Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20180220


Dossier : IMM-3426-17

Référence : 2018 CF 176

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 20 février 2018

En présence de madame la juge Simpson

ENTRE :

RICHARD TAMAS GLASSL

HAJNALKA GLASSL

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

(Prononcés à l’audience à Toronto (Ontario), le 1er février 2018)

I.  PROCÉDURE

[1]  La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire présentée par M. Richard Tamas Glassl et Mme Hajnalka Glassl (les demandeurs) à l’encontre d’une décision de la Section d’appel des réfugiés en date du 18 juillet 2017 (la décision). La présente demande est présentée en application du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 200, c 27 (la LIPR).

II.  RÉSUMÉ DES FAITS

[2]  Les demandeurs sont mariés et sont tous deux citoyens de la Hongrie. Mme Hajnalka Glassl était l’appelante principale devant la Section d’appel des réfugiés et M. Richard Tamas Glassl était le coappelant. En l’espèce, ils seront décrits de la même façon, mais en utilisant le terme « demandeur ».

[3]  M. Glassl est arrivé au Canada le 2 octobre 2015 pour vérifier si ce pays était accueillant. Il est retourné en Hongrie le 23 octobre 2015. Trois mois plus tard, le 9 janvier 2016, les deux demandeurs sont arrivés au Canada et ont présenté une demande d’asile.

[4]  Ils soutiennent ne pas pouvoir retourner en Hongrie en raison de l’origine rome de la demanderesse principale. Dans le formulaire de fondement de la demande, elle a indiqué être [traduction] « à demi Rom », puisque sa mère est d’origine rome. Le codemandeur n’est pas d’origine rome, mais il craint d’être perçu comme faisant partie de la communauté rome en raison de son mariage avec la demanderesse principale.

[5]  Cette dernière craint également de subir des mauvais traitements de la part de son ex-époux, M. Stopp. M. Stopp est de nationalité hongroise et est membre du parti Jobbik. La demanderesse principale a épousé M. Stopp le 22 novembre 1998 et leur divorce a été prononcé le 23 avril 2005. Elle soutient avoir demandé le divorce en raison des tendances à la violence et des opinions racistes de M. Stopp. Bien qu’ils aient divorcé il y a 12 ans, elle affirme qu’il continue de la harceler et de faire preuve de violence à son endroit.

III.  DÉCISIONS

A.  Décision de la Section de la protection des réfugiés

[6]  La Section de la protection des réfugiés s’est demandée si la demanderesse principale était d’origine rome, si elle était persécutée en Hongrie en raison de son origine ethnique et si elle serait exposée à un risque advenant un retour en Hongrie. Elle a indiqué que sa mère est d’origine rome et que son père est hongrois. La Section de la protection des réfugiés a conclu que la demanderesse principale n’avait fourni [traduction] « aucun élément de preuve documentaire objectif pour établir qu’une partie de ses origines est rome ». La demanderesse a déclaré que ses parents l’ont élevée en tant que Hongroise, et non en tant que Rom. Elle a également déclaré que [traduction] « son expérience en tant que Rom a été moins difficile », en raison du fait qu’elle a un teint plus pâle que les autres Roms. Au point d’entrée, les paroles suivantes ont été échangées : [traduction] « Agent : Simplement en vous regardant, je peux affirmer que vous n’êtes pas d’origine rome. Est-ce exact? Réponse : « Oui, c’est exact ». De plus, lorsqu’on lui a demandé si elle était d’origine rome, elle a répondu : [traduction] « Non, pas vraiment ». La Section de la protection des réfugiés a déterminé qu’il était peu probable que la population la perçoive comme étant d’origine rome compte tenu de son apparence physique. La Section de la protection des réfugiés a conclu que les demandeurs n’avaient pas fourni d’éléments de preuve crédibles pour établir la façon dont la population générale saurait que la mère de la demanderesse principale est d’origine rome.

[7]  La Section de la protection des réfugiés n’a examiné que les allégations de la demanderesse principale à l’endroit de M. Stopp, puisque le codemandeur a déclaré qu’il ne craignait pas ce dernier. Elle a souligné que les demandeurs avaient eu trois entrevues avec des agents d’immigration canadiens après leur arrivée au Canada et que, pendant ces entrevues, ils n’ont jamais mentionné le nom de M. Stopp. Devant la Section de la protection des réfugiés, la demanderesse principale a déclaré qu’elle avait effectivement mentionné le nom de M. Stopp, mais que les agents d’immigration n’avaient pas écouté et n’avaient pas consigné ses déclarations. La Section de la protection des réfugiés a conclu qu’il n’était pas raisonnable que des agents d’immigration aient refusé de consigner ces renseignements essentiels. Elle a également conclu qu’il serait raisonnable de présumer que les agents d’immigration ont demandé aux demandeurs qui ils craignaient et qu’en réponse, ces derniers auraient dit craindre tous les agents de persécution, y compris M. Stopp.

[8]  Selon la prépondérance des probabilités, la Section de la protection des réfugiés a conclu qu’il était peu probable que M. Stopp continue à harceler, à menacer et à agresser la demanderesse principale douze ans après leur divorce. À titre subsidiaire, la Section de la protection des réfugiés a conclu que, si M. Stopp traquait et harcelait la demanderesse principale, cette dernière pourrait déménager ailleurs en Hongrie pour lui échapper.

B.  Décision de la Section d’appel des réfugiés

[9]  La Section d’appel des réfugiés était d’accord avec la Section de la protection des réfugiés pour dire que la demanderesse principale ne faisait pas partie de la communauté rome en raison de son teint, de ses noms de famille, notamment le fait qu’elle a utilisé les noms non roms de ses époux au cours de ses mariages, de même que l’absence d’éléments de preuve documentaire. Elle a examiné les échanges, décrits ci-dessus, entre la demanderesse principale et l’agent d’immigration au point d’entrée et a conclu que ses réponses aux questions sur son identité rome étaient évasives.

[10]  Elle a admis l’allégation de la demanderesse principale voulant qu’elle craigne M. Stopp. Elle a examiné la jurisprudence de la Cour fédérale qui établit que les déclarations faites aux agents d’immigration au point d’entrée peuvent servir à évaluer la crédibilité d’un demandeur. La Section d’appel des réfugiés a mentionné la décision Navaratnam c Canada (Citoyenneté et Immigration) 2011 CF 856 dans laquelle le juge Shore a conclu :

Il est bien établi dans la jurisprudence que la Commission peut tenir compte des déclarations faites aux autorités de l’Immigration au PDE afin d’évaluer la crédibilité du demandeur.

[11]  La Section d’appel des réfugiés a conclu qu’il était raisonnable de s’attendre à ce que les demandeurs mentionnent le nom de M. Stopp en répondant, au point d’entrée, à la question sur l’identité des personnes qu’ils craignaient. Elle a également conclu que les demandeurs n’ont pas expliqué cette omission. La Section d’appel des réfugiés a donc conclu que la demanderesse principale ne craignait pas M. Stopp.

[12]  La Section d’appel des réfugiés a examiné l’allégation du codemandeur selon laquelle il est perçu comme étant membre de la communauté rome en raison de son mariage avec la demanderesse principale. La Section d’appel des réfugiés a souligné que le codemandeur avait rendu des témoignages contradictoires sur la question de savoir si, en Hongrie, il est perçu comme étant d’origine rome ou s’il subit des mauvais traitements en raison de ses origines allemandes. La Section de la protection des réfugiés a conclu qu’il n’était pas crédible et la Section d’appel des réfugiés a souligné qu’il n’avait pas contesté cette conclusion.

[13]  La Section d’appel des réfugiés a conclu que la question de la protection de l’État n’avait pas été examinée par la Section de la protection des réfugiés. La Section d’appel des réfugiés a demandé aux demandeurs de présenter des observations écrites sur la question de savoir s’ils bénéficieraient de la protection de l’État advenant un retour en Hongrie.

[14]  La Section d’appel des réfugiés a reconnu que les deux demandeurs soutiennent avoir été persécutés en Hongrie et que l’État n’a pas assuré leur protection. Le codemandeur a déclaré que sa voiture avait été vandalisée en juin 2013 et qu’il avait signalé cet incident à la police. La Section d’appel des réfugiés a conclu que, selon les éléments de preuve, la police a tenté d’enquêter sur cette affaire, mais qu’elle a mis fin à l’enquête parce que l’identité des auteurs n’était pas connue. Elle a conclu qu’aucun élément de preuve n’indiquait que le codemandeur s’était vu refuser la protection de l’État.

[15]  Elle a également pris en compte les cinq cas de persécution allégués par la demanderesse principale : en mai 2006, quatre hommes l’ont suivie, l’ont agressée verbalement et l’un d’entre eux l’a poussée; en mai 2011, elle et sa sœur se sont vu refuser l’entrée dans un bar; en décembre 2011, sa famille a reçu un appel téléphonique menaçant de la part d’un inconnu; en février 2012, elle a été accusée de vol à l’étalage par un gardien de sécurité qui l’a agressée au moment de la fouille; en août 2012, elle a été impliquée dans une altercation avec des membres de la Garde hongroise.

[16]  La Section d’appel des réfugiés a tenu compte de chaque incident, mais a conclu que la demanderesse principale n’avait pas réussi à réfuter la présomption de protection de l’État. Elle a noté qu’au point d’entrée, lorsqu’on lui a demandé qui elle craignait en Hongrie, elle n’a pas mentionné avoir été menacée ou agressée. La Section d’appel des réfugiés a conclu qu’il est raisonnable de s’attendre à ce que la demanderesse principale ait mentionné ces incidents. La Section d’appel des réfugiés a conclu que la demanderesse principale n’avait pas réfuté la présomption de protection de l’État.

IV.  Questions en litige

[17]  Les demandeurs soutiennent que la décision était déraisonnable pour les motifs suivants :

  • Un poids indu a été accordé aux notes prises au point d’entrée.

  • La Section d’appel des réfugiés n’a pas tenu compte d’un rapport de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (CISR) du 1er février 1999 sur les Roms en Hongrie, qui décrit les caractéristiques permettant de les identifier.

  • L’exigence relative à la corroboration des origines romes de la demanderesse principale était déraisonnable, puisqu’aucun document officiel n’établit l’origine ethnique.

  • L’analyse de la protection de l’État a été entachée par la conclusion selon laquelle la demanderesse principale n’était pas d’origine rome.

V.  Discussion et conclusion

[18]  Je suis d’avis qu’au cours des trois entrevues au point d’entrée, le fait que les demandeurs n’aient pas mentionné le nom de M. Stopp ni les incidents au cours desquels la demanderesse principale dit avoir été ciblée en tant que Rom constitue des lacunes concernant les aspects fondamentaux de leur demande d’asile. Il ne s’agit pas de simples détails, et il était donc raisonnable pour la Section d’appel des réfugiés de tirer des conclusions défavorables sur leur crédibilité compte tenu de ces omissions importantes.

[19]  En ce qui a trait au rapport de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, la demanderesse principale n’a pas déclaré que ses manies dévoilaient ses origines romes. Dans ces circonstances, il n’était pas nécessaire que la Section d’appel des réfugiés mentionne le rapport qui portait sur la tenue vestimentaire, le comportement et le discours bruyant attribués au peuple rom.

[20]  En exprimant ses préoccupations devant le fait qu’aucun document n’établissait les origines romes de la demanderesse principale, la Section d’appel des réfugiés n’a pas laissé entendre que des documents officiels étaient requis. Au paragraphe 8 de la décision, la Section d’appel des réfugiés a indiqué qu’il aurait été utile de présenter des documents provenant des membres de la famille de la demanderesse principale ou d’organisations. Cette préoccupation relative à la corroboration était tout à fait raisonnable compte tenu de la déclaration des demandeurs au point d’entrée selon laquelle la demanderesse principale [traduction] « n’était pas vraiment d’origine rome », puisqu’elle n’avait pas la couleur de peau habituelle des Roms et qu’elle n’avait pas utilisé un nom de famille rom depuis de nombreuses années.

[21]  L’analyse sur la protection de l’État s’est concentrée sur chacun des incidents allégués, et on a supposé que ces incidents s’étaient produits malgré le fait que la demanderesse principale ne les avait pas mentionnés au cours des entrevues au point d’entrée. Dans chaque cas, la Section d’appel des réfugiés s’est demandée si la police avait été avisée et, dans l’affirmative, si elle avait répondu de manière raisonnable et efficace. Je ne relève aucune erreur dans l’approche utilisée.

VI.  Conclusion

[22]  Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

VII.  Question à certifier

[23]  Aucune question n’a été proposée aux fins de certification en vue d’un appel.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-3426-17

LA COUR rejette la présente demande de contrôle judiciaire.

« Sandra J. Simpson »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 9e jour de septembre 2019

Lionbridge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

DOSSIER :

IMM-3426-17

 

INTITULÉ :

RICHARD TAMAS GLASSL, HAJNALKA GLASSL c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 1ER FÉVRIER 2018

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE SIMPSON

DATE DES MOTIFS :

LE 20 FÉVRIER 2018

COMPARUTIONS :

Peter G. Ivanyi

POUR LES DEMANDEURS

Alison Engel-Yan

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Rochon Genova LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.