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Dossier : 2012‑4575(GST)I

ENTRE :

ZILA BERKOVICH,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu le 14 février et le 26 mars 2014,

à Toronto (Ontario).

Devant : L’honorable juge  K. Lyons


Comparutions :

Avocat de l’appelante :

Me Adam Serota

Avocate de l’intimée :

Me Lindsay Beelen

 

JUGEMENT

L’appel interjeté à l’encontre de la cotisation datée du 3 août 2011 concernant un remboursement de TPS/TVH pour habitation neuve demandé au titre de la Loi sur la taxe d’accise est rejeté, conformément aux motifs du jugement ci‑joints.

Signé à Toronto (Ontario), ce 8e jour de septembre 2014.

« K. Lyons »

Juge Lyons

Traduction certifiée conforme

ce 22e jour de février 2016.

S. Tasset


Référence : 2014 CCI 268

Date : 20140908

Dossier : 2012‑4575(GST)I

ENTRE :

ZILA BERKOVICH,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]


MOTIFS DU JUGEMENT

La juge Lyons

[1]             Il s’agit d’un appel interjeté à l’encontre d’une cotisation établie en vertu de la Loi sur la taxe d’accise (la « Loi ») concernant le remboursement de TPS/TVH pour habitation neuve (le « remboursement »).

[2]             Zila Berkovich, l’appelante, et Vladimir Khaimsky (« ils ») ont conclu une convention modifiée (la « convention ») pour acheter un condominium neuf qui devait être construit au 38 The Esplanade, logement 213, à Toronto (le « logement »). L’appelante a présenté une demande de remboursement au titre du logement, qui a été refusée. Le ministre du Revenu national a refusé le remboursement au motif que le logement n’a pas été acquis pour servir de lieu de résidence habituelle.

[3]             La seule question en litige est celle de savoir si, au moment où ils ont signé la convention, ils achetaient le logement avec l’intention de l’utiliser comme lieu de résidence habituelle[1].

[4]             Si c’est le cas, l’appel sera accueilli et l’appelante aura droit au remboursement. Dans le cas contraire, l’appel sera rejeté.

[5]             L’appelante elle‑même, M. Khaimsky et Alfred Berkovich, le fils de l’appelante (« Alfred »), ont témoigné pour le compte de celle‑ci. Mme Shortt, une vérificatrice de l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC »), a témoigné pour l’intimée. 

I. Faits

[6]             L’appelante est âgée de 65 ans et est une agente immobilière inscrite depuis 25 ans. Elle travaille pour Remax, à un bureau situé au 185, avenue Finch, à Toronto.

[7]             M. Khaimsky est âgé de 72 ans et est le conjoint de fait de l’appelante depuis 17 ans. Avant de subir un accident du travail à la jambe en février 2009, il travaillait comme installateur pour Proline, à la croisée des autoroutes 7 et 27, à Toronto, à 20 km de son foyer sur le chemin Rockford. Le trajet en voiture entre son foyer et son lieu de travail pouvait durer une heure et demie en après‑midi et 40 minutes le matin.

La maison du chemin Rockford

[8]             Depuis 1997, l’appelante vivait avec M. Khaimsky et Alfred sur le chemin Rockford, à Toronto (la « maison du chemin Rockford »). Il s’agit d’une maison unifamiliale située au nord de l’autoroute 401. Avant cela, l’appelante avait habité la maison du chemin Rockford pendant plusieurs années avec son ancien époux et ses enfants.

Le logement

[9]             L’appelante a déclaré dans son témoignage qu’elle [traduction] « se baladait » dans le quartier où le complexe de condominiums The Esplanade est situé et qu’elle était [traduction] « tombée amoureuse » du logement modèle qu’elle avait vu. M. Khaimsky aimait la marina, le lac et le loft. Ils aimaient le voisinage, la proximité du centre‑ville et le mode de vie en condominium.

[10]        Dans son témoignage, M. Khaimsky a indiqué que, quelques années avant l’achat du logement, ils avaient discuté de la perspective d’acheter un nouveau foyer ensemble. Cela n’était pas toutefois un objectif défini parce qu’il travaillait à temps plein. Il a déclaré que tout le monde vivait dans un condominium à l’approche de la retraite. Ils se promenaient sur le bord de l’eau lorsqu’ils ont vu un panneau‑réclame et un bureau des ventes dans lequel ils sont entrés. Ils ont aimé le logement et ont décidé de l’acheter.  

[11]        Le 18 avril 2005, l’appelante a signé une convention d’achat et de vente concernant le logement pour un montant de 329 000 $. Le 24 avril 2005, la convention d’achat et de vente a été modifiée pour ajouter M. Khaimsky en qualité d’acheteur (c’est‑à‑dire la « convention » susmentionnée). En vertu de la convention, la construction du logement devait être terminée au plus tard en septembre 2008. En raison de retards dans la construction, il n’a pas été prêt pour la prise de possession avant le 14 août 2009.

[12]        Ils ont tous deux indiqué dans leur témoignage qu’ils avaient l’intention de quitter la maison du chemin Rockford et de vivre dans le logement. L’appelante avait l’intention de donner la maison du chemin Rockford à Alfred purement et simplement. Alfred avait 39 ans au moment de l’audience. M. Khaimsky n’avait aucun droit sur la maison du chemin Rockford[2].

[13]        Le plan d’étage du logement indique que le logement avait une superficie de 925 pieds carrés. Il s’agit d’un logement d’une chambre à coucher avec une penderie et une seule douche, toutes situées à l’étage. Le logement était doté d’un seul espace de stationnement.

[14]        Ils ont demandé des améliorations parce qu’ils avaient l’intention de vivre dans le logement.

[15]        Selon le témoignage de l’appelante, au cours des soirées d’été (après le 17 août 2009), ils se promenaient le long du lac et près de la marina. L’hiver, ils allaient le soir au théâtre et au restaurant avec des invités. Ils ont eu plusieurs réunions sociales dans le logement avec des amis et y ont fêté le Nouvel An avec plusieurs couples.

[16]        Des rideaux ont été installés dans le logement en octobre 2009 et quatre fauteuils de rotin et un bureau ont été achetés pour le logement en décembre 2009[3]. Des photos prises par M. Khaimsky le 9 janvier 2010 montrent ces meubles dans le logement.

[17]        Le transfert de titre en leur faveur a eu lieu le 15 décembre 2009[4]. Le logement a été mis en vente le 17 février 2010. Il a été vendu pour 140 000 $ de plus que le prix d’achat. La clôture de la transaction a eu lieu au début de juillet 2010. Ils ont déclaré qu’ils sont demeurés dans le logement jusqu’en juillet 2010.

Autres éléments

[18]        Il n’était pas nécessaire de faire installer un téléphone filaire dans le logement puisqu’ils avaient tous deux un téléphone cellulaire.

[19]        Ils faisaient l’épicerie principalement à Costco ou allaient dans des restaurants sur la rue Yonge et au marché St. Lawrence pour des petits produits alimentaires. Outre la carte de crédit American Express pour Costco, l’appelante a déclaré en contre‑interrogatoire qu’elle n’avait pas de relevés de carte de crédit indiquant qu’elle faisait des achats dans le secteur.  

[20]        En réponse à la question selon laquelle ils ne pouvaient garder deux voitures sur les lieux du logement, ils ont répondu qu’ils n’avaient pas besoin de deux voitures à ce moment‑là et qu’ils voulaient en vendre une, mais que celle-ci était trop vieille.

Autres biens

Condominium de Navy Wharf

[21]        Le 25 août 2005, ils ont conclu une convention pour acheter le condominium situé au 1803 – 10 Navy Wharf près du secteur riverain de Toronto (la « propriété de Navy Wharf »). Il s’agissait d’un logement de plain‑pied. L’appelante a indiqué dans son témoignage qu’ils n’ont pas mis ce condominium en location parce que M. Khaimsky l’utilisait et parfois la famille de celui‑ci l’utilisait. M. Khaimsky a aussi déclaré que des membres de sa famille et parfois un collègue l’utilisaient et, contrairement au témoignage de l’appelante, il a indiqué qu’il était loué en 2009.

Bien locatif de Townsend Drive

[22]        M. Khaimsky était propriétaire du 1402 – 11 Townsend Drive, à Toronto et en tirait un revenu de location.

Condominium de la rue Charles Est

[23]        Le 16 janvier 2011, le constructeur a cédé à l’appelante tous les droits et le titre de propriété concernant le condominium 3905 situé au 110, rue Charles Est au centre‑ville de Toronto (le « logement de la rue Charles »). Elle a déclaré dans son témoignage qu’une convention d’achat et de vente avait été conclue par une personne à l’étranger il y a plusieurs années. Elle n’a pas donné plus de précisions, et d’autres détails sont demeurés flous concernant ce logement.

II. Analyse

[24]        Le ministre établit les cotisations en se fondant sur des présomptions de fait. Selon la jurisprudence, il incombe tout d’abord au contribuable de démolir les présomptions exactes du ministre afin de montrer que sa cotisation est erronée. Le contribuable s’acquitte de ce fardeau (c’est‑à‑dire démolir les présomptions) lorsqu’il présente une preuve prima facie. Une preuve prima facie est une preuve appuyée par des éléments qui soulèvent un tel degré de probabilité en sa faveur qu’elle doit être acceptée si la cour en est convaincue, à moins qu’elle ne soit réfutée ou que le contraire soit prouvé. Le fardeau de preuve imposé au contribuable ne doit pas être renversé à la légère ou arbitrairement[5].

[25]        Le ministre a conclu que l’appelante n’avait pas droit au remboursement parce que M. Khaimsky et elle ne satisfaisaient pas aux exigences prévues à l’alinéa 254(2)b) de la Loi selon lesquelles le logement doit être acquis pour servir de « lieu de résidence habituelle »[6]. Ils doivent tous deux répondre aux exigences. La disposition est rédigée de la manière suivante :

au moment où le particulier devient responsable ou assume une responsabilité […], celui‑ci acquiert l’immeuble ou le logement pour qu’il lui serve de lieu de résidence habituelle ou serve ainsi à son proche;

[26]        La décision Yang c. Canada, 2009 CCI 636 au paragraphe 7 [2009] GSTC 186, décrit certains facteurs qui aident à déterminer ce qui constitue un lieu de résidence habituelle[7]. La Cour déclare ce qui suit : 

7.       Bon nombre de facteurs qui permettent de savoir ce qui constitue un lieu de résidence habituelle se trouvent dans la jurisprudence de la Cour et dans les énoncés de politique relatifs à la législation sur la taxe sur les produits et services et à la taxe de vente harmonisée. Il s’agit notamment des facteurs suivants : l’intention du contribuable d’utiliser l’habitation neuve comme lieu de résidence habituelle, la durée de l’occupation de l’habitation neuve, l’adresse de correspondance utilisée, le moment de l’emménagement et celui où les effets personnels sont déménagés, les causes d’un éventuel retard du déménagement, les détails de la couverture d’assurances, l’utilisation de l’ancienne résidence ou de l’ancien logement, et tout autre facteur pertinent compte tenu des circonstances de l’affaire.

[27]        Lorsqu’il est nécessaire d’établir l’intention d’un particulier, il faut prendre en compte non seulement l’intention déclarée, mais toutes les circonstances factuelles de l’affaire. Le juge Jorré a récemment réitéré ce principe bien établi au paragraphe 7 de la décision Kukreja c. Canada, 2014 CCI 56, [2014] GSTC 16, qui porte également sur l’établissement du lieu de résidence habituelle dans le contexte d’un remboursement.

[28]        L’avocat de l’appelante a soutenu que, le 24 avril 2005, leur intention était de quitter la maison du chemin Rockford et de déménager dans le logement et de l’utiliser en guise de lieu de résidence habituelle (la « résidence habituelle ») une fois construit. L’appelante devait alors donner la maison du chemin Rockford à Alfred purement et simplement. De plus, les problèmes de santé imprévus de M. Khaimsky n’ont pas modifié leur intention, mais ont eu une incidence sur la durée d’habitation du logement, qu’ils ont occupé d’août 2009 à juillet 2010 à titre de résidence habituelle[8].

[29]        Dans le présent appel, la décision repose sur des conclusions quant à la crédibilité. Compte tenu de l’ensemble de la preuve présentée, je conclus que ni l’appelante ni M. Khaimsky n’étaient des témoins crédibles ou dignes de foi et je rejette leurs éléments de preuve et leurs témoignages quant à leur intention déclarée à la lumière des circonstances. Je conclus qu’à la signature de la convention en 2005, ils n’avaient pas l’intention que le logement leur serve de lieu de résidence habituelle. Certains des éléments de preuve qui m’ont amenée à tirer cette conclusion sont mentionnés ci‑dessous.

Propriétés

[30]        Le fait que le logement et la propriété de Navy Wharf ont été achetés une journée après l’autre; les 25 ans d’expérience de l’appelante dans l’immobilier; l’existence du bien locatif de Townsend, et le fait que l’appelante et M. Khaimsky résidaient dans la maison du chemin Rockford en 2005, où ils résidaient au moment de l’audience, sont des indications que le logement a été acquis en guise d’investissement.

[31]        De plus, moins d’un mois après avoir obtenu le titre de propriété du logement et avant d’avoir reçu la facture de leur avocat pour la transaction, des photographies du logement ont été prises en vue de son inscription sur le site interagences MLS. En février 2010, le logement été mis en vente et quelques mois plus tard, la vente a donné lieu à un bénéfice de 140 000 $; la clôture de la transaction a eu lieu en juillet 2010. L’appelante a admis qu’en 2011, elle a acquis les droits et le titre concernant le logement de la rue Charles.

[32]        Contrairement au témoignage de M. Khaimsky selon lequel aucune autre propriété n’a été achetée après l’achat du logement et sa vente par la suite, l’appelante a admis en contre‑interrogatoire que le lendemain de l’achat du logement, ils ont acheté la propriété de Navy Wharf et qu’en 2011, elle a acquis le logement de la rue Charles. Selon une autre contradiction, M. Khaimsky a déclaré que la propriété de Navy Wharf était louée, alors que l’appelante a indiqué qu’elle ne l’était pas. Je conclus que le témoignage de M. Khaimsky n’est ni crédible ni fiable.

[33]        Ces facteurs illustrent leur intérêt à l’égard d’occasions dans le domaine de l’immobilier plutôt qu’une intention de quitter la maison du chemin Rockford et d’acquérir le logement à titre de résidence habituelle.

Problèmes de santé

[34]        À la fin de 2008, M. Khaimsky a subi une crise cardiaque. Le 10 février 2009, il a subi au travail une blessure permanente à la jambe et s’est rendu aux services d’urgence. Il a indiqué dans son témoignage que cela avait changé sa vie : il ne pouvait pas marcher normalement; il devait utiliser une canne; il ne pouvait plus travailler; il a reçu des prestations d’invalidité en 2009. J’accepte son témoignage concernant ses problèmes de santé.

[35]        Manifestement, la crise cardiaque et l’accident de travail de M. Khaimsky n’auraient pas pu être prévus en 2005[9].

[36]        Dans son témoignage, il a décrit l’escalier de métal dans le logement comme un escalier tournant étroit et raide, rejoignant l’étage supérieur à une hauteur de 20 pieds où se trouvaient la seule chambre à coucher, la seule douche et un placard. J’accepte ce témoignage. M. Khaimsky connaissait la configuration et l’escalier en 2005 lorsqu’ils ont vu le logement modèle. Il aurait alors été âgé d’environ 63 ans. Je conviens avec lui qu’à l’approche de la retraite plusieurs personnes (il a dit tout le monde) sont attirées par le mode de vie en condominium. Toutefois, même si des personnes près de la retraite n’ont aucun problème de mobilité, elles choisiraient quand même un condominium de plain‑pied, semblable à la propriété de Navy Wharf, à titre de résidence habituelle. Il est très peu probable que des gens choisiraient un logement semblable au logement en l’espèce où la seule chambre à coucher et la seule douche sont situées à l’étage, qu’ils ne peuvent atteindre qu’en empruntant un escalier de métal tournant étroit et raide.

[37]        Tout juste six mois avant leur supposé déménagement dans le logement, M. Khaimsky a subi une blessure grave et permanente à la jambe faisant en sorte qu’il ne pouvait plus marcher normalement et qu’il devait utiliser une canne. Il avait de plus développé des problèmes cardiaques. Compte tenu de son état de santé et de la description des difficultés que le logement présentait pour lui, il n’est pas possible de croire que M. Khaimsky ait pu envisager de déménager dans le logement et de quitter la maison du chemin Rockford, qui possédait toutes les commodités au rez‑de‑chaussée pour répondre à ses besoins en matière de mobilité.

[38]        Lorsqu’il a expliqué la raison de la vente du logement, il a indiqué que chaque fois qu’il montait l’escalier, cela lui causait de la douleur, une pression, sa jambe lui faisait mal et, à deux occasions, elle est devenue enflée. Chaque fois qu’il montait l’escalier, il se demandait ce qui lui arriverait. [traduction] « Il était extrêmement difficile de monter et de descendre l’escalier. Ma jambe faisait mal. À n’importe quel moment et même la nuit, il était difficile de dormir, de me tenir debout, de marcher et même de m’allonger. Plus particulièrement lorsqu’on y met de la pression, par exemple une montée d’escalier peut causer des problèmes de douleur pendant une demi‑journée avant de revenir à l’état normal[10]. » Compte tenu de cette situation, il est très peu probable qu’en raison de la montée et de la descente de l’escalier tous les jours, ils auraient mis six mois (c’est‑à‑dire jusqu’en février 2010) pour se rendre compte qu’ils devaient vendre le logement. Il est encore moins probable qu’ils aient continué à habiter le logement pour une période supplémentaire de quatre mois après s’être rendu compte de la situation avant de retourner à la maison du chemin Rockford.

[39]        Leur témoignage selon lequel ils n’avaient pas envisagé de vendre le logement avant février 2010 est contraire au témoignage de l’appelante en contre‑interrogatoire. Lors de ce contre‑interrogatoire, l’appelante a indiqué que les photographies du logement ont été prises le 9 janvier 2010 pour être publiées sur le site interagences MLS en vue de vendre le logement. Leur témoignage complet sur ces sujets manque de crédibilité et je rejette leur témoignage.

Électricité

[40]        Dans son témoignage, Mme Shortt a indiqué qu’après avoir examiné le tableau de consommation des appareils ménagers et l’avoir comparé aux factures d’Enbridge de septembre à décembre 2009, la consommation d’énergie qui apparaît sur les factures n’appuie pas une occupation active du logement[11].

[41]        En contre‑interrogatoire, l’appelante a expliqué que l’utilisation plus faible d’électricité de septembre et d’octobre était imputable à la nature terre à terre de M. Khaimsky et qu’ils tentaient de faire des économies. De même, ils faisaient très peu souvent la cuisine, utilisaient rarement le réfrigérateur, la cuisinière et le four à micro‑ondes, n’utilisaient pas la climatisation et M. Khaimsky lisait, faisait des promenades et regardait la télévision au moyen du service de câblodistribution de la tour du CN située tout près. Il a déclaré qu’il mangeait des céréales pour le petit déjeuner et qu’il n’utilisait pas le lave‑vaisselle.

[42]        Si des réunions sociales avaient lieu au logement, comme en a témoigné l’appelante, la consommation d’électricité était plus élevée. Je conclus que leur témoignage concernant leurs prétendues activités dans le logement est invraisemblable. Je tire également une inférence défavorable de l’omission de l’appelante d’appeler comme témoins des personnes pour témoigner qu’elles avaient participé à des réunions sociales dans le logement.

[43]        J’accepte le témoignage de Mme Shortt selon lequel une faible consommation d’électricité est compatible avec le fait que des gens ne vivent pas activement dans le logement. Cet élément, le facteur antérieur et les facteurs ultérieurs m’amènent à conclure qu’ils n’ont pas emménagé dans le logement.  

Meubles et effets personnels

[44]        Dans son témoignage, l’appelante a déclaré qu’entre le 14 et le 17 août 2009, ils ont rempli le véhicule de M. Khaimsky avec de la vaisselle et des vêtements et ont apporté ces articles au logement. Elle a indiqué que le 17 août 2009, leur ami et son frère les ont aidés à déménager certains meubles de la maison du chemin Rockford au logement en utilisant le camion de leur ami[12]. M. Khaimsky a déclaré que seuls certains meubles de salon, ainsi que des tables de chevet, des lampes, des chaises et un téléviseur ont été déménagés et le reste de leurs effets sont demeurés dans la maison du chemin Rockford.

[45]        Le témoignage d’Alfred est contradictoire en ce qu’il a déclaré qu’il croyait qu’une minifourgonnette avait été louée pour le déménagement de leurs effets personnels et a décrit le déménagement comme un déménagement [traduction] « graduel » qui s’est étalé sur quelques semaines. Je conclus que le témoignage d’Alfred sur la durée du déménagement n’est pas vraisemblable ni fiable. Lorsqu’il a décrit les articles qui avaient été déménagés, il a indiqué certaines pièces de vaisselle, le matelas de la chambre principale, de petits articles du salon qui étaient faciles à prendre comme un petit sofa, une table de verre et des [traduction] « petites affaires », mais que les [traduction] « choses lourdes » étaient restées à la maison du chemin Rockford. J’accepte le témoignage d’Alfred selon lequel certains articles (comme le petit sofa) ont été déménagés au logement parce que M. Khaimsky et lui ont tous deux déclaré dans leur témoignage qu’un petit sofa avait été déménagé et qu’il a été ensuite identifié dans les photographies.

[46]        L’appelante a déclaré qu’ils ont passé leur première nuit au logement le 17 août 2009 ou le lendemain. Au départ, l’appelante a indiqué dans son témoignage qu’ils n’avaient pas habité la maison du chemin Rockford après avoir emménagé dans le logement. Elle a plus tard déclaré que, si elle travaillait tard à la maison du chemin Rockford, elle pouvait y passer la nuit. Son témoignage n’est pas fiable.

[47]        En réponse aux questions de l’avocate de l’intimée en contre‑interrogatoire concernant la question de savoir si Alfred avait dû acheter quoi que ce soit pour remplacer les articles qui avaient été déménagés au logement, il a déclaré qu’il n’avait pas eu à le faire parce qu’il restait suffisamment de meubles dans la maison pour [traduction] « tout remplir ». Il a mentionné des exemples comme des meubles dans le salon, le coin de détente et le fait qu’il y avait un lit dans chaque chambre. Il avait également son lit et son mobilier de chambre à coucher.

[48]        L’appelante a présenté une lettre de leur ami à propos du déménagement. Je n’accorde aucune valeur à la lettre et tire une inférence défavorable de son omission de prendre les mesures pour qu’il témoigne à titre de témoin indépendant à propos des détails du déménagement. Je déduis que les meubles et les effets personnels n’ont pas été déménagés dans le logement en août 2009.

[49]        Au départ, en contre‑interrogatoire, l’appelante a déclaré qu’elle ne savait pas ce que signifiait la mise en valeur de propriété, malgré son occupation. Elle avait également demandé la déduction de dépenses de mise en valeur de propriété dans sa déclaration de revenus de 2009. Elle a par la suite admis qu’elle savait ce que c’était, mais qu’elle ne le faisait pas pour ensuite dire que peut‑être l’avait‑elle fait pour des clients, mais sur une petite échelle pour bien mettre en valeur les lieux. Le témoignage de l’appelante manque de crédibilité.

[50]        Les seuls meubles déménagés de la maison du chemin Rockford au logement sont les articles qui apparaissent sur les photographies, à l’exception des articles achetés en décembre 2009. Je déduis que le logement a été mis en valeur pour le préparer pour la vente.

[51]        Conserver une maison remplie de gros meubles, d’effets personnels, avec les services[13] et l’assurance en plus de faire principalement le lavage à la maison du chemin Rockford, indique que la résidence habituelle demeurait inchangée.

[52]        La disposition d’une ancienne résidence est habituellement une indication que la nouvelle résidence est destinée à être la résidence habituelle. L’appelante a indiqué dans son témoignage que son intention consistait à donner la maison du chemin Rockford à Alfred et qu’elle y a conservé son bureau à domicile après août 2009. Ni l’appelante ni Alfred n’ont été en mesure de fournir des précisions quant aux discussions sur l’intention de l’appelante de donner la maison du chemin Rockford à Alfred et la manière et le moment où cela aurait lieu. Alfred a déclaré dans son témoignage qu’au fil des ans, l’appelante lui avait dit que lorsqu’elle partirait, la maison du chemin Rockford lui appartiendrait. J’accepte le témoignage d’Alfred à ce sujet et le fait que le titre de propriété ne lui a jamais été transféré[14].

[53]        Le témoignage d’Alfred selon lequel ils sont retournés à la maison du chemin Rockford à l’automne de 2010 est incompatible avec leur témoignage.

[54]        Après août 2009, l’appelante a conservé le bureau à domicile dans la maison du chemin Rockford afin d’y rencontrer des clients, de garder ses contacts et de l’utiliser comme adresse professionnelle. Elle ne disposait pas d’espace pour un bureau au logement. La maison du chemin Rockford est située à environ 4 km de son bureau d’affaires à Remax. Toutes les factures concernant les services fournis à la maison du chemin Rockford sont demeurées à son nom. À l’exception de 400 $ reçus d’Alfred pour les services publics et la câblodistribution, l’appelante payait le reste. Elle exécutait ses activités bancaires dans le secteur et M. Khaimsky a indiqué dans son témoignage qu’elle faisait principalement le lavage à la [traduction] « maison » (c’est‑à‑dire à la maison du chemin Rockford). J’accepte le témoignage concernant le maintien des services au nom de l’appelante et les activités qu’elle y menait. Je déduis que l’appelante et M. Khaimsky n’ont jamais quitté la maison du chemin Rockford.

Changement d’adresse

[55]        Changer l’adresse postale de l’ancienne résidence à la nouvelle peut être une indication de résidence habituelle à la nouvelle adresse. M. Khaimsky a fourni des copies de divers documents montrant qu’il avait changé son adresse postale pour celle du logement[15].

[56]        À l’exception de quelques factures d’Enbridge, réglées près de l’intersection de la rue Dufferin et de l’avenue Steeles près de la maison du chemin Rockford, l’appelante n’a fourni aucune preuve selon laquelle elle avait effectué un changement d’adresse. De plus, en réponse à la question de savoir si elle avait avisé sa banque et les sociétés de cartes de crédit, elle a indiqué qu’elle ne l’avait pas fait. Elle a expliqué qu’Alfred et son bureau à domicile demeuraient à la maison du chemin Rockford. Selon son témoignage, elle ne croyait pas à l’importance de changer d’adresse sur son permis de conduire parce qu’elle avait l’intention d’attendre jusqu’au prochain renouvellement du permis. L’avocat de l’appelante m’a reportée à la décision Yang c. La Reine, précitée. Dans cette décision, le juge Angers note, au paragraphe 10, que l’omission de changer une adresse peut être une preuve de négligence, mais que pour établir une résidence habituelle, ce facteur peut prendre une importance moindre dans les cas où des membres de la famille des deux nouveaux propriétaires habitent encore dans leurs anciennes résidences.

[57]        Nonobstant son raisonnement concernant son omission de changer d’adresse, lorsqu’elle a présenté une demande de remboursement pour le logement de la rue Charles à l’ARC, l’appelante a indiqué dans sa déclaration de revenus que son adresse avait changé pour celle du logement de la rue Charles[16]. Peu après avoir reçu ce remboursement, elle a de nouveau changé son adresse pour celle de la maison du chemin Rockford. Son comportement suscite la confusion et manque de cohérence.

Assurances

[58]        L’assurance visant la maison du chemin Rockford est demeurée la même pour le contenu et est restée au nom de l’appelante. Il n’y a pas d’assurance semblable pour le logement. L’appelante a expliqué qu’il en était ainsi en raison du bureau à domicile. La police d’assurance n’a toutefois pas été présentée à l’audience pour montrer l’utilisation déclarée de la maison du chemin Rockford aux fins de la police d’assurance, comme une assurance commerciale. Cela est une autre indication que la maison du chemin Rockford demeurait la résidence habituelle.

Espace de stationnement

[59]        Selon la preuve présentée, le logement n’avait qu’un seul espace de stationnement. Je conclus qu’il est très peu probable qu’à l’achat du logement en 2005, ils l’auraient acheté comme résidence habituelle avec un seul espace de stationnement. Ils auraient eu besoin d’au moins deux espaces de stationnement pour leur permettre de se rendre au travail, et le trajet depuis le logement au centre‑ville de Toronto aurait augmenté la distance déjà importante qu’ils parcouraient pour se rendre au travail. Ils n’ont pas avisé la société d’assurance, aux fins de l’assurance automobile, qu’ils avaient déménagé en 2009.

[60]        Vu l’ensemble de la preuve, je rejette l’intention déclarée. L’appelante n’a pas présenté une preuve prima facie suffisante pour démolir les présomptions du ministre pour montrer, selon la prépondérance des probabilités, que la cotisation du ministre est erronée. Je conclus que le logement a été acquis en guise de placement et non pour leur servir de lieu de résidence habituelle.

III. Conclusion

[61]        J’ai conclu que ni l’appelante ni M. Khaimsky n’ont fourni un témoignage crédible ou fiable concernant leur intention déclarée et je rejette leur intention déclarée. Compte tenu de ce qui précède, je conclus que le logement n’a pas été acquis pour leur servir de lieu de résidence habituelle au sens de l’alinéa 254(2)b) de la Loi et selon que l’exige cette disposition. L’appel est rejeté[17].

Signé à Toronto (Ontario), ce 8e jour de septembre 2014.

« K. Lyons »

Juge Lyons

Traduction certifiée conforme
ce 22e jour de février 2016.

S. Tasset


RÉFÉRENCE :

2014 CCI 268

NO DU DOSSIER DE LA COUR :

2012‑4575(GST)I

INTITULÉ :

Zila Berkovich et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATES DE L’AUDIENCE :

Le 14 février et le 26 mars 2014

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge K. Lyons

DATE DU JUGEMENT :

Le 8 septembre 2014

COMPARUTIONS :

Avocat de l’appelante :

Me Adam Serota

Avocate de l’intimée :

Me Lindsay Beelen

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelante :

Nom :

Adam Serota

 

Cabinet :

William D. Howse

Avocat

Toronto (Ontario)

 

Pour l’intimée :

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 



 

[1]        L’avocat de l’appelante a également soutenu qu’ils occupaient le logement comme résidence habituelle, ce qui va au‑delà du critère prévu à la division 254(2)g)(i)(B) qui mentionne uniquement l’occupation « à titre résidentiel ». Il a indiqué que le mot « habituelle » était absent de cette division et a reconnu que cette prétention était fondée sur des remarques incidentes faites par la Cour dans la décision Virani c La Reine, 2010 CCI 113, [2010] GSTC 53, et dans laquelle la division n’était pas en cause. L’avocate de l’intimée a déclaré que l’alinéa 254(2)g) n’était pas en litige. Toutefois, ce n’est pas parce que l’intimée convient que l’appelante ou M. Khaimsky ont occupé le logement, mais plutôt parce qu’aucun élément de preuve ne montre que des personnes qui n’étaient pas des membres de la famille occupaient le logement avant sa vente. Les deux avocats ont confirmé que le présent appel visait l’alinéa 254(2)b) et l’avocate de l’intimée a indiqué que le ministre a établi la cotisation en se fondant sur cet alinéa. À ce titre, il n’est pas nécessaire que je traite de cette prétention.

 

[2]               L’appelante et lui avaient signé un accord de cohabitation en 1997.

 

[3]              Des copies de factures de différents détaillants datées du 28 octobre 2009, du 5 décembre 2009 et du 7 décembre 2009, respectivement, avec une note manuscrite sur une facture indiquant la livraison à l’adresse du logement.

 

[4]               La lettre de l’avocat est datée du 1er février 2010.

 

[5]              Dr. Mike Orth Inc. c. La Reine, 2013 CCI 123, 2013 DTC 1110, le juge en chef Rip, au paragraphe 12; Hickman Motors Ltd. c. Canada, [1997] 2 RCS 336, au paragraphe 13; Amiante Spec Inc. c. Canada, 2009 CAF 139 au paragraphe 16, [2009] GSTC 71 (CAF); Voitures Orly Inc. c. Canada, 2004 CCI 86, [2004] GSTC 57. Il existe quelques exceptions (par exemple, les affaires portant sur des pénalités) en vertu desquelles le fardeau initial incombe au ministre.

 

[6]              Le paragraphe 254(2) de la Loi contient les critères auxquels tous les particuliers doivent répondre pour avoir droit au remboursement.

 

[7]           De même, dans la décision Bérubé c. Canada, [2001] GSTC 129, ces facteurs incluent : la mise en vente de la résidence actuelle; les changements d’adresse; les arrangements pour le déménagement ou d’autres actions indicatives d’une intention immédiate de changement d’habitation habituelle. L’article 256, concernant le remboursement pour les propriétaires qui se construisent, est la disposition en cause, mais elle utilise un libellé semblable à celui de l’alinéa 254(2)b) donnant à l’acheteur le droit à un remboursement pour un immeuble ou un logement construit par un constructeur. Dans les cas où une personne compte plus d’un lieu de résidence, il donne des indications sur la distinction entre une résidence habituelle (première en ordre d’importance et non subordonnée) et une résidence secondaire (comme un bien utilisé principalement à des fins récréatives ou qui est moins occupé qu’un autre).

[8]              L’avocate de l’intimée a soutenu que l’appelante n’a pas présenté une preuve prima facie étayant leur intention déclarée compte tenu de l’ensemble des circonstances. Même si je devais accepter qu’ils ont acheté le logement avec l’intention d’en faire une résidence, non comme placement, il s’agissait d’une résidence secondaire.

 

[9]              Un événement qui survient peut faire obstacle à une intention. Cela a été reconnu dans la décision Sivakumar c. Canada, 2013 CCI 325, [2013] ACI no 285 (QL). L’avocat de l’appelante a soutenu que ses problèmes de santé n’avaient pas modifié la fin pour laquelle le logement a été acheté, mais qu’ils ont eu une incidence sur la durée de leur habitation dans celui‑ci.

 

[10]             Transcription de l’audience, volume 1, à la page 90, lignes 20 à 26.

 

[11]             Mme Shortt a travaillé à Ontario Hydro pendant sept ans et s’occupait des factures d’électricité. Les kilowattheures sur les factures sont 40,412, 39,108, 82,269 et 164,085, respectivement.

 

[12]             Les meubles incluaient le mobilier de la chambre principale et du salon, un bureau en verre et des lampes.

 

[13]             Internet, la câblodistribution, le téléphone filaire et les services publics ont fonctionné de façon ininterrompue. Elle a demandé la déduction de dépenses de bureau dans sa déclaration de revenus de 2009.

 

[14]             Une fois devenu propriétaire de la maison, son projet était d’y vivre pour une période indéfinie. Il a quitté la maison du chemin Rockford pour déménager dans un appartement à l’été 2011.

 

[15]             Parmi ceux‑ci, mentionnons un relevé de prestations de la CSPAAT, une facture de Citibank Canada, plusieurs factures de téléphone cellulaire, un permis de conduire, un avis de changement d’évaluation foncière, le contrat de fourniture d’électricité et de services conclu avec Enbridge et des factures d’Enbridge. Le nom de l’appelante figurait également sur les trois dernières.

 

[16]             L’appelante a confirmé qu’elle avait obtenu un remboursement à l’égard du logement de la rue Charles, mais la preuve n’était pas claire quant au moment où ce remboursement aurait été obtenu. On a indiqué que cela aurait pu avoir eu lieu en 2010 ou quelques années plus tôt.

 

[17]             En vertu de l’article 18.3009 de la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt, des dépens ne peuvent pas être adjugés lorsque le montant en litige est supérieur à 7 000 $.

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