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Date : 20180307


Dossier : T-60-16

Référence : 2018 CF 269

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 7 mars 2018

En présence de monsieur le juge Gleeson

ENTRE :

ANDREW COLLETT

demandeur

et

NORTHLAND ART COMPANY

CANADA INC. ET BREMNER FINE ART

INCORPORATED

défenderesses

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Aperçu

[1]  Le demandeur, M. Andrew Collett, est un photographe professionnel qui crée des œuvres photographiques de la nature. M. Collett vend des reproductions de ses œuvres photographiques, dans divers formats, partout au Canada et aux États-Unis, soit directement ou par l’entremise de grossistes et de galeries d’art.

[2]  Les défenderesses, Northland Art Company Canada Inc. (NAC Canada) et Bremner Fine Art Incorporated, faisant affaire sous le nom de Northland Art Company (Northland), se spécialisent dans l’acquisition d’œuvres et la vente de reproductions d’œuvres d’art canadiennes aux consommateurs et aux revendeurs.

[3]  M. Collett a établi une relation d’affaires avec Northland à l’été 2011, lui fournissant des reproductions de ses œuvres aux fins de revente. La relation a commencé à se détériorer en 2012 à la suite d’un changement de propriétaire chez Northland. M. Collett intente maintenant la présente action, alléguant que les défenderesses ont violé le droit d’auteur et les droits moraux se rapportant à ses œuvres photographiques. M. Collett demande des dommages-intérêts préétablis prévus à l’article 38.1 de la Loi sur le droit d’auteur, LRC 1985, c C-42 (la Loi), s’élevant à 20 000 $ pour chacune des violations allégués du droit d’auteur, des dommages-intérêts pour la violation de ses droits moraux de 60 000 $, des dommages-intérêts majorés et punitifs de 100 000 $, et une injonction.

[4]  Les défenderesses réfutent les allégations de M. Collett et demandent que la requête soit rejetée avec dépens.

II.  Historique de la procédure

[5]  M. Collett a déposé sa déclaration le 12 janvier 2016. Dans une ordonnance datée du 20 juin 2016, la protonotaire Martha Milczynski a accordé à M. Collett l’autorisation de modifier sa déclaration et d’ajouter Bremner Fine Art Incorporated à titre de défenderesse dans l’action. Le 30 septembre 2016, M. Collett a déposé une requête en jugement sommaire.

[6]  Le 6 décembre 2016, la juge Ann Marie McDonald a ordonné l’ajournement de la requête en jugement sommaire à la demande des défenderesses, et a rendu une injonction provisoire contre les défenderesses. L’ordonnance demandait également aux défenderesses de signifier et de déposer leurs documents en réponse avant le 16 décembre 2016 au plus tard. Les défenderesses n’ont pas respecté cette échéance.

[7]  La requête en jugement sommaire a été entendue le 17 janvier 2017, et les parties ont par la suite recouru à la médiation lors d’une conférence de règlement des litiges le 10 avril 2017, à la suggestion de la Cour. Ces efforts n’ont pas porté fruit. Dans l’ordonnance et les motifs du 29 juin 2017, j’ai accepté à contrecœur le dépôt des documents en réponse des défenderesses, j’ai conclu qu’un droit d’auteur subsistait relativement aux œuvres indiquées dans la déclaration modifiée (les œuvres), et j’ai de plus conclu que M. Collett était le titulaire du droit d’auteur et des droits moraux sur les œuvres. Un procès sommaire a été ordonné afin d’aborder les questions de contrefaçon et de redressement.

III.  Contexte

A.  Généralités

[8]  Les parties conviennent qu’en 2011, M. Collett a commencé à fournir des copies imprimées de ses œuvres à la défenderesse, Northland. À cette époque, Northland appartenait à M. Paul Bremner qui en assurait l’exploitation.

[9]  La preuve indique que M. Bremner a vendu Northland à M. Nicholas Tamburi aux environs du mois de septembre 2012. Après le changement de propriétaire, M. Collett a continué à fournir des copies imprimées de ses œuvres photographiques, afin de permettre à Northland d’honorer ses bons de commande.

[10]  M. Collett a indiqué que sa relation avec Northland a commencé à se détériorer et qu’entre février 2013 et août 2013, il n’a fourni aucune reproduction de ses œuvres à Northland. Entre août 2013 et novembre 2013, M. Collett a de nouveau fourni des reproductions afin d’honorer les bons de commande de Northland. Toutefois, M. Collett a indiqué que la relation a finalement pris fin aux environs de novembre 2013 : il a informé M. Nicholas Tamburi que Northland n’était plus autorisée à distribuer, à offrir en vente ou à vendre ses œuvres.

[11]  Les œuvres en litige comprennent six œuvres photographiques différentes de M. Collett, ainsi que la « page d’accueil » et la « page Biographie » de son site Web :

  1. l’œuvre « Spirit of Our Land » créée le 10 juillet 2006;

  2. l’œuvre « Inspiration » créée le 15 octobre 2007;

  3. l’œuvre « Fall Along the Oxtongue » créée le 1er octobre 2007;

  4. l’œuvre « Algonquin » créée le 13 juin 2007;

  5. l’œuvre « Morning Paddle » créée le 27 juin 2009;

  6. l’œuvre « Winter Blues » créée le 6 janvier 2008;

  7. la « page d’accueil » et la « page Biographie » de son site Web créées le ou vers le 9 septembre 2009.

[12]  Selon le témoignage non contesté de M. Collett, avant août 2013, toutes les reproductions qu’il fournissait à Northland étaient encadrées, et montées dans l’un des trois formats suivants : 1) sur toile tendue; 2) sur panneau de bois; 3) sur panneau acrylique. En août 2013, il a commencé à fournir des reproductions non encadrées imprimées sur papier. Il a déclaré qu’entre août 2013 et la fin de sa relation avec Northland, il a fourni en tout 316 impressions sur papier. Mises à part ses réclamations concernant son site Web, les contrefaçons qu’allègue M. Collett en l’espèce concernent toutes des reproductions de ses œuvres en format papier.

[13]  La déclaration modifiée fait référence à deux œuvres additionnelles, soit « The Awakening » et « Pine cliff ». Aucun élément de preuve n’a été déposé pour appuyer les allégations de contrefaçon en lien avec l’une ou l’autre de ces œuvres, et on n’en fera plus mention.

IV.  Questions en litige

[14]  Dans la requête en jugement sommaire, M. Collett a établi : 1) qu’un droit d’auteur subsistait relativement aux œuvres; 2) qu’il est titulaire du droit d’auteur et des droits moraux sur les œuvres. Les questions suivantes doivent être abordées :

  1. Les défenderesses sont-elles solidairement responsables si la contrefaçon est avérée?

  2. Le droit d’auteur et les droits moraux de M. Collett sur les œuvres ont-ils été violés?

  3. Si le droit d’auteur et les droits moraux de M. Collett sur les œuvres ont été violés, quelles mesures de redressement doivent lui être accordées?

V.  Discussion

A.  Les défenderesses sont-elles solidairement responsables si la contrefaçon est avérée?

[15]  Les parties ne contestent pas que la défenderesse, NAC Canada, est une entité séparée et distincte de Northland. Il n’est pas non plus contesté que la défenderesse, NAC Canada, a été constituée en société, en application de la Loi canadienne sur les sociétés par actions, LRC 1985, c C-44, en mars 2016. La déclaration alléguant la contrefaçon a été déposée en janvier 2016 et aucune allégation de contrefaçon n’est postérieure à la constitution en société de NAC Canada. La question évidente dans ces circonstances est de savoir si NAC Canada peut être tenue responsable des contrefaçons alléguées.

[16]  L’avocat de M. Collett a prié la Cour d’imposer une responsabilité, solidairement, aux deux défenderesses. Pour appuyer sa position, M. Collett s’en remet aux éléments suivants : 1) le témoignage de vive voix de M. Daniel Tamburi, selon lequel NAC Canada était une filiale de Northland; 2) la déclaration de M. Daniel Tamburi, selon laquelle [traduction] « à mes yeux, c’est la même entreprise »; 3) les locaux que partagent les deux sociétés; 4) les éléments de propriété et de gestion collective.

[17]  Il peut y avoir des circonstances dans lesquelles une société mère peut être responsable des actions d’une filiale à cent pour cent, au motif que la société mère est l’alter ego de la filiale (Kevin McGuinness, Canadian Business Corporations Law, 3e éd vol 1 (Toronto : LexisNexis, 2017), au paragraphe 7.117, citant Gregorio v Intrans-Corp (1994), 18 OR (3d) 527, 115 DLR (4th) 200 (ON CA)). Il peut également y avoir des circonstances où, si l’on applique la théorie des [traduction] « entreprises groupées », une société pourrait être tenue solidairement responsable des actions d’une autre (Teti and ITET Corp v Mueller Water Products, 2015 ONSC 4434, au paragraphe 21). Ni l’une ni l’autre de ces théories quant à la responsabilité n’a été plaidée dans la présente affaire. Quoi qu’il en soit, il n’est pas du tout évident que l’une ou l’autre de ces théories pourrait soutenir l’idée de tenir une société responsable d’événements qui ont eu lieu avant qu’elle ne soit constituée en société.

[18]  Même si la Cour prend note des circonstances factuelles soulignées par M. Collett, ces circonstances à elles seules ne peuvent justifier l’imposition d’une responsabilité à une société qui n’existait pas à l’époque où se sont déroulées les activités préjudiciables. NAC Canada ne partage aucune responsabilité quant à l’une ou l’autre des contrefaçons alléguées en l’espèce.

B.  Le droit d’auteur et les droits moraux de M. Collett sur les œuvres ont-ils été violés?

[19]  Le paragraphe 3(1) de la Loi prévoit que le droit d’auteur à l’égard d’une œuvre « comporte le droit exclusif de produire ou reproduire la totalité ou une partie importante de l’œuvre, sous une forme matérielle quelconque » et inclut également le droit exclusif d’autoriser de tels actes. Le paragraphe 27(1) de la Loi prescrit ce qui suit : « Constitue une violation du droit d’auteur l’accomplissement, sans le consentement du titulaire de ce droit, d’un acte qu’en vertu de la présente loi seul ce titulaire a la faculté d’accomplir ».

[20]  Le paragraphe 14.1(1) de la Loi prévoit que « [l]’auteur d’une œuvre a le droit, sous réserve de l’article 28.2, à l’intégrité de l’œuvre et, à l’égard de tout acte mentionné à l’article 3, le droit, compte tenu des usages raisonnables, d’en revendiquer, même sous pseudonyme, la création, ainsi que le droit à l’anonymat ».

[21]  L’article 28.1 prévoit que « [c]onstitue une violation des droits moraux de l’auteur sur son œuvre ou de l’artiste-interprète sur sa prestation tout fait – acte ou omission – non autorisé et contraire à ceux-ci ».

[22]  L’article 28.2 prévoit qu’il n’y a violation du droit de l’auteur à l’intégrité d’une œuvre « que si l’œuvre ou la prestation, selon le cas, est, d’une manière préjudiciable à l’honneur ou à la réputation de l’auteur ou de l’artiste-interprète, déformée, mutilée ou autrement modifiée, ou utilisée en liaison avec un produit, une cause, un service ou une institution ». La jurisprudence reconnaît que le droit d’un auteur à l’intégrité d’une œuvre comporte non seulement un aspect très subjectif, que doit prouver l’auteur d’une œuvre, mais également un élément objectif nécessitant une évaluation du préjudice relativement à l’honneur ou à la réputation de l’auteur, fondée sur l’opinion du public ou des experts (Maltz c Witterick, 2016 CF 524, au paragraphe 49, citant Prise de parole Inc. c Guérin Éditeur Ltée, (1995), 66 CPR (3d) 257, 104 FTR 104 (TD), appel rejeté (1996), 73 CPR (3d) 557, 206 NR 311 (CAF)).

1)  L’œuvre intitulée « Morning Paddle »

[23]  Dans son témoignage, M. Collett a indiqué qu’entre novembre 2013 et le début de l’année 2014 – après qu’il eut informé Northland par l’entremise de M. Nicholas Tamburi que Northland n’était plus autorisée à distribuer, à offrir en vente ou à vendre l’une ou l’autre de ses œuvres – Northland a fabriqué et a vendu sans autorisation des reproductions de l’œuvre « Morning Paddle », en plus d’en faire la promotion, sur le site Web des demanderesses. Il a affirmé que M. Darling, un ancien employé de Northland et maintenant un employé de M. Collett, a porté ce fait à son attention. De plus, il a déclaré qu’il a demandé à Northland, à plusieurs reprises, de retirer l’œuvre du site Web, mais que Northland a refusé de le faire.

[24]  M. Collett a également déclaré qu’en janvier 2014, Northland a exposé et offert en vente ses œuvres lors de diverses foires commerciales. Dans sa déposition orale, il indique que ces œuvres incluent « Algonquin », « Morning Paddle » et « Winter Blues ». Ces œuvres étaient imprimées sur papier. Dans son témoignage, M. Collett a indiqué que ces impressions constituaient des reproductions non autorisées de ses œuvres, et qu’elles ne faisaient pas partie d’une réserve d’inventaire provenant de leur relation d’affaires antérieure.

[25]  M. Collett a déclaré qu’un pourcentage important des bons de commande reçus de Northland entre août et novembre 2013 étaient accompagnés d’étiquettes numérotées indiquant pour quel client Northland commandait la reproduction, que les reproductions qu’il avait fournies devaient permettre d’honorer des bons de commande précis, et que Northland ne maintenait pas un stock excédentaire de ses œuvres, peu importe le format. Il a déclaré que Northland n’avait aucun motif pour garder ses œuvres en stock, puisqu’il livrait des reproductions autorisées sur demande. Il a témoigné que tout surplus des impressions sur papier que Northland avait en sa possession à la fin de leur relation aurait dû être minime et insuffisant pour honorer des commandes provenant, par exemple, de foires commerciales.

[26]  Au cours de son contre-interrogatoire, M. Collett a reconnu que 131 des 316 reproductions sur papier, représentant la totalité des œuvres qu’il avait fournies à Northland entre août et novembre 2013, ont été vendues sans référence à une étiquette numérotée, et que ces œuvres pourraient avoir été ajoutées à l’inventaire de Northland. Il a de plus reconnu que les commandes retournées par des clients identifiés pourraient avoir été ajoutées à l’inventaire de Northland.

[27]  J’estime que le témoignage de M. Collett est crédible et corroboré à la fois par l’affidavit et par la déposition orale de M. Darling. J’estime que l’affirmation de M. Nicholas Tamburi, selon laquelle Northland avait [traduction] « des centaines de reproductions en stock qu’elle avait achetées de Collett » quand elle a mis fin à leur relation d’affaires n’est pas du tout crédible.

[28]  En dépit de mes réserves concernant le témoignage de M. Tamburi sur ce point, je ne suis pas en mesure de conclure que Northland a violé le droit d’auteur de M. Collett sur l’œuvre intitulée « Morning Paddle » en faisant la publicité de reproductions en vente sur son site Web entre décembre 2013 et février 2014.

[29]  M. Collett a reconnu que les reproductions sur papier qu’il avait vendues à Northland n’étaient pas toutes destinées à des clients précis. J’ai réexaminé les bons de commande inclus à la pièce « C » de l’affidavit en réponse de M. Collett, et il est clair qu’un certain nombre de copies de « Morning Paddle » ont été commandées sans qu’une étiquette numérotée leur soit associée. De même, la pièce « D » de l’affidavit de Nicholas Tamburi indique que trois copies de l’œuvre ont été annoncées en vente à un prix réduit en janvier 2014. Cela est conforme à la déclaration de M. Tamburi, selon laquelle Northland avait, dans son inventaire, un nombre limité de copies autorisées des œuvres de M. Collett, lorsque les deux parties ont mis fin à leur relation d’affaires.

[30]  Aucun élément de preuve précis ne me permettrait de conclure que dans les trois mois qui ont suivi la fin de la relation d’affaires, Northland a essayé d’obtenir des commandes de « Morning Paddle » en grande quantité, en affichant l’œuvre sur le site Web de Northland.

[31]  De même, bien qu’il y ait une allégation générale que des œuvres ont été exposées dans des foires commerciales en janvier 2014, les éléments de preuve selon lesquels ces œuvres comptaient parmi elles « Morning Paddle » se limitent à une déclaration très générale de M. Collett dans sa déposition orale, selon laquelle [traduction] « […] elles ont commencé à apparaître sur les murs de leurs kiosques dans des foires commerciales. Alors on pouvait voir “Morning Paddle” ou “Algonquin Moose”. »

[32]  Dans les circonstances, je ne suis pas en mesure de conclure que la preuve établit, selon la prépondérance des probabilités, que Northland a violé le droit d’auteur de M. Collett sur « Morning Paddle » entre décembre 2013 et février 2014.

2)  L’œuvre intitulée « Spirit of Our Land »

[33]  Selon le témoignage de M. Collett, il a découvert, à l’automne 2015, que Northland avait vendu 50 impressions de « Spirit of Our Land » à Funding Innovation, un client potentiel de M. Collett. Il a affirmé qu’il n’avait fourni aucune de ces impressions et qu’il n’avait pas autorisé la production de ces impressions. Il allègue plutôt que Northland a fait sans autorisation des copies à partir d’un tirage original de « Spirit of Our Land ».

[34]  M. Collett affirme en outre que Northland :

  1. a participé à une foire commerciale en août 2015, où des reproductions non autorisées de « Spirit of Our Land » ont été affichées, afin de solliciter les commandes;

  2. a affiché sans autorisation une reproduction de « Spirit of Our Land » sur son site Web et a annoncé pour la vente des reproductions non autorisées;

  3. a dissimulé ou retiré la signature de M. Collett sur au moins cinquante reproductions non autorisées de « Spirit of Our Land » – celles vendus à Funding Innovation – et a remplacé sa signature par celle d’un autre photographe, un certain M. Anthony Randall.

[35]  M. Collett a également affirmé que les reproductions non autorisées produites par les défenderesses avaient forcément une résolution inférieure et étaient de qualité inférieure à ses reproductions autorisées. Il a affirmé que la présence sur le marché de reproductions de qualité inférieure de ses œuvres menaçait l’intégrité de son travail et portait atteinte à sa réputation.

[36]  M. Chris Carter, un agent de Funding Innovation, a confirmé que Funding Innovation a acheté à Northland 50 reproductions d’une œuvre intitulée « Spirit of Our Land », attribuée à Anthony Randall. Il a également déclaré que les copies restantes de cette œuvre ont été retournées à Northland après que M. Collett eut soulevé des doutes sur la paternité de l’œuvre attribuée à Anthony Randall. M. Anthony Randall a fourni un témoignage confirmant qu’il n’était pas l’auteur de l’œuvre.

[37]  M. Nicholas Tamburi a affirmé dans son témoignage que la numérisation de « Spirit of Our Land » et l’apposition de la signature de M. Randall sur l’œuvre ont été effectuées par erreur par une graphiste à l’emploi de Northland, Mme Elisabeth Hrycyna. Le témoignage de M. Tamburi concernant l’activité de contrefaçon alléguée était généralement vague et argumentatif. Sa déposition orale était également contradictoire sur certains sujets. J’estime que le témoignage de M. Nicholas Tamburi sur cette question n’était ni convaincant, ni crédible.

[38]  Mme Hrycyna n’a pas comparu au procès sommaire pour des motifs qui restent flous. Son absence n’a pas été soulevée par Northland. Elle a toutefois fourni un affidavit à l’appui de la requête en jugement sommaire. Dans cet affidavit, elle déclare que Nicholas Tamburi lui a fourni une copie numérisée de « Spirit of Our Land » et lui a demandé de faire des reproductions à partir de cette copie et d’apposer la signature d’Anthony Randall sur les reproductions. Northland n’a pas cherché à la contre-interroger au sujet de son affidavit.

[39]  J’accepte le témoignage de Mme Hrycyna et j’estime, selon la prépondérance des probabilités, que Northland a intentionnellement reproduit l’œuvre « Spirit of Our Land » et en a attribué la paternité à Anthony Randall. Je suis également convaincu, selon la prépondérance des probabilités, que des copies non autorisées de « Spirit of Our Land » ont été affichées dans une foire commerciale en 2015 et que l’œuvre a été offerte en vente sur le site Web de Northland.

[40]  Reproduire « Spirit of Our Land » sans l’autorisation de M. Collett constitue une violation de son droit d’auteur à l’égard de l’œuvre. Attribuer les reproductions à Anthony Randall violait le droit moral de M. Collett « d’en revendiquer, même sous pseudonyme, la création ».

[41]  Après avoir conclu qu’une violation des droits moraux a été établie pour cette œuvre aux termes de l’article 28.1 de la Loi, il n’est pas nécessaire que je tranche la question de savoir si la qualité inférieure des reproductions de Northland violait également le droit M. Collett à l’intégrité de l’œuvre comme il est envisagé à l’article 28.2.

3)  Les œuvres intitulées « Inspiration » et « Fall Along the Oxtongue »

[42]  M. Collett soutient qu’au début de décembre 2015, il a appris que les défenderesses participaient à des activités de contrefaçon à l’égard des œuvres « Inspiration » et « Fall Along the Oxtongue ». Plus précisément, il affirme que les défenderesses :

  1. ont fait et vendu des reproductions non autorisées par l’entremise de « Service Plus Rewards », un programme de reconnaissance des employés, administré par la Banque TD;

  2. ont fourni des reproductions non autorisées de « Fall Along the Oxtongue », qui étaient offertes par le site Web du programme de récompenses de Ticketmaster;

  3. ont autorisé les sites Web des programmes de récompense « Service Plus Rewards » et de Ticketmaster à reproduire les œuvres « Inspiration » et « FallAlongtheOxtongue » sur leur site Web, sans que M. Collett le sache ou qu’il en donne l’autorisation.

[43]  Selon le témoignage de M. Daniel Tamburi, il ne connaissait pas l’existence d’une relation d’affaires entre Northland, Service Plus Rewards ou Ticketmaster, et si une telle relation existait, elle a sans doute débuté alors que M. Bremner était propriétaire de Northland. M. Darling, qui a témoigné avoir travaillé pour Northland en 1989 et y être retourné en 2008 à titre de directeur d’entrepôt, de gestionnaire des comptes nationaux et, pour une brève période en 2013, de vice-président des opérations, a déclaré ignorer que Service Plus Rewards ou Ticketmaster étaient des clients de Northland. Il a affirmé que [traduction] « comme directeur d’entrepôt, je connais pas mal chaque client ».

[44]  Le site Web du programme de récompense Service Plus Rewards fait référence à Northland dans sa description de l’œuvre « Inspiration ». Cependant, cet élément de preuve à lui seul est insuffisant pour établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’il y a eu violation intentionnelle du droit d’auteur de M. Collett. Les éléments de preuve ne permettent également pas d’établir que les reproductions offertes sur les sites de récompense sont imprimées sur papier, format qu’a utilisé Northland, selon ce qu’allègue M. Collett, pour violer son droit d’auteur. De plus, les éléments de preuve ne permettent pas d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que Northland a autorisé les sites Web de récompense à reproduire son œuvre.

[45]  La violation du droit d’auteur et des droits moraux de M. Collett sur les œuvres « Inspiration » et « Fall Along the Oxtongue » n’a pas été établie selon la prépondérance des probabilités.

4)  L’œuvre intitulée « Algonquin »

[46]  M. Collett affirme qu’après avoir appris, au début de décembre 2015, que les œuvres « Inspiration » et « Fall Along the Oxtongue » étaient offertes sur des sites Web de programmes de récompenses, il a découvert que son œuvre « Algonquin » avait été reproduite sur le site Web de Northland et était offerte en vente. M. Daniel Tamburi affirme que l’affichage de l’œuvre sur le site Web en 2015 était une erreur et que l’œuvre a été retirée, même si [traduction« certaines de ses reproductions étaient encore en inventaire ».

[47]  L’affirmation de Daniel Tamburi selon laquelle il avait encore en inventaire des reproductions de Collett aussi tard qu’en décembre 2015 n’est qu’une simple assertion. Elle n’est pas étayée par la preuve et rien ne prouve que des reproductions de Collett demeuraient encore en inventaire plus de deux ans après la fin de la relation d’affaires entre Northland et M. Collett. Son témoignage selon lequel Northland possédait toujours des reproductions de l’œuvre de M. Collett en inventaire en décembre 2015 ne s’accordait pas avec le témoignage fourni lors de l’interrogatoire principal et en contre-interrogatoire, alors qu’il a affirmé qu’en décembre 2015, Northland n’avait pas vendu ni fait la promotion des œuvres d’Andrew Collett « depuis quelques années ».

[48]  Je suis convaincu que la preuve soutient la conclusion selon laquelle la reproduction de l’œuvre « Algonquin » sur le site Web de Northland constituait une violation du droit d’auteur de M. Collett à l’égard de l’œuvre. Toutefois, aucun élément de preuve n’indique qu’il y a eu des ventes réelles de « Algonquin ». Il n’y a également aucun élément de preuve portant sur la qualité des reproductions de son œuvre et, par conséquent, je ne suis pas convaincu qu’une violation des droits moraux de M. Collett sur cette œuvre a été établie.

5)  L’œuvre intitulée « Winter Blues », la « page d’accueil » et la « page Biographie » de son site Web

[49]  M. Collett affirme que les défenderesses ont reproduit l’intégralité de la page d’accueil et de la page Biographie de son site Web sur leur propre site Web, dans le but de donner la fausse impression que Northland continuait à le représenter et de promouvoir la vente des reproductions non autorisées de ses œuvres. Il affirme en outre qu’en faisant cela, les défenderesses ont reproduit « Winter Blues » sans son autorisation.

[50]  M. Daniel Tamburi a affirmé dans son témoignage que tout lien avec la page Web de M. Collett était accidentel et que le site Web de Northland avait été piraté.

[51]  Les éléments de preuve selon lesquels le site Web de M. Collett a été relié au site de Northland ne sont pas contestés, pas plus que ceux indiquant que le lien n’a pas été enlevé ou invalidé avant 2015. Le témoignage des frères Tamburi sur cette question était confus, vague et, à plusieurs égards, non crédible. Je suis convaincu, selon la prépondérance des probabilités, que Northland a continué de maintenir un hyperlien vers le site Web de M. Collett, en sachant qu’elle n’avait pas l’autorisation de le faire. Ce faisant, Northland a violé le droit d’auteur de M. Collett sur la page d’accueil de son site Web, qui comportait une reproduction de l’œuvre « Winter Blues », et sur la page Biographie. Les éléments de preuve n’établissent pas qu’il y a eu violation des droits moraux.

C.  Quelles mesures de redressement doivent être accordées?

[52]  Puisque j’ai conclu qu’il y a eu violation du droit d’auteur et des droits moraux de M. Collett à l’égard de l’œuvre « Spirit of Our Land », et violation de son droit d’auteur sur l’œuvre « Algonquin », sur la page d’accueil de son site Web, qui comportait une reproduction de l’œuvre « Winter Blues », et sur la page Biographie, je vais maintenant aborder la question des mesures de redressement envisageables.

[53]  M. Collett demande une déclaration portant que son droit d’auteur et ses droits moraux sur les œuvres ont été violés par les défenderesses. Un jugement déclaratoire confirmant que Northland a violé le droit d’auteur et les droits moraux de M. Collett à l’égard de « Spirit of Our Land », et a violé son droit d’auteur sur l’œuvre « Algonquin », sur la page d’accueil de son site Web, qui comporte une reproduction de « Winter Blues », et sur la page Biographie sera par conséquent rendu.

[54]  M. Collett demande également une injonction permanente contre les défenderesses. Même si je n’ai pas reconnu que NAC Canada était responsable de la contrefaçon en l’espèce, à la lumière des éléments de preuve selon lesquels les deux sociétés défenderesses forment « la même entreprise », j’estime qu’une injonction contre les deux défenderesses est justifiée. L’injonction provisoire octroyée par l’ordonnance de la juge McDonald en date du 6 décembre 2016 doit devenir permanente.

[55]  M. Collett demande également : 1) des dommages-intérêts préétablis prévus à l’article 38.1 de la Loi sur le droit d’auteur s’élevant à 20 000 $ pour chacune des œuvres contrefaites; 2) 60 000 $ pour l’atteinte à ses droits moraux; 3) des dommages-intérêts majorés, punitifs et exemplaires de 100 000 $; 4) les intérêts antérieurs et postérieurs au jugement au taux maximal admissible; 5) les dépens selon le barème le plus élevé.

1)  Dommages-intérêts préétablis

[56]  Le paragraphe 38.1(1) de la Loi sur le droit d’auteur prescrit ce qui suit :

Dommages-intérêts préétablis

38.1 (1) Sous réserve des autres dispositions du présent article, le titulaire du droit d’auteur, en sa qualité de demandeur, peut, avant le jugement ou l’ordonnance qui met fin au litige, choisir de recouvrer, au lieu des dommages-intérêts et des profits visés au paragraphe 35(1), les dommages-intérêts préétablis ci-après pour les violations reprochées en l’instance à un même défendeur ou à plusieurs défendeurs solidairement responsables :

a) dans le cas des violations commises à des fins commerciales, pour toutes les violations — relatives à une oeuvre donnée ou à un autre objet donné du droit d’auteur —, des dommages-intérêts dont le montant, d’au moins 500 $ et d’au plus 20 000 $, est déterminé selon ce que le tribunal estime équitable en l’occurrence;

[…]

Statutory damages

38.1 (1) Subject to this section, a copyright owner may elect, at any time before final judgment is rendered, to recover, instead of damages and profits referred to in subsection 35(1), an award of statutory damages for which any one infringer is liable individually, or for which any two or more infringers are liable jointly and severally,

(a) in a sum of not less than $500 and not more than $20,000 that the court considers just, with respect to all infringements involved in the proceedings for each work or other subject-matter, if the infringements are for commercial purposes; and

[…]

[57]  Dans ses observations écrites et orales, M. Collett a choisi des dommages-intérêts préétablis et demande le montant maximal à l’égard de la contrefaçon de chacune de ses œuvres.

[58]  Pour évaluer les dommages-intérêts préétablis, la Loi précise, au paragraphe 38.1(5), les facteurs à prendre en considération quand la violation est commise à des fins commerciales :

Facteurs

(5) Lorsqu’il rend une décision relativement aux paragraphes (1) à (4), le tribunal tient compte notamment des facteurs suivants :

a) la bonne ou mauvaise foi du défendeur;

b) le comportement des parties avant l’instance et au cours de celle-ci;

c) la nécessité de créer un effet dissuasif à l’égard de violations éventuelles du droit d’auteur en question;

Factors to consider

(5) In exercising its discretion under subsections (1) to (4), the court shall consider all relevant factors, including

(a) the good faith or bad faith of the defendant;

(b) the conduct of the parties before and during the proceedings;

(c) the need to deter other infringements of the copyright in question;

[59]  J’estime que les violations, en l’espèce, ont été commises à des fins commerciales. Cependant, rien au dossier n’indique que des profits, le cas échéant, ont été générés à la suite de l’activité de contrefaçon. Dans les circonstances, je dois en arriver à une appréciation raisonnable eu égard à l’ensemble des circonstances et ce, « dans le but de parvenir à une solution équitable » (Polsat c Radiopol Inc., 2006 CF 584, au paragraphe 37).

[60]  Les facteurs énoncés au paragraphe 38.1(5) de la Loi sont dans une certaine mesure tous aggravants en ce qui concerne Northland.

[61]  Premièrement, la mauvaise foi de Northland en ce qui concerne l’œuvre « Spirit of Our Land » était flagrante et délibérée. Elle est liée à la reproduction non autorisée de l’œuvre, à l’attribution intentionnelle de la paternité de l’œuvre à un autre artiste, et à la vente de 50 copies non autorisées de l’œuvre sur le même marché dont dépend M. Collett pour la poursuite de ses activités. La mauvaise foi en ce qui concerne les autres activités de contrefaçon n’était pas aussi flagrante que celle affichée à l’égard de l’œuvre « Spirit of Our Land », mais reflète le même comportement intentionnel et irrespectueux à l’égard des droits du titulaire du droit d’auteur.

[62]  Deuxièmement, durant l’instance, Northland n’a pas respecté les délais imposés par la Cour pour le dépôt des documents, et a omis de s’assurer du paiement, en temps opportun, des dépens adjugés par la juge McDonald.

[63]  Troisièmement, à la lumière des éléments de preuve qui démontrent la facilité apparente avec laquelle les violations du droit d’auteur de ce genre, peuvent s’effectuer – et se sont effectuées en l’espèce – grâce à la technologie moderne, il est manifeste et impérieux qu’il faille décourager les défenderesses de contrefaire de nouveau les œuvres de M. Collett.

[64]  Enfin, je souligne l’ordonnance rendue par le juge James Russell dans Lorenz v Northland Art Company Canada Inc et al, T-376-17 [Lorenz], où, dans des circonstances étonnamment semblables à celles en l’espèce, un jugement sommaire a été accordé; de plus, le juge Russell a déclaré [traduction] « il est inévitable de tirer la conclusion que les défenderesses savaient que ce qu’elles faisaient était mal, et qu’elles ont utilisé un faux nom pour éviter d’être repérées ».

[65]  Compte tenu de toutes ces circonstances et des facteurs exposés ci-dessus, j’accorde des dommages-intérêts préétablis de 20 000 $ pour la contrefaçon de l’œuvre « Spirit of Our Land ». J’accorde des dommages-intérêts préétablis de 10 000 $ pour la contrefaçon de l’œuvre « Algonquin », de 7 500 $ pour la contrefaçon de la page d’accueil du site Web, qui comportait une reproduction de « Winter Blues », et une somme additionnelle de 7 500 $ pour la contrefaçon de la page Biographie. Il est par conséquent ordonné à Northland de payer un total de 45 000 $ en dommages-intérêts préétablis aux termes de l’article 38.1 de la Loi sur le droit d’auteur.

[66]  Je reconnais que le paragraphe 38.1(5) exige que la Cour tienne compte des facteurs pertinents énoncés au moment d’exercer son pouvoir discrétionnaire d’accorder des dommages-intérêts préétablis. À cette fin, j’ai pris en considération, en plus des facteurs exposés ci-dessus, les facteurs de dénonciation et de châtiment. Toutefois, dans les présentes circonstances, j’ai le sentiment qu’il vaudrait mieux accorder des dommages-intérêts punitifs distincts, comme je l’explique ci-dessous.

2)  Dommages-intérêts moraux

[67]  Le comportement de Northland, qui a produit une quantité importante de versions de qualité inférieure de « Spirit of Our Land », a attribué l’œuvre à un autre artiste, puis a vendu ce produit de qualité inférieure sur le même marché que celui dans lequel M. Collett mène ses activités, constitue une violation de ses droits moraux sur cette œuvre.

[68]  Dans Lorenz, le juge Russell a accordé des dommages-intérêts de 10 000 $ pour la violation de droits moraux, dans des circonstances substantiellement similaires. Je conclus que M. Collett a droit à des dommages-intérêts de 10 000 $ pour la violation de ses droits moraux.

3)  Dommages-intérêts punitifs

[69]  Le choix fait par le titulaire du droit d’auteur de demander des dommages-intérêts préétablis n’a pas pour effet de supprimer le droit de celui-ci, le cas échéant, à des dommages-intérêts exemplaires ou punitifs (Loi sur le droit d’auteur, paragraphe 38.1(7)).

[70]  Des dommages-intérêts punitifs peuvent être accordés contre un défendeur quand la conduite répréhensible représente « un écart marqué par rapport aux normes ordinaires en matière de comportement acceptable »; ils ont pour objet de punir le défendeur (Whiten c Pilot Insurance Co., 2002 CSC 18, au paragraphe 36, [Whiten]).

[71]  Des dommages-intérêts punitifs ne devraient cependant être accordés que lorsque toutes les autres sanctions ont été prises en considération et « jugées insuffisantes pour réaliser les objectifs de châtiment, de dissuasion et de dénonciation » (Whiten, au paragraphe 123).

[72]  À mon avis, dans les présentes circonstances, il convient d’accorder des dommages-intérêts punitifs pour réaliser de manière appropriée les objectifs de châtiment et de dénonciation. Les facteurs dont il faut tenir compte au moment d’accorder des dommages-intérêts punitifs ont été résumés par le juge Boswell dans la décision Microsoft Corporation c Liu, 2016 CF 950 [Liu], au paragraphe 27 :

Les facteurs pertinents à considérer pour déterminer si des dommages-intérêts punitifs doivent être accordés ont été notés par la Cour dans la décision Yang, sous la plume du juge Snider :

[47]  [...] Selon le résumé qu’en a fait la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse dans 2703203 Manitoba Inc. c. Parks, 47 C.P.R. (4th) 276, au paragraphe 38, infirmé en partie par 57 C.P.R. (4th) 391 (C.A. de la N.-É.), les facteurs pertinents à prendre en compte sont les suivants :

  le fait que la conduite répréhensible ait été préméditée et délibérée;

  l’intention et la motivation du défendeur;

  le caractère prolongé de la conduite inacceptable du défendeur;

  le fait que le défendeur ait caché sa conduite répréhensible ou tenté de la cacher;

  le fait que le défendeur savait ou non que ses actes étaient fautifs;

  le fait que le défendeur ait ou non tiré profit de sa conduite répréhensible.

[73]  En l’espèce, l’activité de contrefaçon a été préméditée et délibérée. Elle était motivée par le profit. Elle ne s’est pas limitée à un seul incident ou à une seule occurrence. Northland savait très bien que cette activité portait atteinte aux droits de M. Collett, et elle a cherché à dissimuler l’activité en attribuant l’œuvre de M. Collett à un autre photographe. En bref, Northland et ses gestionnaires et agents ont démontré une parfaite indifférence à l’égard des intérêts légitimes de M. Collett à protéger son droit d’auteur.

[74]  Après avoir tenu compte de la nature de la conduite répréhensible, et après avoir conclu que le quantum des dommages-intérêts préétablis et moraux qui a été accordé est insuffisant pour réaliser de manière appropriée les objectifs de châtiment et de dénonciation qui sont justifiés en l’espèce, j’estime que l’adjudication de dommages-intérêts punitifs est appropriée.

[75]  M. Collett demande des dommages-intérêts punitifs de 100 000 $. Dans la décision Liu, le juge Boswell souligne, au paragraphe 28, qu’« [a]u cours des dernières années, la Cour a accordé contre des défendeurs individuels [...] des dommages-intérêts punitifs allant de 15 000 $ à 100 000 $ ». Bien que Northland soit une défenderesse constituée en société, je crois que les limites supérieure et inférieure de l’échelle exposée dans la décision Liu peuvent être utiles en l’espèce.

[76]  Le montant des dommages-intérêts que demande M. Collett correspond à la limite supérieure de l’échelle et est à mon avis excessif. Toutefois, compte tenu de la conduite de Northland, et dans un objectif de dénonciation et de châtiment, l’adjudication de dommages-intérêts substantiels est néanmoins justifiée. Je suis d’avis que des dommages-intérêts punitifs pour la violation des droits de 25 000 $ sont appropriés en l’espèce.

4)  Intérêts

[77]  M. Collett aura droit à des intérêts avant jugement et après jugement. Les intérêts avant jugement doivent commencer à courir à partir de mars 2015, soit la date à laquelle Mme Hrycyna, selon ce qu’établit son témoignage, a reçu l’instruction de produire des copies non autorisées de « Spirit of Our Land »; ils doivent également être calculés en tenant compte du fait que la cause d’action a eu lieu en Ontario conformément au paragraphe 36(1) de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F-7. Les intérêts après jugement doivent commencer à courir à partir de la date du présent jugement, et doivent également être calculés en tenant compte du fait que la cause d’action a eu lieu en Ontario conformément au paragraphe 37(1) de la Loi sur les Cours fédérales.

5)  Dépens

[78]  M. Collett a demandé des dépens [traduction] « selon le barème le plus élevé » et a déposé un projet de mémoire de frais fixant les frais réels, y compris les débours et la TVH, à 49 463,32 $. Le projet de mémoire de frais établit également les dépens selon la colonne V du tarif B, encore une fois y compris les débours et la TVH, soit à 18 003,32 $.

[79]  Même si la conduite de Northland dans la défense de la présente affaire a compliqué et rallongé l’instance, je ne suis pas en mesure de qualifier cette conduite de répréhensible, scandaleuse ou outrageante et, par conséquent, des dépens sur une base avocat-client ne sont pas justifiés (Liu, au paragraphe 40).

[80]  En l’espèce, une adjudication des dépens, fixés à 20 000 $, y compris les débours et les taxes, est appropriée.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER T-60-16

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

  1. La demande du demandeur est accueillie en partie.

  2. La défenderesse, Bremner Fine Art Incorporated, faisant affaire sous le nom de Northland Art Company a violé le droit d’auteur et les droits moraux de M. Collett à l’égard de l’œuvre « Spirit of Our Land » et a violé son droit d’auteur sur l’œuvre « Algonquin », sur la page d’accueil du site Web du demandeur, qui contient une reproduction de « Winter Blues », et sur sa page Biographie.

  3. Les défenderesses elles-mêmes et leurs agents, directeurs, représentants et employés, et toute autre personne agissant sous leur contrôle, sont empêchés, de façon permanente :

    1. de reproduire, sans le consentement explicite par écrit du demandeur, l’une ou l’autre des œuvres du demandeur, en tout ou en partie;

    2. de reproduire, sans le consentement explicite par écrit du demandeur, toute autre œuvre créée par le demandeur, en tout ou en partie, qu’elle existe ou non à l’heure actuelle;

    3. de vendre, de distribuer, d’exposer, et d’offrir en vente, sans le consentement explicite par écrit du demandeur, des copies des œuvres du demandeur;

    4. d’autoriser ou d’assister d’autres personnes, ou de leur donner des directives, à l’égard des œuvres du demandeur.

  4. La défenderesse, Bremner Fine Art Incorporated, faisant affaire sous le nom de Northland Art Company versera immédiatement au demandeur des dommages-intérêts préétablis de 45 000 $ en application de l’article 38.1 de la Loi sur le droit d’auteur, LRC 1985, c C-42.

  5. La défenderesse, Bremner Fine Art Incorporated, faisant affaire sous le nom de Northland Art Company versera immédiatement au demandeur la somme de 10 000 $ pour la violation des droits moraux du demandeur.

  6. La défenderesse, Bremner Fine Art Incorporated, faisant affaire sous le nom de Northland Art Company versera immédiatement au demandeur des dommages-intérêts punitifs de 25 000 $.

  7. La défenderesse, Bremner Fine Art Incorporated, faisant affaire sous le nom de Northland Art Company versera immédiatement au demandeur des dépens fixés à 20 000 $, y compris les débours et les taxes.

  8. La défenderesse, Bremner Fine Art Incorporated, faisant affaire sous le nom de Northland Art Company versera immédiatement au demandeur des intérêts avant jugement calculés conformément au paragraphe 36(1) de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F-7, et à la loi applicable en Ontario.

  9. La défenderesse, Bremner Fine Art Incorporated, faisant affaire sous le nom de Northland Art Company versera immédiatement au demandeur des intérêts après jugement, calculés conformément au paragraphe 37(1) de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F-7, et à la loi applicable en Ontario.

« Patrick Gleeson »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 26e jour de février 2020

Lionbridge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-60-16

 

INTITULÉ :

ANDREW COLLETT c NORTHLAND ART COMPANY INC. ET BREMNER FINE ART INCORPORATED

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 6 novembre 2017

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE GLEESON

 

DATE DES MOTIFS :

Le 7 mars 2018

 

COMPARUTIONS :

John Simpson

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Robert Grad

 

POUR LES DÉFENDERESSES

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Shift Law

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Grad Law Professional Corporation

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DÉFENDERESSES

 

 

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