Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Dossier : 2010-394(IT)G

 

ENTRE :

WALEED ELBADAWI,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

Appels entendus les 17, 18, 19, 20 et 21 mars 2014 et les 23, 24, 25, 26 et 27 juin 2014, à Toronto (Ontario).

 

Devant : L'honorable juge Diane Campbell

 

Comparutions :

 

Pour l'appelant :

L'appelant lui‑même

 

Avocats de l'intimée :

Me Dominique Gallant

Me Gregory B. King

 

 

JUGEMENT

 

          Les appels interjetés à l'égard des cotisations établies au titre de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 2002 et 2003 sont accueillis, en partie, sans frais : le produit net de la vente de la maison située rue Blithfield est un revenu de la société Mobilsa et non de l'appelant; le produit net de la vente de la maison située rue Malabar est un revenu personnel de l'appelant. Les cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations, conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

Signé à Summerside (Île‑du‑Prince‑Édouard), ce 27e jour d'août 2014.

 

 

« Diane Campbell »

La juge Campbell

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 12e jour de décembre 2014.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 


 

 

 

 

Dossier : 2010-538(IT)G

 

ENTRE :

MOHAMMED S. ELBADAWI,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

Appels entendus les 17, 18, 19, 20 et 21 mars 2014 et les 23, 24, 25, 26 et 27 juin 2014, à Toronto (Ontario).

 

Devant : L'honorable juge Diane Campbell

 

Comparutions :

 

Pour l'appelant :

L'appelant lui‑même

 

Avocats de l'intimée :

Me Dominique Gallant

Me Gregory B. King

 

 

JUGEMENT

 

          Les appels interjetés à l'égard des cotisations établies au titre de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 2000, 2001 et 2002 sont rejetés, conformément aux motifs du jugement ci‑joints. Les parties disposent de 60 jours à compter de la date des motifs ci‑joints pour produire des observations écrites relativement aux dépens.

 

Signé à Summerside (Île‑du‑Prince‑Édouard), ce 27e jour d'août 2014.

 

 

« Diane Campbell »

La juge Campbell

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 12e jour de décembre 2014.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 


 

 

 

 

Dossier : 2010-539(IT)G

 

ENTRE :

HANNI ELBADAWI,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

 

Appels entendus les 17, 18, 19, 20 et 21 mars 2014 et les 23, 24, 25, 26 et 27 juin 2014, à Toronto (Ontario).

 

Devant : L'honorable juge Diane Campbell

 

Comparutions :

 

Pour l'appelante :

L'appelante elle‑même

 

Avocats de l'intimée :

Me Dominique Gallant

Me Gregory B. King

 

 

JUGEMENT

 

          Les appels interjetés à l'égard des cotisations établies au titre de la Loi de l'impôt sur le revenu pour les années d'imposition 2000, 2001 et 2002 sont accueillis, avec dépens en faveur de l'appelante, et les cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations, conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

 

Signé à Summerside (Île‑du‑Prince‑Édouard), ce 27e jour d'août 2014.

 

 

« Diane Campbell »

La juge Campbell

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 12e jour de décembre 2014.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 


 

 

 

 

Référence : 2014 CCI 259

Date : 20140827

Dossier : 2010-394(IT)G

 

ENTRE :

WALEED ELBADAWI,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée;

 

 

Dossier : 2010-538(IT)G

 

ET ENTRE :

MOHAMMED S. ELBADAWI,

appelant,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée;

 

 

Dossier : 2010-539(IT)G

 

ET ENTRE :

HANNI ELBADAWI,

appelante,

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

La juge Campbell

 

Introduction

 

[1]             De manière générale, les présents appels portaient sur des questions de revenus et de dépenses non déclarés, questions qui reposent sur des faits et qu'on peut, dans de nombreux cas, résoudre par la négociation ou par une conférence de règlement à l'amiable préalable à l'audience. Les appelants ont comparu en personne et, malgré mes explications et mes tentatives répétées de les réorienter, ils se sont, tout au long de l'audience, concentrés sur la conduite des fonctionnaires de l'Agence du revenu du Canada (l'« ARC ») au moment d'établir les cotisations en cause. C'est ce qui explique dans une large mesure le fait que l'audience se soit éternisée et qu'il ait fallu dix jours pour la clore, et non cinq jours comme il était prévu au départ.

 

[2]             Les cotisations en cause ont été établies à l'égard de Mohammed Elbadawi et de sa femme, Hanni Elbadawi, pour les années d'imposition 2000, 2001 et 2002, ainsi qu'à l'égard de leur fils, Waleed Elbadawi, pour les années d'imposition 2002 et 2003. Les appels avaient trait aux revenus générés par plusieurs sociétés, à des opérations intersociétés et à une pléthore de demandes de déduction de dépenses. Les appels auraient pu être tranchés rapidement si les appelants avaient produit les documents à l'appui pertinents, ce qu'ils n'ont visiblement pas fait, et s'il n'y avait pas eu des témoignages contradictoires, des aveux relatifs à des documents falsifiés et des déclarations vagues et évasives.

 

Les faits

 

[3]             Pendant les années 1990, Mohammed Elbadawi exploitait une entreprise de construction très prospère dont l'activité consistait à construire des maisons sur mesure haut de gamme dans les régions de Toronto et de Brampton. Ces activités étaient menées par l'intermédiaire d'un groupe de sociétés, appelé le groupe Sonada. Le groupe Sonada a, plus tard, compris notamment 1337526 Ontario Inc. (« 526 Ontario »), 1337527 Ontario Inc. (« 527 Ontario »), Mobilsa Design / Build Inc. (« Mobilsa »), Salico General Contracting (« Salico ») et Tacona General Contracting (« Tacona »).

 

[4]             Il ressort du témoignage de Mohammed Elbadawi que le groupe Sonada était l'un des principaux constructeurs d'immeubles d'habitation de Toronto dans les années 1980 et 1990. Mohammed Elbadawi était l'unique actionnaire de la plupart de ces sociétés et il en était manifestement l'âme dirigeante, même quand sa femme et son fils étaient désignés comme administrateurs.

 

[5]             Au début des années 1990, le groupe Sonada a pris part au projet du centre de villégiature Cleopatra (le « projet Cleopatra »). La preuve factuelle que les appelants ont produite à l'égard du projet Cleopatra était loin d'être satisfaisante, et on n'a obtenu que peu d'éclaircissements lors du contre‑interrogatoire. Toutefois, il semble que M. et Mme Elbadawi y aient tous deux directement participé; Mohammed Elbadawi était l'un des promoteurs et Hanni Elbadawi a acheté une des maisons en rangée de l'ensemble résidentiel. Quand la récession a frappé le marché immobilier, la Banque Royale a cessé de financer le projet Cleopatra, et les acheteurs ont commencé à annuler leurs contrats. M. et Mme Elbadawi ont poursuivi la banque, ainsi que les commanditaires, en vue d'obtenir des dommages‑intérêts. Au terme de ce litige, en 1997, la banque a saisi la maison en rangée de Hanni Elbadawi. En retour, cette dernière a poursuivi les propriétaires du projet Cleopatra, son mari ayant apparemment été l'un des défendeurs dans cette instance. En 1998, un règlement de 100 000 $ a été obtenu de la Banque Royale, bien que la preuve n'ait pas montré clairement quelles étaient les sociétés des appelants qui avaient véritablement été mêlées à la poursuite. Les appelants sont également parvenus à un règlement à l'amiable en ce qui concerne le projet Cleopatra, pour une somme de 75 000 $. Ce règlement a apparemment aussi permis de débloquer les sommes de 10 000 $ et de 85 000 $, lesquelles avaient apparemment été consignées au tribunal en attendant la conclusion de ces litiges.

 

[6]             La participation des appelants au projet Cleopatra, conjuguée aux litiges, a finalement mené la société à péricliter. Mohammed Elbadawi a déclaré que les tribunaux l'avaient déclaré impécunieux après qu'il eut perdu 5,5 millions de dollars. Les appelants ont fait valoir que les sommes obtenues au titre des règlements à l'amiable leur avaient en partie permis de couvrir leurs frais de subsistance quotidiens et avaient aidé Mohammed Elbadawi à rebâtir l'entreprise pendant les années d'imposition en cause. L'intimée a remis en cause le fait que les appelants avaient véritablement reçu ces sommes, laissant plutôt entendre que ce sont les revenus non déclarés en cause en l'espèce qui ont permis aux appelants de payer leurs frais de subsistance et de financer leurs entreprises commerciales. Les pièces corroborent toutefois le fait que Hanni Elbadawi a reçu 75 000 $ en juillet 2001 (pièce A‑89, [TRADUCTION] « Quittance mutuelle générale et finale »). Mohammed Elbadawi et plusieurs de ses sociétés ont reçu 100 000 $ au titre du règlement à l'amiable de la poursuite intentée contre la Banque Royale, comme en atteste la pièce A-83, [TRADUCTION] « Quittance générale et finale ». Toutefois, cette pièce ne fait pas état des signatures des représentants de la Banque Royale, et, par voie d'ordonnance, la Cour de l'Ontario (Division générale) a déclaré qu'elle rejetait l'action en justice et la demande reconventionnelle de Mohammed Elbadawi et de ses diverses sociétés, sans frais (pièce A‑84). Ces documents étaient peu concluants à l'égard du versement des 100 000 $. En ce qui a trait à la somme recouvrée par l'appelant, qui avait été consignée à la Cour, la Cour supérieure de justice a ordonné que : [TRADUCTION] « [...] les fonds actuellement consignés à la Cour au crédit de la présente action soient versés à Ezzat Elbadawi, ou à toute personne que ce dernier pourrait désigner » (pièce A‑93). Il n'y était pas fait mention du montant des sommes consignées à la Cour ni de la question de savoir si Ezzat Elbadawi avait finalement versé ces sommes aux appelants.

 

[7]             Tandis que le litige relatif au projet Cleopatra était toujours en cours, Mohammed Elbadawi a constitué 526 Ontario en société, afin de maintenir les activités de son entreprise tout en mettant les fonds à l'abri d'ordonnances éventuelles des tribunaux. Mohammed Elbadawi était l'unique actionnaire. Hanni Elbadawi a accepté d'être l'administratrice de 526 Ontario, à condition de ne pas participer à l'exploitation de cette nouvelle société.

 

[8]             Le 10 novembre 2000, une autre société, Mobilsa, a été constituée (pièce A‑20), et Mohammed Elbadawi en était l'unique actionnaire, mais son fils, Waleed, en a été nommé administrateur. Comme pour 526 Ontario, Mohammed Elbadawi contrôlait les activités commerciales de Mobilsa. 527 Ontario a également été constituée en société pendant cette période, et Mohammed Elbadawi en était encore une fois l'unique actionnaire, et il en était aussi l'administrateur.

 

[9]             Au cours des quelques années qui ont suivi, Mohammed Elbadawi a mené la plupart de ses activités de construction par le truchement de 526 Ontario et de Mobilsa.

 

[10]        Il ressort de la preuve que l'argent circulait librement et fréquemment entre ces sociétés, de la même manière qu'il circulait entre Mohammed Elbadawi et ses sociétés, au moyen de ce que les appelants ont appelé des [TRADUCTION] « prêts intersociétés » ou simplement des [TRADUCTION] « interactivités ». Les éléments de preuve documentaire étayant ces déclarations sont pratiquement inexistants.

 

[11]         Pendant les années d'imposition en cause, de 2000 à 2003, 526 Ontario a construit trois maisons, situées au 21, rue Cynthia, au 48, rue Forest Grove et au 78, rue Wedgewood. Comparée aux deux autres maisons, la maison située rue Cynthia est sans histoire. Cette maison a été bâtie à Brampton pour la somme de 400 000 $, et la société a déclaré une perte d'environ 125 000 $, dont l'ARC a autorisé la déduction.

 

[12]        En ce qui a trait à la maison située rue Forest Grove, on a dû faire face à un certain nombre de problèmes. Au départ, le contrat signé avec Jinli Ding prévoyait la démolition et la rénovation d'une partie de la maison au prix de 525 000 $, mais les rénovations ont pris un tour si complexe que M. Ding a décidé qu'il voulait une maison entièrement neuve. Ainsi, M. Ding pouvait alors avoir accès au régime de garanties des logements neufs de l'Ontario. Toutefois, le constructeur, 526 Ontario, n'était pas un membre inscrit du régime, mais Mobilsa l'était. Pour remédier à ce problème et satisfaire à la demande de M. Ding, qui souhaitait avoir accès à ce régime, Mobilsa a été ajoutée comme partie au contrat. M. Ding s'est plus tard prévalu de ce régime de garanties, alléguant qu'il y avait eu des travaux non acceptables et du retard dans l'exécution du contrat. Mohammed Elbadawi a déclaré que M. Ding avait abusé de ce régime parce qu'il n'y avait jamais eu de travaux non acceptables et que le fait que le contrat avait été achevé en retard tenait au fait que M. Ding avait demandé qu'on y apporte des modifications. Quoi qu'il en soit, en conséquence de cela, Mobilsa et son administrateur, Waleed Elbadawi, ont dû comparaître devant le tribunal administratif du régime pour répondre à ces plaintes.

 

[13]        Les faits relatifs à la maison située rue Forest Grove sont pertinents parce que les parties ne parviennent pas à s'entendre sur les revenus que 526 Ontario a tirés de l'exécution de ce contrat. Bien que le prix initialement prévu dans le contrat ait été de 525 000 $, la preuve donne à entendre que le prix prévu dans le contrat final s'élevait à 695 000 $. Bien que M. Ding n'ait pas témoigné à l'audience, il a, apparemment, affirmé à l'ARC que Mohammed Elbadawi avait demandé qu'il lui verse des paiements additionnels en argent comptant de 127 500 $ pour que la construction soit terminée plus rapidement. Les paiements en argent comptant ont été inclus dans les revenus de l'appelant, en dépit du fait que ce dernier ait nié qu'il les avait reçus.

 

[14]        L'intimée a affirmé que la preuve dont l'ARC disposait à l'égard de ces paiements était corroborée par les déclarations que M. Ding avait faites à l'ARC, ainsi que par les conversations enregistrées qu'ont prétendument eues M. Ding et Mohammed Elbadawi. L'enregistrement n'a pas été produit en preuve. Salah Bayoumi, chef d'équipe retraité de la Division de l'exécution de l'ARC, a affirmé que M. Ding lui avait dit qu'il avait coutume de retirer des sommes de 10 000 $ à la fois, et que, sur cette somme, il donnait à chaque fois 8 500 $ en argent comptant à l'appelant, conformément à l'entente qu'ils avaient conclue à l'égard de ces paiements en argent comptant.

 

[15]        En ce qui a trait aux dépenses relatives à la maison située rue Forest Grove, Mohammed Elbadawi a produit l'évaluation d'un architecte selon laquelle la maison avait une valeur estimée de 900 000 $. Bien que l'ARC ait autorisé la déduction de 443 941,64 $ à titre de dépenses, il a soutenu que cette somme était insuffisante, et que le véritable coût de la construction était plus proche de 850 000 $. M. Elbadawi a soumis à l'ARC une liste révisée de dépenses additionnelles, ainsi que des factures qui ont été passées en revue par Lynn Kelly. Elle a accepté certaines de ces factures, mais elle en a refusé d'autres, au motif qu'il s'agissait soit de doubles, soit de simples estimations, mais pas de véritables dépenses. Bien que Mme Kelly ait accepté que, de ces factures additionnelles, il y avait eu des dépenses de 74 000 $, elle ne l'a fait qu'aux fins de la poursuite criminelle pour évasion fiscale qui avait été intentée contre Mohammed Elbadawi, son fils Waleed et les sociétés, tant au titre de la Loi sur la taxe d'accise que de la Loi de l'impôt sur le revenu. Ces accusations au criminel avaient trait à l'omission de déclarer des revenus d'entreprise et la TPS/TVH exigible sur la vente de sept maisons. Toutefois, Mme Kelly n'a pas accepté ces mêmes dépenses additionnelles de 74 000 $ dans la cotisation fiscale parce que les fardeaux de la preuve n'étaient pas les mêmes dans les deux cas; dans le contexte de la poursuite au criminel, le fardeau de la preuve qui incombait à la Couronne était plus lourd.

 

[16]        La maison située rue Wedgewood était la troisième maison construite par 526 Ontario pendant la période en cause, et le prix prévu au contrat était de 264 000 $. L'ARC a accepté la déduction de 69 703 $ à titre de dépenses relatives à la construction de la maison. Mohammed Elbadawi a affirmé que cette maison d'une superficie de 2 500 pieds carrés n'aurait jamais pu être construite avec une somme aussi peu élevée. Il a déclaré que les coûts de construction se rapprochaient davantage de 328 000 $, et qu'il en découlait une perte de 122 000 $. Encore une fois, M. Elbadawi n'a pas produit de documents étayant ses affirmations.

 

[17]        Pendant l'année 2000, Mohammed Elbadawi est également devenu l'associé d'Ahmed Ellababidi, et, ensemble, ils ont constitué Tacona en société. Tacona a construit des maisons situées au 29, chemin Harrison et au 6, avenue Windham, cette dernière maison étant par la suite devenue la résidence principale de M. et Mme Elbadawi. Il semble que les fonds de Tacona aient circulé de la même manière que dans le cas des autres sociétés. Des problèmes ont opposé les deux associés, ce qui a donné lieu à un autre litige. En 2002, Ahmed Ellababidi a obtenu une ordonnance du tribunal aux termes de laquelle tous les comptes de Mohammed Elbadawi, y compris ceux de Tacona, de 526 Ontario et de Mobilsa, devaient être gelés. Tous ces comptes étant gelés, les activités commerciales ont essentiellement cessé. Hanni Elbadawi n'était plus à l'aise avec l'idée de demeurer administratrice de 526 Ontario, et elle a présenté sa démission en décembre 2002. Mohammed Elbadawi a remplacé sa femme en tant que seul administrateur de la société. Le ministre a plus tard inclus 50 % des revenus d'entreprise tirés de la construction et de la vente de maisons bâties par 526 Ontario dans les revenus de Hanni Elbadawi.

 

[18]        Du fait du litige qui l'opposait à son associé en affaires, Mohammed Elbadawi a transféré ses activités commerciales de ces sociétés à Salico, qui était restée inactive depuis l'époque du litige entourant le projet Cleopatra. Quand cela s'est produit, M. Elbadawi participait à deux projets de construction, la maison de la rue Wedgewood, dont 526 Ontario s'occupait, et la maison située au 19, rue Blithfield, dont Mobilsa s'occupait. Il a demandé à ces clients de faire leurs paiements à Salico, de manière à ce qu'il puisse finir leur maison.

 

[19]        Mobilsa a signé le contrat de construction de la maison située rue Blithfield le 10 septembre 2002, pour un prix contractuel initial de 350 000 $. Les revenus nets tirés de la construction de la maison de la rue Blithfield, qui s'élevaient à 13 375,35 $ en 2002 et à 19 191,81 $ en 2003, ont été inclus dans le calcul des revenus personnels de Waleed Elbadawi, en partant du principe qu'il était tout à la fois administrateur et actionnaire de Mobilsa, bien que l'achat et la vente aient été faits par Mobilsa.

 

[20]        La dernière maison visée par la cotisation établie était la maison située au 8, rue Malabar. Encore une fois, les revenus d'entreprise tirés de la vente de cette maison ont été inclus dans les revenus personnels de Waleed Elbadawi, parce que cette maison a été achetée et vendue en son nom personnel. La maison a été vendue en 2003 au prix de 1 330 000 $, et, selon les conclusions du vérificateur, la cotisation établie à l'égard de Waleed Elbadawi faisait état de revenus nets de 150 601,52 $.

 

[21]        Pour les trois appelants, l'ARC a conclu qu'ils avaient chacun reçu des revenus d'entreprise non déclarés de ces sociétés, et que les sociétés leur avaient conféré des avantages non déclarés, du fait de leurs rôles d'employé, de dirigeant ou d'actionnaire. Par conséquent, on a inclus des revenus non déclarés dans les revenus de M. et de Mme Elbadawi relativement à des contrats de construction qui ont été exécutés par 526 Ontario, soit 14 610 $, 128 477 $ et 78 322 $ pour 2000, 2001 et 2002, respectivement, tandis qu'on a inclus des revenus non déclarés de 13 375 $ et de 169 793 $ pour 2002 et 2003, respectivement, dans les revenus de Waleed Elbadawi. Des avis de nouvelle cotisation ont été établis le 19 août 2005. Le 5 mars 2008, Mohammed Elbadawi, en sa qualité d'administrateur de 526 Ontario et de Tacona, a plaidé coupable à des accusations criminelles d'évasion fiscale, qui avaient été déposées contre lui parce qu'il n'avait pas déclaré la TPS/TVH à l'égard des maisons que les sociétés avaient construites. Les accusations au titre de la Loi de l'impôt sur le revenu ont été retirées, tout comme les accusations déposées contre Waleed Elbadawi et Mobilsa.

 

Les questions en litige

 

[22]        Les questions à trancher comportent deux volets :

 

(1)     Les revenus non déclarés qui ont été inclus dans les revenus de chaque appelant sont‑ils juridiquement attribuables à l'appelant en question?

 

(2)     Les sommes qui ont été incluses dans les revenus de chaque appelant sont‑elles exactes?

 

Analyse relative à Mohammed Elbadawi

 

[23]        En ce qui a trait à l'appel de Mohammed Elbadawi, l'ARC a inclus dans les revenus de M. Elbadawi 50 % des revenus que 526 Ontario a tirés de la construction et de la vente des maisons situées rues Wedgewood, Forest Grove et Cynthia. L'intimée a avancé trois hypothèses de fait qui étaient pertinentes à cet égard :

 

[TRADUCTION]

 

8.         [...]

 

a)         l'appelant était administrateur et actionnaire de 1337526 Ontario Inc. (« Ontario Inc. »);

 

[...]

 

i)          les sociétés n'ont pas déclaré de revenus d'entreprise ou de taxe sur les produits et services/taxe de vente harmonisée (« TPS/TVH ») exigible à l'égard de la vente des sept maisons;

 

j)          l'appelant a reçu des revenus d'entreprise s'élevant à 14 610 $, à 128 477 $ et à 78 322 $ pendant les années d'imposition 2000, 2001 et 2002, respectivement, pour la vente des maisons construites et vendues par Ontario Inc. et Tacona;

 

[...]

 

Au cours de l'audience, l'intimée a concédé le fait que, en ce qui a trait à l'alinéa 8j) des hypothèses reproduites ci‑dessus, elle abandonnait Tacona, étant donné que ce n'était pas pertinent.

 

[24]        Toute hypothèse de fait selon laquelle on attribuerait des revenus à un actionnaire pour la seule raison que la société a gagné ces revenus contreviendrait aux exigences définies au paragraphe 29 de l'arrêt Canada c. Anchor Pointe Energy Ltd., 2007 CAF 188, [2008] 1 R.C.F. 839 :

 

[29]      L'équité exige que les faits allégués comme hypothèses soient complets, précis, exacts et énoncés de façon honnête et franche afin que le contribuable sache bien clairement ce qu'il devra prouver : Canada c. Anchor Pointe Energy Ltd., au paragraphe 23; Holm c. Canada; Canada c. Loewen, [2004] 4 R.C.F. 3 (C.A.F.), au paragraphe 9; Grant c. Canada, 2003 CAF 77, au paragraphe 18; First Fund Genesis Corp. c. Canada, [1990] 2 C.T.C. 24 (C.F. 1re inst.) aux pages 26 et 27; Shaughnessy c. Canada, [2002] A.C.I. no 91 (QL), au paragraphe 13; Stephen c. Canada, [2001] A.C.I. no 250 (QL), au paragraphe 6.

 

[25]        Conformément aux motifs de l'arrêt Anchor Pointe, le fait de se contenter d'énoncer des hypothèses de fait, comme l'intimée l'a fait aux alinéas 8i) et j), selon lesquelles on a tenu pour acquis que les revenus sont directement passés par la société pour se retrouver chez l'actionnaire ne serait ni assez complet ni assez précis pour que l'appelant sache ce qu'il devra prouver. De telles hypothèses devraient contenir des détails au sujet du moment où l'actionnaire a reçu ces fonds et s'est vu conférer ces avantages de la société ainsi que de la manière dont cela s'est fait. Dans le cas contraire, le fardeau de la preuve serait inversé et il reviendrait au ministre de démontrer que, selon la prépondérance des probabilités, un contribuable a reçu des revenus non déclarés de la société.

 

[26]        Les hypothèses de fait qui ont été énoncées dans les appels relatifs à Mohammed Elbadawi soulignent également que ce dernier s'est servi de 526 Ontario à des fins d'évasion fiscale :

 

[TRADUCTION]

 

8.         [...]

 

k)         l'appelant, W. Elbadawi et les sociétés ont été accusés de fraude fiscale aussi bien au titre de la Loi sur la taxe d'accise, L.R.C. (1985), ch. E‑15, comme modifiée, que de la Loi de l'impôt sur le revenu;

 

l)          les accusations auxquelles il a été fait référence à l'alinéa k) ci‑dessus avaient trait à l'omission de déclarer des revenus d'entreprise et la TPS/TVH exigible sur la vente de sept maisons;

 

m)        le 5 mars 2008 ou vers cette date, l'appelant, en sa qualité d'administrateur d'Ontario Inc., a plaidé coupable à un chef d'accusation d'évasion fiscale au titre de l'alinéa 327(1)c) de la Loi sur la taxe d'accise;

 

o)         les accusations portées contre Ontario Inc., l'appelant, W. Elbadawi et Mobilsa au titre de la Loi de l'impôt sur le revenu ont été retirées, et les accusations portées contre W. Elbadawi et Mobilsa au titre de la Loi sur la taxe d'accise ont été retirées.

 

[27]        L'appelant n'a pas remis en cause ces hypothèses de fait, pas plus qu'il n'a contesté le fait qu'il a plaidé coupable aux accusations d'évasion fiscale qui ont été portées contre lui.

 

[28]        La preuve a corroboré le témoignage de Mohammed Elbadawi selon lequel il était l'âme dirigeante, non seulement de 526 Ontario, mais aussi des autres sociétés apparentées. Bien que d'autres personnes aient été accusées d'évasion fiscale, il a assumé l'entière responsabilité du détournement de fonds lors de la négociation de plaidoyer et il a été tenu pour seul responsable de la conduite frauduleuse. La preuve montre que c'est Mohammed Elbadawi qui a utilisé les revenus gagnés par 526 Ontario, ou qu'on s'est servi de ces revenus conformément à ses directives. M. Elbadawi traitait toutes ses sociétés, y compris 526 Ontario, comme si lui et elles étaient interchangeables. Il n'y avait apparemment pas de ligne de démarcation claire entre lui et ses sociétés. Il y avait certainement un manque de dossiers et de documents à l'appui. Les exemples les plus flagrants sont les paiements qui ont été effectués par la société pour le mariage de son fils ainsi que pour ses soins dentaires. Bien qu'il ait expliqué pourquoi il considérait ces dépenses comme des frais d'entreprise légitimes (comme dans le cas des soins dentaires) ou comme des prêts consentis par la société, on n'a produit aucun dossier pour étayer ces allégations, à l'exception d'un résumé d'une page que l'appelant avait rédigé. La preuve corrobore ma perception, à savoir que les revenus circulaient librement et régulièrement, transitant par 526 Ontario avant de parvenir à M. Elbadawi. On ne m'a pas présenté d'entente de prêt ou d'autres documents juridiques à l'appui qui donneraient à entendre le contraire, et les résumés financiers produits par l'appelant ne précisaient pas quels paiements de 526 Ontario étaient des remboursements de prêt et quels paiements étaient des frais d'entreprise.

 

[29]        Mohammed Elbadawi est une personne instruite, qui a connu beaucoup de succès dans l'industrie de la construction dans la région de Toronto, et ce, pendant de nombreuses années. Il a retenu les services d'avocats et de comptables; pourtant, il semble qu'il n'ait jamais été capable de saisir le principe selon lequel les sociétés sont, en droit, des entités distinctes de leurs actionnaires. Pour qu'une société conserve ce statut distinct, qui lui est conféré par la loi, elle doit agir comme une entité distincte de ceux qui en ont le contrôle effectif, et ces derniers doivent traiter cette société de la même manière. Aussi anodin que cela puisse paraître, il est d'une importance cruciale de tenir des documents comptables en bonne et due forme. La forme importe. Pour que 526 Ontario conserve sa personnalité distincte, de telle sorte que les biens de la société demeurent les biens de la société et ne soient pas conférés aux actionnaires et aux propriétaires majoritaires à titre d'avantages, 526 Ontario a la responsabilité légale de tenir des dossiers corroborant la thèse de l'appelant selon laquelle les revenus non déclarés de la société sont demeurés des biens de la société, et qu'ils ne se sont jamais retrouvés dans les poches de l'appelant en sa qualité d'unique actionnaire.

 

[30]        Je ne dispose que du témoignage intéressé de l'appelant, et de très peu d'autres choses, pour appuyer l'allégation de l'appelant selon laquelle les revenus que 526 Ontario a gagnés n'avaient pas été directement transmis à Mohammed Elbadawi. En l'espèce, l'intimée s'est déchargée du fardeau de la preuve qui avait été inversé, incombant ainsi à la Couronne, et elle a établi que la cotisation du ministre était correcte. N'ayant pas d'éléments de preuve convaincants, Mohammed Elbadawi a été incapable de réfuter les hypothèses de fait, aussi inadéquates qu'elles aient été, selon lesquelles 526 Ontario n'avait été qu'une courroie de transmission, gagnant des revenus et les lui transmettant directement en sa qualité d'actionnaire. Au total, 50 % de ces revenus lui seront par conséquent attribués personnellement, conformément à la cotisation que le ministre a établie à son endroit.

 

[31]        En ce qui a trait à la seconde question en litige, à savoir l'exactitude des sommes qui ont été calculées à titre de revenus, c'est à Mohammed Elbadawi qu'incombe le fardeau de la preuve, et il devrait être en possession des dossiers appropriés qui permettraient à la Cour d'avoir une idée plus claire des revenus reçus et des dépenses engagées. L'ARC a calculé des revenus et des dépenses à l'égard de trois maisons : celle de la rue Cynthia, celle de la rue Forest Grove et celle de la rue Wedgewood. Pour faire modifier le montant qui lui a été attribué à titre de revenus, l'appelant doit prouver soit que les revenus qui ont été calculés à l'égard de ces maisons étaient trop élevés, soit que les dépenses qui ont été calculées étaient trop peu élevées. L'appelant n'a pas contesté les revenus calculés à l'égard de 526 Ontario relativement à la vente de la maison située rue Cynthia, et il n'a pas remis en question les dépenses attribuées à la maison de la rue Cynthia. Toutefois, l'appelant a remis en question le montant des revenus et des dépenses qui ont été calculés à l'égard des maisons de la rue Forest Grove et de la rue Wedgewood.

 

[32]        Le prix prévu au contrat pour la maison de la rue Wedgewood s'élevait initialement à 264 000 $, bien qu'il ressorte de la vérification de l'ARC que l'appelant n'a reçu que 225 000 $, somme dont il a été tenu compte dans la cotisation établie à son égard. Les revenus dont il a été tenu compte dans la cotisation ne font l'objet d'aucune contestation et ils sont corroborés par des copies de bordereaux de dépôt de l'acheteur, par l'historique du compte de 526 Ontario faisant état des chèques établis par l'acheteur ainsi que par le contrat conclu entre les parties. Il n'a été question d'aucun prétendu paiement en argent comptant pour la construction de la maison située rue Wedgewood.

 

[33]        L'appelant a remis en cause les revenus de 987 089,09 $ relatifs à la maison située rue Forest Grove qui ont été calculés à l'égard de 526 Ontario. Quand l'ARC a communiqué avec l'acheteur, Jinli Ding, ce dernier a fourni à l'ARC des copies de calendriers des paiements qu'il avait faits à 526 Ontario, des copies de contrats, des demandes de changements relatifs à des travaux additionnels et des duplicata de chèques. Un certain nombre de paiements ont été effectués en argent comptant et M. Ding a directement fait des paiements de retenue de garantie à des sous‑traitants et à des fournisseurs tiers pour le compte de 526 Ontario, ce que M. Elbadawi a apparemment accepté. Il ressort des notes du vérificateur que les renseignements bancaires et les dossiers qui ont été saisis ont été examinés afin d'isoler les chèques et de s'assurer que les sommes apparaissant sur ceux-ci avaient été déposées dans les comptes appropriés. Les documents figurant sous les onglets 55 et 56 de la pièce R‑4, volume II, comprenaient des copies de ces chèques, des paiements aux tiers et des registres des paiements en argent comptant que M. Ding prétend avoir faits à Mohammed Elbadawi. Ces documents donnent à entendre que M. Ding a versé à 526 Ontario les sommes de 606 216,53 $ par chèques et de 127 500 $ en argent comptant pour honorer son contrat avec la société. Ensuite, il a apparemment versé une somme additionnelle de 329 465,29 $ à l'égard d'options et de demandes de changements. Compte tenu de cela, l'ARC a calculé que Mohammed Elbadawi avait gagné des revenus de 633 046,73 $ sous forme de chèques et de paiements en argent comptant, de 47 532,75 $ sous forme de paiements à l'intention de sous‑traitants et de fournisseurs et de 306 509,62 $ sous forme de paiements effectués par chèque au titre de demandes de changements. M. Elbadawi a déclaré qu'il n'avait pas reçu la somme de 127 500 $ en argent comptant que M. Ding prétend lui avoir versée. M. Elbadawi a soutenu que M. Ding avait inventé cette histoire parce qu'il lui gardait rancune, du fait qu'un litige les opposait.

 

[34]        Bien sûr, la preuve que l'intimée a produite pose problème parce que cette preuve provient en grande partie d'une personne qui n'a pas été appelée à témoigner et que l'appelant n'a donc pas pu contre‑interroger. N'eût été les problèmes de crédibilité qui se posent en l'espèce, j'aurais en temps normal été amenée à me prononcer en faveur de l'appelant. En outre, la preuve documentaire qui m'a été soumise est précise et exhaustive, et certaines observations sont corroborées par des documents bancaires. Aussi, le rapport de vérification confirme que c'est l'ARC qui a communiqué avec M. Ding, et donc que ce n'est pas ce dernier qui a communiqué avec l'ARC afin de se venger de l'appelant. Comme je l'ai dit précédemment, le témoignage de Mohammed Elbadawi était intéressé en grande partie en plus d'être vague et, par moments, évasif et contradictoire. Aucune de ses affirmations n'était étayée par des documents, qu'ils soient de nature financière ou autre, et il n'a pas appelé son comptable à témoigner. Il y avait également des preuves du fait que certains des documents que l'appelant a produits (pièces A‑107 et A‑108) avaient été falsifiés, et qu'une partie des états financiers qui avaient été communiqués au régime de garanties des logements neufs de l'Ontario donnaient une fausse idée de la situation financière de son fils. Quand on l'a interrogé au sujet de ses moyens de subsistance après qu'il eut été déclaré impécunieux, M. Elbadawi a déclaré qu'il avait vendu des biens, y compris des tableaux originaux du Groupe des Sept, mais il s'est ensuite rétracté, affirmant que ces biens appartenaient à sa femme.

 

[35]        L'appelant Mohammed Elbadawi a soutenu que des membres de sa famille avaient prêté d'importantes sommes d'argent à 526 Ontario et que l'ARC avait qualifié ces sommes de revenus à tort. En ce qui a trait aux prétendus prêts intersociétés et aux prêts consentis par l'appelant aux sociétés, M. Elbadawi s'est appuyé sur ces prétendus prêts ainsi que sur [TRADUCTION] l'« interconnexion » de toutes les composantes du groupe de sociétés Sonada pour expliquer la plupart des divergences apparaissant aux dossiers, y compris certains paiements faits par 526 Ontario à son fils, à l'occasion du mariage de ce dernier. La preuve montre que l'argent circulait régulièrement entre Mohammed Elbadawi et la société. Les seuls documents qu'on a produits étaient un résumé d'une page (pièce A-23) et des états financiers non vérifiés. Toutefois, ces documents ne sont pas suffisants pour me permettre d'évaluer correctement ces prétendus prêts et remboursements de manière à calculer un montant.

 

[36]        Chose plus importante encore, M. Bayoumi a expliqué pourquoi ces prêts n'avaient pas de répercussions directes sur la cotisation établie à l'égard de l'appelant. L'ARC a établi une cotisation à l'égard de l'appelant en se fondant sur les revenus qu'il a reçus par le truchement de 526 Ontario, et ces revenus étaient fondés sur l'argent que 526 Ontario a tiré de la construction et de la vente des maisons. Les dépenses ont été calculées en se fondant sur les frais que la société a engagés pour bâtir ces maisons. Comme M. Bayoumi l'a souligné, le fait qu'un des appelants ait prêté de l'argent à la société pour qu'elle mène ses activités commerciales n'aurait pas d'incidence sur les profits ou les pertes de la société.

 

[37]        En raison des problèmes de crédibilité et de l'absence de preuve corroborante, je ne peux pas accorder de poids au témoignage de Mohammed Elbadawi et je reste encline à donner davantage de crédit à la preuve que l'intimée a produite. Dans les circonstances, il convient de préférer le témoignage de M. Bayoumi, qui est maintenant retraité et qui a été assigné à comparaître devant la Cour.

 

[38]        En ce qui a trait aux dépenses, M. Bayoumi a expliqué que la Division des enquêtes de l'ARC avait obtenu 15 boîtes, remplies de milliers de documents, y compris des reçus, des factures et des devis, en effectuant des perquisitions et des saisies au domicile des appelants ainsi qu'au cabinet comptable de Nick De Luca. Bien que l'ARC ait initialement envisagé d'avoir recours à la méthode de l'avoir net pour établir des cotisations à l'égard des appelants, elle a finalement conclu qu'elle disposait de suffisamment de documents pour effectuer la répartition des revenus et des dépenses.

 

[39]        L'appelant a soutenu qu'on avait eu recours à une méthode incorrecte pour établir des cotisations à son endroit et qu'il aurait fallu établir des cotisations fondées sur l'avoir net. Il s'est appuyé sur la décision Schmidt c. La Reine, 2013 CCI 11, dans laquelle le juge Hogan a déclaré que, parmi les diverses méthodes indirectes utilisées pour évaluer les revenus d'un contribuable, la méthode de l'avoir net était la plus précise. L'appelant a par conséquent fait valoir que les cotisations, qui étaient fondées sur une méthode moins précise, étaient incorrectes et non valables. Le juge Hogan a établi une comparaison entre les diverses méthodes indirectes et il en a conclu que, lorsque c'était possible, on devrait préférer la méthode de l'avoir net aux autres méthodes indirectes disponibles. En l'espèce, toutefois, l'ARC a appliqué une méthode directe fondée sur des documents disponibles, qu'elle a obtenus en procédant à des saisies. Par exemple, elle a appliqué les reçus au titre de factures payées par 526 Ontario aux maisons relativement auxquelles les dépenses avaient été engagées. Dans le cas où aucune adresse n'apparaissait sur le reçu, l'ARC s'est alors efforcée d'appliquer la dépense à la maison appropriée ou de répartir la somme en fonction des revenus associés à chaque maison. Il ne s'agissait certes pas d'une méthode parfaite, comme M. Bayoumi l'a reconnu, mais c'est celle qui a fourni les résultats les plus précis dans les circonstances.

 

[40]        Mohammed Elbadawi a également soutenu que l'ARC n'avait pas attribué suffisamment de dépenses aux maisons de la rue Forest Grove et de la rue Wedgewood, parce que la taille et la qualité des maisons faisaient en sorte qu'il n'aurait jamais été possible de les construire pour les frais que l'ARC a attribués à chacune d'elles. Bien que cet argument ait pu être valable jusqu'à un certain point compte tenu de la preuve, on n'a jamais produit de documents faisant état des dépenses dont la déduction a été refusée, malgré des demandes répétées à cette fin. En l'absence de documents à l'appui, il ne suffisait pas que l'appelant affirme que le montant des dépenses dont l'ARC a accepté la déduction était en deçà des normes de l'industrie pour la construction de maisons similaires.

 

[41]        Après que la vérification initiale de l'ARC fondée sur les documents saisis a été terminée, Mohammed Elbadawi a soumis d'autres documents à l'ARC, dans l'espoir qu'ils corroboreraient l'existence de dépenses additionnelles (pièce A‑103). Quand l'ARC a examiné ces documents, un certain nombre de problèmes ont été mis au jour. L'ARC a découvert que certaines factures n'avaient jamais été payées, que certaines étaient des doubles, que certaines avaient été payées directement par M. Ding, propriétaire de la maison, et que d'autres avaient bien été payées mais que le chèque avait été renvoyé pour provision insuffisante. Certaines factures avaient bien été payées, mais la tierce partie, sous‑traitant ou fournisseur, n'a pas pu confirmer l'identité de la personne qui avait en fait payé ces factures. Dans les circonstances, l'ARC a accepté que les factures correspondaient à des frais payés par 526 Ontario, mais seulement en ce qui a trait aux procédures criminelles en matière d'évasion fiscale, où le fardeau de la preuve est plus lourd qu'en matière civile. Étant donné que le fardeau de la preuve qui incombe à l'ARC en matière criminelle exige qu'elle prouve au‑delà de tout doute raisonnable que 526 Ontario n'a pas payé les factures, dans les cas où la facture a été payée et où l'ARC a été incapable de prouver qui l'avait payée, l'ARC a admis ces dépenses dans le contexte de la poursuite criminelle. Toutefois, l'ARC a clairement fait savoir à l'appelant que de telles factures ne seraient pas acceptées dans l'instance civile devant la Cour, où il incombait à Mohammed Elbadawi d'établir une preuve prima facie de l'identité de la personne qui avait payé ces dépenses, et il a été incapable de se décharger de ce fardeau de la preuve. Il n'a produit aucun document établissant qui avait payé ces factures. Cela était tout particulièrement pertinent compte tenu de la preuve donnant à entendre que c'était en fait M. Ding qui avait payé un grand nombre des factures dont l'appelant a demandé à déduire le montant.

 

[42]        Pour finir, Mohammed Elbadawi a affirmé qu'il avait perdu 233 000 $ du fait des pertes prétendument subies par Tacona, et qu'il convient de réduire la cotisation établie à son égard du montant de ces pertes. Cela est tout simplement incorrect pour plusieurs raisons. Premièrement, on ne m'a pas fourni d'élément de preuve établissant le montant de ces pertes, et deuxièmement, même si Tacona a subi ces pertes, celles‑ci ne sont pas attribuables à Mohammed Elbadawi, vu qu'il est une entité distincte de Tacona.

 

Analyse relative à Hanni Elbadawi

 

[43]        La réponse à la première question qui se pose à l'égard de cette appelante est non. Les revenus qui ont été calculés dans la cotisation établie à l'endroit de Hanni Elbadawi, à savoir 50 % des revenus gagnés par 526 Ontario, ne lui sont pas attribuables personnellement d'un point de vue juridique.

 

[44]        Les deux seules hypothèses de fait pertinentes dont il est fait état dans la réponse à l'avis d'appel de l'appelante étaient les suivantes :

 

[TRADUCTION]

 

8.         [...]

 

a)         l'appelante était administratrice et actionnaire de 1337526 Ontario Inc. (« Ontario Inc. »);

 

[...]

 

j)          l'appelante a reçu des revenus d'entreprise de 14 610 $, de 128 477 $ et de 78 322 $ pendant les années d'imposition 2000, 2001 et 2002, respectivement, relativement à la vente de maisons qu'Ontario Inc. et Tacona ont construites et vendues;

 

[...]

 

[45]        Premièrement, il n'y avait aucun élément de preuve permettant de conclure que Hanni Elbadawi ait jamais été actionnaire de 526 Ontario. Tous les appelants ont affirmé qu'elle n'avait jamais été actionnaire et Hanni Elbadawi a déclaré qu'en 1999, elle avait accepté de devenir administratrice de 526 Ontario, qui venait d'être constituée en société, à la condition qu'elle n'ait à participer en aucune manière aux activités commerciales de la société. Elle a affirmé que 526 Ontario avait été constituée en société à l'époque où son mari était partie au litige relatif au projet Cleopatra. Cette société lui a permis de poursuivre ses activités commerciales sans crainte de voir ses comptes gelés. À la fin de 2002, quand tous les comptes de Mohammed Elbadawi et de ses sociétés apparentées se sont retrouvés gelés par suite d'une ordonnance de la cour, elle n'a plus voulu [TRADUCTION] « être mêlée, même sur papier, à cette société, que ce soit sur papier ou autrement. J'ai alors démissionné. » (Transcription, 21 mars 2014, page 693.) Les états financiers non vérifiés pour les périodes qui ont pris fin les 31 décembre 2002 et 31 décembre 2003 (pièces A‑54 et A‑55, respectivement) donneraient aussi à entendre qu'elle n'était pas actionnaire. Compte tenu des faits dont j'ai été saisie, j'accepte le fait que l'appelante n'a jamais été actionnaire de 526 Ontario. L'hypothèse 8a) n'est par conséquent correcte qu'en partie, et on ne peut donc pas inclure des avantages dans les revenus personnels de l'appelante, en sa qualité d'actionnaire de 526 Ontario.

 

[46]        Étant donné qu'il n'y a absolument aucun élément de preuve donnant à entendre qu'elle ait jamais été une employée, est‑il possible de considérer les revenus non déclarés comme un avantage qui lui aurait été conféré en sa qualité d'administratrice de la société, comme le prévoit l'article 6? L'alinéa 8j) des hypothèses est entaché d'erreur pour plusieurs raisons. Premièrement, cette hypothèse n'est pas suffisamment détaillée et elle ne satisfait pas aux déclarations formulées dans l'arrêt Anchor Pointe. Les hypothèses doivent contenir des déclarations suffisamment précises et exactes, de telle manière que le contribuable sache exactement ce qu'on prétend et, par conséquent, qu'il connaisse le fardeau qui lui incombe à l'audience. À l'alinéa 8j), on formule simplement l'hypothèse selon laquelle le revenu d'entreprise tiré de la vente des maisons s'est retrouvé entre les mains de l'appelante d'une manière ou d'une autre. En l'absence de détails précis relatifs à la réception de cet argent par l'appelante, l'hypothèse de fait ne satisfait pas à l'exigence d'exhaustivité et de précision, et cela fait en sorte que le fardeau de la preuve est inversé et incombe maintenant à l'intimée. Bien qu'il ait été fait état des mêmes hypothèses de fait relatives aux accusations d'évasion fiscale dans la réponse à l'avis d'appel de l'appelante, cette dernière n'a jamais été accusée personnellement ou mêlée à ces accusations d'une quelconque manière. Il est clair que 526 Ontario est le contribuable. L'avocate de l'intimée a admis ce fait lors de sa plaidoirie :

 

[TRADUCTION]

 

[...] C'est la société qui a gagné l'argent. La société n'a pas déclaré cet argent. [...]

 

(Transcription, 27 juin 2014, à la page 56)

 

À la page 57 des observations du même jour, elle a fait la déclaration suivante en ce qui concerne l'appel interjeté par Hanni Elbadawi :

 

[TRADUCTION]

 

[...] Mme Hanni Elbadawi était clairement administratrice jusqu'en décembre 2002. Qu'on établisse des cotisations à leur endroit à titre d'administrateurs ou d'actionnaires, le mécanisme importe peu. Le fait est que les affaires des sociétés et des membres de la famille étaient si entremêlées qu'il est impossible d'établir avec certitude ce qui s'est passé. [...]

 

[Non souligné dans l'original.]

 

Cette déclaration est tout simplement erronée, et c'est d'autant plus vrai que différentes dispositions de la Loi s'appliqueraient, selon que la cotisation est établie à l'égard d'un actionnaire, d'un employé ou d'un administrateur, et qu'on a par ailleurs omis de formuler les hypothèses susceptibles d'étayer cette déclaration. Ce qu'on a appelé le [TRADUCTION] « mécanisme » importe bel et bien, notamment quand l'intimée a commis une erreur en formulant l'hypothèse selon laquelle Hanni Elbadawi était actionnaire et n'a pas invoqué, dans les hypothèses de fait, les détails qui établiraient clairement la thèse que l'appelante doit réfuter. Les actes de procédure de l'intimée n'incluent aucune autre hypothèse selon laquelle on attribue les revenus de 526 Ontario à l'appelante. Les actes de procédure incluent bien divers motifs d'attribution des revenus à l'appelante, sous l'intitulé [TRADUCTION] « Moyens invoqués et conclusions recherchées », à savoir que 526 Ontario a conféré le revenu qui a été calculé dans les cotisations en cause à Hanni Elbadawi en sa qualité d'employée ou de dirigeante, et à titre subsidiaire, qu'elle s'est vu conférer les avantages en cause à titre d'avantages à l'actionnaire. Toutefois, l'intimée n'a avancé aucun argument au sujet de la manière dont l'appelante a prétendument reçu les avantages, du moment où cela se serait produit ou de la nature de ces avantages.

 

[47]        Dans l'arrêt Hickman Motors Ltd. c. Canada, [1997] 2 R.C.S. 336, au paragraphe 92, la Cour suprême du Canada s'est ainsi exprimée :

 

[...] En établissant des cotisations, le ministre se fonde sur des présomptions : (Bayridge Estates Ltd. c. M.N.R., 59 D.T.C. 1098 (C. de l'É.), à la p. 1101), et la charge initiale de « démolir » les présomptions formulées par le ministre dans sa cotisation est imposée au contribuable (Johnston c. Minister of National Revenue, [1948] R.C.S. 486; Kennedy c. M.R.N., 73 D.T.C. 5359 (C.A.F.), à la p. 5361). Le fardeau initial consiste seulement à « démolir » les présomptions exactes qu'a utilisées le ministre, mais rien de plus : First Fund Genesis Corp. c. La Reine, 90 D.T.C. 6337 (C.F. 1re inst.), à la p. 6340.

 

[48]        La preuve a établi que Hanni Elbadawi était l'administratrice de 526 Ontario pendant les années en cause. Elle travaillait comme agente immobilière et gagnait ses propres revenus. Toutefois, il n'y a aucun élément de preuve montrant qu'elle s'est vu personnellement conférer des avantages à titre d'employée ou de dirigeante de la société, même si on avait formulé des hypothèses de fait adéquates. Il est clair que l'argent circulait entre ces sociétés, et la preuve a montré que Mohammed Elbadawi avait utilisé l'argent de 526 Ontario pour payer certaines dépenses personnelles de la famille. Toutefois, les dépenses de la famille, auxquelles la preuve renvoie, avaient trait à des soins dentaires qui, aux dires de Mohammed Elbadawi, avaient découlé d'un accident lié au travail, et au mariage du fils, Ezzat Elbadawi. Il n'y a aucune preuve du fait que l'appelante s'est personnellement vu conférer quelque avantage que ce soit.

 

[49]        Pour résumer, Hanni Elbadawi n'était ni une employée ni une actionnaire de 526 Ontario, et, par conséquent, elle ne pouvait pas se voir conférer d'avantages en sa qualité d'employée ou d'actionnaire. La réponse à l'avis d'appel ne contenait pas d'hypothèses de fait détaillées selon lesquelles l'appelante s'est vu conférer des avantages à titre d'administratrice, et l'intimée n'a pas non plus produit d'éléments de preuve justifiant cette conclusion. L'intimée ne s'est pas déchargée du fardeau de la preuve qui lui incombait et elle n'est pas parvenue à me convaincre que 50 % des revenus gagnés par 526 Ontario étaient attribuables à Hanni Elbadawi personnellement, du fait qu'elle exerçait les fonctions d'administratrice de 526 Ontario. La preuve montre que l'appelante n'a exercé les fonctions d'administratrice qu'en théorie, alors que son mari continuait d'être la seule âme dirigeante de la société.

 

[50]        Les appels sont par conséquent accueillis, et les dépens sont adjugés à l'appelante, Hanni Elbadawi.

 

Analyse relative à Waleed Elbadawi

 

[51]        Dans la cotisation établie à l'égard de cet appelant, on a calculé qu'il avait tiré des revenus d'entreprise de 13 375 $ en 2002 et de 169 793 $ en 2003 de la vente de maisons situées rues Malabar et Blithfield. On a inclus dans ses revenus personnels le revenu d'entreprise tiré de la vente de la maison située rue Malabar parce que cette maison a été achetée et vendue en son nom propre. On a également inclus dans ses revenus personnels le revenu tiré de la vente de la maison située rue Blithfield, que Mobilsa a achetée et vendue.

 

[52]        Waleed Elbadawi a acheté la maison située rue Malabar en mars 2002 en son nom propre (pièce R‑4, onglet 25). La maison qui se trouvait à l'origine sur le terrain a été démolie et une nouvelle maison a été construite. La maison a été vendue en juin 2003. Selon les conclusions du vérificateur, l'appelant a reçu des revenus nets de 150 601,52 $ (pièce R‑4, onglet 8).

 

[53]        Essentiellement, l'appelant affirmait qu'il avait acheté le bien‑fonds en fiducie pour le compte de Mobilsa et que c'était son père, Mohammed Elbadawi, qui avait supervisé le projet de construction de la maison. Il y a certainement des preuves du fait que Mobilsa a pris part à ce projet et que Mohammed Elbadawi l'a géré. Par exemple, c'est Mohammed Elbadawi qui a présenté le permis de construire, à titre de dirigeant‑employé de Mobilsa (pièce R‑4, onglet 14). Dans les états financiers non vérifiés de Mobilsa, il est également fait état de la maison située rue Malabar en tant qu'élément d'actif de la société (pièce A‑29).

 

[54]        Toutefois, tous les éléments de preuve qui corroboreraient par ailleurs la thèse de l'appelant se trouvent annulés par les éléments de preuve dont j'ai été saisie relativement à la fiducie qui a prétendument eu pour effet de transférer la propriété bénéficiaire de ce bien‑fonds à Mobilsa. La preuve selon laquelle Waleed Elbadawi a bien conclu un acte de fiducie à l'égard de ce bien‑fonds est suspecte, au mieux. Aucun acte de fiducie n'a été produit en preuve. Mohammed Elbadawi a affirmé qu'il avait dit à son fils de conclure l'acte de fiducie avec Mobilsa, et que l'acte avait été laissé aux bons soins de M. De Luca, leur comptable. J'ai été saisie de deux versions d'une directive que Waleed Elbadawi aurait conclue. Mohammed Elbadawi a prétendument donné cette directive à Karen Markham, gestionnaire d'une société de prêts hypothécaires résidentiels, pour l'informer que son fils, Waleed, agissait à titre de fiduciaire dans l'affaire (pièce A‑107). Toutefois, quand on m'a présenté une copie de ce document au cours de l'audience, semble‑t‑il par inadvertance, ma copie du document ne faisait en aucune manière référence au fait que Waleed Elbadawi agissait à titre de fiduciaire (pièce A‑108) à l'égard de ce bien‑fonds, et il était plutôt fait référence à Waleed Elbadawi en tant que seul propriétaire et bénéficiaire. La pièce A‑111, une directive relative au versement de fonds, comprenait une note selon laquelle Waleed Elbadawi signait ce document à titre de fiduciaire pour la maison située rue Malabar, mais Waleed Elbadawi a déclaré qu'il lui semblait que l'écriture figurant sur cette note était celle de son père. Cela porte à se demander si Mohammed Elbadawi a ajouté cette note pour les besoins du présent litige.

 

[55]        Il est également intéressant de souligner qu'il n'est pas fait mention de cette prétendue fiducie dans l'avis d'appel, et que, dans son avis d'opposition, l'appelant a laissé entendre que la maison située rue Malabar était sa résidence principale (pièce R‑4, onglet 30). Pour expliquer ces divergences, ainsi que d'autres contradictions dans les documents, l'appelant a déclaré que c'était son père, Mohammed Elbadawi, qui avait préparé les documents et qu'il s'était contenté de suivre les directives de son père quand il les avait signés. Selon la perception que j'ai eue des témoignages et de l'interaction des trois appelants au cours de l'audience, mon « intuition » me porte à croire que c'est Mohammed Elbadawi qui dirigeait les actions de son fils à l'égard de l'acquisition et de la vente de cette maison. Toutefois, une « intuition » ne constitue pas une raison suffisante pour tirer cette conclusion quand je dispose d'éléments de preuve documentaire corroborant la thèse diamétralement opposée.

 

[56]        La maison située rue Malabar a été achetée et enregistrée par Waleed Elbadawi en son nom propre. Ce dernier a vendu la maison et en a transféré la propriété à l'acheteur. Il n'y a aucun élément de preuve montrant que Mobilsa a reçu l'argent tiré de la vente. La preuve dont j'ai été saisie ne corrobore pas la prétention de l'appelant lorsqu'il affirme qu'il détenait ce bien‑fonds en fiducie pour le compte de Mobilsa. Par conséquent, les revenus nets tirés de la vente de cette maison sont ceux de son propriétaire juridique, Waleed Elbadawi, et non ceux de Mobilsa.

 

[57]        En ce qui a trait à l'exactitude de la somme calculée au titre des revenus, les dossiers qui ont été tenus à l'égard de la maison située rue Malabar semblaient complets et faisaient état de comptes mensuels détaillés. L'ARC a refusé la déduction de très peu des dépenses étayées dans les ordinateurs qu'elle a saisis. Étant donné qu'on n'a produit aucun élément de preuve donnant à entendre que le calcul des dépenses était inexact ou incomplet, rien ne justifie qu'on modifie la somme qui a été calculée à l'égard de la vente de la maison située rue Malabar.

 

[58]        Les circonstances relatives à la maison située rue Blithfield sont entièrement différentes des circonstances relatives à la maison située rue Malabar. C'est Mobilsa qui a signé le contrat en vue de la construction de la maison située rue Blithfield en septembre 2002. Les revenus tirés de la vente de cette maison ont été inclus dans les revenus personnels de Waleed Elbadawi, soit 13 375,35 $ pour 2002 et 19 191,81 $ pour 2003. La cotisation était essentiellement fondée sur deux hypothèses de fait :

 

[TRADUCTION]

 

8.         [...]

 

d)         l'appelant était administrateur et actionnaire de Mobilsa Design / Build Inc. (« Mobilsa »);

 

[...]

 

j)          l'appelant a reçu des revenus d'entreprise de 13 375 $ et de 169 793 $ pendant les années d'imposition 2002 et 2003, respectivement, relativement à la vente des maisons construites par Mobilsa et l'appelant;

 

[...]

 

[59]        L'alinéa 8d) des hypothèses n'est qu'en partie exact, étant donné que l'appelant n'était pas actionnaire de Mobilsa. J'accepte le témoignage de l'appelant sur ce point, et il n'y avait rien dans les documents ou dans les témoignages qui appuie une conclusion différente. Étant donné qu'il n'était pas actionnaire de Mobilsa, il est inexact de supposer que Waleed Elbadawi a tiré des revenus d'entreprise de la vente de la maison située rue Blithfield à ce titre. L'alinéa 8j) des hypothèses n'est ni suffisamment complet ni suffisamment détaillé en ce qui concerne le moment auquel ces revenus sont passés des mains de la société à celles de l'appelant et la manière dont cela se serait fait. Aucune autre hypothèse n'attribue personnellement à Waleed Elbadawi les revenus tirés de la vente de la maison située rue Blithfield. En l'absence de telles hypothèses détaillées, le fardeau de la preuve est inversé et il incombe alors à l'intimée de produire suffisamment d'éléments de preuve montrant l'acheminement des fonds à l'appelant. Cela n'a pas été fait.

 

[60]        Dans sa réponse, l'intimée a présenté à titre subsidiaire des arguments similaires à ceux qu'elle a présentés dans les appels relatifs à Hanni Elbadawi. Toutefois, les actes de procédure ne contenaient aucune hypothèse de fait détaillée au sujet des avantages qui auraient été conférés à l'appelant en tant qu'employé ou de dirigeant de Mobilsa. Tout comme c'était le cas dans les appels de Hanni Elbadawi, c'est à l'intimée qu'il revient par conséquent d'établir que Waleed Elbadawi s'est vu conférer des avantages par Mobilsa. L'appelant en était l'administrateur pendant la période en cause, et certains éléments de preuve ont montré qu'il lui arrivait à l'occasion de recevoir 500 $ pour des travaux autour des maisons. Toutefois, l'intimée n'a pas établi, selon la prépondérance des probabilités, qu'un paiement particulier fait par Mobilsa à Waleed Elbadawi constituait un avantage personnel conféré à lui, par opposition à une indemnité pour du travail effectué de manière ponctuelle pour le compte de Mobilsa et des autres sociétés. Le père de l'appelant, Mohammed Elbadawi, a toujours gardé le plein contrôle des activités commerciales de Mobilsa. Il ressort de la preuve que Waleed Elbadawi n'avait aucun pouvoir, que ce soit en sa qualité d'administrateur ou à un autre titre, sur les biens et les revenus de Mobilsa. Les raisons pour lesquelles on a au départ établi des cotisations à l'égard de Waleed Elbadawi, et non à l'égard de Mohammed Elbadawi, sont restées nébuleuses. Bien que l'intimée ait accordé une grande importance au fait que Waleed Elbadawi ait comparu devant le tribunal administratif en matière de garanties des logements neufs, à titre de représentant de Mobilsa, je crois que sa comparution et les gestes qu'il a posés dans ce contexte découlaient des directives que son père lui avait données. Bien qu'il ait été fait état des mêmes hypothèses de fait relatives aux accusations d'évasion fiscale dans la réponse à l'avis d'appel de l'appelant, toutes les accusations à l'égard de l'appelant et de Mobilsa ont été retirées.

 

[61]        Pour des raisons similaires à celles dont il a été question dans les appels de Hanni Elbadawi, les revenus que Mobilsa a tirés de la vente de la maison située rue Blithfield ne seront pas attribuables à Waleed Elbadawi personnellement. Étant donné que ces revenus ne sont pas attribuables à Waleed Elbadawi personnellement, le montant des revenus qui lui ont été attribués n'est pas pertinent.

 

[62]        Étant donné que le succès est partagé, et compte tenu des problèmes que posaient les actes de procédure de l'intimée, aucuns dépens ne seront adjugés.

 

Conclusion

 

[63]        Les appels de Mohammed Elbadawi sont rejetés. C'est à juste titre que le ministre a inclus 50 % des revenus non déclarés de 526 Ontario dans le calcul de ses revenus, étant donné qu'il a reçu des avantages à titre d'actionnaire, comme le prévoit le paragraphe 15(1) de la Loi. Conformément à la demande de l'intimée, je donne à l'intimée et à l'appelant, Mohammed Elbadawi, 60 jours à compter de la date des présents motifs pour produire des observations écrites relatives aux dépens de ces appels.

 

[64]        Les appels de Hanni Elbadawi sont accueillis, avec dépens. Les hypothèses de fait étaient inadéquates. L'appelante n'était ni une employée, ni une actionnaire, ni l'âme dirigeante de 526 Ontario, et aucun élément de preuve n'a montré qu'on avait conféré à celle‑ci des avantages en sa qualité d'administratrice. Aucun élément de preuve n'a montré que 526 Ontario lui avait conféré des avantages personnellement.

 

[65]        Les appels de Waleed Elbadawi sont accueillis en partie. Étant donné qu'on ne dispose d'aucune preuve de l'existence de la prétendue fiducie relative à la maison de la rue Malabar, et étant donné que l'appelant s'est personnellement occupé de l'achat et de la vente de cette maison, et jamais à titre de mandataire ou de fiduciaire de Mobilsa, les revenus nets qui en ont découlé sont les revenus personnels de l'appelant. Toutefois, en ce qui a trait à la maison de la rue Blithfield, parce qu'il n'était pas actionnaire de Mobilsa, mais seulement administrateur de cette société, parce qu'on a négligé de décrire avec suffisamment de détails, dans les hypothèses de fait, quand et comment Mobilsa aurait conféré les avantages à l'appelant, et parce que l'intimée n'est pas parvenue à produire des éléments de preuve corroborant le fait que la société a conféré des avantages à Waleed Elbadawi, à titre d'employé ou d'administrateur, les revenus nets que Mobilsa a tirés de la vente de la maison située rue Blithfield sont ceux de Mobilsa, et non ceux de l'appelant. L'appelant, tout comme sa mère, n'a occupé les fonctions d'administrateur que sur papier, et c'est Mohammed Elbadawi qui continuait d'être l'âme dirigeante de la société.

 

Signé à Summerside (Île‑du‑Prince‑Édouard), ce 27e jour d'août 2014.

 

 

« Diane Campbell »

La juge Campbell

 

 

Traduction certifiée conforme

ce 12e jour de décembre 2014.

 

 

 

Yves Bellefeuille, réviseur

 


RÉFÉRENCE :

2014 CCI 259

 

NOS DES DOSSIERS DE LA COUR :

2010-394(IT)G

2010-538(IT)G

2010-539(IT)G

 

INTITULÉ :

Waleed Elbadawi, Mohammed S. Elbadawi et Hanni Elbadawi c. Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L'AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATES DE L'AUDIENCE :

Les 17, 18, 19, 20 et 21 mars 2014 et les 23, 24, 25, 26 et 27 juin 2014

 

MOTIFS DU JUGEMENT :

L'honorable juge Diane Campbell

 

DATE DU JUGEMENT :

Le 27 août 2014

 

COMPARUTIONS :

 

Pour les appelants :

Les appelants eux‑mêmes

Avocats de l'intimée :

Me Dominique Gallant

Me Gregory King

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Pour les appelants :

 

Nom :

 

 

Cabinet :

 

 

Pour l'intimée :

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 

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