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Dossier : 2012-2530(IT)I

ENTRE :

Robert Landry,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

Appel entendu le 26 août 2014, à Montréal (Québec).

Devant : L'honorable juge Lucie Lamarre


Comparutions :

 

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Représentante de l'intimée :

Laurianne Dusablon-Rajotte

(Stagiaire en droit)

 

JUGEMENT

        L’appel de la nouvelle cotisation établie par le ministre du Revenu national en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour l’année d’imposition 2010 est rejeté, selon les motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 16e jour de septembre 2014.

« Lucie Lamarre »

Juge Lamarre

 


Référence : 2014 CCI 275

Date : 20140916

Dossier : 2012-2530(IT)I

ENTRE :

Robert Landry,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 


MOTIFS DU JUGEMENT

La juge Lamarre

[1]             L’appelant conteste une nouvelle cotisation établie par le ministre du Revenu national (ministre) par laquelle on lui refuse la déduction de frais judiciaires (17 600 $) qu’il a réclamée dans le calcul de son revenu pour l’année d’imposition 2010.

[2]             L’appelant avait l’obligation de verser une pension alimentaire pour enfants, laquelle était retenue à même ses revenus par le percepteur des pensions alimentaires dans la province de Québec.

[3]             Il soutient qu’en 2010 ses deux enfants sont devenus majeurs et autonomes financièrement et qu’il n’avait plus l’obligation de verser de pension à son ex‑conjointe pour ses enfants.

[4]             Il a pris sa retraite le 1er juin 2010, et a commencé à recevoir ses prestations de retraite à compter de cette date.

[5]             Toutefois, afin de recevoir le plein montant de son revenu de retraite, il a dû s’adresser à la Cour supérieure du Québec (Chambre de la famille) pour obtenir un jugement annulant définitivement la pension alimentaire pour les deux enfants.


[6]             C’est la déduction des frais judiciaires qu’il a engagés dans le cadre de ce processus qu’il réclame et que le ministre lui refuse.

[7]             Le ministre soutient que ces frais ont été engagés pour mettre fin à la pension alimentaire et qu’à ce titre ils constituent des frais personnels ou de subsistance, lesquels constituent une dépense non déductible aux termes de l’alinéa 18(1)h) de la Loi de l’impôt sur le revenu.

[8]             L’intimée s’appuie sur le paragraphe 21 du bulletin d’interprétation IT‑99R5, lequel a été entériné par notre Cour dans l’affaire Loewig c. Canada, 2006 CCI 476, [2006] A.C.I. no 373 (QL).

[9]             Dans cette affaire, M. Loewig avait affirmé que sa démarche avait pour but d’établir un droit préexistant et de lui permettre de récupérer les sommes qui avaient été retenues à tort sur son salaire. Notre Cour a décidé que les frais engagés par M. Loewig pour récupérer des sommes payées en sus des montants versés conformément à l’accord de séparation ne pouvaient être tenus pour des frais engagés en vue de gagner un revenu.

[10]        De fait, dans l’arrêt Nadeau c. M.N.R., 2003 CAF 400, [2004] 1 R.C.F. 587, [2003] A.C.F. no 1611 (QL), la Cour d’appel fédérale a clairement établi, au paragraphe 18, que les dépenses « encourues » par le payeur d’une pension alimentaire (incluant celles pour y mettre fin) ne peuvent être considérées comme ayant été « encourues » pour gagner un revenu et a dit que les tribunaux n’ont jamais reconnu le droit à la déduction de ces dépenses.

[11]        Dans le cas actuel, l’appelant invoque dans son avis d’appel le fait que ses enfants, étant devenus majeurs et indépendants financièrement, n’avaient plus droit en vertu de la Loi sur le divorce au maintien de la pension alimentaire payable à la mère au bénéfice de ceux-ci.

[12]        À l’audience, il a demandé à l’avocate qui l’a représenté en Cour supérieure (Chambre de la famille), Me Ginette Bélisle, laquelle lui a facturé les frais judiciaires en question ici, de venir expliquer la situation.

[13]        Me Bélisle a déposé les procès-verbaux des différentes audiences qui ont eu lieu à compter du 29 avril 2010 devant la Cour supérieure du Québec (Chambre de la famille), et lors desquelles elle représentait l’appelant (pièce A-1). Je retiens de ceux-ci qu’on demandait à l’ex-conjointe de l’appelant de même qu’à l’un de ses enfants de produire leurs déclarations de revenus (« rapports d’impôt ») afin d’obtenir un état détaillé des revenus de l’enfant.

[14]        Selon Me Bélisle, ces documents n’avaient pas été fournis et l’ex-conjointe refusait de collaborer, ce qui a eu pour effet de retarder indûment le processus. Selon elle, la mère des enfants ne contestait pas que son droit à la pension alimentaire pour enfants fût échu au moment où l’on s’est présenté en cour le 27 mai 2010.

[15]        Je note toutefois que, le 27 mai 2010, la Cour supérieure du Québec ordonne à l’appelant de payer une pension alimentaire « intérimaire » et fixe le montant de la pension pour l’un des enfants.

[16]        De plus, le 17 juin 2010, la Cour supérieure du Québec, après avoir considéré les intérêts des deux enfants, refuse la demande présentée par Me Bélisle de « transformer l’ordonnance intérimaire en ordonnance finale ». Toutefois, le tribunal réservait le droit à l’appelant de faire une demande de provision pour frais compte tenu de l’absence de collaboration de la mère.

[17]        Ce n’est que le 3 novembre 2011 que la Cour supérieure du Québec a entériné le consentement à jugement signé par les parties le 8 octobre 2011. Cette entente stipule que la pension alimentaire prévue pour l’aîné est annulée à compter du 1er juin 2010 et celle pour la cadette à compter du 1er janvier 2011 (pièce A-1).

[18]        Selon l’appelant, les sommes perçues en trop par la mère ont été remboursées.

[19]        Les factures qui font l’objet du présent litige se rapportent à une « Demande de modification de la pension alimentaire pour les [deux] enfants […] » pour les périodes s’étendant du 13 mars au 31 mai 2010 et du 1er juin au 30 juin 2010 (pièce I-1).

[20]        Lors de son témoignage, Me Bélisle a soutenu que la pension alimentaire était échue au 1er juin 2010. Elle a expliqué que son mandat était d’entamer les procédures nécessaires pour obtenir un jugement déclarant l’annulation de la pension alimentaire de sorte que l’appelant puisse recevoir la totalité de sa rente à compter du 1er juin 2010. Elle a expliqué que le percepteur des pensions alimentaires ne peut d’office cesser de prélever la pension alimentaire. Il doit préalablement obtenir un jugement du tribunal pour ce faire.

[21]        À mon avis, la procédure pour obtenir un jugement annulant la pension alimentaire n’est pas simplement un « rubber stamp » comme a voulu le laisser entendre Me Bélisle.

[22]        Les procès-verbaux indiquent bien qu’une preuve doit être faite pour établir l’autonomie financière des enfants majeurs et, par le fait même, pour prononcer l’annulation de la pension alimentaire.

[23]        Tant que cette preuve n’avait pas été faite, les différents juges impliqués dans le dossier n’ont pas mis fin à la pension alimentaire par jugement.

[24]        Je ne suis donc pas d’accord pour dire que la pension alimentaire était échue d’office avant la signature du jugement.

[25]        Même si le consentement à jugement signé le 8 octobre 2011 indique que la pension alimentaire était annulée à compter du 1er juin 2010 pour l’aîné et du 1er janvier 2011 pour l’autre enfant, l’appelant ne pouvait être libéré de son obligation de verser la pension alimentaire tant que le jugement entérinant le consentement à jugement n’était pas signé. Il devait donc continuer à la verser, quitte à se faire rembourser le trop-payé. Je suis d’avis que les procédures engagées par MBélisle l’ont été pour mettre fin à la pension alimentaire.

[26]        De plus, je note que la première facture, de 10 514,08 $, est datée du 31 mai 2010 et est pour une période antérieure au 1er juin 2010, alors que la pension alimentaire était toujours payable pour les deux enfants.

[27]        Quant à la deuxième facture, de 7 075,13 $, datée du 20 juillet 2010, elle a rapport avec des services rendus pour le mois de juin 2010, alors que l’appelant devait encore payer une pension alimentaire pour l’un des enfants (selon les termes du consentement à jugement).

[28]        La décision de notre Cour dans l’affaire MacKinnon c. Canada, 2007 CCI 658, [2007] A.C.I. no 500 (QL), à laquelle a fait référence l’appelant, ne peut lui venir en aide. Dans cette affaire, des frais juridiques ont été engagés par la contribuable pour faire confirmer son droit, en tant que bénéficiaire désignée d’un régime enregistré d’épargne-retraite, à des sommes remises par erreur à la succession de son fils. Les frais judiciaires engagés pour récupérer ces sommes étaient déductibles puisqu’engagés dans le but d’obtenir un revenu auquel elle avait droit en tant que bénéficiaire désigné et qui, par erreur, ne lui avait pas été remis.

[29]        La situation est différente ici en ce que, tant que le tribunal n’a pas été convaincu que la pension alimentaire pour les enfants devait être annulée, aucun jugement n’a été signé en ce sens.

[30]        Le percepteur des pensions alimentaires devait percevoir la pension alimentaire jusqu’à l’obtention du jugement. Même si des montants ont été versés en trop par l’appelant à ce titre, il n’en reste pas moins qu’il a engagé les frais judiciaires en question ici pour mettre un terme au versement de la pension alimentaire. La jurisprudence à cet égard est claire, ces frais judiciaires sont des dépenses personnelles et donc non déductibles.

[31]        L’appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 16e jour de septembre 2014.

« Lucie Lamarre »

Juge Lamarre

 


RÉFÉRENCE :

2014 CCI 275

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :

2012-2530(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Robert Landry c. SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 26 août 2014

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

L'honorable juge Lucie Lamarre

DATE DU JUGEMENT :

Le 16 septembre 2014

COMPARUTIONS :

 

Pour l'appelant :

L'appelant lui-même

Représentante de l'intimée :

Laurianne Dusablon-Rajotte

(Stagiaire en droit)

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

Pour :

Nom :

 

Cabinet :

 

Pour l’intimée :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 

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