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Date : 20170123


Dossier : IMM-1759-16

Référence : 2017 CF 80

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 23 janvier 2017

En présence de monsieur le juge O’Reilly

ENTRE :

ZAVION FORDE

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Aperçu

[1]  M. Zavion Forde est arrivé au Canada en provenance de la Jamaïque en 2000, à l’âge de 14 ans. Par la suite, il a été reconnu coupable d’une infraction d’ordre sexuel et a fait l’objet d’une mesure d’expulsion. L’expulsion de M. Forde a toutefois été suspendue en 2010 pour une période de cinq ans. Il a ultérieurement été reconnu coupable d’autres infractions, et le sursis à l’exécution de la mesure d’expulsion accordé à M. Forde a été annulé.

[2]  M. Forde a interjeté appel de la mesure de renvoi devant la Section d’appel de l’immigration. À l’issue d’une audience, la Section d’appel de l’immigration a rejeté son appel. M. Forde demande l’annulation de la décision de la Section d’appel de l’immigration en faisant valoir qu’il a été traité injustement et que la Section d’appel de l’immigration n’a pas suffisamment tenu compte de l’intérêt supérieur de ses enfants. Il prétend aussi que la Section d’appel de l’immigration a appliqué le mauvais critère et n’aurait pas évalué les risques auxquels il serait exposé s’il retournait en Jamaïque.

[3]  M. Forde soutient également qu’il a droit à une nouvelle audience en raison d’une lacune dans la transcription de l’audience devant la Section d’appel de l’immigration. Cette lacune porte sur plus ou moins une heure de l’interrogatoire principal de M. Forde. Ce dernier soutient que l’absence d’une transcription complète nuit à sa capacité de contester les conclusions défavorables de la Section d’appel de l’immigration à son endroit.

[4]   Je ne vois aucune raison d’infirmer la décision de la Section d’appel de l’immigration ou d’ordonner une nouvelle audience. Après avoir examiné l’ensemble du dossier, je conclus que M. Forde a été traité équitablement et que la Section d’appel de l’immigration a suffisamment tenu compte de l’intérêt supérieur de ses enfants. De plus, la lacune relevée dans la transcription n’a pas porté atteinte à la capacité de M. Forde de contester la décision de la Section d’appel de l’immigration dans le cadre du présent contrôle judiciaire. Par conséquent, je dois rejeter la présente demande de contrôle judiciaire.

[5]  Les cinq questions en litige sont les suivantes :

  1. La Section d’appel de l’immigration a-t-elle traité injustement M. Forde?

  2. La Section d’appel de l’immigration a-t-elle appliqué le mauvais critère?

  3. La Section d’appel de l’immigration a-t-elle suffisamment tenu compte de l’intérêt supérieur des enfants de M. Forde?

  4. La Section d’appel de l’immigration a-t-elle omis de tenir compte des risques que court M. Forde en Jamaïque?

  5. La lacune relevée dans la transcription a-t-elle porté atteinte à la capacité de M. Forde de solliciter le contrôle judiciaire de la décision de la Section d’appel de l’immigration?

II.  Première question en litige : La Section d’appel de l’immigration a-t-elle traité injustement M. Forde?

[6]  M. Forde soutient que la Section d’appel de l’immigration a manqué à son engagement d’examiner les éléments de preuve qu’il a proposé de présenter après l’audience.

[7]  Le dossier ne confirme pas la thèse de M. Forde.

[8]  À l’issue de l’audience, l’avocat de M. Forde a demandé la possibilité de présenter des éléments de preuve établissant que M. Forde avait suivi le Programme d’intervention auprès des partenaires violents. Bien que la Section d’appel de l’immigration ait été préoccupée par le fait que cet élément de preuve ne lui avait pas encore été présenté et que le demandeur ne pourrait pas être contre-interrogé à ce sujet, elle a néanmoins accepté que le document puisse être joint aux observations écrites attendues de l’avocat du demandeur.

[9]  En fait, après l’audience, l’avocat a envoyé d’autres documents à la Section d’appel de l’immigration. M. Forde soutient que la Section d’appel de l’immigration a pris l’engagement général d’examiner les éléments de preuve supplémentaires, sans se limiter au document relatif au Programme d’intervention auprès des partenaires violents, et qu’elle aurait donc dû évaluer ces autres éléments de preuve. Le dossier indique clairement que la Section d’appel de l’immigration a accepté, non sans réticence, de recevoir les éléments de preuve concernant le Programme d’intervention auprès des partenaires violents. Rien n’appuie la prétention de M. Forde voulant que la Section d’appel de l’immigration ait pris l’engagement d’examiner d’autres éléments de preuve qu’il aurait souhaité présenter.

III.  Deuxième question en litige : La Section d’appel de l’immigration a-t-elle appliqué le mauvais critère?

[10]  M. Forde fait valoir que la Section d’appel de l’immigration a commis une erreur en abordant son audience comme s’il s’agissait d’une nouvelle évaluation des facteurs qui pourraient justifier un sursis à l’exécution de la mesure de renvoi. Il affirme que la Section d’appel de l’immigration aurait plutôt dû reconnaître que le sursis initial était justifié, et qu’elle s’est contentée de se demander si de nouveaux éléments de preuve justifiaient l’annulation du sursis.

[11]  Je ne suis pas d’accord.

[12]  La Section d’appel de l’immigration a correctement pris en considération tous les éléments de preuve pertinents pour décider si un autre sursis à l’exécution de la mesure de renvoi était justifié. Il incombait à M. Forde de convaincre la Section d’appel de l’immigration qu’un nouveau sursis devait être accordé, ce qu’il n’a pas fait.

IV.  Troisième question en litige : La Section d’appel de l’immigration a-t-elle suffisamment tenu compte de l’intérêt supérieur des enfants de M. Forde?

[13]  M. Forde soutient que la Section d’appel de l’immigration n’a porté qu’une attention superficielle à l’intérêt de ses enfants, et qu’elle est arrivée à une conclusion déraisonnable selon laquelle leurs intérêts ne seraient pas gravement touchés s’il retournait en Jamaïque.

[14]  À mon avis, la Section d’appel de l’immigration a évalué de façon satisfaisante l’intérêt supérieur des enfants de M. Forde.

[15]  La Section d’appel de l’immigration a tenu compte du temps passé par M. Forde avec ses enfants et du soutien financier qu’il peut leur apporter. Sur ces points, la Section d’appel de l’immigration a fait état des contradictions dans le témoignage de M. Forde. Elle a aussi souligné que, compte tenu de son casier judiciaire, M. Forde n’exerce peut-être pas une influence positive sur ses enfants.

[16]  L’analyse et les conclusions de la Section d’appel de l’immigration n’étaient pas déraisonnables à la lumière des éléments de preuve dont elle disposait.

V.  Quatrième question en litige : La Section d’appel de l’immigration a-t-elle omis de tenir compte des risques que court M. Forde en Jamaïque?

[17]  M. Forde soutient que la Section d’appel de l’immigration n’a pas réagi à son témoignage dans lequel il disait craindre la mort ou être victime de préjudices en Jamaïque.

[18]  Je ne suis pas d’accord.

[19]  M. Forde n’a présenté que peu d’éléments de preuve sur la situation prévalant en Jamaïque. La Section d’appel de l’immigration a bien pris soin de mentionner que M. Forde n’avait pas abordé cette question sérieusement. La Section d’appel de l’immigration était tenue de répondre de façon satisfaisante aux éléments de preuve dont elle était saisie. Toutefois, lorsque peu d’éléments de preuve sont présentés, on ne peut reprocher à la Section d’appel de l’immigration de ne procéder qu’à une brève analyse.

VI.  Cinquième question en litige : La lacune relevée dans la transcription a-t-elle porté atteinte à la capacité de M. Forde de solliciter le contrôle judiciaire de la décision de la Section d’appel de l’immigration?

[20]  L’existence d’une lacune dans le dossier n’équivaut pas en soi à un manquement à l’équité procédurale. La question est de savoir si la capacité du demandeur de contester les conclusions du décideur a été compromise (Agbon c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 356, au paragraphe 3).

[21]  Par exemple, dans certains cas, une lacune dans le dossier peut être comblée par un affidavit du demandeur ou d’une autre personne. Dans d’autres cas, l’écoulement du temps ou une ambiguïté sur une partie manquante du témoignage peut faire en sorte que l’affidavit ne remplace pas adéquatement la transcription.

[22]  En l’espèce, il manque environ une heure d’enregistrement. La transcription indique que la Section d’appel de l’immigration a pris une courte pause à la suite de quoi l’audience a pris fin abruptement. Il est probable que le matériel d’enregistrement n’ait pas été remis en marche après la pause. Il manquerait donc environ une heure du témoignage principal de M. Forde. À la reprise de l’audience quelques mois plus tard, M. Forde a été contre-interrogé par l’avocat du ministre. Le père de M. Forde a ensuite témoigné. Plutôt que de présenter ses observations orales à la fin de l’audience, l’avocat s’est engagé à présenter des observations écrites à la Section d’appel de l’immigration.

[23]  M. Forde soutient que la partie manquante du témoignage portait sur des motifs d’ordre humanitaire qui auraient pu justifier qu’on lui permette de demeurer au Canada. La Section d’appel de l’immigration a rejeté sa demande, concluant que certaines parties de son témoignage étaient vagues et que d’autres étaient trompeuses. Il soutient que, de façon réaliste, il ne peut pas contester ces conclusions compte tenu de la lacune dans la transcription.

[24]  Quant à un affidavit de remplacement, M. Forde ne se rappelle pas des questions qui lui ont été posées dans l’interrogatoire principal ni des réponses qu’il a données.

[25]  Comme je l’ai mentionné, M. Forde a été autorisé à présenter des observations écrites après l’audience. Dans ces observations, il a fait référence au témoignage qui lui était le plus favorable devant la Section d’appel de l’immigration en faisant valoir qu’il devrait avoir droit à un nouveau sursis à l’exécution de la mesure de renvoi. Je ne vois aucune référence à un témoignage qui aurait pu figurer dans la transcription manquante ni aucune référence précise, dans les motifs de décision de la Section d’appel de l’immigration, à un témoignage qui aurait pu avoir été livré pendant que le matériel d’enregistrement était éteint.

[26]  Dans les circonstances, une nouvelle audience n’est pas nécessaire.

VII.  Conclusion et décision

[27]  La Section d’appel de l’immigration a traité équitablement M. Forde et a tiré des conclusions raisonnables fondées sur les éléments de preuve dont elle était saisie. De plus, dans les circonstances de l’espèce, l’absence d’une transcription complète n’a pas empêché M. Forde de contester les conclusions défavorables tirées par la Section d’appel de l’immigration quant à sa crédibilité. Une nouvelle audience n’est pas nécessaire. La demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune des parties n’a proposé de question de portée générale aux fins de certification, et aucune question n’est mentionnée.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-1759-16

LA COUR rejette la demande de contrôle judiciaire. Aucune question de portée générale n’est mentionnée.

« James W. O’Reilly »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 19e jour d’août 2019

Lionbridge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-1759-16

 

INTITULÉ :

ZAVION FORDE c LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 2 novembre 2016

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE O’REILLY

 

DATE DES MOTIFS :

Le 23 janvier 2017

 

COMPARUTIONS :

Britt Gunn

Pour le demandeur

 

Prathima Prashad

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Waldman & Associates

Avocats

Toronto (Ontario)

 

Pour le demandeur

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

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