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Date : 20171013


Dossier : IMM-1283-17

Référence : 2017 CF 909

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 13 octobre 2017

En présence de monsieur le juge Zinn

ENTRE :

LASZLO CSIKJA,

KRISZTINA HANKO

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  La Cour procède au contrôle judiciaire d’une décision de l’agent principal (l’agent) sur la demande d’examen des risques avant renvoi (ERAR).

[2]  Les parties ont été informées après l’audience orale que la présente demande serait accueillie parce que l’agent a copié l’analyse de la protection de l’État à partir d’une décision de la Section de la protection des réfugiés sur la demande d’asile du fils des demandeurs. Voici les motifs à l’appui de la décision que j’ai rendue.

[3]  Les demandeurs sont des Roms de Hongrie. M. Csikja était mineur et accompagné de sa famille à son arrivée au Canada le 13 novembre 2011. Ils ont déposé une demande d’asile qui, le 6 février 2017, soit la date de la décision de l’ERAR, était toujours en suspens. Pendant qu’il était au Canada, M. Csikja a noué une relation avec Mme Hanko et les deux ont eu un enfant, Laszlo Csikja, né le 2 février 2013, qui est citoyen canadien.

[4]  Mme Hanko et sa famille immédiate risquaient le renvoi du Canada et ils ont décidé de retourner en Hongrie en juin 2013. Mme Hanko a amené avec elle Laszlo Csikja.

[5]  Après avoir entendu parler d’incidents concernant sa conjointe de fait, Mme Hanko, et son fils, M. Csikja a retiré sa demande d’asile et est retourné en Hongrie en août 2013 pour vivre auprès d’eux. En Hongrie, leur deuxième enfant, Kevin Hanko, est né le 20 avril 2015.

[6]  Après avoir subi d’autres incidents en raison de leur origine ethnique, M. Csikja, Mme Hanko et leurs deux fils ont fui leur pays et sont arrivés au Canada le 4 mars 2016. Aucun des parents n’avait le droit de présenter une demande d’asile. Il n’était pas nécessaire pour le fils né au Canada que l’un des parents demeure au Canada. Le plus jeune enfant, Kevin Hanko, a déposé une demande d’asile, qui a été rejetée par la Section de la protection des réfugiés le 8 septembre 2016. Les deux parents ont déposé une demande d’ERAR. L’agent a rejeté cette demande le 6 février 2017.

[7]  L’une des principales conclusions ayant amené l’agent à rejeter la demande d’ERAR était que les demandeurs pouvaient bénéficier de la protection de l’État en Hongrie.

[8]  Dans l’analyse de la protection de l’État, l’agent a en grande partie copié le résumé des documents soumis en se basant sur la décision de la Section de la protection des réfugiés et a reproduit avec exactitude l’analyse de la protection de l’État présentée par la Section de la protection des réfugiés. L’agent ne les a pas reproduits en reconnaissant qu’il s’agissait des mots et de l’analyse de la Section de la protection des réfugiés; il les a plutôt écrits comme s’il s’agissait de ses propres mots et de sa propre analyse. Voici un tableau comparatif qui montre les formulations identiques recopiées depuis la décision de la Section de la protection des réfugiés.
[traduction]

Décision de la Section de la protection des réfugiés

Décision de l’agent chargé de l’ERAR

[38] Le demandeur a fourni des documents exhaustifs au sujet du traitement des Roms en Hongrie. Le cartable national de documentation (CND) comprend lui aussi des renseignements semblables. Ces documents montrent que les Roms sont victimes de discrimination à divers niveaux pour l’emploi, l’éducation et l’hébergement et que bon nombre de Roms vivent dans des communautés pauvres et leur niveau d’études tend à être moins élevé. De plus, ils fournissent des exemples d’attaques périodiques à l’encontre les Roms perpétués par certaines personnes ou des groupes d’extrême droite. Cependant, le fait que certains Roms puissent faire l’objet de persécution ne démontre pas que tous les Roms se font traiter à un niveau qui rejoint celui de la persécution. La situation générale de discrimination, d’exclusion et de préjugés anti-Roms demeure une source de préoccupation en Hongrie. Les Roms restent le groupe le plus défavorisé en matière d’éducation, d’emploi, de santé et d’hébergement, et la pauvreté extrême atteint des niveaux disproportionnés dans ce groupe. Devant une telle situation, le gouvernement a mis en place un certain nombre de mesures stratégiques, souvent de nature novatrice.

[...]

L’avocat a présenté des documents exhaustifs relatifs au traitement des Roms en Hongrie. Ces documents montrent que les Roms sont victimes de discrimination à divers niveaux pour l’emploi, l’éducation et l’hébergement et que bon nombre de Roms vivent dans des communautés pauvres et leur niveau d’études tend à être moins élevé. Il y a également des exemples d’attaques périodiques à l’encontre des Roms perpétués par certaines personnes ou des groupes d’extrême droite. Cependant, le fait que certains Roms puissent faire l’objet de persécution ne démontre pas que tous les Roms se font traiter à un niveau qui rejoint celui de la persécution. La situation générale de discrimination, d’exclusion et de préjugés anti-roms demeure une source de préoccupation en Hongrie. Les Roms restent le groupe le plus défavorisé en matière d’éducation, d’emploi, de santé et d’hébergement, et la pauvreté extrême atteint des niveaux disproportionnés dans ce groupe. Devant une telle situation, le gouvernement a mis en place un certain nombre de mesures stratégiques, souvent de nature novatrice.

[41] Le tribunal manquerait à son devoir s’il ne reconnaissait ni n’étudiait les renseignements dans les documents indiquant que les attaques violentes contre les Roms subsistent, ce qui génère beaucoup de préoccupations auprès du public et des litiges intenses en vue de déterminer l’existence et la portée des crimes raciaux. Défendant les droits de l’homme, des organisations non gouvernementales se sont plaintes du fait que les organismes d’application de la loi, les procureurs et les tribunaux étaient réticents à l’idée de reconnaître la motivation raciale des crimes dans bien des cas. Cependant, la même critique indique que des poursuites criminelles sont lancées lorsqu’il y a une attaque physique.

Les éléments de preuve documentaire indiquent que les attaques violentes contre les Roms subsistent, ce qui engendre beaucoup de préoccupations auprès du public et des litiges intenses en vue de déterminer l’existence et la portée des crimes raciaux. Défendant les droits de l’homme, des organisations non gouvernementales se sont plaintes du fait que les organismes d’application de la loi, les procureurs et les tribunaux étaient réticents à l’idée de reconnaître la motivation raciale pour de nombreux crimes. Cependant, la même critique indique que des poursuites criminelles sont lancées lorsqu’il y a une attaque physique.

[42] Les éléments de preuve documentaire relatifs aux mesures opérationnelles du gouvernement visant à protéger les Roms sont mitigés. Il existe des éléments de preuve que des mesures ont été prises, notamment l’arrestation de miliciens, de racistes et de personnes qui ciblent les Roms. Il y a aussi des rapports de violence et d’intimidation, dont des marches de groupes paramilitaires dans les campements roms où l’intervention de l’État a été tout sauf parfaite.

Certains éléments de preuve documentaire relatifs aux mesures opérationnelles du gouvernement visant à protéger les Roms sont mitigés. Il existe des éléments de preuve que des mesures ont été prises, notamment l’arrestation de miliciens, de racistes et de personnes qui ciblent les Roms. Il y a aussi des rapports de violence et d’intimidation, dont des marches de groupes paramilitaires dans les campements roms où l’intervention de l’État a été tout sauf parfaite.

[43] Il n’est pas nécessaire que la protection de l’État soit parfaite. Cependant, les éléments de preuve susmentionnés dans les présents motifs et présentés devant le tribunal indiquent que la Hongrie fournit une protection efficace sur le plan opérationnel.

Il n’est pas nécessaire que la protection de l’État soit parfaite. Cependant, les éléments de preuve nous indiquent que la Hongrie fournit une protection efficace sur le plan opérationnel.

[9]  En plus de ces quatre paragraphes, l’agent a copié en tout ou en partie les paragraphes 25, 26, 29, 32, 33, 34 et 35 de la décision de la Section de la protection des réfugiés.

[10]  La Cour suprême du Canada, dans l’arrêt Cojocaru c British Columbia Women’s Hospital and Health Centre, 2013 CSC 30, a soutenu que l’incorporation d’importants extraits des prétentions des parties ou d’autres sources juridiques dans ses motifs de jugement ne justifie pas à elle seule l’annulation de sa décision. Cependant, la Cour suprême a également affirmé au paragraphe 36 que la présomption d’impartialité et d’intégrité judiciaires est réfutée uniquement si « la reproduction est telle qu’une personne raisonnable, informée des circonstances, conclurait que le juge n’a pas porté son attention sur la preuve et sur les questions en litige et n’a pas rendu une décision impartiale et indépendante ». À cet effet, voir les décisions de la Cour d’appel fédérale dans Apotex Inc. c Janssen-Ortho Inc., 2009 CAF 212, aux paragraphes 73 à 79, et Es-Sayyid c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2012 CAF 59, aux paragraphes 61 à 63.

[11]  Il n’y a jamais eu d’évaluation du risque pour ces demandeurs et, par conséquent, la demande d’ERAR les concernant revêtait une importance cruciale. Cette demande est également cruciale du fait que le Canada ne renvoie pas les personnes vers leur pays d’origine lorsque ce renvoi les met en situation de risque. Une conclusion visant la protection de l’État suffit pour rejeter une demande d’ERAR. Dans ces circonstances, et compte tenu de l’étendue de la copie de l’analyse de la protection de l’État, je ne suis pas convaincu que l’agent a examiné de manière indépendante ce dossier. La question de savoir si ces demandeurs ont bénéficié de l’équité procédurale en découle directement. Je suis d’avis que les demandeurs n’en ont pas bénéficié et que la décision faisant l’objet du présent contrôle ne peut être maintenue.

[12]  Aucune question n’est proposée aux fins de certification et le fondement qui soutient le présent jugement reflète un principe de droit bien établi et incontestable.


JUGEMENT

LA COUR accueille la demande de contrôle judiciaire, la décision faisant l’objet du présent contrôle est annulée, la demande d’ERAR doit être tranchée par un autre agent et aucune question n’est certifiée.

« Russel W. Zinn »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 20e jour d’août 2019

Lionbridge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

Dossier :

IMM-1283-17

 

 

INTITULÉ :

LASZLO CSIKJA, KRISZTINA HANKO c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 5 OCTOBRE 2017

 

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LE JUGE ZINN

 

DATE DES MOTIFS :

LE 13 OCTOBRE 2017

 

COMPARUTIONS :

Rojan Malekzadeh

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Tessa Cheer

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

RM Law Professional Corporation

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Procureur général du Canada

Ministère de la Justice

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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