Décisions de la Cour fédérale

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Date : 20170103

Dossier : 16-T-37

Référence : 2017 CF 2

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 3 janvier 2017

En présence de monsieur le juge Gascon

ENTRE :

JEFF MACDONALD

demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

et

LE COMMISSAIRE DU SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA

défendeurs

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Aperçu

[1]  Le demandeur, M. Jeff MacDonald, est un délinquant primaire qui purge une peine d’emprisonnement à perpétuité pour un crime commis en 1987. Il est actuellement incarcéré à l’établissement de Bath (Bath), un établissement correctionnel à sécurité moyenne situé en Ontario. M. MacDonald cherche à contester, au moyen d’une demande de contrôle judiciaire, une décision de la Commission canadienne des droits de la personne (la Commission) qui rejetait la plainte qu’il a déposée à l’encontre du commissaire du Service correctionnel du Canada (SCC). Dans sa plainte, M. MacDonald allègue que le SCC l’a défavorisé au motif d’une déficience (un trouble de stress post-traumatique) en omettant de lui fournir une cellule individuelle dans un établissement à sécurité minimale et que, par conséquent, il était détenu de façon arbitraire à un niveau de sécurité supérieur au niveau requis.

[2]  La décision de la Commission qui rejetait la plainte de M. MacDonald a été rendue il y a plusieurs mois, le 12 avril 2016, et le délai de 30 jours prévu à l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F-7 (la Loi) pour présenter une demande de contrôle judiciaire est échu depuis longtemps. Dans une requête par écrit produite le 25 octobre 2016, en application de l’article 369 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, M. MacDonald demande à la Cour de lui accorder une prorogation du délai lui permettant de signifier et de produire son avis de demande de contrôle judiciaire de la décision de la Commission. Au nom des défendeurs, le procureur général du Canada s’oppose à la prorogation.

[3]  La seule question que la Cour doit trancher consiste à décider si la requête en prorogation du délai de M. MacDonald doit être accueillie. Pour les motifs qui suivent, bien que je sympathise avec M. MacDonald à l’égard des difficultés qu’il éprouve concernant le dépôt de sa demande devant la Cour, je dois rejeter la requête. Après avoir examiné les éléments de preuve présentés par M. MacDonald et la décision de la Commission, je ne suis pas en mesure de conclure que M. MacDonald a satisfait aux exigences établies pour obtenir une prorogation du délai ou que, dans les circonstances de l’espèce, il serait dans l’intérêt de la justice d’exercer mon pouvoir discrétionnaire d’accorder la prorogation demandée.

II.  Résumé des faits

[4]  Le 27 janvier 2016, la Commission a présenté son rapport d’enquête sur la plainte de M. MacDonald. Ce rapport exhaustif de 94 paragraphes constitue le fondement des motifs de la Commission. Le rapport concluait que le SCC n’avait pas refusé l’accès aux services à M. MacDonald ou qu’il ne l’avait pas défavorisé dans la prestation des services. Plus particulièrement, le rapport de l’enquêteur soulignait que M. MacDonald occupait actuellement une cellule individuelle à Bath et que le SCC lui avait fourni une cellule individuelle pendant la majorité de sa peine, ce qui est conforme à ses besoins en matière d’accommodement découlant de ses problèmes de santé mentale. L’enquêteur a aussi souligné que, à l’époque de l’enquête portant sur un transfèrement éventuel à un établissement à sécurité minimale en 2012, M. MacDonald s’était vu attribuer une cote de sécurité moyenne, ce qui le rendait inadmissible à un transfèrement à un établissement à sécurité minimale à ce moment-là.

[5]  L’enquêteur a également conclu, d’après les éléments de preuve présentés, que M. MacDonald n’avait pas collaboré avec le SCC depuis 2013 en ce qui a trait à son transfèrement éventuel et aux possibilités qui s’offraient à lui. Finalement, l’enquêteur a observé que le SCC s’était penché sur la déficience de M. MacDonald et qu’il avait pris plusieurs mesures dans le but de tenter d’alléger sa résistance à l’égard d’un transfèrement. Ces efforts comprenaient la prestation de services de soutien psychologique supplémentaires, l’instauration d’un processus afin de l’aider à assimiler l’idée d’un transfèrement à un établissement à sécurité minimale et la suggestion de modifications à ses conditions de logement actuelles.

[6]  L’enquêteur a donc recommandé à la Commission de rejeter la plainte de M. MacDonald au motif que, après avoir examiné l’ensemble des circonstances, une enquête approfondie par le Tribunal canadien des droits de la personne (le Tribunal) en application de la Loi canadienne sur les droits de la personne, LRC 1985, c H-6 (la LCDP) n’était pas justifiée.

[7]  Le 12 avril 2016, après son examen du rapport d’enquête et des commentaires des parties sur ledit rapport, la Commission a adopté la recommandation de l’enquêteur. En application du sous-alinéa 44(3)b)(i) de la LCDP, la Commission a donc rejeté la plainte de M. MacDonald, car aucune enquête approfondie n’était justifiée. En conséquence, le dossier de M. MacDonald a été fermé.

III.  Discussion

[8]  Décider si une requête en prorogation de délai devrait être accordée sous-tend l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire qui doit être régi par quatre critères établis par la Cour d’appel fédérale (Chan c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2013 CAF 130, au paragraphe 4; Canada (Procureur général) c Larkman, 2012 CAF 204 [Larkman], au paragraphe 61; Canada (Procureur général) c Hennelly, [1999] ACF no 846 (QL) (CAF) [Hennelly], au paragraphe 3). Voici les quatre facteurs : i) M. MacDonald a-t-il une intention constante de poursuivre sa demande de contrôle judiciaire?; ii) sa demande est-elle bien fondée?; iii) le procureur général du Canada ou SCC subissent-ils un préjudice en raison du délai?; et iv) est-ce qu’il existe une explication raisonnable justifiant le délai? Il incombe à M. MacDonald de prouver ces éléments (Virdi c Canada (Ministre du Revenu national), 2006 CAF 38, au paragraphe 2).

[9]  Le procureur général du Canada concède que le retard n’a fait subir aucun préjudice aux défendeurs. Le procureur général du Canada soutient toutefois que M. MacDonald n’a pas présenté des éléments de preuve à l’appui des trois autres facteurs énoncés dans l’arrêt Hennelly, à savoir son intention constante de contester la décision de la Commission, qu’un contrôle judiciaire de la décision de la Commission avait une chance raisonnable de succès et qu’il avait des explications raisonnables pour justifier le retard de plus de six mois entre la décision de la Commission et son avis de requête.

[10]  Je suis d’accord avec le procureur général du Canada.

[11]  Je reconnais que le critère établi par la Cour d’appel fédérale doit être appliqué avec une certaine souplesse pour veiller à ce que justice soit rendue entre les parties. Cela sous-tend que le poids à attribuer à chacun des facteurs énoncés dans l’arrêt Hennelly variera selon les circonstances de chaque espèce. « Cela signifie également que le pouvoir d’octroyer une prorogation de délai demeure un pouvoir de nature discrétionnaire que ces quatre critères, s’ils en encadrent l’exercice, n’ont par ailleurs pas pour effet de restreindre » (Berrada c WestJet, 2015 CF 539 [Berrada], au paragraphe 12). En fait, il n’est pas nécessaire que les quatre critères qui guident la Cour soient tranchés en faveur de M. MacDonald. En fin de compte, le facteur primordial est de savoir si l’exercice du pouvoir discrétionnaire de la Cour est « dans l’intérêt de la justice » (Larkman, aux paragraphes 62 et 85).

[12]  Cependant, je ne suis pas convaincu qu’il s’agisse d’une situation où je devrais exercer mon pouvoir discrétionnaire en faveur de M. MacDonald ni s’il est dans l’intérêt de la justice d’octroyer une prorogation de délai, car les éléments de preuve ne permettent pas de satisfaire à trois des facteurs qui guident l’exercice de mon pouvoir discrétionnaire. Plus particulièrement, dans son avis de requête, M. MacDonald reste muet quant à son intention de contester la décision de la Commission, il ne présente aucun motif ou argument quant aux chances de succès de sa possible demande de contrôle judiciaire et il ne fournit que quelques explications insatisfaisantes pour justifier son retard dans la présentation de sa demande.

A.  Il n’y a aucune indication d’intention constante

[13]  Le premier facteur exige que M. MacDonald démontre une intention constante de poursuivre sa demande de contrôle judiciaire pendant toute la période écoulée depuis la décision de la Commission, avant et après le délai de 30 jours prescrit par la loi.

[14]  Sur ce point, M. MacDonald ne présente ni argument ni élément de preuve dans son affidavit quant à son intention de contester la décision de la Commission, que ce soit avant ou après le délai prescrit. On peut peut-être dégager la seule mention indirecte à cet élément des plaintes répétées de M. MacDonald à propos du fait qu’on ne lui a pas remis certains courriels de 2011 et 2012 échangés entre son équipe de gestion de cas et trois établissements correctionnels à sécurité minimale. Cependant, ces tentatives d’accéder à certains documents, en l’absence de tout autre élément de preuve concernant l’intention de M. MacDonald, ne constituent pas, à mon avis, une preuve suffisante d’intention constante de demander un contrôle judiciaire de la décision de la Commission.

[15]  Qui plus est, M. MacDonald avait entrepris d’obtenir ces documents avant que la Commission ne rende sa décision. De plus, suite à mon examen de la décision de la Commission, je suis convaincu que, de toute façon, l’enquêteur disposait des éléments de preuve se rapportant aux transfèrements éventuels de M. MacDonald aux établissements à sécurité minimale en 2012 et qu’il en a adéquatement tenu compte dans le rapport.

[16]  En d’autres termes, même si je faisais une interprétation généreuse des arguments de M. MacDonald, je ne relève aucune indication suffisante qu’il avait l’intention constante requise de contester la décision de la Commission après le 12 avril 2016, date à laquelle elle a été rendue. Les antécédents de retard témoignent plutôt d’une absence d’intention de M. MacDonald de donner suite à sa demande.

B.  La demande n’a aucune chance possible de succès

[17]  Les plaideurs qui cherchent à obtenir une prorogation de délai doivent également établir que la demande pour laquelle la prorogation est demandée est bien fondée et présente une chance raisonnable de succès (LeBlanc c Banque nationale du Canada, [1994] 1 RCF 81). Il s’agit du second facteur énoncé dans l’arrêt Hennelly. Pour ce faire, M. MacDonald n’est pas tenu de convaincre la Cour que sa demande de contrôle judiciaire sera nécessairement accueillie; cependant, il doit faire plus que simplement affirmer que la décision qu’il souhaite contester est sans fondement, ou répéter l’histoire et les allégations factuelles qu’il a présentées devant la Commission.

[18]  Je m’arrête un instant pour observer que, en l’espèce, M. MacDonald n’a toujours produit aucun projet d’avis de demande de contrôle judiciaire et qu’il n’a présenté, dans ses observations écrites et son avis de requête, ni motif ni argument qui sous-tend sa demande prévue. Cela ne laisse que très peu de renseignements à la Cour, voire aucun, sur les motifs à partir desquels il est possible d’apprécier le bien-fondé de son affaire, ou les motifs précis appuyant la contestation que M. MacDonald souhaite soulever à l’égard de la décision de la Commission.

[19]  Une fois de plus, la seule mention indirecte à l’égard de ce facteur figure dans l’affidavit de M. MacDonald se trouve dans ses préoccupations à propos des courriels manquants, qu’il décrit comme [traduction]« des éléments de preuve essentiels, […] fondamentaux afin d’établir l’allégation factuelle sous-jacente de discrimination » dans sa plainte auprès de la Commission. M. MacDonald n’a présenté aucun autre document qui permettrait à la Cour d’apprécier si sa demande est bien fondée.

[20]  Le contrôle judiciaire envisagé par M. MacDonald survient dans un contexte où la Commission est reconnue comme un tribunal administratif spécialisé qui jouit d’une grande retenue de la part des tribunaux (Berrada, aux paragraphes 23 et 24). Il est bien établi que la norme de contrôle applicable en ce qui concerne les décisions d’un tel tribunal est celle de la décision raisonnable, compte tenu du fait que les conclusions de la Commission portent sur des questions de fait et des questions mixtes de fait et de droit. De plus, en raison de sa nature hautement spécialisée et de son expertise particulière dans la sphère des droits de la personne dans laquelle elle rend couramment des décisions, la Commission a droit à un niveau élevé de retenue (Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62 [Newfoundland Nurses], au paragraphe 13).

[21]  Lorsque la Cour effectue le contrôle d’une décision selon la norme de la décision raisonnable, son analyse tient « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel », et les conclusions du décideur ne devraient pas être modifiées dès lors que la décision « appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47). Selon la norme de la décision raisonnable, si le processus et l’issue en cause cadrent bien avec les principes de justification, de transparence et d’intelligibilité, et si la décision est étayée par une preuve acceptable qui peut être justifiée en fait et en droit, la cour de révision ne peut y substituer l’issue qui serait à son avis préférable (Newfoundland Nurses, au paragraphe 17). Dans l’appréciation du caractère raisonnable, il n’appartient pas aux tribunaux judiciaires de soupeser à nouveau la preuve examinée par le tribunal administratif (Front des artistes canadiens c Musée des beaux-arts du Canada, 2014 CSC 42, au paragraphe 30; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 64).

[22]  Dans Edmonton (Ville) c Edmonton East (Capilano) Shopping Centres Ltd, 2016 CSC 47 [Edmonton], la Cour suprême a une fois de plus de nouveau énoncé ce principe : « [l]a présomption d’application de la norme de la décision raisonnable repose sur le choix du législateur de confier à un tribunal administratif spécialisé la responsabilité d’appliquer les dispositions législatives, ainsi que sur l’expertise de ce tribunal en la matière. L’expertise découle de la spécialisation des fonctions des tribunaux administratifs qui, comme le Comité, appliquent un régime législatif qui leur est familier » (Edmonton, au paragraphe 33).

[23]  Je ne relève aucun élément de preuve qui puisse me permettre de conclure que la contestation que M. MacDonald prévoit soulever en l’espèce pourrait satisfaire à ce critère de la déraisonnabilité. Un examen sommaire de la décision de la Commission suffit à démontrer que la décision est raisonnable et appartient aux issues possibles acceptables, et que M. MacDonald n’a aucune cause défendable. Le rapport de l’enquêteur est exhaustif et passe en revue l’ensemble de la preuve dont la Commission était saisie. Le fait que M. MacDonald puisse être en désaccord avec l’appréciation de l’enquêteur ou avec les conclusions de la Commission ne suffit pas à rendre la décision déraisonnable et à la soustraite aux issues possibles acceptables (Maqsood c Canada (Procureur général), 2011 CAF 309, au paragraphe 15). Je conclus plutôt qu’il est peu probable que M. MacDonald ait gain de cause dans sa demande, car les allégations éventuelles d’erreurs susceptibles de contrôle trouvent leur réponse à la lecture de la décision de la Commission.

[24]  Comme l’a expliqué le juge LeBlanc dans Berrada, au paragraphe 22, la LCDP « prévoit un processus complet de traitement des plaintes en matière de droits de la personne, processus dont la Commission est un rouage essentiel (Cooper c Canada (CDP), [1996] 3 RCS 854, au paragraphe 48) ». Après avoir reçu une plainte, la Commission nomme un enquêteur pour mener une enquête et rédiger un rapport sur ses conclusions à l’intention de la Commission. Lorsqu’elle reçoit le rapport de l’enquêteur, la Commission en remet alors un exemplaire aux parties et les invite à le commenter. Elle examine ensuite le rapport et les commentaires des parties, puis elle rend une décision, ce qui comprend la possibilité de rejeter la plainte si elle ne croit pas qu’une enquête par le Tribunal est justifiée. C’est ce qui s’est produit en l’espèce.

[25]  Ni l’affidavit de M. MacDonald ni ses observations écrites ne révèlent l’existence d’un argument quelconque permettant de conclure au caractère déraisonnable de la décision de la Commission. M. MacDonald n’a pas établi que sa demande de contrôle judiciaire est bien fondée.

C.  Il n’existe aucune explication raisonnable pour le délai

[26]  En outre, je ne suis pas convaincu qu’il existe une explication raisonnable pour justifier le retard de M. MacDonald dans le dépôt de sa requête en prorogation de délai et son défaut de le faire pendant plus de six mois. Les motifs invoqués par M. MacDonald sont le fait qu’il n’a aucune éducation, qu’il ne connaît pas les procédures de la Cour, qu’il n’est pas représenté par un avocat et qu’il dispose d’un accès inadéquat à des ordinateurs, à des photocopies et à d’autres ressources dans son établissement correctionnel.

[27]  J’observe que M. MacDonald n’allègue pas qu’il n’a pas reçu la communication de la décision de la Commission aux environs du moment où celle-ci a été rendue le 12 avril 2016. Il n’indique pas et ne laisse pas sous-entendre non plus qu’on ne lui a pas communiqué le rapport de l’enquêteur en janvier 2016.

[28]  Il a été reconnu à maintes reprises que le fait d’entreprendre des contrôles judiciaires de décisions de tribunaux administratifs à l’intérieur des délais relativement brefs prescrits par la Loi existe dans l’intérêt public afin que les décisions administratives acquièrent leur caractère définitif (Canada c Berhad, 2005 CAF 267 [Berhad], au paragraphe 60; Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c Hogervorst, 2007 CAF 41, au paragraphe 24). Ce délai « n’est pas capricieux » et existe « dans l’intérêt public, afin que les décisions administratives acquièrent leur caractère définitif et puissent aussi être exécutées sans délai » (Berhad, au paragraphe 60).

[29]  Le fait que M. MacDonald se représente lui-même ne justifie pas une dérogation aux principes juridiques applicables. Les plaideurs qui souhaitent se représenter eux-mêmes doivent accepter les conséquences de leur choix (Wagg c Canada, 2003 CAF 303, au paragraphe 25). Cela ne veut pas dire que la Cour ne peut pas offrir une certaine assistance à un plaideur comme M. MacDonald qui se représente lui-même ni tenir compte de son manque d’expérience ou de formation juridique dans son appréciation. Cependant, la Cour ne peut pas abandonner la règle de droit et ne pas tenir compte des précédents jurisprudentiels qu’elle est tenue d’appliquer.

[30]  La loi est la même pour l’ensemble des plaideurs et ne change pas parce qu’un plaideur choisit de se représenter lui-même (Cotirta c Missinnipi Airways, 2012 CF 1262 [Cotirta], au paragraphe 13, confirmée dans 2013 CAF 280). Dans mon examen des observations de M. MacDonald, j’ai tenu compte du fait que M. MacDonald se représente lui-même et qu’il se trouve dans un établissement correctionnel. J’ai gardé ces faits à l’esprit dans mon appréciation de sa thèse. Cependant, ces considérations ne sauraient conférer des droits supplémentaires ou une exemption à M. MacDonald, elles ne le placent pas non plus dans une catégorie spéciale de plaideurs (Nowoselsky c Canada (Conseil du Trésor), 2004 CAF 418, au paragraphe 8). Le fait de se représenter soi-même n’isole pas un demandeur de l’application de la loi. Le fait de ne pas pouvoir bénéficier de conseils juridiques professionnels n’excuse pas un défaut de se conformer aux Règles.

[31]  Autrement dit, l’exercice de mon pouvoir discrétionnaire en faveur de M. MacDonald me contraindrait à ignorer le critère établi par la Cour d’appel fédérale relativement à une prorogation de délai et à faire preuve d’aveuglement à l’égard de l’absence d’éléments de preuve à l’appui des facteurs énoncés dans l’arrêt Hennelly en l’espèce. Je ne peux me résoudre à le faire. La primauté du droit repose sur les principes cardinaux de la certitude et de la prévisibilité. L’exercice d’un pouvoir discrétionnaire doit avoir son origine dans la loi. L’exercice d’un tel pouvoir ne saurait être adéquat ou judicieux s’il devient une autorisation en vue de contrevenir à la loi applicable.

[32]  Comme l’a déclaré le juge Gagné dans Cotirta, « [l]a jurisprudence a systématiquement refusé de considérer le manque de formation juridique d’une partie ou son incompréhension des Règles comme une excuse raisonnable de retard » (Cotirta, au paragraphe 13). Par conséquent, le manque de connaissance des questions procédurales et l’incapacité de payer les honoraires d’un avocat qui sont allégués par M. MacDonald ne peuvent être d’aucun secours dans sa requête. Je ne suis pas convaincu que l’accès plus difficile de M. MacDonald à des ordinateurs, des photocopies et d’autres ressources dans son établissement correctionnel suffit pour équivaloir à une explication raisonnable pour justifier son retard dans le dépôt de sa demande.

[33]  M. MacDonald demande aussi l’aide de la Cour relativement au processus et aux procédures de la Cour ainsi que pour la préparation de sa demande de contrôle judiciaire. À l’appui de sa demande, M. MacDonald mentionne ses limitations fonctionnelles ainsi que sa maladie mentale, sa vulnérabilité, le fait qu’il n’a achevé qu’une neuvième année, son incapacité de faire des copies, ou de respecter les délais ou les formats requis par la Cour, ainsi que le fait qu’il ne peut payer les honoraires d’un avocat. La Cour ne peut pas non plus acquiescer à cette demande, car il n’incombe pas à la Cour de fournir des conseils juridiques aux plaideurs.

IV.  Conclusion

[34]  M. MacDonald n’a pas présenté les éléments de preuve requis pour me permettre d’exercer mon pouvoir discrétionnaire en sa faveur et le dégager de son défaut de présenter sa demande de contrôle judiciaire dans le délai prévu par la Loi. Dans ces circonstances, je ne suis pas convaincu qu’il soit dans l’intérêt de la justice d’octroyer la prorogation de délai demandée par M. MacDonald. La requête en prorogation de délai est donc rejetée, mais sans dépens pour M. MacDonald.


JUGEMENT

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

  1. La requête visant à obtenir une prorogation de délai est rejetée.

  2. Aucuns dépens ne sont adjugés.

« Denis Gascon »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 7e jour de novembre 2019

Lionbridge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

16-T-37

INTITULÉ :

JEFF MACDONALD c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA ET LE COMMISSAIRE DU SERVICE CORRECTIONNEL DU CANADA

REQUÊTE ÉCRITE EXAMINÉE À OTTAWA (ONTARIO) EN APPLICATION DE L’ARTICLE 369 DES RÈGLES DES COURS FÉDÉRALES.

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE GASCON

DATE DES MOTIFS :

Le 3 janvier 2017

OBSERVATIONS ÉCRITES :

Jeff MacDonald

Pour le demandeur

(pour son propre compte)

Mary Roberts

Pour les défendeurs

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

Pour les défendeurs

 

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