Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Dossier : 2013-882(IT)I

ENTRE :

JOSE VEKKAL,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appels entendus sur preuve commune avec les appels de Remmy Vekkal (2013-883(IT)I) le 15 septembre 2014,
à Vancouver (Colombie-Britannique).

Devant : L’honorable juge Robert J. Hogan


Comparutions :

 

Avocat de l’appelant :

Me Terry Gill

Avocates de l’intimée :

Me Selena Sit

Me Christa Akey

 

JUGEMENT

          Les appels relatifs aux nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2005, 2006, 2007, 2008 et 2009 sont rejetés, conformément aux motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 18e jour de novembre 2014.

« Robert J. Hogan »

Juge Hogan

Traduction certifiée conforme

ce 11e jour de décembre 2014.

 

Claude Leclerc, LL.B.


 

 

Dossier : 2013-883(IT)I

ENTRE :

REMMY VEKKAL,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appels entendus sur preuve commune avec les appels de Jose Vekkal (2013-882(IT)I) le 15 septembre 2014,
à Vancouver (Colombie-Britannique).

Devant : L’honorable juge Robert J. Hogan

Comparutions :

 

Avocat de l’appelant :

Me Terry Gill

Avocates de l’intimée :

Me Selena Sit

Me Christa Akey

 

JUGEMENT

          Les appels relatifs aux nouvelles cotisations établies en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu pour les années d’imposition 2006, 2007 et 2008 sont rejetés, conformément aux motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 18e jour de novembre 2014.

« Robert J. Hogan »

Juge Hogan

Traduction certifiée conforme

ce 11e jour de décembre 2014.

 

Claude Leclerc, LL.B.


Référence : 2014 CCI 341

Date : 20141118

Dossiers : 2013-882(IT)I

2013-883(IT)I

ENTRE :

JOSE VEKKAL,

REMMY VEKKAL,

appelants,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 


MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Hogan

I.       Aperçu

[1]             Les appelants, Jose Vekkal et Remmy Vekkal, qui sont mari et femme, interjettent appel de nouvelles cotisations par lesquelles le ministre du Revenu national (le « ministre ») a refusé une série de déductions pour don de bienfaisance :

Jose Vekkal

Année d’imposition

Dons déduits

Dons refusés

2005

4 073 $

4 000 $

2006

9 990 $

9 990 $

2007

15 000 $

15 000

2008

22 800 $

22 800 $

2009

22 000 $

22 000 $

Remmy Vekkal

Année d’imposition

Dons déduits

Dons refusés

2006

3 990 $

3 990 $

2007

5 000 $

5 000 $

2008

9 200 $

9 200 $

[2]             Les appels ont été entendus sur preuve commune.

[3]             Le ministre allègue que les appelants ont acheté de faux reçus pour don de bienfaisance de leurs comptables, Fareed et Saheem Raza (les « frères Raza »). Ces derniers fournissaient des services fiscaux et comptables sous les raisons sociales Fareed Raza & Co. Inc. et F &A Accounting Corporation (« FA »). Les frères Raza ont été accusés de fraude pour avoir fait de faux énoncés dans les déclarations de revenus qu’ils établissaient pour leurs clients.

[4]             Lors de sa plaidoirie, l’avocat des appelants a admis que le dossier de preuve n’étayait pas les appels de ses clients concernant les années d’imposition 2005, 2008 et 2009. Les appelants ont donc décidé de ne pas donner suite à leurs appels relatifs à ces années-là. Les nouvelles cotisations restantes ont été établies après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation. Il incombe donc à l’intimée d’établir que les appelants ont fait une présentation erronée des faits dans les circonstances exposées au sous-alinéa 152(4)a)(i) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la « Loi »).

II.      Le contexte factuel

[5]             Les appelants ont quitté l’Inde pour le Canada en 2000.

[6]             Les appelants sont tous deux instruits. M. Vekkal a obtenu un diplôme de génie en Inde et a travaillé comme mécanicien dans le secteur maritime pendant 17 ans environ avant de venir s’installer au Canada. Mme Vekkal a étudié la chimie en Inde et est titulaire d’un diplôme universitaire.

[7]             M. Vekkal a dû faire d’autres études au Canada pour pouvoir être reconnu comme mécanicien de machines fixes. Il a donc accepté des emplois qui se situaient en dehors de son domaine de formation. Parmi les divers emplois qu’il a occupés depuis son arrivée au Canada, il a travaillé comme mécanicien de machines fixes pour l’Hôtel Marriott (le « Marriott »). Pendant qu’il travaillait au Marriott, un collègue de travail, désigné par son prénom seulement, lui a conseillé de faire établir ses déclarations de revenus par les frères Raza. Dans les années antérieures, les appelants avaient eu recours à cette fin à H & R Block.

[8]             M. Vekkal a déclaré que Fareed Raza (« M. Raza ») lui a parlé d’une fiducie appelée Mehfuz Children Welfare Trust (la « Fiducie Mehfuz ») et l’a encouragé à faire des dons en argent comptant à cet organisme de bienfaisance. Tous les dons ont été faits en argent comptant par l’intermédiaire de M. Raza.

[9]             M. Vekkal prétend avoir fait des recherches par Internet sur la Fiducie Mehfuz et a appris que cette dernière s’occupait activement de fournir des soins de santé et des services d’enseignement à des enfants démunis au Bangladesh. Il allègue avoir aussi vérifié si la Fiducie Mehfuz était un organisme de bienfaisance enregistré.

[10]        M. Vekkal soutient qu’à partir de 2007, il a commencé à faire tous les mois des dons en argent comptant à la Fiducie Mehfuz, et cela s’est poursuivi jusqu’en 2010. Pour ce qui est de l’année d’imposition 2005, M. Vekkal a déclaré avoir fait un seul paiement en argent comptant de 4 000 $. Il a fait don de cet argent à l’organisme de bienfaisance par l’intermédiaire de M. Raza, qui l’a reçu au printemps de 2006, quand M. Vekkal a signé sa déclaration relative à l’année d’imposition 2005.

[11]        M. Vekkal allègue s’être servi des paiements de location en argent comptant qu’il recevait de ses deux immeubles locatifs pour verser les paiements mensuels à M. Raza, étant entendu que ceux-ci seraient transmis à la Fiducie Mehfuz. Il remettait ses dons mensuels à M. Raza dans une enveloppe de papier. M. Vekkal a reconnu ne pas avoir exigé de reçus de M. Raza pour les prétendus dons mensuels. Il soutient avoir fait le suivi des dons mensuels dans un tableur Excel qu’il établissait chaque année. Il supprimait ces tableurs après avoir produit ses déclarations de revenus, lesquelles incluaient un reçu de la Fiducie Mehfuz que M. Raza avait obtenu.

[12]        M. Vekkal a déclaré que, pour optimiser les économies d’impôt, c’était M. Raza qui avait décidé de quelle façon les prétendus dons mensuels en argent comptant de M. Vekkal allaient être répartis entre son épouse et lui-même pour les années d’imposition 2006 à 2008.

[13]        Mme Vekkal a témoigné elle aussi. Son époux, a-t-elle soutenu, lui avait dit qu’il faisait des dons en argent comptant en son nom. Elle a toutefois reconnu qu’elle était peu au courant des circonstances entourant les dons car son époux s’occupait de toutes leurs affaires financières. Elle n’avait rencontré M. Raza que brièvement, une fois par année, au moment de signer ses déclarations. Elle a reconnu qu’elle ne lisait pas ces dernières avant de les signer.

[14]        Mme Jane Yang, enquêtrice au service de la Division de l’exécution, au Bureau des services fiscaux de Vancouver de l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC »), a témoigné pour le compte de l’intimée. En octobre 2008, pendant qu’elle suivait un stage de formation interne à Toronto, Mme Yang a appris que l’un de ses collègues de Toronto mettait au jour avec succès des stratagèmes auxquels recouraient des spécialistes en déclarations pour vendre à leurs clients de faux reçus pour don de bienfaisance.

[15]        À son retour à Vancouver, Mme Yang a découvert qu’un certain nombre de clients de FA semblaient avoir fait don de sommes importantes à la Fiducie Mehfuz. Les caractéristiques de ces dons paraissaient anormales. Les contribuables faisaient don à la Fiducie Mehfuz d’une part importante de leur revenu net.

[16]        Une enquête criminelle a été lancée et une perquisition a été menée dans les bureaux de FA le 14 juillet 2010. Parmi les documents saisis figuraient des reçus de la Fiducie Mehfuz qui, croyait Mme Yang, étaient faux, ainsi que le calendrier de bureau de M. Raza. Ce calendrier contenait des annotations qui donnaient à penser que M. Raza inscrivait des sommes d’argent qu’il recevait en échange de reçus pour dons et services d’aide familiale. Mme Yang a pu établir que, dans bien des cas, la somme inscrite sur le calendrier à côté du nom d’un client représentait de 8 % à 11 % du montant indiqué dans la déclaration du client à titre de don en faveur de la Fiducie Mehfuz. Mme Yang a également constaté que les reçus liés à la Fiducie Mehfuz qui avaient été saisis dans les bureaux de FA étaient différents des reçus officiels que délivrait la Fiducie.

[17]        À la suite de son enquête, Mme Yang a conclu que les frères Raza avaient contrefait des reçus pour don d’un montant total d’environ 12 000 000 $. Elle a estimé que ce stratagème avait entraîné une perte de recettes fiscales d’un montant d’environ 4 700 000 $

[18]        M. Mashud Miah, président et fondateur de la Fiducie Mehfuz, a lui aussi témoigné pour le compte de l’intimée. M. Miah est né au Bangladesh et a immigré au Canada en 1985. Outre les fonctions exercées auprès de la Fiducie Mehfuz entre 2001 et 2009, M. Miah travaillait comme nettoyeur.

[19]        M. Miah a expliqué que la Fiducie Mehfuz tirait son nom de celui de son fils, Mehfuz, né prématurément dans un hôpital de Vancouver. Il croit que si son fils était né prématurément au Bangladesh, il n’aurait vraisemblablement pas survécu. En 1997, M. Miah a été victime de deux graves accidents de la route, et les traitements qu’il a reçus pendant son hospitalisation lui ont fait prendre de nouveau conscience de la qualité des soins que l’on fournit dans les hôpitaux canadiens. Ces faits l’ont incité à établir la Fiducie Mehfuz en 2000‑2001, avec le concours de Fareed Raza, en tant que moyen de recueillir au Canada des fonds destinés à construire et à faire fonctionner un centre médical au Bangladesh. Selon M. Miah, le centre a été construit, et il a fourni des soins de santé à des enfants démunis et handicapés de 2003 à 2009. Les activités du centre ont été abandonnées en 2009, après que la controverse entourant les agissements des frères Raza eut éclaboussé la Fiducie Mehfuz.

[20]        M. Miah allègue avoir découvert en 2008 que Saheem Raza établissait de faux reçus pour dons de bienfaisance de la Fiducie Mehfuz en entrant dans le bureau de ce dernier, qu’il allait nettoyer dans le cadre de l’entente de services de nettoyage qu’il avait conclue avec FA. Il a témoigné avoir vu Saheem signer son propre nom (celui de M. Miah) sur un reçu. Il a aperçu par la suite de faux reçus qui traînaient dans le bureau. Au printemps de 2008, après avoir consulté un avocat, il a signalé à l’ARC qu’il soupçonnait que les frères Raza fabriquaient de faux reçus pour don de bienfaisance au nom de la Fiducie Mehfuz. M. Miah a dit cesser de recourir aux services comptables de FA en 2007 à cause de ses soupçons concernant les malversations des frères Raza.

III.     L’analyse

[21]        L’intimée a produit une preuve commune dans les présents appels, ainsi que dans ceux de Martin Izkendar (2013-220(IT)I), Azim Bani (2012-3541(IT)I), Ruben Nocon (2013-635(IT)I), Iraj Rasuli (2013-886(IT)I), Khorshid Rasuli (2013-887(IT)I), Ladan Abootaleby-Pour (2013‑1779(IT)I) et Oleg Komarynsky (2013‑3354(IT)I). À la conclusion de l’audition des présents appels, les appelants ont fait valoir que les preuves présentées par les sept autres appelants ou obtenues dans le cadre de leur contre-interrogatoire ne devaient pas faire partie du dossier relatif à leurs propres appels.

[22]        Je souscris à l’observation des appelants selon laquelle, même si l’ordonnance du juge chargé de la gestion de l’instance autorisait l’intimée à présenter une preuve commune, le juge n’avait pas traité de la question précise de savoir si la preuve des autres appelants ferait partie du dossier commun. Je signale qu’on n’a pas signifié aux appelants les actes de procédure relatifs aux autres appels et qu’ils n’ont pas pris part à l’interrogatoire ou au contre-interrogatoire des autres appelants. Pour les présents appels, je ferai donc abstraction de la preuve de ces autres appelants. De toute façon, je n’ai pas trouvé qu’elle était particulièrement pertinente pour trancher la présente affaire.

[23]        Les nouvelles cotisations visant les années d’imposition 2006 et 2007 des appelants ont été établies après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation. Il incombe donc à l’intimée d’établir que les appelants ont fait, au sujet des dons qu’ils prétendent avoir effectués, une présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire. Les appelants soutiennent que l’intimée ne s’est pas acquittée de son fardeau à cet égard parce que M. Miah n’était pas un témoin digne de foi et que la preuve de Mme Yang reposait sur des hypothèses.

[24]        Je conviens avec les appelants que le témoignage de M. Miah a été incohérent et peu fiable. Celui-ci a soutenu qu’il n’était pas responsable des faux renseignements présents dans les déclarations annuelles de l’organisme de bienfaisance qu’il signait chaque année à titre de président. Toutefois, quand j’ai fait remarquer que la déclaration produite pour l’année d’imposition 2006 de l’organisme de bienfaisance faisait état de dons de 313 000 $ - un montant nettement supérieur à celui que, a-t-il reconnu, l’organisme de bienfaisance avait recueilli cette année-là - il s’est empressé de faire remarquer que le chiffre était inexact. Il soutient avoir fait confiance à M. Raza pour remplir la déclaration. Sa réponse à ma question dénote que M. Miah aurait été parfaitement capable de relever cette erreur au moment de signer la déclaration.

[25]        Il ressort de la preuve que M. Miah a une septième année de scolarité et qu’il a fait faillite à deux reprises au Canada. Il n’avait manifestement pas les compétences financières requises pour diriger un organisme de bienfaisance. Il travaillait comme concierge sur appel, et son revenu familial était d’environ 30 000 $. Il soutient que, malgré ses ressources restreintes, il avait été disposé à faire don de 7 000 $ pour lancer l’organisme de bienfaisance. Il a déclaré que les dons annuels faits à la Fiducie Mehfuz étaient de 30 000 $, et pourtant, dans chacune des années, l’organisme de bienfaisance a déclaré avoir reçu un montant de dons plus élevé.

[26]        Pour ce qui est du témoignage de Mme Yang, je ne suis pas d’accord avec l’évaluation que les appelants en font. La théorie de Mme Yang selon laquelle les appelants achetaient des reçus pour dons de bienfaisance majorés n’était pas fondée sur des hypothèses, comme l’ont laissé entendre les appelants. Je suis plutôt d’avis que la conclusion de Mme Yang reposait sur une inférence raisonnable, tirée des faits mis au jour lors de son enquête. Elle a noté que les prétendus dons des appelants ne concordaient pas avec ceux qu’ils avaient faits auparavant. Elle a vérifié les livres, les registres et les déclarations de renseignements de la Fiducie Mehfuz et a constaté que le montant total des dons que les clients de FA avaient déduits était supérieur aux montants déclarés par la Fiducie Mehfuz. Mme Yang a également fait remarquer que d’autres clients de FA avaient aussi fait d’importants dons en argent comptant qui ne cadraient pas avec leurs moyens financiers.

[27]        Elle a fait remarquer que de nombreux clients de FA n’avaient pas présenté de reçus pour les dons indiqués dans leur déclaration. Quant aux reçus fournis, ils ne contenaient pas les renseignements que prescrivait la Loi. Enfin, elle a constaté que la signature de M. Miah variait d’un reçu à un autre. Elle a conclu que les frères Raza avaient contrefait la signature de M. Miah car les reçus avaient été trouvés dans leurs bureaux.

[28]        Après avoir examiné la totalité des éléments de preuve, je conclus que les explications des appelants quant aux circonstances entourant leurs prétendus dons de bienfaisance sont invraisemblables.

[29]        Premièrement, je ne crois pas que les appelants avaient les moyens de faire les prétendus dons. Pour ce qui est des années d’imposition applicables, M. Vekkal a déclaré les revenus nets et déduit les dons en faveur de la Fiducie Mehfuz qui figurent dans le tableau suivant :

Année d’imposition

Revenu net déclaré

Prétendus dons

% du revenu net

2005

38 053 $

4 000 $

10,5 %

2006

37 252 $

9 990 $

26,8 %

2007

47 619 $

15 000 $

31,5 %

2008

74 467 $

22 800 $

30,6 %

2009

74 908 $

22 000 $

29,4 %

[30]        Pour sa part, Mme Vekkal a déclaré les revenus nets et déduit les dons en faveur de la Fiducie Mehfuz qui suivent :

Année d’imposition

Revenu net déclaré

Prétendus dons

% du revenu net

2006

20 627 $

3 990 $

19,3 %

2007

31 315 $

5 000 $

16,0 %

2008

31 056 $

9 200 $

29,6 %

[31]        Comme on peut le constater ci-dessus, les prétendus dons des appelants représentent une part importante de leur revenu net pour chacune des années en cause. Le montant total des dons déduits pour les années d’imposition 2005 à 2009 s’élevait à près de 92 000 $, et pourtant les appelants reconnaissent n’avoir jamais rencontré des représentants de la Fiducie Mehfuz pour se renseigner de première main sur ses activités.

[32]        Les appelants ont reconnu qu’au cours des années en cause ils avaient deux enfants qui vivaient à la maison et qui fréquentaient l’école publique. Ils avaient une hypothèque à payer sur leur résidence personnelle. Ils possédaient deux automobiles. Au cours des années en cause, ils ont touché un revenu d’emploi. M. Vekkal a soutenu qu’il s’était servi des loyers bruts de leurs immeubles locatifs pour faire les dons. Je constate que ces immeubles ont généré des pertes de 3 260 $, 2 311 $, 125 $ et 2 054 $ pour les années 2005, 2006, 2008 et 2009, respectivement. Un léger profit net de 798 $ et de 509 $ a été déclaré pour les années d’imposition 2007 et 2008, respectivement. Je suppose que les recettes de ces immeubles étaient nécessaires pour couvrir les dépenses locatives. Par ailleurs, les appelants n’ont corroboré d’aucune manière leur prétention selon laquelle les  locataires les payaient en argent comptant. J’imagine que si cela avait été le cas, les locataires auraient exigé des reçus, que les appelants auraient pu produire en preuve. Il m’est également difficile d’admettre que Mme Vekkal n’aurait pas été consultée à propos du montant des dons en argent comptant élevés que faisait chaque année le couple à la Fiducie Mehfuz.

[33]        Le témoignage de M. Vekkal paraissait être préparé et répété. À titre d’exemple, l’avocate de l’intimée a demandé à M. Vekkal comment le couple pouvait se permettre de faire à l’organisme de bienfaisance des dons en argent comptant élevés. Je suppose qu’il aurait fallu que M. Vekkal planifie avec soin dans son budget les dons mensuels d’un montant censément élevé. J’aurais aimé savoir quelle était la part du revenu net de la famille qui restait pour supporter ses dépenses de subsistance personnelles, ses dépenses hypothécaires, ses économies et les coûts financiers de leurs deux immeubles locatifs. M. Vekkal a semblé peu disposé à situer les prétendus dons dans le contexte des autres dépenses de subsistance de sa famille. Répondant à la question de l’avocate, M. Vekkal a dit sèchement et sans autre explication que sa famille avait des rentrées de fonds mensuelles suffisantes pour financer les dons. Bref, j’ai eu le sentiment que M. Vekkal souhaitait éviter carrément la question.

[34]        Les prétendus dons d’un montant élevé ne concordent pas non plus avec ceux que les appelants ont faits auparavant. De plus, j’ai peine à croire que M. Vekkal, tous les mois, aurait fait don de milliers de dollars à M. Raza sans demander qu’il lui remette un reçu quelconque. Je trouve également invraisemblable que les appelants se seraient engagés à faire don d’une part importante de leurs revenus nets mensuels sans rencontrer des représentants de la Fiducie Mehfuz pour s’informer de première main des activités de cet organisme au Bangladesh.

[35]        Compte tenu de la preuve dans son ensemble, je suis persuadé que les appelants ont acheté de leurs comptables de faux reçus pour don qui ont servi à réclamer des crédits d’impôt auxquels ils n’avaient pas droit.

[36]        Ce sont les frères Raza qui ont été les instigateurs du stratagème des faux reçus pour don, mais il n’y a pas lieu d’épargner les appelants. Le législateur a clairement indiqué qu’une telle conduite de la part de contribuables est inacceptable. La désobéissance financière est un sujet préoccupant sur le plan social. Comme le signale le juge Cory, de la Cour suprême du Canada, il existe une corrélation très étroite entre la véracité des déclarations de revenus et la bonne marche du gouvernement[1] :

[…] La Loi de l'impôt sur le revenu constitue une source majeure de revenus pour le gouvernement fédéral. Ses dispositions s'appliquent à la plupart des Canadiens adultes. La grande majorité paie son impôt sur le revenu au moyen de déductions à la source, ce qui laisse peu de possibilité d'évasion ou de fausse déclaration. Ceux qui éludent le paiement de l'impôt sur le revenu frustrent non seulement l'État de ce qu'ils lui doivent, mais ils augmentent inévitablement le fardeau des contribuables honnêtes. Il est ironique de constater que ceux qui éludent le paiement de l'impôt n'hésitent pas à se prévaloir des innombrables services que l'État fournit au moyen des impôts perçus auprès des autres personnes.

Le système d'imposition dépend entièrement de l'intégrité du contribuable qui déclare et évalue son revenu. Pour que le système fonctionne, les déclarations doivent être remplies honnêtement. […]

[37]        M. Vekkal a pris part au stratagème de dons durant cinq ans. On ne peut pas dire qu’il s’agit là d’un manque de jugement passager. Quant à Mme Vekkal, même si j’admettais qu’elle a fait aveuglément et malencontreusement confiance à d’autres personnes, on ne peut l’exonérer de toute responsabilité. En fait, il ressort de la jurisprudence que même dans les cas où c’est un tiers qui établit une déclaration de revenus, le contribuable se doit d’en examiner le contenu et d’en vérifier l’exactitude[2]. Il a aussi été conclu que le fait de signer une déclaration faisant état de pertes d’entreprise élevées sans la vérifier au préalable constitue un geste de négligence, d’inattention ou d’omission volontaire[3]. À mon avis, on pourrait en dire autant des déductions pour dons d’un montant élevé.

[38]        Au vu de ce qui précède, je conclus que les appelants ont fait sciemment une présentation erronée de faits à l’égard des dons que le ministre a refusés pour les années d’imposition 2006 et 2007. Ce dernier était donc fondé à établir à leur endroit de nouvelles cotisations pour ces deux années après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation.

[39]        Enfin, je souscris à la concession des appelants selon laquelle le dossier de preuve n’étaye pas leurs appels concernant les autres années d’imposition en litige.

[40]        En conséquence, les nouvelles cotisations sont confirmées et les appels rejetés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 18e jour de novembre 2014.

« Robert J. Hogan »

Juge Hogan

Traduction certifiée conforme

ce 11e jour de décembre 2014.

 

Claude Leclerc, LL.B.

 


RÉFÉRENCE :

2014 CCI 341

Nos DE DOSSIER DE LA COUR :

2013-882(IT)I

2013-883(IT)I

INTITULÉ :

JOSE VEKKAL et REMMY VEKKAL c. SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 15 septembre 2014

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge Robert J. Hogan

DATE DU JUGEMENT :

Le 18 novembre 2014

 

COMPARUTIONS :

 

Avocat des appelants :

Me Terry Gill

Avocates de l’intimée :

Me Selena Sit

Me Christa Akey

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

       Pour les appelants :

                              Nom :

Me Terry Gill

                         Cabinet :

Gill Tax Law

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

               Pour l’intimée :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 



[1] Knox Contracting Ltd. c. Canada, [1990] 2 RCS 338, aux pages 349 et 350 (QL, paragraphes 17 et18).

[2] Spence c. Agence du revenu du Canada, 2011 CF 426, 2011 DTC 5070; décision confirmée par 2012 CAF 58, 2012 DTC 5061.

[3] Yazdani c. La Reine, 2012 CCI 371, 2012 DTC 1303.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.