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Dossier : 2012-4811(IT)I

ENTRE :

PATRICIA McINNES,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

Appel entendu le 19 mars 2014, à Montréal (Québec).

Devant : L'honorable Rommel G. Masse, juge suppléant


Comparutions :

 

Représentants de l'appelante :

François Desjardins, stagiaire en droit  Frédérick-Alexandre Yao, stagiaire en droit

Avocat de l'intimée :

Me Mounes Ayadi

 

JUGEMENT

        Les appels à l’encontre des nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2008, 2009 et 2010 sont rejetés, selon les motifs du jugement ci‑joints.

Signé à Kingston, Ontario, ce 8e jour d'août 2014.

« Rommel G. Masse »

Juge suppléant Masse

 


Référence : 2014 CCI 247

Date : 20140808

Dossier : 2012-4811(IT)I

ENTRE :

PATRICIA McINNES,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 


MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge suppléant Masse

[1]             En l’espèce, il s’agit d’un appel à l’encontre des nouvelles cotisations, établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.) (la « Loi ») à l’égard de l’appelante, pour les années d’imposition 2008, 2009 et 2010.

[2]             La question en litige est de savoir si les loyers que l’appelante a tirés d’un bien immeuble situé à St‑Irénée, Charlevoix, sont un revenu d’entreprise ou un revenu tiré d’un bien locatif. La différence est importante, car s’il s’agit d’un bien locatif, une déduction pour amortissement d’allocation du coût en capital n’est pas permise si la déduction a comme résultat de créer ou augmenter une perte. Par contre, une perte peut être créée ou augmentée par une déduction pour amortissement dans le cas d’un revenu d’entreprise.

[3]             En produisant ses déclarations de revenus, l’appelante a déclaré des pertes d’entreprise provenant de la location d’immeuble lesquelles s’élevaient à 20 564 $ pour 2008, à 16 513 $ pour 2009 et à 18 560 $ pour 2010, respectivement. Le ministre du Revenu national (le « ministre ») était d’avis que l’appelante n’exploitait pas une entreprise, mais qu’elle utilisait le bien immeuble principalement aux fins de tirer un revenu de loyer. Les pertes d’entreprises dérivant de la location de l’immeuble ont donc été converties par le ministre en pertes locatives. Le ministre a émis à l’appelante des avis de nouvelles cotisations par lesquelles il a refusé à l’appelante des dépenses d’entreprise à titre de déductions pour allocation du coût en capital du montant de 6 636 $ pour 2008, de 6 445 $ pour 2009 et de 6 290 $ pour 2010, respectivement. Ces montants d’allocation du coût en capital ont été refusés puisqu’il n’existait aucun revenu net locatif de la location de l’immeuble. Selon le Règlement de l’impôt sur le revenu, C.R.C, ch. 945 (le « Règlement »), une déduction pour amortissement du coût en capital sur bien locatif ne peut pas avoir comme résultat de créer ou augmenter une perte locative.

[4]             Cet appel touche seulement les déductions pour amortissement.

Contexte factuel

[5]             L’appelante a témoigné que le 14 mai 2004, elle a acheté un bien immeuble, un chalet situé à St‑Irénée, Charlevoix, Québec. Elle a effectué des rénovations importantes au chalet pour l’apprêter à accommoder des locataires.

[6]             L’appelante affirme vouloir exploiter une entreprise de résidence touristique sous la raison sociale « La Fille d’Adélia…l’Écossaise ». Pour faire ainsi, elle a conclu un contrat avec Hébergement Charlevoix inc. (ci‑après « Hébergement »), une entreprise spécialisée en courtage de location touristique dans la région de Charlevoix. Ce contrat débuta le 1er septembre 2006 et fut renouvelé chaque année depuis cette date. Par ce contrat, l’appelante a mandaté Hébergement à publiciser et gérer la location de l’immeuble. Hébergement fait la publicité de la location de l’immeuble sur ses sites internet et autres. Hébergement était tenu d’obtenir des locataires pour l’appelante et de signer au nom de l’appelante des contrats de location. Hébergement était aussi mandaté par l’appelante de percevoir et remettre la taxe d’hébergement au ministère du Revenu du Québec (au taux de 2 $ par nuitée). L’appelante devait rémunérer Hébergement avec une commission de 15 % des montants prévus aux contrats de location. De temps à autre, l’appelante effectuait elle‑même la location de l’immeuble sans intermédiaire, mais elle devait de toute façon payer Hébergement la commission de 15 %. Selon les termes du contrat, l’appelante devait détenir une police d’assurance de nature commerciale. Donc, l’appelante a souscrit à une police d’assurance avec Promutuel du Littoral, société mutuelle d’assurance générale, pour assurer l’immeuble en qualité de résidence en location touristique commerciale. Le montant de l’assurance était de 2 000 000 $ pour la responsabilité civile. L’appelante paie des primes d’assurance majorées comparées à une habitation résidentielle. L’appelante a inscrit son établissement à l’Association Touristique Régionale de Charlevoix, dont la cotisation annuelle est de 68 $ (prélevée par Hébergement) pour la diffusion de publicité de la location. L’immeuble est également soumis aux critères d’évaluation de qualité établis par la « Corporation de l’industrie touristique du Québec » (la « CITQ »). L’appelante a obtenu une attestation « Trois Étoiles » de la CITQ; une attestation révisée tous les deux ans et dont la cotisation annuelle est de 245 $ (prélevée par Hébergement). L’appelante a établi un site internet depuis 2005, lequel est régulièrement mis à jour.

[7]             Dès l’acquisition du chalet, l’appelante l’a loué à des locataires pour des séjours de courte durée de trois jours jusqu’à quelques semaines. Par contre, le Domaine Forget (le « Domaine »), un conservatoire international de musique classique, pour l’hébergement de maîtres et musiciens, a pris le chalet en location chaque année au cours des neuf dernières années pour la saison estivale à partir de la mi‑juin jusqu’à la fin août. Après la période estivale, l’appelante louait l’immeuble à d’autres locataires, mais son client principal était certainement le Domaine. La saison de location est l’été et le temps des fêtes.

[8]             L’appelante n’a jamais réalisé de bénéfice d’exploitation sur cette activité. Elle a réclamé des pertes récurrentes importantes d’année en année. La situation fut aggravée par la crise économique de 2008 et par le fait qu’à partir de ce moment, il y a eu plus de maisons d’hébergement touristique et moins de clients, donc moins de revenus pour les propriétaires de maison d’hébergement.

[9]             Par contre, chaque année la propriété a fait l’objet de rénovations importantes. Ces rénovations sont effectuées pendant l’hiver quand l’immeuble n’est pas loué. L’appelante se rend sur place, assez fréquemment, afin de superviser les ouvriers et aussi pour s’occuper de la gestion de l’immeuble comme les réparations et l’entretien.

[10]        Le chalet peut loger un maximum de sept personnes. Au rez‑de‑chaussée se trouvent une cuisine qui est une pièce commune avec salle à manger, un salon avec foyer, trois chambres à coucher, une salle de bain avec bain et douche, et une salle de lavage. Au sous-sol se trouvent un vivoir, une chambre à coucher et une salle de bain avec douche.

[11]        Le chalet est complètement meublé y compris les appareils électroménagers. Il y a trois téléviseurs avec câble, un service de WiFi, un lecteur DVD et un système de son CD. Le service de téléphone est fourni sauf pour les appels interurbains. Le chalet est chauffé par l’électricité et par un poêle à bois. Le bois de chauffage est fourni. La cuisine est tout équipée pour la préparation des repas et le service de table. De plus, l’appelante fournit de la vaisselle, les couverts, les ustensiles, des verres assortis, un poêle à fondue, une micro-onde, un grille‑pain, une cafetière, une théière, un réfrigérateur avec des condiments (conserves, vinaigre, huile de cuisson), et des mets non périssables comme des pâtes. Le chalet comprend une buanderie, à savoir une laveuse et une sécheuse ainsi que des produits de buanderie comme le détergent de lessive. L’appelante fournit toute la literie y compris des draps, des oreillers, des couettes et des couvertures. Un service de bain est offert, à savoir des serviettes et des articles de salle de bain. L’appelante fournit des papiers sanitaires, des essuie‑tout et des papiers mouchoirs pour le début du séjour. Tous les produits d’entretien sont fournis pour la durée du séjour. Les produits d’hygiène personnelle ne sont pas fournis. L’appelante n’offre pas un service de restauration ou de bar et elle ne prépare pas les repas; comme elle dit, ce n’est pas un « bed & breakfast » (gîte touristique) ni une auberge. L’appelante assume les services d’entretien y compris les services d’entretien paysager en été et de déneigement en hiver. L’appelante met à la disponibilité de ses locataires des jeux de société et toute une gamme de brochures touristiques qui mettent en valeur la richesse et la beauté de la région de Charlevoix. Le chalet comprend aussi une terrasse extérieure avec des meubles de jardin. Les animaux ne sont pas permis et le chalet est non‑fumeur.

[12]        L’appelante a témoigné qu’elle offre le service d’une femme de ménage si les locataires le veulent (mais ceci n’est pas indiqué dans l’annonce publicitaire publiée sur le site web d’Hébergement). Par contre, l’appelante affirme qu’il est rare que les locataires profitent de ce service, même si ce service fait partie du forfait. Les gens aiment avoir de la paix et préfèrent être laissés tranquilles. Ils ne veulent pas voir des étrangers entrer chez eux. De toute façon, la lingerie est ouverte aux locataires et les gens peuvent changer la literie quand ils veulent puis prendre toutes les serviettes dont ils ont besoin à volonté. Les locataires peuvent se servir de la buanderie pour faire le lavage au besoin s’ils le désirent.

[13]        L’appelante engage une personne qui s’occupe de préparer le chalet pour accommoder les locataires et qui les accueille quand ils arrivent. De plus, cette personne s’assure que le chalet est sécurisé lorsque les locataires quittent le chalet.

[14]        Le loyer varie entre 425 $ à 900 $ pour un séjour de deux jours, plus les taxes. Pour une semaine, le loyer est de 900 $ plus taxes et pendant le temps des fêtes, le loyer est de 1 100 $ plus taxes. La saison de location est la période estivale ainsi que le temps des fêtes.

[15]        Les clients de l’appelante sont peu nombreux. Les gens louent à court terme — seulement trois jours ou une ou deux semaines. L’exception est le Domaine qui loue le chalet pour la période estivale. Selon la pièce A‑1, onglet 6, au cours de l’année d’imposition 2008, l’appelante a eu huit locataires à court terme. Durant l’année d’imposition de 2009, l’appelante a eu quatre locataires à court terme. Durant l’année d’imposition 2010, l’appelante a eu cinq locataires à court terme.

[16]        Il est incontestable que le client principal de l’appelante était le Domaine. Le Domaine prenait le chalet en location au complet pour une période de 10 semaines pendant l’été, chaque été, à partir de la mi‑juin jusqu’à la fin août. Le Domaine prenait le chalet comme tel et s’occupait de tout. Le Domaine prenait les clefs au début du séjour et puis redonnait les clefs à la fin du séjour. Le Domaine fournissait son propre service de ménage, de nettoyage, de literie et de buanderie. Le Domaine s’occupait de l’entretien du terrain. Le Domaine prenait la maison en charge.

La thèse de l’appelante

[17]        L’appelante soutient que l’immeuble en question n’est pas un bien locatif au sens du paragraphe 1100(14.1) du Règlement. D’après l’appelante, l’immeuble constituait un hébergement touristique. L’appelante affirme qu’elle exploitait une entreprise et qu’elle ne tirait pas un revenu d’un bien locatif. Elle a donc le droit de réclamer une déduction pour amortissement même si cette déduction crée ou augmente une perte.

[18]        Selon l’appelante, la Cour doit à bon droit accorder l’appel.

La thèse de l’intimée

[19]        L’intimée soutient qu’en l’espèce, l’appelante n’exploitait pas une entreprise au cours des années en litige, conformément au paragraphe 9(1) de la Loi. L’intimée soutient que l’appelante utilisait le bien immeuble principalement aux fins de gagner un revenu de loyer. Donc, le ministre était justifié de refuser à l’appelante, pour chacune des années en litige, l’allocation du coût en capital qu’elle avait réclamé puisqu’au cours de ces années elle n’a déclaré aucun revenu net découlant de la location de cet immeuble, et ce, conformément aux paragraphes 1100(11) à 1100(14) du Règlement. De plus, d’après le ministre, l’appelante a subi les frais relatifs à la taxe d’hébergement, aux frais d’association et aux droits d’adhésions dans le but de générer un revenu locatif, et non d’une entreprise.

[20]        Donc, selon l’intimée, l’appel doit être rejeté.

Les dispositions législatives

[21]        Les dispositions pertinentes de la Loi sont les suivantes :

9    (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente partie, le revenu qu’un contribuable tire d’une entreprise ou d’un bien pour une année d’imposition est le bénéfice qu’il en tire pour cette année.

      (2) Sous réserve de l’article 31, la perte subie par un contribuable au cours d’une année d’imposition relativement à une entreprise ou à un bien est le montant de sa perte subie au cours de l’année relativement à cette entreprise ou à ce bien, calculée par l’application, avec les adaptations nécessaires, des dispositions de la présente loi afférentes au calcul du revenu tiré de cette entreprise ou de ce bien.

[…]

18  (1) Dans le calcul du revenu du contribuable tiré d’une entreprise ou d’un bien, les éléments suivants ne sont pas déductibles :

a)      les dépenses, sauf dans la mesure où elles ont été engagées ou effectuées par le contribuable en vue de tirer un revenu de l’entreprise ou du bien;

b)      une dépense en capital, une perte en capital ou un remplacement de capital, un paiement à titre de capital ou une provision pour amortissement, désuétude ou épuisement, sauf ce qui est expressément permis par la présente partie;

[…]

20 (1) Malgré les alinéas 18(1)a), b) et h), sont déductibles dans le calcul du revenu tiré par un contribuable d’une entreprise ou d’un bien pour une année d’imposition celles des sommes suivantes qui se rapportent entièrement à cette source de revenus ou la partie des sommes suivantes qu’il est raisonnable de considérer comme s’y rapportant :

a)      la partie du coût en capital des biens supporté par le contribuable ou le montant au titre de ce coût ainsi supporté que le règlement autorise;

[…]

248 (1) Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.

[…]

« entreprise » Sont compris parmi les entreprises les professions, métiers, commerces, industries, ou activités de quelque genre que ce soit et, sauf pour l’application de l’alinéa 18(2)c), de l’article 54.2, du paragraphe 95(1) et de l’alinéa 110.6(14)f), les projets comportant un risque ou les affaires de caractère commerciale, à l’exclusion toutefois d’une charge ou d’un emploi.

[22]        Le Règlement édicte comme suit :

PARTIE XI

DÉDUCTIONS POUR AMORTISSEMENT

Section I

Déductions permises

 

1100. (1)    Pour l’application des alinéas 8(1)j) et p) et de l’alinéa 20(1)a) de la Loi, un contribuable peut déduire dans le calcul de son revenu pour chaque année d’imposition des montants correspondant :

 

a)   sous réserve du paragraphe (2), au montant qu’il peut réclamer à l’égard de biens de chacune des catégories suivantes de l’annexe II, sans dépasser, à l’égard des biens

 

[…] [Ici sont énumérés les catégories et les pourcentages permis]

 

de la fraction non amortie du coût en capital, pour lui, des biens de la catégorie, à la fin de l’année d’imposition (avant toute déduction en vertu du présent paragraphe pour l’année d’imposition);

 

[…]

 

(11) Nonobstant le paragraphe (1), en aucun cas le total des déductions, dont chacune est une déduction à l’égard de biens d’une catégorie prescrite possédés par un contribuable, qui comprend les biens locatifs possédés par lui, que le contribuable peut déduire par ailleurs en vertu du paragraphe (1) en calculant son revenu pour une année d’imposition, ne doit excéder la fraction, si fraction il y a,

 

a)      du total des sommes dont chacune représente

 

(i)     son revenu pour l’année tiré de la location, à bail ou non, d’un bien locatif possédé par lui, calculé en faisant abstraction de l’alinéa 20(1)a) de la Loi, ou

 

(ii)   le revenu d’une société de personnes pour l’année tiré de la location, à bail ou non, d’un bien locatif de la société de personnes, dans la mesure de la participation du contribuable à un tel revenu,

 

qui est en sus

 

b)      du total des sommes dont chacune représente

 

(i)   sa perte pour l’année de la location, à bail ou non, d’un bien locatif possédé par lui, calculé en faisant abstraction de l’alinéa 20(1)a) de la Loi, ou

 

(ii)  la perte subie par une société de personnes pour l’année de la location, à bail ou non, d’un bien locatif de la société de personnes, dans la mesure de la participation du contribuable à une telle perte.

 

[…]

 

(14) Dans le présent article et l’article 1101, « bien locatif » d’un contribuable ou d’une société de personnes désigne

 

a)      soit un bâtiment dont le contribuable ou la société de personnes est propriétaire, conjointement avec une autre personne ou autrement,

 

b)      soit une tenure à bail sur des biens immeubles, si la tenure à bail est un bien de la catégorie 1, 3, 6 ou 13 de l’annexe II et est la propriété du contribuable ou de la société de personnes,

 

si, au cours de l’année d’imposition à l’égard de laquelle l’expression s’applique, le bien a été utilisé par le contribuable ou la société de personnes principalement pour gagner ou produire un revenu brut qui constitue un loyer, mais, pour plus de précision, n’inclut pas un bien donné à bail à un preneur par le contribuable ou la société de personnes, dans le cours normal des activités de l’entreprise du contribuable ou de la société de personnes consistant à vendre des marchandises ou à rendre des services, en vertu d’un contrat par lequel le preneur s’engage à utiliser le bien pour exercer son activité de vente ou de promotion des ventes de marchandises ou de services fournis par le contribuable ou la société de personnes.

 

(14.1) Pour l’application du paragraphe (14), est considéré comme un loyer dérivé d’un bien au cours d’une année d’imposition le revenu brut dérivé, au cours de cette année,

 

a)      du droit d’une personne ou société de personnes (à l’exclusion du propriétaire du bien) d’utiliser ou d’occuper le bien ou une partie de ce bien;

 

b)      de services offerts à une personne ou société de personnes qui sont accessoires à l’utilisation ou à l’occupation du bien ou d’une partie de ce bien par la personne ou société de personnes.

 

(14.2) Le paragraphe (14.1) ne s’applique pas, au cours d’une année d’imposition donnée, à un bien qui appartient

 

a)      […]

 

b)      à un particulier, dans le cas où le bien est utilisé dans une entreprise que le particulier exploite dans l’année et dont il s’occupe personnellement de façon continue, tout au long de la partie de l’année où l’entreprise est habituellement exploitée;

 

c)      […]

Analyse

[23]        En l’espèce, il s’agit de savoir si l’appelante tirait un loyer de l’immeuble « La Fille d’Adélia…l’Écossaise » en sorte qu’on peut considérer l’immeuble comme étant un bien locatif au lieu d’une entreprise. Un bien locatif est défini au paragraphe 1100(14) du Règlement. C’est un bâtiment dont est tiré un loyer. Un loyer est défini au paragraphe 1100(14.1) comme « le revenu brut dérivé, au cours de cette année, du droit d’une personne d’utiliser ou d’occuper le bien ou une partie du bien ». Mais selon l’alinéa 14.2b), il y a une exception et « le paragraphe 14.1 ne s’applique pas à un particulier dans le cas où le bien est utilisé dans une entreprise que le particulier exploite dans l’année et dont il s’occupe personnellement de façon continue ».

[24]        La question à savoir si un revenu provenant d’un bien immeuble est un revenu tiré d’une entreprise ou un revenu tiré d’un bien locatif n’est pas susceptible d’analyse et de détermination facile. Ce problème a fait couler beaucoup d’encre par les tribunaux et les auteurs de doctrine.

[25]        Dans l’arrêt Wertman v. Canada (Minister of National Revenue), [1965] 1 Ex.C.R. 629, [1964] C.T.C. 252, 64 DTC 5158, le juge Thurlow de la Cour de l’Échiquier du Canada, traitait d’un immeuble à logements. Il a statué comme suit aux paragraphes 22 et 23 :

[22]      Sous le régime de la loi canadienne, le revenu imposable tiré d’un bien ou d’une entreprise est « le bénéfice en provenant » pendant une année d’imposition; ceci pose la question : « Qu’est‑ce que le bénéfice tiré du bien ou de l’entreprise? » Dans la plupart des cas, il importe très peu que le bénéfice soit considéré comme découlant d’une entreprise ou d’un bien, mais lorsque la question se pose, j’estime qu’elle doit simplement être résolue selon les faits du cas particulier; je ne connais pas de critère unique pour la résoudre. Il se peut que le fait que les loyers soient, intégralement ou pour la plus grande part, des revenus tirés d’un bien constitue un facteur très important, mais il n’est pas nécessairement concluant, car la question, dans un cas comme celui-ci, n’est pas tant de savoir d’où provient le revenu, mais de savoir si le revenu peut à bon droit être qualifié de revenu tiré d’une entreprise au sens de la Loi. En outre, je crois qu’on peut facilement concevoir des cas où un revenu peut être qualifié avec exactitude de revenu tiré d’un bien et aussi justement être considéré comme revenu tiré d’une entreprise.

[23]      Selon la preuve produite en l’espèce, je crois qu’il convient de conclure que c’est surtout, voir entièrement, à titre de propriétaires plutôt qu’à titre de commerçants que la somme des loyers perçus au Park Strand a profité à l’appelant, à son épouse et à son fils, je crois aussi qu’il y a lieu de considérer que les loyers sont liés surtout, sinon entièrement, à l’usage de l’immeuble par les locataires, c’est-à-dire qu’ils correspondent davantage à des paiements versés pour l’occupation des lieux qu’à des sommes générées par le fait pour le locataire de s’occuper de la location ou d’offrir certains services aux locataires, comme le chauffage. Je suis d’avis que, même si les loyers peuvent, à certains égards, constituer un revenu provenant d’une entreprise de location d’appartements ou d’administration d’immeubles résidentiels, ayant pour but la perception de loyers, il s’agit d’une façon fantaisiste et irréaliste de décrire ceux‑ci, parce qu’elle met l’accent sur un aspect de leur origine qui ne convient pas, savoir le résultat tangible de l’activité de location, alors que les loyers résultent en fait de la jouissance ou de l’exercice des droits d’occupation du propriétaire par les locataires, lesquels paient pour la jouissance des lieux et non pour la location de ceux-ci. Il peut y avoir des cas où la quantité des divers services offerts par le locateur, aux termes du contrat de location, est telle que le loyer payé par le locataire peut comprendre, dans, une large mesure, un paiement pour ces services, en plus du paiement pour l’usage du bien loué; la corrélation entre la jouissance des lieux et l’usage de ces services peut être telle que l’on puisse aisément concevoir que la somme totale payée ne constitue pas un simple loyer pour la location d’un bien, mais un véritable revenu provenant d’une entreprise qui offre des appartements et des services à des locataires; ce n’est toutefois le cas en l’espèce. À mon avis, la nature des services fournis a aussi un rapport avec la question, certains d’entre eux, par exemple le service de tenue de chambre et les services de fourniture de draps et de buanderie, étant plus révélateurs de l’exploitation d’une entreprise que le chauffage de l’immeuble qui est selon moi si étroitement lié au bien lui-même qu’il ne constitue pas un indicateur précis dans un sens ou l’autre. … Dans l’ensemble, rien ne m’indique que le contexte dans lequel les loyers sont perçus, revêt un caractère commercial distinct de la simple perception du revenu d’un bien; je suis donc d’avis que les profits tirés du Park Strand n’étaient pas des revenus provenant d’une entreprise et que l’administration de cet immeuble ne constituait pas une entreprise dans laquelle l’appelant et son époux étaient associés.

[26]        Dans l’affaire Walsh v. Canada (Minister of National Revenue – M.N.R.), [1966] Ex.C.R. 518, [1965] C.T.C. 478, 65 D.T.C. 5293, les appelants étaient propriétaires de deux blocs appartement et un centre d’achat. Les biens immeubles étaient gérés par une compagnie de gestion pour les propriétaires. Le chauffage, un poêle, un frigo, du tapis, des rideaux et le stationnement pour voiture étaient fournis aux locataires. Les corridors communs étaient recouverts de moquette. Il y avait un ascenseur et une buanderie payante, un service de lavage de fenêtre et de réparations de service d’électricité et de plomberie, la décoration au besoin et un téléphone dans l’entrée principale de l’édifice. Juge Cattanach a statué que les appelants gagnaient un revenu d’un bien locatif et non un revenu d’entreprise. Juge Cattanach nous éclaire aux paragraphes 22 et 25 :

[22]      J’estime que de prime abord le propriétaire qui perçoit un loyer n’administre pas une « entreprise », mais il peut exister des cas où l’ampleur des divers services que fournit le propriétaire conformément aux stipulations du bail, le temps et le travail qu’il y consacre, sont tels que l’on peut considérer que le loyer constitue, dans une large mesure, le paiement de ces services autant que de l’utilisation de l’immeuble, et la corrélation entre l’utilisation des locaux et celle des services peut être si générale que la somme versée peut facilement être considérée non comme simple loyer, mais comme le véritable revenu d’une « entreprise » offrant aux locataires des appartements et des services. C’est une question de fait de savoir à quel moment la propriété et la location d’immeuble relèvent d’une entreprise et d’une gestion commerciale.

[…]

[25]      Compte tenu de la preuve, j’estime que les loyers reçus par les appelants devraient être considérés comme leur ayant été versés à titre de propriétaires des immeubles, plutôt qu’à titre de commerçants, et qu’ils devraient être considérés comme ayant été versés en contrepartie de l’utilisation des immeubles par les locataires, en ce sens qu’ils représentent des paiements pour l’occupation des immeubles par les locataires et qu’ils ne découlent pas de la combinaison de cette utilisation et des autres services dont les locataires ont bénéficié. J’estime que les services supplémentaires qui étaient fournis aux locataires étaient assez négligeables et qu’ils ne suffisent pas à faire des appelants, qui sont des propriétaires fonciers, des personnes qui exploitent une entreprise. Les services comme la fourniture du chauffage, deux cuisinières électriques et de réfrigérateur, de service de concierge pour entretien des couloirs communs, l’enlèvement de la neige, l’installation de tapis dans certaines pièces des appartements et la fourniture de rideaux sont des services que les locataires s’attendent à recevoir et que les propriétaires fournissent normalement dans des appartements de ce type. Ce sont là des délicatesses offertes aux locataires relativement à l’occupation des appartements et, dans la plupart des cas, constituent aussi des biens dont l’usage, comme celui des appartements, est assujetti à un loyer. Le chauffage de l’immeuble et l’enlèvement de la neige sont des services auxiliaires à l’immeuble même et sont offerts par le propriétaire à titre de propriétaire de l’immeuble plutôt qu’à titre de services aux locataires, quoique ceux-ci en tirent des avantages incidents. Bien que la nature des services fournis ait un rapport avec la question, les services décrits ci-dessus ne sont pas de nature à qualifier le loyer reçu pour ces motifs de revenu tiré d’une entreprise plutôt que de revenu tiré d’un bien, comme le permettrait la fourniture de services tels que le déjeuner, la tenue de chambre, le service de fourniture de draps et de buanderie et d’autres services de cet ordre.

[27]        Dans l’arrêt Canadian Marconi c. Canada, [1986] 2 R.C.S. 522 (C.S.C.), la juge Wilson de la Cour suprême du Canada a observé au paragraphe 7 :

[7]        Il est difficile de faire une distinction entre un revenu tiré d’une entreprise et un revenu provenant d’un bien, mais la Loi nous y oblige. La difficulté tient à deux facteurs. Premièrement, les termes « entreprises » et « bien » sont définis au par. 248(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu d’une manière large et plutôt vague. En conséquence une interprétation justifiée de ces définitions peut entraîner un chevauchement. En deuxième lieu, les personnes ou les sociétés dont les activités consistent généralement en des opérations de type commercial utilisent souvent des biens comme moyen de produire revenu. À première vue, ce genre de revenus pourrait d’une façon réaliste être considéré comme provenant d’une entreprise ou de biens. Le commentaire du juge Thurlow (tel était alors son titre), dans l’affaire Wertman v. Minister of National Revenue, 64 D.T.C. 5158 (C. de l’é), [TRADUCTION] « qu’on peut facilement concevoir des cas ou un revenu peut être qualifié avec exactitude de revenu tiré d’un bien et aussi justement être considéré comme revenu tiré d’une entreprise » est souvent pertinent. Devant la tâche délicate qui consiste à décider si des recettes données proviennent d’une entreprise ou de biens, les tribunaux ont appliqué certains critères ou indices déterminés relativement à ce qui constitue une activité commerciale et, lorsque le contribuable est une société, ils ont eu recours à la présomption que son revenu est tiré de l’exploitation d’une entreprise.

[28]        Le juge Margeson, de la Cour canadienne de l’impôt, dans l’affaire Jong c. Canada, [1998] A.C.I. no 300 (QL), 98 DTC 1616, affirmait ce qui suit au paragraphe 8 de son jugement au sujet de la décision Walsh, précitée :

[8]        […] Il existe une preuve prima facie montrant que la somme tirée du bien provenait de la location du bien et non d’une entreprise à moins que l’appelant ne puisse démontrer que la gamme de services fournis par le propriétaire était telle que le paiement pouvait être considéré comme étant en bonne partie destiné à assurer l’obtention de ces services.

[29]        Dans l’affaire Arbutus Garden Apartments Corp. c. La Reine, [1998] A.C.I. no 469 (QL), [1998] 3 C.T.C. 2972 (C.C.I), le juge Bowman (plus tard le juge en chef) traitait un cas d’un complexe d’habitation d’une superficie de 12 acres comprenant sept immeubles contenant en tout 302 logements. Les propriétaires avaient à leur emploi, à plein temps, cinq gestionnaires ainsi que deux employés affectés à l’entretien et deux jardiniers. Lorsqu’ils ont connu des problèmes en raison d’un taux élevé d’inoccupation, les propriétaires ont engagé quelqu’un pour les aider à corriger la situation. Le juge Bowman a considéré que les propriétaires fournissaient aux locataires des services bien plus nombreux que ce qui était normalement le cas dans un immeuble résidentiel. Il a conclu que, compte tenu des faits dont il était saisi, les propriétaires exploitaient une entreprise. Le juge Bowman nous instruit aux paragraphes 24, 25 et 26 de son jugement :

[24]      Essentiellement, il s’agit d’une question de fait qui dépend de l’ensemble des circonstances. Je pense que l’exploitation d’Arbutus Apartments va bien au‑delà de la simple réception passive de loyers. Il s’agit nettement d’une entreprise. On avait engagé cinq gestionnaires à plein temps, qui vivaient dans le complexe avec leurs épouses, ainsi que deux préposés à l’entretien à plein temps et deux jardiniers à plein temps.

[25]      Durant l’année en question et avant, le complexe connaissait des problèmes, soit un taux élevé d’inoccupation et un fort roulement de locataires. On avait fait appel à Mme Janet Roethe pour tenter de redresser la situation, et les efforts de Mme Roethe ont apparemment été couronnés de succès. Outre le travail accompli par le personnel à plein temps, de nombreux services étaient adjugés à contrat, par exemple concernant le jardinage, la peinture et l’entretien des piscines. Il y avait huit acres de jardin bien aménagé, deux piscines extérieures, des salles de jeux, un centre de conditionnement physique et un certain nombre de salles de réception.

[26]      Par rapport à ce qui est la norme dans un immeuble d’appartements, bien plus de services étaient fournis aux locataires (dont bon nombre étaient des personnes âgées). Mme Roethe a déclaré que, au début de la période de sept ans au cours de laquelle elle a travaillé à essayer de redresser le la situation, elle passe cinq jours par semaine sur place.

[30]        Dans l’affaire Orcheson c. La Reine, 2004 CCI 427, [2004] 3 C.T.C. 2524; 2004 D.T.C. 2686, les appelants étaient propriétaires de trois chalets donnant sur le lac Simcoe près de Keswick en Ontario. Les appelants fournissaient le bois de chauffage, des barbecues, des tables de pique-nique, une chaloupe, un canoë, un quai pour la mise à l’eau des embarcations, la possibilité de nager et de pêcher sur le lac Simcoe, d’y pratiquer la motoneige, la pêche sur la glace, le patinage et le ski de fond, en plus d’offrir des chalets entièrement meublés. Lorsqu’un locataire y emménageait, le chalet était nettoyé et des draps propres étaient installés. Les appelants offraient des services de nettoyage, de déneigement, ils nettoyaient la cour et offraient la mise à l’eau et l’amarrage des embarcations. Le juge Teskey a fait l’historique de la jurisprudence pertinente à partir de Wertman, précitée, jusqu’à Arbutus, précitée. Le juge Teskey a qualifié la preuve présentée par les appelants de caractère très insatisfaisant. Il a statué que les revenus tirés des chalets étaient des revenus tirés de biens et non des revenus tirés d’une entreprise en disant aux paragraphes 30 et 31 de son jugement :

[30]      L’utilisation du lac Simcoe pour la navigation de plaisance, la natation ou la pêche ne constitue pas un service. Dans la même veine, l’utilisation d’un barbecue, d’une table de pique-nique, d’un téléphone, d’un poste de télévision ou de chaise pliante ne constitue pas un service. Le changement quotidien des draps et le nettoyage quotidien des chalets constitueraient des services. Il n’y a aucune preuve selon laquelle un service de cette ampleur était fourni. Les deux appelants ont des emplois à plein temps à Toronto.

[31]      Étant donné qu’en l’espèce, le revenu en est un de location, la Cour doit partir du principe qu’il s’agit de revenu tiré d’un bien plutôt que d’un revenu d’une entreprise. Comme il n’a pas été établi en preuve qu’une partie substantielle des loyers allait à des services, je dois conclure que le revenu provenait d’un bien.

[31]        Dans Venditti c. Canada, [2008] A.C.I. no 417 (QL), 2008 CCI 553, [2009]  2 C.T.C. 2372, les appelants vivaient en permanence en Ontario, au Canada, et ils étaient tous employés à plein temps ici au Canada. En 1996, les appelants ont fait l’acquisition d’un condominium en Floride. Les appelants s’attendaient d’avoir un taux d’occupation de 26 semaines par l’année, et que le loyer qu’il pouvait demander pour les locations de courtes durées se situaient entre 75 $ et 90 $ par nuit, alors que pour les locations à long terme, il était d’environ 52 $ par nuit. Les appelants ont retenu les services d’un courtier afin de mettre le bien en location. Leur intention en achetant ce condominium était de l’enregistrer comme entreprise, ce qu’ils ont fait selon les lois de la Floride. Le bien immeuble a été inspecté et approuvé par l’État de Floride pour les locations de courte durée. La location du bien comprenait les services publics, des articles de toilette, du mobilier, du linge de maison, ainsi qu’une piscine chauffée. Les appelants considéraient qu’ils exploitaient une entreprise et non un bien locatif. Ma collègue, la juge Valerie Miller, a conclu que les revenus générés par la location du bien étaient des revenus tirés d’un bien et non des revenus tirés d’une entreprise. Elle le dit au paragraphe 19 de ses motifs de jugement :

[19]      La preuve présentée par les appelants ne me permet pas de conclure qu’une partie substantielle des loyers qu’il recevait pour le bien constituait le prix payé pour les services qu’ils fournissaient. Les appelants ont déclaré que le bien était entièrement meublé, ce qui incluait le linge de maison. Rien n’indique que les services fournis par les appelants allaient au-delà de ce qu’aurait proposé n’importe quel propriétaire offrant des appartements meublés en location.

[Je souligne.]

[32]        Je note que les cas Orcheson et Venditti, précités, sont très semblables au cas en l’espèce.

[33]        Les auteurs de doctrine ont bien fait la synthèse de la jurisprudence. Les auteurs Peter W. Hogg, Joanne E. Magee, Jinyan Li, et divers collaborateurs remarquent à la page 160 dans l’œuvre Principals of Canadian Income Tax Law, 7e édition (Toronto : Carswell, 2010) :

[TRADUCTION] À première vue, évidemment, les loyers obtenus de la location d’un immeuble résidentiel, d’un immeuble de bureaux ou d’un centre commercial sont des revenus tirés d’un bien. Les loyers sont versés pour l’utilisation du bien, et non pour des services fournis par le locataire. La difficulté provient du fait qu’un locateur va souvent fournir aux locataires, en plus du droit d’occuper les lieux loués, des services de divers genres. Lorsque les services fournis n’englobent que les services du genre habituellement fourni dans le cadre d’une location, par exemple, l’entretien de l’édifice, le chauffage, la climatisation, l’alimentation en eau, l’électricité et le stationnement, le loyer est encore considéré comme étant un revenu tiré d’un bien. Mais si les services fournis dépassent ce qui est habituellement fourni dans le cadre de la location d’un immeuble de bureaux, d’un immeuble résidentiel ou d’un centre commercial (ou de quelque autre bien), il devient plus plausible de classer les activités du propriétaire comme une entreprise, au lieu de la simple location de biens. S’il s’agit d’un immeuble résidentiel, les services fournis qui favoriseraient la classification en tant qu’entreprise incluraient les services normalement fournis par un hôtel, soit le ménage, le service buanderie, la restauration et le service aux chambres, etc. L’exemple ultime est, évidemment, un hôtel, où l’envergure des services fournis aux clients fait en sorte qu’il n’y a aucun doute qu’il s’agit d’une entreprise. Lorsque la gamme de services fournis par le locateur est moins complète que celle d’un hôtel, il faut alors examiner le niveau des services pour décider si la nature et l’ampleur de ces services permettent de qualifier le revenu comme étant un revenu tiré d’une entreprise.

[34]        Le savant professeur Vern Krishna dans son œuvre, Fundamentals of Income Tax Law, Toronto, Carswell, 2009, en arrive à la même conclusion à la page 253.

[35]        Donc, on voit qu’il s’agit vraiment d’un problème subtil de classification. Plus le niveau des services fourni par le contribuable est élevé, plus il est probable que le contribuable exploite une entreprise; plus le niveau des services est faible, plus il est probable que les revenus découlent de l’utilisation d’un bien. En général, les particuliers qui sont propriétaires d’immeubles ont été reconnus par la jurisprudence comme tirant un revenu de biens.

[36]        Il n’y a pas de « critère de démarcation nette » (en anglais, « bright‑line test »). Il s’agit d’une question de degré. Un revenu tiré d’un immeuble par un particulier est présumé être un loyer tiré d’un bien. Étant donné qu’en l’espèce, le revenu en est un de location, la Cour doit partir du principe qu’il s’agit de revenu tiré d’un bien plutôt que d’un revenu d’une entreprise à moins que l’appelante ne puisse démontrer que la gamme de services fournis par elle était telle que le paiement pouvait être considéré comme étant en bonne partie destiné à assurer l’obtention de ces services. En autres mots, le revenu est considéré comme une activité d’entreprise seulement lorsque le propriétaire fournit aux locataires ou met à leur disposition des services quelconques qui font que l’activité de location dépasse la simple location de biens immeubles. La question est à savoir si une partie substantielle des loyers que l’appelante recevait pour l’immeuble constituait le prix payé pour les services.

[37]        En l’espèce, l’appelante offre un chalet qui est complètement meublé y compris les appareils électroménagers. Il y a des téléviseurs avec câble et un service de WiFi et de téléphone. Le chauffage à l’électricité et au bois est fourni. La cuisine est toute aménagée pour la préparation des repas et le service de table. Quelques condiments et des mets non périssables sont fournis. Il y a une laveuse et une sécheuse ainsi que des produits de buanderie. L’appelante fournit toute la literie. Des serviettes et des articles de bain sont fournis ainsi que les produits d’entretien.

[38]        Les produits d’hygiène personnelle ne sont pas fournis. L’appelante n’offre pas un service de restauration ou de bar. L’appelante offre un service de ménage, mais ses locataires ne s’en servent que rarement et dans le cas du Domaine, pas du tout. L’appelante assume les services d’entretien paysager en été et de déneigement en hiver, mais dans le cas du Domaine, c’est le locataire qui s’en occupe.

[39]        Il est incontestable que le locataire le plus important était le Domaine. Le Domaine prenait le chalet en location pour une période de 10 semaines pendant l’été, chaque été. Ceci est plus que le double du temps que tout le reste des locataires (voir pièce A‑1, onglet 6). La plus grande partie du revenu tiré de l’immeuble (plus que la moitié en 2008 et presque les deux tiers en 2009 et en 2010) provenait du Domaine. Le Domaine prenait en location le chalet au complet et les services de téléphone et l’internet. Par contre, Le Domaine ne voulait pas de services supplémentaires tels que le nettoyage, le ménage des chambres, le lavage, la buanderie ou les repas. Le Domaine s’occupait lui‑même de l’entretien des lieux y compris l’entretien paysager (il n’y a pas de question de déneigement, car le Domaine louait le chalet seulement en été). Le Domaine voulait simplement louer le chalet et ses contenus pour l’utiliser à son gré. Le Domaine ne voulait rien d’autre à titre de services supplémentaires. Bien que les autres locataires se soient servis de services supplémentaires comme l’entretien paysager et le déneigement, ils se servaient que rarement des services de ménage. Je ne suis pas convaincue qu’une grande partie ou une partie substantielle des loyers ont été payés pour les services.

Conclusion

[40]        À mon avis, le cas en l’espèce est semblable aux cas d’Orcheson et Venditti, précités. Comme il n’a pas été établi en preuve qu’une partie substantielle des loyers que l’appelante recevait pour l’immeuble constituait le prix payé pour les services, je dois conclure que le revenu provenait d’un bien. Je suis d’avis que le bien ait été utilisé par l’appelante principalement pour gagner ou produire un revenu brut qui constitue un loyer.

[41]        Pour ces motifs, l’appel doit être rejeté.

Signé à Kingston, Ontario, ce 8e jour d'août 2014.

« Rommel G. Masse »

Juge suppléant Masse

 


RÉFÉRENCE :

2014 CCI 247  

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :

2012-4811(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :

PATRICIA McINNES et SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 19 mars 2014

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

L'honorable Rommel G. Masse,
juge suppléant

DATE DU JUGEMENT :

Le 8e août 2014

COMPARUTIONS :

 

Représentants de l'appelante :

François Desjardins, stagiaire en droit
Frédérick-Alexandre Yao, stagiaire en droit

Avocat de l'intimée :

Me Mounes Ayadi

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

Pour l'appelante:

Nom :

François Desjardins, stagiaire en droit
Frédérick-Alexandre Yao, stagiaire en droit

Cabinet :

Faculté de droit – Université Laval

Québec, Québec

Pour l’intimée :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

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