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Date : 20180308


Dossier : IMM-2475-17

Référence : 2018 CF 274

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 8 mars 2018

En présence de monsieur le juge O’Reilly

ENTRE :

RAJA SINNARAJA

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Aperçu

[1]  M. Raja Sinnaraja a présenté une demande d’asile au Canada du fait qu’il craint l’Organisation de libération du peuple de l’Eelam tamoul (PLOTE) au Sri Lanka. Le PLOTE est un groupe qui s’oppose aux Tigres de Libération de l’Eelam tamoul (TLET), dont le défunt frère de M. Sinnaraja était membre.

[2]  Un tribunal de la Section de la protection des réfugiés (SPR) a rejeté la demande de M. Sinnaraja, principalement parce qu’il ne croyait pas que le récit de sa persécution alléguée et de sa fuite du Sri Lanka était crédible. La Section de la protection des réfugiés a également conclu que M. Sinnaraja ne correspondait pas au profil des personnes qui ont connu la persécution au Sri Lanka.

[3]  M. Sinnaraja a interjeté appel de la décision de la Section de la protection des réfugiés devant la Section d’appel des réfugiés (SAR). La Section d’appel des réfugiés a rejeté son appel, estimant que les doutes de la Section de la protection des réfugiés quant à sa crédibilité et à la fiabilité de ses documents n’avaient pas été dissipés.

[4]  M. Sinnaraja allègue que la Section d’appel des réfugiés ne s’est pas acquittée de son obligation de mener une évaluation indépendante des éléments de preuve; elle s’en est plutôt simplement remise aux conclusions de la Section de la protection des réfugiés. De plus, M. Sinnaraja prétend que le traitement par la Section d’appel des réfugiés des éléments de preuve concernant sa persécution passée et le risque de mauvais traitements futurs était déraisonnable. Il me demande d’annuler la décision de la Section d’appel des réfugiés et d’ordonner qu’un autre tribunal réexamine sa demande d’asile.

[5]  Je ne trouve aucun fondement pour infirmer la décision de la Section d’appel des réfugiés. J’estime que la Section d’appel des réfugiés a mené une analyse suffisamment indépendante des éléments de preuve et qu’elle a raisonnablement soupesé la preuve appuyant la demande de M. Sinnaraja. Je dois donc rejeter la présente demande de contrôle judiciaire.

[6]  Deux questions sont soulevées :

  1. La Section d’appel des réfugiés a-t-elle fait une évaluation indépendante des éléments de preuve?

  2. Les conclusions de fait de la Section d’appel des réfugiés étaient-elles déraisonnables?

II.  Première question – La Section d’appel des réfugiés a-t-elle fait une évaluation indépendante des éléments de preuve?

[7]  M. Sinnaraja affirme que le rôle de la Section d’appel des réfugiés consiste à mener un examen exhaustif fondé sur les faits, ou à instruire l’affaire comme une procédure d’appel hybride, comme on l’explique dans l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c Huruglica, 2016 CAF 93, au paragraphe 103. Au lieu de cela, la Section d’appel des réfugiés s’en est remise aux conclusions de la Section de la protection des réfugiés sans fournir d’explications justifiant une telle déférence. Par exemple, la Section d’appel des réfugiés a conclu qu’il était approprié pour la Section de la protection des réfugiés d’examiner avec soin le témoignage portant sur le départ de M. Sinnaraja du Sri Lanka, même si cette question n’était pas liée au risque futur auquel il fera face à son retour. Il semble que la Section d’appel des réfugiés ait appliqué une norme de contrôle indûment fondée sur la retenue, selon M. Sinnaraja.

[8]  Je ne suis pas de cet avis.

[9]  Même si la Section d’appel des réfugiés a fait un long résumé des conclusions de la Section de la protection des réfugiés (25 paragraphes), cela ne suffit pas en soi à laisser entendre qu’elle a fait preuve d’une retenue excessive à l’égard de la Section de la protection des réfugiés. La Section d’appel des réfugiés a également souligné les principes appropriés tirés de l’arrêt Huruglica, précité, a résumé les motifs invoqués par M. Sinnaraja pour attaquer les conclusions de la Section de la protection des réfugiés, et a exposé de nouvelles conclusions de fait sur plus de 31 paragraphes. Le simple fait que la Section d’appel des réfugiés a en fin de compte approuvé en grande partie les conclusions de la Section de la protection des réfugiés ne signifie pas qu’elle a appliqué la mauvaise norme de contrôle.

III.  Deuxième question – Les conclusions de fait de la Section d’appel des réfugiés étaient-elles déraisonnables?

[10]  M. Sinnaraja met l’accent sur les conclusions de la Section d’appel des réfugiés concernant deux points, et affirme que ses conclusions étaient déraisonnables. Tout d’abord, il fait valoir que la Section d’appel des réfugiés a écarté de façon déraisonnable la valeur probante des éléments de preuve documentaire appuyant sa demande. Ensuite, il soutient que la Section d’appel des réfugiés n’a pas reconnu l’importance des éléments de preuve appuyant son affirmation, selon laquelle il serait exposé à un risque s’il retournait au Sri Lanka.

[11]  Je ne suis pas de cet avis. La Section d’appel des réfugiés a fourni des explications raisonnables et indépendantes justifiant sa conclusion, selon laquelle les documents fournis par M. Sinnaraja n’étaient pas convaincants, de même que sa conclusion selon laquelle il n’existait rien de plus qu’une simple possibilité que M. Sinnaraja soit exposé à un risque à son retour au Sri Lanka.

[12]  La Section d’appel des réfugiés a examiné trois documents fournis par M. Sinnaraja. Le premier était le certificat de décès du frère de M. Sinnaraja qui, selon ce dernier, est décédé en 1995. Toutefois, le certificat n’a été délivré qu’en 2015. M. Sinnaraja a affirmé que la date figurant sur le certificat représente la date à laquelle il a demandé une copie, et non celle du décès. Toutefois, le certificat précise clairement que le décès a été enregistré le 3 février 2015. Cette confusion était suffisante pour permettre à la Section d’appel des réfugiés de douter de l’authenticité du certificat de décès.

[13]  M. Sinnaraja a également fourni une lettre de sa mère. La lettre donne peu de renseignements sur le fait que M. Sinnaraja aurait fait l’objet de persécution par le passé, ou sur ce qui pourrait arriver s’il revenait à la maison. La lettre indique simplement que si M. Sinnaraja était demeuré au Sri Lanka, il aurait pu être la cible du PLOTE ou de l’armée. Toutefois, la lettre indique également que même si la famille craignait d’être ciblée, il ne s’est rien passé. De plus, la lettre contient une erreur quant à l’année du décès du frère de M. Sinnaraja. De même, en ce qui concerne une lettre d’un oncle de M. Sinnaraja, la Section d’appel des réfugiés a souligné qu’elle contenait des renseignements qui contredisaient d’autres éléments de preuve au dossier, y compris le propre témoignage de M. Sinnaraja. Encore une fois, la conclusion de la Section d’appel des réfugiés selon laquelle ces lettres avaient une faible valeur probante n’était pas déraisonnable.

[14]  M. Sinnaraja soutient qu’en tant que jeune tamoul et demandeur d’asile débouté du nord du Sri Lanka, dont la famille a des liens avec les TLET, il sera détenu, interrogé et possiblement torturé à son retour au Sri Lanka. Selon lui, la conclusion contraire de la Section d’appel des réfugiés était déraisonnable.

[15]  La Section d’appel des réfugiés a conclu qu’il était peu probable que la situation personnelle de M. Sinnaraja fasse en sorte qu’il soit ciblé à son retour au Sri Lanka, puisqu’il n’avait pas de liens personnels avec les TLET et que les autorités lui ont déjà permis de voyager au pays et de quitter le Sri Lanka avec son propre passeport. La Section d’appel des réfugiés a examiné les éléments de preuve concernant le profil de M. Sinnaraja et les risques auxquels font face les personnes qui retournent au Sri Lanka. Elle a trouvé peu d’éléments de preuve indiquant que M. Sinnaraja serait pris pour cible, compte tenu que ni lui ni un autre membre de sa famille n’a été pris pour cible par le PLOTE en raison d’un lien perçu, à cause du frère de M. Sinnaraja, avec les TLET.

[16]  La Section d’appel des réfugiés a conclu que M. Sinnaraja pourrait être détenu à son retour, mais que ce risque n’équivalait pas à de la persécution.

[17]  Selon la prépondérance des probabilités, la conclusion de la Section d’appel des réfugiés, selon laquelle il n’existait rien de plus qu’une simple possibilité que M. Sinnaraja puisse être persécuté à son retour au Sri Lanka, était raisonnable et c’était là le bon critère à appliquer (Alam c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 4, au paragraphe 8).

IV.  Conclusion et décision

[18]  La Section d’appel des réfugiés en est arrivée à une conclusion raisonnable en fonction des éléments de preuve dont elle disposait. Ce faisant, elle n’a pas fait preuve de retenue excessive envers les conclusions précédentes de la Section de la protection des réfugiés sur le même sujet. Je dois, par conséquent, rejeter la demande de contrôle judiciaire. Aucune des parties n’a proposé de question de portée générale aux fins de certification, et aucune question n’est mentionnée.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-2475-17

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Il n’y a aucune question d’importance générale à certifier.

« James W. O’Reilly »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 12e jour d’août 2019

Lionbridge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-2475-17

 

INTITULÉ :

RAJA SINNARAJA c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 30 novembre 2017

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE O’REILLY

 

DATE DES MOTIFS :

Le 8 mars 2018

 

COMPARUTIONS :

Robert Israel Blanshay

 

Pour le demandeur

 

Amy Lambiris

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Robert I. Blanshay

Avocats

Société professionnelle

Toronto (Ontario)

 

Pour le demandeur

 

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

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