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Date : 20180223


Dossiers : IMM-5071-17

IMM-4585-17

IMM-5539-17

Référence : 2018 CF 211

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 23 février 2018

En présence de monsieur le juge LeBlanc

ENTRE :

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

demandeur

et

JACOB DAMLANY LUNYAMILA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Introduction

[1] Il s’agit de demandes de contrôle judiciaire présentées par le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile (ministre) visant trois ordonnances de trois commissaires différents de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada, Section de l’immigration, datées du 30 octobre 2017 (ordonnance d’octobre), du 27 novembre 2017 (ordonnance de novembre) et du 21 décembre 2017 (ordonnance de décembre), dans lesquelles on a ordonné la mise en liberté du défendeur (collectivement, les ordonnances de mise en liberté). Les trois demandes ont été entendues simultanément le 5 février 2018, à Vancouver.

[2] La question dont la Cour est saisie consiste à savoir si ces décisions sont raisonnables. Le défendeur est détenu dans un centre de détention de l’immigration de façon continue depuis septembre 2013. C’est la troisième fois au cours de cette période que notre Cour est appelée à évaluer le caractère raisonnable des décisions prises par la Section de l’immigration de mettre le défendeur en liberté. Les deux premières fois, ces décisions, prises au cours de sept contrôles des motifs de détention tenus par différents commissaires de la Section de l’immigration entre les mois de janvier et de septembre 2016, ont été considérées comme déraisonnables, les critères déterminants étant que le défendeur avait jusque-là refusé de coopérer à une mesure de renvoi rendue de manière valide, qu’il était peu probable qu’il se présente pour son renvoi et qu’il représentait un danger pour la sécurité publique, et que les conditions établies pour sa mise en liberté dans chaque cas n’auraient pas réglé le danger ou le risque de fuite qu’il posait (Canada (Sécurité publique et Protection civile) c Lunyamila, 2016 CF 289 (le juge Harrington) (Lunyamila I) et Canada (Sécurité publique et Protection civile) c Lunyamila, 2016 CF 1199 (le juge en chef) [Lunyamila II]).

[3] Dans Lunyamila II, le juge en chef a certifié une question. Dans une décision rendue le 19 janvier 2018, la Cour d’appel fédérale a refusé de répondre à cette question, étant d’avis qu’elle n’était pas « suffisante pour donner à la Cour compétence pour instruire l’appel » (Lunyamila c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2018 CAF 22, au paragraphe 53 (Lunyamila CAF)). En conséquence, la Cour a rejeté l’appel interjeté par le défendeur.

[4] Le lendemain de l’audition des présentes demandes de contrôle judiciaire, c’est-à-dire le 6 février 2018, l’avocate du ministre a informé la Cour que, suite au contrôle des motifs de détention qui s’est tenu en janvier 2018, la Section de l’immigration a ordonné la détention du défendeur. En conséquence, elle a demandé l’autorisation de déposer des observations écrites concernant la question du caractère théorique découlant de cette situation. L’autorisation a été accordée et les deux parties ont déposé des observations écrites. Même si les parties sont en désaccord à savoir si la présente espèce est théorique, elles demandent toutes deux à la Cour, comme il est envisagé par l’arrêt Borowski c Canada (Procureur général), [1989] 1 RCS 342 (Borowski), d’exercer son pouvoir discrétionnaire de trancher la question sur le fond, même si je devais conclure que l’affaire est désormais théorique, car il existe toujours une relation conflictuelle entre les parties.

[5] Borowski établit un processus en deux étapes pour décider si une question est théorique. La première étape consiste à établir s’il reste un litige actuel entre les parties. Je suis d’accord avec le ministre pour dire que la dernière ordonnance de détention l’emporte sur les ordonnances de mise en liberté qui font l’objet des présentes demandes de contrôle judiciaire, ce qui fait en sorte que ces ordonnances de mise en liberté ne sont plus en vigueur et que la décision de la Cour à l’égard de ces demandes n’a aucun impact direct sur le maintien du défendeur en détention (Canada (Sécurité publique et Protection civile) c Ali, 2016 CF 661, au paragraphe 29). Par conséquent, je suis convaincu qu’aucun litige actuel entre les parties ne subsiste en ce qui concerne les ordonnances de mise en liberté attaquées et que les questions soulevées dans les demandes principales sont, en conséquence, théoriques.

[6] La deuxième étape du critère Borowski exige que la Cour décide, si la question est théorique, si elle doit exercer son pouvoir discrétionnaire d’entendre l’affaire de toute façon. Dans l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire, la Cour doit prendre en considération les facteurs suivants : i) l’existence d’une décision conflictuelle entre les parties; ii) la préoccupation pour l’économie judiciaire; et iii) la sensibilisation à l’égard de la fonction véritable de la Cour dans l’élaboration du droit (Borowski, aux paragraphes 31, 34 et 40).

[7] En l’espèce, même si Lunyamila I et Lunyamila II fournissent déjà une orientation importante et convaincante à la Section de l’immigration dans l’examen des motifs de détention du défendeur, je suis d’accord avec les parties pour dire que je devrais trancher la question sur le fond, même si elle est théorique, compte tenu du fait qu’il subsiste une relation conflictuelle entre elles, que les questions soulevées dans la présente affaire sont susceptibles, selon toute vraisemblance, compte tenu de l’historique de l’affaire, d’être soulevées de nouveau, et que le défendeur a maintenant passé plus de 55 mois en détention continue, y compris plus de 15 mois depuis que la décision dans Lunyamila II a été prononcée. La présente espèce donne à la Cour la possibilité de réitérer les principaux principes juridiques établis dans Lunyamila I et Lunyamila II, et de les appliquer à ce qui semble intrinsèquement être une situation en évolution.

II. Résumé des faits

A. L’historique d’immigration du défendeur au Canada

[8] Lunyamila CAF présente ce résumé utile de l’historique d’immigration du défendeur au Canada :

[13] Le [défendeur] est arrivé au Canada en 1994 et a reçu le statut de réfugié en 1996. Il affirme qu’il est Jacob Damiany Lunyamila, un citoyen rwandais, né en septembre 1976. Cependant, son identité n’a pas été établie. Entre autres, il n’a pas de documents d’identité rwandais, et le dossier associé à sa demande d’asile a été détruit il y a des années, conformément aux politiques de conservation des documents standard de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié.

[14] Durant la période de janvier 1999 à juin 2013, M. Lunyamila a été accusé de 94 infractions criminelles et a été déclaré coupable pour 54 d’entre elles. Il semble qu’un certain nombre de ces condamnations étaient liées à sa dépendance à l’alcool et des problèmes de santé mentale. En juillet 2012, M. Lunyamila a de nouveau été déclaré interdit de territoire pour criminalité en vertu de l’alinéa 36(2)a) de la LIPR. Une ordonnance d’expulsion a été émise contre lui en août 2012. Par suite d’une condamnation pour agression sexuelle, le demandeur a également été jugé interdit de territoire pour grande criminalité en vertu de l’alinéa 36(1)a) de la LIPR. En mai 2014, un avis selon lequel l’appelant constituait un danger pour la sécurité publique au Canada et que le risque pour le public canadien était plus important que le risque auquel le défendeur serait exposé s’il retournait au Rwanda ainsi que toute considération d’ordre humanitaire a été rendu, en application de l’alinéa 115(2)a) de la LIPR. L’autorisation de demander le contrôle judiciaire a été refusée.

[15] En juin 2013, M. Lunyamila a été arrêté et détenu en vertu de l’article 55 de la LIPR. Sa détention a été initialement maintenue aux motifs qu’il présentait un risque de fuite et un danger pour la sécurité publique. Lors du deuxième contrôle des motifs des trente jours, on a ordonné sa mise en liberté sous conditions. Ces conditions exigeaient entre autres qu’il vive dans un établissement de réadaptation en toxicomanie précisé, qu’il termine un programme de trois mois et qu’il respecte les règles et les règlements de l’établissement. Toutefois, il a quitté l’établissement après deux jours et a été de nouveau arrêté. Il demeure en détention depuis septembre 2013.

[16] Jusqu’en janvier 2016, des contrôles successifs des motifs des trente jours ont donné lieu à des ordonnances de maintien en détention, d’abord pour risque de fuite, puis pour des raisons tenant à l’identification. Cependant, à partir de janvier 2016, les commissaires de la SI ont prononcé une série d’ordonnances en vue de la mise en liberté de M. Lunyamila. Chacune de ces ordonnances a fait l’objet d’un sursis, et deux d’entre elles, celles prononcées en janvier et en février 2016, ont été annulées par la Cour fédérale dans le cadre d’un contrôle judiciaire (2016 CF 289). Cinq autres ordonnances de mise en liberté, y compris l’ordonnance rendue par le commissaire Cook, ont fait l’objet des demandes réunies qui ont conduit au présent appel.

[17] Suivant le prononcé de l’avis selon lequel l’appelant constituait un danger en mai 2014, l’Agence des services frontaliers du Canada (l’« ASFC ») a pris des mesures pour expulser M. Lunyamila au Rwanda. Puisque M. Lunyamila n’était pas titulaire d’un passeport rwandais ou d’un autre document de voyage, l’ASFC a communiqué avec le Haut-Commissariat du Rwanda afin de déterminer les exigences lui permettant d’en obtenir un. L’ASFC a été informée qu’il fallait, entre autres exigences, fournir des copies certifiées des documents d’identité rwandaise et une déclaration solennelle confirmant sa volonté de retourner au Rwanda.

[18] M. Lunyamila avait déclaré qu’il ne disposait pas des documents d’identité requis. Malgré dix demandes faites séparément par des agents de l’ASFC, en juin, juillet, novembre et décembre 2014, et en février, mai, juillet, août, novembre et décembre 2015, il a également refusé de signer la déclaration solennelle. En réponse à plusieurs de ces demandes, il a déclaré, en réalité, qu’il ne signerait jamais et qu’il ne collaborerait jamais à son expulsion.

[19] En novembre 2013 et en 2014, l’ASFC a reçu des renseignements indiquant que M. Lunyamila était en fait une personne ayant un nom et une date de naissance différents et qu’il était un citoyen de la Tanzanie. Cependant, l’enquête de l’ASFC sur ces renseignements a mené à une autre personne, et la possibilité que M. Lunyamila soit tanzanien n’a pas fait l’objet, à ce moment-là, d’une enquête plus poussée.

[20] L’ASFC a repris son enquête en février 2015 lorsqu’elle a reçu de nouveaux renseignements reliant M. Lunyamila à la Tanzanie. L’ASFC a envisagé de retenir les services d’un enquêteur privé, elle a fait des demandes de renseignements auprès de la police tanzanienne, et elle a pris des dispositions en vue d’une analyse linguistique, qui a été effectuée en mai 2016. L’analyse a révélé qu’il était « très probable » que les compétences linguistiques de M. Lunyamila correspondent à celles de la Tanzanie et « très peu probable » quant à celles du Rwanda. L’ASFC a également envoyé des empreintes digitales en vue d’une analyse par les autorités tanzaniennes, et a organisé une entrevue avec M. Lunyamila par des agents consulaires tanzaniens en septembre 2016.

[21] M. Lunyamila a coopéré dans une certaine mesure dans le cadre de cette enquête, y compris en participant à l’analyse linguistique, mais il a également fourni des renseignements contradictoires et illogiques en réponse aux demandes de renseignements sur ses liens avec la Tanzanie.

(Titres omis)

[9] Au résumé de la Cour d’appel concernant l’historique du défendeur, j’ajouterais que le défendeur a fait l’objet de 54 déclarations de culpabilité au total, qui comprennent, sans toutefois s’y limiter, une déclaration de culpabilité pour port d’une arme dissimulée, 10 pour voies de fait, 4 pour avoir proféré des menaces, 22 pour vol de moins de 5 000 $ et une déclaration de culpabilité d’agression sexuelle pour attouchements non consensuels. Il a également fait l’objet de 13 déclarations de culpabilité pour défaut de comparaître en cour et pour défaut de se conformer à des ordonnances, à des conditions et à des engagements. Le service de police de Vancouver a décrit le défendeur comme « délinquant multirécidiviste, un criminel invétéré qui cause un préjudice social important » (Lunyamila I, au paragraphe 3).

[10] En outre, et cela est pertinent aux conditions annexées aux ordonnances de mise en liberté, le défendeur était sans abri pendant les 12 années qui ont précédé sa détention. Pendant cette période, il a parfois séjourné à l’Union Gospel Mission (UGM), une halte-accueil qui exécute un certain nombre de programmes communautaires, y compris des programmes de désintoxication, et il prétend connaître l’installation et les membres de son personnel. En fait, l’une de ses déclarations de culpabilité pour voies de fait découle d’une altercation avec une autre résidente de l’UGM, et une condition de son ordonnance de probation était qu’il n’était plus autorisé à fréquenter les installations.

B. Les ordonnances de mise en liberté de janvier et de février 2016 : Lunyamila I

[11] Le 5 janvier 2016, le commissaire Nupponen a ordonné la mise en liberté du défendeur, car, même s’il avait effectivement coopéré avec l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) et signé les documents requis, il était hautement conjectural qu’il serait déporté parce qu’il n’avait pas les documents d’identité requis, ce qui menait à une conclusion de détention pendant une période indéterminée. Le commissaire Nupponen a aussi conclu que le défendeur ne présentait plus le même risque pour le public, puisqu’il était sobre depuis deux ans et qu’il avait suivi des cours en gestion de la colère. Le 2 février 2016, le commissaire Nupponen a une fois de plus mis le défendeur en liberté, car il n’y avait aucune raison de s’écarter de sa décision antérieure. Il a minimisé l’importance des éléments de preuve relatifs à la réaction violente du défendeur lorsqu’il a été informé qu’il avait été sursis à sa mise en liberté par une ordonnance de notre Cour, qui a conclu qu’il s’agissait d’une réaction de frustration raisonnable.

[12] Comme je l’ai indiqué au début des présents motifs, ainsi que dans le résumé de l’affaire présenté dans Lunyamila CAF, ces deux ordonnances de mise en liberté ont été considérées comme déraisonnables. En ce qui concerne la décision du 5 janvier 2016, la Cour a considéré que la conclusion tirée par le commissaire Nupponen n’était pas étayée par le dossier. Le défendeur a été déclaré coupable d’agressions violentes, y compris une agression sexuelle, et rien dans le dossier n’indiquait que l’abstinence forcée du défendeur alors qu’il se trouvait en détention l’amènerait vers la sobriété à l’avenir. Il n’y avait aucun fondement probant pour appuyer une conclusion selon laquelle il se conformerait aux conditions de sa mise en liberté et qu’il se présenterait régulièrement aux autorités.

[13] En contrôlant la décision du 2 février 2016, la Cour a tiré la même conclusion que dans la décision précédente, mais a ajouté que l’examen de la réaction du défendeur lorsqu’il a été informé du sursis de la décision du 5 janvier 2016 par le commissaire était déraisonnable, car l’agitation et la réaction agressive du défendeur laissaient entendre qu’il n’exerçait aucun contrôle sur ses problèmes de colère et qu’il constituait toujours un danger pour la sécurité publique.

C. Les ordonnances de mise en liberté de mars, de juillet, d’août et de septembre 2016 : Lunyamila II

[14] Le 1er mars, le 31 mars, le 14 juillet, le 11 août et le 16 septembre 2016, le défendeur a été mis en liberté une fois de plus par le centre de détention de l’immigration par la Section de l’immigration. Le 1er mars, la commissaire King est arrivée à la conclusion que le défendeur ne pouvait pas faire l’objet d’une mesure de renvoi sans documents d’identité rwandais, quelque chose qu’il n’avait pas depuis son arrivée au Canada et qu’il était extrêmement peu probable qu’il les obtienne. À ce titre, le maintien de la détention du défendeur équivaudrait à le maintenir en détention pendant une période indéterminée, contrairement à plusieurs de ses droits garantis par la Charte. Le 31 mars, le commissaire McPhalen a également conclu que sa détention était indéterminée, contrevenant aux droits du défendeur garantis par la Charte.

[15] Le 16 juillet, le commissaire Ko a conclu que la détention du défendeur devrait être maintenue d’après les nouveaux renseignements obtenus par l’ASFC qui soulevaient des questions supplémentaires relativement à l’identité de la personne, notamment qu’il était possible qu’il soit Tanzanien, pas Rwandais. Lors du contrôle suivant des motifs de détention qui a eu lieu le 14 juillet, la commissaire King était en désaccord avec l’appréciation des nouveaux renseignements par le commissaire Ko et a ordonné la mise en liberté du défendeur. La commissaire King est arrivée à la conclusion que les renseignements n’étaient pas nouveaux, car le ministre a reçu les renseignements en 2013, mais n’a décidé que récemment d’engager les coûts associés à l’examen de ces renseignements. De plus, la commissaire King a conclu que le fait que le défendeur constitue un danger pour la sécurité publique et un risque de fuite, et qu’il a omis de coopérer à des efforts en vue de le renvoyer ne suffisait pas pour étayer la détention pour « une période indéterminée » du défendeur.

[16] Le 11 août, le commissaire Rempel a mis le défendeur en liberté, concluant que la détention était devenue indéterminée et que des conditions pourraient être imposées en vue de réduire le risque pour le public à un niveau qui ne justifiait plus le maintien de la détention. Le commissaire Rempel a conclu qu’il était invraisemblable que l’ASFC soit en mesure de confirmer l’identité tanzanienne du défendeur et que le défendeur posait un moins grand danger que lorsqu’il est entré au centre de détention de l’immigration. Les conditions de mise en liberté comprenaient : acceptation à un programme de traitement de désintoxication en établissement, s’abstenir de consommer de l’alcool et de mener des activités qui entraîneraient une déclaration de culpabilité aux termes d’une loi fédérale.

[17] Le 16 septembre, le commissaire Cook a ordonné la mise en liberté du défendeur pour des motifs similaires à ceux de l’ordonnance de mise en liberté précédente. Le commissaire Cook a observé que l’affaire du défendeur se trouvait dans une impasse, en grande partie en raison de son défaut de coopérer, mais que cette coopération ne pouvait garantir le renvoi, car le défendeur ne disposait pas non plus des documents d’identité que semblait exiger le Rwanda. Le commissaire Cook a imposé des conditions similaires à celles imposées par le commissaire Rempel, même s’il a ajouté l’exigence que le défendeur fasse des efforts en vue de s’inscrire à un programme communautaire de prévention de la violence et de le suivre.

[18] Ces décisions ont toutes été jugées déraisonnables par le juge en chef dans Lunyamila II. Le juge en chef a formulé la question fondamentale soulevée par les demandes dont il était saisi, soit celle de savoir « comment résoudre la tension entre, d’une part, un détenu aux fins de l’immigration qui refuse de coopérer à une ordonnance de renvoi du Canada rendue de manière valide et, d’autre part, la durée de la détention et l’incertitude concernant la durée de la détention future découlant, en totalité ou en partie, de ce refus » (Lunyamila II, au paragraphe 1). Il a soutenu que cette tension devait être résolue en faveur du maintien de la détention lorsqu’un tel refus de coopérer « constitue un obstacle aux mesures qui pourraient contribuer, de façon réaliste, à l’exécution du renvoi d’un détenu qui a été désigné comme un danger pour la sécurité publique » ou lorsqu’on détermine qu’un détenu « se soustraira vraisemblablement au renvoi du Canada »(Lunyamila II, au paragraphe 2).

[19] S’il en était autrement, a prévenu le juge en chef, cela permettrait à ce détenu de « simplement provoquer ou contribuer à provoquer une “impasse” dans le but d’obtenir sa libération de prison », et par conséquent, de « manipuler notre système juridique afin d’éviter l’exécution d’une ordonnance de renvoi rendue de manière valide », quelque chose qui, selon le juge en chef, va à l’encontre du régime de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (Loi) et qui est ce que le défendeur semble tenter de faire (Lunyamila II, au paragraphe 3).

[20] La Cour d’appel fédérale, dans Lunyamila CAF, a résumé comme suit les conclusions du juge en chef concernant le caractère raisonnable de l’analyse en vertu de l’article 248 du 16 septembre 2016 du commissaire Cook, qui s’applique également aux quatre autres ordonnances de mise en liberté examinées par le juge en chef :

[39] Le juge de première instance a conclu que la décision du commissaire Cook était déraisonnable à plusieurs égards. Premièrement, il a noté une incohérence entre la conclusion du commissaire Cook selon laquelle la détention de M. Lunyamila est devenue indéterminée et les propres conclusions du commissaire Cook concernant les possibilités de renvoyer M. Lunyamila au Rwanda ou en Tanzanie. Le commissaire a également reconnu que le retard était attribuable en grande partie du retard au refus de M. Lunyamila de collaborer, et que son défaut de collaborer avait, en outre, contribué de manière importante à l’incertitude concernant la date de renvoi. Il était par conséquent déraisonnable pour le commissaire de se fonder sur le retard et l’incertitude pour conclure que la détention était devenue indéterminée, puis de considérer ces facteurs comme contribuant à la mise en liberté : cela revenait à accorder à M. Lunyamila un mérite pour des facteurs à l’égard desquels il était en grande partie responsable.

[40] Le juge de première instance a également conclu que la décision du commissaire qui consistait à accorder un poids neutre au quatrième facteur énoncé à l’article 248 concernant le retard et le manque de diligence était déraisonnable. Il a accepté que le ministre ait pu être plus diligent dans ses efforts pour expulser M. Lunyamila au Rwanda, mais a fait observer que le défaut de collaborer de M. Lunyamila avait considérablement miné ces efforts. Ce facteur, a déclaré le juge de première instance, aurait donc dû militer fortement en faveur du maintien en détention. Le juge de première instance a conclu également au caractère déraisonnable de la décision du commissaire Cook selon laquelle le ministre aurait dû en faire davantage plus tôt pour possiblement renvoyer l’appelant en Tanzanie.

[41] Le juge de première instance a ensuite examiné les conditions de mise en liberté fixées par le commissaire Cook. Il a remercié le commissaire Cook pour avoir inclus la condition prélibératoire que M. Lunyamila signe la déclaration requise par le Rwanda. Le juge de première instance a déclaré que permettre à M. Lunyamila d’obtenir sa mise en liberté tout en continuant de refuser de collaborer « reviendrait à lui permettre de se faire justice lui-même et de déterminer quelles sont les lois canadiennes qu’il est disposé à suivre ou non ». Cependant, il s’est dit d’accord avec le ministre que les conditions prises ensemble étaient déraisonnables puisqu’elles n’abordaient pas adéquatement les tendances à la violence de M. Lunyamila et son risque de fuite. Il a déclaré que, pour se montrer raisonnable dans les circonstances de l’affaire visant M. Lunyamila, les conditions devraient « éliminer totalement » les risques qu’il présentait.

[21] Le juge en chef a également tranché qu’il était déraisonnable de conclure que le défendeur était moins dangereux que lorsqu’il a été incarcéré compte tenu de ses récents accès de violence (Lunyamila II, au paragraphe 73).

[22] Les audiences subséquentes portant sur le contrôle des motifs de détention, entre octobre 2016 et octobre 2017, ont maintenu la détention du défendeur jusqu’aux ordonnances de mise en liberté qui font l’objet du présent contrôle judiciaire.

III. Décisions attaquées

A. L’ordonnance d’octobre (commissaire McPhalen)

[23] L’ordonnance d’octobre prévoyait la mise en liberté du défendeur sous réserve de certaines conditions, y compris le fait qu’il devait résider à l’UGM, se présenter toutes les semaines à l’ASFC, s’inscrire à un programme de désintoxication (programme) et le suivre, suivre un programme de prévention de la violence, maintenir la paix, et diverses exigences qui faciliteraient l’obtention de documents de voyage.

[24] L’audience, qui a d’abord été tenue le 24 octobre 2017, a été ajournée afin de permettre au représentant désigné du défendeur de réfléchir à une solution de rechange à la détention plus étoffée, de sorte qu’un établissement puisse avoir un lit disponible pour lui à sa mise en liberté.

[25] Lorsque l’audience a repris le 30 octobre, l’avocat du ministre a soulevé les questions qui constituaient le fondement de la décision du juge en chef dans Lunyamila II, à savoir que l’établissement proposé avait besoin de mettre des mesures de protection en place afin de protéger les membres du personnel et les autres résidents, et qu’il devait y avoir des mesures en place pour maintenir le défendeur à l’établissement ou prévenir l’ASFC s’il quittait l’établissement.

[26] Malgré le fait qu’il était informé de la décision du juge en chef dans Lunyamila II et qu’il avait conclu que le défendeur posait un risque de fuite, qu’il était invraisemblable qu’il soit renvoyé et qu’il représentait toujours une menace pour le public, le commissaire McPhalen a conclu qu’il était peu probable que le défendeur attaque quelqu’un vivant ou travaillant à l’établissement auquel il était mis en liberté, car son niveau de violence se trouvait à l’extrémité inférieure du continuum.

[27] Le commissaire McPhalen a aussi conclu que même si le défendeur avait coopéré pleinement, il était peu probable que le renvoi se produise compte tenu des résultats des tentatives de l’ASFC pour trouver des renseignements sur – ainsi que des pièces d’identité – le défendeur par l’intermédiaire des services consulaires rwandais et étant donné que la possibilité relative à la Tanzanie constituait une [traduction] « impasse », car l’ASFC avait épuisé tous ses efforts pour établir si le renvoi vers ce pays était possible. En ce qui concerne la possibilité du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR), le commissaire McPhalen a conclu que le retard à demander que le défendeur signe le formulaire de consentement demandé par l’UNHCR était inacceptable, compte tenu du fait qu’il était en détention depuis quatre ans. En conséquence, cette option ne constitue pas un obstacle à la mise en liberté du défendeur. Il s’agissait, de l’avis du commissaire McPhalen, de raisons claires et convaincantes pour tirer une conclusion différente de celles tirées par d’autres commissaires de la Section de l’immigration depuis la décision du commissaire Cook du 16 septembre 2016.

[28] Le commissaire McPhalen a concédé que les conditions imposées pour la mise en liberté du défendeur ne réduisaient pas le risque de fuite ou le danger pour la sécurité publique, mais a soutenu qu’il s’agissait des meilleures conditions qui pouvaient être imposées dans les circonstances.

B. L’ordonnance de novembre (commissaire King)

[29] L’ordonnance de novembre adoptait les motifs de l’ordonnance d’octobre et mettait le défendeur en liberté sous réserve exactement des mêmes conditions. La commissaire King a conclu qu’il n’y avait aucune raison claire et convaincante de s’écarter de l’ordonnance du commissaire McPhalen, car l’argument du ministre voulant qu’une meilleure solution de rechange à la détention soit un argument pour quelque chose qui ne peut pas être accompli, en partie parce que la Section de l’immigration n’a pas compétence pour imposer les types de conditions imposées par les tribunaux provinciaux dans des affaires criminelles. La commissaire King a affirmé en outre que, compte tenu du fait que le défendeur n’avait jamais eu de documents d’identité et qu’il était désormais clair qu’il ne pouvait faire l’objet d’une mesure de renvoi vers le Rwanda sans ces documents, son refus de signer les documents pouvait difficilement être qualifié de manque de coopération dans ces circonstances. On pourrait dire la même chose, a-t-elle ajouté, en ce qui concerne la Tanzanie, car le refus de la citoyenneté d’un pays dont une personne n’est pas un citoyen ne peut pas être qualifié de non-coopération.

C. L’ordonnance de décembre (commissaire Cook)

[30] L’ordonnance de décembre mettait le défendeur en liberté sous réserve de conditions très similaires à celles annexées aux ordonnances d’octobre et de novembre, avec des variations, par exemple la signature d’un consentement autorisant l’UGM à informer l’ASFC si le défendeur quittait l’établissement pour une raison quelconque ou s’il omettait de suivre les directives, de s’inscrire à un programme communautaire de prévention de la violence et de le suivre, à la première occasion pour le demandeur plutôt que dans les deux semaines suivant sa mise en liberté. Le commissaire Cook a également élargi la portée de la condition concernant les documents à remplir avant la mise en liberté.

[31] Pour ce qui est de la détention, le commissaire Cook n’a pas estimé qu’il y avait lieu de s’écarter des deux décisions précédentes. Même s’il a conclu que, selon la prépondérance des probabilités, le défendeur représentait effectivement un danger pour la sécurité publique ainsi qu’un risque de fuite s’il était mis en liberté et que, par conséquent, le ministre avait présenté une preuve prima facie aux fins de la détention, le commissaire Cook a conclu que les facteurs énoncés à l’article 248 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (Règlement), militaient en faveur de la mise en liberté du défendeur, principalement parce qu’on avait peu confiance que le renvoi du défendeur se produirait effectivement, que ce soit vers le Rwanda, la Tanzanie ou un autre pays, car le seul changement à cet égard par rapport à l’audience précédente était que le demandeur avait signé le formulaire de consentement de l’UNHCR. Par conséquent, le premier facteur de l’analyse fondée sur l’article 248 – le motif de détention – que le commissaire Cook a désigné comme le renvoi du Canada, militait en faveur de la mise en liberté du défendeur.

[32] Pour ce qui est du deuxième facteur fondé sur l’article 248 – la durée de la détention –, le commissaire Cook a également conclu qu’il militait en faveur de la mise en liberté du défendeur, même si la détention était imputable au fait que le défendeur représente un danger pour la sécurité publique et un risque de fuite, et que cela était imputable en partie à son manque de coopération. Il a observé à cet égard que la détention à long terme est acceptable si elle mène ultimement au renvoi, quelque chose qui est peu probable de se produire dans le cas du défendeur.

[33] Le commissaire Cook s’est penché sur la question de savoir s’il y avait des facteurs qui pouvaient aider à déterminer pendant combien de temps il était vraisemblable que la détention se poursuive. Il a conclu que le ministre ne pouvait pas donner une estimation quant au moment du renvoi possible du défendeur et que, par conséquent, le renvoi du défendeur était illusoire et sa détention, indéterminée. Cela, a-t-il affirmé, militait en faveur de la mise en liberté du défendeur. Après avoir reconnu que le défendeur avait refusé de coopérer dans le passé, le commissaire Cook a conclu qu’il n’y avait aucun retard inexpliqué ou manque de diligence de la part de l’une ou l’autre des parties qui pouvait expliquer pourquoi le renvoi était retardé. Même un manque de coopération de la part du défendeur ne pouvait pas avoir une incidence sur le processus de renvoi à ce stade, a-t-il ajouté, car même avec la signature du défendeur, le ministre n’était pas convaincu qu’il obtiendrait un document de voyage.

[34] Enfin, le commissaire Cook a examiné l’existence de solutions de rechange à la détention, en concluant que la libération au programme de l’UGM constituait la meilleure solution de rechange disponible, même si elle ne reproduisait pas [traduction] « beaucoup des choses que le juge en chef souhaite voir », ce qu’il a conclu [traduction] « [ne pas être] réaliste pour une personne qui n’a aucun lien actuel avec le système de justice pénale » (ordonnance de décembre, dossier certifié du tribunal (DCT), à la page 2243). En discutant de la solution de rechange concernant l’UGM, le commissaire Cook a adopté une approche plus nuancée à l’égard du danger pour la sécurité publique que pose le défendeur, observant l’absence de problèmes importants liés aux établissements, par exemple des bagarres ou des altercations physiques au cours de ses cinq années passées en détention, et concluant que si des mesures étaient prises pour composer avec la colère et la dépendance du défendeur, il ne poserait pas un grand risque pour la sécurité publique.

D. Sursis

[35] Chacune des trois ordonnances de mise en liberté a été suspendue par la Cour en attendant l’issue du contrôle judiciaire.

IV. Questions en litige et norme de contrôle

[36] Les demandes en l’espèce soulèvent deux questions :

  • a) L’examen effectué par la Section de l’immigration à l’égard des facteurs prescrits par l’article 248 du Règlement est-il raisonnable?

  • b) Les conditions de mise en liberté imposées dans chaque cas sont-elles raisonnables?

[37] La norme de contrôle à l’égard des décisions de contrôle des motifs de détention de la Section de l’immigration, qui sont des décisions rendues sur des questions mixtes de fait et de droit, est celle de la raisonnabilité (Ahmed c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 792, au paragraphe 18; Lunyamila II, au paragraphe 20). Les parties ne le contestent pas. Cette norme est respectée lorsque la décision contestée cadre bien avec les principes de justification, de transparence et d’intelligibilité et qu’elle appartient « aux issues possibles et acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47, [2008] 1 RCS 190 (Dunsmuir)).

V. Discussion

A. Les thèses des parties

[38] Le ministre soutient que les ordonnances de mise en liberté sont déraisonnables, car les facteurs énoncés à l’article 248 n’ont pas été adéquatement examinés, étant donné que chaque commissaire de la Section de l’immigration a traité la durée de la détention comme si elle était indéterminée, sans tenir compte du fait que si les efforts de l’ASFC portent fruit, le défendeur sera renvoyé du Canada. Le ministre soutient également que les commissaires de la Section de l’immigration ont omis de tenir compte du fait qu’il n’y avait aucune justification raisonnable pour le défaut continu du défendeur de coopérer à son renvoi, ce qui ne se limite pas à son refus de signer des formulaires, mais qui comprend également son refus de fournir des réponses directes ou non évasives à des questions portant sur sa famille ou sur ses contacts en Tanzanie ou au Rwanda. En ce qui concerne particulièrement l’ordonnance de décembre, la Section de l’immigration a également indiqué de façon erronée le motif de détention, affirmant que c’était pour expulser le défendeur.

[39] Le ministre fait également valoir que les conditions de mise en liberté sont déraisonnables, car elles omettaient d’atténuer les risques d’une façon raisonnable. Notamment, aucun des plans de mise en liberté ne traite des préoccupations du juge en chef soulevées dans Lunyamila II, car il n’est pas clair que l’UGM peut gérer les risques associés au défendeur, y compris le risque lié au fait que les installations de l’UGM sont situées à proximité d’une école primaire. Par ailleurs, d’après les discussions lors de l’audience de décembre, le ministre ajoute qu’il est peu probable que le défendeur soit accepté dans le programme, étant donné qu’il n’éprouve pas actuellement de problèmes d’alcoolisme ou de toxicomanie et qu’il a des antécédents de violence à l’égard des femmes.

[40] Enfin, le ministre allègue que la Section de l’immigration n’a pas tenu compte des éléments de preuve qui indiquent que l’UGM ne convient pas, car le défendeur a déjà fait l’objet d’une ordonnance de probation lui interdisant expressément de fréquenter l’UGM.

[41] Le défendeur soutient que les trois ordonnances de mise en liberté sont raisonnables, car la Section de l’immigration a manifestement examiné et mis en balance dans chaque cas les facteurs énoncés à l’article 248. La question liée au manque de coopération du défendeur a été tranchée lorsqu’on a fait de sa signature de documents une condition préalable à sa mise en liberté. En outre, dans le cas de l’ordonnance d’octobre, la commissaire McPhalen avait des motifs clairs et convaincants de tirer une conclusion différente de celle des trois audiences précédentes, car il lui semblait évident que le défendeur ne pouvait pas être renvoyé au Rwanda, même s’il avait effectivement signé les demandes requises, puisqu’il n’avait aucun document d’identité. Enfin, le défendeur fait valoir que les ordonnances de mise en liberté sont raisonnables, car elles sont claires et intelligibles.

[42] Selon le défendeur, les conditions de mise en liberté sont raisonnables, car elles imposent la meilleure solution de rechange à la détention qui s’offre à la Section de l’immigration. En outre, les condamnations criminelles du défendeur sont liées à l’alcool et, compte tenu de sa sobriété forcée pendant qu’il était détenu dans un centre de détention de l’immigration, le défendeur sera vraisemblablement en mesure de traiter ses problèmes de toxicomanie grâce au programme. Le défendeur fait ensuite valoir que les conditions de mise en liberté autoriseront l’ASFC à continuer ses efforts de renvoi, car le défendeur est tenu de se présenter toutes les semaines ou chaque fois que l’ASFC le juge approprié.

B. Les principes juridiques applicables

[43] En application des articles 34 à 37 de la Loi, un étranger peut être interdit de territoire et passible de renvoi du Canada pour des motifs de sécurité, de violation du droit pénal ou humanitaire international, de criminalité, de grande criminalité ou de criminalité organisée. Une mesure de renvoi peut donc être prononcée à l’encontre d’un étranger interdit de territoire au Canada. Selon l’article 48 de la Loi, une telle mesure devient exécutable « dès que possible » une fois qu’elle prend effet, à moins qu’elle fasse l’objet d’un sursis. Lorsqu’il existe des motifs raisonnables de croire qu’une telle personne constitue un danger pour la sécurité publique ou qu’elle se soustraira vraisemblablement au renvoi, l’article 55 prévoit son arrestation et sa détention.

[44] Lorsqu’un étranger est détenu en application de la Loi, l’article 57 dispose que sa détention doit faire l’objet d’un contrôle dans les 48 heures suivant son arrestation, puis dans les sept jours qui suivent, et ensuite tous les 30 jours. C’est ce qui s’est produit dans le cas du défendeur.

[45] La décision de mettre en liberté ou de poursuivre la détention découle d’une prémisse voulant que les personnes ne doivent pas être détenues. Par conséquent, la Section de l’immigration est tenue de mettre en liberté un étranger du centre de détention de l’immigration à moins que le ministre ne présente une preuve prima facie pour le maintien de la détention en démontrant, comme le dispose le paragraphe 58(1) de la Loi, que l’étranger répond à l’un des faits suivants :

  1. le résident permanent ou l’étranger constitue un danger pour la sécurité publique;

  2. le résident permanent ou l’étranger se soustraira vraisemblablement au contrôle, à l’enquête, au renvoi ou à une procédure pouvant mener à la prise, par le ministre, d’une mesure de renvoi en vertu du paragraphe 44(2);

  3. son identité n’a pas été prouvée, mais peut l’être, soit il n’a pas raisonnablement coopéré en fournissant au ministre des renseignements utiles à cette fin, soit ce dernier a fait des efforts valables pour établir son identité;

[46] Une fois que le ministre a présenté des arguments pour justifier la détention, il appartient alors à l’étranger de démontrer qu’il existe des motifs de mise en liberté (Canada (Citoyenneté et Immigration) c John Doe, 2011 CF 974, au paragraphe 4 (John Doe)). Au moment de décider si la personne concernée devrait être mise en liberté ou demeurer en détention, la Section de l’immigration doit tenir compte des facteurs énoncés à l’article 248 du Règlement :

248 S’il est constaté qu’il existe des motifs de détention, les critères ci-après doivent être pris en compte avant qu’une décision ne soit prise quant à la détention ou la mise en liberté :

248. If it is determined that there are grounds for detention, the following factors shall be considered before a decision is made on detention or release:

a) le motif de la détention;

(a) the reason for detention;

b) la durée de la détention;

(b) the length of time in detention;

c) l’existence d’éléments permettant l’évaluation de la durée probable de la détention et, dans l’affirmative, cette période de temps;

(c) whether there are any elements that can assist in determining the length of time that detention is likely to continue and, if so, that length of time;

d) les retards inexpliqués ou le manque inexpliqué de diligence de la part du ministère, de l’Agence des services frontaliers du Canada ou de l’intéressé;

(d) any unexplained delays or unexplained lack of diligence caused by the Department, the Canada Border Services Agency or the person concerned; and

e) l’existence de solutions de rechange à la détention.

(e) the existence of alternatives to detention.

[47] Lorsque la Section de l’immigration décide que les facteurs énoncés à l’article 248, lorsqu’ils sont pris en considération, militent en faveur de la mise en liberté du détenu, le paragraphe 58(3) de la Loi autorise la Section de l’immigration à imposer au moment de la mise en liberté « les conditions qu’elle estime nécessaires ».

[48] En examinant ces facteurs, il n’est pas nécessaire que le même poids soit accordé à chacun. Ils doivent plutôt être examinés dans leur ensemble, et les motifs de détention auront une incidence sur la façon dont chaque facteur devrait être pondéré et apprécié (Shariff c Canada (MSPPC), 2016 CF 640, au paragraphe 36; Sahin c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1994] ACF no 1534 (QL), au paragraphe 30 (Sahin)). Il s’agit d’une question essentielle en l’espèce, alors que le défendeur est en détention, car on a jugé qu’il constituait un danger pour la sécurité publique et un risque de fuite. Comme le juge en chef l’a souligné dans Lunyamila II :

[85] Ceci dit, il vaut la peine de souligner que lorsque le détenu constitue un danger pour le public, l’esprit de la LIPR et du Règlement prévoit qu’un poids substantiel doit être accordé au maintien de la détention. Cela est encore plus vrai lorsqu’il semble que les conditions de libération qui permettraient d’éliminer presque complètement le danger que représente le détenu pour le public sur une base quotidienne n’ont pas été déterminées. Dans ces circonstances, et lorsque le détenu est en grande partie responsable de la durée de sa détention de par son refus de coopérer avec les efforts du ministre pour l’expulser du Canada, trois facteurs prévus à l’article 248 du Règlement militeraient fortement en faveur du maintien de la détention.

[49] Ces facteurs n’existent pas dans l’abstrait; ils doivent être examinés dans le contexte du régime législatif plus vaste créé par la Loi et le Règlement. L’objectif de la Loi indique clairement une préoccupation liée à la protection de la sécurité des Canadiens, comme l’envisagent les alinéas 3(1)h) et i), les alinéas 3(2)g) et h), et la Loi et le Règlement contiennent de nombreuses dispositions qui visent à faire avancer ces objectifs, y compris ceux en jeu en l’espèce.

[50] Le contexte dans la présente espèce a peu changé depuis que les ordonnances précédentes qui libéraient le défendeur du centre de détention de l’immigration ont été examinées par notre Cour. En examinant ces ordonnances de mise en liberté, le juge en chef a résumé le contexte législatif et les circonstances menant à la mise en liberté d’un détenu ou au maintien de sa détention lorsque ce détenu constitue un danger pour la sécurité publique ou un risque de fuite et qu’il n’a pas coopéré avec les efforts du ministre visant à le renvoyer :

[59] À mon avis, l’esprit de la LIPR et du Règlement prévoit qu’une personne qui constitue un danger pour le public ou présente un risque de fuite et qui ne coopère pas avec les efforts du ministre pour l’expulser du pays doit, sauf dans des circonstances exceptionnelles, demeurer détenue jusqu’à ce qu’elle accepte de coopérer à son renvoi. Des circonstances exceptionnelles seraient justifiées, puisqu’il est normalement très difficile de formuler des conditions de libération permettant d’éliminer complètement ou presque complètement le danger que présente la personne pour le public. Par conséquent, il serait normalement difficile d’empêcher l’exposition du public à un certain risque lors de la libération du détenu. Toutefois, cela peut se justifier dans des circonstances exceptionnelles, comme des délais inexpliqués et très importants de la part du ministre, qui ne sont pas attribuables à un manque de coopération de la part du détenu ou à un refus du ministre d’assumer les coûts substantiels associés à la poursuite de possibilités non spéculatives de renvoi.

[51] Comme le juge en chef l’explique au paragraphe 66 de Lunyamila II, tenir compte de ces considérations en matière de sécurité publique et de sécurité au moment d’interpréter et de mettre en balance les facteurs énumérés à l’article 248 du Règlement rend évidents certains principes directeurs :

i. Lorsque le motif du maintien de la détention est que la personne constitue un danger pour le public, « une longue détention est d’autant justifiable » (Sahin, précité, au paragraphe 30). En effet, lorsque la personne constitue un danger pour le public pour grande criminalité, au sens de l’alinéa 115(2)a), l’esprit de la LIPR et du Règlement sous-entend qu’une importance considérable doit être accordée à ce facteur.

ii. Si l’individu a été déjà détenu pendant un certain temps et s’il est prévu que la détention se poursuivra pendant une longue période, ou si on ne peut en prévoir la durée, ces faits favorisent habituellement la mise en liberté (Sahin, précité). Toutefois, lorsque le détenu a largement contribué à la durée de sa détention en raison de son entêtement à ne pas coopérer à son renvoi, comme dans le cas de M. Lunyamila, ou lorsque ce refus contribue grandement à l’incertitude entourant la durée prévue, cela a généralement pour effet de réduire substantiellement le poids accordé à ces faits. À mon avis, le fait d’accorder un poids substantiel à la durée de la détention antérieure et future prévue dans une situation où le détenu s’entête à ne pas coopérer permettrait au détenu de frustrer l’esprit de la LIPR et du Règlement par cette non-coopération. Entre autres choses, cela permettrait au détenu d’entrer au Canada (à sa libération), ce qui est contraire aux objectifs clairs prévus aux alinéas 3(1)h) et i) et aux alinéas 3(2)g) et h) de la Loi. Cela permettrait à un détenu qui a été déclaré interdit de territoire au Canada de manipuler notre système de justice afin de faciliter son entrée au pays et de frustrer ou de contribuer à frustrer la volonté du législateur qu’il soit renvoyé du Canada aussi rapidement que possible.

iii. Les retards inexpliqués ou le manque inexpliqué de diligence doivent compter contre la partie qui en est responsable (Sahin, précité). Toutefois, le poids accordé à ce facteur doit être moindre lorsque l’autre partie a contribué aux retards ou au manque de diligence de la partie qui en est responsable, autrement dit, lorsque le détenu a contribué au retard du ministre, ou le contraire. Cela est particulièrement vrai lorsque la contribution est considérable, comme c’est le cas de M. Lunyamila.

iv. Lorsqu’une personne constitue un danger pour le public, le poids accordé à ce facteur doit varier directement selon la mesure dans laquelle des solutions de rechange à la détention peuvent atténuer ce danger. Inversement, plus le risque potentiel imposé au public par la solution de rechange est élevé, plus le facteur doit jouer en la faveur du maintien de la détention. Lorsque les conditions de remise en liberté sont telles que le public aurait à assumer une part de risque importante venant du détenu, comme c’était le cas dans les conditions imposées par la commissaire King à M. Lunyamila dans ses décisions datées du 1er mars 2016 et du 14 juillet 2016, ce facteur doit jouer fortement en faveur du maintien de la détention. S’il en était autrement, les objectifs du législateur en matière de sécurité publique, dont la priorité a été établie dans la LIPR et le Règlement, seraient sensiblement compromis.

[52] Au moment d’examiner le troisième principe directeur, lié aux motifs du retard, la Section de l’immigration devrait être régie par un arrangement selon lequel on ne saurait permettre à une personne de manipuler et de contrecarrer l’application de la loi, par exemple par son refus continu de coopérer à toutes les tentatives qui entraîneraient son expulsion éventuelle (Lunyamila II, aux paragraphes 4, 55 et 58).

[53] En résumé, un étranger interdit de territoire au Canada qui constitue un danger pour la sécurité publique ou un risque de fuite, et qui ne coopère pas aux efforts de l’ASFC pour l’expulser du pays doit, sauf dans des circonstances exceptionnelles, demeurer détenu jusqu’à ce qu’il accepte de coopérer à son renvoi, car « il serait normalement difficile d’empêcher l’exposition du public à un certain risque lors de la libération du détenu » (Lunyamila II, au paragraphe 59).

[54] En toute déférence, je ne vois absolument aucune raison de m’écarter de l’interprétation et de la compréhension de la Loi et du Règlement du juge en chef, et de ne pas les appliquer aux faits de l’espèce. La doctrine de la courtoisie judiciaire le décourage de toute façon afin d’empêcher la création de courants jurisprudentiels contradictoires et de promouvoir la certitude du droit (Apotex Inc c Allergan Inc, 2012 CAF 308, aux paragraphes 43 à 48 (Apotex); Alyafi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 952, aux paragraphes 42 à 45). Tel qu’elle a été appliquée par notre Cour, cette doctrine enseigne qu’un juge « ne doit pas écarter les conclusions de droit tirées par un autre juge de la Cour fédérale, à moins d’être convaincu qu’il est nécessaire de le faire et de pouvoir faire état de motifs convaincants à l’appui » (Apotex, au paragraphe 48). Le juge pourrait estimer nécessaire de s’écarter d’une décision lorsqu’il est convaincu que la décision de l’autre juge est erronée (Apotex, au paragraphe 47). Comme je l’ai déjà dit, je n’ai pas une telle conviction, bien au contraire.

C. Les ordonnances de mise en liberté et leurs conditions de mise en liberté sont déraisonnables

[55] Même s’ils ont tenté, à différents degrés, d’après son dossier d’établissement et la nature de ses condamnations criminelles, de minimiser le danger qu’il constitue pour la sécurité publique, les commissaires McPhalen, King et Cook ont effectivement conclu que le défendeur ne posait pas un tel danger et qu’il se soustrairait vraisemblablement à son renvoi, le cas échéant. Les trois commissaires étaient donc convaincus que le ministre avait, dans chaque cas, établi une preuve prima facie pour le maintien de la détention, comme l’exige le paragraphe 58(1) de la Loi. Ce n’est pas en litige en l’espèce.

[56] La question qui se pose consiste à décider si l’appréciation des facteurs énoncés à l’article 248 effectuée dans chaque cas est raisonnable.

1) Les ordonnances d’octobre et de novembre

[57] Étant donné que l’ordonnance de novembre adopte les motifs et les conditions de l’ordonnance d’octobre, ces décisions seront examinées comme si elles n’en constituaient qu’une seule.

a) Le motif de la détention (alinéa 248a))

[58] Le défendeur est en détention parce qu’il constitue un danger pour la sécurité publique et un risque de fuite; aucun de ces facteurs ne milite en faveur de sa mise en liberté. En outre, le commissaire McPhalen a concédé qu’il était probable que le défendeur [traduction] « récidiverait à l’avenir » et, exception faite des membres du personnel de l’UGM, [traduction] « qu’il continuera à agresser des personnes et à proférer des menaces à leur endroit de temps à autre » (ordonnance d’octobre, DCT, à la page 32). Cependant, le commissaire McPhalen a jugé ce risque acceptable en concluant que le niveau de violence de ses crimes se trouvait [traduction] « à l’extrémité inférieure du continuum ».

[59] Si le commissaire McPhalen cherchait ainsi à minimiser le danger posé par le défendeur pour le public et, en conséquence, le poids à accorder au premier facteur de l’analyse fondée sur l’article 248, je conclus que son analyse est déraisonnable. Comme le signale le ministre, le défendeur a de longs antécédents de criminalité, y compris des actes de violence aléatoires. Il fait l’objet d’un avis ministériel selon lequel il constitue un danger pour la population canadienne. Parmi ses condamnations, mentionnons avoir proféré des menaces, agression sexuelle contre une travailleuse communautaire et de nombreux incidents d’agressions physiques, y compris des attaques non provoquées sur de parfaits étrangers. Il est entré par effraction dans le domicile d’une ancienne petite amie et lui a asséné un coup de poing au visage; il a également été trouvé avec une hache dissimulée sur sa personne. Le Service de police de Vancouver a établi qu’il est « un criminel invétéré qui cause un préjudice social important »; le juge Harrington a dit qu’il est un « criminel » (Lunyamila I, au paragraphe 3); et le juge en chef a dit qu’il est une personne au « comportement violent et dangereux » (Lunyamila I, au paragraphe 3). Autrement dit, l’expérience canadienne du défendeur a été, jusqu’à présent, empreinte de criminalité, y compris de criminalité violente, et de non-respect des ordonnances de la Cour (Lunyamila II, au paragraphe 8; Lunyamila I, au paragraphe 11).

[60] Comme l’a déclaré le juge en chef, la Loi donne priorité à la protection du public contre les étrangers qui se livrent à des activités de grande criminalité. En conséquence, lorsqu’une personne est détenue parce qu’elle constitue un danger pour le public, comme le défendeur, on doit accorder un poids considérable à ce facteur, pas le minimiser en l’absence d’éléments de preuve d’un changement de circonstances. Le juge Harrington et le juge en chef ont accordé un poids considérable à ce facteur. Cependant, rien dans le dossier n’étaye la proposition selon laquelle le défendeur constitue un danger moindre pour le public qu’il y a 15 mois. Plus précisément, il n’y a aucun élément de preuve que les problèmes de colère, d’alcoolisme et de toxicomanie qui contribuent à la criminalité du défendeur sont désormais maîtrisés. Pour paraphraser le juge Harrington, il n’y a toujours aucun élément de preuve voulant que l’abstinence forcée du défendeur découlant de sa détention conduira à la sobriété dans l’avenir (Lunyamila I, au paragraphe 10). Il y a toutefois des éléments de preuve selon lesquels le défendeur continue de montrer un comportement préoccupant pendant sa détention, car, la semaine avant l’audience d’octobre, on l’a vu lancer sa boisson, sauter sur un banc et frapper dans une fenêtre.

[61] Il faut donc toujours accorder un poids considérable au facteur lié au « motif de détention » et toute suggestion voulant que le danger pour le public soit moindre aujourd’hui, quelque chose qui semble avoir entaché l’ensemble de l’analyse fondée sur l’article 248, n’est tout simplement pas étayée par le dossier.

b) Durée de la détention, capacité de vérifier la durée du maintien de la détention et les retards inexpliqués, et le manque de diligence (alinéas 248b) à d))

[62] Le défendeur a été arrêté en juin 2013, mais a été mis en liberté deux mois plus tard. Peu de temps après, soit septembre 2013, il a été appréhendé de nouveau après avoir omis de respecter les conditions de son ordonnance de mise en liberté. Il est en détention depuis. Cette longue détention découle de l’incapacité d’expulser le défendeur, attribuable en grande partie à son absence de documents d’identité.

[63] Le commissaire McPhalen a conclu que, compte tenu des communications récentes en provenance de fonctionnaires rwandais qui indiquaient que le défendeur ne pouvait pas être renvoyé au Rwanda sans documents d’identité rwandais, et compte tenu du fait que le défendeur n’a pas en sa possession de tels documents, le défendeur ne pouvait pas être expulsé, même s’il coopérait. D’après sa conclusion selon laquelle il n’y avait aucune possibilité de renvoi à ce moment, le commissaire McPhalen a tranché que la détention du défendeur était devenue indéterminée.

[64] En évaluant s’il y avait des retards inexpliqués ou un manque de diligence de la part de l’une ou l’autre des parties, le commissaire McPhalen a observé que l’ASFC avait agi « avec une certaine diligence » et qu’elle avait « déployé beaucoup d’efforts » pour tenter de retracer les documents d’identité du défendeur. En revanche, le défendeur n’a pas coopéré à la signature des demandes de document de voyage et les renonciations et, même si le commissaire McPhalen a conclu que l’ASFC aurait dû demander plus tôt qu’il signe ces documents, cela n’aurait fait aucune différence quant à la possibilité de l’expulser (ordonnance d’octobre, DCT, à la page 33).

[65] Je conclus que l’appréciation de ces facteurs par le commissaire McPhalen est déraisonnable pour deux motifs. D’abord, elle ne tient pas compte des longs antécédents de non-coopération du défendeur aux tentatives de l’ASFC de vérifier son identité ou de lui procurer des documents d’identité. Depuis que les premières mesures ont été prises pour tenter d’expulser le défendeur en 2014, il a refusé de façon répétée de signer des documents lorsqu’on le lui demandait et, même s’il a coopéré à une analyse linguistique pour évaluer la possibilité qu’il vienne de la Tanzanie, il a également fait montre d’une tendance à fournir des renseignements contradictoires et illogiques au moment de répondre à des questions sur son pays d’origine. Cela est particulièrement flagrant compte tenu de la conclusion du commissaire McPhalen quant à l’absence d’un manque de diligence de l’ASFC.

[66] Ensuite, il est possible que si le défendeur avait coopéré plus tôt, l’une des trois situations suivantes se serait produite : soit le défendeur aurait été expulsé, soit l’ASFC aurait épuisé certaines questions et serait passée à la poursuite d’autres moyens disponibles en vue d’obtenir des documents d’identité pour le défendeur, soit l’ASFC aurait conclu qu’elle ne serait pas en mesure d’expulser le défendeur. Jusqu’à ce que l’ASFC ait épuisé ses efforts pour vérifier l’identité du défendeur et lui obtenir des documents de voyage, des efforts qui se poursuivent à l’heure actuelle et qui exigent la coopération du défendeur, il est prématuré de conclure qu’il n’y a aucune possibilité de renvoi.

[67] Dans Lunyamila II, le juge en chef a examiné l’affaire Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Kamail, 2002 CFPI 381(Kamail), pour conclure que la conclusion du commissaire Rempel selon laquelle la durée de la détention du défendeur était devenue indéterminée était déraisonnable. Il avait ceci à dire dans cette affaire :

[89] La Cour a annulé la décision de l’arbitre après avoir conclu qu’il était déraisonnable d’avoir décidé de le libérer sous prétexte que sa détention était devenue indéterminée, puisque le détenu était seul responsable de la nature indéterminée de sa détention. La Cour a formulé l’observation suivante : « Statuer autrement serait encourager les personnes expulsées à coopérer le moins possible, de façon à se soustraire au système canadien de l’immigration et du statut de réfugié. La décision de l’arbitre ne peut être maintenue » (Kamail, précité, au paragraphe 38). Je souligne que la même conclusion, essentiellement, a été tirée par la Cour dans Sittampalam, précité, aux paragraphes 15 et 16.

[68] Pour les mêmes motifs que dans Kamail et Lunyamila II, il était déraisonnable pour le commissaire McPhalen de conclure que la durée de la détention du défendeur était devenue indéterminée. Comme le juge en chef l’a indiqué très clairement dans Lunyamila II, le défendeur ne saurait bénéficier de ses longs antécédents de non-coopération, car cela nuirait à l’intégrité des lois en matière d’immigration et minerait la confiance du public envers celles-ci (Lunyamila II, aux paragraphes 4, 55 et 58). Il est établi en droit que la durée de la détention en vertu de la Loi ne représente qu’un facteur à examiner au moment de procéder à un contrôle des motifs de détention. Ce facteur n’est pas déterminant (Lunyamila II, aux paragraphes 30 à 32 et 61).

[69] En l’espèce, il est évident que la conclusion du commissaire McPhalen selon laquelle le renvoi ne se produira pas et que, par conséquent, la détention du défendeur est devenue indéterminée transcende l’analyse fondée sur l’article 248 dans son intégralité. Il s’agissait d’une erreur.

[70] Je suis d’accord avec le ministre qu’il était prématuré pour le commissaire McPhalen de conclure qu’il n’y avait aucune possibilité de renvoi. Sur ce point, il n’y a eu aucun changement important de circonstances depuis la décision du juge en chef. Contrairement à l’appréciation du commissaire McPhalen, la preuve montre que l’ASFC, dans un contexte où la coopération du défendeur demeure problématique, comme l’illustre son refus de signer le formulaire de consentement de l’UNHCR, poursuit ses efforts en vue d’établir l’identité du défendeur, y compris en cherchant des dossiers auprès de l’UNHCR. C’est peut-être [traduction] « loin d’être parfait », mais ce n’est très certainement pas, à tout le moins à ce moment-ci, une [traduction] « impasse ». De plus, si le défendeur présente une demande remplie en vue d’obtenir un document de voyage pour le Rwanda, l’ASFC pourrait être dans une situation lui permettant de demander d’autres renseignements aux autorités rwandaises dans le but de faciliter son renvoi. Une fois de plus, on peut difficilement dire qu’il s’agit d’une [traduction] « impasse ».

[71] Ce principe directeur très important dans Lunyamila II concernant le manque de coopération et son incidence sur sa détention passée et future semble avoir été perdu dans l’analyse du commissaire McPhalen :

[66] Lorsque les facteurs de (l’article 248) sont abordés dans l’esprit susmentionné de la (Loi) et du Règlement, les faits suivants deviennent évidents :

[...]

ii. Si l’individu a été déjà détenu pendant un certain temps et s’il est prévu que la détention se poursuivra pendant une longue période, ou si on ne peut en prévoir la durée, ces faits favorisent habituellement la mise en liberté (Sahin, précité). Toutefois, lorsque le détenu a largement contribué à la durée de sa détention en raison de son entêtement à ne pas coopérer à son renvoi, comme dans le cas de M. Lunyamila, ou lorsque ce refus contribue grandement à l’incertitude entourant la durée prévue, cela a généralement pour effet de réduire substantiellement le poids accordé à ces faits. À mon avis, le fait d’accorder un poids substantiel à la durée de la détention antérieure et future prévue dans une situation où le détenu s’entête à ne pas coopérer permettrait au détenu de frustrer l’esprit de la LIPR et du Règlement par cette non-coopération. Entre autres choses, cela permettrait au détenu d’entrer au Canada (à sa libération), ce qui est contraire aux objectifs clairs prévus aux alinéas 3(1)h) et i) et aux alinéas 3(2)g) et h) de la Loi. Cela permettrait à un détenu qui a été déclaré interdit de territoire au Canada de manipuler notre système de justice afin de faciliter son entrée au pays et de frustrer ou de contribuer à frustrer la volonté du législateur qu’il soit renvoyé du Canada aussi rapidement que possible.

[72] Par conséquent, ces facteurs (durée de la détention, capacité de vérifier la durée du maintien de la détention et les retards inexpliqués, ainsi que le manque de diligence) ne sauraient raisonnablement militer en faveur de mettre le défendeur en liberté à ce moment-ci, car l’ASFC a fait preuve d’une grande diligence, alors que le manque de coopération du demandeur a contribué à la durée de sa détention et à l’incertitude entourant l’étendue de la durée de sa détention future.

[73] Une fois de plus, le défendeur ne saurait bénéficier de ses longs antécédents de non-coopération. Il me semble que c’est exactement ce que ferait le fait de permettre sa mise en liberté au motif principal que sa détention est devenue indéterminée dans les circonstances actuelles de l’affaire. Cela donnerait lieu à une issue qui n’était pas voulue par le législateur, comme l’a démontré de façon convaincante le juge en chef dans Lunyamila II.

c) L’existence de solutions de rechange à la détention (alinéa 248e))

[74] Les conditions suivantes ont été imposées au défendeur par les ordonnances d’octobre et de novembre :

  • résider à l’UGM à sa mise en liberté;
  • informer l’ASFC en personne sans tarder s’il quitte l’UGM et fournir sa nouvelle adresse à l’ASFC;
  • se présenter au bureau de l’ASFC situé au 700-300, rue Georgia Ouest, à Vancouver (C.-B.) le 6 novembre 2017 et toutes les semaines par la suite. Un agent de l’ASFC peut, par écrit, réduire la fréquence de ces présences;
  • se présenter lui-même au moment et à l’endroit indiqué par un agent ou la Section de l’immigration afin de se conformer à toute obligation qui lui est imposée en vertu de la Loi;
  • avant sa mise en liberté, signer un formulaire autorisant l’UNHCR à communiquer à l’ASFC tous les renseignements que l’UNHCR pourrait avoir à son sujet;
  • si, après sa mise en liberté, il entre en possession d’un passeport ou d’un document de voyage, le remettre à l’ASFC sans tarder;
  • avant sa mise en liberté, remplir une demande de document de voyage pour le Rwanda;
  • ne pas troubler l’ordre public et avoir une bonne conduite;
  • s’il est accusé d’une infraction aux termes d’une loi fédérale, informer l’ASFC de cette accusation en personne et sans tarder;
  • présenter une demande d’inscription et être accepté dans le programme dans les deux semaines suivant sa mise en liberté et achever le programme;
  • s’inscrire à un programme communautaire de prévention de la violence et le suivre, ou s’inscrire à un programme similaire à l’UGM et le suivre;
  • après sa libération, si l’ASFC l’exige, remplir tous les documents liés à l’établissement de l’identité ou à l’obtention de documents de voyage.

[75] Je suis d’accord avec le ministre que ces conditions de mise en liberté sont très loin de compenser le danger que pose le défendeur pour le public ainsi que le risque de fuite qu’il représente, et qu’elles vont à l’encontre de l’orientation du juge en chef dans Lunyamila II.

[76] Étant donné que la seule solution de rechange à la détention actuellement proposée, l’UGM ne milite pas en faveur de la mise en liberté du défendeur, car, comme le reconnaît d’emblée le commissaire McPhalen, cela ne répond pas à toutes les préoccupations exprimées précédemment par la Cour dans Lunyamila II (ordonnance de décembre, DCT, aux pages 31 et 32). À mon avis, compte tenu de ces motifs de détention et de la priorité accordée à la sécurité publique dans la Loi, il faudrait que « les conditions de libération éliminent presque complètement, et sur une base quotidienne, tout risque posé par M. Lunyamila pour les personnes vivant ou travaillant dans une résidence où il pourrait habiter, ainsi que le public en général. Les conditions devraient également éliminer presque complètement tout risque qu’il disparaisse dans la population afin d’éviter un renvoi futur » (Lunyamila II, au paragraphe 116). Une solution de rechange raisonnable à la détention pour le défendeur est un établissement qui a la capacité d’empêcher le défendeur de causer un préjudice à un autre patient ou aux personnes qui travaillent à cet établissement et qui a une façon de s’assurer que le défendeur demeurerait sur les lieux (Lunyamila II, aux paragraphes 121 et 122).

[77] L’UGM et l’inscription à un programme ne répondent manifestement pas aux principes directeurs énoncés dans Lunyamila II. Premièrement, avant son inscription au programme, le défendeur résiderait à la halte accueil de l’UGM, une solution de recherche qui ne semble pas satisfaire à ces lignes directrices en aucune manière. Deuxièmement, le défendeur a indiqué lui-même que l’UGM constituait une solution de rechange à la détention, car il connaissait l’organisation et ses employés, y ayant déjà résidé auparavant, pendant la période de 12 ans qui a précédé sa détention au cours de laquelle il était sans abri. Cependant, c’est également la raison pour laquelle la mise en liberté du défendeur à la condition qu’il réside à l’UGM n’est pas une solution de rechange raisonnable à la détention, car elle consiste en la mise en liberté du défendeur dans les mêmes conditions dans lesquelles il vivait avant d’être détenu, des conditions dans lesquelles il a éprouvé des problèmes d’alcoolisme et de toxicomanie, et dans lesquelles il a eu des interactions fréquentes avec la police et le système de justice pénale. Cette solution de rechange n’atténue manifestement pas le risque pour le public et le fait qu’il est libre d’aller et venir à sa convenance ne fait rien pour atténuer le risque de fuite. Cela s’avère particulièrement déraisonnable étant donné que le commissaire McPhalen reconnaît que si le défendeur est libre dans la collectivité, [traduction] « il est probable qu’à un certain moment [il] pourrait agresser quelqu’un » (ordonnance d’octobre, DCT, à la page 30).

[78] Deuxièmement, même si le programme semble pouvoir offrir une solution de rechange à la détention, celle-ci relève plutôt de la conjecture. Le défendeur n’a présenté aucune demande et il n’a pas été accepté dans le programme, et il n’y a aucune certitude qu’il le sera. Lorsque l’avocat du défendeur lui a demandé ce qui se passerait si le défendeur n’était pas accepté dans le programme, le commissaire McPhalen a répondu : « Je ne sais pas. J’imagine que la question nous sera renvoyée » (ordonnance d’octobre, DCT, à la page 33). L’inscription du défendeur au programme, proposée comme une solution de rechange à la détention, est une solution de rechange incertaine au mieux. De plus, cette solution de rechange ne s’harmonise nullement avec la préoccupation du juge en chef, que l’avocat du ministre a soulevée à l’audience, voulant que le défendeur soit accepté dans un programme de traitement de la toxicomanie et de l’alcoolisme avant sa mise en liberté (ordonnance d’octobre, DCT, à la page 24).

[79] Troisièmement, malgré le fait que le commissaire de la Section de l’immigration a déclaré que les crimes du défendeur sont liés à ses problèmes d’alcoolisme, comme il est souligné expressément relativement à la déclaration de culpabilité du demandeur pour agression sexuelle dans l’ordonnance d’octobre (DCT, aux pages 31 et 32), les conditions de mise en liberté n’interdisent pas au défendeur de consommer de l’alcool, se limitant simplement à exiger qu’il s’inscrive au programme, un processus qui, comme je l’ai déjà mentionné, n’est pas immédiat. Étant donné que les problèmes de consommation antérieurs du défendeur semblent avoir été un facteur contributif à ses condamnations criminelles, il est déraisonnable de ne pas inclure une telle condition afin d’atténuer le risque pour le public.

[80] Le défendeur soutient que, en application du paragraphe 58(3) de la Loi, les commissaires de la Section de l’immigration ont le pouvoir discrétionnaire d’imposer les conditions qu’ils estiment nécessaires à la mise en liberté d’une personne d’un centre de détention de l’immigration. Je ne le conteste pas et je ne suis pas non plus en désaccord avec l’argument selon lequel l’imposition des conditions de libération relève de l’expertise principale de la Section de l’immigration (Ahmed c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 876, au paragraphe 33). Cependant, l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire doit toujours appartenir aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir, au paragraphe 48). Dans l’ensemble, les conditions des ordonnances d’octobre et de novembre, à mon avis, n’atteignent pas cet objectif.

[81] Les commissaires McPhalen et King savent tous deux que les conditions de mise en liberté qu’ils ont établies ne répondent pas aux préoccupations du juge en chef dans Lunyamila II, mais soutiennent que l’UGM et le programme sont les meilleures conditions qu’ils peuvent établir. N’étant pas des [traduction] « juge[s] de cour criminelle », l’argument voulant que le défendeur doive trouver de meilleures solutions de rechange est quelque chose qui, selon eux, [traduction] « ne peut tout simplement pas être accompli » (ordonnance d’octobre, DCT, aux pages 31 et 32; voir également l’ordonnance de novembre, DCT, à la page 11).

[82] Cet argument pose deux difficultés. Premièrement, il semble minimiser le pouvoir réel que possède la Section de l’immigration d’imposer des conditions au moment de libérer une personne d’un centre de détention de l’immigration. Ce pouvoir est rédigé dans le libellé le plus clair au paragraphe 58(3) : la Section de l’immigration « peut imposer les conditions qu’elle estime nécessaires ». Cela n’équivaut pas à limiter un libellé habilitant. Deuxièmement, et plus important encore, la Section de l’immigration est liée par la décision du juge en chef dans Lunyamila II. Pour le moment, sous réserve d’un changement important des circonstances, cette décision donne à la Section de l’immigration la feuille de route pour décider, dans le cas du défendeur, d’une solution de rechange raisonnablement acceptable à la détention. S’il n’y a aucune solution de rechange à la détention qui répond à ces lignes directrices, alors il n’y a malheureusement aucune solution de rechange à la détention. Comme notre Cour l’a fait remarquer dans Canada (Citoyenneté et Immigration) c B147, 2012 CF 655 (B147), la durée de la détention ne transforme pas des conditions de mise en liberté inadéquates en conditions adéquates (B147, au paragraphe 57). Autrement dit, cela ne dégage pas la Section de l’immigration de sa responsabilité de s’assurer, compte tenu des tendances violentes du défendeur, de son risque de fuite et de la forte priorité accordée à la sécurité publique et à la sécurité dans la Loi et le Règlement, que toutes les conditions de mise en liberté « éliminent presque complètement, et sur une base quotidienne, tout risque posé par M. Lunyamila pour les personnes vivant ou travaillant dans une résidence où il pourrait habiter, ainsi que le public en général » et « tout risque qu’il disparaisse dans la population afin d’éviter un renvoi futur » (Lunyamila II, au paragraphe 116).

[83] Étant donné que nous n’en sommes qu’aux premières étapes de la recherche de solutions de rechange acceptables pour le défendeur, il est peu probable qu’il n’existe aucune solution de rechange à la détention. Cependant, la solution de rechange proposée pour les commissaires McPhalen et King ne répond tout simplement pas au seuil d’acceptabilité minimum établi par le juge en chef.

[84] Enfin, conformément à la question relative à la solution de rechange à la détention et aux conditions imposées par les commissaires McPhalen et King, il semble déraisonnable de s’attendre que le défendeur respectera ses conditions de mise en liberté, par exemple se présenter toutes les semaines au bureau de l’ASFC ou informer l’ASFC s’il quitte l’UGM, alors que la preuve au dossier montre qu’il a omis de façon répétée de se présenter lorsqu’il était tenu de le faire ou qu’il a ignoré des ordonnances, comme le démontrent ses 13 condamnations en ce sens et la façon dont, lorsqu’il a été libéré en 2013, il n’a respecté les conditions de mise en liberté que pendant deux jours. Je ne suis pas le premier à tirer cette conclusion, car le juge Harrington, en décidant que la décision du commissaire Nupponen de janvier 2016 de remettre le défendeur en liberté était fondée sur « des espoirs et des prières » (Lunyamila I, au paragraphe 10), car « rien dans le dossier n’étaye la proposition voulant [que le défendeur] se présente régulièrement à la police conformément aux conditions de sa mise en liberté » (Lunyamila I, au paragraphe 11). Une fois de plus, aucun élément de preuve au dossier n’indique un changement important de circonstances à cet égard depuis que le juge Harrington a rendu sa décision.

2) L’ordonnance de décembre

a) Le motif de la détention (alinéa 248a))

[85] Le commissaire Cook a tranché que le motif de la détention du défendeur était son renvoi du Canada. À partir de là, il a conclu que ce facteur militait en faveur de la mise en liberté du défendeur, car il était en détention depuis cinq ans et qu’il était peu vraisemblable qu’il soit effectivement renvoyé (ordonnance de décembre, DCT, à la page 2240). Je suis d’accord avec le ministre que cette conclusion est entièrement déraisonnable; le défendeur est en détention, car, comme l’ont jugé plusieurs commissaires de la Section de l’immigration et notre Cour, il constitue un danger pour le public, un risque de fuite et n’est pas coopératif. Le défendeur a été détenu au départ en application de l’article 55 de la Loi en tant qu’étranger interdit de territoire qui constitue un danger pour la sécurité publique et un risque de fuite, et le ministre a démontré à maintes reprises la nécessité du maintien de sa détention pour ces motifs en application de l’article 58 de la Loi. Même si le renvoi du défendeur du Canada est l’objectif ultime, il est illogique de conclure qu’il s’agit du seul motif de sa détention. De nombreuses personnes ont attendu leur renvoi imminent du Canada à l’extérieur d’un centre de détention de l’immigration; le défendeur n’en fait pas partie, car il présente un danger pour la sécurité publique et un risque de fuite.

[86] Le commissaire Cook a conclu que cela a milité fortement en faveur de la mise en liberté du défendeur, car il était peu probable qu’il y ait une perspective raisonnable de le renvoyer au Rwanda ou en Tanzanie. Cette conclusion est fondée sur l’insuffisance des renseignements fournis par le ministre en ce qui a trait au renvoi et sur le fait que le Rwanda exige que le défendeur ait des documents d’identité rwandais pour qu’il y soit renvoyé. Mettant de côté le fait que l’analyse du commissaire Cook du motif de détention démontre un manque de compréhension clair de ce facteur, il omet également de tenir compte du fait que les deux parties ont axé leurs arguments sur les solutions de rechange à la détention. En fait, le défendeur n’a présenté aucun argument sur des facteurs autres que la solution de rechange à la détention, malgré le fardeau qui repose sur le défendeur de démontrer l’existence des motifs de mise en liberté (John Doe, au paragraphe 4). De plus, le défendeur a effectivement informé le commissaire Cook qu’il avait signé le document de l’UNHCR avant l’audience et a affirmé, ne serait-ce que brièvement, que des efforts en vue de vérifier l’identité et la nationalité du défendeur sont en cours, mais il n’y avait eu aucune mise à jour relativement à cette question (ordonnance de décembre, DCT, à la page 2225). Il est déraisonnable de tirer la conclusion tirée par le commissaire Cook avant que le ministre ait épuisé ses pistes d’enquête.

b) Durée de la détention, capacité de vérifier la durée du maintien de la détention et les retards inexpliqués, et le manque de diligence (alinéas 248b) à d))

[87] Le commissaire Cook avait raison de déclarer que lorsqu’un des motifs de détention est le danger pour le public, il est plus facile de justifier une détention à long terme. Il a observé que la Cour a confirmé des ordonnances de détention dans des affaires où les individus avaient été en détention pendant une période plus longue que celle du défendeur, mais qu’une détention aussi longue est justifiable uniquement lorsqu’elle mènera en fin de compte au renvoi. Le commissaire Cook a conclu que la durée de la détention militait donc en faveur du défendeur, car il n’était aucunement convaincu qu’il y avait une chance qu’un tel renvoi se produise. Cette conclusion est déraisonnable, car le commissaire Cook omet d’examiner la question de savoir si le danger pour la sécurité publique posé par le défendeur justifie la durée de la détention, malgré le fait qu’il affirme clairement que la détention des individus dangereux est plus facile à justifier.

[88] Au moment de se pencher sur la question de savoir s’il y a des retards inexpliqués ou un manque de diligence de la part de l’ASFC ou du défendeur, le commissaire Cook a conclu qu’il n’y avait aucun retard inexpliqué ou manque de diligence de la part de l’une ou l’autre des parties, puisque le défendeur avait désormais signé le consentement de l’UNHCR et le ministre n’a présenté aucun argument concernant le manque de coopération du défendeur. Je ne suis pas d’accord avec cette conclusion.

[89] Premièrement, cette conclusion omet de tenir compte du fait que le motif qui sous-tend la durée de la détention jusqu’à ce moment-là repose carrément sur son manque de collaboration avec l’ASFC, une conclusion tirée par bon nombre des collègues du commissaire Cook au moment d’examiner la détention du défendeur. Dans l’ordonnance d’octobre, le commissaire McPhalen a observé que l’ASFC a agi de manière diligente en tentant de retracer les documents d’identité pour le défendeur, alors que ce dernier n’a pas coopéré en signant les demandes de document de voyage; notre Cour a conclu que le manque de coopération du défendeur constitue un facteur contributif important au maintien de sa détention (Lunyamila II, aux paragraphes 11, 30, 42, 50, 101, 102, 107). Le manque de coopération de longue date du défendeur, qui a été démontré de façon répétée, est quelque chose dont le commissaire Cook aurait dû tenir compte, étant donné qu’on s’attend à ce qu’il tienne compte des éléments de preuve et des motifs se rapportant aux ordonnances de détention antérieures (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Sittampalam, 2004 CF 1756, au paragraphe 26 (Sittampalam)).

[90] Deuxièmement, le commissaire Cook fonde sa conclusion en partie sur l’absence d’arguments concernant la coopération du défendeur ou l’absence de celle-ci, alors que de tels arguments sont habituellement présentés (ordonnance de décembre, DCT, à la page 24). Cependant, le commissaire Cook n’a pas abordé le fait qu’aucune des parties n’a présenté d’arguments pertinents sur ce facteur et il a commis une erreur en tirant sa conclusion d’une absence d’arguments de la part du ministre, alors qu’il incombe au défendeur de démontrer qu’il existe des motifs de mise en liberté (Sittampalam, au paragraphe 27); John Doe, au paragraphe 4).

[91] Enfin, il vaut la peine de répéter qu’il est déraisonnable que la durée de la détention et que les éléments qui déterminent cette durée militent en faveur du défendeur, car cela l’autoriserait à bénéficier de ses longs antécédents de non-coopération, quelque chose qui nuirait à l’intégrité des lois en matière d’immigration et minerait la confiance du public envers celles-ci (Lunyamila II, aux paragraphes 4, 55 et 58).

c) L’existence de solutions de rechange à la détention (alinéa 248e))

[92] Le commissaire Cook a mis le défendeur en liberté sous réserve de conditions similaires à celles imposées par les commissaires McPhalen et King, mais je soulignerais les changements suivants :

  • exiger du défendeur qu’il signe un formulaire de consentement qui autorise l’UGM à informer l’ASFC s’il ne respecte pas les directives de l’établissement, s’il ne respecte pas l’une des conditions du programme, s’il déménage à l’extérieur de l’établissement ou s’il en est renvoyé par un représentant de l’UGM;

  • l’inscription au programme et à un programme communautaire de prévention de la violence à la première occasion pour le demandeur, plutôt que dans les deux semaines.

[93] La solution de rechange proposée à la détention est le programme d’UGM, qui demeure la même que dans les ordonnances d’octobre et de novembre, ne respecte toujours pas les directives du juge en chef. Comme les commissaires McPhalen et King, le commissaire Cook a conclu que le programme de l’UGM est [traduction] « la meilleure option qui s’offrira [au défendeur] » (ordonnance de décembre, DCT, à la page 2245). Cependant, au moment de rendre sa décision, le commissaire Cook disposait de considérablement plus de renseignements que ses deux collègues, car les arguments du ministre et du défendeur portés à sa connaissance traitaient principalement des solutions de rechange possibles à la détention, y compris des solutions de rechange autres que l’UGM.

[94] Il est bon de réitérer que, compte tenu du danger pour le public posé par le défendeur, le poids accordé à ce facteur « doit varier directement selon la mesure dans laquelle des solutions de rechange à la détention peuvent atténuer ce danger. Inversement, plus le risque potentiel imposé au public par la solution de rechange est élevé, plus le facteur doit jouer en la faveur du maintien de la détention » (Lunyamila II, au paragraphe 66). Le commissaire Cook est bien au fait que le défendeur constitue un danger pour le public (ordonnance de décembre, DCT, à la page 2239), le service de police de Vancouver l’a décrit comme « un délinquant multirécidiviste, un criminel invétéré qui cause un préjudice social important » (Lunyamila I, au paragraphe 3) et, lors de ses audiences de contrôle des motifs de détention, le défendeur a été déclaré de manière répétée comme constituant un danger pour le public. En conséquence, il est peu vraisemblable que ce facteur milite en faveur de la mise en liberté du défendeur, sauf si la solution proposée respecte les directives établies par le juge en chef et, donc, qu’elle permettra « d’éliminer presque complètement le danger que représente le détenu pour le public » (Lunyamila II, au paragraphe 85).

[95] La conclusion du commissaire Cook selon laquelle la solution de rechange à la détention [traduction] « est extrêmement raisonnable et atténuera l’élément de danger de [son] cas » (ordonnance de décembre, DCT, à la page 2244) est déraisonnable d’après la preuve dont il dispose. Comme l’a expliqué le représentant désigné du défendeur à l’audience du mois de décembre, le programme comprend un nombre fixe de places et le défendeur serait uniquement en mesure de participer au programme s’il satisfait à certains critères et après une entrevue en personne (ordonnance de décembre, DCT, à la page 2226). Les participants au programme ne peuvent pas quitter l’immeuble au cours des 60 premiers jours, sauf s’ils sont accompagnés d’une escorte, mais le fonctionnement est analogue à celui d’un régime de confiance; après les 60 premiers jours, les participants au programme peuvent aller et venir à leur guise (ordonnance de décembre, DCT, aux pages 2227 et 2228).

[96] Comme solution de rechange à la détention, la meilleure façon de décrire le programme est qu’il est hypothétique. Au moment de l’audience, le nom du défendeur ne figurait pas sur la liste d’attente du programme, car il n’avait toujours pas passé l’entrevue en personne nécessaire (ordonnance de décembre, DCT, à la page 2228). En outre, le défendeur pourrait ne pas convenir au programme étant donné qu’il a vraisemblablement été sobre pendant la durée de sa période de détention (ordonnance de décembre, DCT, à la page 2229). Enfin, l’UGM a recommandé au ministre d’examiner d’autres possibilités si le défendeur a des antécédents de violence contre les femmes ou les enfants, car l’établissement est situé à un coin de rue d’une école primaire, et de nombreuses familles avec de jeunes enfants et des femmes vulnérables ont recours aux services alimentaires auxquels serait présent le défendeur (DCT, à la page 2256). Le défendeur pourrait donc ne pas convenir pour le programme compte tenu de sa déclaration de culpabilité pour agression sexuelle et du fait que l’une de ses déclarations de culpabilité pour voies de fait découlait d’une agression contre une ex-conjointe en présence des enfants de celle-ci.

[97] La preuve dont disposait le commissaire Cook n’étaye aucune conclusion voulant que les conditions en vertu desquelles le défendeur serait mis en liberté constituent une solution de rechange raisonnable à la détention, car elles ne parviennent pas à atténuer le danger pour le public ou le risque de fuite que pose le défendeur. Les conditions de mise en liberté énoncées dans l’ordonnance de décembre prévoient une mise en liberté dans le cadre de laquelle le défendeur est libre d’aller et venir à sa guise pendant la journée, car l’abri offert par l’UGM est accessible uniquement la nuit. Cela équivaut à mettre le défendeur en liberté pour qu’il erre dans les rues de Vancouver pendant la journée et rien pour empêcher des actes de violence aléatoires et non provoqués qui caractériseraient bon nombre de ses condamnations pour voies de fait. Même si le défendeur est accepté dans le programme, il n’y a aucune mesure en place pour empêcher son contact avec le public, car le programme fonctionne selon un régime de confiance et l’UGM serait uniquement tenue d’informer l’ASFC s’il déménageait à l’extérieur de l’établissement ou s’il cessait de satisfaire aux conditions du programme. Il est préoccupant qu’il n’y ait aucune mesure en place pour limiter le contact du défendeur avec le public avant que ses problèmes de toxicomanie et de violence aient été abordés.

[98] En outre, il était déraisonnable pour le commissaire Cook de conclure que le défendeur devrait être libéré pour être en mesure de présenter une demande d’inscription au programme (ordonnance de décembre, DCT, à la page 2245). Il ne semble pas que le représentant désigné du défendeur soit d’accord, étant donné que pendant l’audience, il a discuté des arrangements qui devraient être pris pour la tenue d’une entrevue en personne, y compris le lieu d’une telle entrevue, et il a indiqué que la coopération de l’ASFC serait nécessaire. À ce jour, il ne semble pas qu’un dialogue ait été établi avec l’ASFC pour prendre des dispositions relativement à une entrevue, mais l’ASFC devrait avoir toutes les raisons de coopérer avec le représentant désigné à cet égard.

[99] La condition exigeant que le défendeur consente à ce que l’UGM informe l’ASFC s’il déménage à l’extérieur de l’établissement contribuerait à atténuer le risque de fuite du défendeur, mais omet d’aborder la question du danger pour la sécurité publique, car le défendeur serait tout de même autorisé à aller et venir dans la collectivité à sa guise. Si le défendeur peut être mis en liberté directement dans un établissement qu’il ne serait pas en mesure de quitter avant d’avoir réglé adéquatement ses tendances violentes ainsi que ses problèmes d’alcoolisme et de toxicomanie, un établissement où il existe des mesures en place qui pourraient assurer la sécurité des membres du personnel et des autres résidents, les protégeant contre le risque posé par le défendeur, et s’il y avait des mesures en place pour veiller à ce que le défendeur se présente aux autorités lorsqu’il est tenu de le faire, alors les conditions qui établissent les paramètres d’une telle mise en liberté seraient conformes aux directives du juge en chef.

[100] Les audiences de contrôle des motifs de détention sont un processus continu dans l’espoir, dans le cas du défendeur, de l’expulser ou de le mettre en liberté un jour. Même si les parties éprouvent des difficultés à trouver un établissement pouvant obliger le défendeur à y demeurer, la condition introduite par le commissaire Cook, exigeant du défendeur de signer un consentement autorisant à informer l’ASFC s’il devait quitter son programme de traitement ou s’il ne le respecte pas, est un pas dans la bonne direction en vue d’atténuer son risque de fuite. Cela permettrait aussi à l’ASFC d’aborder rapidement le non-respect des conditions par le défendeur et de réduire au minimum ses interactions avec le grand public.

[101] Les arguments présentés par le représentant désigné du défendeur et le ministre sont encourageants pour la possibilité de trouver une solution de rechange raisonnable à la détention. Le représentant désigné du défendeur a fait preuve d’une grande diligence dans la recherche de solutions de rechange à la détention, comme le programme, ainsi que d’autres programmes similaires, par exemple, le programme « Harbour Light » de la Luke 15 House. Les renseignements préliminaires à propos du Centre de toxicomanie et de santé mentale de Burnaby, qui exige un diagnostic en santé mentale, mais qui dispose d’un protocole de sécurité élevé et qui, dans le cadre d’une affaire antérieure, a accepté d’informer l’ASFC si la personne concernée quittait l’établissement sans autorisation (ordonnance de décembre, DCT, aux pages 2223 à 2225), sont également encourageants. Il est manifeste que, à ce stade-ci, les deux parties ont activement cherché des solutions de rechange qui atténueraient adéquatement le danger pour le public et le risque de fuite que pose le défendeur.

[102] Cependant, une fois encore, pour l’instant, la solution de rechange proposée par le commissaire Cook, comme pour celle proposée par les commissaires McPhalen et King, ne répond pas à l’exigence d’acceptabilité minimale établie par le juge en chef.

VI. Conclusions

[103] Je suis conscient du fait que la fonction de la Cour en contrôle judiciaire n’est pas d’examiner la preuve et de substituer ses propres conclusions à celles du décideur. Autrement dit, la question en contrôle judiciaire n’est pas celle de savoir si l’appréciation de la preuve dont la Section de l’immigration disposait aurait pu mener à une issue différente. Cette question est sans importance (Canada (Citoyenneté et Immigration c Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 67; Amri c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 925, au paragraphe 4).

[104] La question dont la Cour était saisie était plutôt de savoir si les ordonnances d’octobre, de novembre et de décembre, lorsqu’elles sont examinées ensemble, appartiennent aux issues possibles acceptables, notamment à la lumière des enseignements des décisions Lunyamila I et Lunyamila II. Je conclus que ce n’est pas le cas, car les commissaires McPhalen, King et Cook ont accordé un poids déraisonnable aux facteurs énoncés à l’article 248 et les conditions de mise en liberté imposées n’atténuent pas raisonnablement le danger pour la sécurité publique ou le risque de fuite que constitue le défendeur.

[105] Ces trois décisions sont donc annulées. Normalement, je renverrais la dernière de ces décisions, celle dans le dossier IMM-5539-17, à la Section de l’immigration pour nouvel examen. Cependant, étant donné qu’il y a eu une autre audience de contrôle des motifs de détention depuis cette décision qui a donné lieu à une ordonnance maintenant la détention du défendeur, il est inutile de renvoyer l’affaire à la Section de l’immigration.

[106] À la fin de l’audition des trois demandes de contrôle judiciaire en l’espèce, j’ai soulevé la question de la certification auprès des avocats. Aucun n’avait de position sur la question. J’observe que dans Lunyamila II, les parties étaient d’avis que l’affaire était fondée sur les faits particuliers de l’espèce et, par conséquent, elles n’ont présenté aucune question d’importance générale (Lunyamila CAF, au paragraphe 43). J’observe également les efforts de la Cour d’appel fédérale pour reformuler la question certifiée du juge en chef afin qu’elle réponde aux exigences en matière de certification (Lunyamila CAF, aux paragraphes 48 à 53).

[107] Dans ce contexte particulier et à la lumière du refus de la Cour d’appel fédérale de répondre à la question certifiée du juge en chef, j’ai indiqué aux avocats que je leur donnerais une période de temps supplémentaire pour réfléchir à la question. Par conséquent, le défendeur aura jusqu’au 1er mars 2018 pour proposer une question grave de portée générale qui permettrait de présenter un appel devant la Cour d’appel fédérale. Si une telle question est proposée, le ministre aura jusqu’au 7 mars 2018 pour répondre.

 


JUGEMENT DANS IMM-5071-17, IMM-4585-17 ET IMM-5539-17

LA COUR ORDONNE ce qui suit :

  1. Les demandes de contrôle judiciaire dans les dossiers IMM-5071-17, IMM-4585-17 et IMM-5539-17 sont accueillies.

  2. Les décisions qui font l’objet d’un contrôle dans la présente instance sont annulées.

  3. Le défendeur a jusqu’au 1er mars 2018 pour signifier et déposer des observations écrites à l’égard de la certification d’une question grave d’importance générale et, si une telle question est proposée, le ministre a jusqu’au 7 mars 2018 pour signifier et déposer une réponse.

  4. Les observations sur la certification ne doivent pas dépasser cinq (5) pages.

  5. Une copie du présent jugement et des présents motifs est versée dans chacun des dossiers.

« René LeBlanc »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 20e jour de juillet 2020

Lionbridge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIERS :

IMM-5071-17, IMM-4585-17, IMM-5539-17

 

INTITULÉ :

MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE c JACOB DAMIANY LUNYAMILA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 5 février 2018

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE LEBLANC

 

DATE DES MOTIFS :

Le 23 février 2018

 

COMPARUTIONS :

Alison Brown

 

Pour le demandeur

 

Robin D. Bajer

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Procureur général du Canada

VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

 

Pour le demandeur

 

Robin D. Bajer Law Office

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

Pour le défendeur

 

 

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