Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20171205


Dossier : IMM-2624-17

Référence : 2017 CF 1106

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

À Ottawa (Ontario), le 5 décembre 2017

En présence de monsieur le juge Brown

ENTRE :

AICHA SANDRA DIAWARA

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Nature de l’affaire

[1]  Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée par la demanderesse en application du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR) à l’encontre d’une décision rendue par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, le 30 mai 2017. Il a été établi que la demanderesse n’était ni une réfugiée au sens de la Convention ni une personne à protéger en vertu de l’article 96 et du paragraphe 97(1) de la LIPR (la décision).

II.  Exposé des faits

[2]  La demanderesse est entrée au Canada le 22 janvier 2017 avec ses deux enfants (les mineures). La demanderesse et les mineures sont citoyennes du Burundi.

[3]  Les faits qui ont amené la demanderesse et les mineures à entrer au Canada depuis les États-Unis et à présenter une demande d’asile sont les suivants. Je traiterai les deux pays de référence (Guinée et Burundi) séparément.

Concernant la Guinée

  • La demanderesse est née en Guinée-Bissau, d’un père citoyen de Guinée-Conakry (Guinée) et d’une mère citoyenne du Burundi. Selon le Code civil de la République de Guinée, un enfant né d’un père guinéen est guinéen par naissance; cependant, la citoyenneté guinéenne peut être perdue et regagnée ultérieurement, comme cela sera expliqué plus loin.
  • La demanderesse a des passeports de la Guinée et du Burundi, même si les circonstances entourant l’acquisition du passeport guinéen par le père de la demanderesse sont contestées.
  • Le père de la demanderesse, initialement originaire de Guinée, vit en exil depuis 1973, année où il s’est enfui pour éviter une tentative d’assassinat. Il vit en tant que résident permanent au Burundi et n’est pas retourné en Guinée depuis 1973. La demanderesse et son père affirment qu’il est considéré par les autorités et le peuple guinéens comme un traître. Par conséquent, la demanderesse connaît peu ou pas la famille de son père, avec qui elle a peu de contact.
  • La demanderesse est allée en Guinée (il importe de souligner qu’elle n’était pas née là-bas, mais en Guinée-Bissau, pays avoisinant) en 1993, alors qu’elle avait 11 ans, pour rendre visite à la mère de son père. C’était il y a 24 ans. Cependant, elle a été obligée de fuir la Guinée après seulement 6 mois parce que les femmes dans le village de sa grand-mère voulaient la soumettre à une mutilation génitale féminine. À cet égard, les documents exposant la situation dans ce pays, déposés à la Section de la protection des réfugiés, précisent que jusqu’à 97 % des femmes et des fillettes de 15 à 49 ans en Guinée ont été assujetties à une mutilation génitale féminine.

Concernant le Burundi

  • Je remarque tout d’abord que la Section de la protection des réfugiés a estimé que la demanderesse était crédible. Les questions qui suivent n’étaient donc pas en litige.
  • En tant qu’adulte, la demanderesse, son époux et les mineures, tous d’origine ethnique tutsie, résidaient dans un quartier principalement tutsi du Burundi.
  • En mai 2015, la demanderesse a participé à un rassemblement de femmes manifestant contre le troisième mandat du président Nkurunziza au Burundi (la manifestation de mai 2015).
  • Le même jour, il y a eu une tentative ratée de renverser le gouvernement du Burundi. Les autorités ont lié la tentative de renversement à la manifestation de mai 2015.
  • Les manifestants, dont la demanderesse, étaient considérés comme des conspirateurs et des complices d’un coup d’État.
  • En juin 2015, la demanderesse et les mineures ont fui au Rwanda; cependant, elle et les mineures mourraient de faim au Rwanda, et sont donc retournées au Burundi une semaine plus tard.
  • En août 2015, la demanderesse a été interceptée par des militaires armés et trois d’entre eux l’ont agressée physiquement et sexuellement, affirmant qu’ils [traduction] « remettaient les femmes tutsies à leur place ». Après cet incident, la demanderesse a été gardée en détention pendant cinq semaines.
  • À sa libération, la demanderesse et sa famille ont changé de quartier et la demanderesse a changé d’emploi. Cependant, peu après, elle a commencé à rencontrer des problèmes au travail, plus précisément avec son directeur général qui était un Hutu.
  • En décembre 2016, la demanderesse et les mineures ont voyagé aux États-Unis avec un visa de tourisme. Durant le séjour, l’époux de la demanderesse a pris contact avec elle depuis le Burundi pour lui indiquer qu’une amie l’avait informé que le Service national de renseignement la recherchait, car la chasse à l’homme avait repris pour retrouver les manifestants ayant participé au rassemblement de mai 2015.
  • Le 22 janvier 2017, la demanderesse et les mineures sont entrées au Canada au titre de l’exception à l’entente de tiers pays sûrs entre le Canada et les États-Unis; la tante et l’oncle de la demanderesse résident au Canada. Ce jour-là, la demanderesse et les mineures ont présenté une demande d’asile.

[4]  La demanderesse a présenté une demande d’asile à la Section de la protection des réfugiés conformément à l’article 96 et au paragraphe 97(1) de la LIPR parce qu’elle craint d’être persécutée par les autorités au Burundi du fait de ses opinions politiques réelles et présumées ainsi que de son origine ethnique tutsie.

[5]  En ce qui concerne la Guinée, la demande de la demanderesse à la Section de la protection des réfugiés était fondée sur les activités politiques passées de son père.

[6]  Les mineures, également citoyennes du Burundi, ont présenté une demande d’asile à la Section de la protection des réfugiés conformément à l’article 96 et au paragraphe 97(1) de la LIPR parce qu’elles craignent d’être persécutées par les autorités du fait des opinions politiques réelles et présumées de leur mère et du fait de leur origine ethnique tutsie.

[7]  Dans une décision datée du 30 mai 2017, la Section de la protection des réfugiés a jugé que les mineures étaient des réfugiées au sens de la Convention en ce qui concerne le Burundi. Cependant, la Section de la protection des réfugiés a rejeté la demande de la demanderesse dans son intégralité, soutenant que la demanderesse « possède ou peut obtenir la citoyenneté guinéenne », la Section de la protection des réfugiés ayant alors estimé que le risque pour la demanderesse était insuffisant.

[8]  La demanderesse a accepté les conclusions de la Section de la protection des réfugiés relatives aux mineures et elles ne sont pas en litige.

[9]  Il ne fait aucun doute que la Section de la protection des réfugiés aurait accepté la demande d’asile de la demanderesse en lien avec le Burundi, puisque ses conclusions relatives aux mineures étaient entièrement fondées sur la situation de la demanderesse, n’eût été sa conclusion selon laquelle la demanderesse possède ou peut obtenir la citoyenneté guinéenne.

III.  Questions en litige

[10]  À mon avis, la question déterminante est celle de savoir si la Section de la protection des réfugiés a agi de manière déraisonnable lorsqu’elle a conclu que la demanderesse possédait ou pouvait obtenir la citoyenneté guinéenne.

IV.  Norme de contrôle

[11]  Dans l’arrêt Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, aux paragraphes 57 et 62 (Dunsmuir), la Cour suprême du Canada a établi qu’il n’est pas nécessaire de se livrer à une analyse de la norme de contrôle si « la jurisprudence établit déjà de manière satisfaisante le degré de déférence correspondant à une catégorie de questions en particulier ». La Cour a établi que le contrôle de la décision relative à une demande de citoyenneté d’un demandeur justifie une certaine retenue, voir Tretsetsang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF, aux paragraphes 9 et10, par le juge Mosley, confirmée par 2016 CAF 175, au paragraphe 61. Voir également Yeshi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 1153, aux paragraphes 63 et 67, par la juge Kane et Dakar c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 353, au paragraphe 15, par le juge Gleeson. J’accepte par conséquent, et les parties en conviennent, que la norme de contrôle est celle de la décision raisonnable en ce qui concerne le contrôle d’une décision de citoyenneté.

[12]  Au paragraphe 47 de l’arrêt Dunsmuir, la Cour suprême du Canada explique ce que doit faire une cour lorsqu’elle effectue une révision selon la norme de la décision raisonnable :

La cour de révision se demande dès lors si la décision et sa justification possèdent les attributs de la raisonnabilité. Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

[13]  La Cour suprême du Canada prescrit aussi que le contrôle judiciaire ne constitue pas une chasse au trésor, phrase par phrase, à la recherche d’une erreur; la décision doit être considérée comme un tout : Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier, section locale 30 c Pâtes & Papier Irving, Ltée, 2013 CSC 34. De plus, une cour de révision doit déterminer si la décision, examinée dans son ensemble et son contexte au vu du dossier, est raisonnable : Construction Labour Relations c Driver Iron Inc., 2012 CSC 65; voir aussi l’arrêt Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62. La Section de la protection des réfugiés a accepté l’identité de la demanderesse et des mineures en tant que ressortissantes du Burundi.

V.  Analyse

[14]  Il ne fait aucun doute qu’une composante préliminaire essentielle de toute décision de la Section de la protection des réfugiés est la détermination raisonnable de la citoyenneté d’un demandeur. À mon très humble avis, la décision de la Section de la protection des réfugiés au sujet de la citoyenneté de la demanderesse en ce qui concerne la Guinée n’est pas raisonnable. J’exposerai maintenant les motifs de ma décision.

[15]  Le traitement par la Section de la protection des réfugiés de la nationalité guinéenne de la demanderesse se trouve au paragraphe suivant : [traduction]

[16]  La demandeure d’asile principale a déclaré dans son témoignage qu’elle est citoyenne de la Guinée. Selon le code civil de la Guinée, un enfant né d’un père guinéen est guinéen de naissance; toutefois, la Guinée ne reconnaît pas la double citoyenneté [note de bas de page omise, vers le Code civil de la République de Guinée tel que reproduit dans le Cartable national de documentation]. Étant donné que le père de la demandeure d’asile principale est un ressortissant guinéen, le tribunal considère qu’elle possède ou peut obtenir la citoyenneté guinéenne. Par conséquent, le tribunal conclut que la Guinée‑Conakry est un pays de référence pour la demandeure d’asile principale.

[Non souligné dans l’original]

[16]  Il existe des conclusions disjonctives, selon lesquelles elle [traduction] « possède la citoyenneté guinéenne » ou, subsidiairement, qu’elle [traduction] « peut obtenir la citoyenneté guinéenne ». Afin d’évaluer le caractère raisonnable de la conclusion selon laquelle la demanderesse [traduction] « possède ou peut obtenir la citoyenneté guinéenne », il importe de se pencher sur chaque conclusion disjonctive séparément, et le faire en référence au Code civil de la République de Guinée, déposé au dossier et sur lequel la Section de la protection des réfugiés s’est fiée.

A.  La demanderesse [traduction] « possède-t-elle […] la citoyenneté guinéenne »?

[17]  À cet égard, voici les dispositions pertinentes du Code civil de la République de Guinée.

[BLANK/EN BLANC]

[translation]

TITRE V- DE LA PERTE ET DE LA DECHEANCE DE LA NATIONALITE GUINENNE

TITLE V – LOSS AND DEPRIVATION OF GUINEAN NATIONALITY

CHAPITRE I- DE LA PERTE DE LA NATIONALITE GUINEENNE

CHAPTER I – LOSS OF GUINEAN NATIONALITY

Article 95

Article 95

Perd la nationalité guinéenne le guinéen majeur qui acquiert volontairement une nationalité étrangère.

Guineans of majority age who voluntarily acquire a foreign nationality lose Guinean nationality.

[…]

[…]

Article 99

Article 99

Perd la nationalité guinéenne le guinéen, même mineur, qui ayant une nationalité étrangère, est autorisé sur sa demande, pas le Gouvernement guinéen, à perdre la qualité de guinéen.

Guineans, even minors, who have a foreign nationality and are authorized, at their request and not that of the Government of Guinea, to renunciate their Guinean status, lose their Guinean nationality.

Cette autorisation est accordée par décret.

This authorization is granted by decree.

Le mineur doit, le cas échéant, être autorisé ou représenté dans les conditions prévues aux articles 63 et 64.

Minors must be authorized or represented, as the case may be, in accordance with the conditions set out in articles 63 and 64.

[18]  Je ne vois pas clairement la manière dont la Section de la protection des réfugiés pouvait raisonnablement aboutir à la conclusion que la demanderesse [traduction] « possède […] la citoyenneté guinéenne », puisque la Section de la protection des réfugiés a accepté que la demanderesse était également citoyenne du Burundi. La Section de la protection des réfugiés aurait agi raisonnablement si elle avait jugé que la demanderesse « possédait » la citoyenneté guinéenne à la naissance par son père guinéen, c’est-à-dire, à sa naissance. Ceci n’est pas en cause, puisque c’est entièrement compatible avec le dossier, c’est-à-dire les faits et le Code civil de la République de Guinée.

[19]  Cependant, la conclusion de la Section de la protection des réfugiés n’était pas que la demanderesse « possédait » la citoyenneté guinéenne par le passé à sa naissance, mais qu’elle « possède » la citoyenneté guinéenne, c’est-à-dire en ce moment et, précisément, au moment de l’audience.

[20]  Afin de déterminer raisonnablement la citoyenneté de cette demanderesse, il ne suffit pas de simplement considérer son statut à la naissance. À mon avis, sa citoyenneté à la naissance ne détermine pas raisonnablement sa citoyenneté présente, à savoir la citoyenneté qu’elle « possède » maintenant, et ne peut pas le déterminer. En effet, l’article 99 du Code civil de la République de Guinée précise qu’un citoyen guinéen adulte « perd » la citoyenneté guinéenne lorsqu’il acquiert volontairement une autre citoyenneté. La Section de la protection des réfugiés a jugé que la demanderesse avait obtenu la citoyenneté du Burundi, mais n’indique pas à quel moment. Était-ce lorsqu’elle était mineure ou lorsqu’elle était adulte? Le moment où la demanderesse a obtenu la citoyenneté burundaise doit être établi avant d’en arriver à une conclusion raisonnable de la citoyenneté qu’elle « possède »; cependant, la Section de la protection des réfugiés n’a pas étudié cette question ou rendu de conclusion sur cette question. Cela soulève des questions de transparence et d’intelligibilité.

[21]  Je remarque également que le Code civil de la République de Guinée ne soutient pas la conclusion de la Section de la protection des réfugiés selon laquelle [traduction] « la Guinée ne reconnaît pas la double citoyenneté ». Plutôt, ce que dit le Code civil de la République de Guinée est qu’un adulte qui assume volontairement une nouvelle citoyenneté perd sa citoyenneté guinéenne. Dans ce contexte, ne pas reconnaître la double citoyenneté signifie raisonnablement que la demanderesse conserverait sa citoyenneté guinéenne (au moins aux yeux des Guinéens). Mais ce n’est pas ce que prévoit le droit guinéen; le Code civil de la République de Guinée précise que la citoyenneté guinéenne est perdue. Indiquer qu’une citoyenneté est conservée alors qu’elle est en fait perdue rend déraisonnable la référence à l’interdiction de double citoyenneté.

B.  La demanderesse [traduction] « peut-elle obtenir la citoyenneté guinéenne »?

[22]  Je ne suis pas non plus capable de déterminer la manière dont la Section de la protection des réfugiés a conclu que la demanderesse [traduction] « peut obtenir » la citoyenneté guinéenne, qui était sa conclusion subsidiaire. Cette conclusion était évidemment sous-jacente à la perte de sa citoyenneté à la naissance, qui, comme cela a été noté, était une question centrale qui n’était pas en fait réellement abordée dans ce dossier.

[23]  Je suis d’accord, comme l’a noté l’avocate du défendeur, que le Code civil de la République de Guinée prévoit la réintégration dans la nationalité guinéenne, aux articles 81 à 83. Il semble toutefois que la restitution ne soit possible que si le demandeur réside en Guinée (« résidence »), selon l’article 82. En outre, il semble que la restitution intervient après la demande et l’enquête (« après enquête ») selon l’article 81. Il apparaît en outre que la réintégration dans la nationalité guinéenne est subordonnée à la preuve de la qualité ou de la capacité guinéenne (« apporter la preuve qu’il a eu la qualité de guinéen »), selon l’article 83.

[BLANK/EN BLANC]

[translation]

TITRE III- DE L’ATTRIBUTION DE LA NATIONALITE GUINEENE A TITRE DE NATIONALITE D’ORIGINE

TITLE III – ATTRIBUTION OF GUINEAN NATIONALITY AS NATIONALITY OF ORIGIN

II. – REINTEGRATION

II. – REINSTATEMENT

Article 81

Article 81

La réintégration dans la nationalité guinéenne est accordée par décret, après enquête.

Reinstatement of Guinean nationality is granted by decree, after an investigation.

Article 82

Article 82

La réintégration peut être obtenue à tout âge et sans condition de stage.

Reinstatement may be obtained at any age and without a probationary period.

Toutefois, nul ne peut être réintégré s’il n’a en Guinée sa résidence au moment de la réintégration.

However, no one may be reinstated if they are not residing in Guinea at the time of reinstatement.

Article 83

Article 83

Celui qui demande la réintégration doit apporter la preuve qu’il a eu la qualité de guinéen.

Applicants for reinstatement must provide proof that they had Guinean status.

[24]  Même si la Section de la protection des réfugiés a rendu l’ordonnance subsidiaire selon laquelle la demanderesse [traduction] « possède » la citoyenneté guinéenne, je ne vois pas la manière dont elle en est arrivée à cette conclusion, compte tenu des nombreuses complexités et nuances de cette affaire, sans autre analyse. Il y a simplement trop de variables non traitées qui donnent lieu à davantage de questions de transparence et d’intelligibilité.

[25]  Le défendeur s’est fié à la décision de la Cour d’appel fédérale dans Tretsetsang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CAF 175 [Tretsetsang], et, plus précisément, à sa conclusion, au paragraphe 72.

[72]  Par conséquent, le demandeur qui invoque un obstacle à l’exercice de son droit à la citoyenneté dans un pays donné doit établir selon la prépondérance des probabilités :

a)  qu’il existe un obstacle important dont on pourrait raisonnablement croire qu’il l’empêche d’exercer son droit à la protection de l’État que lui confère la citoyenneté dans le pays dont il a la nationalité;

b)    qu’il a fait des efforts raisonnables pour surmonter l’obstacle, mais que ces efforts ont été vains et qu’il n’a pu obtenir la protection de l’État.

[26]  Je ne suis pas convaincu que, conformément à Tretsetsang, la Section de la protection des réfugiés pouvait raisonnablement exiger de la demanderesse qu’elle demande la réintégration dans la nationalité guinéenne et l’enquête sur cette nationalité, ce qui, comme cela est noté plus haut, nécessite qu’elle se rende en Guinée, qu’elle obtienne la « résidence » dans ce pays et démontre son statut guinéen (« qualité »).

[27]  En prenant du recul et en considérant l’affaire comme un tout, je conclus que la détermination du seuil critique de la citoyenneté guinéenne ne répond pas aux critères de transparence et d’intelligibilité énoncés dans l’arrêt Dunsmuir. De plus, je ne suis pas convaincu que la décision fasse partie des issues possibles et acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit, comme il est indiqué dans l’arrêt Dunsmuir. Par conséquent, la décision concernant la demanderesse doit être annulée et réexaminée.

[28]  Aucune des parties n’a proposé de question de portée générale aux fins de certification, et aucune question n’est mentionnée.

[29]  L’intitulé de la cause est modifié sur consentement pour désigner le défendeur comme étant « Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration ».


JUGEMENT

LA COUR ACCUEILLE la demande de contrôle judiciaire, la décision relative à la demanderesse est annulée, l’affaire est renvoyée à un commissaire différent de la Section de la protection des réfugiés pour réexamen, aucune question n’est certifiée, l’intitulé de la cause est modifié sur consentement pour désigner le défendeur comme étant « Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration » et aucuns dépens ne sont adjugés.

« Henry S. Brown »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 23e jour d’octobre 2019

Lionbridge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-2624-17

 

INTITULÉ :

AICHA SANDRA DIAWARA c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 29 novembre 2017

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE BROWN

 

DATE DES MOTIFS :

Le 5 décembre 2017

 

COMPARUTIONS :

John W. Grice

 

Pour la demanderesse

 

Melissa Mathieu

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

John W. Grice

Avocat

North York (Ontario)

 

Pour la demanderesse

 

Nathalie G. Drouin

Sous-procureure générale du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.