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Date : 20180221


Dossier : IMM-843-17

Dossier : IMM-844-17

Référence : 2018 CF 191

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 21 février 2018

En présence de monsieur le juge O’Reilly

ENTRE :

BAI LIANG LI

LI XIN CAO

ZHI YANG LI REPRÉSENTÉ PAR SON TUTEUR À L’INSTANCE BAI LIANG LI

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Aperçu

[1]  Les demandeurs forment une famille chinoise arrivée au Canada en 2011. La famille est composée de Mme Li Xin Cao, de son mari, M. Bai Liang Li, ainsi que de leur enfant, Zhi Yang Li. Les demandeurs ont demandé le statut de réfugié au Canada, mais un tribunal de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a rejeté leur demande principalement en raison du manque d’éléments de preuve crédibles à l’appui. Les demandeurs ont par la suite présenté une demande de résidence permanente fondée sur des motifs d’ordre humanitaire, et ont également présenté une demande d’examen des risques avant renvoi (ERAR). Un agent de l’immigration a rejeté leurs deux demandes.

[2]  Les demandeurs soutiennent que l’agent a commis une erreur quant à la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire en menant une évaluation déraisonnable des éléments de preuve à l’appui, surtout des éléments de preuve relatifs à leur établissement au Canada, à l’intérêt supérieur de leurs enfants (y compris deux enfants nés au Canada), ainsi qu’aux difficultés auxquelles se confronterait Mme Cao en Chine en tant que membre d’une église pentecôtiste évangélique. Ils me demandent d’annuler la décision de l’agent et d’ordonner à un autre agent d’examiner à nouveau leur demande fondée sur des motifs humanitaires. Je suis d’accord avec les demandeurs que la décision de l’agent en ce qui a trait à l’appartenance religieuse de Mme Cao était déraisonnable. J’accueille par conséquent leur demande de contrôle judiciaire fondée sur des motifs d’ordre humanitaire.

[3]  Quant à l’ERAR, les demandeurs soutiennent que l’agent a appliqué les mauvais critères juridiques et qu’encore là, l’agent a déraisonnablement évalué le risque auquel était exposée Mme Cao en Chine en tant que chrétienne pentecôtiste. Je conclus que la décision de l’agent sur ce dernier point était déraisonnable et j’accueille donc la demande de contrôle judiciaire de l’ERAR des demandeurs pour ces motifs.

[4]  Deux questions se posent :

  1. La décision de l’agent quant aux motifs d’ordre humanitaire était-elle déraisonnable?

  2. La décision de l’agent quant à l’ERAR était-elle déraisonnable?

[5]  Les demandeurs ont aussi soulevé la question de savoir si l’agent a appliqué les bons critères juridiques à l’ERAR. Compte tenu de ma conclusion selon laquelle la décision de l’agent était déraisonnable, il est inutile de tenir compte de cet argument supplémentaire.

II.  La décision de l’agent quant aux motifs d’ordre humanitaire

[6]  L’agent a examiné les éléments de preuve relatifs à l’établissement des demandeurs au Canada et a conclu que leurs liens n’étaient pas solides. L’agent a aussi tenu compte des circonstances des deux enfants nés au Canada de Mme Cao et de M. Li. Il a conclu que des conséquences négatives sur la famille étaient peu probables si elle retournait en Chine avec de nombreux enfants, contrevenant possiblement à la politique sur la planification familiale de la Chine.

[7]  L’agent a tenu compte des conséquences sur les enfants nés au Canada si on les renvoyait du pays vers la Chine. Ils seraient soit obligés d’abandonner leur citoyenneté canadienne, soit de faire en sorte que leurs parents paient des écoles privées et des soins médicaux en Chine. Les éléments de preuve que les demandeurs ont présentés n’indiquaient pas d’incapacité à effectuer ces paiements.

[8]  En ce qui concerne Zhi, qui est né en Chine, l’agent a conclu qu’il s’adapterait bien à son retour. De même, les enfants nés au Canada, âgés de quatre ans et de deux ans, développeraient probablement des compétences linguistiques et sociales adéquates en Chine.

[9]  L’agent a tenu compte des éléments de preuve concernant les activités religieuses de Mme Cao et a conclu qu’elle n’a pas démontré qu’elle faisait activement du prosélytisme au nom de l’église Living Stone Assembly, bien qu’elle ait distribué des dépliants à une occasion. Après avoir examiné les éléments de preuve documentaire, l’agent a conclu que Mme Cao serait libre de pratiquer sa foi dans les limites des lois chinoises.

[10]  Dans l’ensemble, en rejetant la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire des demandeurs, l’agent a conclu que l’intérêt supérieur des enfants était un facteur positif, mais pas déterminant.

III.  La décision de l’agent quant à l’ERAR

[11]  L’agent n’a tenu compte que des nouveaux éléments de preuve, et non des questions qui ont été examinées dans la demande d’asile des demandeurs. Par conséquent, la question principale consistait à savoir si les éléments de preuve appuyaient les allégations de persécution pour des motifs religieux de Mme Cao, une prétendue revendication de statut de réfugié sur place qui a été soulevée après son arrivée au Canada.

[12]  L’agent a tenu compte des éléments de preuve documentaire se rapportant au traitement des chrétiens évangéliques en Chine et a conclu que Mme Cao serait libre d’y pratiquer sa religion sans persécution.

[13]  L’agent a aussi conclu que les demandeurs ne connaîtraient aucun problème avec les autorités de la planification familiale en Chine.

IV.  La décision de l’agent quant aux motifs d’ordre humanitaire était-elle déraisonnable?

[14]  Le ministre soutient que la décision de l’agent était raisonnable dans l’ensemble, mais surtout sur la question du risque de persécution pour des motifs religieux à l’endroit de Mme Cao. L’agent a observé que les autorités chinoises autorisent de nombreux chrétiens à pratiquer librement leur foi.

[15]  Mon analyse de la situation est différente.

[16]  Les éléments de preuve documentaire devant l’agent indiquent que la province natale de Mme Cao, Guangdong, fait l’objet de harcèlement policier. De plus, l’agent n’a pas reconnu l’appartenance religieuse réelle de Mme Cao. Il décrit cette dernière comme une chrétienne protestante qui peut s’adapter à l’adoration dans une église approuvée par l’État. Toutefois, Mme Cao affirme être membre d’une église pentecôtiste évangélique, qui n’a aucun équivalent approuvé par l’État en Chine. Afin de pratiquer sa foi, elle devra fréquenter une église clandestine, susceptible de faire l’objet de descentes policières et d’arrestations.

[17]  En fonction des éléments de preuve documentaire, je conclus que la décision de l’agent est déraisonnable.

V.  La décision de l’agent quant à l’ERAR était-elle déraisonnable?

[18]  Essentiellement, les mêmes arguments émanent de l’ERAR à l’instar de la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire.

[19]  Le ministre soutient que la décision de l’agent était raisonnable en fonction des éléments de preuve documentaire. Pour les mêmes motifs indiqués ci-dessus, je ne suis pas d’accord. L’agent n’a pas tenu compte des éléments de preuve documentaire relatifs aux personnes dans la situation particulière de Mme Cao. Cette négligence a engendré une conclusion déraisonnable.

VI.  Conclusion et décision

[20]  Les décisions de l’agent quant aux motifs d’ordre humanitaire et à l’ERAR étaient déraisonnables puisqu’il n’a pas tenu compte des difficultés et du risque auxquels Mme Cao serait confrontée en Chine en raison de sa religion. Par conséquent, je dois accueillir les demandes de contrôle judiciaire quant à la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire et la demande d’ERAR. Aucune des parties n’a proposé de question de portée générale aux fins de certification, et aucune question n’est mentionnée.


JUGEMENT DANS LES DOSSIERS IMM-843-17 et IMM-844-17

LA COUR ORDONNE que les présentes demandes de contrôle judiciaire soient accueillies. Il n’y a aucune question de portée générale à certifier.

« James W. O’Reilly »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 12e jour d’août 2019

Lionbridge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

Dossiers :

IMM-843-17 et IMM-844-17

 

INTITULÉ :

BAI LIANG LI, LI XIN CAO, ZHI YANG LI REPRÉSENTÉ PAR SON TUTEUR À L’INSTANCE BAI LIANG LI c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 18 septembre 2017

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE O’REILLY

 

DATE DES MOTIFS :

LE 21 FÉVRIER 2018

 

COMPARUTIONS :

Aadil Manglji

 

Pour les demandeurs

 

Christopher Ezrin

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

LONG MANGALJI LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

Pour les demandeurs

 

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

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