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Date : 20151202


Dossier : T‑1006‑15

Référence : 2015 CF 1334

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 2 décembre 2015

En présence de monsieur le juge Phelan

ENTRE :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

demandeur

et

MUSSARRAT KHAN

défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

I.                   Introduction

[1]               La Cour est saisie d’une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire d’une décision par laquelle un juge de la citoyenneté [le juge] a approuvé une demande visant à attribuer la citoyenneté canadienne à Mussarrat Khan [Khan]. La principale question en litige dans la présente affaire porte sur la conclusion du juge suivant laquelle il manquait 130 jours pour atteindre le nombre de jours de résidence requis par la Loi alors que, suivant la preuve, il manquait 495 jours.

[2]               La présente demande n’a pas été contestée, bien que la Cour ait demandé à l’avocat (Me King) de comparaître et d’aborder certaines questions mentionnées dans la demande du ministre.

[3]               Mme Khan a informé la Cour qu’elle ne comparaîtrait pas en raison de sa grossesse et du fait qu’elle n’avait [traduction« aucun commentaire ou argument à formuler au sujet de ce dossier ». Elle a conclu sa lettre du 4 novembre 2015 comme suit : [traduction« Veuillez réviser la décision du juge de la citoyenneté selon ce que la loi permet ».

[4]               Il vaut également la peine de signaler que Mme Khan n’a pas déposé de comparution ni réclamé d’ajournement. Par conséquent, vu l’ensemble des circonstances, il s’agissait d’une affaire où il convenait de tenir une audience ex parte.

II.                Le contexte

[5]               Mme Khan est une ressortissante du Bangladesh. Elle est arrivée au Canada en août 2014 à l’âge de 20 ans.

[6]               Par la suite, Mme Khan s’est absentée à de nombreuses reprises : la première fois pour se marier, puis pour fréquenter une école en Australie. Elle est revenue au Canada en 2007 pour donner naissance à un enfant et pour fréquenter un collège dans l’ouest de Terre‑Neuve.

Elle a donné naissance à un second enfant en 2011 et elle soutient que son mari est devenu un citoyen canadien la même année, une affirmation contestée devant la Cour.

[7]               Mme Khan a déposé une demande de citoyenneté le 26 février 2013; par conséquent, la période pertinente pour calculer la résidence est celle comprise entre le 26 février 2009 et le 26 février 2013. Elle a déclaré 495 jours d’absence, pour un total de 965 jours de présence effective au Canada, de sorte qu’il lui manquait 130 jours pour atteindre le minimum de 1 095 jours de présence effective exigée au Canada au cours de la période applicable.

[8]               Le juge a retenu le critère de la décision Koo pour établir la résidence de la demanderesse (Koo (Re) (C.F. 1re inst.), [1993] 1 CF 286, 59 FTR 27). Selon le critère de la décision Koo, il n’est pas nécessaire d’avoir été physiquement présent au Canada pendant 1 095 jours et le juge de la citoyenneté peut tenir compte de six facteurs pour décider s’il y a lieu d’attribuer la citoyenneté malgré le fait qu’il manque des jours de présence effective.

[9]               Le juge a conclu que l’absence physique et les 130 jours qui manquaient étaient attribuables à une situation temporaire – la maladie et le décès du beau-père de Mme Khan – et que l’absence de Mme Khan du Canada s’expliquait par ses responsabilités familiales.

[10]           Le juge s’est prononcé en faveur de l’octroi de la citoyenneté.

III.             Analyse

[11]           La norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Moniz Pereira, 2014 CF 574, au paragraphe 18, 456 FTR 287).

Par conséquent, la question en litige est celle de savoir si la conclusion du juge suivant laquelle Mme Khan satisfaisait à la condition de résidence énoncée à l’alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté, LRC 1985, c C‑29 était raisonnable.

[12]           L’élément central de la conclusion du juge était le fait qu’il manquait 130 jours à la défenderesse. Le demandeur allègue qu’il lui manquait en réalité 495 jours.

[13]           Au vu du dossier, le demandeur a nettement raison. L’erreur factuelle a été commise au départ dans le questionnaire de résidence, où la défenderesse déclare avoir été absente entre le 28 août 2011 et le 29 novembre 2012. La défenderesse indique que le nombre de jours d’absence se chiffre à 160 jours, ce qui ne correspond pas au nombre effectif d’absences de 459 jours et constitue de toute évidence une erreur de calcul.

[14]           Comme l’avocat du demandeur l’a souligné en toute franchise (en tant qu’officier de justice), un fonctionnaire a utilisé une formule de calcul de résidence qui calculait les absences entre le 28 août 2011 et le 29 novembre 2011 (et non 2012, comme la défenderesse l’avait indiqué), ce qui explique le nombre inexact de jours d’absences de 93 jours au lieu de 459 jours.

[15]           Suivant la conclusion du juge, cette erreur a été reprise, de sorte que, dans sa conclusion, le juge a repris cette erreur et a conclu que le nombre de jours qu’il manquait pour respecter les 1 095 jours requis était de 130 jours et non de 495 jours.

[16]           Même en attribuant à une erreur typographique le fait que l’on aurait dû inscrire novembre 2011 au lieu de novembre 2012, la question n’est pas réglée, puisque Mme Khan est entrée au Canada le 30 novembre 2012.

[17]           L’erreur de fait qui a été commise est importante. Elle aurait raisonnablement pu modifier les conclusions tirées par le juge de la citoyenneté lorsqu’il a appliqué les critères de la décision Koo. C’est une chose que de conclure à un déficit de 130 jours; c’en est une toute autre d’en arriver à un chiffre de 495 jours. Plus le nombre de jours est élevé, plus il est difficile de justifier une « résidence présumée ».

[18]           Peu importe la façon dont on formule la question, que le résultat soit une issue acceptable ou qu’il soit justifiable, transparent ou intelligible, cette erreur touche l’essentiel de la décision du juge. La Cour ne peut confirmer la décision.

[19]           Il y a une autre question qui a été laissée en suspens, en l’occurrence celle de savoir si la demanderesse a bel et bien satisfait à la condition préliminaire de résidence (Al Tayeb c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 333, aux paragraphes 11 à 13, 9 Imm LR (4th) 113). La Cour ne devrait pas avoir en l’espèce à conclure que la condition préliminaire de résidence a été respectée alors qu’il y a eu 861 jours d’absence au cours de la période pertinente.

IV.             Dispositif

[20]           Par conséquent, la présente demande d’autorisation et de contrôle judiciaire sera accueillie, la décision du juge de la citoyenneté sera annulée et l’affaire sera renvoyée devant un autre juge pour qu’il rende une nouvelle décision.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la présente demande d’autorisation et de contrôle judiciaire est accueillie, la décision du juge de la citoyenneté est annulée et l’affaire est renvoyée à un autre juge pour qu’il rendre une nouvelle décision.

« Michael L. Phelan »

juge

Traduction certifiée conforme

Evelyne Swenne, traductrice-conseil


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑1006‑15

 

INTITULÉ :

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION c MUSSARRAT KHAN

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

St. John’s (TERRE-NEUVE-ET-LABRADOR)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 9 NOVEMBRE 2015

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE PHELAN

 

DATE DES MOTIFS :

LE 2 DÉCEMBRE 2015

 

COMPARUTIONS :

Gregory B. King

 

pour le demandeur

 

S/O

 

POUR LA défenderesse

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Halifax (Nouvelle‑Écosse)

 

POUR LE demandeur

 

S/O

 

POUR LA défenderesse

 

 

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