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Date : 20180123


Dossier : DES-5-08

Référence : 2018 CF 62

[TRADUCTION FRANÇAISE]

ENTRE :

AFFAIRE INTÉRESSANT un certificat signé en application du paragraphe 77(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR);

ET AFFAIRE INTÉRESSANT le dépôt de ce certificat à la Cour fédérale du Canada en application du paragraphe 77(1) de la LIPR;

ET Mohamed HARKAT

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

LA JUGE ROUSSEL

I. Introduction

[1] Le demandeur, M. Mohamed Harkat, cherche à modifier les modalités et les conditions de sa mise en liberté conformément au paragraphe 82(4) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (LIPR). Il soutient que les conditions qui lui sont imposées continuent d’être exigeantes pour lui et sa famille et sont disproportionnées par rapport à la menace qu’il est censé présenter.

[2] Les défendeurs, le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (MCI) et le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile (MSPPC) soutiennent que les conditions actuelles devraient être maintenues afin de neutraliser le danger que représente M. Harkat, sous réserve de certaines clarifications et modifications qu’ils proposent.

[3] Pour les raisons qui suivent, je suis disposée à apporter certains rajustements aux modalités et aux conditions de mise en liberté de M. Harkat, mais pas dans la mesure où il le demande.

II. Résumé des faits

[4] Aux fins de la présente demande, il n’est pas nécessaire de fournir un compte rendu complet des faits, de l’historique de la procédure et des modifications apportées aux modalités et aux conditions de mise en liberté de M. Harkat. M. Harkat a une histoire longue et détaillée avec les tribunaux et le dossier a fait couler beaucoup d’encre. Le lecteur est donc invité à examiner les décisions les plus récentes rendues par la Cour concernant le caractère raisonnable du deuxième certificat de sécurité délivré contre M. Harkat (Harkat (Re), 2010 CF 1241) et l’assouplissement des conditions de sa mise en liberté (Harkat (Re), 2009 CF 241; Harkat (Re), 2009 CF 1008; Harkat c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 795; Harkat c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 1034). Je me limiterai à l’aperçu suivant.

[5] M. Harkat est un citoyen de l’Algérie. L’appelant est arrivé au Canada en 1995 et a obtenu le statut de réfugié en 1997.

[6] Le 10 décembre 2002, le solliciteur général du Canada et le MCI ont émis un premier certificat de sécurité qui désignait M. Harkat comme une personne interdite de territoire au Canada pour des raisons de sécurité nationale. Il a été arrêté et détenu dans un établissement correctionnel jusqu’à sa mise en liberté selon de strictes conditions en 2006 (Harkat c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 628).

[7] Bien que la Cour ait déterminé, en 2005, que le certificat de sécurité était raisonnable, la Cour suprême du Canada a conclu dans l’arrêt Charkaoui c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CSC 9 [Charkaoui no 1] que la procédure établie aux termes de la LIPR en vue de la confirmation des certificats de sécurité, les demandes de mise en liberté et le contrôle des motifs de détention violaient les articles 7 et 9 et l’alinéa 10c) de la Charte canadienne des droits et libertés, partie 1 de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, c 11. Elle a suspendu la déclaration d’invalidité des dispositions contestées pour une période d’un (1) an afin de permettre au législateur d’adopter un nouveau régime conforme à ses motifs.

[8] Le 22 février 2008, le projet de loi C-3, Loi modifiant la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (certificat et avocat spécial) et une autre loi en conséquence, LC 2008, c 3 (TR/2008- 24) est entré en vigueur. Les ministres ont signé un nouveau certificat de sécurité attestant que M. Harkat était interdit de territoire au Canada pour des motifs de sécurité pour les raisons décrites aux alinéas 34(1)c), 34(1)d) et 34(1)f) de la LIPR. Après avoir examiné les éléments de preuve présentés lors des audiences publiques et à huis clos, la Cour a déterminé le 9 décembre 2010 que le certificat était raisonnable (Harkat (Re), 2010 CF 1241). Cette conclusion a été confirmée par la Cour suprême du Canada le 14 mai 2014 (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Harkat, 2014 CSC 37).

[9] Depuis la mise en liberté de M. Harkat en 2006, les modalités et les conditions de la mise en liberté ont fait l’objet d’examens continus par la Cour et, au fil des ans, ont été davantage assouplies. Avant le présent contrôle, les plus récentes audiences avaient eu lieu en juin 2013 (audiences publiques et à huis clos) et en octobre 2014 (par téléconférence) et ont donné lieu à des décisions en date du 7 juillet 2013 et du 31 octobre 2014. Les conditions de la mise en liberté ont par la suite été modifiées avec l’accord des parties par les ordonnances de la Cour rendues le 16 janvier 2015 et le 27 mai 2015.

[10] En général, selon les modalités et les conditions de mise en liberté actuelles, huit (8) personnes ont signé des cautionnements de bonne exécution pour différents montants. M. Harkat a accès à un ordinateur de bureau à la maison avec une connexion Internet et il est autorisé à utiliser un téléphone cellulaire avec carte SIM et a la capacité de recevoir et de transmettre des appels vocaux et des messages texte seulement. L’utilisation des fonctions Internet du téléphone mobile est interdite et les données Internet doivent être bloquées par l’entremise du fournisseur de services. L’ordinateur personnel et le téléphone mobile sont tous deux supervisés par l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC). Même si M. Harkat peut utiliser un téléphone fixe aux fins d’emploi à son lieu de travail, il n’est autorisé à utiliser aucun autre téléphone cellulaire ou fixe, sauf dans les cas d’urgence où il ne peut raisonnablement accéder à son téléphone cellulaire ou fixe. Il n’est pas autorisé à accéder à Internet aux fins d’emploi. M. Harkat doit rendre compte à l’ASFC une fois toutes les deux (2) semaines et, dans la mesure où il souhaite voyager à l’extérieur de la Région de la capitale nationale (RCN), il doit demeurer au Canada et se présenter à l’ASFC par téléphone une fois par jour. S’il quitte la ville où il se trouve après s’être présenté à l’ASFC, il doit de nouveau faire une déclaration par téléphone de la dernière ville où il se trouve ce jour-là. Il est également tenu de fournir à l’ASFC un avis écrit d’au moins cinq (5) jours ouvrables complets d’un tel voyage, y compris son itinéraire.

[11] En examinant les observations des parties, j’ai noté que les « conditions actuelles de mise en liberté » énumérées à l’annexe I du mémoire de M. Harkat ne sont pas les modalités et conditions les plus récentes. Il semble que les conditions énumérées sont celles qui découlent de l’ordonnance en date du 16 janvier 2015, après que le juge Simon Noël de la Cour eut rendu ses motifs le 31 octobre 2014 (Harkat c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 1034). Les modalités et conditions de la mise en liberté ont par la suite été modifiées d’un commun accord entre les parties par ordonnance en date du 27 mai 2015. Les modalités et les conditions sont, pour la plupart, identiques sauf en ce qui concerne l’utilisation d’une carte SIM. Les détails des conditions actuelles de mise en liberté de M. Harkat sont énoncés à l’annexe « A » jointe aux présents motifs.

[12] De plus, M. Harkat a été avisé qu’un avis de danger est en cours d’examen, ce qui pourrait entraîner son expulsion du Canada.

III. Changements proposés

[13] Dans son dossier de demande, M. Harkat demande un certain nombre de changements aux modalités et conditions de sa mise en liberté, y compris :

  1. l’annulation du cautionnement de 35 000 $ versé au tribunal conformément à l’article 149 des Règles des Cours fédérales, DORS 98-106 (les Règles) lors de la mise en liberté de M. Harkat (condition 2 de l’ordonnance datée du 27 mai 2015);

  2. la réduction de la valeur des cautionnements de bonne exécution convenus par deux (2) de ses cautions (condition 3);

  3. l’autorisation de posséder un téléphone cellulaire avec carte SIM et connexion Internet (condition 4);

  4. l’autorisation de posséder et d’utiliser un téléphone cellulaire aux fins de recherche d’emploi (condition 4);

  5. l’autorisation de posséder et d’utiliser un ordinateur portable ou une tablette avec une connexion Internet à l’intérieur et à l’extérieur de la maison (condition 7);

  6. une disposition selon laquelle l’ASFC ne peut accéder aux ordinateurs de M. Harkat sans préavis qu’avec l’approbation d’un juge désigné et seulement si l’ASFC a des raisons valables de croire que M. Harkat ne se conforme pas aux modalités et conditions de sa mise en liberté ou parce que cela est nécessaire pour veiller à la protection de la sécurité nationale ou à la sécurité d’une personne (condition 7);

  7. l’autorisation de posséder et d’utiliser un ordinateur (ordinateur de bureau, tablette ou ordinateur portable) à des fins professionnelles (condition 7);

  8. l’annulation de la condition qui prévoit que l’épouse de M. Harkat ne peut accéder à de la technologie informatique qu’à la condition qu’elle ne permette pas à M. Harkat d’y avoir accès (condition 8);

  9. l’annulation de la condition selon laquelle d’autres personnes ne peuvent occuper la résidence de M. Harkat sans l’approbation de l’ASFC (condition 10);

  10. l’autorisation de faire rapport à l’ASFC par téléphone au moyen de la vérification vocale une fois par mois et, si ce n’est pas possible, que cette exigence de se présenter soit fixée à une fois tous les trois (3) mois plutôt qu’une fois toutes les deux (2) semaines (condition 11);

  11. l’autorisation de voyager n’importe où au Canada sans avoir à donner d’avis et à faire rapport à l’ASFC (condition 12);

  12. l’exigence que, pour accéder à la résidence de M. Harkat, l’ASFC démontre à un juge désigné qu’il a des motifs valables de croire que M. Harkat ne respecte pas les modalités et conditions de sa mise en liberté ou parce que cela est nécessaire pour assurer la protection de la sécurité nationale ou la sécurité de toute personne (condition 14);

  13. l’autorisation de ne pas comparaître à toutes les audiences et procédures de la Cour aux termes de la LIPR si sa présence n’est pas requise (condition 17).

IV. Éléments de preuve

[14] Pour appuyer sa demande, M. Harkat invoque les déclarations sous serment de son épouse, Sophie Harkat, de sa belle-mère, Pierrette Brunette, de son partenaire, Philippe Parent et de trois (3) autres cautions.

[15] Dans sa déclaration sous serment, Mme Harkat indique que même si elle se rend compte que le certificat de sécurité a été jugé raisonnable, elle estime que le processus était injuste et qu’elle croit que son mari est innocent et non un terroriste ou une menace pour quiconque. Elle décrit son mari comme une personne [traduction] « gentille, douce, patiente, très travaillante, intelligente et extrêmement drôle ». Elle décrit également la douleur, le stress et la difficulté de vivre sous un régime de certificats de sécurité. En particulier, il a été difficile pour son mari de trouver un emploi compte tenu des restrictions qui découlent des modalités et des conditions de sa mise en liberté, comme l’incapacité d’utiliser la technologie au travail et son calendrier de déclaration à l’ASFC. Par ailleurs, elle affirme que les agents de l’ASFC qui les surveillent ne sont pas discrets. Par exemple, lors d’un voyage à Brockville le jour de son anniversaire en septembre 2016, les agents de l’ASFC les ont suivis pendant les dix (10) heures du voyage, malgré la présence de trois (3) des cautions de M. Harkat. De plus, lorsque les agents de l’ASFC viennent chercher l’ordinateur de son mari, il y a au moins trois (3) agents en gilet pare-balles, portant une arme à feu à la taille et qui garent leurs véhicules sombres devant la maison. Cela soulève des questions chez leurs voisins et suscite beaucoup d’attention négative. Enfin, Mme Harkat affirme qu’elle et son mari ont été extrêmement vigilants quant au respect des conditions de sa mise en liberté et demandent que les conditions soient assouplies afin que leurs vies puissent être normalisées.

[16] Mme Brunette déclare que M. Harkat s’est bien intégré dans la famille et qu’il a de bonnes relations avec les enfants et, en particulier, avec sa nièce. Elle indique également que les conditions de mise en liberté de M. Harkat ont rendu la vie « intolérable » pour sa fille et son mari. Elle se plaint de la surveillance exercée par l’ASFC et, comme sa fille, donne l’exemple de leur voyage à Brockville, en Ontario en 2016. Selon Mme Brunette, M. Harkat a fait preuve d’un comportement exemplaire en respectant les conditions strictes qui lui ont été imposées. Elle affirme que les conditions actuelles de mise en liberté ont rendu difficile la recherche d’emploi de M. Harkat et qu’il doit pouvoir utiliser un téléphone cellulaire. Elle ajoute que la santé de sa fille est précaire et qu’elle doit pouvoir rejoindre son mari en tout temps. Finalement, elle confirme qu’elle est toujours prête à agir à titre de caution pour M. Harkat.

[17] M. Parent déclare qu’il connaît M. Harkat depuis plus de neuf (9) ans. M. Harkat et sa femme louent actuellement sa propriété à Ottawa. M. Parent est d’avis qu’il n’est pas nécessaire que M. Harkat soit surveillé par l’ASFC lorsqu’il voyage avec l’une de ses cautions. Il indique qu’il devient de plus en plus difficile de trouver un téléphone public ou un téléphone fixe pour que M. Harkat puisse faire son rapport journalier requis à l’ASFC. Il demande à la Cour d’assouplir les conditions de mise en liberté de M. Harkat afin qu’il soit plus facile pour tous de sortir de la ville. Comme Mme Harkat et sa mère, il aimerait également que les conditions de mise en liberté soient assouplies afin que M. Harkat puisse trouver un emploi. Il croit également que M. Harkat doit être en mesure d’utiliser un téléphone cellulaire pour que Mme Harkat puisse le joindre en tout temps, compte tenu de son état de santé. Enfin, il confirme sa volonté constante d’agir comme caution pour M. Harkat.

[18] Trois (3) autres cautions de M. Harkat, Jessica Squires, Leonard Bush et Kevin Skerrett ont également fourni des déclarations sous serment en faveur de l’assouplissement des conditions de M. Harkat, particulièrement en ce qui concerne l’utilisation d’ordinateurs ou d’autres appareils de communication aux fins de recherche d’emploi. Ils restent engagés à agir comme cautions pour M. Harkat.

[19] En plus de se fonder sur les déclarations sous serment qui précèdent, M. Harkat a fourni de nombreuses lettres d’amis, d’avocats et de membres du public. Ces lettres de soutien ont été envoyées au MSPPC en janvier 2016 après le lancement de la procédure de délivrance de l’avis de danger. Ils soutiennent que M. Harkat a toujours respecté les modalités et les conditions de sa mise en liberté et devrait être autorisé à demeurer au Canada.

[20] M. Harkat s’appuie également sur un avis psychiatrique en date du 15 janvier 2016 et sur une lettre de suivi en date du 4 août 2017, préparés par le Dr Colin Cameron, MDCN, FRCPC, directeur clinique du Programme intégré de psychiatrie légale des Services de santé Royal Ottawa. L’évaluation médicale de 2016 est à l’intention du MSPPC et a été préparée dans le but de fournir une assistance au MSPPC pour déterminer si M. Harkat devrait bénéficier d’une exemption ministérielle quant à son inadmissibilité. Elle comprend une opinion psychiatrique sur la santé mentale de M. Harkat, son profil psychologique et le risque qu’il pourrait représenter pour la société canadienne en ce qui a trait à la violence ou à d’autres comportements antisociaux.

[21] Dr Cameron explique qu’il a évalué M. Harkat en se fondant sur un certain nombre de tests médicolégaux qui mesurent la possibilité d’une inconduite future. Tout en reconnaissant l’absence d’outils conçus pour évaluer précisément le risque de s’engager ou de soutenir activement des actes ou des activités terroristes, il est d’avis que les outils utilisés pour évaluer le risque peuvent néanmoins être utilisés. Selon l’évaluation du Dr Cameron, fondée sur les résultats de ces tests et sur plus de cent heures passées avec M. Harkat, M. Harkat n’a aucune tendance psychopathique identifiable et est considéré comme représentant un très faible risque quant à la violence ou au crime en général. Il conclut que les seuls éléments de risque signalés dans les évaluations étaient ceux associés à la situation juridique de M. Harkat, à ses problèmes d’emploi et de santé mentale ainsi qu’à son incarcération antérieure. Il est également d’avis qu’il est extrêmement improbable que M. Harkat se livre à des activités terroristes ou soutienne le terrorisme et que le statu quo demeure très préjudiciable à la santé mentale de M. Harkat et l’empêche de devenir un membre productif de la société.

[22] Enfin, le dossier de demande de M. Harkat contient également quatre (4) évaluations des risques expurgées préparées par la Division de l’évaluation des risques et de l’analyse du renseignement, Direction du renseignement de l’ASFC (mai 2009, janvier 2012, septembre 2014 et octobre 2016), des reportages récents en ce qui concerne une poursuite de 35 millions de dollars intentée par cinq (5) employés du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS), une correspondance entre l’avocat de M. Harkat et l’ASFC et une copie d’un résumé public de l’évaluation de la menace du 23 septembre 2009 effectuée par le SCRS concernant M. Harkat.

[23] À l’appui de leur réponse, les ministres ont déposé un affidavit du gestionnaire intérimaire de l’application de la loi pour la région du Nord de l’Ontario de l’ASFC, Michel Renaud. Il affirme que son rôle est de s’assurer que M. Harkat respecte toutes ses conditions de mise en liberté en affectant des agents pour le surveiller. Il indique en outre que le suivi des conditions de M. Harkat s’est déroulé sans heurts depuis son dernier examen en octobre 2014 et qu’il n’y a pas eu de violation des conditions. La dernière évaluation des risques de l’ASFC a été achevée en 2016 et conclut que les risques sont neutralisés par la conformité de M. Harkat aux modalités et conditions existantes. Cependant, des préoccupations subsistent quant aux risques de non-conformité si le degré de surveillance est assoupli, car M. Harkat aura plus de possibilités de se livrer à des activités non conformes. M. Renaud explique que la procédure de délivrance de l’avis de danger est en cours. Le 28 août 2015, M. Harkat a reçu un avis modifié d’intention de demander la délivrance d’un avis de danger aux termes de l’alinéa 115(2)b) de la LIPR et, le 31 mars 2017, son cas a été confié à un décideur principal pour examen.

[24] Bien qu’il n’y ait eu aucune violation depuis le dernier examen de M. Harkat, l’ASFC continue d’avoir un certain nombre de préoccupations concernant l’utilisation de la technologie informatique par M. Harkat. Par exemple, selon les conditions actuelles de mise en liberté, M. Harkat est tenu de rendre son ordinateur disponible aux fins d’inspection à l’ASFC, à un moment qui sera déterminé par l’ASFC sans préavis. Les conditions comprennent également que Mme Harkat puisse avoir accès à toute technologie de communication dont elle a besoin à la condition qu’elle ne permette pas à M. Harkat d’y avoir accès. En septembre 2016, lorsque les agents de l’ASFC se sont rendus au domicile de M. Harkat pour aller chercher son ordinateur aux fins d’inspection, les agents ont noté la proximité de l’ordinateur de M. Harkat avec l’ordinateur de Mme Harkat. Il y a eu aussi une confusion quant à une clé USB donnée à l’ASFC. Plus tard, en août 2017, les agents de l’ASFC ont noté que le moniteur de Mme Harkat était laissé sans surveillance alors qu’il était ouvert sur une page Facebook. En même temps, le moniteur de M. Harkat n’était pas allumé et son clavier et sa souris étaient absents. Le même mois, les agents de l’ASFC ont noté que M. Harkat avait obtenu un disque à circuits intégrés pour son ordinateur, ce qui soulève des préoccupations quant à la valeur probante des données reproduites aux fins d’inspection. De plus, l’utilisation d’une tablette ne semble pas réalisable à l’heure actuelle étant donné que l’ASFC a les mêmes préoccupations concernant la connexion Internet avec une tablette qu’avec un téléphone cellulaire.

[25] En ce qui concerne l’utilisation de la technologie à des fins professionnelles, M. Renaud indique qu’il est informé que M. Harkat a sérieusement envisagé ou postulé trois (3) emplois potentiels : messager, brigadier et gardien d’église. L’ASFC a avisé M. Harkat en septembre 2015 que s’il acceptait un poste au service de messagerie, il contreviendrait peut-être aux conditions 4g) (utilisation d’un téléphone cellulaire autre que le sien), 12 (avis de voyage à l’extérieur de la RCN), et 18 (possession d’armes, de substances nocives ou d’explosifs) de l’ordonnance en date du 27 mai 2015. L’ASFC n’avait aucune préoccupation concernant le poste de brigadier, mais ne sait pas pourquoi M. Harkat n’a pas accepté le poste. En ce qui concerne l’emploi actuel de M. Harkat à titre de gardien d’église, des dispositions ont été prises pour contourner l’obligation pour M. Harkat d’avoir accès à un téléphone cellulaire aux fins de son emploi. M. Renaud affirme que l’ASFC est d’avis qu’elle peut permettre à M. Harkat d’utiliser un ordinateur aux fins d’emploi sur son lieu de travail, sous réserve de plus amples renseignements concernant l’ordinateur qui serait utilisé et l’étendue de la surveillance interne des ordinateurs de travail par l’employeur.

[26] En ce qui concerne la déclaration, M. Renaud indique que les rapports téléphoniques ne sont pas disponibles dans la RCN. L’ASFC serait disposée à faire preuve de souplesse en permettant à M. Harkat de changer la date de son rapport, pourvu qu’il donne un avis de quarante-huit (48) heures à l’ASFC. L’ASFC est également disposée à réduire les rapports en personne à une fois par mois.

[27] M. Renaud reconnaît qu’il a été l’un des agents chargés de surveiller M. Harkat avec d’autres agents de l’ASFC. La surveillance est effectuée régulièrement, mais la fréquence et la durée varient. Il affirme qu’il est nécessaire de surveiller de temps à autre les déplacements de M. Harkat pour s’assurer du respect de ses modalités et conditions de mise en liberté. Les policiers essaient d’être discrets, mais ils doivent porter leur équipement de protection et ils peuvent utiliser un nombre limité de véhicules. L’ASFC reconnaît qu’il y a eu des activités de surveillance à l’extérieur de la RCN pendant les récents voyages de M. et Mme Harkat au chalet à l’été 2017 et aux funérailles de la grand-mère de Mme Harkat en novembre 2016. Il ajoute cependant que l’ASFC a accepté de revoir son processus de surveillance afin de s’assurer qu’un juste équilibre est maintenu entre les risques posés par M. Harkat et le fait de s’assurer que les modalités et les conditions sont respectées.

[28] M. Renaud discute ensuite de l’utilisation d’un téléphone cellulaire par M. Harkat. Il indique que bien qu’il soit autorisé à en utiliser un avec des conditions particulières, M. Harkat n’a pas cherché à en obtenir un en raison des coûts. Il ajoute que l’ASFC continue de s’inquiéter de sa capacité de surveiller un téléphone cellulaire et ajoute que l’ASFC devrait inspecter périodiquement un tel téléphone dans ses locaux pour s’assurer du respect des autres modalités et conditions. Étant donné que les téléphones cellulaires ont une plus faible capacité de transmission de données que les ordinateurs personnels, les données supprimées sont plus susceptibles d’être écrasées par le système d’exploitation du téléphone de façon régulière. La capacité d’examiner l’utilisation d’Internet sur un téléphone cellulaire est également plus limitée que celle d’examiner l’utilisation d’Internet sur un ordinateur personnel.

[29] En plus des déclarations assermentées et des éléments de preuve documentaires déposés par les parties, la Cour a également entendu le témoignage d’un certain nombre de témoins. Mme Harkat, M. Parent, M. Cameron et M. Renaud ont témoigné et, pour la plupart, leur témoignage était conforme à leurs déclarations écrites. La Cour a également entendu Mme Elizabeth Whitmore au sujet du respect par M. Harkat de ses conditions. Elle a témoigné qu’elle appelle M. Harkat quatre (4) ou cinq (5) fois par année pour qu’il vienne effectuer des réparations chez lui. À un moment donné, il lui a indiqué qu’il ne pouvait pas réparer son ordinateur portable, car il ne pouvait pas toucher à l’ordinateur portable ou y effectuer quoi que ce soit.

[30] La Cour a également entendu M. Harkat. Au début de l’audience, les ministres ont demandé un ajournement de l’audience au motif que l’avocate de M. Harkat avait seulement indiqué qu’elle avait l’intention de convoquer M. Harkat comme témoin la veille de l’audience. L’avocat des ministres a soutenu que même si M. Harkat avait le droit incontestable de témoigner dans le cadre de la présente instance, M. Harkat n’avait pas présenté d’affidavit. L’avocat a soutenu qu’il serait injuste de procéder puisqu’il n’était pas prêt à contre-interroger M. Harkat. L’avocate de M. Harkat a répondu qu’elle n’avait pas déposé d’affidavits à l’appui dans d’autres affaires semblables concernant l’examen de conditions de mise en liberté. Elle a informé la Cour que M. Harkat avait l’intention de témoigner de son respect des conditions et de l’incidence de ces conditions sur lui et sa femme. Après avoir entendu les deux avocats, j’ai informé les parties que je n’accorderais pas un ajournement, car ce serait un gaspillage de temps et de ressources judiciaires. Compte tenu de la participation de longue date des avocats des ministres dans l’affaire de M. Harkat et compte tenu de la nature du témoignage que M. Harkat avait l’intention de livrer, j’ai présenté deux (2) solutions à l’avocate. La première option consistait à faire témoigner M. Harkat ce matin-là et à être contre-interrogé le lendemain. La deuxième option consistait à demander à l’avocate de M. Harkat de faire une déclaration aux avocats des ministres avant la fin de la matinée et de faire témoigner M. Harkat le lendemain, dans le cadre de l’interrogatoire principal et du contre-interrogatoire. La première solution a été retenue.

[31] M. Harkat a témoigné que ses conditions actuelles de mise en liberté rendent difficile sa possibilité d’obtenir un emploi puisqu’il doit pouvoir utiliser un ordinateur au travail ainsi qu’un téléphone cellulaire. Il a parlé des endroits où il a cherché un emploi et a expliqué que même s’il est censé avoir un téléphone cellulaire dans son emploi actuel, son employeur l’a accommodé en lui permettant d’utiliser un talkie-walkie. Il a également témoigné qu’il n’a pas cherché d’emploi au cours des deux (2) dernières années pour des raisons médicales.

[32] Il a témoigné au sujet des difficultés liées au fait de devoir se présenter une fois par jour au téléphone lorsqu’il voyage et a donné l’exemple du moment où lui et sa femme ont visité le chalet de sa belle-sœur. Parce qu’il doit appeler à partir d’une ligne fixe, il a dû se rendre en ville pour téléphoner depuis un téléphone public, car il n’y avait pas de téléphone au chalet et il n’a pas le droit d’utiliser le téléphone cellulaire de quelqu’un d’autre. Pendant tout ce temps, les agents de l’ASFC étaient déjà au chalet pour le surveiller. En ce qui concerne la surveillance, M. Harkat a témoigné qu’au cours des deux (2) dernières années, l’ASFC a effectué sa surveillance tous les dimanches.

[33] M. Harkat a également répondu aux préoccupations de l’ASFC concernant l’emplacement des ordinateurs. Il a indiqué que, même si son ordinateur se trouvait au même endroit depuis novembre 2013, l’ASFC n’a jamais soulevé la question, même si elle est venue chez lui à plusieurs reprises pour prendre l’ordinateur en vue de l’inspection. Selon M. Harkat, l’ASFC a inspecté son ordinateur peut-être trois (3) fois au cours des deux (2) dernières années. Quant à la souris et au clavier manquants, M. Harkat a expliqué qu’ils étaient dans sa chambre parce qu’il utilise la télévision comme moniteur de l’ordinateur. Il a également témoigné au sujet du moniteur non surveillé de sa femme. Il a expliqué que la dernière fois que l’ASFC est arrivée sans préavis un matin chez lui, sa femme était à l’ordinateur. Lorsque les hommes sont arrivés, il a prévenu sa femme que l’ASFC était là pour perquisitionner l’ordinateur. Comme elle n’était pas habillée, elle a quitté la pièce et s’est rendue à la salle de bains sans éteindre l’ordinateur.

[34] En ce qui concerne le disque à circuits intégrés installé dans son ordinateur, M. Harkat a témoigné que lorsque son ordinateur a cessé de fonctionner après avoir été inspecté par l’ASFC, l’ASFC lui a dit de faire réparer le disque dur dans un magasin local et qu’elle paierait pour les réparations. L’ASFC a obtenu le reçu et n’a pas discuté de la question avec lui.

[35] M. Harkat croit également que l’ASFC vérifie ses courriels à distance, étant donné qu’il est tenu, conformément aux modalités et conditions de sa communication, de fournir à l’ASFC ses mots de passe. Alors qu’il aimerait avoir accès à une tablette, il ne veut pas de téléphone cellulaire pour un usage personnel en raison des problèmes d’itinérance et de l’interprétation possible qu’il serait en violation de ses conditions.

[36] M. Harkat a également témoigné au sujet de la façon dont les conditions ont nui à ses relations avec les autres. Il a indiqué qu’il préférerait que l’ASFC ne se présente pas chez lui parce que les gens posent des questions.

[37] Enfin, M. Harkat a témoigné qu’il ne dispose d’aucune information concernant les personnes avec lesquelles il a été jugé associé dans la décision sur le caractère raisonnable du certificat et qu’il ne sait pas combien de temps son dossier demeurera entre les mains du MSPPC. Il fera ce que le Canada lui demande.

V. Le cadre législatif

[38] Aux fins du présent réexamen, j’accepte le cadre juridique établi par mon prédécesseur dans la décision Harkat c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 1034, au paragraphe 7, et Harkat c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 795, aux paragraphes 25 à 27 (voir aussi l’arrêt Charkaoui no 1, aux paragraphes 108 et à109, et 119). Je dois déterminer si la mise en liberté de M. Harkat constitue un danger pour la sécurité du Canada et, dans l’affirmative, si elle peut être neutralisée par l’imposition de modalités et de conditions.

[39] Dans le cadre de cet exercice, je pourrais examiner la liste non exhaustive de facteurs suivante :

  • a) l’appréciation par la Cour du danger pour la sécurité du Canada associé à M. Harkat, à la lumière des éléments de preuve présentés;

  • b) les décisions antérieures relatives au danger et l’historique des procédures, à savoir les contrôles de la détention, la mise en liberté sous conditions et les décisions déjà rendues;

  • c) le cas échéant, la décision relative au caractère raisonnable du certificat;

  • d) l’incertitude quant à la fin éventuelle des procédures;

  • e) les éléments de confiance et de crédibilité touchant le comportement de M. Harkat après sa mise en liberté selon des modalités et conditions et son respect de celles-ci;

  • f) le passage du temps;

  • g) l’incidence des conditions de mise en liberté sur M. Harkat et sur sa famille et la proportionnalité entre le danger que constitue le demandeur et les conditions de sa mise en liberté.

(Harkat c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 795, au paragraphe 26, Charkaoui no 1, aux paragraphes 108 et 109).

[40] Il incombe aux ministres d’établir, selon la norme des « motifs raisonnables de croire », qu’il est nécessaire de maintenir des conditions rigoureuses de mise en liberté (Mahjoub (Re), 2013 CF 10, au paragraphe 14). Les ministres doivent déterminer les modalités et conditions et démontrer qu’elles sont proportionnelles au danger (Harkat c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 795, au paragraphe 27, Harkat c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 1034, au paragraphe 7).

[41] Je propose maintenant d’examiner chacun de ces facteurs.

A. L’évaluation de la menace posée par M. Harkat à la sécurité du Canada à la lumière de l’ensemble des éléments de preuve présentés

[42] Tel que nous l’avons indiqué ci-dessus, il incombe aux ministres d’établir que M. Harkat représente un danger pour la sécurité nationale ou la sécurité des personnes. Ils doivent démontrer que la menace est grave, en ce sens qu’elle repose sur des soupçons objectivement raisonnables étayés par la preuve et que le danger appréhendé est sérieux, et non pas négligeable (Suresh c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CSC 1, au paragraphe 90; Mahjoub (Re), 2017 CF 603, au paragraphe 49).

[43] Les ministres reconnaissent que le niveau de danger que M. Harkat représente pour la sécurité du Canada a diminué au fil des ans. Toutefois, ils soutiennent que le danger ne s’est pas évanoui et que les conclusions contenues dans la décision n’ont pas confirmé le certificat de sécurité. La Cour a conclu que même si le danger associé à M. Harkat avait diminué au fil du temps, il représentait toujours un danger pour la sécurité du Canada (Harkat (Re), 2010 CF 1241, aux paragraphes 13, 545). Les ministres font valoir que les conditions actuelles restent nécessaires pour neutraliser ce danger.

[44] Les ministres se fondent également sur une évaluation des risques préparée par l’ASFC en 2016, laquelle indique que le degré de risque associé à la non-conformité des modalités et conditions est jugé [traduction] « moyen à moyen-faible ». Cette évaluation est basée sur l’hypothèse que les modalités actuelles sont en place.

[45] M. Harkat, d’un autre côté, soutient qu’il n’y a aucune preuve à l’heure actuelle démontrant qu’il constitue un danger pour le Canada ou pour la sécurité de quiconque. Il soutient que la preuve du danger est désuète et ne peut raisonnablement être invoquée. La dernière évaluation des menaces menée par le SCRS remonte à 2009 et n’a révélé aucune nouvelle information sur son implication dans des activités pouvant constituer une menace. De plus, l’évaluation était fondée sur des renseignements antérieurs à sa détention en 2002. Quant à l’évaluation des risques de l’ASFC sur laquelle les ministres s’appuient, elle ne tient pas compte de la menace qu’il représente, mais plutôt du risque de non-respect des modalités et conditions imposées par le tribunal. M. Harkat ajoute que l’ASFC n’a relevé aucun manquement réel depuis 2008.

[46] Pour appuyer l’argument selon lequel il ne représente pas un danger, M. Harkat s’appuie sur les lettres de plaidoyer contenues dans son dossier, lettres dans lesquelles les auteurs disent qu’ils ne croient pas qu’il se livrerait à des actes de violence ou qu’il contribuerait à nuire à autrui et sur les conclusions établies par le Dr Cameron dans son rapport en date du 15 janvier 2016.

[47] Dans leurs observations écrites, les ministres soutiennent que le rapport de M. Cameron ne peut être admis en preuve au motif qu’il n’est pas conforme aux Règles de la Cour pour avoir déposé et utilisé la preuve d’expert. Cependant, ils ont concédé à l’audience que le rapport du Dr Cameron pouvait être admis aux termes de l’article 52.3 des Règles, ce qui crée une exception lorsque l’expert est le professionnel médical traitant et que sa preuve est limitée aux sujets énumérés dans ledit article.

[48] Les ministres soutiennent également que je dois accorder moins de poids au témoignage du Dr Cameron dans la mesure où son opinion tient compte des questions ultimes que je dois trancher (R c Mohan, [1994] 2 RCS 9, aux paragraphes 21 et 24 (QL)) et préconise généralement la thèse de M. Harkat.

[49] J’ai examiné le rapport et le témoignage du Dr Cameron. Bien que je sache qu’il connaît M. Harkat depuis longtemps et que son avis psychiatrique sur la santé mentale de M. Harkat mérite d’être souligné, je suis préoccupée par le fait que la frontière entre le plaidoyer et l’expertise soit floue. Lorsqu’il a été confronté en contre-interrogatoire à un certain nombre de contradictions entre les conclusions de la Cour dans la décision de 2010 sur le caractère raisonnable du certificat de sécurité et la version de M. Harkat des événements sur laquelle reposait l’évaluation, le Dr Cameron a tenté à plusieurs reprises d’établir une distinction entre les conclusions de la Cour avec un nombre d’explications, y compris [traduction] « à l’époque, de 1990 à 1995, les talibans étaient nos amis » (transcription, page 211), [traduction] « le soutien du terrorisme par une personne est le combat de la liberté d’une autre personne » (transcription, page 218) et [traduction] « dans les années 1990, les talibans étaient nos amis » (transcription, page 219). Ce faisant, le Dr Cameron m’a laissé l’impression qu’il plaidait pour le compte de M. Harkat au lieu de fournir une preuve neutre sur laquelle je pouvais tirer mes conclusions. Étant donné que l’opinion écrite du Dr Cameron a été préparée dans le but de persuader le MSPPC d’accorder à M. Harkat une exemption ministérielle et qu’il accepte comme éléments de fait l’histoire de M. Harkat malgré les conclusions contraires de la Cour, je vais donner à cette opinion un poids limité concernant les risques associés à M. Harkat.

[50] Sur la foi de la preuve dont je suis saisie, je conclus, comme mon prédécesseur, que le danger que représente M. Harkat se situe à l’extrémité inférieure du spectre (Harkat c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 1034, aux paragraphes 9 et 10; Harkat (Re), 2009 CF 1008, au paragraphe 20; Harkat c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 795, aux paragraphes 24, 28 et 31).

[51] Je suis consciente du fait que les ministres n’ont pas présenté de nouveaux éléments de preuve concernant le niveau de danger que représentait M. Harkat. L’absence d’une telle preuve penche clairement en faveur de M. Harkat. Cela étant dit, je ne peux pas totalement écarter les conclusions contenues dans la décision confirmant le certificat de sécurité et les décisions antérieures de contrôle des conditions. Bien que le passage du temps ainsi que la conformité globale de M. Harkat aux conditions de mise en liberté aient considérablement atténué le niveau de danger qu’il pose, je constate qu’il subsiste un danger même si je ne sais pas si l’efficacité des conditions de mise en liberté est responsable de la menace réduite ou si M. Harkat a vraiment tourné une nouvelle page et abandonné ses idéologies passées.

B. Décisions antérieures relatives au danger, historique des procédures relatives aux contrôles des motifs de détention, remise en liberté assortie de conditions

[52] Il n’est pas nécessaire que j’explique davantage ce facteur et je me fonde sur les décisions antérieures de la Cour. Dans l’ensemble, les modalités et les conditions de mise en liberté ont évolué proportionnellement au danger associé à M. Harkat, qui a démontré un comportement conforme tout au long des années depuis sa mise en liberté en 2006. Cela penche également en faveur de M. Harkat.

C. La décision relative au caractère raisonnable du certificat, le cas échéant;

[53] Dans la décision confirmant le caractère raisonnable du certificat de sécurité (Harkat (Re), 2010 CF 1241), la Cour conclut ceci :

[548] Ayant examiné en profondeur la preuve produite lors des audiences publiques et à huis clos et l’ayant appréciée selon la prépondérance des probabilités, je conclus que la thèse des ministres à l’égard de la quasi-totalité des allégations formulées contre M. Harkat doit être retenue. Je conclus que M. Harkat a pris part à des activités terroristes, qu’il constitue un danger pour la sécurité du Canada et qu’il est un membre du réseau Ben Laden en raison de ses activités passées pour le groupe Khattab et de son association avec des terroristes ou des extrémistes islamistes connus, tels que A. Khadr et Al Shehre. Compte tenu du cadre juridique fixé par la LIPR et des définitions contenues dans ces motifs, la Cour conclut que ces conclusions factuelles lient M. Harkat aux motifs définis par les alinéas 34(1)(c), (d) et (f) de la LIPR. Par conséquent, je conclus que le certificat de sécurité délivré contre M. Harkat sur le fondement de ces trois motifs est raisonnable.

[54] Je note que cette décision a finalement été confirmée par la Cour suprême du Canada.

[55] Bien qu’ils ne soient pas déterminants, les motifs pour lesquels la Cour a conclu que le certificat de sécurité était raisonnable sont parmi les motifs d’irrecevabilité les plus graves. Ce facteur pèse contre M. Harkat.

D. L’incertitude quant à la fin éventuelle des procédures

[56] Se fondant sur l’arrêt Charkaoui no 1, notre Cour a conclu, dans la décision Harkat c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 795, au paragraphe 39, que la durée incertaine de la procédure favorise une approche ouverte quant à l’assouplissement des conditions de mise en liberté.

[57] Il ressort de la preuve, du moins à moyen terme, que l’avenir de M. Harkat est incertain.

[58] Même si la décision sur le caractère raisonnable du certificat de sécurité est devenue définitive lorsqu’elle a été confirmée par la Cour suprême du Canada en 2014, le processus de renvoi demeure en suspens. L’ASFC a demandé la délivrance d’un avis de danger aux termes de l’alinéa 115(2)b) de la LIPR selon lequel le représentant du MSPPC déterminera si M. Harkat constitue un danger pour la sécurité nationale ou si la nature et la gravité des actes commis atteignent un niveau sérieux de gravité et, le cas échéant, si le risque pour M. Harkat de l’expulser l’emporte sur le danger. Le dossier relatif à la délivrance de l’avis de danger contenant les observations de M. Harkat a été fourni à Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada en vue d’une décision le 8 mars 2017, et un cadre supérieur a été affecté à l’affaire le 31 mars 2017 pour examen. Bien que le processus de délivrance d’un avis de danger dure habituellement entre dix-huit (18) et vingt-quatre (24) mois, M. Renaud croit que cela pourrait être plus long dans le cas de M. Harkat étant donné la complexité de son dossier. De plus, si M. Harkat échoue dans le processus d’avis de danger, il est prévisible qu’il soit susceptible de demander le contrôle judiciaire de toute décision future, prolongeant ainsi l’incertitude quant à la finalité de la procédure.

E. Les éléments de confiance et de crédibilité touchant le comportement du demandeur après sa mise en liberté sous conditions et son respect de celles-ci

[59] Dans la décision Harkat c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 795, la Cour a déclaré que les éléments de fiabilité et de crédibilité sont des facteurs essentiels pour examiner la pertinence des modalités et des conditions de mise en liberté. La Cour a noté que depuis 2009, M. Harkat a respecté toutes les conditions et modalités de sa mise en liberté et qu’il n’y a pas eu de problèmes.

[60] Selon la déclaration sous serment de M. Renaud, cela continue d’être le cas (voir le paragraphe 3 de sa déclaration sous serment), améliorant ainsi le niveau de confiance de la Cour à l’égard de M. Harkat.

F. Le passage du temps

[61] La plus récente évaluation des menaces du SCRS a été préparée en 2009 et les ministres n’ont présenté aucun élément de preuve démontrant que M. Harkat a participé à des activités pouvant constituer une menace depuis ce temps. De plus, M. Harkat s’est conformé aux conditions de sa mise en liberté depuis sa mise en liberté en 2006.

[62] Le passage du temps, à l’heure actuelle, favorise l’assouplissement des conditions.

G. L’incidence des conditions de mise en liberté sur M. Harkat et sur sa famille et la proportionnalité entre le danger que constitue le demandeur et les conditions de sa mise en liberté

[63] Les conditions de mise en liberté doivent être proportionnelles et servir à neutraliser la menace que représente M. Harkat (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Mahjoub, 2009 CF 248, au paragraphe 65).

[64] M. Harkat soutient que les conditions sont excessives et que la surveillance de l’ASFC est intrusive et dure. Ces conditions ont créé des tensions et des tensions entre les conjoints, leur causant des problèmes médicaux au fil des ans. Il estime également que les conditions qui lui interdisent d’avoir accès à tout moyen de communication rendent impossible la recherche d’un emploi. Les conditions ont également eu une incidence sur sa relation avec sa femme, sa famille et ses amis.

[65] À l’audience, les ministres ont concédé que les conditions avaient une incidence importante sur la vie de M. Harkat et de son entourage. Cependant, ils soutiennent que les conditions sont proportionnelles à la menace posée par M. Harkat. L’absence de nouveaux éléments de preuve d’une activité constituant une menace ne signifie pas que la justification initiale de l’imposition de conditions n’existe plus. De plus, l’absence de tout incident lié à des violations des conditions générales est une indication que les conditions fonctionnent efficacement et servent à atténuer le risque posé par M. Harkat.

[66] Selon la preuve déposée, il ne fait aucun doute que les conditions imposées par la Cour ont eu une incidence sur la vie de M. Harkat, de sa famille et de ses amis. Alors qu’elles ont été assouplies au fil des ans, les conditions restent intrusives et restreignent sérieusement leur capacité à vivre librement.

VI. Contrôle des conditions

[67] Après avoir examiné toutes les conditions existantes, je suis arrivée à la conclusion qu’elles sont disproportionnées par rapport au danger que représente M. Harkat et qu’elles devraient être atténuées. Je propose maintenant d’examiner les changements et les clarifications proposés par les parties.

A. Cautionnement en espèces de 35 000 $

[68] M. Harkat demande que le cautionnement en espèces de 35 000 $ déposé auprès de la Cour pour obtenir sa mise en liberté en 2006 soit annulé et retourné. À l’appui de sa demande, il invoque le jugement rendu par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt R c Antic, 2017 CSC 27 [Antic], qui a conclu que lorsqu’une condition pécuniaire de libération est nécessaire lors de l’examen de la mise en liberté sous caution et qu’un engagement personnel satisfaisant ou un engagement assorti de cautions peut être obtenu, le juge saisi de la demande de révision ne peut pas imposer une caution en espèces aux termes des alinéas 515(2)d) et 515(2)e) du Code criminel, LRC (1985), c C-46.

[69] Les ministres s’opposent à une telle demande au motif que M. Harkat tente d’importer à tort les principes et normes juridiques du droit criminel dans le contexte de la sécurité de l’immigration.

[70] Je suis d’accord avec les ministres pour dire que la décision dans l’arrêt Antic n’est pas applicable en l’espèce. Ce n’est pas une procédure criminelle et la Cour suprême du Canada a évité d’importer directement les principes du droit criminel dans le processus de certificat de sécurité (Charkaoui c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CSC 38, aux paragraphes 47 et 50 à 53). Bien que les intérêts fondamentaux de la personne en matière de liberté et de sécurité puissent également être en jeu dans le régime du droit criminel et du certificat de sécurité, je note également que le processus d’examen prévu par la LIPR ne restreint pas le type de conditions pouvant être imposées par le juge désigné. La seule limite est que le juge désigné soit convaincu que les conditions imposées sont appropriées pour assurer que la mise en liberté de la personne ne portera pas atteinte à la sécurité nationale ou ne mettra pas en danger la sécurité ou que, si elle est libérée, elle comparaîtra.

[71] Par conséquent, je conclus que notre Cour a le pouvoir, en vertu du régime des certificats de sécurité, d’ordonner à la fois l’exécution d’une obligation en espèces et des cautionnements de bonne exécution par des cautions.

[72] Pour les raisons indiquées aux paragraphes suivants, je ne suis pas convaincue que le cautionnement devrait être annulé.

B. Cautions

[73] Huit (8) personnes ont exécuté des cautionnements de bonne exécution pour des montants variables. Les cautionnements de bonne exécution seront confisqués à Sa Majesté la Reine du chef du Canada si M. Harkat enfreint l’une des modalités et conditions de sa mise en liberté. M. Harkat demande que les cautionnements de bonne exécution de Mme Brunette et de M. Parent soient réduits de 50 000 $ à 25 000 $. Une demande similaire a été présentée à la Cour en 2014, mais a été rejetée parce qu’aucune preuve n’a été présentée à l’appui d’une telle demande (Harkat c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 1034, au paragraphe 16).

[74] M. Parent a témoigné qu’il est maintenant à la retraite et qu’il vit avec une pension fixe. S’il devait payer la caution, cela lui créerait des difficultés et il devrait vendre certains de ses actifs. Mme Brunette n’a fourni aucune preuve pour justifier la réduction de son cautionnement de bonne exécution.

[75] Les ministres ne s’opposent pas à une réduction du montant des cautionnements de bonne exécution de Mme Brunette et de M. Parent, mais suggèrent que toute réduction devrait être évaluée à la lumière de toute autre modification apportée par la Cour aux modalités et conditions actuelles de la mise en liberté.

[76] Selon mon évaluation, les cautionnements de bonne exécution de Mme Brunette et de M. Parent peuvent être réduits à 25 000 $, malgré l’absence de preuve de la part de Mme Brunette à l’appui de cette réduction dans son cas. Je conclus que ces deux (2) montants réduits, en plus de la caution de 35 000 $ déposée en cour, encourageront M. Harkat à continuer de respecter ses modalités et conditions de mise en liberté. Mme Brunette et M. Parent ont beaucoup soutenu M. Harkat au fil des ans et j’espère qu’il ne fera rien pour les décevoir et mettre leurs économies en péril. Les autres conditions prévues à la condition 3 de l’annexe « A » doivent demeurer les mêmes.

C. Utilisation d’un téléphone cellulaire

[77] Dans ses observations écrites, M. Harkat demande l’utilisation d’un téléphone cellulaire muni d’une carte SIM et d’une connexion Internet. Toutefois, il a témoigné à l’audience qu’il ne voulait pas de téléphone cellulaire parce qu’il craint que son utilisation puisse entraîner une violation de ses modalités et conditions de mise en liberté. À titre d’exemple, il a déclaré que des gens lui ont expliqué qu’en circulant sur l’autoroute 401, il peut y avoir itinérance en provenance des États-Unis, ce qui pourrait créer un malentendu avec l’ASFC concernant ses exigences de déclaration en dehors de la RCN. Mme Harkat a également déclaré dans son témoignage que des raisons financières empêchent M. Harkat d’obtenir un téléphone cellulaire pour l’instant.

[78] Les ministres s’opposent à la demande de M. Harkat de lui permettre d’utiliser un téléphone cellulaire avec une connexion Internet en raison de leur capacité limitée à examiner l’utilisation d’Internet. En substance, ils demandent qu’aucun changement ne soit apporté à la condition 4 des conditions à l’exception de certains ajouts et clarifications.

[79] Étant donné que M. Harkat ne cherche plus à avoir accès à un téléphone cellulaire avec une connexion Internet, la condition 4 demeurera la même, sous réserve des changements ci-dessous. Les parties peuvent saisir la Cour de nouveau lorsque M. Harkat sera prêt à posséder un téléphone cellulaire mobile avec carte SIM et une connexion Internet. À ce moment-là, je m’attends à ce que M. Harkat démontre pourquoi il a besoin d’un téléphone cellulaire avec une connexion Internet et comment il a l’intention de l’utiliser et à quelles fins. Quant aux ministres, ils devraient être disposés à fournir des éléments de preuve démontrant que l’examen de l’utilisation d’Internet sur un téléphone cellulaire diffère de celui d’un ordinateur, que certains modèles ont une plus grande capacité et quel type de supervision serait nécessaire pour utiliser un téléphone cellulaire avec une connexion Internet.

[80] Quant aux modifications proposées par les ministres à la condition 4, je conclus que les conditions suivantes devraient être modifiées.

[81] Premièrement, la condition 4b) doit être modifiée pour prévoir que le téléphone cellulaire peut également avoir des capacités de messagerie vocale. L’ASFC sera également autorisée à vérifier qu’aucune autre caractéristique n’est activée dans le téléphone avant que M. Harkat puisse utiliser le téléphone cellulaire.

[82] Deuxièmement, la condition 4c) doit être modifiée pour modifier la disposition relative à l’inspection étant donné que M. Harkat a demandé que la présence de l’ASFC à son domicile soit aussi minime que possible. La condition se lira désormais ainsi :

4c) M. Harkat permettra à tout employé de l’ASFC, ou à toute personne désignée par celle-ci, d’inspecter périodiquement le téléphone cellulaire dans les bureaux de l’ASFC. Lorsque l’ASFC souhaitera inspecter le téléphone cellulaire, elle communiquera avec M. Harkat et prendra des dispositions pour que M. Harkat délivre le téléphone cellulaire aux bureaux de l’ASFC dans les 24 heures suivant l’inspection. L’ASFC retournera le téléphone cellulaire dès que possible après l’inspection. M. Harkat sera avisé une fois l’inspection terminée et informé qu’il peut se présenter à l’ASFC pour récupérer le téléphone. L’ASFC doit exercer ce pouvoir d’inspection de façon raisonnable.

[83] Troisièmement, la condition 4q) doit être modifiée pour refléter le fait que M. Harkat est passé d’une ligne téléphonique traditionnelle à une ligne VoIP et doit indiquer que M. Harkat peut utiliser une ligne VoIP, à la condition que le service soit installé directement par son modem Internet au moyen d’un adaptateur.

[84] Quatrièmement, une nouvelle clause sera ajoutée pour indiquer que M. Harkat ne conservera aucune communication avocat-client sur son téléphone cellulaire ou sa boîte vocale.

[85] Enfin, conformément à la condition 4r), M. Harkat a actuellement le droit d’utiliser n’importe quel téléphone fixe aux fins d’emploi, lorsqu’il se trouve à son lieu de travail. Il n’utilisera aucun autre téléphone cellulaire ni aucune autre ligne téléphonique fixe, sauf en cas d’urgence, dans le cas où il ne pourra raisonnablement utiliser son propre téléphone cellulaire ou sa propre ligne téléphonique fixe. Dans l’affirmative, il doit informer l’ASFC de cette utilisation dès que possible et fournir à l’ASFC le numéro de téléphone et le fournisseur de services, avec le consentement du tiers.

[86] M. Harkat demande la possibilité d’utiliser un téléphone cellulaire aux fins d’emploi. Lui et son épouse ont témoigné que l’impossibilité d’utiliser un téléphone cellulaire est restrictive et l’empêche jusqu’à maintenant d’obtenir un emploi à plein temps auprès d’une entreprise de messagerie.

[87] M. Harkat ne m’a pas convaincu que l’interdiction d’utiliser un téléphone cellulaire fourni par l’employeur aux fins d’emploi est la cause de son incapacité à obtenir un emploi à temps plein. Tous les employeurs n’exigent pas que leurs employés utilisent un téléphone cellulaire. Néanmoins, je suis disposée à assouplir cette condition, pourvu que le téléphone cellulaire fourni par l’employeur ne dispose pas d’une connexion Internet. Dans la mesure où M. Harkat est tenu d’avoir un téléphone cellulaire aux fins d’emploi, M. Harkat devra fournir un engagement écrit que le téléphone cellulaire sera utilisé aux fins d’emploi seulement et toute utilisation non autorisée entraînera une violation des conditions. M. Harkat devra également informer son employeur de cette condition et demander à son employeur de signaler toute utilisation non autorisée à l’ASFC. M. Harkat fournira à l’employeur le nom et le numéro de la personne-ressource à l’ASFC et fournira à l’ASFC le nom et le numéro de son superviseur au travail.

[88] En ce qui concerne l’interdiction de M. Harkat d’utiliser tout autre téléphone cellulaire ou téléphone fixe, sauf en cas d’urgence, je suis prête à permettre une autre exception. M. Harkat a le droit d’utiliser un autre téléphone cellulaire ou un téléphone fixe lorsqu’il se déplace et doit se présenter à l’ASFC. Dans le cas où il utilise un autre téléphone, qu’il soit mobile ou fixe, M. Harkat sera tenu d’informer l’ASFC dès que possible du numéro de téléphone et du fournisseur de services, avec le consentement du tiers.

[89] En dernier lieu, même si je comprends que M. Harkat a des préoccupations quant à la violation de ses modalités et conditions, je suis d’avis que la possession d’un téléphone cellulaire dans les présentes conditions pourrait régler certaines autres préoccupations soulevées en preuve. Mme Harkat, Mme Brunette et M. Parent ont tous indiqué que M. Harkat devrait être en mesure d’avoir un téléphone cellulaire afin que Mme Harkat puisse le rejoindre au besoin, que ce soit au travail ou ailleurs. La possession d’un téléphone cellulaire répondrait certainement à ce besoin. La connexion Internet n’est pas requise à cette fin. Je crois également que si M. Harkat avait son propre téléphone cellulaire, il éviterait d’avoir à obtenir le consentement du tiers pour divulguer à l’ASFC le nom et le fournisseur de services de cette personne lors de l’utilisation d’un autre téléphone cellulaire ou fixe en cas d’urgence.

D. Ordinateurs

[90] En plus de l’utilisation d’un ordinateur domestique avec connexion Internet, M. Harkat demande qu’il soit autorisé à posséder et à utiliser un ordinateur portatif ou une tablette avec une connexion Internet. Il cherche aussi la possibilité de les utiliser en dehors de chez lui.

[91] Les ministres ont convenu de l’utilisation d’un ordinateur portatif à la maison, tel qu’il ressort du préambule de la condition 7 et des conditions 7e), 7h), 7j) et 7k) des conditions proposées qui figurent à la pièce E de l’affidavit de M. Renaud. Les conditions doivent donc être modifiées en conséquence.

[92] Les ministres s’opposent cependant à l’utilisation d’une tablette parce qu’elle possède des capacités cellulaires et parce que des problèmes de surveillance et d’inspection se sont posés pendant les essais. Ils s’opposent également à la demande de M. Harkat d’utiliser l’ordinateur portatif et la tablette avec une connexion Internet à l’extérieur de son domicile parce que l’ASFC ne serait pas en mesure de surveiller M. Harkat et de s’assurer qu’il ne s’engage pas dans des communications non autorisées ou inappropriées.

[93] Je ne suis pas en mesure d’accepter la demande de M. Harkat de posséder une tablette pour le moment sans plus de preuve sur son besoin de posséder un tel appareil, le type d’appareil qu’il cherche à posséder et comment l’ASFC peut surveiller l’appareil afin de s’assurer que M. Harkat se conforme à ses modalités et conditions de mise en liberté. M. Harkat est déjà autorisé à posséder un ordinateur et un ordinateur portable avec une connexion Internet chez lui. Dans le cas où M. Harkat souhaite poursuivre sa demande d’utiliser une tablette chez lui, il doit fournir les détails particuliers de l’appareil à l’ASFC, qui à son tour déterminera si elle peut faire droit à la demande. Si les parties sont incapables de s’entendre, elles peuvent se présenter devant la Cour pour qu’elle tranche la question. M. Harkat devrait être disposé à démontrer pourquoi il exige l’utilisation d’une tablette et à fournir les détails particuliers de l’appareil. À son tour, l’ASFC devrait être disposée à démontrer de façon suffisamment détaillée pourquoi la demande de M. Harkat ne peut être satisfaite. Le même raisonnement s’applique à l’utilisation par M. Harkat d’une tablette ou d’un ordinateur portable à l’extérieur de sa maison.

[94] Les ministres demandent l’ajout d’une disposition stipulant que [traduction] « [l]’ordinateur de bureau et l’ordinateur portable de M. Harkat ne doivent pas contenir de disque à circuits intégrés, d’un disque à circuits intégrés flash, d’un disque dur hybride ou d’un dispositif de stockage flash ». Ils indiquent dans leur mémoire que [traduction] « les progrès et les changements technologiques ont imposé certaines exigences techniques aux spécifications informatiques nécessaires pour assurer un suivi efficace de l’utilisation de l’ordinateur par M. Harkat ». Lorsqu’on lui a demandé d’expliquer davantage les préoccupations de l’ASFC concernant l’utilisation d’un disque à circuits intégrés, M. Renaud n’a pas été en mesure de le faire. En l’absence de toute preuve supplémentaire expliquant pourquoi cette condition doit maintenant être ajoutée, je ne suis pas disposée à l’inclure dans les conditions de M. Harkat.

[95] Les ministres demandent également une modification de la condition 7a), au motif que cela [traduction] « augmentera la vitesse et le fonctionnement de toute technologie informatique utilisée par M. Harkat ». À l’heure actuelle, M. Harkat n’a pas le droit de modifier ou de supprimer les renseignements de suivi de son ordinateur. La modification demandée lui permettrait de le faire avec le consentement préalable de l’ASFC. Je suis persuadée que cette modification est justifiée.

[96] M. Harkat demande une modification des procédures d’inspection par ordinateur selon lesquelles l’ASFC serait tenue d’obtenir l’approbation de la Cour et d’avoir des raisons valables de croire qu’il ne se conforme pas aux modalités et conditions de sa mise en liberté.

[97] Selon les conditions actuelles 7d) et 7e), M. Harkat doit mettre son ordinateur à la disposition de l’ASFC tous les mois à une heure dont l’ASFC décide chaque mois, sans préavis, de sorte qu’il puisse être consulté par l’ASFC dans ses bureaux en vue d’une inspection. À tout autre moment, avec justification, l’ASFC peut demander à un juge désigné d’avoir accès à l’ordinateur de M. Harkat sans préavis, afin de s’assurer que lui et d’autres personnes se conforment aux modalités et conditions de sa mise en liberté.

[98] Les ministres ont convenu de réduire la fréquence à laquelle ils inspectent l’ordinateur de M. Harkat. Au lieu de tous les mois, ce ne serait plus que tous les trois (3) mois. Les ministres s’opposent toutefois au reste de la demande de M. Harkat, au motif que cela les empêcherait de surveiller l’ordinateur de M. Harkat sans preuve de violation. Ils soutiennent que M. Harkat demande essentiellement aux ministres et à la Cour de simplement croire qu’il ne viole pas les conditions et modalités de sa mise en liberté. Pour appuyer leur position, les ministres se réfèrent aux questions soulevées lorsqu’ils se sont rendus au domicile de M. Harkat en septembre 2016 et en août 2017 concernant la proximité des ordinateurs, du clavier et de la souris manquants et de l’ordinateur sans surveillance de Mme Harkat.

[99] Je ne suis pas disposée à accepter la demande de M. Harkat. Bien que le danger qu’il représente soit minime, je suis convaincue que la menace du danger existe toujours. Des activités pouvant constituer une menace peuvent être exercées en ligne et je suis d’accord avec les ministres que leur incapacité à inspecter l’ordinateur de M. Harkat sans préavis ferait en sorte qu’il serait pratiquement impossible pour l’ASFC de savoir s’il respecte les conditions de sa mise en liberté concernant l’utilisation de l’ordinateur. Sans accès à son ordinateur, il serait difficile d’atteindre le seuil de [traduction] « raison justifiable » proposé par M. Harkat.

[100] En plus de demander la possibilité d’utiliser un téléphone cellulaire en cours d’emploi, M. Harkat demande également l’autorisation de la Cour de posséder et d’utiliser la technologie informatique aux fins d’emploi, si son employeur l’exige. Selon son témoignage et celui de sa femme, de Mme Brunette et de M. Parent, les restrictions concernant l’utilisation de la technologie aux fins d’emploi ont fait en sorte qu’il lui a été difficile de se trouver un emploi à temps plein. Mme Harkat a témoigné que M. Harkat ne peut même pas faire fonctionner un distributeur automatique de billets sans enfreindre ses conditions parce qu’une connexion Internet est requise.

[101] Bien que les ministres soient disposés à assouplir cette condition, ils s’opposent à la demande d’une « approbation générale » en raison de la possibilité de communications non surveillées et anonymes. Ils proposent que chaque demande soit traitée individuellement et conviennent que l’approbation ne devrait pas être refusée de manière déraisonnable.

[102] Des exemples ont été fournis sur le type d’emploi que M. Harkat a envisagé dans le passé, mais ne pouvaient pas occuper en raison de l’obligation d’utiliser la technologie informatique. Cependant, M. Harkat a également témoigné qu’il n’a pas cherché d’autre emploi au cours des deux (2) dernières années pour des raisons médicales, à l’exception du travail de messager, de brigadier scolaire et de son emploi actuel comme gardien d’église. À l’heure actuelle, il n’y a aucune preuve d’emploi éventuel non plus.

[103] Je comprends que l’impossibilité d’utiliser la technologie informatique aux fins d’emploi, y compris Internet, peut être restrictive. Je peux penser à très peu de types d’emploi qui n’exigent aucune forme de technologie ou Internet. Je crois aussi que la frustration peut résulter de l’incapacité de chercher un emploi rémunérateur. Cela peut affecter l’estime de soi d’une personne, ce qui peut entraîner d’autres problèmes. Le Dr Cameron était d’avis que l’un des éléments de risque signalés dans son évaluation de M. Harkat était lié à ses problèmes d’emploi.

[104] Depuis sa mise en liberté en 2006, M. Harkat a respecté ses conditions de mise en liberté. S’il veut embrasser pleinement les valeurs de son pays d’adoption, il est important qu’il ait la possibilité d’obtenir un emploi rémunéré. Par conséquent, je suis encline à permettre à M. Harkat d’utiliser la technologie informatique, y compris Internet, aux fins d’emploi, mais avec certaines restrictions. Les parties doivent travailler ensemble pour déterminer à l’avance les types de technologies que M. Harkat peut utiliser. Ensuite, lorsque M. Harkat envisage un emploi, il doit informer l’ASFC du nom de son employeur éventuel, des tâches qu’il devra accomplir, de la technologie qu’il devra utiliser et à laquelle il aura accès dans le cadre de son emploi, y compris Internet, l’utilisation qu’il en fera, et le nombre d’heures par semaine qu’il sera nécessaire pour l’utiliser. Dès que M. Harkat l’aura avisé, l’ASFC examinera sans tarder l’emploi éventuel de M. Harkat et lui répondra de façon diligente. Si les parties ne parviennent pas à un consensus, elles peuvent se présenter devant la Cour pour qu’elle tranche la question. Dans tous les cas, M. Harkat sera tenu de signer un engagement selon lequel toute utilisation de la technologie ou d’Internet sera aux fins d’emploi seulement et toute utilisation non autorisée constituera une violation de ses conditions. M. Harkat devra également informer son employeur de cette condition et demander à son employeur de signaler toute utilisation non autorisée à l’ASFC. M. Harkat fournira à l’employeur le nom et le numéro de la personne-ressource à l’ASFC et fournira à l’ASFC le nom et le numéro de son superviseur au travail.

[105] Enfin, les deux parties conviennent d’inclure une disposition stipulant que M. Harkat n’est autrement pas autorisé à utiliser un autre ordinateur ou ordinateur portatif que ceux qu’il est autorisé à posséder ou à utiliser aux termes de la présente ordonnance. Ceci est acceptable.

E. L’utilisation de la technologie informatique par Mme Harkat

[106] Selon la condition 8 des conditions actuelles, Mme Harkat peut avoir accès à toute technologie informatique dont elle a besoin, à la condition qu’elle ne permette pas à M. Harkat d’y avoir accès. M. Harkat demande l’annulation de cette condition. D’autre part, les ministres cherchent à modifier la condition afin que Mme Harkat soit obligée de protéger sa technologie par mot de passe et de verrouiller tout appareil qui n’est pas présentement en sa présence. La condition serait également modifiée pour prévoir que M. Harkat pourrait ne pas avoir accès aux mots de passe utilisés par Mme Harkat.

[107] Bien que j’estime que la condition est nécessaire étant donné que la technologie informatique de Mme Harkat n’est pas assujettie à une inspection, je suis d’accord avec l’avocat de M. Harkat que la modification proposée par les ministres n’est pas nécessaire. Mme Harkat sait que M. Harkat ne peut avoir accès à aucune technologie informatique qu’elle possède. Elle est également pleinement consciente des conséquences graves pouvant résulter du non-respect de cette condition.

F. Résidence

[108] M. Harkat ne conteste pas son obligation de résider à un endroit précis avec son épouse ni l’obligation d’informer la Cour, les ministres et l’ASFC de tout changement d’adresse au moins soixante-douze (72) heures avant la prise d’effet du changement selon les conditions 9 et 10 de l’annexe « A ». Cependant, il demande la suppression de la condition interdisant à d’autres personnes d’occuper la résidence sans l’approbation de l’ASFC. Les ministres conviennent de renoncer à l’exigence que M. Harkat obtienne le consentement de l’ASFC et de proposer que M. Harkat soit seulement tenu d’aviser l’ASFC de toute autre personne occupant la résidence. Je trouve la proposition des ministres raisonnable, car l’ASFC a certainement intérêt à connaître l’identité des personnes avec lesquelles M. Harkat partage sa résidence.

[109] M. Harkat demande également une modification de la capacité de l’ASFC d’entrer dans la résidence afin de s’assurer que M. Harkat ou toute autre personne se conforme aux modalités et conditions de mise en liberté. Aux termes de la condition 14 des modalités et conditions actuelles, l’ASFC est tenue d’obtenir une autorisation judiciaire avant de pouvoir accéder à la résidence de M. Harkat afin de s’assurer que M. Harkat et toute autre personne dans la résidence se conforment aux modalités et conditions de mise en liberté.

[110] M. Harkat demande qu’une telle autorisation ne soit autorisée par un juge désigné que si l’ASFC a des [traduction] « raisons valables de croire » qu’elle ne se conforme pas aux modalités et conditions de sa mise en liberté ou si elle est nécessaire pour assurer la protection de la sécurité nationale ou la sécurité de toute personne. Il demande également la suppression de l’exigence que tous les autres occupants de la résidence signent un document, sous une forme acceptable pour l’avocat des ministres, acceptant de se conformer aux modalités et conditions de mise en liberté et que tout nouvel occupant accepte pareillement de respecter ces conditions avant d’occuper la résidence.

[111] Les ministres sont en partie d’accord avec la modification proposée, à l’exception de l’accès à la résidence pour inspecter l’ordinateur et du seuil requis pour obtenir une autorisation judiciaire. Au lieu de [traduction] « raisons valables de croire », les ministres pensent que le seuil des [traduction] « motifs raisonnables de croire » devrait être appliqué. Les ministres sont également d’avis que les autres résidents devraient être tenus de signer un document indiquant qu’ils respecteront les modalités et les conditions afin d’éviter tout problème inutile ou toute contravention involontaire à l’ordonnance de la Cour.

[112] Je reconnais que M. et Mme Harkat ont des réserves quant à la présence de l’ASFC à leur domicile. Selon leur témoignage, lorsque les agents de l’ASFC se présentent à leur domicile, ils entrent dans la résidence et se rendent au deuxième étage où se trouve l’ordinateur de M. Harkat. La dernière fois que les agents de l’ASFC ont visité la maison des Harkat à l’improviste, Mme Harkat n’était pas habillée. Les agents de l’ASFC ressemblent également à des agents de police, ce qui soulève des questions auprès des voisins qui ne sont pas au courant de la situation de M. Harkat. Je peux comprendre que cela pourrait être écrasant et intrusif pour les Harkat.

[113] Cependant, j’estime que la proposition des ministres est raisonnable. À l’exception de l’accès à la résidence pour inspecter l’ordinateur de M. Harkat, que j’ai examiné plus tôt, tout autre accès devra être autorisé par un juge désigné et l’ASFC devra démontrer qu’elle a des motifs raisonnables de croire que M. Harkat ne respecte pas ses conditions de mise en liberté. L’exigence de demander une autorisation judiciaire garantira que les droits à la vie privée de M. Harkat et des autres personnes occupant la résidence sont protégés et que tout accès est le moins intrusif possible. Il évitera également des situations telles que celle qui a conduit au jugement de la Cour dans la décision Harkat (Re), 2009 CF 659.

[114] Néanmoins, je suis disposée à ordonner que les agents de l’ASFC ne soient pas autorisés à circuler chez M. Harkat lorsqu’ils viendront chercher son ordinateur. Ils demanderont à M. Harkat d’obtenir son ordinateur pour eux. De plus, l’ASFC et M. Harkat conviendront de la période durant laquelle l’ASFC peut se rendre à l’improviste chez M. Harkat pour récupérer l’ordinateur, si ce n’est pas déjà le cas.

G. Obligation de se présenter aux bureaux de l’ASFC

[115] Aux termes de la condition 11 des modalités et conditions actuelles de mise en liberté, M. Harkat est tenu de se présenter en personne une fois toutes les deux (2) semaines, à un jour et à un moment déterminés par un représentant de l’ASFC. M. Harkat cherche à modifier cette condition de manière à ce qu’il ne soit tenu de faire rapport à l’ASFC qu’une fois par mois par téléphone au moyen d’une vérification vocale. Dans la mesure où sa demande n’est pas possible, M. Harkat recommande qu’il soit tenu de se présenter une fois tous les trois (3) mois.

[116] Les ministres sont disposés à assouplir les exigences relatives à l’obligation de M. Harkat de se présenter, mais soutiennent que la souplesse de l’ASFC relativement aux heures où il peut se présenter est quelque peu limitée. Les rapports téléphoniques ne sont pas disponibles dans la RCN et ne sont pas non plus ouverts aux personnes ayant des problèmes en matière de sécurité et d’interdiction de territoire. Ils rejettent également sa demande liée à l’obligation de faire rapport de façon trimestrielle, mais acceptent qu’ils fassent rapport une fois par mois.

[117] Étant donné que les rapports téléphoniques ne sont pas disponibles, je considère que l’obligation de se présenter en personne une fois par mois est appropriée et raisonnable dans les circonstances de l’espèce. Je conviens également avec les parties que les exigences relatives à l’obligation de se présenter peuvent être réduites par l’ASFC sans demander l’autorisation de la Cour.

H. Voyages à l’extérieur de la RCN

[118] M. Harkat demande l’annulation de toutes les exigences de la condition 12 qu’il avise l’ASFC lorsqu’il voyage à l’extérieur de la RCN et qu’elles soient remplacées par l’exigence qu’il demeure au Canada. Les ministres s’opposent à cette demande au motif que cela nuirait grandement à la capacité de l’ASFC de surveiller M. Harkat ou de connaître son emplacement à l’extérieur de la RCN. Ils proposent une modification qui faciliterait la possibilité pour M. Harkat d’effectuer des voyages d’une journée n’importe où en Ontario ou au Québec sans aviser l’ASFC à la condition que ce soit pour une période de vingt-quatre (24) heures ou moins. Si le déplacement à l’extérieur de la RCN dépasse les vingt-quatre (24) heures, il demeurera assujetti aux mêmes conditions.

[119] Je félicite les ministres d’avoir proposé que M. Harkat ait la possibilité d’effectuer des excursions d’une journée partout en Ontario et au Québec sans devoir en aviser l’ASFC. Cependant, ils n’ont pas démontré en quoi une période plus longue que vingt-quatre (24) heures nuirait à la capacité de l’ASFC de le surveiller pendant qu’il se trouve à l’extérieur de la RCN. Dans la mesure où il est autorisé à voyager n’importe où en Ontario et au Québec pendant vingt-quatre (24) heures sans préavis, la capacité de l’ASFC de surveiller M. Harkat sera la même, qu’il soit ou non parti pendant vingt-quatre (24) heures ou soixante-douze (72) heures.

[120] Par conséquent, je suis encline à élargir la possibilité pour M. Harkat de voyager n’importe où en Ontario et au Québec sans avoir à aviser l’ASFC. À mon avis, une fenêtre de soixante-douze (72) heures est à la fois proportionnée et raisonnable étant donné que M. Harkat a respecté ses conditions et compte tenu du risque minimal associé à l’assouplissement de cette condition. Cela permettra à M. Harkat et à sa famille de faire plus de sorties en leur permettant de rendre visite à leurs amis et à leur famille pendant de longues fins de semaine sans avoir à se faire rapport quotidiennement à l’ASFC quand il n’y a pas de téléphone disponible comme lorsqu’ils sont au chalet de la sœur de Mme Harkat. Même si cela n’empêche pas l’ASFC de les surveiller, elle éliminera au moins le fardeau que représente le fait de devoir faire rapport quotidiennement.

[121] Si M. Harkat désire voyager pendant plus de soixante-douze (72) heures ou s’il désire voyager à l’extérieur de l’Ontario et du Québec, il continue d’être lié par les conditions telles qu’elles figurent à la condition 12 des modalités et conditions de mise en liberté actuelles, à l’exception de la condition 12e), qui sera modifiée pour prévoir que M. Harkat ne sera tenu de faire rapport qu’à son arrivée et à son départ.

I. Surveillance physique par l’ASFC

[122] J’accepte qu’une surveillance soit nécessaire pour s’assurer que M. Harkat se conforme aux conditions et modalités de sa mise en liberté. Le niveau de confidentialité de M. Harkat dépend du risque qu’il pose. C’est une des conséquences fâcheuses d’avoir fait l’objet d’un certificat de sécurité. Cela étant dit, dans les circonstances actuelles, je m’inquiète du degré d’intrusion de la surveillance physique et de l’absence de tout cadre permettant d’examiner et de faire en sorte que toute surveillance physique soit effectuée de la façon la moins intrusive possible.

[123] En décrivant la façon dont les conditions de mise en liberté de M. Harkat ont influé sur leur vie, Mme Harkat a donné plusieurs exemples de la façon dont l’ASFC remplit son mandat de veiller à ce que M. Harkat obéisse aux modalités et conditions. Par exemple, lorsque la grand-mère de Mme Harkat est décédée avant les vacances, l’ASFC les a escortés à l’extérieur de la ville pour assister aux funérailles malgré le fait qu’il y avait trois (3) cautions de M. Harkat et que le voyage avait été préapprouvé. Mme Harkat a déclaré qu’elle n’était pas certaine à 100 % si les agents étaient à l’enterrement, mais elle les a vus partir avec eux pendant le voyage. Cependant, elle est certaine que l’ASFC a envoyé deux (2) voitures et quatre (4) agents de l’ASFC en uniforme aux funérailles de son grand-père précédemment.

[124] Mme Harkat a également témoigné au sujet de la présence de l’ASFC lorsqu’elle et son mari ont assisté au mariage d’un ami à Toronto. Elle a indiqué qu’à leur arrivée à l’hôtel à Toronto, un [traduction] « équipage » les attendait et que les agents de l’ASFC les ont suivis jusqu’au mariage et qu’ils se trouvaient à leur côté tout le temps qu’ils étaient à Toronto.

[125] Je partage le point de vue des Harkat selon lequel ce niveau d’intrusion peut ne pas être nécessaire dans toutes les circonstances, compte tenu des autres modalités et conditions de M. Harkat. L’une de ces circonstances serait lorsque M. Harkat serait accompagné de l’une ou l’autre de ses cautions, M. Parent et Mme Brunette. La valeur de leurs cautionnements de bonne exécution est suffisamment importante pour les inciter à s’assurer que M. Harkat respecte ses conditions de mise en liberté.

[126] Il ressort également de la preuve qu’en moyenne, à l’exception des voyages hors de la RCN, l’ASFC effectue sa surveillance le dimanche. Les agents de l’ASFC garent leurs voitures devant la résidence de M. Harkat et attendent qu’il quitte sa résidence. S’il reste à la maison, les agents de l’ASFC peuvent être stationnés à l’extérieur de chez lui pendant une période prolongée, ce qui soulève des questions auprès des voisins de M. Harkat qui ne sont peut-être pas au courant de sa situation personnelle et qui ne peuvent différencier un agent de l’ASFC d’un policier. Compte tenu de la prévisibilité de la surveillance, je remets en question son efficacité et sa nécessité.

[127] De plus, M. Renaud a témoigné en contre-interrogatoire que, lorsque la surveillance physique est exercée, les agents de l’ASFC sont seulement chargés de s’assurer que M. Harkat se conforme à ses conditions de mise en liberté. Il a également indiqué que l’ASFC ne tient aucune réunion pour examiner si une surveillance physique est requise et le niveau de surveillance nécessaire.

[128] Je considère que cela est déraisonnable. Les agents de l’ASFC devraient recevoir de meilleurs conseils sur la façon de procéder à la surveillance physique et sur la façon de le faire. Il devrait également y avoir un examen périodique de la pertinence des mesures de surveillance en place.

[129] Je note que l’ASFC a convenu de revoir son processus de surveillance pour s’assurer que le bon équilibre est maintenu entre le risque posé par M. Harkat et la garantie que les modalités et les conditions sont respectées. J’exhorte l’ASFC à adopter un processus de surveillance sans caractère arbitraire qui assure la proportionnalité, l’orientation et les examens périodiques.

[130] En tout état de cause, je considère que toute surveillance qui est effectuée doit être menée de la manière la moins intrusive possible et ne doit pas être disproportionnée par rapport au danger que représente M. Harkat. Les conditions actuelles de mise en liberté de M. Harkat seront modifiées en conséquence, étant donné qu’elles ne traitent pas explicitement de la question de la surveillance.

J. Participation aux audiences et procédures de la Cour aux termes de la LIPR

[131] M. Harkat est actuellement tenu de comparaître à toutes les audiences de la Cour et à toute procédure aux termes de la LIPR conformément à la condition 17. Il demande que son obligation de comparaître soit limitée aux situations où sa présence est requise. Les ministres sont d’accord avec la modification proposée.

[132] Je considère que cela est raisonnable.

K. Toutes les autres modalités et conditions

[133] Les autres conditions restent inchangées.

VII. Conclusion

[134] Pour les motifs qui précèdent, je conclus qu’en plus des autres modalités et conditions de mise en liberté, les rajustements mentionnés ci-dessus suffisent à neutraliser le danger que pose M. Harkat et sont proportionnels au risque qu’il représente.

[135] Après réception des présents motifs, les ministres auront dix (10) jours pour rédiger les nouvelles modalités et conditions de mise en liberté de M. Harkat, conformément aux décisions rendues aux présentes, et pour les soumettre à l’approbation de l’avocat de M. Harkat. Si les parties ne parviennent pas à se mettre d’accord sur le libellé du projet révisé, elles peuvent faire rapport à la Cour pour décision. Une fois approuvées par les parties et la Cour, les nouvelles modalités et conditions deviendront une annexe à une ordonnance qui sera rendue par la Cour à une date ultérieure. Les conditions entreront en vigueur lors de la signature de l’ordonnance modifiant les conditions de mise en liberté de M. Harkat. Les ministres prendront immédiatement les mesures nécessaires pour donner effet aux nouvelles conditions.

VIII. Questions à certifier

[136] Conformément à l’article 82.3 de la LIPR, l’appel d’une décision rendue aux termes du paragraphe 82(4) ne peut être porté devant la Cour d’appel fédérale que si le juge certifie que l’affaire soulève une question grave de portée générale et qu’il énonce la question.

[137] Pour être certifiée, une question doit transcender les intérêts des parties au litige, doit avoir une portée générale et doit être déterminante pour l’issue de l’appel (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Liyanagamage, [1994] ACF no 1637, 176 NR 4 (CA) (QL), aux paragraphes 4 à 6; Zhang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CAF 168, aux paragraphes 7 à 10; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Zazai, 2004 CAF 89, aux paragraphes 11 à 12; voir aussi la décision Mahjoub (Re), 2017 CF 334, aux paragraphes 8 à 14).

[138] L’avocate de M. Harkat a suggéré un certain nombre de questions à certifier dans l’éventualité où la Cour a conclu qu’il n’est pas de la responsabilité des ministres de justifier la conclusion de danger après de nombreuses années depuis la dernière preuve de danger présentée ou, si la Cour a constaté que le respect des conditions de mise en liberté est une indication de leur fonctionnement, pas une indication d’une menace réduite.

[139] Comme je n’ai pas formulé de telles conclusions, il ne conviendrait pas de certifier les questions proposées par l’avocate de M. Harkat. Par conséquent, il n’y a aucune question à certifier.

« Sylvie E. Roussel »

Juge

Ottawa (Ontario)

Le 23 janvier 2018

Traduction certifiée conforme

Ce 27e jour de juillet 2020

Lionbridge


ANNEXE A

Modalités de mise en liberté aux termes de l’ordonnance du juge Simon Noël du 27 mai 2015

  1. La mise en liberté de M. Harkat est conditionnelle à ce qu’il signe un document, devant être rédigé par ses avocats et approuvé par les avocats des ministres, par lequel il convient de se conformer strictement à chacune des modalités et conditions qui suivent.

Cautions

  1. Avant la mise en liberté de M. Harkat, la somme de 35 000 $ doit être versée à la Cour, et ce, conformément à l’article 149 des Règles des Cours fédérales. S’il y a violation d’une quelconque condition de l’ordonnance de mise en liberté de M. Harkat, les ministres pourront solliciter une ordonnance prescrivant le versement total de cette somme, plus les intérêts courus, au procureur général du Canada.

  2. Avant la mise en liberté de M. Harkat, les huit personnes mentionnées ci-dessous devront passer des actes de cautionnement de bonne exécution aux termes desquels elles conviennent d’être liées envers Sa Majesté la Reine du Chef du Canada quant aux montants précisés ci-dessous. Chaque cautionnement de bonne exécution sera assorti d’une condition selon laquelle, si M. Harkat enfreint l’une ou l’autre des conditions prévues dans l’ordonnance de mise en liberté, tel qu’elles pourront être modifiées, les sommes garanties par les cautionnements seront confisquées au profit de Sa Majesté. Les modalités et conditions des cautionnements de bonne exécution, qui devront être conformes à celles prévues à l’article 56 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, seront communiquées par les avocats des ministres aux avocats de M. Harkat. Chaque caution devra reconnaître par écrit avoir examiné les conditions prévues dans la présente ordonnance.

  • a) Pierrette Brunette50 000,00 $

  • b) Sophie Harkat5 000,00 $

  • c) Kevin Skerrett10 000,00 $

  • d) Leonard Bush10 000,00 $

  • e) Jessica Squires1 500,00 $

  • f) Josephine Wood 1 500,00 $

  • g) William Baldwin 5 000,00 $

  • h) Philippe Parent 50 000,00 $

Téléphone

  1. M. Harkat peut utiliser un (1) téléphone cellulaire, sous réserve des conditions suivantes :

  • a) M. Harkat pourra se procurer un téléphone cellulaire à carte SIM de marque et de modèle préalablement approuvés par l’ASFC.

  • b) Le téléphone doit uniquement avoir la capacité de recevoir et de transmettre des appels vocaux et des messages texte. L’ASFC doit vérifier qu’aucune autre caractéristique n’est activée avant que M. Harkat puisse utiliser le téléphone cellulaire, y compris la boîte vocale;

  • c) M. Harkat permettra à tout employé de l’ASFC, ou à toute personne désignée par celle-ci, d’inspecter périodiquement le téléphone cellulaire dans le bureau de l’ASFC. L’ASFC retournera le téléphone cellulaire à M. Harkat dès que possible. L’ASFC doit exercer ce pouvoir d’inspection de façon raisonnable;

  • d) M. Harkat doit fournir le numéro de téléphone cellulaire à l’ASFC;

  • e) Sur demande, M. Harkat doit fournir à l’ASFC tous les mots de passe requis pour accéder à toute partie du téléphone cellulaire;

  • f) M. Harkat permettra à l’ASFC de placer un sceau sur la carte SIM une fois qu’elle sera activée et introduite dans le téléphone cellulaire. M. Harkat n’utilisera dans celui-ci aucune autre carte SIM que celle correspondant à son compte surveillé.

  • g) M. Harkat n’utilisera aucune fonction Internet sur son téléphone cellulaire. Les données Internet doivent être bloquées par l’entremise du fournisseur de téléphonie cellulaire. Il est précisé que cette condition comprend l’interdiction d’utiliser les fonctions de navigation Web et de courriel, ainsi que d’utiliser ou d’installer quelque application que ce soit. M. Harkat fera de son mieux pour que la fonction Wi-Fi reste désactivée. Si cette fonction se trouve activée malgré ses efforts, il en avisera immédiatement l’ASFC.

  • h) Le supplément pour blocage de données, si le fournisseur de téléphonie cellulaire en demande un, sera à la charge de M. Harkat.

  • i) M. Harkat ne peut utiliser aucune application préinstallée sur le téléphone cellulaire sans l’approbation préalable de l’ASFC, laquelle ne la lui refusera pas sans motif valable;

  • j) M. Harkat n’utilisera aucun dispositif de mémoire externe avec son téléphone cellulaire. Si le téléphone cellulaire de M. Harkat comporte une fente d’extension de mémoire, M. Harkat doit permettre à l’ASFC de placer un scellé sur la fente;

  • k) Si le téléphone cellulaire de M. Harkat a des fonctions de communication en champ proche (CCP) ou de S-Beam, M. Harkat fera de son mieux pour s’assurer que ces fonctions restent désactivées. Si, malgré les efforts de M. Harkat, l’une ou l’autre des fonctions CCP ou S-Beam devient activée, M. Harkat doit immédiatement aviser l’ASFC;

  • l) Si le téléphone cellulaire de M. Harkat a une fonction de mise en miroir de l’écran, M. Harkat fera de son mieux pour s’assurer que cette fonction reste désactivée. Si, malgré les efforts de M. Harkat, la fonction de mise en miroir de l’écran est activée, M. Harkat doit immédiatement aviser l’ASFC;

  • m) M. Harkat s’abstiendra de mettre à jour le micrologiciel ou le système d’exploitation de son téléphone cellulaire sans l’autorisation préalable de l’ASFC. Il est précisé que M. Harkat devra également faire de son mieux pour que toute fonction de mise à jour automatique de logiciel ne soit pas activée. Si cette fonction se trouve activée malgré ses efforts, il en avisera immédiatement l’ASFC.

  • n) M. Harkat ne doit permettre à aucune autre personne d’utiliser son téléphone cellulaire;

  • o) L’ASFC (ou toute personne désignée par celle-ci) peut obtenir et surveiller les enregistrements de frais d’appels vocaux et de messages textes du fournisseur de services. Celui-ci consentira à la communication de ces relevés par son ou ses fournisseurs de services à l’ASFC ou à toute personne qu’elle désignera. La possession d’un téléphone cellulaire par M. Harkat est assujettie à la capacité de l’ASFC d’obtenir de tels enregistrements auprès du fournisseur de services. Au besoin, M. Harkat doit donner son consentement à l’ASFC pour obtenir une ordonnance du tribunal qui pourrait être nécessaire afin d’obtenir ces documents;

  • p) M. Harkat accepte de ne pas utiliser les fonctions de renvoi d’appel du téléphone cellulaire, c’est-à-dire qu’il ne transmettra pas le téléphone à aucune ligne, y compris sa ligne téléphonique résidentielle;

  • q) M. Harkat peut changer son téléphone résidentiel d’une ligne terrestre traditionnelle à une ligne VoIP, à la condition que le service soit installé directement sur son modem Internet au moyen d’un adaptateur;

  • r) M. Harkat peut utiliser un téléphone fixe aux fins d’emploi lorsqu’il se trouve à son lieu de travail. M. Harkat n’utilisera aucun autre téléphone cellulaire ni aucune autre ligne téléphonique fixe, sauf en cas d’urgence, dans le cas où il ne pourra raisonnablement utiliser son propre téléphone cellulaire ou sa propre ligne téléphonique fixe. Il informera l’ASFC de l’utilisation d’un autre téléphone cellulaire ou d’une autre ligne téléphonique fixe que les siens propres, dès qu’il lui sera raisonnablement possible, et il lui communiquera le numéro de téléphone et le nom du fournisseur de services en question, sur consentement du tiers.

  1. M. ou Mme Harkat peut posséder un télécopieur.

  2. Mme Harkat peut avoir accès à toute autre technologie de communication dont elle a besoin, à la condition qu’elle ne permette pas à M. Harkat d’y avoir accès.

Ordinateur

  1. M. Harkat aura accès à un (1) ordinateur de bureau avec accès Internet à sa résidence, sous réserve des conditions suivantes :

  • a) M. Harkat, ou quiconque en son nom, ne doit pas modifier ou supprimer de son ordinateur les renseignements de suivi, y compris, mais sans s’y limiter : l’historique de navigation sur Internet; les témoins; envoyer, recevoir ou rédiger un courrier électronique; des enregistrements de communication utilisant Skype ou toute autre application ou site Web fournissant un tel service; des enregistrements de toute activité sur les sites Web de médias sociaux, y compris, mais sans s’y limiter, des sites Web tels que Facebook ou Twitter;

  • b) M. Harkat s’abstiendra d’utiliser le dispositif de navigation privée de tout navigateur Internet, notamment Internet Explorer, Chrome ou Firefox. M. Harkat ne peut supprimer les renseignements de suivi qu’avec le consentement de l’ASFC, lequel consentement ne doit pas être refusé sans motif raisonnable et être traité rapidement, à la suite d’une demande de M. Harkat;

  • c) M. Harkat ne doit pas utiliser de logiciel de chiffrement et doit fournir à l’ASFC les mots de passe nécessaires pour accéder à toute partie de l’ordinateur;

  • d) M. Harkat doit rendre l’ordinateur (y compris le ou les disques durs, la mémoire vive et toute mémoire périphérique) disponible chaque mois à un moment que l’ASFC décidera chaque mois, sans préavis, de façon à ce que l’ASFC puisse y accéder aux fins d’inspection à son bureau afin de s’assurer que M. Harkat ou toute autre personne se conforme aux modalités et aux conditions de la présente ordonnance. Il est précisé que l’ASFC peut se rendre au domicile de M. Harkat pour demander qu’il rende l’ordinateur disponible;

  • e) À tout autre moment, avec justification, l’ASFC peut demander à un juge désigné d’avoir accès à l’ordinateur de M. Harkat sans préavis, afin de s’assurer que M. Harkat ou toute autre personne se conforme aux modalités et conditions de la présente ordonnance;

  • f) M. Harkat ne stockera sur son ordinateur aucun document à l’égard duquel il pourrait faire valoir le secret professionnel liant l’avocat à son client ou le privilège relatif au litige.

  • g) Mme Harkat n’utilisera pas l’ordinateur de M. Harkat;

  • h) M. Harkat est autorisé à se trouver à proximité des écrans d’ordinateur présents dans des établissements de vente au détail, et à les regarder tant et aussi longtemps que : i) M. Harkat n’exploite pas ou ne contrôle pas cet ordinateur; ii) M. Harkat ne demande pas à quelqu’un d’agir en son nom sur l’ordinateur.

  1. Mme Harkat peut avoir accès à toute technologie informatique dont elle a besoin, à la condition qu’elle ne permette pas à M. Harkat d’y avoir accès.

Résidence, obligation de faire rapport et voyages

  1. M. Harkat demeurera à ____ dans la ville d’Ottawa (Ontario) (résidence) avec Sophie Harkat. Afin de protéger la vie privée de ces personnes, l’adresse de la résidence ne doit pas être publiée dans le dossier public de la présente instance.

  2. M. Harkat doit informer la Cour, les ministres et l’Agence des services frontaliers du Canada de tout changement d’adresse au moins 72 heures avant que le changement ne prenne effet. Aucune autre personne ne peut occuper la résidence sans l’approbation de l’ASFC.

  3. M. Harkat fera rapport une fois toutes les deux semaines à l’ASFC à un jour et à un moment déterminés par un représentant de l’ASFC.

  4. M. Harkat peut voyager à l’extérieur de la région de la capitale nationale (Ottawa, Orléans, Kanata et Gatineau) sous réserve des conditions suivantes :

  • a) M. Harkat doit rester au Canada;

  • b) M. Harkat doit fournir à l’ASFC un avis écrit d’au moins cinq (5) jours ouvrables complets d’un tel voyage, y compris l’itinéraire. L’itinéraire doit inclure des détails indiquant les heures et les dates du voyage, la ou les destinations proposées, l’itinéraire et le mode de déplacement;

  • c) M. Harkat communiquera tout changement à l’itinéraire à l’ASFC dans les meilleurs délais;

  • d) L’avis et l’itinéraire peuvent être fournis à l’ASFC par courriel;

  • e) M. Harkat doit se présenter à l’ASFC par téléphone une fois par jour. Si M. Harkat quitte une ville ou une municipalité après en avoir fait rapport à l’ASFC, il doit se présenter à l’ASFC à partir de la dernière ville ou municipalité où il se trouve ce jour-là;

  • f) M. Harkat peut, en cas d’urgence, demander l’approbation d’un tel voyage avec un préavis de 24 heures. Un tel déplacement nécessitera l’approbation de l’ASFC, toutefois, cette approbation ne doit pas être refusée sans raison valable.

Autres modalités

  1. M. Harkat ne doit, en aucun moment ou de quelque manière que ce soit, s’associer ou communiquer directement ou indirectement avec :

  • a) toute personne dont il sait, ou devrait savoir, qu’elle soutient le terrorisme ou le Jihad violent, ou qu’elle s’est trouvée dans un camp d’entraînement ou dans un gite exploité par une entité qui soutient le terrorisme ou le Jihad violent;

  • b) toute personne dont il sait ou devrait savoir qu’elle a un casier judiciaire ou constitue une menace pour la sécurité nationale;

  • c) toute personne que la Cour pourra à l’avenir préciser dans une ordonnance modifiant la présente ordonnance.

  1. M. Harkat doit permettre aux employés de l’ASFC, à toute personne désignée par l’ASFC ou tout agent de la paix d’accéder à la résidence à tout moment (sur présentation d’une pièce d’identité) afin de s’assurer que M. Harkat ou toute autre personne se conforme aux modalités et conditions de la présente ordonnance. L’ASFC doit aviser la Cour et obtenir une autorisation judiciaire pour toute inscription faite aux termes du présent paragraphe. Tous les autres occupants de la résidence doivent signer un document, sous une forme acceptable pour l’avocat des ministres, acceptant de se conformer aux présentes conditions. Avant d’occuper la résidence, tout nouvel occupant doit également accepter de se conformer aux présentes conditions.

  2. M. Harkat doit remettre son passeport et tous les documents de voyage à un représentant de l’ASFC. Les ministres doivent fournir à M. Harkat le nom de l’agent.

  3. Si son renvoi du Canada est ordonné, M. Harkat se présentera aux autorités aux fins de ce renvoi conformément à leurs directives. Il se présentera également devant la Cour lorsqu’elle l’exigera.

  4. M. Harkat est tenu de comparaître en Cour à toutes les audiences et pour toutes les instances ou procédures aux termes de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.

  5. M. Harkat ne possédera aucune arme, véritable ou factice, aucune substance nocive, aucun explosif, ni aucun de leurs composants.

  6. M. Harkat s’abstiendra de troubler l’ordre public.

  7. Tout agent de l’ASFC ou tout agent de la paix qui aura des motifs raisonnables de croire que l’une ou l’autre des conditions de la présente ordonnance a été violée, pourra arrêter M. Harkat sans mandat et le mettre en détention. Dans les 48 heures suivant cette détention, un juge de la Cour, désigné par le juge en chef, doit déterminer immédiatement s’il y a eu manquement à une condition de la présente ordonnance, si les conditions de la présente ordonnance doivent être modifiées et si M. Harkat devait être incarcéré.

  8. Tout manquement à la présente ordonnance constitue une infraction au sens de l’article 127 du Code criminel et pour l’application de l’alinéa 124(1)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.

  9. Les modalités et conditions de la présente ordonnance peuvent être modifiées conformément à l’article 82 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

DES-5-08

INTITULÉ :

AFFAIRE INTÉRESSANT un certificat signé en application du paragraphe 77(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés et Mohamed Harkat

LIEU DE L’AUDIENCE :

OTTAWA (ONTARIO)

DATE DE L’AUDITION :

LES 16 ET 17 NOVEMBRE 2017

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :

LA JUGE ROUSSEL

DATE :

LE 23 janvier 2018

COMPARUTIONS :

Barbara Jackman

POUR MOHAMED HARKAT

David Tyndale

Nadine Silverman

POUR LES MINISTRES

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Jackman, Nazami & Associates

Avocats

Ottawa (Ontario)

POUR MOHAMED HARKAT

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR LES MINISTRES

 

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