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Date : 20171204


Dossier : IMM-2515-17

Référence : 2017 CF 1097

Ottawa (Ontario), le 4 décembre 2017

En présence de monsieur le juge Martineau

ENTRE :

RAJPREET KAUR

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]               La demanderesse recherche l’annulation d’une mesure d’exclusion émise le 22 mai 2017 par un délégué du Ministre du poste frontalier de Sarnia (Blue Water Bridge) en vertu de l’article 228 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 [RIPR].

[2]               La décision sous étude est révisable selon la norme de la décision raisonnable (voir par ex Koo c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 931 au para 20). Le caractère suffisant ou non des motifs d’exclusion fait partie intégrante de l’analyse par la Cour de la raisonnabilité du résultat (voir Newfoundland and Labrador Nurses' Union c Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62 au para 14).

[3]               La demanderesse est citoyenne italienne. Elle est d’abord venue au Canada en novembre 2015 à titre de visiteur pour deux semaines. À cette occasion, la demanderesse était accompagnée de son mari. Le couple est ensuite retourné en Italie. Ils ont vendu leur maison. Ils sont revenus le 24 juillet 2016 avec leurs enfants. La demanderesse a obtenu la prolongation de son statut de visiteur jusqu’au 30 juin 2017. Le 22 mai 2017, elle a traversé la frontière, puis a voulu être réadmise au Canada. Il s’agissait d’obtenir d’un agent d’immigration un permis de travail suite à une offre d’emploi de Harsan Petrol Inc. Un représentant de son futur employeur accompagnait la demanderesse.

[4]               Une agente d’immigration a rédigé deux rapports aux termes du paragraphe 44(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LIPR]. Selon le premier, la demanderesse est inadmissible pour fausses représentations. Selon le second, elle est inadmissible en vertu de l’article 41 et de l’alinéa 20(1)a) de la LIPR. Le délégué du Ministre s’est exclusivement fondé sur le deuxième rapport pour rendre une ordonnance d’exclusion, de sorte qu’il n’est pas nécessaire de s’attarder sur les arguments des parties concernant les fausses déclarations.

[5]               La demanderesse soumet à la Cour que les motifs fournis ne permettent pas de comprendre le raisonnement suivi pour conclure qu’elle avait l’intention de s’établir de façon permanente au Canada. D’ailleurs, la preuve au dossier n’appuie pas cette conclusion. En effet, la demanderesse a toujours respecté ses conditions de séjour. Elle a révélé honnêtement son intention de venir au Canada et d’obtenir un permis de travail chez Harsan Petrol. Elle reconnaît qu’elle a cherché à voir si elle pourrait vivre au Canada à la suggestion de ses proches. En attendant, le couple n’a pas acheté de nouvelle maison en Italie. Les inférences de l’agent quant à ses intentions sont contraires à l’esprit de la LIPR, qui permet à un étranger de séjourner temporairement au Canada pour travailler, et ensuite d’obtenir la résidence permanente. Selon la politique canadienne, elle avait le droit de travailler temporairement au Canada comme travailleuse qualifiée. De fait, une décision positive a été rendue le 10 mai 2017 par Service Canada au sujet de la demande d’évaluation d’emploi de l’employeur. C’est pourquoi elle a traversé la frontière afin de pouvoir demander un permis de travail.

[6]               Le défendeur rétorque que les motifs fournis au moment où les rapports ont été établis et l’ordonnance d’exclusion a été prononcée sont adéquats. Les faits rapportés sont accablants et parlent d’eux-mêmes : ils attestent clairement de l’intention de la demanderesse de s’établir au Canada comme résidente permanente. De fait, la demanderesse est retournée en Italie pour vendre sa résidence; elle a annulé son billet de retour pour l’Italie et elle a été incapable de présenter un autre billet de retour; elle a exprimé lors de l’entrevue son intention de trouver un emploi au Canada et a affirmé à cette occasion qu’elle avait l’intention de s’établir de manière permanente au Canada pour démarrer une entreprise. La demanderesse n’avait aucun droit acquis de demeurer au Canada. Ni son statut de visiteur, ni l’offre d’emploi de l’employeur canadien ne peuvent empêcher l’émission d’une mesure d’exclusion. Le manquement à la LIPR est flagrant, d’autant plus que la demanderesse n’a pas les mains propres.

[7]               La demanderesse ne m’a pas convaincu qu’il y a lieu d’intervenir.

[8]               D’une part, les motifs au soutien de la mesure d’exclusion sont clairs et transparents. Au passage, la Cour note que les procureurs tirent des conclusions différentes du fait que la demanderesse a signé des documents en anglais attestant qu’elle comprenait entièrement la nature et la portée des informations interprétées. En l’espèce, les questions et les réponses de l’entrevue ont été traduites de l’anglais au pendjabi et vice-versa. J’ajouterai que la demanderesse a souscrit un affidavit dans le présent dossier, qui est entièrement rédigé en anglais et qui n’a pas été traduit en pendjabi. La demanderesse ne m’a pas convaincu qu’il pouvait y avoir un problème de compréhension quant à son intention de s’établir de façon permanente au Canada. Le fait qu’elle croyait avoir le droit d’obtenir un permis temporaire n’est pas déterminant en l’espèce. Les réponses données par la demanderesse aux questions posées lors de l’entrevue du 22 mai 2017 parlent d’elles-mêmes.

[9]               D’autre part, il n’appartient pas à cette Cour de substituer son opinion à celle du décideur administratif. Bien que la demanderesse puisse croire que la preuve soit insuffisante pour appuyer la conclusion qu’elle avait l’intention de s’établir définitivement au Canada, et sans aller jusqu’à dire que la preuve au dossier est « accablante », je suis d’accord avec le défendeur que les nombreux éléments factuels permettent de croire que la demanderesse pouvait avoir bel et bien l’intention d’établir sa résidence permanente au Canada. Elle avait vendu sa maison en Italie, ouvert un compte bancaire au Canada, entamé des démarches pour obtenir un permis de conduire canadien, commencé à amener graduellement ses biens au Canada, etc. De plus, la demanderesse a elle-même répondu par l’affirmative lorsque le délégué lui a demandé si elle cherchait à s’établir au Canada de façon permanente.

[10]           Une dernière précision : la délivrance d’un visa de résident temporaire à titre de visiteur ne confère aucun droit acquis à son titulaire. Pas plus qu’une évaluation d’emploi positive (voir les articles 200 et suivants du RIPR). D’ailleurs, un permis de travail temporaire a été refusé en l’espèce. Dans la mesure où la Cour doit faire preuve de déférence à l’égard de l’appréciation de la preuve par le délégué, force est de conclure qu’il n’était pas déraisonnable de croire que la demanderesse cherchait à s’établir au Canada de manière permanente. La demanderesse a tenté de revenir au Canada sans avoir préalablement obtenu un visa de résident permanent, tel que requis par l’alinéa 20(1)a) de la LIPR. Par conséquent, elle était donc inadmissible pour avoir contrevenu à la LIPR, ce qui justifiait légalement l’émission d’une mesure d’exclusion.

[11]           Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question de droit d’importance générale n’a été soulevée par les procureurs.


JUGEMENT au dossier IMM-2515-17

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Aucune question est certifiée.

« Luc Martineau »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-2515-17

 

INTITULÉ :

RAJPREET KAUR c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 29 novembre 2017

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE MARTINEAU

 

DATE DES MOTIFS :

LE 4 décembre 2017

 

COMPARUTIONS :

Me Jacques Beauchemin

 

Pour lA demanderESSE

Me Mario Blanchard

 

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Beauchemin Avocat

Montréal (Québec)

 

Pour lA demanderESSE

Procureur générale du Canada

 

Pour le défendeur

 

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