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Date : 20180309


Dossier : T-649-17

Référence : 2018 CF 277

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 9 mars 2018

En présence de monsieur le juge O’Reilly

ENTRE :

CHRISTOPHER CSORDAS

demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Aperçu

[1]  M. Christopher Csordas a travaillé de nombreuses années comme conducteur de camion de livraison, mais des douleurs au dos, au cou et aux épaules l’ont forcé à arrêter en 2013. Sa demande de prestations d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada a été refusée, ainsi que sa demande de réexamen.

[2]  M. Csordas a interjeté appel de cette décision devant la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale. Celle-ci a examiné les preuves médicales et entendu les dépositions de M. Csordas et de son père. Ayant conclu que M. Csordas n’avait pas établi qu’il était atteint d’une invalidité grave, elle a rejeté l’appel.

[3]  M. Csordas a tenté d’interjeter appel de la décision de la Division générale. Cependant, la Division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale a conclu qu’il lui était demandé de réexaminer des éléments de preuve et des observations dont la Division générale avait déjà été saisie. M. Csordas a demandé à la Division d’appel d’examiner d’autres éléments de preuve dont la Division générale ne disposait pas au moment de l’audience. La Division d’appel a refusé après avoir tranché qu’elle n’avait pas compétence pour réévaluer les nouveaux éléments de preuve. Elle a rejeté la demande d’autorisation d’interjeter appel de M. Csordas.

[4]  M. Csordas estime qu’il s’agit d’une décision déraisonnable de la Division d’appel au motif que les nouveaux éléments de preuve conféraient une chance raisonnable de succès à son appel. Il me demande d’annuler la décision de la Division d’appel et d’ordonner qu’un tribunal différemment constitué réexamine sa demande d’autorisation. Il voudrait par ailleurs que je tienne compte d’autres éléments de preuve qui n’ont été présentés à aucune des Divisions du Tribunal de la sécurité sociale.

[5]  Je ne vois aucune raison d’infirmer la décision de la Division d’appel. Rien ne l’obligeait à examiner les nouveaux éléments de preuve ou à réévaluer ceux qui avaient été soumis à la Division générale. Je dois, par conséquent, rejeter la présente demande de contrôle judiciaire.

[6]  M. Csordas a soulevé plusieurs questions, mais elles se rapportent toutes au caractère raisonnable de la décision de la Division d’appel.

II.  Décision de la Division générale

[7]  La Division générale a dressé un résumé de tous les éléments de preuve mis à sa disposition. Plus précisément, elle a soupesé les éléments de preuve médicale suivants :

  • Le Dr R. Bobba, rhumatologue, a constaté que M. Csordas ressentait des douleurs aux épaules, aux jambes et à la poitrine, ainsi que des engourdissements aux mains. Il a aussi conclu que M. Csordas semblait bien se porter et que l’amplitude de mouvement de ses articulations était normale.

  • Le Dr Todd Bentley a conclu que M. Csordas ne présentait [traduction] « aucune lésion neurologique ». Il a toutefois décelé certains symptômes d’arthrite et de dégénérescence spinale.

  • La Dre Susann Goodwin, neurologue, a réalisé des analyses qui n’ont rien révélé d’anormal et qui n’indiquaient aucune détérioration au cours des deux années précédentes. Elle a toutefois conclu que ses douleurs restreignaient les activités de M. Csordaset qu’il n’était pas en mesure d’occuper un emploi, quel qu’il soit.

  • Le rapport produit par la DeGroote Pain Clinic indique que M. Csordas souffrait de troubles d’anxiété sociale, de dépression et de douleur, et qu’une participation à son programme lui serait bénéfique.

  • La Dre Maria Ross, s’exprimant au nom des Ross Rehabilitation and Vocational Services, a conclu que M. Csordas ne pouvait pas occuper un [traduction] « emploi dans un environnement compétitif » et lui a recommandé une psychothérapie ainsi qu’un programme de rééducation par l’exercice.

  • Le Dr Ali Ghouse, psychiatre, a conclu que M. Csordas était atteint d’un syndrome de douleur chronique diffuse, probablement permanent. Il a qualifié l’état de M. Csordas de grave et prolongé.

  • La Dre Helen Macaulay, psychologue, a posé un diagnostic de trouble émotif important et d’altération fonctionnelle. Elle a conclu que M. Csordas n’était pas apte à retourner au travail.

[8]  La Division générale a tranché, à partir des éléments de preuve, que M. Csordas n’était atteint d’aucune maladie physique ou psychologique grave l’empêchant de chercher un emploi. Elle a notamment observé qu’il n’avait jusque-là participé à aucun programme de la clinique de la douleur, que sa médication se limitait à des antalgiques légers (anti-inflammatoires et acétaminophène), et qu’il n’avait jamais été traité pour un trouble de santé mentale. Bien qu’elle ait reconnu l’expertise des docteurs Ghouse, Macaulay et Ross, la Division générale a donné la préséance aux témoignages des médecins traitants de M. Csordas, qui ne lui ont pas diagnostiqué de maladie grave.

[9]  Étant donné sa conclusion d’absence d’invalidité grave, la Division générale n’a pas porté attention à l’autre critère applicable, soit le caractère prolongé de l’invalidité.

III.  Décision de la Division d’appel

[10]  La Division d’appel a souligné que le paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social énonce seulement trois moyens d’appel : 1) l’inobservation du principe de justice naturelle ou une erreur de compétence; 2) une erreur de droit; 3) une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire. Elle a aussi fait observer que son rôle à l’égard d’une demande d’autorisation d’interjeter appel se limite à déterminer s’il a une chance raisonnable de succès (paragraphe 58(2); les dispositions citées sont reproduites en annexe).

[11]  La Division d’appel a examiné les motifs que M. Csordas a invoqués au soutien de sa demande d’autorisation. Il soutient en premier lieu qu’un rapport de psychothérapie postérieur à la décision de la Division générale a confirmé qu’il souffrait d’une invalidité grave et prolongée. En second lieu, il reproche à la Division générale de ne pas avoir pris en compte l’ensemble de la preuve médicale.

[12]  En ce qui a trait aux nouveaux éléments de preuve que M. Csordas cherche à faire valoir, la Division d’appel a rappelé que les circonstances justifiant leur prise en considération sont limitées. La procédure normale aurait exigé de saisir la Division générale d’une requête en annulation ou en modification de sa décision et, là encore, le fardeau de la preuve aurait été lourd pour le demandeur. La Division d’appel n’a pas statué sur cette question, mais ses doutes sont manifestes quant à la capacité de M. Csordas de respecter les délais et les exigences applicables.

[13]  En ce qui a trait à l’allégation concernant le défaut de la Division générale d’examiner l’ensemble de la preuve médicale à sa disposition, la Division d’appel a considéré qu’il lui était demandé de réévaluer des éléments de preuve qui avaient déjà fait l’objet d’une décision. La Division générale a explicitement cité et manifestement pris en considération les éléments de preuve dont M. Csordas s’inquiétait. De l’avis de la Division d’appel, les observations de M. Csordas témoignaient d’un désaccord avec l’interprétation que la Division générale a donnée à certains rapports médicaux et le poids qu’elle leur a accordé. Il s’agit d’une opinion qui, selon la Division d’appel, ne s’inscrit pas dans les moyens prévus dans la Loi, de sorte que son appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

IV.  La décision de la Division d’appel est-elle déraisonnable?

[14]  M. Csordas fait valoir que la décision de la Division d’appel est déraisonnable parce qu’elle n’a pas tenu compte de l’ensemble de la preuve. Il m’a présenté d’autres éléments de preuve qui, selon lui, contiennent de l’information générale sur ses incapacités et son aptitude à occuper un emploi.

[15]  Je ne puis souscrire à l’opinion de M. Csordas.

[16]  Les circonstances dans lesquelles de nouveaux éléments de preuve peuvent être déposés dans le cadre d’un contrôle judiciaire sont limitées (Bernard c Canada (Agence du revenu), 2015 CAF 263, aux paragraphes 13 à 17 et 19 à 26). En l’espèce, comme le demandeur cherche simplement à étoffer le dossier de preuve mis à la disposition du décideur, les nouveaux éléments de preuve ne sont pas admissibles.

[17]  Je ne suis pas d’accord avec M. Csordas quand il soutient que la Division générale n’a pas tenu compte de l’ensemble de la preuve et que la Division d’appel lui a déraisonnablement refusé l’autorisation demandée pour ce motif. Il n’a pas réussi à me convaincre que la Division d’appel a conclu de manière déraisonnable qu’il n’avait invoqué aucun moyen d’appel valable. Ses allégations ne portent pas sur une erreur de droit, une atteinte à un principe de justice naturelle ou une erreur de fait grave commandant une autorisation d’interjeter appel.

[18]  Il m’est donc impossible de conclure que la décision de la Division d’appel est déraisonnable.

V.  Conclusion et décision

[19]  Le refus de la Division d’appel d’autoriser M. Csordas à interjeter appel de la décision n’est pas déraisonnable compte tenu des circonstances. Je dois, par conséquent, rejeter la présente demande de contrôle judiciaire. Aucuns dépens ne sont adjugés.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER T-649-17

LA COUR rejette la demande de contrôle judiciaire. Aucuns dépens ne sont adjugés.

« James W. O’Reilly »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 26e jour d’août 2019

Lionbridge


Annexe

Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, LC 2005, ch 34

Department of Employment and Social Development Act, SC 2005, c 34

 

 

58 (1) Les seuls moyens d’appel sont les suivants :

58 (1) The only grounds of appeal are that

 

a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;

(a) the General Division failed to observe a principle of natural justice or otherwise acted beyond or refused to exercise its jurisdiction;

 

b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;

(b) the General Division erred in law in making its decision, whether or not the error appears on the face of the record; or

 

c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

(c) the General Division based its decision on an erroneous finding of fact that it made in a perverse or capricious manner or without regard for the material before it.

 

Critère

Criteria

 

(2) La division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

(2) Leave to appeal is refused if the Appeal Division is satisfied that the appeal has no reasonable chance of success.

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-649-17

 

INTITULÉ :

CHRISTOPHER CSORDAS c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 11 décembre 2017

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE O’REILLY

 

DATE DES MOTIFS :

Le 9 mars 2018

 

COMPARUTIONS :

Anthony Wellenreiter

 

Pour le demandeur

 

Penny Brady

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Wellenreiter & Wellenreiter

Avocats

Hamilton (Ontario)

 

Pour le demandeur

 

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

Pour le défendeur

 

 

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