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Date : 20180215


Dossier : IMM-2632-17

Référence : 2018 CF 180

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 15 février 2018

En présence de monsieur le juge Gleeson

ENTRE :

LOVETH IYARE

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Aperçu

[1]  Mme Iyare introduit la présente demande de contrôle judiciaire, au titre du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (LIPR), de la décision de la Section d’appel de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada de rejeter une demande d’appel à l’encontre de la décision d’un agent des visas (l’agent) par laquelle la demande de résidence permanente de l’époux de la demanderesse a été rejetée au motif que leur mariage n’était pas authentique.

[2]  Mme Iyare n’a pas démontré que la décision était déraisonnable ni que la Section d’appel de l’immigration avait commis une autre erreur susceptible de contrôle. Pour les motifs établis ci-dessous, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

II.  Résumé des faits

[3]  Mme Iyare est née au Nigéria. Elle est arrivée au Canada en 2005 en tant que réfugiée et est actuellement citoyenne canadienne. Elle a divorcé de son ex-époux en février 2012. En avril 2012, elle s’est rendue au Nigéria et a épousé son époux actuel, Jerry Iyare, un citoyen nigérian. Mme Iyare a ensuite parrainé la demande de visa de résidence permanente de son époux au titre de la catégorie des époux.

[4]  La demande a été rejetée au motif que leur mariage n’était pas authentique. Lors de l’appel logé à la Section d’appel de l’immigration, le tribunal s’est penché sur la question de savoir si leur mariage était authentique ou s’il avait été contracté principalement dans le but d’acquérir un statut ou un privilège au titre de la LIPR, tel qu’énoncé à l’article 4.1 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227.

[5]  Dans sa décision, la Section d’appel de l’immigration a reconnu que l’appel était une audience de novo et que de nouveaux éléments de preuve étaient admissibles. La Section d’appel de l’immigration a ensuite relevé et examiné les motifs de l’appel. Elle a ainsi conclu que l’agent n’avait pas commis de manquement au principe de l’équité procédurale, et a en outre indiqué que s’il y avait eu un vice de procédure il avait été corrigé par l’appel de novo.

[6]  La Section d’appel de l’immigration a ensuite examiné si le mariage était authentique. Premièrement, la Section d’appel de l’immigration a observé que la crédibilité de Mme Iyare et de son époux revêtait une grande importance étant donné que les éléments de preuve documentaire n’étaient pas déterminants de l’issue de l’appel. La Section d’appel de l’immigration a ensuite indiqué que la crédibilité doit être vérifiée par rapport à [traduction] « […] ce qu’une personne sensée et informée reconnaîtrait comme raisonnable dans une telle situation et de telles circonstances ». Lorsqu’elle a appliqué le critère, la Section d’appel de l’immigration a déclaré qu’elle tenait compte des différences culturelles et a indiqué que sous plusieurs aspects, les témoignages de Mme Iyare et de son époux n’avaient aucun sens lorsqu’ils étaient évalués en fonction du critère. Lors de l’évaluation de l’authenticité du mariage, la Section d’appel de l’immigration s’est concentrée sur ce qui suit : 1) la période de temps que Mme Iyare et son époux avaient passé ensemble avant et après la cérémonie; 2) leurs connaissances respectives du vécu de l’autre; et 3) leurs connaissances respectives de la vie quotidienne de l’autre.

[7]  Lors de l’examen de chacun de ces facteurs, la Section d’appel de l’immigration a exprimé des préoccupations et a relevé des incohérences entre le témoignage de Mme Iyare et celui de son époux. La Section d’appel de l’immigration a finalement conclu qu’aucun élément de preuve n’était déterminant à lui seul, toutefois, lors de l’examen de tous les éléments de preuve réunis, elle a conclu qu’il était plus probable qu’improbable que le mariage ne soit pas authentique. Ayant conclu que le mariage n’était pas authentique, la Section d’appel de l’immigration a indiqué qu’il n’était pas nécessaire de se pencher sur la question de l’objectif principal du mariage, mais elle l’a fait tout de même. La Section d’appel de l’immigration a conclu que l’objectif principal du mariage était d’acquérir un statut ou un privilège en application de la LIPR.

III.  Questions en litige

[8]  La seule question soulevée par Mme Iyare dans sa demande est le caractère déraisonnable de la décision de la Section d’appel de l’immigration. Elle soutient que la Section d’appel de l’immigration a interprété les éléments de preuve de façon erronée et n’a pas examiné l’ensemble des éléments de preuve qui démontraient l’authenticité du mariage.

IV.  Norme de contrôle

[9]  La décision de la Section d’appel de l’immigration selon laquelle le mariage n’était pas authentique et qu’il avait été contracté avec l’objectif principal d’acquérir un statut ou un privilège en application de la LIPR soulève des questions mixtes de fait et de droit et est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable (Gill c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1522, au paragraphe 17; Bercasio c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 244, au paragraphe 17; Burton c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 345, au paragraphe 15).

[10]   Durant un examen fondé sur la norme de la décision raisonnable, la Cour n’interviendra pas si le processus décisionnel reflète les éléments de la justification, de la transparence et de l’intelligibilité, et si la décision appartient aux issues possibles acceptables au regard des faits et du droit (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47).

V.  Discussion

[11]  Mme Iyare soutient que la Section d’appel de l’immigration a fait fi de ses éléments de preuve, préférant les conclusions erronées de l’agent. Elle soutient que les conclusions de la Section d’appel de l’immigration quant à la crédibilité sont déraisonnables et que la Section d’appel de l’immigration n’a pas abordé de façon significative la question de l’équité procédurale. Elle soutient en outre qu’en indiquant la mauvaise date de séparation de son ex-époux, la Section d’appel de l’immigration a commis une erreur susceptible de révision. Je ne puis partager ce point de vue.

[12]  La Section d’appel de l’immigration a entendu les témoignages de vive voix à la fois de Mme Iyare et de son époux au cours de l’appel de novo. Ayant examiné les témoignages de vive voix, ainsi que les documents contenus dans le dossier d’appel, la Section d’appel de l’immigration a relevé une longue liste d’incohérences qui ont soulevé des préoccupations quant à la crédibilité. Les incohérences comprenaient des contradictions concernant le moment où la demande en mariage a été faite, la période très courte que le couple a passée ensemble malgré des possibilités manifestes de se rencontrer dans des lieux tiers, leurs connaissances respectives restreintes des relations de l’autre et leurs connaissances respectives restreintes de la vie quotidienne de l’autre, notamment la connaissance de l’état de santé grave de Mme Iyare qui a entraîné son hospitalisation. Ces incohérences ont été portées à l’attention de Mme Iyare et de son époux au cours de leurs témoignages devant la Section d’appel de l’immigration, et les conclusions quant à la crédibilité sont, pour la plupart, non contestées.

[13]  La Section d’appel de l’immigration n’a pas fait fi des éléments de preuve démontrant l’authenticité de la relation comme le soutient Mme Iyare. La Section d’appel de l’immigration a en effet reconnu qu’il existait des éléments de preuve concernant les communications, les transferts de fonds et l’achat d’un véhicule. Toutefois, la Section d’appel de l’immigration a également relevé la fragilité de ces éléments de preuve, notamment ce qui suit : 1) l’absence de reçus pour appuyer les transferts de fonds allégués; et 2) l’absence de toute preuve de communication avant 2014. La Section d’appel de l’immigration a conclu que ces éléments de preuve étaient tout simplement insuffisants lorsqu’ils sont examinés à la lumière de l’ensemble de la preuve pour démontrer l’existence d’une relation authentique. Bien que Mme Iyare ne souscrive pas à la conclusion de la Section d’appel de l’immigration, je suis convaincu que la Section d’appel de l’immigration a examiné les éléments de preuve en détail, a relevé les lacunes inexpliquées et a exprimé ses préoccupations.

[14]  Mme Iyare soutient qu’en indiquant la mauvaise date de séparation de son ex-époux, la Section d’appel de l’immigration a commis une erreur susceptible de révision. La Section d’appel de l’immigration a en effet mal indiqué la date de séparation comme étant le 1er janvier 2017, contrairement à la date déclarée du 17 janvier 2012. Toutefois, en examinant la décision, il est évident que la Section d’appel de l’immigration était bien consciente du moment de la séparation par rapport à d’autres événements importants concernant le mariage, et je ne peux qu’être d’accord avec le défendeur. L’erreur, bien que malencontreuse, n’est qu’une erreur typographique qui n’a pas d’incidence sur les conclusions globales. La date de séparation mal indiquée n’a pas d’incidence sur le caractère raisonnable de la décision (Calderon Garcia c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 412, au paragraphe 16; Huseynova c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 408, au paragraphe 7).

[15]  Mme Iyare soutient en outre que la Section d’appel de l’immigration a abordé ses préoccupations concernant l’équité procédurale d’une façon capricieuse et méprisante. La décision n’appuie pas cette affirmation. La Section d’appel de l’immigration a souligné que les observations de la demanderesse concernant l’équité procédurale étaient superficielles. La Section d’appel de l’immigration a néanmoins abordé l’argument selon lequel les lettres d’équité procédurale n’ont pas offert une possibilité adéquate de répondre aux préoccupations de l’agent et a conclu que la lettre était inexacte du point de vue factuel. La Section d’appel de l’immigration a indiqué que des lettres ont été envoyées, des réponses ont été fournies et le contenu des réponses a été évalué par l’agent avant de rendre une décision. La Section d’appel de l’immigration a conclu que les préoccupations de l’agent ont été formulées et qu’une possibilité avait été offerte pour répondre à ces préoccupations. La Section d’appel de l’immigration a en outre indiqué que quoi qu’il en soit, tout manquement au principe de l’équité avait été réparé par l’appel de novo. La Section d’appel de l’immigration n’a pas commis d’erreur susceptible de contrôle en abordant les préoccupations de Mme Iyare concernant l’équité procédurale.

VI.  Conclusion

[16]  La décision de la Section d’appel de l’immigration était raisonnable. La demande de contrôle judiciaire est donc rejetée.

[17]  Les parties n’ont pas relevé de question de portée générale aux fins de certification et aucune question n’a été soulevée.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-2632-17

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

  1. La demande est rejetée.

  2. Aucune question n’est certifiée.

« Patrick Gleeson »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 12e jour d’août 2019

Lionbridge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-2632-17

 

INTITULÉ :

LOVETH IYARE c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 7 décembre 2017

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE GLEESON

 

DATE DES MOTIFS :

Le 15 février 2018

 

COMPARUTIONS :

Simeon A. Oyelade

 

POUR LA DEMANDERESSE

Brad Bechard

 

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Simeon A. Oyelade

Avocat

North York (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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