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Date : 20171129


Dossier : IMM-1509-17

Référence : 2017 CF 1076

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 29 novembre 2017

En présence de madame la juge Mactavish

ENTRE :

GLADYS DIBIA

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

(Rendus oralement à l’audience à Toronto (Ontario), le 23 novembre 2017)

[1]  La Dre Gladys Dibia est une médecin du Nigéria. Elle appartient au groupe ethnique Igbo et elle est chrétienne. La Dre Dibia affirme qu’elle craint la persécution au Nigéria pour plusieurs raisons. Elle indique que sa formation médicale aurait nécessité qu’elle se rende dans des régions du nord du Nigéria où, selon elle, elle aurait couru un risque lié au groupe Boko Haram. Elle allègue également qu’elle est exposée à un risque au Nigéria aux mains de son ancien fiancé et des Fulanis gardiens de bétail. Finalement, la Dre Dibia affirme qu’elle courrait le risque d’être enlevée si elle devait retourner au Nigéria.

I.  La décision de la Section de la protection des réfugiés

[2]  La Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a rejeté la demande d’asile de la Dre Dibia, en concluant qu’elle avait une possibilité de refuge intérieur réaliste dans le sud-est du Nigéria, à Owerri, dans l’État d’Imo. Pour parvenir à cette conclusion, la Section de la protection des réfugiés a appliqué le critère à deux volets établi par la Cour d’appel fédérale dans les décisions Rasaratnam v. Canada (Minister of Employment and Immigration), [1992] 1 FC 706, 140 N.R. 138 et Thirunavukkarasu c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] 1 CF 589, 163 N.R. 232.

[3]  En d’autres termes, la Section de la protection des réfugiés a conclu que la possibilité que la Dre Dibia soit persécutée était faible si elle déménageait à Owerri et qu’elle ne subirait pas de traitements ou de peines cruels ou inusités dans cette ville. La Section de la protection des réfugiés a également conclu qu’étant donné la situation personnelle de la Dre Dibia, il ne serait pas déraisonnable qu’elle déménage à Owerri.

[4]  Pour parvenir à cette conclusion, la Section de la protection des réfugiés a tenu compte du fait que le christianisme était la religion majoritaire dans l’État d’Imo, où les personnes appartenant au groupe ethnique Igbo, comme la Dre Dibia, étaient également majoritaires. La Section de la protection des réfugiés a également mentionné que la Dre Dibia a un frère ou une sœur qui vit à Owerri et qu’elle parle couramment l’anglais, la principale langue parlée de facto au Nigéria.

[5]  Pour conclure que la Dre Dibia pouvait vivre en sécurité à Owerri, la Section de la protection des réfugiés a également tenu compte du fait que la Dre Dibia et son mari étaient des personnes très instruites et averties. La Section de la protection des réfugiés a également conclu que la Dre Dibia avait d’importantes ressources à sa disposition, qui pourraient l’aider à se réinstaller à Owerri. Finalement, la Section de la protection des réfugiés a conclu que la Dre Dibia ne serait pas exposée à un danger physique ou à des contraintes excessives si elle était tenue de se réinstaller à Owerri. Compte tenu de ces conclusions, la demande d’asile de la Dre Dibia a été rejetée.

[6]  La Dre Dibia a ensuite interjeté appel de la décision de la Section de la protection des réfugiés auprès de la Section d’appel des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada. Comme l’a souligné l’avocat du défendeur, un examen du mémoire des faits et du droit déposé par la Dre Dibia auprès de la Section d’appel des réfugiés indique qu’elle a relevé trois erreurs que la Section de la protection des réfugiés a commises, selon elle, lorsqu’elle a appliqué le premier volet du critère relatif à la possibilité de refuge intérieur, c’est-à-dire si la Dre Dibia courrait un risque à Owerri.

[7]  Cependant, comme l’avocate de la Dre Dibia l’a reconnu lors de l’audition que j’ai présidée ce matin, la Dre Dibia n’a soulevé aucune question devant la Section d’appel des réfugiés concernant l’examen par la Section de la protection des réfugiés du second volet du critère relatif à la possibilité de refuge intérieur, à savoir si, compte tenu de sa situation personnelle, il serait raisonnable pour la Dre Dibia de se réinstaller à Owerri.

[8]  Lors de son examen de la décision de la Section de la protection des réfugiés, la Section d’appel des réfugiés a appliqué la norme de contrôle établie par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c Huruglica, 2016 CAF 93, [2016] 4 RCF 157, en effectuant sa propre analyse du dossier, afin de déterminer si la Section de la protection des réfugiés avait commis des erreurs, comme l’a allégué la Dre Dibia.

[9]  En appliquant le critère établi par la Cour d’appel fédérale dans les décisions Rasaratnam et Thirunavukkarasu, la Section d’appel des réfugiés a conclu que la Dre Dibia n’avait pas démontré, selon la prépondérance des probabilités, qu’il existait plus qu’une simple possibilité qu’elle soit persécutée ou que sa vie soit menacée à Owerri.

[10]  De plus, bien qu’elle ait souligné qu’aucune observation ne lui avait été présentée concernant le deuxième volet du critère relatif à la possibilité de refuge intérieur, la Section d’appel des réfugiés a également conclu que la Section de la protection des réfugiés n’avait pas commis d’erreur lorsqu’elle a examiné s’il serait raisonnable de demander à la Dre Dibia de se réinstaller à Owerri. Par conséquent, l’appel interjeté devant la Section d’appel des réfugiés par la Dre Dibia a été rejeté.

II.  La question soulevée par la Dre Dibia dans la présente demande

[11]  Cela m’amène à la question soulevée par la Dre Dibia dans la présente demande. Devant notre Cour, la Dre Dibia affirme que la Section d’appel des réfugiés a commis une erreur lorsqu’elle a appliqué le deuxième volet du critère relatif à la possibilité de refuge intérieur en n’évaluant pas adéquatement le caractère raisonnable de son déménagement à Owerri. Selon la Dre Dibia, la conclusion de la Section d’appel des réfugiés concernant le deuxième volet du critère relatif à la possibilité de refuge intérieur était déraisonnable, puisqu’elle ne tenait pas compte des difficultés rencontrées par les femmes du Nigéria pour se loger et trouver un emploi. Selon la Dre Dibia, la Section d’appel des réfugiés a également commis une erreur en faisant fi des difficultés qu’elle rencontrerait en tant que nouvelle venue à Owerri, compte tenu du système d’identité autochtone.

III.  Norme de contrôle

[12]  Je suis d’accord avec les parties que la norme de contrôle applicable à l’examen de la décision de la Section d’appel des réfugiés concernant une question fortement axée sur les faits, comme celle soulevée dans la présente demande, est la norme de la décision raisonnable.

IV.  Discussion

[13]  Comme je l’ai mentionné, la Dre Dibia affirme que la Section d’appel des réfugiés a commis une erreur en omettant de rechercher elle-même s’il était raisonnable de lui demander de déménager à Owerri. Même si la Section d’appel des réfugiés n’était pas tenue de le faire, il ressort clairement de l’examen de sa décision qu’elle a expressément tenu compte du deuxième volet du critère relatif à la possibilité de refuge intérieur, aux paragraphes 44 à 46 de sa décision. Après avoir examiné la situation personnelle de la Dre Dibia, la Section d’appel des réfugiés a conclu que la Section de la protection des réfugiés n’avait pas commis d’erreur en concluant qu’il était raisonnable de demander à la Dre Dibia de déménager à Owerri.

[14]  Bien que la Dre Dibia ait souligné des éléments de preuve qui, selon elle, ont été présentés à la Section d’appel des réfugiés, lesquels auraient pu mener à une conclusion différente, la Section d’appel des réfugiés est présumée avoir examiné tous les éléments de preuve qui lui ont été présentés : Hassan v. Canada (Minister of Employment and Immigration), (1992), 147 N.R. 317, [1992] F.C.J. no 946. La brièveté de l’examen de cette question par la Section d’appel des réfugiés s’explique sans doute par le fait qu’aucune erreur n’a été décelée par la Dre Dibia concernant cet aspect du critère de la Section d’appel des réfugiés. Comme l’a observé la Cour fédérale dans la décision Abdulmaula c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 14, [2017] ACF no 3 (mentionnée dans le mémoire du défendeur), le caractère raisonnable de la décision de la Section d’appel des réfugiés ne peut normalement être contesté en invoquant une question qui ne lui a pas été soumise.

V.  Conclusion

[15]  Dans ces circonstances, la Dre Dibia ne s’est pas acquittée du fardeau de démontrer que le traitement accordé par la Section d’appel des réfugiés au deuxième volet du critère relatif à la possibilité de refuge intérieur était déraisonnable et, par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Je suis d’accord avec les parties que l’affaire ne soulève aucune question qui se prêterait à la certification.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-1509-17

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

« Anne L. Mactavish »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 8e jour d’août 2019

Lionbridge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

Dossier :

IMM-1509-17

 

 

INTITULÉ :

GLADYS DIBIA c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 23 novembre 2017

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE MACTAVISH

 

DATE DES MOTIFS :

Le 29 novembre 2017

 

COMPARUTIONS :

Oluwakemi Oduwole

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Brad Bechard

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Topmarké Attorneys LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

Pour la demanderesse

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

Pour le défendeur

 

 

 

 

 

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