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Date : 20180129


Dossier : IMM-2749-17

Référence : 2018 CF 96

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 29 janvier 2018

En présence de monsieur le juge Campbell

ENTRE :

PEMA SANGMO

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  La demanderesse demande l’asile au motif qu’elle est une citoyenne du Tibet et d’aucun autre pays et qu’elle craint d’être persécutée par le gouvernement chinois. Dans une décision datée du 23 novembre 2016, la Section de la protection des réfugiés a rejeté en partie la demande de la demanderesse, en concluant qu’étant donné qu’elle est née en Inde, elle est une citoyenne de l’Inde. En appel devant la Section d’appel des réfugiés, la demanderesse a présenté de nouveaux éléments de preuve pour démontrer qu’étant donné que son père est né au Tibet, elle est une citoyenne de la Chine, bien qu’elle soit née en Inde.

[2]  L’interprétation des lois étrangères était une question principale en suspens devant la Section de la protection des réfugiés et la Section d’appel des réfugiés. Cependant, tel qu’il est décrit ci-dessous, sur un fondement purement probatoire, je conclus que la décision de la Section d’appel des réfugiés doit être annulée en raison d’une erreur fondamentale susceptible de révision.

[3]  Devant la Section de la protection des réfugiés, la demanderesse a indiqué, dans son témoignage, qu’à sa connaissance son père est né au Tibet et qu’il était en possession d’un élément de preuve documentaire à cet effet, mais qu’elle n’était pas en mesure de déposer cet élément de preuve au dossier parce qu’elle ne l’avait pas avec elle. Cependant, lorsque son avocat lui a demandé ce qui suit : [traduction] « si cela est nécessaire, pouvez-vous déposer des copies des certificats d’enregistrement de vos parents? », la demanderesse a répondu [traduction] « oui, je peux le faire » (enregistrement audio de l’audition devant la Section de la protection des réfugiés; 1:30:05+). La Section de la protection des réfugiés n’a pas demandé que l’élément de preuve soit déposé.

[4]  Devant la Section d’appel des réfugiés, la demanderesse a présenté la preuve par affidavit suivante :

[traduction] Lors de l’audition (Section de la protection des réfugiés), le commissaire m’a demandé le certificat d’enregistrement de mon père. Je ne savais pas qu’il était nécessaire que je présente ce document lors de l’audition ni que je pouvais en soumettre une copie après l’audition. En pièce jointe au présent affidavit, à titre de pièce B, se trouve une copie du certificat d’enregistrement de mon père qui confirme qu’il est né à Pemakoe, au Tibet, qu’il est un ressortissant du Tibet et qu’il est arrivé en Inde par voie terrestre.

(Affidavit de la demanderesse fait sous serment le 30 décembre 2016, dossier certifié du tribunal, aux pages 95 et 96)

[5]  L’avocat de la demanderesse a affirmé que la copie du certificat d’enregistrement devrait être admise en preuve parce [traduction] « la demanderesse n’avait aucun moyen de savoir que le tribunal (Section de la protection des réfugiés) souhaitait voir le certificat d’enregistrement de son père et elle ne savait pas quand elle pouvait le déposer » (mémoire de la demanderesse, dossier certifié du tribunal, au paragraphe 15 de la page 107). La Section d’appel des réfugiés a traité le certificat d’enregistrement de la façon suivante :

[traduction] Le deuxième élément des nouveaux éléments de preuve consistait en une photocopie du « certificat d’enregistrement – numéro du permis de résidence » (pièce P-2, dossier de la demanderesse, mémoire de la demanderesse, aux pages 17 à 19) du père de la demanderesse. Le certificat d’enregistrement indique que son père est né au Tibet (Chine). La demanderesse a affirmé qu’elle n’avait aucun moyen de savoir que le tribunal (Section de la protection des réfugiés) souhaitait voir le certificat d’enregistrement de son père et elle ne savait pas quand elle pouvait le déposer. La première question de toute demande concerne l’identité, soit l’identité personnelle et le pays de nationalité. La demanderesse était représentée par un avocat chevronné et compétent lors de l’audition devant la Section de la protection des réfugiés. La Section d’appel des réfugiés ne retient pas ce nouvel élément de preuve, en ce sens qu’il aurait pu raisonnablement être présenté à la Section de la protection des réfugiés, en application du paragraphe 110(4) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. Lors de l’audition, la question de sa nationalité a été examinée. On a demandé à la demanderesse de produire des documents visant à démontrer le lieu de naissance de ses parents et elle a mentionné qu’elle ne les avait pas apportés. L’audition devant la Section de la protection des réfugiés a eu lieu le 25 mai 2016, et cette dernière a rendu sa décision le 21 novembre 2016; un délai de près de six mois. Il n’est ni raisonnable ni crédible que ce document n’ait pu être présenté à la Section de la protection des réfugiés aux fins d’examen avant la décision. La Section d’appel des réfugiés ne retient pas l’explication de la demanderesse, étant donné qu’il s’agissait d’une question pour la Section de la protection des réfugiés.

[Non souligné dans l’original.]

[6]  Le juge Heald dans l’arrêt Maldonado c Canada (Ministre de lEmploi et de lImmigration, ([1980] 2 CF 302) (CAF), au paragraphe 5, énonce un principe fondamental lorsqu’il s’agit de tirer une conclusion quant à la crédibilité :

[traduction] Quand un requérant jure que certaines allégations sont vraies, cela crée une présomption qu’elles le sont, à moins qu’il n’existe des raisons d’en douter.

[7]  Je conclus qu’il n’existe absolument aucun élément de preuve au dossier devant la Section d’appel des réfugiés servant à étayer la conclusion défavorable quant à la crédibilité et à rejeter le témoignage sous serment de la demanderesse, cité au paragraphe 4 ci-dessus. Pour ce motif, je conclus que la décision faisant l’objet du contrôle est déraisonnable. Il est préoccupant de constater qu’en se fondant sur une conclusion relative à la crédibilité si arbitraire, la Section d’appel des réfugiés a rejeté le même élément de preuve que la Section de la protection des réfugiés a omis de demander et dont la Section d’appel des réfugiés pouvait se servir pour trancher la question litigieuse de la citoyenneté de la demanderesse, qui est à la base de sa demande, c’est-à-dire la peur d’être persécutée si elle devait retourner en Chine.


JUGEMENT

LA COUR annule la décision à l’examen, et l’affaire est renvoyée à un autre tribunal aux fins de réexamen.

Aucune question n’est certifiée.

« Douglas R. Campbell »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 6e jour d’août 2019

Lionbridge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

DOSSIER :

IMM-2749-17

 

INTITULÉ :

PEMA SANGMO c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 26 JANVIER 2018

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE CAMPBELL

DATE DES MOTIFS :

LE 29 JANVIER 2018

COMPARUTIONS :

Richard Wazana

Pour la demanderesse

Nicole Paduraru

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

WAZANALAW

Avocat et notaire

Toronto (Ontario)

Pour la demanderesse

Procureur général du Canada

Pour le défendeur

 

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