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Date : 20161216


Dossier : T-1979-14

Référence : 2016 CF 1388

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 16 décembre 2016

En présence de madame la juge Strickland

ENTRE :

PREMIÈRE NATION HORNEPAYNE, REPRÉSENTÉE PAR SON CHEF ET CONSEIL,

LE CHEF RON B. KOCSIS, LA CONSEILLÈRE JUDY MAYHEW, LA CONSEILLÈRE ISOBEL PEEVER, ET 18 AÎNÉS, À SAVOIR

SINCLAIR TAYLOR, ROSABELL GOULET, ALFRED MARTIN, DONNA MARTIN, JOHN MAYHEW, HARRY MAYHEW, DOROTHY RENDELL, SHIRLEY TARDIFF, MINNIE TAYLOR, EVA WESLEY, ALICE SUMMERS, GEORGE BEDWASH, MARIA GIONET, IDA BEDWASH, CAROLINE EDNA CHARLEBOIS, ELI TAYLOR, LINDA ESQUAT SR. ET ANGUS SHAGANASH ET 55 MEMBRES DE LA BANDE, À SAVOIR

RHODA BAXTER, ALICEA BOERE, NATALIE ARENOVICH, JUSTIN DUBE, SHELDON DUBE, NAPOLEON GOULET, ROBERT GOULET, MARGIE GOULET, JIM KOCSIS, RENEE MARTIN, MITCHELL MARTIN, PAUL MARTIN, KEVIN MAYHEW, ROBERT MAYHEW, BRENDA ROMAN, BRIAN TAYLOR, CHAD TAYLOR, JOYCE TAYLOR, ROBERT TAYLOR, DONNA WESLEY, CHELSY MCGOWAN, CHARLES SPARLING, GEORGE SPARLING, STEWART BEDWASH, MARLENE TOWGESHIC, NORA TAYLOR, WILFRED MAYHEW, CRYSTAL SUMMERS, SHYLO ELMAYAN, JOHN SUTHERLAND, MARILYN TAYLOR, JENNIFER WRIGHT, AMANDA WRIGHT, ASHLEY WRIGHT, VIVIAN LACOUCIERE, CANDICE MARTIN, PAUL JAMES MARTIN, RICHARD ZACHARIE, SHANNON BUCKNELL, DAKOTA BUCKNELL, FRAN TAYLOR, BRENDA DAMPER, LAWRENCE TAYLOR, JOHN TAYLOR, CHAD KOCSIS, JUSTIN OLSON, DOROTHY TAYLOR, SAMUAL JAY SPENCE, SIMEON RALPH TAYLOR, GEROME TAYLOR, MARIO GIONET, PAMELA TAYLOR, PRISCILLA SHAGANASH, KRISTA‑LEE TAYLOR, CLARA PAUL

demandeurs

et

LAURA MEDEIROS, GORDON SHAGANASH, JEAN OLIVIER, ALFREDO RAYMOND MEDEIROS

défendeurs

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  L’historique des procédures dans le cadre de la présente cause est long; à cette étape, cependant, la Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire à l’encontre d’une décision rendue par la Société canadienne des postes (Postes Canada) de suspendre le service de courrier à une case postale utilisée par la Première Nation Hornepayne (PNH). La demande est présentée aux termes de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC (1985), c F-7 (la Loi sur les Cours fédérales).

Historique des procédures et contexte factuel

[2]  Il faut examiner la présente demande de contrôle judiciaire dans le contexte de l’historique des procédures et du contexte factuel entourant la présente affaire. À cet égard, j’invoquerai et je citerai la décision rendue par le juge LeBlanc en l’espèce en date du 26 janvier 2015 (2015 CF 103).

[3]  Comme l’a indiqué le juge LeBlanc, la présente affaire découle d’une élection contestée tenue le 10 juillet 2014 dans la PNH. Certains des demandeurs, Ron B. Kocsis, Judy Mayhew et Isobel Peever, affirment être les nouveaux conseillers élus de la PNH (le nouveau conseil). Les défendeurs, Laura Medeiros, Gordon Shaganash, Jean Olivier et Alfredo Raymond Medeiros, refusent de reconnaître les résultats de cette élection, qui est invalide selon eux; ils prétendent qu’ils demeurent les représentants dûment élus de la PNH (l’ancien conseil).

[4]  Les demandeurs prétendent que cette crise de leadership a perturbé les activités quotidiennes de la PNH, y compris la livraison du courrier. Le 19 septembre 2014, ils ont présenté une demande de contrôle judiciaire afin de demander les réparations suivantes :

  1. Une ordonnance visant à annuler la décision de Postes Canada de suspendre le service de case postale attitrée aux membres de la bande de la Première Nation Hornepayne et d’y mettre fin.

  2. Une ordonnance d’injonction provisoire visant à empêcher Postes Canada de suspendre le service de case postale attitrée aux membres de la bande de la Première Nation Hornepayne et d’y mettre fin jusqu’à l’issue de la présente instance;

  3. Une ordonnance de déclaration selon laquelle les résultats de l’élection démocratique tenue dans la Première Nation Hornepayne en date du 10 juillet 2014 lient les membres de la bande de la Première Nation Hornepayne;

  4. Une ordonnance d’injonction provisoire visant à empêcher les anciens dirigeants de communiquer avec tous les groupes tiers avec lesquels la bande de la Première Nation Hornepayne traite dans l’exercice de ses activités quotidiennes jusqu’à l’issue de la présente instance et à leur interdire de le faire.

[5]  Le 4 novembre 2014, les demandeurs ont présenté un avis de requête en injonction interlocutoire afin d’interdire à Postes Canada de suspendre le service de courrier à la case postale utilisée par la PNH et d’y mettre fin jusqu’à ce que la Cour ait statué sur la demande de contrôle judiciaire. Les demandeurs ont par la suite abandonné la demande à l’égard de Postes Canada et ont présenté un autre avis de requête, cette fois afin d’interdire aux défendeurs de perturber la livraison du courrier de la collectivité aux membres de la PNH jusqu’à ce que la demande de contrôle judiciaire ait été tranchée.

[6]  Le juge Annis a entendu cette requête le 9 décembre 2014 (2014 CF 1188), et l’a rejetée au motif qu’elle ne relevait pas de la demande sous-jacente, soit l’annulation de la décision de Postes Canada de suspendre la livraison à la case postale où le courrier adressé aux membres de la collectivité de la PNH est reçu. Le juge Annis a affirmé que cette question n’avait rien à voir avec l’identité du gagnant de l’élection contestée de 2014 ou avec le rôle de l’ancien conseil dans la décision de Postes Canada de suspendre la livraison du courrier.

[7]  Le même jour où le juge Annis a rendu sa décision, les demandeurs ont présenté une autre requête en injonction interlocutoire. Cette fois, ils demandaient à interdire aux défendeurs, par l’intermédiaire d’un bref de quo warranto, d’occuper leur charge élective en tant que chef et conseil de la PNH jusqu’à la résolution de la crise de leadership au moyen d’une ordonnance de la Cour (la requête en quo warranto). En réponse, les défendeurs ont présenté une requête affirmant que la Cour n’avait pas compétence pour se pencher sur les questions entourant l’élection de juillet 2014. En particulier, ils ont soutenu qu’ils sont des individus qui agissent en tant qu’administrateurs de leur entité constituée en vertu d’une loi provinciale, HFN Incorporated; par conséquent, ni eux ni la société ne sont « un office fédéral » au sens de l’article 18 de la Loi sur les Cours fédérales.

[8]  Les parties se sont entendues pour plaider la question de la compétence à titre de question préliminaire et elles ont présenté des éléments de preuve et des observations écrites à l’appui de leur thèse respective.

[9]  Dans sa décision rendue le 26 janvier 2015, le juge LeBlanc a indiqué que la PNH est une association non constituée en personne morale qui ne possède pas le statut juridique d’une bande indienne aux termes de la Loi sur les Indiens, LRC (1985), c I- 5 (la Loi sur les Indiens). Elle compte environ 264 membres, qui sont des « Indiens » au sens de la Loi sur les Indiens. Et, même si diverses organisations des Premières Nations lui ont accordé une reconnaissance politique et qu’elle tente depuis bon nombre d’années de prouver qu’elle est une bande indienne ayant un statut de réserve aux termes de la Loi sur les Indiens, ses efforts n’ont pas porté leurs fruits.

[10]  En ce qui concerne HFN Incorporated, elle a été créée en 1992 en tant qu’instrument administratif, qui devait permettre au départ d’officialiser l’achat d’un ancien hôpital afin de le convertir en centre de ressources communautaires au bénéfice des membres de la PNH. Selon ses lettres patentes, toutefois, la constitution en personne morale de HFN Incorporated visait des objectifs plus élargis. Les défendeurs ont affirmé que HFN Incorporated avait comme tâche principale de s’employer à créer une liste de membres et un protocole électoral en vue de finalement tenir une élection pour la PNH en tant que Première Nation entièrement reconnue ayant un statut de bande aux termes de la Loi sur les Indiens.

[11]  En ce qui concerne la tenue d’élections, les demandeurs ont soutenu que la PNH a toujours eu un processus officiel en place en vertu de sa tradition de bande afin d’élire son chef et conseil. Ils font valoir que ce processus était en place bien avant la création de HFN Incorporated et qu’en mars 2001, il a été mis par écrit sous la forme d’un « manuel de politique » pour les élections, la première de ces élections tenues aux termes de ce « manuel de politique » ayant eu lieu le 28 avril 2001. Les demandeurs ont aussi affirmé que le chef et conseil dûment élus deviennent les administrateurs d’office de HFN Incorporated, ce qui signifie qu’il n’a jamais été nécessaire de tenir une élection distincte pour ses administrateurs.

[12]  Inversement, les défendeurs ont soutenu que les seules élections qui ont été tenues étaient celles du président et des administrateurs de HFN Incorporated, qui, une fois élus, utilisaient les titres de chef et de conseillers. Ils ont affirmé que, même si ces titres étaient utilisés, aucun processus officiel n’avait été mis en place pour élire un chef et des conseillers pour la collectivité de la PNH.

[13]  Le juge LeBlanc a conclu, pour les motifs exposés dans sa décision, que les pouvoirs de la collectivité de la PNH à tenir une élection ne proviennent pas d’une loi ou d’une prérogative fédérale. Qui plus est, en ce qui concerne les élections du président et des administrateurs de HFN Incorporated, la source du pouvoir ou de la compétence à exercer à cet égard tire son origine d’une loi provinciale. Plus précisément, les questions qui visent à déterminer qui devrait agir ou continuer d’agir au nom de HFN Incorporated doivent être tranchées par le règlement interne de la société ou les dispositions de la Loi sur les personnes morales, LRO 1990, c C-38 (la Loi sur les personnes morales) de l’Ontario. En conséquence, étant donné que le pouvoir de tenir l’élection de juillet 2014 et d’élire le conseil d’administration de HFN Incorporated n’était pas issu d’une loi ou d’une prérogative fédérale, les défendeurs n’étaient pas un « office fédéral » et la Cour n’avait donc pas compétence pour connaître de la requête en quo warranto, ainsi que de toute question soulevée dans la demande de contrôle judiciaire portant sur l’identité du gagnant de l’élection contestée de juillet 2014. Autrement dit, la Cour n’avait pas compétence pour statuer sur la demande visant à obtenir réparation à l’égard des défendeurs.

[14]  Par la suite, M. Kocsis, en tant que représentant des demandeurs, a demandé à obtenir des précisions sur la décision du juge LeBlanc. En réponse, le juge LeBlanc a émis une directive, le 2 février 2015, où il indiquait ce qui suit :

[traduction]

La demande de contrôle judiciaire présentée par les demandeurs, dans l’unique mesure où elle porte sur le pouvoir de la Société canadienne des postes de suspendre la livraison du courrier adressé à la case postale 1553 ou d’y mettre fin demeure en cours (la demande résiduelle), à la condition que la Cour ait compétence pour statuer sur ladite demande résiduelle, une question qui n’a pas été abordée dans l’ordonnance rendue le 26 janvier 2015 et pour laquelle l’ordonnance n’est pas déterminante quant à son issue.

[15]  Le juge LeBlanc a aussi exigé que Laura Medeiros, Gordon Shaganash, Jean Olivier et Alfredo Raymond Medeiros demeurent désignés en tant que défendeurs dans la demande résiduelle, sous réserve de leur droit de justifier pourquoi ils ne devraient pas le demeurer en tant que personnes intéressées aux intérêts opposés à ceux des demandeurs. Selon la directive, les défendeurs avaient jusqu’au 5 février 2015 pour informer la Cour s’ils entendaient justifier pourquoi ils ne devraient pas demeurer désignés en tant que défendeurs. Le 12 février 2015, le juge LeBlanc a exigé que Laura Medeiros, Gordon Shaganash, Jean Oliver et Alfredo Raymond Medeiros demeurent désignés en tant que défendeurs dans la demande résiduelle, comme il l’avait indiqué dans sa directive du 2 février 2015.

[16]  Ainsi, dans la mesure où la Cour a compétence pour statuer à cet égard, la seule question dont je suis saisie porte sur la contestation, par les demandeurs, de la décision de Postes Canada de suspendre la livraison du courrier à la case postale visée ou d’y mettre fin.

[17]  Voici le contexte factuel pertinent pour cette question :

[18]  Le 3 juillet 2014, M. Michael Strickland, de Buset & Partners LLP, qui se présente comme l’avocat de Ron B. Kocsis à l’égard de HFN Incorporated, a écrit à Postes Canada afin de présenter des copies des résolutions signées par le conseil d’administration, une copie des registres des administrateurs et des dirigeants et le formulaire 1 – Avis de changement, et il a demandé à Postes Canada de mettre à jour ses dossiers en conséquence.

[19]  Il semblerait qu’à un moment donné avant le 10 juillet 2014, M. Kocsis ait communiqué avec Postes Canada afin d’indiquer qu’une nouvelle serrure serait installée sur la case postale visée, soit la case postale 1553, située au 200, rue Front, Hornepayne (Ontario) (la case postale), et qui était attribuée à la PNH depuis environ 25 ans. Le 11 juillet 2014, M. Anthony Carfagnini a envoyé un courriel à M. Clive Henderson, chef de zone locale de Postes Canada, en copie à M. Strickland, dans lequel il affirmait que M. Carfagnini était l’avocat de HFN Incorporated et que l’élection des nouveaux dirigeants de cette entité faisait l’objet d’un litige. M. Carfagnini a demandé à Postes Canada de conserver le courrier jusqu’à la semaine suivante au moins, pendant que l’on tentait de régler le litige.

[20]  Le 22 juillet 2014, Mme Trina Kemeridis, conseillère juridique à Postes Canada, a envoyé un courriel à M. Strickland et à M. Carfagnini dans lequel elle affirmait qu’elle comprenait que M. Kocsis avait procédé à un changement de serrure pour la case postale appartenant à HFN Incorporated. Qui plus est, elle indiquait que, peu de temps après, M. Carfagnini, qui se présentait comme l’avocat de HFN Incorporated, avait communiqué avec Postes Canada et l’avait informée d’un litige sur l’identité des administrateurs et des dirigeants actuels de cette société. M. Carfagnini avait demandé à conserver tout le courrier aux soins de HFN Incorporated pendant que les parties tentaient de résoudre la question sur le leadership. Mme Kemeridis a indiqué que Postes Canada n’avait aucune autorité pour arbitrer les différends d’ordre commercial ou liés au courrier. Vu le litige sur la propriété du courrier destiné à HFN Incorporated, Postes Canada conserverait temporairement la totalité du courrier afin de donner aux parties le temps de présenter une directive commune à Postes Canada afin de lui indiquer qui devrait recevoir une clé pour la case postale. Si elle ne recevait pas une telle directive avant le 5 août 2014 à 17 h, le courrier destiné à HFN Incorporated serait retourné à l’expéditeur. Autrement, les parties pourraient demander une ordonnance de la Cour afin qu’elle donne des directives à Postes Canada sur cette affaire.

[21]  Dans un courriel daté du 12 août 2014, Mme Kemeridis a informé les deux avocats, après avoir reçu un appel de M. Kocsis, qu’elle prorogeait le délai afin de permettre aux deux parties de présenter une directive commune ou une ordonnance de la Cour. Si elle ne recevait rien de tel avant le 19 août 2014 à 17 h, le courrier adressé à la PNH serait retourné à l’expéditeur. Le même jour, M. Kocsis, qui se présentait comme le chef de la PNH, a écrit au chef de zone locale de Postes Canada afin de décrire l’élection contestée, de l’informer qu’il fallait désormais respecter l’élection du nouveau conseil et de lui demander de retirer le statut « en attente » de la case postale.

[22]  Dans un courriel daté du 13 août 2014 envoyé à M. Strickland, Mme Kemeridis a réitéré qu’il fallait présenter une ordonnance de la Cour ou une directive commune, tout en indiquant que M. Strickland avait demandé à obtenir une prorogation du délai de retenue du courrier jusqu’au 28 août 2014 à 17 h.

[23]  Dans un courriel daté du 21 août 2014, Mme Kemeridis a rappelé aux deux avocats que Postes Canada ne retiendrait le courrier de HFN Incorporated que jusqu’au 28 août 2014 et elle a demandé si les parties s’employaient à présenter une déclaration commune ou une ordonnance de la cour avant cette échéance. Le même jour, elle a envoyé un courriel à M. Strickland afin de lui demander de rappeler à M. Kocsis, qui avait communiqué directement avec l’un des superviseurs de Postes Canada, que celle-ci ne pouvait pas lui remettre le courrier sans une déclaration commune ou une ordonnance de la cour, comme elle l’avait indiqué précédemment.

[24]  Dans un courriel daté du 26 août 2014 que Mme Kemeridis a envoyé aux deux avocats, elle a mentionné une possibilité de résolution dont elle avait discuté avec M. Strickland plus tôt ce jour-là, en particulier, la possibilité pour les parties de convenir que le courrier destiné au HFN soit réacheminé aux avocats jusqu’au règlement du différend. Cette solution s’appliquerait à l’« organe politique » (le chef et le conseil élus) et à l’« entité juridique » (HFN Incorporated). Les avocats pourraient ensuite s’entendre sur les conditions de fiducie qui seraient imposées pour le courrier réacheminé. Mme Kemeridis demandait, si les parties s’entendaient sur cette solution, à être informée par écrit et à ce qu’une adresse de réacheminement soit fournie; elle transmettrait les directives au bureau de poste en conséquence. Elle a de nouveau rappelé aux parties que Postes Canada ne retiendrait le courrier pour la PNH que jusqu’au 28 août 2014 à 17 h.

[25]  Dans une lettre datée du 26 août 2014, M. Kocsis, qui se présentait comme le chef de la PNH, a écrit à Mme Kemeridis en alléguant qu’il n’y avait aucun différend sur le leadership qui justifiait les mesures prises par Postes Canada à l’égard de la PNH, même si les dirigeants et le conseil précédents continuaient d’affirmer qu’il y avait une controverse. M. Kocsis a affirmé que Postes Canada avait pris position contre la PNH en suspendant le service de courrier essentiel à la collectivité et, le 28 août 2014, en mettant fin à ce service. Il a demandé que soit rétabli immédiatement le droit des membres de la PNH au service de courrier essentiel et à les protéger de perturbations futures. Toutefois, si Postes Canada entendait rester sur sa position, elle ne devait pas retourner le courrier retenu ou mettre fin au service de courrier jusqu’à ce que la PNH ait eu le temps de présenter un avis de demande de contrôle judiciaire pour contester cette décision. Une autre lettre a été envoyée le 28 septembre 2014, à laquelle était joint le procès-verbal d’une réunion d’urgence du conseil des aînés au cours de laquelle une motion affirmant qu’aucun différend sur le leadership n’existait avait été adoptée.

[26]  Le 29 août 2014, Mme Kemeridis a envoyé un long courriel aux deux avocats afin d’exposer en détail les événements survenus à ce jour. Elle a conclu qu’il demeurerait un différend sur l’identité de la partie qui avait le droit d’avoir la clé de la case postale et qui était le propriétaire du courrier de la PNH. Elle a réitéré que Postes Canada n’avait pas comme rôle d’arbitrer des différends d’ordre commercial ou sur la propriété du courrier ou de retenir le courrier jusqu’à ce que les parties en viennent à une résolution. Postes Canada examinerait l’affaire au cours de la semaine suivante et rendrait une décision définitive de retourner le courrier actuellement retenu et tout le courrier à recevoir jusqu’au règlement de l’affaire. Elle a aussi rappelé à chacune des parties qu’elle pouvait communiquer avec leurs expéditeurs directement pour prendre d’autres dispositions de livraison.

[27]  Dans un courriel daté du 3 septembre 2014, Mme Kemeridis a informé les deux avocats qu’à la demande de M. Kocsis, le courrier demeurerait retenu jusqu’au 3 octobre 2014 afin que M. Kocsis puisse obtenir une ordonnance de la cour.

[28]  Le 19 septembre 2014, les demandeurs ont présenté la présente demande de contrôle judiciaire.

[29]  Le dossier qui m’est présenté ne contient aucun élément de preuve sur l’état du courrier adressé à la PNH ou à HFN Incorporated depuis le 3 octobre 2014. On peut supposer que Postes Canada a suspendu la livraison à la case postale et qu’elle a retourné le courrier y étant adressé aux expéditeurs.

Décision faisant l’objet du contrôle

[30]  Les demandeurs font valoir que le ou vers le 17 juillet 2014, Postes Canada a suspendu le service de distribution du courrier à la PNH de façon arbitraire et sans préavis.

[31]  Je préciserais que Postes Canada n’a rendu aucune décision écrite le 17 juillet 2014. Plutôt, comme il est décrit ci-dessus, le 11 juillet 2014, M. Carfagnini, qui était soi-disant l’avocat de HFN Incorporated et prétendument au nom de l’ancien conseil, a demandé à Postes Canada de retenir le courrier jusqu’à la semaine suivante au moins pendant que l’on tentait de résoudre le différend.

[32]  Je suis d’avis que la décision faisant l’objet du contrôle est celle qu’a prise Postes Canada, après avoir communiqué à maintes reprises avec les avocats de HFN Incorporated dans une tentative en vue de les mener à régler le différend, de continuer de retenir le courrier et, plus tard, de suspendre le service de courrier à la case postale jusqu’à la conclusion d’un accord mutuel sur l’accès à la case postale, à l’émission d’une ordonnance de la cour afin de donner des directives à Postes Canada à cet égard, ou au règlement du différend sous-jacent lié au leadership. Cette décision a été exposée par écrit le 22 juillet 2014 et a été répétée par la suite jusqu’à ce que Postes Canada rende une décision définitive, à un certain moment après le 29 août 2014. Le courrier a été renvoyé aux expéditeurs et le service a été suspendu à ou vers 17 h, le 3 octobre 2014 environ. Selon le dossier qui m’est présenté, il semble s’agir de la dernière prorogation accordée par Postes Canada pour retenir le courrier destiné à la case postale.

[33]  Les demandeurs affirment que la décision faisant l’objet du contrôle a été prise le 17 juillet 2014; dans ces circonstances, toutefois, je suis convaincue que la décision prise par Postes Canada correspondait essentiellement à une même série d’actes qui a débuté au moment où le courrier a été retenu pour la première fois jusqu’au moment où le service à la case postale a finalement été suspendu. Les décisions de retenir et d’ensuite suspendre le service de courrier à la case postale sont si étroitement liées qu’elles doivent être considérées comme une même série d’actes et elles doivent être adéquatement examinées ensemble. Elles portent sur la même situation de fait, elles ont été prises par le même organisme décideur et elles portaient toutes deux sur la question visant à déterminer quelle partie devrait avoir accès à la case postale et sur le rétablissement du service de courrier (Truehope Nutritional Support Ltd c Canada (Procureur général), 2004 CF 658, au paragraphe 6; Landriault c Canada (Procureur général), 2016 CF 664, au paragraphe 27; Balfour c Nation crie de Norway House, 2006 CF 213, au paragraphe 16; Shotclose c Première Nation Stoney, 2011 CF 750, au paragraphe 64).

Thèses des parties

[34]  Je précise à titre préliminaire que les demandeurs et les défendeurs se représentent eux-mêmes. Selon le dossier de la Cour, M. Kocsis a comparu en l’espèce au nom des demandeurs dans toutes les requêtes précédentes. Un avis d’intention d’agir en son propre nom a été présenté au nom de la défenderesse, Laura Medeiros, le 27 février 2015. Le 5 mars 2015, le juge LeBlanc a exigé que l’avis d’intention d’agir en son propre nom soit réputé avoir été présenté au nom de tous les défendeurs et qu’il était donc contraignant pour chacun d’eux. Toutefois, quand elle a comparu devant moi, Mme Medeiros a demandé que M. Noah Medeiros représente les défendeurs. M. Medeiros n’est ni un conseiller juridique ni un défendeur désigné. Qui plus est, le dossier des défendeurs contient un affidavit de M. Medeiros qui soutient leur position. Par conséquent, et puisqu’elle n’a pas été présentée avant l’audience, cette demande a été rejetée; toutefois, M. Medeiros s’est assis avec Mme Medeiros et cette dernière l’a consulté pendant l’audience.

[35]  En ce qui concerne le rôle de Postes Canada, l’avis de demande présenté par les demandeurs et la demande elle-même désignent Postes Canada en tant que défenderesse. Conformément à l’alinéa 318(1)a) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 (les Règles), le 22 octobre 2015, Postes Canada a présenté une copie certifiée des documents demandés par les demandeurs (le dossier de Postes Canada). Le 3 novembre 2014, les demandeurs se sont désistés de la demande visant Postes Canada en produisant un avis partiel de désistement sur consentement. Postes Canada a consenti au désistement complet par rapport à la demande et s’est engagée à respecter toute ordonnance provisoire et définitive que la Cour pourrait rendre; à présenter une copie certifiée des documents demandés dans la présente demande aux termes de l’article 317 des Règles, et à ne pas solliciter de dépens.

[36]  En conséquence, Postes Canada n’a joué aucun rôle dans la demande de contrôle judiciaire à l’encontre de sa décision. Les demandeurs n’ont pas demandé que le procureur général ou toute autre partie agisse au nom de Postes Canada.

[37]  Pendant l’audience, les défendeurs ont fait valoir qu’ils n’avaient pas reçu une copie du dossier de Postes Canada. Vu le contexte de la décision de Postes Canada décrit ci-dessus, et puisque le dossier présente le fondement à la décision, les parties se sont entendues sur le fait que les demandeurs remettraient une copie du dossier de Postes Canada après l’audience. Après avoir reçu et examiné le dossier, les défendeurs pouvaient, s’ils choisissaient de le faire, présenter de brèves observations écrites afin d’aborder le contenu du dossier de Postes Canada. Les demandeurs pouvaient ensuite présenter une courte réponse écrite s’ils le voulaient.

[38]  À l’audience, j’ai mentionné que j’émettrais une directive à cet égard après l’audience; cette directive a été émise le 26 octobre 2016 et une autre directive visant à proroger le délai de présentation a été émise le 3 novembre 2016. Les défendeurs ont présenté d’autres observations écrites le 28 novembre 2016 et les demandeurs ont présenté leurs observations en réponse le 5 décembre 2016, comme les directives leur permettaient de le faire.

La thèse des demandeurs

[39]  Les demandeurs ne cernent aucune question juridique en particulier dans leur mémoire des faits et du droit. Les demandeurs affirment essentiellement que le 17 juillet 2014, Postes Canada a suspendu le service de distribution du courrier à la PNH, de façon arbitraire et sans préavis, sans motiver cette décision. Les demandeurs font valoir que Postes Canada, en tant qu’organe administratif, était tenue de s’acquitter de l’obligation d’équité procédurale au moment de rendre sa décision. Les demandeurs renvoient à Assoc. canadienne des quotidiens c Société canadienne des postes, [1995] 3 RCF 131 (Assoc. canadienne des quotidiens), pour appuyer leur position selon laquelle Postes Canada est réputée être un office fédéral et qu’aux termes de l’article 18 de la Loi sur les Cours fédérales, la Cour a compétence pour statuer sur la question et que Postes Canada est tenue de s’acquitter de l’obligation d’équité procédurale.

[40]  Les demandeurs renvoient aussi à Nicholson c Haldimand-Norfolk Regional Police Commissioners, [1979] 1 RCS 311, à l’appui de l’argument selon lequel ils auraient dû recevoir un traitement équitable et Baker c Canada (Citoyenneté et Immigration), [1999] 2 RCS 817 (Baker), afin de soutenir la proposition selon laquelle l’obligation d’équité procédurale à laquelle les personnes visées avaient droit. Ils sous-entendent aussi que l’équité quant au fond peut être garantie sur le plan constitutionnel par l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, c 11, sans approfondir ou poursuivre cet argument.

[41]  Les demandeurs ont demandé à obtenir une ordonnance annulant la décision de Postes Canada et rétablissant la livraison du courrier à la case postale tel qu’il l’était le 17 juillet 2014 (c’est-à-dire après le changement de serrure demandé par M. Kocsis). Cette ordonnance permettrait effectivement aux demandeurs, y compris au nouveau conseil, d’avoir le contrôle de la case postale et du courrier qui y est livré.

[42]  Lorsqu’ils ont comparu devant moi, les demandeurs ont soutenu que Postes Canada, en acceptant les documents présentés par M. Strickland au nom du nouveau conseil et en mettant à jour ses dossiers en fonction de ces documents, a décidé d’accepter l’élection des nouveaux dirigeants et administrateurs de HFN Incorporated. Postes Canada a par la suite modifié cette décision de manière déraisonnable en fonction des allégations non fondées formulées par les défendeurs. Qui plus est, Postes Canada aurait dû contraindre les défendeurs de poursuivre d’autres recours, comme ceux disponibles aux termes de la Loi sur les personnes morales, afin de décider de suspendre le service de courrier et d’y mettre fin. Les demandeurs ont fait valoir qu’ils ne demandent plus à obtenir à titre de réparation le rétablissement du service de courrier à la case postale tel qu’il l’était le 17 juillet 2014, parce qu’ils possèdent la clé de la case postale. Par conséquent, l’annulation de la décision de Postes Canada leur donnerait accès par défaut au courrier.

Thèse du défendeur

[43]  Dans leurs observations écrites, les défendeurs ont indiqué que la question résidait dans la propriété juridique de la case postale. Ils cernent ensuite quatre « questions de droit »; toutefois, aucune de ces questions ne porte sur la décision de Postes Canada. Ils demandent plutôt si M. Kocsis avait l’autorité juridique de déposer de fausses entrées au ministère des Services gouvernementaux de la province de l’Ontario; si les demandeurs ont le pouvoir de diffuser des documents falsifiés et si les déclarations de faillite présentées par certains demandeurs les disqualifient en tant qu’administrateurs aux termes de la Loi sur les personnes morales. Leurs observations portent en majeure partie sur le contexte factuel ou sur le bien-fondé de l’élection contestée, qui n’ont rien à voir avec la question dont je suis saisie. Certains renseignements généraux portent sur le changement de l’accès à la case postale, mais principalement dans le contexte du préjudice allégué qui en a découlé pour la collectivité. Les défendeurs ne citent aucune jurisprudence et aucune loi à l’appui de leurs observations.

[44]  Les défendeurs demandent à la Cour de rendre une ordonnance annulant la décision de Postes Canada de suspendre le service de courrier et de rétablir la serrure originale sur la case postale. Ainsi, dans les faits, le courrier serait livré à l’ancien conseil, qui en aurait le contrôle. Les défendeurs demandent aussi à la Cour, si elle est d’avis que les demandeurs ont posé des gestes illégaux pour obtenir l’accès aux documents et aux biens de la société, d’exiger qu’ils soient remis. De même, si les demandeurs ont accédé illégalement à certaines finances personnelles, la Cour devrait ordonner le remboursement et qu’il soit interdit aux demandeurs de faire des assertions trompeuses sur HFN Incorporated.

[45]  Lorsqu’ils ont comparu devant moi, les défendeurs se sont dits d’avis que la décision prise par Postes Canada était liée aux circonstances entourant l’élection contestée et la nomination des nouveaux dirigeants et administrateurs de HFN Incorporated. La décision était erronée puisqu’elle se fondait sur des actes répréhensibles commis par les demandeurs, qui ont donné lieu aux résultats de l’élection qui sont contestés. Qui plus est, puisque la case postale appartient à HFN Incorporated, seuls les dirigeants et les administrateurs dûment élus, soit l’ancien conseil, devraient avoir accès au courrier y étant livré. Qui plus est, Postes Canada n’a pas informé Mme Medeiros, en tant qu’ancienne présidente de HFN Incorporated, de la décision de retenir le courrier et de suspendre le service de courrier à la case postale. Même s’ils demandaient l’annulation de la décision de Postes Canada, les demandeurs ont soutenu que la Cour n’a pas compétence, puisque l’affaire devrait être entendue avec des affaires connexes devant d’autres tribunaux.

Observations supplémentaires des parties

[46]  Les observations écrites supplémentaires des défendeurs présentées conformément à mes directives décrites ci-dessus n’abordent aucunement le contenu du dossier de Postes Canada ou la décision faisant l’objet du contrôle. Elles ne font que réaffirmer que la décision se fondait sur des documents trompeurs, inadéquats, défectueux et frauduleux.

[47]  Dans leurs observations présentées en réponse, les demandeurs précisent avec raison que les observations supplémentaires des défendeurs n’abordent pas le dossier de Postes Canada. Les demandeurs ont présenté d’autres « observations finales », qui ne portaient toutefois pas sur l’objet de leurs observations et qui n’étaient pas permises dans mes directives.

Questions en litige

[48]  Les parties n’exposent pas clairement les questions; je suis toutefois d’avis qu’elles sont les suivantes : d’abord, la Cour a-t-elle compétence pour examiner la décision de Postes Canada? Le cas échéant, Postes Canada a-t-elle outrepassé sa compétence ou manqué à l’obligation l’équité procédurale au moment de rendre sa décision? Et, finalement, la décision était-elle raisonnable?

Notre Cour a-t-elle compétence?

[49]  Les paragraphes 18(1) et 18(3) de la Loi sur les Cours fédérales confèrent à la Cour fédérale une compétence exclusive, en première instance, pour trancher les contrôles judiciaires à l’encontre d’un « office fédéral ». L’article 2 définit ce terme :

2 (1) Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.

2 (1) In this Act,

office fédéral Conseil, bureau, commission ou autre organisme, ou personne ou groupe de personnes, ayant, exerçant ou censé exercer une compétence ou des pouvoirs prévus par une loi fédérale ou par une ordonnance prise en vertu d’une prérogative royale, à l’exclusion de la Cour canadienne de l’impôt et ses juges, d’un organisme constitué sous le régime d’une loi provinciale ou d’une personne ou d’un groupe de personnes nommées aux termes d’une loi provinciale ou de l’article 96 de la Loi constitutionnelle de 1867.

federal board, commission or other tribunal means any body, person or persons having, exercising or purporting to exercise jurisdiction or powers conferred by or under an Act of Parliament or by or under an order made pursuant to a prerogative of the Crown, other than the Tax Court of Canada or any of its judges, any such body constituted or established by or under a law of a province or any such person or persons appointed under or in accordance with a law of a province or under section 96 of the Constitution Act, 1867;

18 (1) Sous réserve de l’article 28, la Cour fédérale a compétence exclusive, en première instance, pour :

18 (1) Subject to section 28, the Federal Court has exclusive original jurisdiction

a) décerner une injonction, un bref de certiorari, de mandamus, de prohibition ou de quo warranto, ou pour rendre un jugement déclaratoire contre tout office fédéral;

(a) to issue an injunction, writ of certiorari, writ of prohibition, writ of mandamus or writ of quo warranto, or grant declaratory relief, against any federal board, commission or other tribunal; and

b) connaître de toute demande de réparation de la nature visée par l’alinéa a), et notamment de toute procédure engagée contre le procureur général du Canada afin d’obtenir réparation de la part d’un office fédéral.

(b) to hear and determine any application or other proceeding for relief in the nature of relief contemplated by paragraph (a), including any proceeding brought against the Attorney General of Canada, to obtain relief against a federal board, commission or other tribunal.

(3) Les recours prévus aux paragraphes (1) ou (2) sont exercés par présentation d’une demande de contrôle judiciaire.

(3) The remedies provided for in subsections (1) and (2) may be obtained only on an application for judicial review made under section 18.1.

[50]  La Cour d’appel fédérale, dans Nation Innue c Pokue, 2014 CAF 271 (Pokue), a établi le critère adéquat pour déterminer si une entité est un office fédéral :

[11]  L’arrêt de principe portant sur l’interprétation qu’il convient de donner à la définition d’office fédéral est l’arrêt Anisman c. Canada (Agence des services frontaliers), 2010 CAF 52, 400 N.R. 137, de notre Cour. Au paragraphe 29 de ses motifs, le juge Nadon, s’exprimant au nom de la Cour, a indiqué qu’il faut procéder à une « analyse en deux étapes » pour déterminer si une entité constitue un office fédéral. La première étape consiste à déterminer la nature de la compétence ou du pouvoir exercé. La deuxième étape consiste à déterminer la source ou l’origine de la compétence ou du pouvoir exercé.

[12]  Au paragraphe 30, le juge Nadon a cité avec approbation D.J.M. Brown et J.M. Evans, au paragraphe 2:4310 de leur ouvrage intitulé « Judicial Review of Administrative Action in Canada », volume 1, édition sur feuilles mobiles (Toronto, Canvasback Publishing, 1998). Il a indiqué que le premier facteur déterminant quant à savoir si un office fait partie de la définition d’un office fédéral est la source de la compétence de l’office. Le premier facteur déterminant n’est pas la nature du pouvoir exercé ou de l’entité exerçant le pouvoir.

(Voir aussi Première Nation Hornepayne c Medeiros, 2015 CF 103, aux paragraphes 18 et 19).

[51]  La Cour d’appel fédérale a indiqué que les questions qu’il convenait de trancher étaient les suivantes : premièrement, quelle compétence ou quel pouvoir a été exercé?; et, deuxièmement, quelle était la source de cette compétence ou de ce pouvoir? (Pokue, au paragraphe 17).

[52]  La Cour a déjà conclu que Postes Canada est un office fédéral comme le définit l’article 2 de la Loi sur les Cours fédérales. Les demandeurs renvoient à l’une de ces décisions, Assoc. canadienne des quotidiens. Dans cette affaire, la décision faisant l’objet du contrôle portait sur le fait que Postes Canada avait permis uniquement à ses employés d’accéder à des clés de boîtes aux lettres d’appartements afin de distribuer des circulaires non adressées. La Cour a conclu que la décision de donner accès à des boîtes aux lettres verrouillées d’appartements correspondait à l’exercice d’un pouvoir issu d’un règlement, le Règlement sur les boîtes aux lettres, et pas du tout à l’exercice du pouvoir général de gestion d’une société.

[53]  En rendant sa décision, la Cour a renvoyé à la décision Aeric, Inc. c Président du conseil d’administration, Société canadienne des postes, [1985] 1 CF 127 (CAF) (Aeric). Dans cette décision, la demande de contrôle judiciaire portait sur la décision du président du conseil d’administration de Postes Canada de rejeter l’appel interjeté à l’égard du refus d’enregistrer un périodique publié par le Conference Board du Canada en tant que courrier de deuxième classe. La Cour d’appel fédérale a mentionné que la décision dans cette affaire avait été prise dans l’exercice d’un pouvoir conféré par un règlement et qu’il ne s’agissait aucunement de l’exercice d’un pouvoir général de gestion. Le président du conseil était saisi d’un appel décrit dans le règlement sur lequel il devait se prononcer; par conséquent, la décision n’est pas seulement une décision rendue dans le contexte d’opérations commerciales, mais aussi une décision administrative. Dans Aeric, la Cour d’appel fédérale a aussi conclu que Postes Canada est différente d’une société commerciale ordinaire en ce sens où elle a effectivement un caractère public important, y compris celui tiré de l’alinéa 5(2)e) de la Loi sur la Société canadienne des postes, qui renvoie au [traduction] « rôle de la Société en tant qu’institution du gouvernement du Canada » [en anglais : « an institution of the Government of Canada »].

[54]  Enfin, dans Rural Dignity of Canada c Société canadienne des postes, [1991] ACF no 33 (CF) (conf. par la CAF, 139 NR 203; autorisation d’interjeter appel devant la CSC refusée, 141 NR 399) (Rural Dignity of Canada), les deux parties ont reconnu que Postes Canada était un office fédéral au sens de la Loi sur les Cours fédérales. La Cour a conclu que la fermeture d’un bureau de poste local pour y substituer des points de vente au détail touchait l’intérêt des habitants de la collectivité et qu’ils avaient donc le droit, de façon individuelle ou collective, de faire examiner une telle décision. Étant donné que la société faisait partie de l’appareil décisionnel du gouvernement prévu à l’article 2 de la Loi sur les Cours fédérales, ses décisions de fermer les bureaux de poste en question étaient susceptibles de révision par la Cour conformément aux dispositions de l’article 18 de la Loi.

[55]  En l’espèce, Postes Canada a retenu le courrier et suspendu la livraison du courrier à la case postale. Lorsque j’applique le critère à l’inverse, sa source de pouvoir pour l’exploitation des services postaux est la Loi sur la Société canadienne des postes, LRC (1985), c C-10 (Loi sur la Société canadienne des postes). C’est aux termes de cette Loi que Postes Canada est établie en tant que société. Ses objets, établis au paragraphe 5(1), comprennent la création et l’exploitation d’un service postal comportant le relevage, la transmission et la distribution de messages, renseignements, fonds ou marchandises dans le régime intérieur et dans le régime international (alinéa 5(1)a)).

[56]  Selon moi, le mandat de Postes Canada d’exploiter un service postal constituait le pouvoir qu’elle exerçait quand elle a décidé de retenir et de suspendre ensuite la livraison du courrier à la case postale. Plus précisément, et même si les parties n’ont présenté aucune observation sur cette question, je mentionne que l’alinéa 5(2)c) de la Loi sur la Société canadienne des postes est libellé ainsi 

(2) Dans l’exercice de sa mission, la Société, tout en assurant l’essentiel du service postal habituel :

(2) While maintaining basic customary postal service, the Corporation, in carrying out its objects, shall have regard to

c) tend à assurer son exploitation dans les meilleures conditions de sécurité du courrier;

(c) the need to conduct its operations in such manner as will best provide for the security of mail;

[57]  Confrontée à un différend manifeste sur l’autorité du nouveau conseil ou de l’ancien conseil et donc, des dirigeants de HFN Incorporated qui peuvent recevoir le courrier adressé à la boîte postale, Postes Canada avait le droit de songer à la sécurité du courrier qui aurait autrement été livré dans le cadre de l’exploitation de son service postal. Et, comme elle l’a indiqué, elle n’avait aucune obligation de tenter de déterminer le bien-fondé du litige entre les parties. Il est important de mentionner que Postes Canada ne refusait pas d’offrir un service postal; elle suspendait plutôt ce service jusqu’à ce qu’elle reçoive une directive sur le bénéficiaire approprié du courrier, par une ordonnance de la cour à la suite d’un accord entre les parties.

[58]  Ainsi, en ce qui concerne le premier volet du critère visant à établir la compétence, le pouvoir ou la compétence exercé relève de l’alinéa 5(2)c) de la Loi sur la Société canadienne des postes. Contrairement aux décisions Assoc. canadienne des quotidiens et Aeric, toutefois, les parties en l’espèce n’ont pas renvoyé la Cour à un règlement particulier qui accorde à Postes Canada le pouvoir de suspendre le service de courrier ou de retenir le courrier, ou, inversement, qui l’empêche de le faire. Et, contrairement à la décision Rural Dignity of Canada, un service n’est pas abandonné ou modifié de façon permanente. Ce service est plutôt suspendu pendant que les parties au litige ayant donné lieu à la suspension règlent leur différend. On pourrait se demander si Postes Canada exerçait un pouvoir général de gestion, ce qui situerait sa décision hors de la compétence de la Cour.

[59]  La Cour suprême de Terre-Neuve, dans Labrador Airways Ltd c Canada Post Corporation, [2001] NJ no 28 (Labrador Airways Ltd), s’est penchée sur le type de décision qui constituerait à juste titre un pouvoir général de gestion dans le contexte des décisions prises par Postes Canada. Dans cette décision, la Cour s’est demandé si elle avait compétence pour examiner les pouvoirs de Postes Canada de participer à un processus d’approvisionnement pour s’acquitter de son objectif prévu par la loi d’exploiter un service postal.

[traduction]

[6]  Toutes les parties ont présenté des observations afin de déterminer si la Cour avait compétence pour statuer sur la présente demande, vu les dispositions prévues à l’article 18 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC (1985), c F-7, en sa version modifiée par 1990, c 8, article 4, qui confère à la section de première instance de la Cour fédérale la compétence exclusive de décerner, entre autres, des brefs de certiorari et de mandamus contre « tout office fédéral ». Il a été conclu ou reconnu, dans certains cas, que la Société canadienne des postes est un office fédéral et qu’elle est donc assujettie à un examen par la Cour fédérale. Voir Rural Dignity of Canada c Société canadienne des postes, (1991), 78 DLR (4th) 211 (CF 1re inst.); (1992), 88 DLR (4th) 191 (CAF); et Assoc. canadienne des quotidiens c Société canadienne des postes, [1995] 3 CF 131(CF 1re inst.).

[7]  En l’espèce, cependant, et contrairement aux situations dans les décisions Rural Dignity et Assoc. canadienne des quotidiens, c’est l’exercice du pouvoir général de gestion par la société dans l’exercice de ses droits en tant que personne physique qui est en litige, et pas l’exercice d’un pouvoir particulier tiré d’une loi ou d’un règlement. Même s’il ne fait aucun doute que Postes Canada, dans l’exercice de son mandat prévu par la loi, a un caractère public considérable en tant que mandataire de Sa Majesté la Reine du chef du Canada et, en vertu de son assujettissement à un certain degré de pouvoir discrétionnaire et de contrôle ministériels pour certaines de ses activités, aucune allégation présentée en l’espèce n’indique que la Société a outrepassé ou violé les pouvoirs qui lui sont conférés par la loi. C’est plutôt une décision commerciale prise dans l’exercice du pouvoir de passation de marché de la société, issue de ses pouvoirs en tant que personne physique, qui est contestée. Cela ne fait pas entrer en jeu la compétence de la Cour fédérale.

[8]  Par conséquent, je conclus que la Cour n’a pas compétence pour statuer sur cette affaire.

[60]  Dans les circonstances de l’espèce, la décision de Postes Canada n’était pas de nature commerciale ou contractuelle et, en l’absence d’observations à cet égard, je suis convaincue qu’elle ne relevait pas de son pouvoir de gestion général. En outre, je ne peux pas conclure, encore une fois vu l’absence d’observations significatives présentées sur ce point par les parties, que dans cette situation, Postes Canada se comportait de façon privée ou exerçait un pouvoir de nature privée. La Cour d’appel fédérale, dans l’arrêt Air Canada c Administration portuaire de Toronto, 2011 CAF 347, a mentionné la question de savoir si le caractère public d’une affaire suffisant à la faire relever du droit public dépend des faits de l’affaire et de l’impression d’ensemble donnée à la Cour. Une décision susceptible de toucher le service de courrier dans une collectivité, dans la mesure où le courrier adressé à la PNH ou à HFN Incorporated correspond à du courrier communautaire, a un caractère public et constitue aussi l’exercice d’un pouvoir central aux responsabilités publiques de Postes Canada aux termes de la Loi sur la Société canadienne des postes.

[61]  Je conclus donc que Postes Canada agissait en tant qu’office fédéral quand elle a pris sa décision; la Cour a donc compétence pour examiner cette décision.

Postes Canada a-t-elle outrepassé sa compétence ou manqué à son obligation d’équité procédurale?

[62]  Dans la mesure où les demandeurs soutiennent que Postes Canada n’a aucune autorité pour suspendre le service à la case postale, comme il est indiqué ci-dessus, ils ne renvoient pas la Cour à une disposition de la Loi sur la société canadienne des postes qui interdit une telle mesure. Qui plus est, et comme il est aussi indiqué ci-dessus, la Loi indique effectivement que dans l’exécution de sa mission, Postes Canada, tout en assurant l’essentiel du service postal habituel, tendra à assurer son exploitation dans les meilleures conditions de sécurité du courrier. En l’absence d’observations de fond sur ce point, je ne suis pas convaincue que Postes Canada n’avait pas compétence ou qu’elle a outrepassé son pouvoir en retenant le courrier ou en suspendant la livraison du courrier à la case postale afin d’en assurer la sécurité dans ces circonstances. C’est particulièrement le cas, puisque les parties avaient le pouvoir d’obtenir une ordonnance de la Cour afin de donner des directives à Postes Canada sur l’identité de celles qui avaient le droit de recevoir le courrier ou d’en arriver à un accord quant à la façon dont le courrier serait géré pendant qu’elles s’employaient à régler le litige lié à l’élection. Ce faisant, le service serait rétabli.

[63]  Les demandeurs font aussi valoir que Postes Canada a manqué à son obligation d’équité procédurale en suspendant le service de manière arbitraire, sans préavis et sans présenter de motifs. Il est de droit constant que la doctrine de l’équité procédurale est une composante fondamentale du droit administratif. Dans toute affaire, il faut se demander ce que l’obligation d’équité procédurale peut raisonnablement exiger d’une autorité par l’intermédiaire de droits procéduraux précis, dans un contexte législatif et administratif particulier. Autrement dit, le contenu de l’obligation d’équité procédurale variera en fonction des circonstances et du contexte législatif et administratif (Canada (Procureur général) c Mavi, 2011 CSC 30, aux paragraphes 38 et 39 (Mavi)). Dans l’arrêt Mavi, la Cour suprême du Canada a renvoyé à sa décision antérieure dans l’arrêt Baker, où elle décrivait certains des éléments à prendre en considération pour déterminer le contenu de l’équité procédurale, en précisant (au paragraphe 22) que l’idée sous-jacente à tous ces facteurs :

[...] est que les droits de participation faisant partie de l’obligation d’équité procédurale visent à garantir que les décisions administratives sont prises au moyen d’une procédure équitable et ouverte, adaptée au type de décision et à son contexte légal institutionnel et social, comprenant la possibilité donnée aux personnes visées par la décision de présenter leurs points de vue complètement ainsi que des éléments de preuve de sorte qu’ils soient considérés par le décideur.

[64]  Dans les circonstances de l’espèce, je suis d’avis que l’observation selon laquelle Postes Canada a manqué à son obligation d’équité procédurale est non fondée. Comme nous l’avons vu dans les communications décrites ci-dessus, Postes Canada a d’abord retenu le courrier destiné à la case postale à la demande de M. Strickland, qui s’est présenté comme l’avocat de M. Kocsis pour HFN Incorporated. Peu de temps après, Postes Canada a clairement informé les deux avocats qui alléguaient représenter HFN Incorporated qu’elle n’était pas placée pour arbitrer des différends d’ordre commercial ou sur la propriété du courrier. Elle a présenté des échéanciers clairs pendant lesquels elle retiendrait le courrier et avant quoi elle suspendrait le service et elle a demandé aux parties de présenter une ordonnance de la cour ou d’en arriver à un accord mutuel sur le destinataire approprié du courrier à l’intérieur de ces échéanciers. Qui plus est, à la demande des avocats, elle a prorogé les délais à un certain nombre d’occasions avant de prendre sa décision définitive de renvoyer le courrier retenu et de suspendre le service à la case postale. Les gestes posés par Postes Canada n’étaient pas arbitraires. Elle a expliqué par écrit la raison pour laquelle elle suspendait le service et a informé les parties de ce qu’elles devaient faire afin d’éviter la suspension du service, en plus d’indiquer l’échéancier au terme duquel les parties devaient avoir réglé leurs différends pour éviter la suspension.

[65]  En ce qui concerne la possibilité de présenter des observations à Postes Canada, c’est ce que les demandeurs ont effectivement fait, en indiquant qu’il n’y avait aucun litige entre les parties, en expliquant pourquoi ils étaient de cet avis et en mentionnant que Postes Canada devait donc reprendre le service. Je mentionnerais toutefois que ces observations ne représentaient rien de plus qu’une déclaration unilatérale sur l’inexistence d’un litige et qu’elles n’étaient pas approuvées par les défendeurs. Les deux parties ont aussi présenté des renseignements à Postes Canada afin de soutenir qu’elles avaient bien le droit de recevoir le courrier. En outre, par l’intermédiaire de leurs avocats, les deux parties étaient en communication continue avec Postes Canada. Ce n’est toutefois pas à Postes Canada qu’il appartenait de rendre des décisions sur le litige électoral.

[66]  Je suis d’avis que toute obligation d’équité procédurale due dans ces circonstances était faible et qu’elle a manifestement été respectée.

La décision était-elle raisonnable?

[67]  Les questions de fait, les questions mixtes de fait et de droit et les questions touchant le pouvoir discrétionnaire ou la politique doivent être révisées selon la norme de la décision raisonnable, une norme qui appelle la déférence (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 53 (Dunsmuir)). De fait, le caractère raisonnable tient à la justification, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel. Il tient à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir, aux paragraphes 45, 47 et 48; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, aux paragraphes 59 à 62).

[68]  Selon moi, dans ces circonstances, la décision prise par Postes Canada appartient bien aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit et est totalement raisonnable. Postes Canada n’était pas placée pour prendre une décision sur le bien-fondé afin de déterminer quelle partie était bien admissible à recevoir le courrier livré à la case postale (ce qui l’aurait contrainte de rendre une décision sur le litige électoral) et n’avait pas le pouvoir de le faire. La décision qu’elle a prise de retenir le courrier et de suspendre par la suite le service de courrier à la case postale lorsque les parties n’ont pas réussi à lui présenter une ordonnance de la cour ou à en arriver à une directive mutuellement convenue sur l’identité du destinataire constituait probablement, en réalité, le seul plan d’action approprié qu’elle pouvait suivre dans les circonstances.

[69]  Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[70]  Vu ma conclusion, il n’était pas nécessaire d’aborder la requête présentée par les demandeurs au début de l’audience et sans préavis aux défendeurs, qui s’y sont opposés, afin d’ajouter HFN Incorporated en tant que partie à la demande de contrôle judiciaire. Il n’est pas nécessaire non plus de répondre aux observations présentées par les demandeurs sur l’admissibilité de parties du dossier des défendeurs. En fait, aucun des documents à l’appui qui se trouve dans ce dossier n’était lié à la décision de Postes Canada.

[71]  Je préciserai aussi, en passant, que même si mon analyse sur la compétence s’avérait erronée, pour les parties, le résultat pratique serait de demander un examen de la décision de Postes Canada devant un autre tribunal. Qui plus est, même si j’étais parvenue à une conclusion différente dans mon analyse de l’équité procédurale ou du caractère raisonnable, vu que je n’ai pas compétence pour statuer sur le bien-fondé du litige électoral, qui est toujours en cours, je n’aurais pas été disposée à exiger que l’une ou l’autre des parties ait accès au courrier pendant que le litige électoral est en cours ou que le service devrait être repris pour une partie précise. Qui plus est, je doute que l’annulation de la décision et son renvoi à Postes Canada aux fins de réexamen constituent une réparation concrète ou utile dans ces circonstances, puisque Postes Canada ne peut trancher la question du bien-fondé et qu’elle a donc une capacité limitée à aborder le litige. En conséquence, d’un point de vue pratique, les défendeurs devraient sans tarder présenter leur contestation du litige électoral et de la nomination des dirigeants et administrateurs de HFN Incorporated devant la tribune appropriée qui a compétence et demander une réparation intérimaire auprès de cette tribune si les parties ne parviennent pas à s’entendre sur la réception du courrier pendant la poursuite de la contestation de l’élection.


JUGEMENT

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Aucuns dépens ne sont adjugés.

« Cecily Y. Strickland »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 25e jour de mai 2020

Lionbridge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1979-14

 

INTITULÉ :

PREMIÈRE NATION HORNEPAYNE, REPRÉSENTÉE PAR SON CHEF ET CONSEIL, ET AUTRES c LAURA MEDEIROS ET AUTRES

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Timmins (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 26 octobre 2016

 

MOTIFS ET JUGEMENT :

LA JUGE STRICKLAND

 

DATE DES MOTIFS :

LE 16 décembre 2016

 

COMPARUTIONS :

Ron B. Kocsis

Isobel Peever

 

Pour les demandeurs

 

Laura Medeiros

Noah Medeiros

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

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