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Date : 20171003


Dossier : IMM-774-17

Référence : 2017 CF 877

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 3 octobre 2017

En présence de monsieur le juge Campbell

ENTRE :

KAUNAHORE KAMUNDU

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  La Cour est saisie de la présente demande concernant la demande de report du renvoi vers la Namibie, présentée par le demandeur. Dans une décision datée du 20 février 2017, la demande de report a été rejetée. L’avocat du demandeur affirme que l’agent chargé des renvois (agent) n’a pas formulé de motifs adéquats pour justifier le rejet de la demande. Pour les motifs qui suivent, je suis d’accord avec cet argument et je conclus que la décision rendue est déraisonnable.

[2]  Les faits essentiels et le contenu des arguments présentés à l’agent sont les suivants :

[traduction]

M. Kaunahore Kamundu est un citoyen de la Namibie. Il est arrivé au Canada en octobre 2009 et il a présenté une demande d’asile peu de temps après. Il craint la persécution dans son pays d’origine, soit la Namibie, en raison de son orientation sexuelle. Sa demande d’asile a été rejetée en mars 2011. M. Kaunahore Kamundu et M. Edison Urietjeyova se sont mariés le 22 février 2012, à Fort McMurray, en Alberta. Ils vivent ensemble à Fort McMurray. Ils travaillent tous deux à temps plein pour assurer leur subsistance. M. Urietjeyova est également un citoyen de la Namibie. Il a présenté une demande d’asile parce qu’il a été persécuté en Namibie en raison de son orientation sexuelle; sa demande a été acceptée. Il est un résident permanent du Canada. Le 2 décembre 2016, l’époux de M. Kamundu a présenté une demande de parrainage de ce dernier. Ils attendent qu’une décision soit rendue concernant leur demande de parrainage. Le 15 février 2017, M. Kamundu a reçu de l’Agence des services frontaliers du Canada un avis de sa date de renvoi. Il a reçu l’ordre de se présenter à l’Agence des services frontaliers du Canada le 21 février 2017, à 8 h. Le 16 février 2017, il a présenté une demande de report de son renvoi. Sa demande de report était fondée sur trois motifs [présentés] : un délai supplémentaire pour permettre le traitement de la demande de parrainage du couple; la menace continue pour sa sécurité personnelle, un risque de décès, une sanction extrême ou un traitement inhumain en Namibie et les répercussions d’une mesure de renvoi sur la demande de parrainage. Le 17 février 2017, M. Kamundu a présenté une requête urgente visant le sursis de son renvoi. Au moment où la requête en sursis a été déposée, l’Agence des services frontaliers du Canada n’avait pas statué sur la demande de report. Le 20 février 2017, l’Agence des services frontaliers du Canada a rejeté la demande de report de M. Kamundu. Le 20 février 2017, M. Kamundu a présenté une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire de la décision défavorable rendue par l’Agence des services frontaliers du Canada. Le 20 février 2017, la mesure de renvoi de M. Kamundu a été suspendue, jusqu’à ce qu’une décision soit rendue en l’espèce [...].

(Observations de l’avocat du demandeur, dossier de la demande du demandeur, pages 56 et 57, paragraphes 1 à 10)

[3]  La décision intégrale de l’agent est rédigée ainsi :

[traduction]

Concernant votre demande de report de renvoi reçue par télécopieur le jeudi 16 février 2017, en soirée, la présente a pour objet de vous informer que j’ai examiné les renseignements présentés dans ladite demande. D’après les renseignements qui m’ont été présentés, il n’y a aucune circonstance impérieuse ou atténuante qui l’emporte sur mon obligation prévue par la loi d’exécuter la mesure de renvoi valide. Par conséquent, votre demande de report a été refusée.

 

Je reconnais que vous avez récemment présenté une demande de résidence permanente à Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, le 2 décembre 2016. Vous avez demandé que la mesure de renvoi soit reportée afin de permettre le traitement de la présente demande. À ce titre, il n’est pas raisonnable de s’attendre à ce qu’une décision soit rendue sous peu.

J’aimerais également indiquer qu’une demande résidence permanente précédente, présentée à Citoyenneté et Immigration Canada le 23 mars 2012, a été refusée le 22 juillet 2014. Cette décision a fait l’objet d’un appel devant la Cour fédérale, lequel a été rejeté de manière définitive le 21 mai 2015.

En guise de rappel, vous serez toujours tenu de vous présenter aux fins d’une mesure de renvoi du Canada le mardi 21 février 2017, à 8 h, conformément aux directives précédemment reçues. Si vous avez d’autres questions ou préoccupations, vous pouvez me joindre au numéro indiqué ci-dessous.

[Non souligné dans l’original.]

(Décision, dossier certifié du tribunal, à la page 41)

[4]  Le présent examen du caractère raisonnable de la décision de l’agent s’appuie sur la décision rendue dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47 :

La norme déférente du caractère raisonnable procède du principe à l’origine des deux normes antérieures de raisonnabilité : certaines questions soumises aux tribunaux administratifs n’appellent pas une seule solution précise, mais peuvent plutôt donner lieu à un certain nombre de conclusions raisonnables. Il est loisible au tribunal administratif d’opter pour l’une ou l’autre des différentes solutions rationnelles acceptables. La cour de révision se demande dès lors si la décision et sa justification possèdent les attributs de la raisonnabilité. Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. [Non souligné dans l’original.]

[5]  La décision faisant l’objet du contrôle présente deux caractéristiques frappantes : on ne fait aucune mention des éléments de preuve présentés par le demandeur à l’appui de la demande de report; et le seul fait, tiré du dossier présenté à l’agent, mentionné par ce dernier est le rejet d’une demande antérieure relative à un parrainage à titre de conjoint.

[6]  Je suis d’avis que la décision faisant l’objet du contrôle n’est pas transparente. Il n’y a aucune façon de déterminer pourquoi les éléments de preuve et les arguments du demandeur sur le fond ont apparemment été rejetés. Par exemple, il n’y a aucune façon de déterminer le contenu de l’opinion de l’agent selon laquelle [traduction] « il n’est pas raisonnable de s’attendre à ce qu’une décision soit rendue sous peu ». Plus important encore, il n’y a aucun moyen de comprendre la pertinence du rejet de la demande antérieure relative à un parrainage à titre de conjoint. Je suis d’avis que la préoccupation de l’agent à propos de la demande antérieure introduit injustement une considération étrangère dans le processus décisionnel, pour une raison inconnue.

[7]  Par conséquent, je conclus que la décision faisant l’objet du contrôle est déraisonnable.


JUGEMENT

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

  • a) La décision faisant l’objet du contrôle est annulée.

  • b) Aucune question n’est certifiée.

« Douglas R. Campbell »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 12e jour d’août 2019

Lionbridge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

Dossier :

IMM-774-17

 

 

INTITULÉ :

KAUNAHORE KAMUNDU c LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 27 SEPTEMBRE 2017

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE CAMPBELL

 

DATE DES MOTIFS :

LE 3 OCTOBRE 2017

 

COMPARUTIONS :

Cemone Morlese

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Nicole Rahaman

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Cemone Morlese

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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