Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20150206


Dossier : IMM-5324-13

Référence : 2015 CF 160

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 6 février 2015

En présence de monsieur le juge Boswell

ENTRE :

HAMID DASHTBAN

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Nature de l’affaire et contexte

[1]               Le demandeur sollicite, en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la Loi), le contrôle judiciaire de la décision par laquelle un agent d’immigration (l’agent) a rejeté sa demande de résidence permanente à titre de membre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral). Le demandeur demande à la Cour d’annuler la décision de l’agent et de renvoyer l’affaire à un autre agent d’immigration afin que celui‑ci rende une nouvelle décision.

[2]               Le demandeur, un citoyen de l’Iran, a présenté une demande de résidence permanente au Canada à titre de membre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) le 19 mars 2010, dans laquelle il a indiqué qu’il était dentiste (code 3113 de la Classification nationale des professions (CNP)) et directeur des soins de santé (code 0311 de la CNP).

[3]               Cette demande a été rejetée une première fois le 2 mai 2012. Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (le ministre) établit, au paragraphe 76(2) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 (le Règlement) (tel qu’il était en vigueur le 3 mai 2013), le nombre minimum de points que le demandeur doit obtenir. Le demandeur devait accumuler 67 points, mais il n’en a obtenu que 66. Cette situation s’explique en partie par le fait que le demandeur a obtenu seulement 20 points pour ses études en application de l’alinéa 78(2)d) du Règlement, au motif que son diplôme en médecine équivalait à un diplôme universitaire de premier cycle. Le demandeur a aussi obtenu cinq points pour la capacité d’adaptation, car un membre de sa famille résidait au Canada, mais il n’a reçu aucun autre point pour les études faites par son épouse.

[4]               Comme le demandeur avait fait 6 années d’études à temps plein en médecine dentaire, il croyait qu’il aurait dû obtenir 22 points pour ses études, en application de l’alinéa 78(2)e) du Règlement. Il croyait également qu’il aurait dû obtenir davantage de points pour sa capacité d’adaptation en raison des études de son épouse, conformément à l’alinéa 83(1)a). Le demandeur a donc demandé à plusieurs reprises que la première décision fasse l’objet d’un nouvel examen, mais a essuyé des refus. À la suite de ces refus, il a demandé, le 29 juin 2012, à la Cour d’effectuer un contrôle judiciaire et sa demande, avec le consentement du ministre, a été accueillie le 10 octobre 2012 (Dashtban c Minister of Citizenship and Immigration, IMM‑6503-12 (CF)).

[5]               En conséquence, la demande de résidence permanente du demandeur a été renvoyée à un autre agent afin que celui‑ci rende une nouvelle décision. La présente demande de contrôle judiciaire porte sur la décision rendue par ce deuxième agent.

II.                La décision soumise au contrôle

[6]               Après avoir examiné le dossier, l’agent était disposé à attribuer au demandeur le même nombre de points que lors de la première évaluation, car rien ne permettait de conclure soit que son diplôme équivalait à un diplôme de deuxième cycle ou à deux diplômes de premier cycle, soit que les études de son épouse satisfaisaient aux critères énoncés au paragraphe 83(2) du Règlement. L’agent a envoyé un courrier électronique au demandeur à cet effet le 6 juin 2013 et lui a accordé 30 jours afin qu’il puisse présenter tout autre renseignement pouvant entraîner la modification de cette évaluation. Le 4 juillet 2013, le demandeur a produit d’autres documents sur les cours qu’il avait suivis et sur certains cours que son épouse avait suivis dans deux établissements d’enseignement, à savoir le Fanavaran Doran et l’Institut universitaire des chercheurs et des innovateurs de l’Université de Téhéran.

[7]               Dans une lettre datée du 25 juillet 2013, la demande du demandeur a été refusée pour une seconde fois.

[8]               Là encore, le demandeur s’est vu attribuer seulement 20 points pour ses études. Dans les notes du Système de traitement informatisé des dossiers d’immigration (STIDI), l’agent a écrit ce qui suit : [traduction] « Aucun document au dossier [du demandeur] ne mentionne que le diplôme a été délivré par une faculté d’études supérieures ou ne me convainc autrement qu’il s’agit d’un diplôme universitaire de deuxième cycle ». Bien que le demandeur ait présenté certains certificats attestant qu’il avait suivi certains cours, aucun de ces certificats n’était un diplôme universitaire et [traduction] « rien ne permet de conclure que [le demandeur] a obtenu un diplôme universitaire ultérieurement ».

[9]               L’agent ne s’est pas non plus écarté de l’évaluation antérieure selon laquelle le demandeur ne devrait recevoir aucun point au titre de la capacité d’adaptation en raison des études de son épouse. Bien que celle‑ci ait suivi beaucoup de cours à Fanavaran Doran, l’agent a souligné que le cours le plus long comptait seulement 460 heures, ce qui est nettement inférieur à l’année requise pour que les études soient considérées à « temps plein » ou l’« équivalent temps plein » en application du paragraphe 78(1) du Règlement. En outre, l’agent a décidé que ces cours n’étaient pas regroupés en un seul et même diplôme, car un certificat avait été délivré pour chacun des cours. L’agent a également pris en considération le certificat délivré par l’Institut universitaire des chercheurs et des innovateurs de l’Université de Téhéran à l’épouse du demandeur. L’agent a écarté ce certificat, qui indiquait toutefois que l’épouse du demandeur avait complété des [traduction] « cours spécialisés d’un grade d’associé », pour la raison suivante : le certificat [traduction] « ne mentionnait pas la durée du cours, ne mentionnait pas qu’un diplôme avait été délivré à la réussite de ces cours et ne mentionnait pas le fondement de l’équivalence invoquée. En outre, l’équivalence n’était pas liée au grade d’associé en soi, mais plutôt aux cours spécialisés du grade d’associé ». Par conséquent, encore une fois, le demandeur ne s’est vu attribuer aucun point pour les études de son épouse et a obtenu seulement cinq points pour la capacité d’adaptation en raison de la présence d’un membre de sa famille au Canada.

[10]           De plus, le demandeur a obtenu 10 points pour l’âge, 21 points pour l’expérience, 10 points pour la compétence dans les langues officielles et 0 point pour l’emploi réservé. La somme de ces points, des 20 points obtenus pour les études et des 5 points obtenus pour la capacité d’adaptation s’élève à 66 points, soit un point de moins que le nombre minimal. Comme l’agent a décidé que ce nombre de points était représentatif de la capacité du demandeur à réussir son établissement économique au Canada, il n’était pas justifié d’avoir recours à une substitution de l’appréciation de l’agent à la grille, au titre du paragraphe 76(3) du Règlement. Par conséquent, la demande présentée par le demandeur a été rejetée une fois de plus.

[11]           Le demandeur a sollicité un nouvel examen de la décision de l’agent le 30 juillet 2013, mais cette demande a été rejetée dans un courrier électronique daté du 1er août 2013, qui précisait que la demande présentée par le demandeur avait été traitée de manière équitable et qu’il n’y avait pas de motifs suffisants justifiant la réouverture de son dossier.

III.             Les observations des parties

A.                Les arguments du demandeur

[12]           Le demandeur soutient que l’agent a commis deux erreurs lorsqu’il a rejeté la demande qui lui aurait permis d’entrer au Canada à titre de travailleur qualifié. Premièrement, le demandeur fait valoir que l’agent a conclu de façon déraisonnable que son diplôme en médecine dentaire était seulement un diplôme universitaire de premier cycle et que par conséquent, il ne lui a pas attribué suffisamment de points pour ses études. Deuxièmement, le demandeur soutient que l’agent a mal interprété et mal appliqué le Règlement et qu’il ne lui a pas attribué à tort trois points pour la capacité d’adaptation en raison des études de son épouse.

[13]           Le demandeur souligne que le diplôme universitaire en médecine dentaire qu’il a obtenu nécessitait 202 crédits à la faculté de médecine dentaire de l’Université de Mashhad. Compte tenu de la lettre de l’Université des sciences médicales de Mashhad datée du 1er juillet 2012, le demandeur affirme qu’il aurait dû obtenir au moins 22 points pour ses études. Le demandeur invoque les paragraphes 8 à 11 de la décision Nikoueian c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 514 (Nikoueian), rendue par du juge Michael Phelan et soutient que la décision de l’agent à cet égard est inintelligible, car dans la décision Nikoueian, le juge Phelan a décidé que le rejet d’une demande semblable était déraisonnable.

[14]           En ce qui a trait à l’évaluation de l’agent quant au nombre de points qu’il convenait d’accorder en raison des études de l’épouse du demandeur, celui‑ci soutient que la norme applicable est celle de la décision correcte (Kastrati c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 1141, aux paragraphes 9 et 10 (accessible sur CanLII) (Kastrati)). Le demandeur prétend que l’agent a mal interprété le Règlement et a supposé à tort que son épouse devait avoir suivi une formation et des cours à temps plein pendant au moins un an. Selon le demandeur, il suffisait que les cours supplémentaires suivis par son épouse s’échelonnent sur une période de 2 ans et comptent 1 953 heures d’études.

[15]           Le demandeur soutient également que l’agent a refusé de façon déraisonnable d’effectuer un nouvel examen de la décision après avoir reçu une lettre de l’Université des sciences médicales de Mashhad, datée du 1er juillet 2012. Il soutient que cette lettre prouvait que son diplôme était considéré comme un diplôme universitaire de deuxième cycle en Iran. Le demandeur maintient que si l’agent ne disposait pas de cette lettre, ce n’était pas de la faute du demandeur, car il a envoyé cette lettre à temps, du moins pour le prononcé de la décision relative au nouvel examen.

B.                  Les arguments du défendeur

[16]           Le défendeur soutient que la norme de contrôle applicable à toutes les questions en litige en l’espèce est celle de la décision raisonnable (il renvoie à la décision Anabtawi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 856, 415 FTR 66, au paragraphe 29 (Anabtawi)).

[17]           Le défendeur avance qu’il incombait au demandeur de prouver que son diplôme équivalait à un diplôme de deuxième cycle, mais ne l’a pas fait.

[18]           Selon le défendeur, la présente affaire ne ressemble pas à celle visée par la décision Nikoueian, car dans cette dernière, des documents établissaient clairement que le demandeur avait un diplôme universitaire de troisième cycle. En l’espèce, aucun document n’établit que le demandeur est titulaire d’un diplôme universitaire de troisième cycle. Selon le défendeur, la situation du demandeur ressemble davantage à celle des demandeurs dans les décisions Sedighi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 445, 431 FTR 302, au paragraphe 16 (Sedighi) et Mahouri c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 244, 428 FTR 263, au paragraphe 20 (Mahouri).

[19]           Le défendeur ajoute qu’il est impossible de qualifier la décision de l’agent de déraisonnable pour la seule et unique raison que le nombre d’années d’études du demandeur était supérieur aux exigences. Selon le défendeur, l’agent n’était pas tenu d’évaluer les diplômes du demandeur tel qu’ils seraient perçus en Iran.

[20]           Le défendeur affirme également que l’agent a évalué les diplômes de l’épouse du demandeur de façon raisonnable. Le défendeur soutient qu’au mieux, l’épouse du demandeur avait seulement un [traduction] « grade d’associé », ce qui n’équivaut pas à un diplôme de premier cycle (il renvoie à la décision Ghajarieh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 722, 435 FTR 211, au paragraphe 27).

[21]           Le défendeur soutient que l’agent disposait de la lettre de l’Université des sciences médicales de Mashhad datée du 1er juillet 2012 lorsque la demande de nouvel examen a été présentée. Il souligne que la lettre envoyée par la suite au demandeur, datée du 1er août 2013, fait de toute évidence référence aux renseignements supplémentaires fournis par le demandeur et précise que ceux‑ci n’ont pas changé l’attribution des points effectuée par l’agent. Pour justifier ce résultat, le défendeur maintient que la lettre n’est pas vraiment précise quant à la question de savoir si le demandeur est réellement titulaire d’un diplôme équivalent à un diplôme universitaire de deuxième cycle. Enfin, le défendeur précise qu’il est impossible d’émettre des conjectures sur ce que l’agent pensait de cette lettre.

IV.             Analyse

A.                La norme de contrôle

[22]           Selon le demandeur, la norme de contrôle qui s’applique aux questions de droit est celle de la décision correcte, il s’appuie principalement sur la décision Kastrati. Cette décision n’est pas utile, car elle visait le contrôle judiciaire d’une décision de la Section de la protection des réfugiés, qui est un décideur très différent de l’agent dont la décision fait l’objet du contrôle en l’espèce. De plus, au paragraphe 58 de la décision Najafi c Canada (Sécurité publique et protection civile), 2013 CF 876, 438 FTR 135, confirmée par l’arrêt 2014 CAF 262, au paragraphe 56, la juge Mary Gleason a expressément dit que l’affirmation neutre dans la décision Kastrati, selon laquelle le contrôle judiciaire des questions de droit s’effectue conformément à la norme de la décision correcte, n’a jamais été universellement exacte et a été écartée de façon absolue dans un arrêt tel que Alberta (Information and Privacy Commissioner) c Alberta Teachers’ Asssociation, 2011 CSC 61, [2011] 3 RCS 654, aux paragraphes 30 et 34. Je souscris à sa conclusion.

[23]           Je continue d’être aussi en désaccord avec l’observation du défendeur selon laquelle la norme de contrôle applicable à chacune des questions en litige en l’espèce est celle de la décision raisonnable. Bien que le juge John O’Keefe ait affirmé qu’il avait appliqué la norme de la décision raisonnable à la question de droit dans la décision Anabtawi, il a fini par conclure que dans cette décision, l’agent « a donc appliqué le bon critère juridique lors de son appréciation de l’expérience de travail du demandeur » (Anabtawi, au paragraphe 36, non souligné dans l’original). Par conséquent, il est difficile de savoir quelle norme de contrôle a réellement été appliquée.

[24]           Enfin, je souscris à l’argument du demandeur lorsqu’il affirme que la norme de la décision correcte devrait s’appliquer au contrôle judiciaire de la façon dont l’agent a interprété les paragraphes 76(2) et 83(2) du Règlement, mais je m’appuie ici sur les arrêts de la Cour d’appel fédérale Canada (Citoyenneté et Immigration) c Shahid, 2011 CAF 40, [2012] 4 RCF 99, au paragraphe 25 (Shahid) et Canada (Citoyenneté et Immigration) c Patel, 2011 CAF 187, [2013] 1 RCF 340, aux paragraphes 27 et 28, (Patel). Dans l’arrêt Shahid, la norme de la décision correcte a été appliquée pour contrôler judiciairement la façon dont un agent d’immigration avait interprété le terme « équivalent temps plein » au paragraphe 78(1) du Règlement et dans l’arrêt Patel, la même norme a été appliquée en ce qui a trait à la façon dont un agent avait interprété la capacité d’adaptation aux termes de l’article 83 du Règlement.

[25]           Je sais que ma collègue la juge Cecily Strickland a récemment affirmé qu’en raison de l’arrêt Agraira c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CSC 36, au paragraphe 50, [2013] 2 RCS 559 (Agraira), l’arrêt Patel rendu par la Cour d’appel fédérale est désormais remis en question et la juge a réexaminé la norme de contrôle applicable pour les décisions rendues par des agents des visas relativement aux demandes de résidence permanente présentées au titre de la catégorie des travailleurs qualifiés (Ijaz c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 67, aux paragraphes 25 à 27 (Ijaz)). Au moyen de motifs très convaincants, la juge Strickland a appliqué la norme de la décision raisonnable lorsqu’elle a examiné une question d’interprétation de la loi d’une décision prise par un agent ayant évalué une demande de résidence permanente présentée au titre de la catégorie des travailleurs qualifiés (Ijaz, aux paragraphes 28 à 33).

[26]           Cependant, dans une certaine mesure, la présente affaire est distincte de la décision Ijaz, car dans cette dernière, il était plus difficile de distinguer la question de droit de l’évaluation des faits, et une nouvelle version du Règlement était en vigueur. Par conséquent, l’arrêt Patel était moins à propos (Ijaz, au paragraphe 26). Toutefois, dans la mesure où il serait possible d’interpréter la décision Ijaz plus largement, je refuse d’appliquer la norme de contrôle de la décision raisonnable qui a été retenue dans ladite décision.

[27]           Je suis de cet avis pour la raison suivante : « bien qu’il permette aux tribunaux de revoir la norme de contrôle lorsque l’analyse antérieure s’est avérée insatisfaisante, l’arrêt Dunsmuir ne permet pas de déroger à la hiérarchie judiciaire » (Vuktilaj c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 188, 24 Imm LR (4th) 234, au paragraphe 30; voir aussi Qin c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 147, [2014] 3 RCF 373, au paragraphe 13 (Qin (CF)). Les arrêts Patel et Shahid de la Cour d’appel fédérale étaient tout à fait à propos et la Cour devrait s’en écarter uniquement « lorsque de nouvelles questions de droit sont soulevées par suite d’une évolution importante du droit » (Canada (Procureur général) c Bedford, 2013 CSC 72, [2013] 3 RCS 1101, au paragraphe 42 (non souligné dans l’original)). Il se peut tout de même que ces exigences soient peu élevées, car elles ont été établies dans un arrêt se rapportant à la Charte dans lequel les libertés et les droits fondamentaux étaient en jeu. Pour les questions comme la norme de contrôle, il faut se rappeler qu’[traduction] « il importe généralement plus d’établir une règle de loi que de l’établir correctement » (David Polowin Real Estate Ltd c The Dominion of Canada General Insurance Co (2005), 76 OR (3d) 161, 255 DLR (4th) 633, au paragraphe 118 (CA) (David Polowin), renvoyant à la décision Di Santo c Pennsylvania, 273 US 34, 47 S Ct 267 (1927), à la page 270). Lorsqu’un tribunal inférieur ne respecte pas les directives d’un tribunal supérieur, il dévalorise les qualités de cohérence, de prévisibilité, de certitude et de bonne administration de la justice (David Polowin, aux paragraphes 119 et 120).

[28]           Compte tenu de ce qui précède, j’estime qu’il ne serait pas approprié de s’écarter des arrêts Patel et Shahid à moins que je ne puisse affirmer avec certitude qu’ils ont été implicitement infirmés par une importante évolution du droit, ce qu’il m’est impossible de faire. Les deux arrêts ont été rendus après l’arrêt Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190 (Dunsmuir), et la présomption selon laquelle la norme de la décision raisonnable s’applique lors du contrôle judiciaire de l’interprétation de sa loi constitutive par un décideur a été prise en compte expressément au paragraphe 24 de l’arrêt Patel. L’arrêt Agraira a confirmé que cette présomption s’applique à tous les décideurs (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Kandola, 2014 CAF 85, 372 DLR (4th) 342, aux paragraphes 35 à 42 (Kandola)), mais rien dans les arrêts Shahid ou Patel n’indique que la Cour d’appel fédérale voyait alors les choses différemment.

[29]           En outre, la Cour d’appel fédérale avait connaissance de l’arrêt Agraira et a eu l’occasion d’examiner à nouveau l’arrêt Patel, aux paragraphes 24 à 38 de l’arrêt Qin c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CAF 263, 21 Imm LR (4th) 98 (Qin (CAF)), mais a refusé de le faire. Bien que cette situation s’explique en grande partie par le fait qu’il ne s’agissait pas d’une question déterminante, le juge John Evans a mentionné qu’« il n’y a lieu de faire preuve de déférence à l’égard des décideurs administratifs qu’en ce qui touche les questions qui relèvent de leur compétence » (Qin, au paragraphe 34; voir aussi l’arrêt Kandola, aux paragraphes 43 à 45), et a laissé entendre que les agents n’ont pas nécessairement le pouvoir de trancher des questions de droit (Qin (CAF), aux paragraphes 34 à 37; Nouvelle-Écosse (Workers’ Compensation Board) c Martin; Nouvelle-Écosse (Workers’ Compensation Board) c Laseur, 2003 CSC 54, [2003] 2 RCS 504, aux paragraphes 40 et 41). Ce qui précède fournit un raisonnement permettant de justifier l’issue des arrêts Shahid et Patel, et il n’est pas nécessaire de procéder à un nouvel examen. Par conséquent, je refuse de m’en écarter.

[30]           Ainsi, du moins pour l’instant, la norme de contrôle qui s’applique aux questions d’interprétation de la loi en l’espèce est celle de la décision correcte.

[31]           En ce qui concerne les autres questions soulevées relativement à la décision de l’agent, la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable. L’agent en l’espèce est un décideur spécialisé dont les conclusions factuelles portant sur l’admissibilité du demandeur à la résidence permanente au Canada commandent la déférence : Dunsmuir, au paragraphe 53; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 RCS 339, aux paragraphes 59 et 61; Hameed c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 271, 324 FTR 109, au paragraphe 22. Comme l’a affirmé le juge André Scott dans la décision Shirazi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 306, 406 FTR 290 :

[15]      « [L]’appréciation d’une demande de résidence permanente dans la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) relève de l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire à l’égard duquel la Cour doit faire preuve d’une très grande retenue » (voir Ali c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 1247, [2011] ACF no 1536, au paragraphe 26;Kniazeva c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 268). La question en litige est une question de fait ou une question mixte de fait et de droit. Elle est donc susceptible de contrôle selon la norme de la raisonnabilité (voir Gulati c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 451, [2010] ACF no 771, au paragraphe 19 [Gulati]).

[16]      Lors du contrôle d’une décision selon la norme de la raisonnabilité, l’analyse du tribunal s’attache « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (voir Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, au paragraphe 47 [Dunsmuir]).

B.                 L’agent a‑t‑il interprété correctement les paragraphes 78(2) et 83(2) du Règlement?

[32]           Dans les notes du STIDI datées du 25 juillet 2013, l’agent s’est exprimé en ces termes lorsqu’il a évalué les diplômes de l’épouse du demandeur :

[traduction]

Les renseignements supplémentaires fournis n’ont pas dissipé mes doutes quant aux points qu’il convient d’attribuer aux études de l’épouse du demandeur principal pour le facteur de la capacité d’adaptation. [...] l’épouse a suivi plusieurs cours, cependant aucun d’entre eux n’a duré pendant au moins une année d’études à temps plein ou l’équivalent temps plein comme l’exige l’alinéa 78(2)b) du Règlement. Les termes « temps plein » et « équivalent temps plein » se rapportant aux études sont définis au paragraphe 78(1) du Règlement et j’ai utilisé ces définitions pour évaluer la durée des études de l’épouse du demandeur principal. Le plus long de ces cours a duré seulement 460 heures, ce qui est largement inférieur à une année. Selon le certificat de Fanavaran Doran, l’épouse du demandeur principal a complété 15 cours différents et chacun d’entre eux a eu une durée très inférieure à un an. Ces cours n’étaient pas regroupés dans un seul et même diplôme, car un diplôme (certificat) a été délivré pour chaque cours. Les éléments de preuve produits par le demandeur principal étayent cette déclaration, car ils comprennent plusieurs certificats délivrés pour attester que l’épouse du demandeur principal avait complété différents cours, qui étaient énumérés dans le certificat de Fanavaran Doran. Il en va de même pour tous les autres certificats d’études produits pour le compte de l’épouse du demandeur principal. J’ai tenu compte du certificat délivré par le service d’établissement du niveau de l’Institut universitaire des chercheurs et des innovateurs de l’Université de Téhéran, selon lequel l’épouse du demandeur principal a complété un cours en informatique et en technologie de l’information (TI) des logiciels, qui, selon l’établissement ayant délivré le diplôme, équivaut à des cours spécialisés du grade d’associé. Après avoir examiné ce document, je ne suis pas convaincu qu’il satisfait aux exigences établies à l’alinéa 78(2)b) pour les motifs suivants : le certificat ne mentionnait pas la durée du cours, la délivrance d’un diplôme à la réussite de ces cours ni le fondement de l’équivalence invoquée. En outre, l’équivalence n’était pas liée au grade d’associé en soi, mais plutôt aux cours spécialisés du grade d’associé. Après avoir examiné tous les éléments de preuve au dossier, j’ai conclu que l’épouse du demandeur principal n’a pas fait d’études pouvant satisfaire aux exigences établies au paragraphe 78(2) du Règlement. [...]

[33]           Lorsque la demande présentée par le demandeur a été évaluée, les articles 78 et 83 du Règlement étaient libellés en partie comme suit :

78. (1) Les définitions qui suivent s’appliquent au présent article.

78. (1) The definitions in this subsection apply in this section.

« équivalent temps plein » Par rapport à tel nombre d’années d’études à temps plein, le nombre d’années d’études à temps partiel ou d’études accélérées qui auraient été nécessaires pour compléter des études équivalentes.

“full-time” means, in relation to a program of study leading to an educational credential, at least 15 hours of instruction per week during the academic year, including any period of training in the workplace that forms part of the course of instruction.

« temps plein » À l’égard d’un programme d’études qui conduit à l’obtention d’un diplôme, correspond à quinze heures de cours par semaine pendant l’année scolaire, et comprend toute période de formation donnée en milieu de travail et faisant partie du programme.

“full-time equivalent” means, in respect of part-time or accelerated studies, the period that would have been required to complete those studies on a full-time basis.

(2) Un maximum de 25 points d’appréciation sont attribués pour les études du travailleur qualifié selon la grille suivante :

(2) A maximum of 25 points shall be awarded for a skilled worker’s education as follows:

[…]

b) 12 points, s’il a obtenu un diplôme postsecondaire — autre qu’un diplôme universitaire — nécessitant une année d’études et a accumulé un total d’au moins douze années d’études à temps plein complètes ou l’équivalent temps plein;

(b) 12 points for a one-year post-secondary educational credential, other than a university educational credential, and a total of at least 12 years of completed full-time or full-time equivalent studies;

[…]

83. (1) Un maximum de 10 points d’appréciation sont attribués au travailleur qualifié au titre de la capacité d’adaptation pour toute combinaison des éléments ci-après, selon le nombre indiqué :

83. (1) A maximum of 10 points for adaptability shall be awarded to a skilled worker on the basis of any combination of the following elements:

a) pour les diplômes de l’époux ou du conjoint de fait, 3, 4 ou 5 points conformément au paragraphe (2);

(a) for the educational credentials of the skilled worker’s accompanying spouse or accompanying common-law partner, 3, 4 or 5 points determined in accordance with subsection (2);

[…]

(2) Pour l’application de l’alinéa (1)a), l’agent évalue les diplômes de l’époux ou du conjoint de fait qui accompagne le travailleur qualifié comme s’il s’agissait du travailleur qualifié et lui attribue des points selon la grille suivante :

(2) For the purposes of paragraph (1)(a), an officer shall evaluate the educational credentials of a skilled worker’s accompanying spouse or accompanying common-law partner as if the spouse or common-law partner were a skilled worker, and shall award points to the skilled worker as follows:

[…]

c) dans le cas où l’époux ou le conjoint de fait obtiendrait 12 ou 15 points, 3 points.

(c) for a spouse or common-law partner who would be awarded 12 or 15 points, 3 points.

[34]           À la première lecture, il ressort de toute évidence des alinéas 78(2)b) et 83(2)c) que le demandeur peut obtenir seulement trois points pour les diplômes de son épouse, s’il peut prouver qu’elle a au moins « obtenu un diplôme postsecondaire – autre qu’un diplôme universitaire – nécessitant une année d’études et a accumulé un total d’au moins douze années d’études à temps plein complètes ou l’équivalent temps plein ». Selon l’interprétation de l’agent, l’épouse du demandeur devait avoir complété au moins un cours ayant [traduction] « nécessité au moins une année d’études à temps plein ou l’équivalent temps plein ». Le demandeur conteste cette interprétation, tandis que le défendeur la justifie.

[35]           J’estime qu’en l’espèce, l’agent a mal énoncé les deux exigences de l’alinéa 78(2)b) : (1) « un diplôme postsecondaire [...] nécessitant une année d’études » (non souligné dans l’original); (2) « un total d’au moins douze années d’études à temps plein complètes ou l’équivalent temps plein ». La première exigence n’est pas liée à la question de savoir si le diplôme en question a nécessité des études à temps plein ou l’équivalent temps plein. La simple obtention du diplôme serait suffisante pour satisfaire à l’exigence du premier volet de l’alinéa 78(2)b) , à condition que les études aient duré au moins « une année ».

[36]           Toutefois, les études à temps plein ou l’équivalent temps plein sont liées au programme d’études menant à l’obtention d’un diplôme au cours d’une année scolaire ou au cours de la période requise pour l’obtention du diplôme. Les études à temps plein ou l’équivalent temps plein font l’objet d’une évaluation visant à établir le nombre total d’années d’études d’un demandeur et se rapportent à une « année scolaire » ou à une autre « période » d’études.

[37]           Ainsi, bien qu’il soit possible que l’agent ait mal énoncé les exigences de l’alinéa 78(2)b), cela ne signifie pas nécessairement qu’il n’était pas adéquat ou qu’il était déraisonnable de ne pas attribuer au demandeur trois points pour les diplômes d’études de son épouse. La question reposait essentiellement sur le fait que bien que l’épouse du demandeur ait suivi de nombreux cours pendant une période de 2 ans, représentant quelque 1 953 heures de cours, et était titulaire d’autres diplômes, l’agent a décidé qu’aucun d’entre eux n’avait mené à l’obtention d’« un diplôme postsecondaire [...] nécessitant une année d’études ». L’agent a donc tiré une conclusion raisonnable et celle-ci appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

C.                 La décision de l’agent était‑elle raisonnable?

[38]           Le demandeur soutient également qu’il aurait dû obtenir davantage de points pour ses études. Les alinéas 78(2)e) et 78(2)f) sont libellés comme suit :

78. […] (2) Un maximum de 25 points d’appréciation sont attribués pour les études du travailleur qualifié selon la grille suivante :

78. [...] (2) A maximum of 25 points shall be awarded for a skilled worker’s education as follows:

e) 22 points, si, selon le cas :

(e) 22 points for

(i) il a obtenu un diplôme postsecondaire — autre qu’un diplôme universitaire — nécessitant trois années d’études et a accumulé un total de quinze années d’études à temps plein complètes ou l’équivalent temps plein,

(i) a three-year post-secondary educational credential, other than a university educational credential, and a total of at least 15 years of completed full-time or full-time equivalent studies, or

(ii) il a obtenu au moins deux diplômes universitaires de premier cycle et a accumulé un total d’au moins quinze années d’études à temps plein complètes ou l’équivalent temps plein;

(ii) two or more university educational credentials at the bachelor’s level and a total of at least 15 years of completed full-time or full-time equivalent studies; and

f) 25 points, s’il a obtenu un diplôme universitaire de deuxième ou de troisième cycle et a accumulé un total d’au moins dix-sept années d’études à temps plein complètes ou l’équivalent temps plein.

(f) 25 points for a university educational credential at the master’s or doctoral level and a total of at least 17 years of completed full-time or full-time equivalent studies.

[39]           Lorsqu’une nouvelle décision a été rendue au sujet de sa demande, le demandeur a produit un affidavit daté du 21 août 2012 dans lequel il a fait les déclarations suivantes :

[traduction]

7.         Les études ayant mené à l’obtention de mon diplôme universitaire de troisième cycle en médecine dentaire ont duré 7 ans et j’ai accumulé 202 crédits pour respecter les exigences [...]

8.         Mon diplôme universitaire de troisième cycle en médecine dentaire est réellement un doctorat. Autrement dit, en Iran, l’obtention d’un diplôme universitaire de troisième cycle en médecine dentaire nécessite au moins six années d’études continues.

9.         De plus, un diplôme universitaire de premier cycle nécessite 120 crédits, tandis que j’en ai obtenu 202 à l’Université des sciences médicales de Mashhad en Iran.

Le demandeur a également produit une lettre de l’Université des sciences médicales de Mashhad, datée du 1er juillet 2012, attestant qu’il avait obtenu un [traduction] « diplôme universitaire professionnel de troisième cycle en médecine dentaire » en 1995. Cette lettre (qui a été traduite) apportait aussi la précision suivante : [traduction] « En Iran, les diplômés en chirurgie dentaire sont autorisés à pratiquer la médecine, car ils ont obtenu le permis de pratique permanent, et s’ils souhaitent poursuivre leurs études dans des domaines de spécialité au troisième cycle, ils sont évalués au même niveau que les étudiants du programme de deuxième cycle ».

[40]           Après avoir reçu la lettre de l’agent, datée du 25 juillet 2013, le demandeur a demandé à l’agent de réexaminer sa décision. Dans un courrier électronique qu’il a envoyé à l’agent, le 30 juillet 2012, le demandeur a expliqué que [traduction] « les étudiants en médecine dentaire, après avoir réussi un nombre de cours équivalant au diplôme universitaire de premier cycle doivent passer un examen. Ceux qui échouent à cet examen, bien qu’ils soient titulaires d’un diplôme universitaire de premier cycle, ne peuvent poursuivre leurs études et sont renvoyés du programme. Par conséquent, les étudiants qui réussissent l’examen et les cours restants doivent se voir décerner un grade supérieur, soit au moins un diplôme universitaire de deuxième cycle ». Toutefois, cette demande a été rejetée par un courrier électronique de l’ambassade à Varsovie daté du 1er août 2013, qui précisait que le dossier du demandeur avait été traité de façon équitable et qu’il n’y avait pas de motifs suffisants pour justifier la réouverture de sa demande.

[41]           La Cour a rendu un certain nombre de décisions portant sur des faits semblables à ceux de l’espèce et il est utile de les examiner de manière approfondie.

[42]           Dans la décision Nikoueian, le juge Michael Phelan a accueilli une demande de contrôle judiciaire dans une situation où la demanderesse n’avait pas obtenu le nombre maximal de points pour son diplôme universitaire de troisième cycle en médecine dentaire. Dans la décision Nikoueian, comme dans la présente affaire, l’agent des visas avait attribué à la demanderesse seulement 20 points pour ses études et lui avait accordé en tout 66 des 67 points requis pour l’obtention d’un visa. La demanderesse a produit des éléments de preuve selon lesquels son programme d’études exigeait 202 crédits, alors qu’un programme de premier cycle en exige 120. Elle avait aussi 19 années d’études à temps plein complètes. Le juge Phelan a souligné que l’agent ne s’était pas informé sur la façon dont le doctorat est considéré à l’échelle locale (voir Lak c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 350, 62 Imm LR (3d) 101). Lorsqu’il a accueilli la demande de contrôle judiciaire, le juge Phelan a tiré la conclusion suivante :

[10]      À mon avis, l’agent est arrivé à une conclusion déraisonnable en appliquant le guide OP 6 relativement aux diplômes de premier cycle (comme l’explique le paragraphe 6 des présentes). Ce guide n’est pas une loi et l’agent l’a appliqué mécaniquement.

[11]      L’agent n’a pas tenu compte des 19 années d’études à temps plein complètes (ou équivalant à temps plein) de la demanderesse, c’est-à-dire deux années de plus que nécessaire pour un doctorat et quatre années de plus que ce qui est nécessaire pour une maîtrise ou un baccalauréat.

[43]           Dans la décision Mahouri, le juge Michael Manson a maintenu la décision d’une agente des visas de refuser de délivrer un visa à une demanderesse qui avait obtenu un doctorat de l’Université Chiraz des sciences médicales après huit ans d’études et un « diplôme dans une spécialisation » après trois autres années d’études à la même université. Dans cette affaire, l’agent a conclu que les deux diplômes étaient au niveau du baccalauréat et a attribué 22 points à la demanderesse pour ses études. Il n’y avait pas d’éléments de preuve selon lesquels les « autorités locales » responsables des institutions médicales reconnaîtraient ces titres de compétence comme étant au niveau des études de deuxième cycle.

[44]           Dans la décision Sedighi, le demandeur était un médecin formé en Iran. L’agent qui a rejeté la demande avait attribué au demandeur 66 des 67 points requis. Le demandeur a contesté l’appréciation effectuée par l’agent, il prétendait que l’agent avait eu tort de lui attribuer 22 points sur une possibilité de 25 points au titre du facteur des études. Le demandeur s’est fondé sur sa déclaration selon laquelle il avait obtenu un doctorat en médecine et il s’est opposé à la conclusion tirée par l’agent selon laquelle il s’agissait d’un diplôme de premier cycle. Lorsqu’il a rejeté la demande de contrôle judiciaire, le juge Roy a déclaré qu’il incombait au demandeur de démontrer que le diplôme d’études universitaires qu’il avait obtenu était un diplôme universitaire de deuxième ou de troisième cycle. Le juge Roy a cité les motifs de l’agent dans lesquels celui-ci expliquait pourquoi il avait attribué seulement 22 points au demandeur :

[traduction]

Je constate que ce demandeur a indiqué que le plus haut degré de scolarité qu’il avait atteint était un doctorat. Le Guide opérationnel OP 6 mentionne ce qui suit : « Un diplôme de médecine correspond généralement à un diplôme universitaire de premier cycle, au même titre qu’un baccalauréat en droit ou qu’un baccalauréat en pharmacie, même s’il s’agit d’un diplôme “professionnel”, et devraient donner 20 points. S’il s’agit d’un diplôme de deuxième cycle et s’il est délivré par une faculté des Études supérieures, par exemple, 25 points pourraient être accordés. Si le baccalauréat est un préalable, mais que le diplôme en soi est considéré comme un diplôme de premier cycle, 22 points seront accordés. »

 En l’espèce, le demandeur a reçu un seul diplôme pour lui permettre de pratiquer la médecine. Rien n’indique qu’il ait obtenu un baccalauréat avant d’obtenir ce diplôme ou que celui‑ci lui ait été délivré par une faculté des Études supérieures. Le demandeur a fait une spécialisation après avoir obtenu un seul diplôme et il semble exercer les fonctions liées à cette spécialisation.

À la lumière de ce qui précède, je lui accorde 22 points, car il a obtenu au moins deux diplômes universitaires de premier cycle et a accumulé un total de 15 années d’études à temps plein complètes ou l’équivalent temps plein.

[45]           Dans la décision Rabiee c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 824 (Rabiee), la demanderesse avait réalisé ses études en médecine en Iran, puis un internat de deux ans. Elle a par la suite suivi un programme de résidence de quatre ans à la fin duquel elle a obtenu le titre de spécialiste agréé. Dans la décision Rabiee, l’agent avait accordé à la demanderesse 22 points pour ses études, il estimait que tous ses diplômes étaient du premier cycle universitaire. La demanderesse a soutenu qu’elle aurait dû se voir attribuer 25 points en raison de la spécialité qu’elle a obtenue en dermatologie. Le juge Michel Beaudry a rejeté la demande de contrôle judiciaire et a conclu qu’un diplôme en médecine peut être considéré comme un diplôme de premier cycle étant donné qu’il n’y avait pas d’élément de preuve démontrant que le diplôme équivalait à des études de deuxième cycle,

[46]           Il convient également de mentionner la décision Mohagheghzadeh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 533 (Mohagheghzadeh) rendue par la Cour. Contrairement à la présente affaire, dans la décision Mohagheghzadeh, le demandeur a reçu le nombre maximum de points pour ses études, mais il a obtenu seulement 4 points au titre de la capacité d’adaptation pour son épouse, qui détient un diplôme de six années en dentisterie et qui est titulaire d’un permis d’exercice en Iran. Le demandeur a contesté cette décision au motif que le bureau des visas de Damas accordait le nombre maximum de cinq points pour les diplômes en médecine et en dentisterie, comme celui de son épouse. Dans cette affaire, l’université qui avait délivré le diplôme de l’épouse du demandeur a fourni une lettre semblable en quelque sorte à celle rédigée en l’espèce par l’Université des sciences médicales de Mashhad. Bien que cette lettre ait été jugée inadmissible, car elle n’avait pas été présentée à l’agent des visas, le juge Donald Rennie a estimé que cette lettre ne prouvait pas que le diplôme du demandeur était un diplôme d’études supérieures.

[19]      Bien qu’elle soit inadmissible, la lettre de l’Université Chiraz de sciences médicales n’étaye pas, de toute façon, le point de vue du demandeur. La lettre contient une déclaration selon laquelle [traduction] « le diplôme de docteur en dentisterie est reconnu comme un diplôme en sciences médicales pour l’admission à un programme de doctorat ». Cela ne règle pas la question de savoir s’il s’agit d’un diplôme d’études supérieures ou s’il a été délivré par une faculté d’études supérieures. [...]

[47]           La décision du juge Russel Zinn dans l’affaire Ahrairoodi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 682 (Ahrairoodi) est elle aussi digne de mention. Dans cette décision, un médecin originaire de l’Iran a contesté la décision par laquelle une agente des visas lui avait accordé seulement 22 points pour avoir obtenu un diplôme en médecine et un diplôme de spécialisation. Lorsque le juge Zinn a rejeté la demande de contrôle judiciaire, il a établi la distinction entre la décision Nikoueian et l’affaire dont il était saisi. Au paragraphe 15, il s’est exprimé en ces termes :

[15]      Fait important, il n’existe aucune preuve dans la demande de résidence permanente du demandeur ou dans le dossier certifier du tribunal qui établit que celui-ci est titulaire d’un doctorat, que son diplôme en médecine équivaut à une maîtrise, ou que le diplôme de spécialisation équivaut à un doctorat.

La présente affaire se distingue de Nikoueian c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 514, une décision invoquée par le demandeur à l’appui de l’argument voulant qu’un agent doive tenir compte de la manière selon laquelle les autorités locales reconnaissent les diplômes d’études d’un demandeur (un point admis par le défendeur et énoncé dans le guide OP-6). C’est que, dans Nikoueian, le diplôme universitaire de la demanderesse mentionnait expressément qu’elle avait obtenu un « doctorat »; en l’espèce, le diplôme du demandeur mentionnait seulement qu’il avait obtenu un « diplôme ». En d’autres mots, la différence, en l’espèce, tient à ce que les documents soumis par M. Ahrairoodi ne donnaient pas à penser que, en Iran, son diplôme en médecine est considéré comme étant un diplôme de maîtrise ou que son diplôme de spécialisation est considéré comme étant un doctorat. 

[48]           Dans la décision Dehghan c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 680, 435 FTR 18 (Dehghan), un médecin de l’Iran s’est vu attribuer 22 points pour avoir obtenu au moins 2 diplômes universitaires de premier cycle et pour avoir accumulé un total d’au moins 15 années d’études à temps plein complètes. Dans la décision Dehghan, le demandeur a fourni à l’agente des visas des éléments de preuve démontrant qu’il avait obtenu un doctorat en médecine de l’Université des sciences médicales Shahid Beheshti au terme de huit années d’études. Il avait également produit une lettre attestant que ce diplôme était considéré comme une maîtrise en Iran. Lorsqu’il a rejeté la demande de contrôle judiciaire, le juge James Russel a conclu (au paragraphe 47) qu’en ce qui concerne « les questions d’évaluation des études et d’équité procédurale, [...] la présente espèce ne peut être distinguée des affaires Mahouri, précitée, et Sedighi [...] ».

[49]           Dans la décision Sharifian c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 665 (Sharifian), un agent a attribué 20 points à un pharmacien de l’Iran qui avait obtenu un diplôme de l’Université des sciences médicales de Téhéran à l’issue de six années d’études. Lorsqu’elle a rejeté la demande de contrôle judiciaire, la juge Catherine Kane a déclaré :

[18]      La question déterminante est de savoir si la conclusion de l’agent, selon laquelle le diplôme du demandeur ne correspondait pas à une maîtrise, était raisonnable compte tenu des documents à l’appui fournis par le demandeur, y compris la lettre écrite par le registraire du ministère de la Santé et de l’Enseignement médical de l’Iran.

[19]      La lettre, datée du 25 août 2010, indiquait ce qui suit :

[TRADUCTION] « La présente certifie que la qualification des finissants d’un doctorat général dans le domaine de la pharmacie équivaut à une maîtrise dans la République islamique d’Iran en ce qui touche la promotion académique au doctorat. » (en caractères gras dans l’original)

[20]      Le diplôme du demandeur émis par la faculté de pharmacie de l’Université des sciences médicales de Téhéran est intitulé « diplôme de fin d’études » et indique : [TRADUCTION] « M. Abdollah Sharifian, … a complété avec succès ses études dans un programme de doctorat dans le domaine de la pharmacie le 31 décembre 1990… ».

[...]

[22]      Après avoir cité le paragraphe 10.2 [du guide OP 6A], l’agent a tiré des conclusions précises qui ont trait aux exigences prévues par le Règlement :

[TRADUCTION] En l’espèce, le demandeur a reçu un seul diplôme qui lui a permis d’exercer la profession de pharmacien. Rien n’indique qu’un diplôme de baccalauréat ou de maîtrise a été délivré avant ce diplôme ou que le diplôme a été délivré par une faculté d’études supérieures. De plus, rien n’indique que le demandeur a fait une spécialisation ou qu’il a exercé des fonctions liées à une spécialité pharmaceutique après avoir obtenu son seul diplôme. La situation est la même dans le cas des études de l’épouse.

[...]

[33]      L’omission de l’agent de mentionner la lettre ne constitue pas une erreur susceptible de révision puisque la lettre ne contredit pas la conclusion de l’agent. En outre, rien n’indique que l’agent a écarté quelque élément de preuve que ce soit dont il disposait.

[...]

[35]      Comme il a été mentionné, OP 6A, qui donne des directives aux agents quant à l’application du Règlement, indique que les diplômes en médecine sont généralement qualifiés de premier cycle à moins qu’il s’agisse de diplômes de deuxième cycle, comme ceux provenant d’une faculté d’études supérieures. La conclusion de l’agent selon laquelle le diplôme du demandeur correspond au baccalauréat est raisonnable, même si le diplôme du demandeur a fait suite à un programme d’études de six ans. Rien dans la lettre ou dans la preuve présentée ne permettait de conclure que le doctorat obtenu par le demandeur était un diplôme d’études supérieures, ou que le demandeur a obtenu un diplôme antérieur, comme condition préalable. La lettre indiquait seulement que le diplôme était considéré comme une maîtrise en vue de satisfaire aux pré-requis d’un programme de doctorat en Iran.

[50]           La situation du demandeur est semblable à celle de l’épouse du demandeur dans la décision Mohagheghzadeh et à celle du pharmacien dans la décision Sharifian, qui s’est vu attribuer seulement 20 points pour son doctorat général dans le domaine de la pharmacie. La situation du demandeur est distincte de celle de la demanderesse dans la décision Nikoueian. Dans cette décision, comme le juge Zinn l’a mentionné dans la décision Ahrairoodi, le certificat délivré par l’université précisait expressément que la demanderesse avait obtenu un « doctorat ». La situation du demandeur en l’espèce est également distincte de celle des demandeurs dans les décisions Mahouri, Sedighi, Rabiee, Ahrairoodi et Dehghan, où les demandeurs ont obtenu 22 points pour leurs études, car ils avaient deux diplômes universitaires de premier cycle.

[51]           Il ressort des décisions précitées de la Cour que lorsqu’un agent des visas apprécie les éléments d’une demande de résidence permanente au Canada au titre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral), il s’agit d’un processus fondé non seulement sur les faits, mais aussi sur le pouvoir discrétionnaire. La réussite ou l’échec de la demande repose sur les renseignements et les documents que le demandeur met à la disposition de l’agent d’immigration. De ce fait, il incombe au demandeur de se présenter sous son meilleur jour lorsqu’il soumet sa demande, il doit produire suffisamment d’éléments de preuve crédibles afin de prouver qu’il satisfait aux exigences de la loi (voir Pacheco Silva c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 733, 63 Imm LR (3d) 176, au paragraphe 20).

[52]           En l’espèce, je reconnais que l’agent a reçu la lettre de l’Université des sciences médicales de Mashhad datée du 1er juillet 2012. Toutefois, il incombait au demandeur de prouver que le [traduction] « diplôme universitaire professionnel de troisième cycle en médecine dentaire » qu’il a obtenu en 1995 n’était pas seulement un [traduction] « diplôme universitaire de premier cycle de deux ans ». Le demandeur n’a pas réussi à convaincre l’agent à cet égard et il était raisonnable que l’agent conclue qu’aucun document présenté par le demandeur ne mentionnait que son diplôme de médecine dentaire avait été délivré par une faculté d’études supérieures ou était autrement un diplôme universitaire de deuxième cycle (Sharifian, au paragraphe 35; Mohagheghzadeh, au paragraphe 19). Bien que le demandeur ait présenté certains certificats indiquant qu’il avait suivi des cours après avoir obtenu son diplôme en médecine dentaire, aucun de ces certificats n’était un diplôme et l’agent ne disposait d’aucun élément de preuve permettant de conclure que le demandeur avait ultérieurement obtenu un diplôme universitaire.

[53]           L’agent a justifié sa décision selon laquelle le diplôme universitaire professionnel du demandeur n’était pas un diplôme universitaire de deuxième cycle ou un diplôme d’études supérieures. Comme le demandeur n’avait produit aucun élément de preuve clair ou convaincant démontrant que sa spécialisation équivalait à des études de deuxième cycle, la décision était soumise au pouvoir discrétionnaire de l’agent et la Cour est convaincue qu’une telle conclusion était raisonnable.

V.                Dispositif

[54]           Enfin, je conclus que les motifs de l’agent concernant sa décision sont transparents et peuvent se justifier. Je conclus également que sa décision appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

[55]           Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune partie n’a soulevé de question de portée générale et aucune n’est donc certifiée.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.                  la demande de contrôle judiciaire est rejetée;

2.                  aucune question de portée générale n’est certifiée.

« Keith M. Boswell »

Juge

Traduction certifiée conforme

L. Endale


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-5324-13

 

INTITULÉ :

HAMID DASHTBAN c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 12 NovembRE 2014

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE BOSWELL

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 6 FÉVRIER 2015

COMPARUTIONS :

Julia Huys

 

POUR LE DEMANDEUR

 

David Knapp

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Waldman et associés

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.