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Date : 20180110


Dossier : IMM-2213-17

Référence : 2018 CF 19

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Toronto (Ontario), le 10 janvier 2018

En présence de madame la juge McDonald

ENTRE :

IFEOMA NAOMI ONWUBOLU

demanderesse

et

LE MINISTRE DE L’IMMIGRATION, DES RÉFUGIÉS ET DE LA CITOYENNETÉ

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  La demanderesse est une citoyenne du Nigéria et sollicite le contrôle judiciaire de la décision rendue le 24 avril 2017 par un agent d’immigration (l’agent), par laquelle il rejette sa demande de statut de résident permanent au titre de la catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada. L’agent a estimé que le mariage de la demanderesse visait principalement l’acquisition d’un statut ou d’un privilège en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR).

[2]  Pour les motifs qui suivent, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée puisque l’examen de la preuve fait par l’agent était raisonnable.

I.  Résumé des faits

[3]  La demanderesse est arrivée au Canada en juin 2014. Sa demande d’asile a été rejetée en août 2014.

[4]  La demanderesse a rencontré son mari qui la parraine en décembre 2014, et ils se sont mariés le 18 avril 2015.

[5]  Le 6 juillet 2015, la demanderesse a déposé une demande au titre de la catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada. Elle a déposé des renseignements additionnels le 26 janvier 2017 et une entrevue avec la demanderesse et son époux a eu lieu le 5 avril 2017.

II.  Décision visée par le contrôle

[6]  La décision visée par le contrôle judiciaire est la lettre et les motifs de l’agent, portant la date du 24 avril 2017.

[7]  L’agent a rejeté la demande parce qu’il a conclu que la demanderesse s’était mariée principalement à des fins d’immigration. L’agent a fondé sa décision sur le paragraphe 4(1) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés (le Règlement), qui prévoit que l’étranger n’est pas considéré comme étant l’époux, le conjoint de fait ou le partenaire conjugal d’une personne si le mariage ou la relation des conjoints de fait ou des partenaires conjugaux visait principalement l’acquisition d’un statut ou d’un privilège sous le régime de la LIPR.

[8]  L’agent a énuméré un certain nombre de problèmes avec les documents fournis par la demanderesse et les réponses données durant l’entrevue. L’agent a conclu qu’en fonction de l’examen de l’ensemble de la demande, la demanderesse n’était pas crédible, et les explications fournies n’étaient pas suffisantes pour dissiper les doutes sur la crédibilité.

III.  Dispositions légales pertinentes

[9]  Le paragraphe 4(1) du Règlement est libellé comme suit :

Mauvaise foi

Bad faith

4(1) Pour l’application du présent règlement, l’étranger n’est pas considéré comme étant l’époux, le conjoint de fait ou le partenaire conjugal d’une personne si le mariage ou la relation des conjoints de fait ou des partenaires conjugaux, selon le cas

 

4 (1) For the purposes of these Regulations, a foreign national shall not be considered a spouse, a common-law partner or a conjugal partner of a person if the marriage, common-law partnership or conjugal partnership

a) visait principalement l’acquisition d’un statut ou d’un privilège sous le régime de la Loi;

(a) was entered into primarily for the purpose of acquiring any status or privilege under the Act; or

b) n’est pas authentique.

 

(b) is not genuine.

IV.  Question en litige et norme de contrôle

[10]  La seule question à trancher est de savoir si la décision de l’agent était raisonnable.

[11]  La norme de la décision raisonnable s’applique à la question de savoir si le mariage visait principalement des fins d’immigration (Burton c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 345, au paragraphe 15). Il est bien établi qu’il faut faire preuve d’une grande retenue envers les agents d’immigration qui doivent évaluer l’authenticité d’un mariage (Shahzad c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 999, au paragraphe 14 [Shahzad]).

V.  Analyse

[12]  La demanderesse affirme que l’agent n’a pas examiné l’ensemble de la preuve et qu’il a indûment mis l’accent sur les divergences et les éléments de preuve contradictoires.

[13]  Les critères prévus aux alinéas 4(1)a) et b) sont disjonctifs (Trieu c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 925, au paragraphe 37 [Trieu]). Cela signifie qu’un demandeur doit démontrer qu’un mariage est à la fois authentique et qu’il ne visait pas principalement l’acquisition d’un statut aux termes de la LIPR (Trieu, au paragraphe 36; Gill c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1522, aux paragraphes 29 et 30 [Gill]).

[14]  Il existe également une distinction temporelle entre chaque critère. Les arguments en vertu de l’alinéa 4(1)a) sont analysées au moment du mariage, alors que les arguments en vertu de l’alinéa 4(1)b) sont analysés en fonction du moment présent. Comme il a été confirmé dans la décision Lawrence c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 369, au paragraphe 14, un élément de preuve jugé pertinent aux fins de l’application d’un volet du critère peut l’être tout autant pour l’application de l’autre volet. Pour cette raison, les éléments de preuve qui datent d’après le mariage constituent des éléments de preuve pertinents pour décider si le mariage visait principalement ou non l’acquisition d’un statut aux termes de la LIPR. Même si les éléments de preuve qui datent d’après le mariage ne peuvent être utilisés pour réfuter la preuve concernant les fins visées au moment du mariage (Trieu, au paragraphe 28), ils sont pertinents.

[15]  Il incombe au demandeur de présenter tous les éléments de preuve nécessaires pour que sa demande soit accueillie (Obeta c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1542, au paragraphe 25; Oladipo c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 366, au paragraphe 24).

[16]  En l’espèce, l’agent a raisonnablement conclu que la demanderesse ne s’était pas acquittée de cette tâche.

[17]  Durant les observations orales, la demanderesse a invoqué la décision rendue dans Ma c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 1283 [Ma]. Dans la décision Ma, des éléments de preuve documentaires importants avaient été déposés, sous la forme de relevés bancaires, de documents d’impôt, de comptes de téléphone cellulaire, de documents relatifs à des soins de santé et de documents d’assurance, en plus de lettres de soutien. Dans Ma, l’agent n’a fait mention d’aucun de ces documents dans sa décision, ni soupesé ces éléments de preuve au regard des conclusions défavorables concernant la crédibilité. Or, tel n’est pas le cas en l’espèce.

[18]  En l’espèce, la demanderesse a fourni peu d’éléments de preuve sur lesquels l’agent aurait pu se pencher dans son analyse. L’agent a jugé que les éléments de preuve fournis étaient faibles. L’agent a souligné qu’il avait pris en considération la totalité des éléments de preuve, et il est présumé que c’est bien ce qu’il a fait, y compris les éléments de preuve portant sur des comptes de banque communs et des factures (Florea c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] A.C.F. no 598 (CAF), au paragraphe 1).

[19]  L’agent s’est penché sur les problèmes concernant les éléments de preuve documentaires fournis par la demanderesse, en particulier l’affidavit au sujet du décès de son ancien mari et le certificat de décès connexe.

[20]  L’agent avait des raisons de douter de la véracité de ces éléments de preuve. L’affidavit a été obtenu après l’arrivée de la demanderesse au Canada, pas au Nigéria, et le certificat de décès portait la même date que l’affidavit, même s’ils ont été obtenus à un an d’intervalle.

[21]  Le poids qu’a accordé l’agent à l’affidavit et le fait que la demanderesse n’ait pas au départ présenté le certificat de décès ne peuvent être jugés de nouveau dans un contrôle judiciaire. De plus, comme il incombe à la demanderesse de « bien présenter son dossier », l’agent pouvait tirer une conclusion défavorable du fait qu’elle n’a pas au départ présenté en preuve le certificat de décès.

[22]  Dans son évaluation de l’analyse faite par l’agent de ces documents, en fonction de la norme de la décision raisonnable, la Cour doit simplement être en mesure de comprendre comment l’agent en est venu à sa décision, à la lumière des faits, de la preuve et du droit (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47; Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c. Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, au paragraphe 16). Les éléments de preuve étaient insuffisants pour prouver que le mariage ne visait pas principalement des fins d’immigration. L’agent avait l’expertise pour tirer une telle conclusion.

[23]  Les conclusions de l’agent s’appuyaient sur un certain nombre de conclusions en matière de crédibilité. Une cour de révision doit faire preuve d’une grande retenue à l’égard des conclusions d’un agent portant sur la crédibilité (Rahal c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 319, aux paragraphes 41 à 46). Cela est particulièrement vrai dans le cas de problèmes de crédibilité qui sont au cœur de l’analyse de l’authenticité de mariages en vertu de l’article 4 de la LIPR (Keo c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1456, au paragraphe 24). L’agent est autorisé à tirer des conclusions négatives relatives à la crédibilité en se fondant sur des éléments de la vie quotidienne (Shahzad, au paragraphe 43).

[24]  En l’espèce, les conclusions tirées par l’agent à ce sujet étaient raisonnables. L’agent a estimé que le fait que la demanderesse ne pouvait se rappeler où se trouvait son mari le jour de leur mariage minait sa crédibilité. L’agent a tiré une conclusion négative du manque de connaissance de l’époux des problèmes de santé de l’enfant de la demanderesse, des problèmes d’immigration antérieurs de la demanderesse, et de l’incapacité de l’époux à se rappeler que la demanderesse bénéficiait de l’aide sociale. Ayant eu un bon aperçu de l’attitude de la demanderesse et de son époux à l’entrevue, l’agent a pu observer leur comportement et tirer des conclusions négatives. Toutes ces conclusions se situent au « cœur » du rôle de l’agent qui évalue la crédibilité, et « touchaient plutôt des événements cruciaux au cœur même de la relation authentique » que la demanderesse prétend entretenir avec son époux (Shahzad, au paragraphe 44).

[25]  Alors qu’en contrôle judiciaire la demanderesse cherche à recadrer ces conclusions et à fournir d’autres explications, ces explications sont en désaccord avec l’appréciation de la preuve qu’a faite l’agent – la demanderesse demande à la Cour de remplacer les conclusions de l’agent portant sur la crédibilité par ses propres explications. Ce n’est pas le rôle de la Cour.

[26]  L’appréciation de la preuve qu’a faite l’agent était logiquement fondée sur ses propres conclusions. Il n’y a pas lieu d’intervenir. Par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.


JUGEMENT dans le dossier IMM-2213-17

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

  1. La demande de contrôle judiciaire de la décision de l’agent est rejetée.

  2. Aucune question de portée générale n’est certifiée.

« Ann Marie McDonald »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-2213-17

INTITULÉ :

IFEOMA NAOMI ONWUBOLU c. LE MINISTRE DE L’IMMIGRATION, DES RÉFUGIÉS ET DE LA CITOYENNETÉ

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 9 janvier 2018

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE MCDONALD

DATE DES MOTIFS :

Le 10 janvier 2018

COMPARUTIONS :

Peter Lulic

Pour la demanderesse

Michael Butterfield

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Peter Lulic

Avocat

Toronto (Ontario)

Pour la demanderesse

Procureur général du Canada

Pour le défendeur

 

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