Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20160119


Dossier : IMM-520-15

Référence : 2016 CF 50

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 19 janvier 2016

En présence de monsieur le juge Annis

Entre :

THEVANANTHINI SELVARATNAM

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire, présentée en application du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, ch 27 [la LIPR ou la Loi], de la décision par laquelle la Section de la protection des réfugiés [la SPR, la Commission, le commissaire] a conclu que la demanderesse, Thevananthini Selvaratnam, n’était ni une réfugiée au sens de la Convention, ni une personne à protéger au sens des articles 96 et 97 de la Loi. La demanderesse demande à la Cour d’annuler la décision et de renvoyer l’affaire à un tribunal différemment constitué de la SPR. Pour les motifs qui suivent, la demande est accueillie.

[2]               La demanderesse est une Tamoule célibataire du nord du Sri Lanka qui ne bénéficie pas de la protection d’un homme. Elle est arrivée au Canada en août 2010 à bord du MV Sun Sea et a ensuite présenté une demande d’asile.

[3]               Devant la Cour, l’avocat de la demanderesse a précisé qu’il souhaitait limiter les arguments de sa cliente à la seule question du défaut de la Commission d’adresser les risques précis auxquels est exposée une jeune femme tamoule célibataire originaire du nord du Sri Lanka. L’avocat de la demanderesse a expliqué que cette question n’avait pas été soulevée dans l’exposé et que, bien qu’il ait représenté sa cliente devant la Commission, l’exposé avait été préparé par un autre avocat, parce qu’il avait dû travailler à différents dossiers en l’absence d’un avocat principal important. Il n’a pu se concentrer sur le dossier en l’espèce que peu de temps avant l’audience devant la Cour.

[4]               Bien que la Cour était d’avis qu’il aurait été préférable que la question soit soulevée plus tôt dans la procédure, plutôt qu’à l’audience même, dans l’intérêt de la justice, elle a néanmoins donné aux parties l’occasion de déposer des observations écrites supplémentaires portant sur la question déterminante. Elle ne l’a fait qu’après avoir écouté les brèves remarques de la demanderesse, qui soulevaient la possibilité raisonnable que la décision de la SPR soit annulée.

[5]               Après avoir examiné les observations des parties et les documents dans le dossier certifié du tribunal visés par ces observations, je suis convaincu que le commissaire n’a pas respecté les Directives de la présidente : Revendicatrices du statut de réfugié craignant d’être persécutées en raison de leur sexe [les directives concernant la persécution fondée sur le sexe] et, pour cette raison, la décision doit être annulée.

[6]               La demanderesse a précisément attiré l’attention de la Commission sur la décision récente du commissaire Bruin dans le dossier de la SPR numéro VB1-00133. Dans cette décision, le commissaire a fait un examen complet de la preuve portant sur le contexte social, culturel, religieux et économique dans lequel se trouvaient les femmes tamoules dans le nord du Sri Lanka en 2013.

[7]               En l’espèce, le commissaire a fourni des motifs détaillés en réponse à plusieurs des questions en litige soulevées par la demanderesse. Ces motifs portaient sur le manque de crédibilité de la demanderesse et sur ses arguments selon lesquels elle risquait d’être perçue comme une sympathisante ou une membre des Tigres de libération de l’Eelam tamoul [les TLET], une demanderesse d’asile déboutée du Canada qui était arrivée par le MV Sun Sea, ou comme une personne qui revendiquait le statut de réfugié sur place en raison d’événements qui se seraient produits au Canada. La Commission a rejeté ces arguments et ces conclusions n’ont pas été contestées.

[8]               Cependant, il reste que la demanderesse a soulevé la question de la situation générale des femmes célibataires qui ne bénéficient pas de la protection d’un homme dans le nord du Sri Lanka. La Commission devait aborder la question, en particulier parce que la demanderesse a précisément mentionné la décision récente du commissaire Bruin, qui avait effectué un examen exhaustif de la question et qui avait conclu, dans des circonstances relativement semblables, qu’il serait déraisonnable de s’attendre à ce qu’une jeune femme tamoule célibataire qui revient de l’étranger retourne s’établir au Sri Lanka. Au lieu de traiter de la question, la Commission a limité son examen à l’analyse du profil d’une demanderesse d’asile sympathisante des TLET déboutée, du profil d’une demanderesse d’asile déboutée et de la demande sur place de la demanderesse.

[9]               Je conclus que le commissaire n’a pas examiné, en tenant compte des directives concernant la persécution fondée sur le sexe, la situation générale de la demanderesse à titre de femme tamoule célibataire du nord du Sri Lanka qui ne bénéficie pas de la protection d’un homme et qui retournerait au Sri Lanka. Comme le commissaire a omis d’examiner une question déterminante soulevée par une des parties à l’audience et dans ses observations écrites subséquentes, la décision ne satisfait pas au critère de la transparence établi dans la norme de contrôle de la décision correcte, décrite dans l’arrêt Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 48, et il s’agit donc d’une erreur susceptible de révision.

[10]           Par conséquent, la demande est accueillie. La décision de la Commission est annulée et l’affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué pour nouvel examen. Aucune question n’est certifiée aux fins d’un appel.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

  1. La demande est accueillie;
  2. La décision est annulée et est renvoyée à un autre commissaire pour nouvel examen;
  3. Aucune question n’est certifiée aux fins d’un appel.

« Peter Annis »

Juge

Traduction certifiée conforme,

Evelyne Swenne, traductrice-conseil


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-520-15

 

INTITULÉ :

THEVANANTHINI SELVARATNAM c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 26 NOVEMBRE 2015

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE ANNIS

 

DATE DES MOTIFS :

LE 19 JANVIER 2016

 

COMPARUTIONS :

John Grice

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Nicole Rahaman

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

DAVIS & GRICE

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.