 105 000 $ en argent comptant qu’il avait à la fin de 2002. Selon l’appelant, cette somme provenait de l’argent que sa femme a reçu de sa sœur avant le décès de cette dernière, de cadeaux que l’appelant et sa femme ont reçus pour leur mariage, de dons en argent que son père lui a faits, de l’argent comptant dont il disposait à la fin de 2002 et de l’argent qu’il a reçu de sa sœur avant le décès de celle‑ci.

[57]        L’appelant a déclaré que sa belle-sœur, Mme Janet Ricketts, était décédée en 2000. Avant sa mort, et en prévision de son décès, Mme Janet Ricketts a donné la somme de 45 000 $ en argent comptant à la femme de l’appelant, Mme Ricketts. L’appelant  a soutenu qu’il convient de tenir compte de la somme de 45 000 $ comme faisant partie de l’encaisse qu’il avait à la fin de 2002.

[58]        L’appelant a également soutenu que, quand Mme Janet Ricketts était décédée en 2000, sa femme avait hérité de sa sœur la somme de 50 201,39 $ au titre du produit de sa police d’assurance et la somme de 15 758 $ au titre du produit de son régime de pension.

[59]        Toutefois, l’appelant a alors soutenu qu’il ne convenait pas d’inclure le produit de l’assurance de 50 201,39 $ dans la cotisation fondée sur l’avoir net à titre d’encaisse étant donné qu’il avait déposé la somme à la banque au lieu de la conserver en encaisse. Il a ajouté qu’il ne convenait d’inclure que 10 000 $, sur la somme de 15 758 $ que sa femme avait reçue du produit du régime de pension, dans la cotisation fondée sur l’avoir net à titre d’encaisse, étant donné qu’il avait déposé la totalité de la somme dans son compte bancaire, mais qu’il avait ensuite retiré une somme de 10 000 $ en argent comptant, qu’il conservait chez lui dans un coffre. Par conséquent, il a déclaré que, sur la somme de 50 201,39 $, seulement 10 000 $ devraient être inclus dans l’encaisse pour 2002.

[60]        L’appelant a également soutenu que sa femme et lui avaient reçu 35 000 $ d’argent comptant en cadeaux de mariage en 2001, et qu’il convenait de tenir compte de ces sommes à titre d’encaisse dans la cotisation fondée sur l’avoir net établie pour 2002.

[61]        En outre, l’appelant a déclaré que son père lui avait donné une somme de 27 000 $ en argent comptant pendant les années en cause. L’appelant a affirmé qu’il avait reçu de son père un premier versement d’un montant de 5 000 $ en 2002. Il a expliqué que son père avait mis de côté tous les cadeaux en argent que l’appelant avait reçu de ses proches pendant son enfance ainsi que tout l’argent que l’appelant avait gagné en travaillant à l’époque où il était adolescent. L’appelant a affirmé qu’il avait reçu 27 000 $ de son père en plusieurs versements. Par conséquent, l’appelant a fait valoir qu’il convenait également de tenir compte du premier versement de 5 000 $ à titre d’encaisse dans la cotisation fondée sur l’avoir net établie pour 2002.

[62]        L’appelant a ajouté que, en 2002, il avait également une somme de 11 796 $ en argent comptant qu’il avait accumulée au cours des années précédentes et qu’il  convenait également de tenir compte de cette somme à titre d’encaisse dans la cotisation fondée sur l’avoir net établie pour 2002.

[63]        L’appelant a également soutenu qu’il convenait d’inclure les cadeaux qu’il avait reçus sous forme d’argent pendant d’autres années d’imposition dans la cotisation fondée sur l’avoir net établie pour les années pendant lesquelles il avait reçu ces cadeaux. Il a affirmé que, pour ce qui était de la somme de 27 000 $, il avait reçu de son père des versements de 10 000 $ pendant les années d’imposition 2004 et 2005 ainsi qu’un versement de 2 000 $ pendant l’année d’imposition 2006.

[64]        L’appelant a également déclaré que, quand sa sœur, Lorna Dryden, était venue au Canada depuis la Jamaïque en 2004, elle était en phase terminale et savait qu’elle allait mourir. En prévision de son décès, elle a donné à l’appelant 15 000 $ en argent comptant. L’appelant a soutenu qu’il convenait également de tenir compte de cette somme à titre d’encaisse dans la cotisation fondée sur l’avoir net pour 2004.

5.1. Les prêts consentis par le père de l’appelant

[65]        En ce qui a trait aux dettes dont il est fait état dans les cotisations fondées sur l’avoir net, l’appelant a déclaré que son père l’avait aidé à obtenir son diplôme en droit en lui prêtant la somme de 85 000 $. L’appelant a soutenu qu’il  convenait de tenir compte des prêts à titre de dettes dans la cotisation fondée sur l’avoir net établie pour les années pendant lesquelles les prêts ont été consentis, à savoir :

Le 29 juin 2003

12 000 $

Le 29 janvier 2004

21 000 $

Le 27 juillet 2004

15 000 $

Le 9 janvier 2005

27 000 $

Le 15 juin 2005

10 000 $

[66]        L’appelant a déclaré que les prêts que son père lui avait consentis avaient également augmenté son encaisse, et qu’il convenait d’en tenir compte dans les cotisations fondées sur l’avoir net établies pour les années pendant lesquelles il a reçu l’argent.

5.2. L’encaisse – Analyse

[67]        En ce qui a trait à l’encaisse de l’appelant, les cotisations fondées sur l’avoir net que l’intimée a établies font état d’une somme de 100 $ pour l’année de base 2002 et pour chaque année en cause.

[68]        Je conclus que la position que l’intimée a adoptée à l’égard de l’encaisse de l’appelant n’est pas cohérente avec sa thèse en l’espèce, à savoir que l’appelant exploitait une entreprise faisant surtout des affaires au comptant. Si tel avait été le cas, l’appelant aurait fort probablement eu plus de 100 $ d’encaisse pour l’année de base 2002 ainsi que pour chacune des années en cause.

[69]        Cela dit, j’examinerai d’abord la question de l’héritage de Mme Ricketts. Il ressort des documents que l’appelant a produits que Mme Ricketts avait hérité de sa sœur la somme de 50 201 $ à titre de produit d’assurance-vie et la somme de 15 758 $ à titre de produit de régime de pension. L’appelant a déclaré que, sur la somme de 65 959 $, ils avaient gardé 10 000 $ en argent comptant et déposé à la banque le solde de 55 959 $. Bien que le témoignage de Mme Ricketts ait quelque peu prêté à confusion en ce qui a trait à la question de savoir, sur son héritage, quelle somme l’appelant et elle avaient gardée sous forme d’argent comptant et quelle somme ils avaient utilisée, je suis d’avis que l’appelant et sa femme ont gardé au moins 10 000 $ en argent comptant, et qu’il convient de tenir compte de la somme de 10 000 $ à titre d’encaisse dans la cotisation fondée sur l’avoir net établie pour l’année de base 2002.

[70]        Toutefois, pour les trois raisons suivantes, je conclus qu’il est peu probable que, en prévision de sa mort, Mme Janet Ricketts ait donné la somme de 45 000 $ en argent comptant à Mme Ricketts. Premièrement, Mme Ricketts n’était pas l’unique bénéficiaire testamentaire de Mme Janet Ricketts. Mme Janet Ricketts avait quatre autres frères et sœurs qui étaient également ses bénéficiaires testamentaires. Deuxièmement, il y avait une  clause résiduelle dans le testament, aux termes de laquelle le solde de la succession de Mme Janet Ricketts serait partagé entre ses trois sœurs et son frère. Mme Ricketts a déclaré que cette clause n’avait donné lieu qu’au partage d’une faible somme. Le fait qu’on n’ait distribué qu’une faible somme au titre de cette clause testamentaire et le fait que Mme Janet Ricketts n’ait pas eu des revenus élevés me conforte dans l’idée que Mme Janet Ricketts n’avait probablement pas les moyens de donner à Mme Ricketts la somme de 45 000 $ en argent comptant. Troisièmement, étant donné que Mme Janet Ricketts avait fait établir un testament, il est difficile de comprendre pourquoi elle n’a pas légué la somme de 45 000 $ à Mme Ricketts par testament, et pourquoi elle a donné à cette dernière la somme de 45 000 $ en argent comptant plutôt que par chèque. Compte tenu de ce qui précède, je conclus qu’il est peu probable que Mme Ricketts ait reçu de sa sœur la somme de 45 000 $ en argent comptant. Par conséquent, il ne convient pas de tenir compte de la somme de 45 000 $ à titre d’encaisse pour l’année de base 2002.

[71]        En ce qui a trait aux cadeaux de mariage, il n’a été produit en preuve aucun document montrant que l’appelant et Mme Ricketts avaient reçu 35 000 $ d’argent comptant en cadeaux de mariage en 2001. Il m’est difficile de croire qu’ils aient pu recevoir une somme aussi importante en argent comptant. En outre, compte tenu du témoignage de Mme Ricketts, il m’est également difficile de croire que ces 35 000 $ sont restés intouchés. Compte tenu du fait que 250 personnes ont assisté au mariage et qu’il est probable que certains cadeaux aient été faits en argent comptant, j’accepte que l’on tienne compte de la moitié de la somme dont l’appelant a demandé qu’on tienne compte à titre d’encaisse, soit 17 500 $.

[72]        L’appelant a également soutenu que, à la fin de l’année 2002, il avait au fil des années accumulé une somme de 11 976 $ en argent comptant. Comme je l’ai déclaré précédemment, je suis d’avis que l’appelant avait plus que 100 $ d’encaisse à la fin de l’année de base 2002. Par conséquent, il est probable que l’appelant a accumulé un tel montant au cours d’années antérieures. Pour exploiter une entreprise faisant surtout des affaires au comptant, il est nécessaire de disposer de liquidités. J’accepterai par conséquent le fait que l’appelant avait 11 976 $ d’encaisse à la fin de l’année de base 2002.

[73]        Toutefois, le témoignage de M. Dryden père ne m’a pas convaincu que, au fil des années, il avait réuni la somme de 27 000 $ en rassemblant les dons en argent que l’appelant avait reçu de proches pendant son enfance et les revenus que ce dernier avait gagnés quand il était adolescent. Il m’est difficile de comprendre pourquoi, si M. Dryden père voulait aider son fils à faire des études de droit, il ne lui a pas donné immédiatement la somme de 27 000 $ qui lui appartenait. Au lieu de cela, il a choisi de donner à l’appelant la somme de 27 000 $ sous forme de versements et il a consenti à celui-ci des prêts pendant les années en cause. Il m’est aussi difficile de croire que, parce que M. Dryden père ne faisait pas confiance aux banques, il a gardé la somme de 27 000 $ en argent comptant sous son lit pendant au moins 12 à 15 ans avant de décider de donner l’argent à son fils pendant les années en cause, alors que son fils était dans la trentaine. Je suis d’avis que, selon la prépondérance des probabilités, il s’agit d’une situation très improbable. Par conséquent, il ne convient pas de tenir compte de la somme de 27 000 $ dans les cotisations fondées sur l’avoir net établies à l’égard des années en cause.

[74]        L’appelant a également soutenu que, pendant que sa sœur était au Canada, elle lui avait donné la somme de 15 000 $ en argent comptant en prévision de son décès. La sœur de l’appelant, Mme Lorna Gordon, est venue depuis la Jamaïque au Canada en octobre 2004. À l’époque, elle avait un cancer en phase terminale et elle savait qu’elle allait mourir. Elle est décédée peu de temps après son retour en Jamaïque. Quand on a demandé à l’appelant si sa sœur était entrée au Canada avec de l’argent en plus de la somme de 15 000 $, l’appelant a répondu [traduction] « non, pas autant que je m’en souvienne ». Par conséquent, Mme Lorna Gordon aurait donné à l’appelant tout l’argent qu’elle avait emporté au Canada. Je trouve qu’il est difficile d’ajouter foi au témoignage de l’appelant : Mme Lorna Gordon avait de nombreux frères et sœurs au Canada, alors pourquoi aurait-elle traité l’appelant différemment en ne donnant de l’argent qu’à lui? En outre, l’appelant n’a pas expliqué pourquoi sa sœur avait emporté 15 000 $ en argent comptant quand elle était venue au Canada. Je trouve ce récit hautement improbable. Par conséquent, je ne saurais tenir compte de la somme de 15 000 $ à titre d’encaisse dans les cotisations fondées sur l’avoir net établies pour les années en cause.

5.3 Les prêts consentis par le père de l’appelant – Analyse

[75]        L’appelant a également soutenu qu’il convient de tenir compte des prêts que son père, M. Dryden père, lui a consentis dans les cotisations fondées sur l’avoir net, à titre de dettes.

[76]        M. Dryden père a entre soixante-dix et quatre-vingts ans. Il a immigré au Canada depuis la Jamaïque avec l’appelant dans les années 70. On ne sait pas, vu les éléments de preuve versés aux débats si ses autres enfants étaient venus au Canada en même temps que lui et l’appelant à cette époque. Au moment du procès, quatre des enfants de M. Dryden père, y compris l’appelant, résidaient en Ontario. M. Dryden père a été au service de la Ville de Toronto pendant environ 40 ans. Pendant ses dernières années avant sa retraite, il gagnait environ 40 000 $ par an. Il a pris sa retraite en 2003 ou en 2004, et, depuis, il reçoit un revenu de pension de 900 $ par mois ou de 10 800 $ par an.

[77]        Il semble que M. Dryden père ait vécu, et continue de vivre, de manière frugale. Il a déclaré que, compte tenu de la manière dont on avait traité la communauté noire par le passé et de par la culture que ses parents lui avaient transmise, il se sentait plus tranquille en déposant ses économies sous son lit plutôt qu’à la banque.

[78]        Du temps où M. Dryden père travaillait, son salaire était directement déposé dans son compte bancaire; à présent, son revenu de pension est déposé dans son compte bancaire. M. Dryden père a déclaré qu’il laissait suffisamment d’argent à la banque pour payer ses factures, mais qu’il retirait le solde en argent comptant pour le mettre sous son lit.

[79]        Toutefois, les relevés bancaires de M. Dryden père n’ont pas été produits en preuve afin de montrer qu’il retirait la plus grande partie de son argent de son compte bancaire et qu’il gardait l’argent comptant ainsi retiré sous son lit.

[80]        Le témoignage de M. Dryden père contredit également celui de M. James Craig en ce qui a trait aux ententes de prêt que l’appelant a produites en preuve. M. Dryden père a affirmé sans ambages qu’il avait insisté pour consigner les prêts qu’il consentait à son fils par écrit. Il a ajouté que l’appelant et lui avaient préparé et signé les ententes de prêt au moment où l’argent avait changé de main.

[81]        M. James Craig, qui était présent pour deux des prêts, a déclaré que l’appelant et son père n’avaient pas signé d’ententes de prêt à l’époque où l’appelant avait reçu l’argent de son père. Il a affirmé qu’il avait dit à l’appelant qu’il serait mieux d’établir des ententes de prêt pour mieux les protéger lui et son père. M. James Craig a ajouté qu’il avait appris de l’appelant, peut-être après que l’ARC eut entamé sa vérification, que les prêts étaient étayés par des documents. M. James Craig n’était pas non plus très au fait du montant des prêts, affirmant qu’il avait vu l’appelant et son père s’échanger d’importantes sommes d’argent.

[82]        En ce qui a trait à l’origine de l’argent, l’appelant a déclaré que son père ne dépensait pas d’argent et qu’il avait enregistré un profit quand il avait vendu une maison en 2003. En outre, il a ajouté que son père avait hérité de biens de son père et de sa mère en Jamaïque. Il a soutenu que son père avait les moyens de lui prêter de l’argent. Selon l’appelant, M. Dryden père lui a prêté la somme de 85 000 $ entre le 29 juin 2003 et le 25 juin 2005.

[83]        M. Dryden père a déclaré qu’il avait reçu 57 000 $ de la vente d’une maison qu’il possédait en copropriété avec Mme Arthens Walters. Selon lui, il a fait un profit de 43 000 $ sur la vente de la maison et il a reçu la somme additionnelle de 13 000 $ en échange de travaux d’entretien qu’il a effectués dans la maison. Aucun document n’a été produit pour établir que M. Dryden père a fait un profit de 43 000 $ sur la vente de la maison ou qu’il a gagné 13 000 $ en échange des travaux d’entretien qu’il a effectués. Ces documents n’étaient pas difficiles à obtenir; il est difficile de comprendre pourquoi l’appelant n’a pas versé ces documents au dossier pour appuyer le témoignage de son père. Les seuls documents que l’appelant a versés au dossier étaient l’acte de transfert du terrain que M. Dryden père et Mme Walters avaient signé et qui était daté du 23 juin1992, et un document de Service Ontario montrant que M. Dryden père avait vendu sa moitié du bien à Mme Arthens Walters et à Mme Brown en 2003.

[84]        M. Dryden père a également déclaré qu’il avait hérité de sa mère et de son père des terres en Jamaïque dans les années 70 et 80, et qu’il avait fini par les vendre. Il a affirmé que, chaque fois qu’il se rendait en Jamaïque, il rapportait avec lui au Canada 10 000 $ provenant de ces héritages. Il a ajouté qu’il avait donné une partie de l’argent qu’il avait obtenu en vendant ces terres à des proches en Jamaïque, parce qu’ils avaient davantage besoin de cet argent que lui. Son témoignage était si alambiqué à l’égard de ces héritages qu’il est impossible d’établir combien d’argent il a obtenu de la vente des terres, combien d’argent il a donné à sa famille en Jamaïque, combien d’argent il a conservé et combien d’argent il a emporté au Canada. En outre, aucun document n’a été produit à l’appui de l’existence de ces héritages. Je crois comprendre que M. Dryden père a reçu les héritages en question dans les années 70 et 80, et qu’il ne s’attendait pas à avoir besoin de documents dans le cadre d’un procès qui se tiendrait en 2013. Que je dispose ou non de documents prouvant l’existence des héritages, il me semble difficile de croire que l’argent – s’il y en a jamais eu – serait encore disponible en 2003, si on tient compte du fait que M. Dryden père a hérité dans les années 70 et 80. M. Dryden père ne gagnait pas des revenus élevés et il devait pourvoir à ses propres besoins, à ceux de l’appelant et possiblement à ceux de ses autres enfants.

[85]        Il me semble aussi inhabituel que l’appelant ait emprunté de l’argent à son père en 2005 et qu’il ait en même temps prêté de l’argent à un ami. Comme je l’ai déjà dit, en 2005, l’appelant a fait un paiement excédentaire de 56 511 $ à son avocate, Mme Dona Mason, relativement à la maison Gareene. Quand on lui a demandé pourquoi il avait payé plus que le prix d’achat pour la maison Gareene, l’appelant s’est ainsi exprimé :

[traduction]

 

[…] que la différence correspondait à une retenue de fonds disponibles pour une certaine action en justice qu’elle était censée intenter pour moi, et aussi pour un dépôt partiel à l’intention d’un collègue qui m’avait demandé de lui consentir un petit prêt.

[Non souligné dans l’original.]

 

[86]        L’appelant me demande d’ajouter foi à la version que son père et lui ont donnée des faits en ce qui a trait aux prêts consentis par son père, et ce, bien qu’il n’ait pas versé au dossier des documents qu’il lui aurait été facile de verser – comme les relevés bancaires de son père, qui auraient prouvé l’existence des retraits, et des documents relatifs au profit que son père a fait sur la vente de la maison. L’appelant me demande également d’ignorer le fait qu’il y avait des incohérences entre son témoignage, celui de M. Dryden père et celui de M. James Craig. En outre, l’appelant veut que je croie que son père lui a prêté la somme de 85 000 $ pendant les années 2003, 2004 et 2005, alors qu’il a lui‑même prêté de l’argent à un ami en 2005. En plus de cela, les revenus de M. Dryden père ont diminué considérablement en 2003 et en 2004. Par conséquent, je ne suis pas convaincue par les témoignages de l’appelant et de M. Dryden père. Ainsi, il ne convient pas de tenir compte des sommes de 12 000 $ pour 2003, de 36 000 $ pour 2004 et de 37 000 $ pour 2005 à titre de dettes dans les cotisations fondées sur l’avoir net.

6. L’appelant exploitait-il une entreprise pendant les années en cause?

[87]        L’intimée a déclaré que, bien que l’appelant ait constitué deux entreprises en sociétés, quand il a établi des nouvelles cotisations à l’égard de l’appelant, le ministre est parti du principe que l’appelant avait oeuvré à titre de propriétaire unique et il a établi les nouvelles cotisations en conséquence. L’appelant n’a pas discuté cette question à l’audience.

[88]        L’appelant a admis que, avant 2003, il exploitait une entreprise de consultation en immigration sous le nom de Paris International Ltd.

[89]        En 2003, l’appelant a décidé d’effectuer un changement de carrière et il a voulu devenir avocat. Cela étant dit, comme il ne savait pas ce qui allait arriver, il a constitué Paris International Legal Services Inc. en société en avril 2003, ouvert un compte bancaire en mai 2003 et créé un site Web pour Paris International Legal Services Inc.

[90]        Au cours des années, l’appelant a eu recours à environ trois adresses professionnelles. D’abord, il s’est servi de l’adresse du 275, rue King, à Toronto, puis de l’adresse du 32595 Village Gate, à Richmond Hill, et plus tard, de l’adresse du 6478, rue Yonge, à Toronto. L’appelant a déclaré qu’il avait toujours travaillé depuis sa résidence, mais qu’il s’était servi des adresses en question pour qu’on y livre des paquets et pour y recevoir des télécopies. Dans certains locaux, il bénéficiait également des services d’une réceptionniste. Il ressort du dossier que l’appelant s’était servi de certaines de ces adresses pendant les années en cause.

[91]        Pendant les années en cause, l’appelant avait également un téléavertisseur, un téléphone cellulaire et un numéro de téléphone aux États‑Unis, sans compter que sa société, International Legal Services Inc., gardait son site Web actif. Pendant les années en cause, on a envoyé des factures pour le téléavertisseur et le téléphone cellulaire aux différentes adresses susmentionnées, et l’appelant les a payées à partir de son compte bancaire personnel. L’appelant a déclaré qu’il avait dû conserver les adresses professionnelles parce qu’il devait terminer le travail qu’il avait commencé en matière d’immigration avant que les nouvelles règles en matière d’immigration n’entrent en vigueur en 2003. Selon l’appelant, Citoyenneté et Immigration avait fait bénéficier aux les demandes que l’appelant avait commencé à traiter avant que les nouvelles règles n’entrent en vigueur de dispositions transitoires de manière à ce qu’il puisse les terminer. L’appelant n’a appelé aucun représentant de Citoyenneté et Immigration Canada à témoigner pour expliquer les nouvelles règles relatives aux consultants en immigration. En outre, les documents que l’appelant a présentés ne portaient pas sur la question des dispositions transitoires. Il ressort également du recueil de documents de l’appelant montre également que les nouvelles règles sont entrées en vigueur en avril 2004, plutôt qu’en 2003, comme l’appelant l’a déclaré.

[92]        En outre, à un certain moment pendant les années en cause, certaines factures de services ont été postées au Sutton Group. L’appelant a déclaré qu’il avait un ami qui était au service du Sutton Group et que, à un moment donné, il avait également décidé d’utiliser cette adresse postale pour son entreprise. Pendant les années en cause, l’appelant s’est aussi servi du téléphone cellulaire d’un de ses amis et il a fait envoyer les factures relatives à l’utilisation de ce téléphone cellulaire à une boîte postale. L’appelant a payé toutes les factures à partir de son compte bancaire personnel.

[93]        Au procès, on a consacré beaucoup de temps à discuter la question de savoir si l’appelant se trouvait au Canada ou s’il vivait en Angleterre pendant les années scolaires 2005 et 2006. L’intimée a présenté en preuve certains bordereaux de dépôt bancaire prouvant que l’appelant avait personnellement effectué des dépôts au Canada pendant ces années scolaires. L’appelant a soutenu que ce n’était pas lui qui avait signé ces bordereaux, mais plutôt son père ou sa femme. Toutefois, tant son père que sa femme ont affirmé qu’ils n’avaient jamais effectué de dépôts pour le compte de l’appelant.

[94]        Je suis d’avis, même si l’appelant n’a pas passé autant de temps au Canada que l’intimée le prétend, qu’il ressort du dossier qui a été produit au procès qu’il exploitait une entreprise au Canada pendant les années en cause. Pourquoi l’appelant aurait‑il gardé les adresses professionnelles, le téléavertisseur, le téléphone cellulaire et le numéro de téléphone aux États‑Unis s’il n’exploitait aucune entreprise? Plus précisément, si l’appelant avait des inquiétudes sur le plan financier, pourquoi aurait-il continué de retenir tous ces services pour lesquels il devait payer tous les frais?

[95]        Il ressort aussi des relevés bancaires de l’appelant que, pendant les années en cause, des paiements ont été faits à Citoyenneté et Immigration Canada à partir des comptes bancaires de l’appelant. Il me semble difficile de croire, comme l’appelant l’a expliqué, que tous ces paiements n’avaient trait qu’à des demandes d’immigration que l’appelant avait remplies pour sa mère et sa sœur.

[96]        En outre, il y a eu un nombre important de dépôts en argent comptant pendant les années en cause. Il ressort du dossier que l’on a déposé plus de 40 000 $ en argent comptant en 2004 et en 2005. En outre, à titre d’exemple, l’intimée a souligné le fait que, pendant le mois de mars 2005, la somme des dépôts en argent comptant et des dépôts autres qu’en espèces s’élevait à 53 294 $. L’argent devait venir de quelque part.

[97]        En outre, l’appelant avait quatre enfants aux besoins desquels il devait subvenir et sa mère habitait avec lui. L’appelant a également déclaré que son père passait beaucoup de temps à sa résidence. Les dépenses de l’appelant s’élevaient à au moins 100 000 $ par année. Il lui était nécessaire de disposer d’une source de revenus pour subvenir à ses besoins ainsi qu’à ceux de sa famille. Par conséquent, je suis d’avis que l’appelant faisait des affaires et gagnait un revenu d’entreprise pendant les années en cause. Par conséquent, l’appelant est tenu de payer des impôts sur le revenu à l’égard du revenu d’entreprise qu’il a gagné pendant les années d’imposition en cause.

Le ministre a‑t‑il commis une erreur quand il a établi une nouvelle cotisation de TPS à l’égard de l’appelant à l’égard des revenus d’entreprise qu’il a calculés dans les nouvelles cotisations fondées sur la méthode de l’avoir net?

[98]        Compte tenu de ma conclusion selon laquelle l’appelant exploitait une entreprise, l’appelant était tenu de percevoir et de verser la TPS sur ses fournitures taxables. Par conséquent, la nouvelle cotisation du ministre était juste. On ne sait pas avec certitude si l’appelant s’est vu accorder des crédits de taxe sur les intrants. Dans la réponse à l’avis d’appel que l’intimée a déposée, une des hypothèses de fait énoncées par le ministre était que l’appelant n’avait pas engagé de dépenses à l’égard des services de consultation en immigration/juridiques à l’égard desquels l’appelant aurait pu demander des crédits de taxe sur les intrants. Toutefois, à l’annexe V de la pièce R-3, on trouve une note ainsi libellée : [traduction] « Déduire : frais de TPS/TVH additionnels accordés (conformément à l’annexe VII) ». Au procès, ni l’appelant ni l’intimée n’ont débattu la question des crédits de taxe sur les intrants. Selon moi, l’annexe dans laquelle il est fait état du fait que l’appelant avait le droit de déduire des frais de TPS/TVH concorde mieux avec la thèse de l’intimée selon laquelle l’appelant exploitait une entreprise. Toutefois, l’appelant n’a pas soutenu qu’il avait droit à des crédits de taxe sur les intrants, et c’est à lui que le fardeau de la preuve incombait.

Le ministre avait-il le droit d’établir des nouvelles cotisations à l’égard de l’appelant après la période normale de nouvelle cotisation pour l’année d’imposition 2003 au titre du paragraphe 152(4) de la Loi sur la taxe d’accise?

[99]        Compte tenu des faits, je suis d’avis que le ministre avait le droit d’établir une nouvelle cotisation à l’égard de l’appelant pour l’année d’imposition 2003. Comme je l’ai signalé ci‑dessus, il ressort du recueil de documents de l’appelant que les nouvelles règles régissant les consultants en immigration ont été édictées en avril 2004. Par conséquent, l’appelant avait le droit d’exercer les fonctions de consultant en immigration en 2003. En outre, compte tenu de mes conclusions selon lesquelles l’appelant faisait des affaires pendant les années en cause, je souscris à la thèse de l’intimée portant que l’appelant s’est rendu coupable de fausses représentations en omettant complètement de déclarer quelque revenus que ce soit pour l’année d’imposition 2003, et qu’il s’agissait d’une omission volontaire.

Le ministre a‑t‑il commis une erreur quand il a établi des nouvelles cotisations à l’égard de l’appelant et lui a imposé des pénalités pour faute lourde au titre du paragraphe 163(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2003, 2004, 2005 et 2006?

[100]   À l’occasion de l’affaire Lacroix c R.,[6] la Cour d’appel fédérale a décidé que lorsque le contribuable a omis de déclarer d’importants revenus et qu’il est conclu que le contribuable en question n’est pas crédible, cela est suffisant pour considérer que l’intimée s’est acquittée du fardeau de la preuve qui lui incombait :

Qu’en est-il alors du fardeau du ministre? Comment s’en acquitte-t-il? Il se peut que dans certaines circonstances, le ministre soit en mesure de faire une preuve directe de l’état d’esprit du contribuable lorsque ce dernier a produit sa déclaration de revenus. Mais dans la grande majorité des cas, le ministre ne pourra que miner la crédibilité du contribuable, soit par des éléments de preuve qu’il apporte, soit en contre-interrogatoire du contribuable. Dans la mesure où la Cour canadienne de l’impôt est persuadée que le contribuable touche un revenu qu’il n’a pas déclaré et que l’explication offerte par le contribuable pour l’écart constaté entre son revenu déclaré et l’accroissement de son actif est non crédible, le ministre s’est acquitté du fardeau de preuve qui lui incombe aux termes du sous-alinéa 152(4)a)(i) et du paragraphe 162(3).

[101]   À l’occasion de l’affaire Venne c R.,[7] le juge Strayer a défini le critère relatif à l’imposition de pénalités pour faute lourde au titre du paragraphe 163(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu :

Quant à la possibilité d’une faute lourde, j’ai conclu, après hésitation, qu’elle n’a pas non plus été établie ici. La « faute lourde » doit être interprétée comme un cas de négligence plus grave qu’un simple défaut de prudence raisonnable. Il doit y avoir un degré important de négligence qui corresponde à une action délibérée, une indifférence au respect de la Loi.

 

[102]   Je suis d’avis que le ministre a correctement calculé les pénalités : l’appelant savait qu’il avait gagné des revenus non déclarés. L’écart entre ses revenus déclarés, qui étaient nuls, et les revenus qu’il aurait dû déclarer est important. En outre, certaines des explications que l’appelant a données pour justifier sa position n’étaient pas crédibles. L’appelant a fait preuve d’indifférence à l’égard du respect de la loi.

Le ministre a‑t‑il commis une erreur quand il a établi des nouvelles cotisations à l’égard de l’appelant et lui a imposé des pénalités pour omission de produire des déclarations de TPS dans les délais prévus et d’effectuer des versements de TPS au titre des articles 280 et 280.1 de la Loi sur la taxe d’accise?

[103]   En ce qui concerne les années en cause, le paragraphe 280(1) de la Loi sur la taxe d’accise dispose :

280(1) Sous réserve du présent article et de l’article 281, la personne qui ne verse pas ou ne paie pas un montant au receveur général dans le délai prévu par la présente partie est tenue de payer la pénalité et les intérêts suivants, calculés sur ce montant pour la période commençant le lendemain de l’expiration du délai et se terminant le jour du versement ou du paiement :

a) une pénalité de 6 % par année;

b) des intérêts au taux réglementaire.

 

[104]   Compte tenu de mes conclusions selon lesquelles l’appelant exploitait une entreprise pendant les années en cause et effectuait des fournitures taxables au sens de la Loi sur la taxe d’accise, l’appelant était tenu de percevoir et de verser au receveur général la TPS sur les fournitures taxables qu’il effectuait. Je suis d’avis que le ministre a correctement calculé les pénalités au titre du paragraphe 280(1) de la Loi sur la taxe d’accise étant donné que l’appelant a omis de verser ou de payer les montants requis au receveur général. L’appelant a également omis d’effectuer des acomptes provisionnels auprès du receveur général.

[105]   En ce qui concerne l’omission par l’appelant de produire des déclarations de TPS, l’article 280.1 de la Loi sur la taxe d’accise dispose:

280.1 Quiconque omet de produire une déclaration pour une période de déclaration selon les modalités et dans les délais prévus par la présente partie est passible d’une pénalité égale à la somme des montants suivants :

a) le montant correspondant à 1 % du total des montants représentant chacun un montant qui est à verser ou à payer pour la période de déclaration, mais qui ne l’a pas été au plus tard à la date limite où la déclaration devait être produite;

b) le produit du quart du montant déterminé selon l’alinéa a) par le nombre de mois entiers, jusqu’à concurrence de douze, compris dans la période commençant à la date limite où la déclaration devait être produite et se terminant le jour où elle est effectivement produite.

[106]   L’article 280.1 est entré en vigueur en avril 2007; l’article 280.1 prévoit que quiconque omet de produire une déclaration dans les délais prévus par la Loi sur la taxe d’accise est passible d’une pénalité. Cet article a été édicté en 2006 et il prévoit que les pénalités relatives à l’omission de produire une déclaration s’appliqueraient dans les cas suivants :

a)                 à l’égard de toute déclaration qui doit être produite au titre de la partie IX après mars 2007;

b)                à l’égard de toute déclaration qui doit être produite au titre de la partie IX avant ce jour si elle n’est pas produite au plus tard le 31 mars 2007; le cas échéant, le jour où la déclaration doit être produite au plus tard est présumé être le 31 mars 2007 aux fins du calcul de toute pénalité au titre de cet article.

[107]   L’intimée a établi que l’appelant n’avait produit aucune déclaration de TPS. Par conséquent, il est réputé avoir produit ses déclarations de TPS le 31 mars 2007 aux fins du calcul de la pénalité. Ainsi, le ministre a correctement calculé le montant de la pénalité dans les nouvelles cotisations qu’il a établies.

Décision

[108]   Les appels interjetés à l’égard des années d’imposition 2003, 2004, 2005 et 2006 sont accueillis, les revenus non déclarés de l’appelant devront être recalculés selon les éléments suivants :

Loi de l’impôt sur le revenu

a)                 à la fin de 2002, l’encaisse de l’appelant était de 39 476 $;

b)                dans les cotisations fondées sur l’avoir net, les dépenses de l’appelant s’élèvent à 95 542,77 $ pour l’année d’imposition 2003, à 162 991,79 $ pour l’année d’imposition 2004, à 105 643,07 $ pour l’année d’imposition 2005 et à 100 834,71 $ pour l’année d’imposition 2006, ces sommes étant calculées de la manière suivante :

2003

 

Dépenses aux termes de la nouvelle cotisation

 

103 597 $

Moins les concessions de l’intimée

 

Citoyenneté et Immigration

(4 600 $)

Erreurs de transcription

(982,13 $)

Réduction du prêt hypothécaire

2 472,10 $

Dépenses compte tenu des concessions

 

95 542,77 $

Dépenses en 2003

95 542,77 $

 

2004

 

Dépenses aux termes de la nouvelle cotisation

 

378 991,79 $

Moins les concessions de l’intimée

 

La maison Gareene

(106 000 $)

Transferts intercomptes

(99 000 $)

Dépenses compte tenu des concessions

 

173 991,79 $

Motifs du jugement

 

Moins les transferts intercomptes

(11 000 $)

Dépenses en 2004

162 991,79 $

 

2005

 

Dépenses aux termes de la nouvelle cotisation

 

203 312,52 $

Moins les concessions de l’intimée

 

Transferts intercomptes

(99 000 $)

Réduction du prêt hypothécaire

(180,78 $)

Plus

 

Paiement excédentaire sur la maison Gareene

 

26 511,33 $

Dépenses compte tenu des concessions

 

130 643,07 $

Motifs du jugement

 

Moins les transferts intercomptes

(25 000 $)

Dépenses en 2005

105 643,07 $

 

2006

 

Dépenses aux termes de la nouvelle cotisation

 

108 021,09 $

Moins les concessions de l’intimée

 

Transferts intercomptes

(7 186,38 $)

Dépenses compte tenu des concessions

 

100 834,71 $

Dépenses en 2006

100 834,71 $

c)                 pour l’année d’imposition 2005, le solde de clôture qui apparaît sur l’état de l’actif de la cotisation fondée sur l’avoir net pour le compte de la banque Toronto Dominion xxxx822 est de 5 $;

d)                pour l’année d’imposition 2006, le solde de clôture qui apparaît sur l’état du passif de la cotisation fondée sur l’avoir net pour la ligne de crédit Visa xxxx337 est de 19 810,62 $;

e)                 dans les nouvelles cotisations qu’il a établies à l’égard de l’appelant, le ministre a à juste titre calculé des pénalités au titre du paragraphe 163(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu, et il conviendra de rajuster le montant de ces pénalités afin qu’ils traduisent les modifications apportées à l’évaluation de l’avoir net de l’appelant;

Loi sur la taxe d’accise (partie IX – TPS)

f)                  l’appelant est tenu de payer la TPS en fonction de ses revenus non déclarés comme ils ont été calculés aux fins de l’application de la Loi de l’impôt sur le revenu, rajustés conformément au présent jugement;

g)                 l’appelant est aussi passible de pénalités au titre du paragraphe 280(1) de la Loi sur la taxe d’accise pour défaut de versement et au titre de l’article 280.1 de la Loi sur la taxe d’accise pour omission de produire des déclarations de TPS rajustées conformément au présent jugement.

[109]   Les dépens sont adjugés à l’intimée.


Signé à Ottawa, Canada, ce 29e jour de juillet 2014.

« Johanne D’Auray »

Juge D’Auray.

 

 

Traduction certifiée conforme,

ce 4e jour de février 2015.

 

 

François brunet, réviseur

 


RÉFÉRENCE :

2014 CCI 241

NOS DES DOSSIERS DE LA COUR :

2010-1444(GST)G

2010-1445(IT)G

INTITULÉ :

Paris Dryden c. Sa Majesté la Reine

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Les 19 et 20 août 2013 et les 3,4 et 5 décembre 2013

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge Johanne D’Auray

DATE DU JUGEMENT :

Le 29 juillet 2014

COMPARUTIONS :

Pour l’appelant :

L’appelant lui‑même

Avocate de l’intimée :

Me Diana Aird

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelant :

                 Nom :

 

                 Cabinet :

 

Pour l’intimée :

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 



[1]           Il est fait état des sommes que l’intimée a concédées à l’égard des dépenses dans l’annexe à la cotisation fondée sur l’avoir net que l’intimée a produite à l’audience.

[2]           Faryna v Chorny, [1952] 2 DLR 354, 1951 CarswellBC 133.

[3]           Nichols c La Reine, 2009 CCI 334, 2009 DTC 1203 (procédure générale) (« Nichols »).

[4]           Hickman Motors Ltd c Canada, [1997] 2 RCS 336, au paragraphe 92.

[5]           Orly Automobiles Inc c Canada, 2005 CAF 425, au paragraphe 20; Transocean Offshore Ltd c Canada, 2005 CAF 104, au paragraphe 35; House c Canada, 2011 CAF 234, au paragraphe 30 (« House »).

[6]           Lacroix c R, 2008 CAF 241, au paragraphe 32.

[7]           Venne v R, 84 DTC 6247, au paragraphe 37, 1984 CarswellNat 210 (Cour fédérale, Section de première instance).

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