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Date : 20180313


Dossier : IMM-1805-17

Référence : 2018 CF 282

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 13 mars 2018

En présence de monsieur le juge O’Reilly

ENTRE :

MARIE JUANITA SEARGEANT

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Aperçu

[1]  En 2016, Mme Marie Juanita Seargeant a demandé l’asile au Canada, car elle craignait d’être persécutée par la police en Jamaïque. Un tribunal de la Section de la protection des réfugiés a rejeté sa demande au motif que son allégation de harcèlement et d’autres inconduites de la part de la Jamaica Constabulary Force n’était pas étayée par des éléments de preuve crédibles. De plus, la Section de la protection des réfugiés a conclu que Mme Seargeant n’avait pas réussi à démontrer qu’elle n’était pas en mesure d’obtenir la protection de l’État en Jamaïque.

[2]  Mme Seargeant a interjeté appel de la décision de la Section de la protection des réfugiés devant la Section d’appel des réfugiés, affirmant que la Section de la protection des réfugiés avait omis de tenir compte des directives du président concernant la persécution fondée sur le sexe et les personnes vulnérables ainsi que de son état psychologique fragile. La Section d’appel des réfugiés a rejeté l’appel pour le motif que Mme Seargeant avait été traitée équitablement et avec tact lors de son audition devant la Section de la protection des réfugiés. De plus, la Section d’appel des réfugiés a conclu que la conclusion de la Section de la protection des réfugiés sur la protection de l’État était fondée.

[3]  Mme Seargeant prétend que la décision de la Section d’appel des réfugiés était déraisonnable étant donné que cette dernière a omis d’examiner sa demande en conformité avec les directives concernant la persécution fondée sur le sexe et les personnes vulnérables. Elle fait également valoir que la conclusion de la Section d’appel des réfugiés sur la question de la protection de l’État était déraisonnable. Elle me demande d’annuler la décision de la Section d’appel des réfugiés et d’ordonner que sa demande soit examinée de nouveau par un autre tribunal.

[4]  Je ne trouve aucun fondement pour infirmer la décision de la Section d’appel des réfugiés. La Section de la protection des réfugiés et la Section d’appel des réfugiés ont traité Mme Seargeant avec respect et elles lui ont accordé des accommodements raisonnables, notamment un délai supplémentaire pour déposer ses observations. En outre, les éléments de preuve démontrent que la police en Jamaïque a agi adéquatement à son égard et qu’elle était prête à la protéger et en mesure de le faire. Je dois, par conséquent, rejeter la présente demande de contrôle judiciaire.

[5]  Deux questions sont soulevées :

  1. La Section d’appel des réfugiés a-t-elle omis de respecter les directives applicables?

  2. La conclusion de la Section d’appel des réfugiés portant sur la disponibilité de la protection de l’État était-elle déraisonnable?

[6]  Bien que Mme Seargeant ait soulevé une question sur la date du dépôt du mémoire supplémentaire du ministre, il est manifeste qu’elle a eu plus de deux mois pour se préparer à l’audition après la réception de ce document. Mme Seargeant n’a pas insisté sur cette question durant l’audition.

II.  Contexte factuel

[7]  En 2013, la Jamaica Constabulary Force a accusé Mme Seargeant d’avoir obtenu de l’argent sous de faux prétextes après que son permis de conduire a été retrouvé sur les lieux d’un crime. Ses comptes bancaires ont été gelés et son nom a été placé sur une liste de surveillance. Elle a été citée à comparaître en cour afin de répondre à ces accusations.

[8]  Par la suite, un constable de la Jamaica Constabulary Force a communiqué avec elle afin de s’excuser de l’erreur commise et de l’informer que les accusations portées contre elle avaient été abandonnées. Elle a également reçu une lettre d’un commandant principal de la police qui a confirmé qu’elle avait été victime d’un vol d’identité. Par la suite, le commandant l’a informée que l’enquête était terminée et que les auteurs du crime avaient été traduits en justice.

[9]  Toutefois, en 2014, la Jamaica Constabulary Force a informé Mme Seargeant qu’elle avait besoin de son aide, et elle lui a demandé de se présenter au poste de police afin de fournir un échantillon d’écriture. Elle a refusé. Elle a également retenu les services d’un avocat et elle a communiqué avec le bureau du défenseur public. Le bureau du défenseur public a envoyé des lettres à la Jamaica Constabulary Force lui demandant de cesser d’importuner Mme Seargeant. En guise de réponse, la Jamaica Constabulary Force l’a informée qu’il était possible que son enquête se poursuive, mais que sa participation n’était plus nécessaire.

[10]  Mme Seargeant s’est sentie menacée et harcelée par la Jamaica Constabulary Force et, compte tenu de ses problèmes de santé mentale, elle croyait être victime de persécution. Elle a quitté la Jamaïque pour venir au Canada en 2015 et elle a demandé l’asile un an plus tard.

[11]  La Section de la protection des réfugiés a rejeté la demande d’asile de Mme Seargeant parce que cette dernière n’avait pas réussi à démontrer qu’elle avait été persécutée par la Jamaica Constabulary Force ou qu’elle ne pouvait pas bénéficier de la protection de l’État en Jamaïque. Elle a également conclu que la demanderesse pourrait obtenir les médicaments dont elle avait besoin en Jamaïque.

[12]  Lors de son examen de l’appel interjeté par la demanderesse de la décision de la Section de la protection des réfugiés, la Section d’appel des réfugiés a permis à Mme Seargeant de présenter de nouveaux éléments de preuve concernant son état de santé et ses communications avec la Jamaica Constabulary Force. Bien que Mme Seargeant ait noté avec raison que la Section de la protection des réfugiés n’avait pas mentionné les directives pertinentes, la Section d’appel des réfugiés a conclu que la Section de la protection des réfugiés avait traité son dossier avec tact eu égard à son sexe et à ses problèmes de santé mentale. La Section d’appel des réfugiés a également souscrit à la conclusion de la Section de la protection des réfugiés selon laquelle Mme Seargeant n’avait pas réussi à réfuter la présomption selon laquelle elle pouvait bénéficier de la protection de l’État en Jamaïque. En fait, les éléments de preuve concernant ses communications et ses échanges avec la Jamaica Constabulary Force ont servi à démontrer l’existence de la protection de l’État. De plus, les éléments de preuve indiquaient que Mme Seargeant avait reçu, en Jamaïque, les soins médicaux dont elle avait besoin et qu’elle serait en mesure de les recevoir à l’avenir.

III.  Première question : La Section d’appel des réfugiés a-t-elle omis de respecter les directives applicables?

[13]  Mme Seargeant prétend que la Section d’appel des réfugiés n’a pas reconnu qu’elle était une personne vulnérable.

[14]  La Section d’appel des réfugiés a respecté les directives dans sa manière de traiter la situation de Mme Seargeant. La Section d’appel des réfugiés a pris des mesures d’adaptation à l’égard de Mme Seargeant avant et durant l’audience (tout comme la Section de la protection des réfugiés) et elle n’a tiré aucune conclusion défavorable des retards de la demanderesse.

[15]  Les procédures devant la Section de la protection des réfugiés et la Section d’appel des réfugiés ne sont pas entachées par une omission de traiter Mme Seargeant avec respect et dignité.

IV.  La conclusion de la Section d’appel des réfugiés portant sur la disponibilité de la protection de l’État était-elle déraisonnable?

[16]  Mme Seargeant soutient que la Jamaica Constabulary Force ne traite pas les Jamaïcains avec respect et qu’elle sème la peur chez les gens ordinaires comme elle. Sans l’aide d’avocats, elle croit qu’elle aurait été poursuivie et condamnée à tort. Elle affirme que la Section d’appel des réfugiés n’a pas saisi l’étendue de la corruption et de la malversation au sein de la Jamaica Constabulary Force lorsqu’elle a conclu qu’elle n’avait pas réussi à démontrer l’absence de la protection de l’État en Jamaïque.

[17]  En toute déférence, je ne peux souscrire aux observations formulées par Mme Seargeant.

[18]  Les éléments de preuve démontrent un processus équitable tout au long des procédures judiciaires dans lesquelles Mme Seargeant a été impliquée. La Jamaica Constabulary Force avait des motifs valables de l’inclure dans son enquête. Lorsqu’il est apparu qu’elle n’avait aucunement participé aux crimes en question, la Jamaica Constabulary Force a pris les mesures qui s’imposaient. Aucun élément de preuve ne démontre que Mme Seargeant a été ciblée ou harcelée en raison de son sexe ou de son état de santé mentale.

[19]  Par conséquent, je ne peux conclure que la décision de la Section d’appel des réfugiés sur la question de la protection de l’État était déraisonnable.

V.  Conclusion et décision

[20]  La Section d’appel des réfugiés a traité Mme Seargeant de manière appropriée et sa conclusion selon laquelle Mme Seargeant n’a pas réussi à démontrer l’absence de protection de l’État en Jamaïque n’était pas déraisonnable. Je dois, par conséquent, rejeter la présente demande de contrôle judiciaire. Aucune des parties n’a proposé de question de portée générale aux fins de certification, et aucune question n’est mentionnée.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-1805-17

LA COUR rejette la demande de contrôle judiciaire et elle ne certifie aucune question d’importance générale.

« James W. O’Reilly »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 13e jour d’août 2019

Lionbridge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-1805-17

 

INTITULÉ :

MARIE JUANITA SEARGEANT c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 10 JANVIER 2018

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE O’REILLY

 

DATE DES MOTIFS :

LE 13 MARS 2018

 

COMPARUTIONS :

Marie Seargeant

 

POUR LA DEMANDERESSE – POUR SON PROPRE COMPTE

 

Christopher Ezrin

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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