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     T-86-97

E N T R E :


PACK M.J. INC., corporation légalement constituée

ayant son siège social ou sa principale place d'affaires

au 56, rue Harde, St-Romuald, district de Québec, G6W 3T3

- et -


MONSIEUR JACQUES THIBAULT, domicilié au 56, rue Harde, St-Romuald, district de Québec, G6W 3T3

- et -


MADAME LUCIE FORTIN, domiciliée au 56, rue Harde, St-Romuald, district de Québec G6W 3T3

     Demandeurs

     - ET -

    

     SA MAJESTÉ LA REINE

     défenderesse

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

     (Prononcés à l'audience à Québec (Québec),

     mercredi le 4 juin 1997)

LE JUGE HUGESSEN

     La couronne défenderesse demande la radiation de la déclaration amendée et le rejet de l'action intentée par les demandeurs.

     L'action cherche essentiellement deux choses: 1) une déclaration de l'inconstitutionnalité de certaines lois fédérales touchant la vente du tabac1, et 2) une condamnation monétaire pour les dommages et intérêts prétendument causés aux demandeurs par la mise en application de cette même législation.

     Même si les allégations d'inconstitutionnalité manquent une certaine rigueur et pourraient s'avérer impossible à établir lors du procès éventuel, il m'est impossible à ce stade-ci de dire que les demandeurs n'ont aucune chance de succès et qu'il s'agit d'un cas de rejet évident et au delà de tout doute. Il n'est pas impossible que les demandeurs parviennent à convaincre la Cour que l'interdiction de vendre des cigarettes dans certaines formes d'emballages ou d'empaquetages ou par certains moyens de distribution constitue une atteinte à leur liberté d'expression. Je ne suis donc pas prêt à rayer toute la déclaration ni à rejeter l'action.

     Toutefois, pour ce qui est de la partie de l'action qui cherche une condamnation monétaire, je considère que la requête est bien fondée. Les demandeurs plaident qu'ils sont les victimes d'une expropriation déguisée et invoquent l'arrêt Manitoba Fisheries Ltd. c. La Reine2. À mon avis, cet arrêt n'a aucune application en l'espèce; le commerce que les demandeurs prétendent avoir exercé jusqu'à la mise en application de la nouvelle législation ne sera pas exercé dans l'avenir par un mandataire de la Couronne ni par d'autres. Au contraire, il s'agit d'une prohibition d'application générale qui est édictée pour le bien du public et pour sa protection. Il n'appartient pas à la Cour, évidemment, d'apprécier l'opportunité ou la sagesse d'une loi, ni encore son éfficacité..

     À mon avis, et même si les demandeurs ont éventuellement gain de cause sur la question de l'inconstitutionnalité des lois attaquées, il est impossible que cela engage la responsabilité civile de la Couronne. Le fait pour un parlement souverain de légiférer, même au delà de sa compétence, ne constitue pas un délit. Dans une société libre et démocratique l'adoption de bonne foi d'une loi pour promouvoir ce qui est perçu comme étant l'intérêt générale n'engage pas la responsabilité de la Couronne (pas plus, d'ailleurs, que celle des autres composantes de la législature, les sénateurs et les députés). Notre système de gouvernement exige que dans l'intérêt de la collectivité le législateur ne soit pas responsable en dommages et intérêts des conséquences de sa législation.

     Je ferai donc droit à la requête en partie. Les paragraphes 19, 20 et 26 de la déclaration amendée ainsi que les deux paragraphes des conclusions visant une condamnation monétaire seront rayés. Je ne donnerai pas suite à la demande de rayer les noms des deux demandeurs individuels qui ont, à mon sens, un intérêt suffisant pour contester la validité des lois en question.

     Les frais seront à suivre.

     James K. Hugessen

     juge

Québec (Québec),

mercredi le 4 juin 1997.

__________________

1      Loi modifiant la Loi sur l'accise, la Loi sur les douanes et la Loi sur la vente du tabac aux jeunes, S.C. 1994 ch. 37; Loi sur le tabac, S.C. 1997 ch. 13.

2      [1979] 1 R.C.S. 101

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