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Date : 20151127


Dossier : IMM-2494-15

Référence : 2015 CF 1325

Montréal (Québec), le 27 novembre 2015

En présence de monsieur le juge Shore

ENTRE :

GLORIA ESPERANZA GIRALDO CORTES

partie demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

partie défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Introduction

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LIPR] à l’encontre d’une décision de la Section d’appel des réfugiés [SAR] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada, datée du 7 mai 2015, rejetant la demande de la demanderesse de se faire reconnaître comme réfugiée ou comme personne à protéger au sens des articles 96 et 97 de la LIPR.

II.                Faits

[2]               La demanderesse, Gloria Esperanza Giraldo Cortes, est citoyenne de la Colombie.

[3]               La demanderesse allègue principalement avoir dû quitter la Colombie en juin 2014 à la suite de menaces de mort qu’elle aurait reçues des Aigles noirs en Colombie. Ces menaces seraient dues au fait que son conjoint, qui a été assassiné, devait de l’argent aux Aigles noirs. Le 3 juin 2014, la demanderesse a quitté la Colombie et le 4 juin 2014, elle a demandé l’asile au Canada.

[4]               Dans une décision datée du 25 septembre 2014, la SPR a rejeté la demande d’asile de la demanderesse. Cette décision a fait l’objet d’un contrôle judiciaire devant cette Cour; et, parallèlement, un appel a été formé devant la SAR.

[5]               Le 21 avril 2015, le juge S. Noël a rejeté la demande de contrôle judiciaire trouvant que les conclusions de la SPR quant à la crédibilité de la demanderesse étaient raisonnables; et que la SPR avait respecté ses obligations d’équité procédurale (Cortes c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2015 CF 516).

[6]               Puis, le 7 mai 2015, la SAR a rejeté l’appel de la demanderesse trouvant que les conclusions de la SPR quant à la crédibilité de la demanderesse ne nécessitaient pas son intervention.

[7]               D’abord, la SAR a reconnu, après avoir entendu le témoignage de la demanderesse devant la SPR, que la SPR avait fait erreur lorsqu’elle a trouvé que la demanderesse était incohérente sur la question de la dette due par son conjoint et que le témoignage de la demanderesse, à cet effet, ne s’appuyait pas sur l’ensemble de la preuve. Cependant, la SAR a conclu que cette erreur de la SPR n’était pas déterminante.

[8]               De plus, la SAR a conclu que la SPR n’a pas commis d’erreur lorsqu’elle a accordé peu de valeur probante aux documents fournis par la demanderesse. La SAR a aussi trouvé que les conclusions de la SPR quant à la pièce C-5 étaient justes. Finalement, la SAR a conclu que la SPR n’avait pas commis d’erreur en concluant que le comportement de la demanderesse était irréconciliable avec celui d’une personne qui craint pour sa vie.

[9]               Dans le cadre de ce contrôle judiciaire, la demanderesse allègue que la SAR a commis plusieurs erreurs, notamment :

         La SAR a omis de discuter de la pièce C-2, c’est-à-dire l’acte de décès du conjoint de la demanderesse;

         La SAR n’a pas pris en considération l’entièreté des explications fournies par la demanderesse concernant les pièces C-3, C-4 et C-5; elle aurait dû accorder une force probante à ces preuves; et, les conclusions de la SAR quant à ces pièces sont déraisonnables;

         Les conclusions de la SAR manquent de fondement et ne correspondent pas à une issue possible raisonnable et la SAR démontre un zèle excessif;

         Le devoir de déférence de la SAR envers la SPR doit être moindre pour les questions d’évaluation de la preuve qu’il ne l’est pour les conclusions de la SPR quant à la crédibilité d’un demandeur d’asile;

         Les conclusions négatives de la SAR sont fondées sur « moins d’éléments » que la SPR; et,

         La SAR s’est trompée dans son analyse de la crédibilité de la demanderesse sur la question de la crainte subjective de persécution.

[10]           En somme, l’ensemble des arguments de la demanderesse porte sur une évaluation erronée de la crédibilité de la demanderesse ainsi que de la preuve soumise par cette dernière.

[11]           De son côté, le défendeur affirme que la SAR a raisonnablement conclu que la SPR a erré dans son analyse. De plus, le défendeur soumet que nonobstant cela, la demanderesse est précluse d’exercer une demande de contrôle judiciaire devant cette Cour étant donné que cette Cour a déjà statué que la décision de la SPR était raisonnable.

III.             Points en litige

1)      La demanderesse est-elle précluse de faire une demande de contrôle judiciaire de la décision de la SAR devant cette Cour?

2)      La SAR a-t-elle erré dans son évaluation de la preuve au dossier ainsi que dans ses conclusions de crédibilité de la demanderesse?

IV.             Analyse

A.                La demanderesse est-elle précluse de faire une demande de contrôle judiciaire de la décision de la SAR devant cette Cour?

[12]           Il est vrai que la décision du juge Noël est un facteur important dont la Cour se doit de prendre en considération dans l’évaluation de la présente instance. Cependant, étant donné que la norme applicable par la SAR aux décisions de la SPR diffère de la norme applicable à cette Cour aux décisions de la SPR, la Cour est d’avis que la demanderesse n’est pas précluse de demander à cette Cour de faire un contrôle judiciaire de la décision de la SAR; d’ailleurs, le juge soussigné ne peut pas préclure ce dossier parce que ceci est une chose déjà jugée par le fait que le juge Peter B. Annis de cette Cour a déjà accepté de faire entendre ce dossier avec la décision qui émane de la SAR.

B.                 La décision de la SAR est-elle raisonnable?

[13]           La jurisprudence de cette Cour est constante à l’effet que les conclusions de crédibilité et d’évaluation de la preuve de la SAR doivent être révisées selon la norme de la décision raisonnable étant donné qu’il s’agit de questions de fait et mixte de fait et de droit. Ce faisant, cette Cour a un devoir de déférence élevé envers les conclusions de crédibilité et d’appréciation de la preuve de la SAR (Du c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2012 CF 1094 au para 55; Elhassan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2013 CF 1247 au para 15); et, n’interviendra que si les conclusions de crédibilité de la SPR, et subséquemment acceptées en appel par la SAR, sont imprécises, floues et non motivées (Rahal c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2012 CF 319 au para 46).

[14]           En l’espèce, et tel qu’énoncé précédemment, tous les arguments de la demanderesse portent sur ce qu’elle considère être une mauvaise évaluation de la preuve par la SAR ainsi que des conclusions quant à sa crédibilité qui sont erronées.

[15]           La Cour, après avoir attentivement étudié toute la preuve au dossier, conclut que la SAR a tiré des conclusions raisonnables quant à son appréciation de la preuve. Tout d’abord, la SAR a démontré avoir fait un examen en profondeur du dossier. Elle a d’abord reconnu que la SPR avait commis une erreur en trouvant que la demanderesse avait fourni un témoignage incohérent quant à la dette due par son ancien conjoint, mais que cette erreur n’était pas déterminante. Par la suite, la SAR, tout en accordant de la déférence aux conclusions de la SPR, a étudié la preuve sur laquelle la SPR s’est basée pour déterminer que la crédibilité de la demanderesse était affectée. La demanderesse argumente que la SAR a commis une erreur puisque son analyse est fondée sur moins d’éléments que la décision négative de la SPR. Cet argument doit être rejeté, si la SAR trouve que certains éléments, à leur face même, sont suffisamment forts pour déterminer que la conclusion de la SPR était raisonnable, il n’est pas nécessaire pour la SAR d’étudier tous les éléments soulevés par la SPR.

[16]           De plus, la demanderesse a argumenté que la SAR n’a pas pris en considération toutes ses explications, s’est trompée dans son analyse de la crainte subjective de la demanderesse, et que la SAR aurait dû accorder une force probante plus élevée à certaines preuves. Sachant que le rôle de cette Cour n’est pas de reconsidérer la preuve et de substituer ses propres conclusions à celles de la SAR (J.M. c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2015 CF 598 au para 48; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, [2009] 1 RCS 339, 2009 CSC 12 aux para 59 et 61), la Cour conclut qu’elle ne doit pas intervenir puisque les conclusions de la SAR, à cet effet, sont suffisamment justifiées. En somme, la Cour peut être en désaccord avec les conclusions de la SAR, cependant, là n’est pas la question. La question est de déterminer si la décision de la SAR appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, [2008] 1 SCR 190, 2008 CSC 9 au para 47).

V.                Conclusion

[17]           Étant donné les conclusions précédemment énoncées, la Cour conclut que la décision de la SAR est raisonnable. Conséquemment, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Il n’y a aucune question d’importance à certifier.

« Michel M.J. Shore »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-2494-15

INTITULÉ :

GLORIA ESPERANZA GIRALDO CORTES c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 26 novembre 2015

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE SHORE

DATE DES MOTIFS :

LE 27 novembre 2015

COMPARUTIONS :

Nancy Munoz Ramirez

Pour la partie demanderesse

Simone Truong

Pour la partie défenderesse

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Nancy Munoz Ramirez

Montréal (Québec)

Pour la partie demanderesse

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

Pour la partie défenderesse

 

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