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Date : 20180409


Dossier : IMM-3887-17

Référence : 2018 CF 360

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 9 avril 2018

En présence de monsieur le juge Annis

ENTRE :

MAHMOOD SAED FAEQ AL-ABAYECHI

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Introduction

[1]  Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire, présentée en application du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (LIPR), d’une décision (la décision) de la Section d’appel des réfugiés, datée du 18 août 2017, par laquelle a été rejeté l’appel d’une décision de la Section de la protection des réfugiés qui a conclu que le demandeur n’avait ni la qualité de réfugié au sens de la Convention ni celle de personne à protéger.

[2]  La demande est rejetée pour les motifs qui suivent.

II.  Résumé des faits

[3]  Le demandeur est un citoyen de l’Iraq. Il est arrivé au Canada le 1er novembre 2015, après avoir fui l’Iraq en raison d’une crainte alléguée de persécution, d’enlèvement, de torture et de mort en raison de sa religion (musulman sunnite modéré), de son ancienne occupation à l’aéroport international de Bagdad, et de ses opinions politiques réelles et perçues à la suite de ses tentatives de dénoncer la corruption au travail et de partager ses convictions politiques alors qu’il était au travail.

[4]  Une fois au Canada, le demandeur a préparé une demande d’asile avec un consultant en immigration qui a demandé au demandeur de rédiger ce qui lui est arrivé en arabe à son domicile et de recueillir tous les documents qu’il pouvait rassembler pour étayer son argumentaire.

[5]  Le demandeur a présenté sa demande d’asile le 15 décembre 2015. Son audience devant la Section de la protection des réfugiés a eu lieu le 5 décembre 2016.

[6]  Le 19 décembre 2016, la demande d’asile du demandeur a été rejetée en raison d’un manque de crédibilité et du fait que son profil ne correspondait pas à celui d’une personne exposée à un risque dans sa situation.

[7]  Le 6 février 2017, le demandeur a interjeté appel auprès de la Section d’appel des réfugiés. Le 18 août 2017, la Section d’appel des réfugiés a rejeté l’appel du demandeur de la décision défavorable de la Section de la protection des réfugiés et a conclu que le demandeur n’était ni un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger.

III.  Décision contestée

[8]  La Section d’appel des réfugiés a conclu que les observations du demandeur concernant l’article 97 faisaient référence aux documents portant sur la situation dans le pays, documents qui sont liés à un motif reconnu dans la Convention, ce que la Section de la protection des réfugiés a évalué dans le cadre de son analyse en application de l’article 96. La Section d’appel des réfugiés a également conclu qu’aucune demande au titre de l’article 97 n’a été formulée, étant donné que les craintes du demandeur étaient directement liées à son profil, un motif reconnu dans la Convention. Le demandeur invoque le risque auquel il est exposé en tant qu’ingénieur, mais n’a produit aucun document sur la situation dans le pays faisant référence à ce profil de risque en Iraq. La Section d’appel des réfugiés a donc conclu que la Section de la protection des réfugiés n’a pas commis d’erreur, étant donné que le demandeur n’a pas soulevé d’arguments concernant la criminalité ou la violence généralisée ou un motif de crainte sans lien avec un motif prévu à la Convention.

[9]  Après avoir mené sa propre analyse de l’ensemble du dossier, la Section d’appel des réfugiés a conclu que le demandeur n’a pas établi que son ancien consultant était incompétent et que cela avait donné lieu à un manquement au principe de justice naturelle. En outre, la Section d’appel des réfugiés a conclu que, bien que la Section de la protection des réfugiés ait fait erreur dans certaines de ses conclusions relatives à la crédibilité, d’autres préoccupations concernant la crédibilité mentionnées par la Section d’appel des réfugiés appuyaient la décision finale de la Section de la protection des réfugiés selon laquelle le demandeur n’a ni la qualité de réfugié au sens de la Convention ni celle de personne à protéger.

IV.  Les questions en litige

[10]  La présente demande soulève les questions suivantes :

  1. La Section d’appel des réfugiés a-t-elle commis une erreur dans son analyse relative à l’article 97?

  2. La Section d’appel des réfugiés a-t-elle commis une erreur dans sa conclusion selon laquelle les interventions et les omissions du consultant ne constituaient pas une erreur judiciaire?

  3. La Section d’appel des réfugiés a-t-elle commis une erreur dans son analyse relative à la crédibilité?

  4. La Section d’appel des réfugiés a-t-elle commis une erreur en n’accordant pas d’audience de vive voix à la lumière de ses conclusions concernant la crédibilité et l’admission de nouveaux documents?

V.  Norme de contrôle

[11]  La norme de la décision raisonnable est celle que la Cour fédérale devrait généralement appliquer lors du contrôle judiciaire d’une décision de la Section d’appel des réfugiés : Canada (Citoyenneté et Immigration) c Singh, 2016 CAF 96, au paragraphe 74. Quant à la question de savoir si un demandeur d’asile est exposé à un risque généralisé de violence au sens de l’article 97, la norme de contrôle est celle de la décision raisonnable : De Jesus Aleman Aguilar c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 809, au paragraphe 20; Portillo c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 678, au paragraphe 18. Cette norme de contrôle s’applique également au contrôle judiciaire de la décision de ne pas tenir une audience de vive voix, car elle touche à l’interprétation par la Section d’appel des réfugiés de sa loi constitutive (Balde c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 624, au paragraphe 21).

[12]  La norme de la décision correcte s’applique aux allégations du demandeur selon lesquelles son ancien consultant était incompétent, étant donné que cette question « porte sur le droit du demandeur de présenter l’intégralité de sa cause, ce qui est une question d’équité procédurale » : Galyas c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 250, au paragraphe 27. Cependant, « l’incompétence est appréciée selon la norme du caractère raisonnable », R. c G.D.B., 2000 CSC 22, au paragraphe 27 [G.D.B.].

VI.  Analyse

A.  Analyse relative à l’article 97

[13]  Le demandeur soutient que la Section de la protection des réfugiés a commis une erreur dans son analyse relative à l’article 97 en s’appuyant sur ses conclusions quant à la crédibilité au sens de l’article 96 et sur des considérations sans pertinence. Le demandeur soutient également que la Section d’appel des réfugiés a commis une erreur dans sa propre analyse en imposant un critère plus rigoureux que requis. Bien que la Cour ne soit saisie que de la décision de la Section d’appel des réfugiés, elle n’est pas d’accord avec les observations du demandeur dans les deux instances.

[14]  En ce qui concerne la décision de la Section de la protection des réfugiés, le demandeur soutient que l’analyse relative à l’article 97 est indépendante d’une analyse relative à l’article 96, de sorte qu’une demande qui ne répond pas aux critères contraignants de l’analyse de l’article 96 peut tout de même être accueillie en application de l’article 97. Le demandeur cite la décision Paramananthalingam c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 236 [Paramananthalingam] à l’appui de cette observation. Le demandeur soutient que la Section de la protection des réfugiés a commis une erreur en s’appuyant sur ses conclusions relatives à la crédibilité en application de l’article 96 pour rejeter la demande en application de l’article 97. À cet égard, il qualifie la décision de la Section de la protection des réfugiés comme corroborant la proposition selon laquelle un lien avec un motif reconnu à la Convention annule une demande en application de l’article 97.

[15]  La Cour conclut que le demandeur a mal interprété la décision de la Section de la protection des réfugiés et n’a pas reconnu le fardeau lui incombant de fournir un élément de preuve probant à l’appui d’une allégation de risque au sens de l’article 97. Après que la Section de la protection des réfugiés eut conclu que le demandeur manquait de crédibilité, bien que ce ne soit pas requis pour une analyse au sens de l’article 96, elle a examiné les documents sur la situation dans le pays, dont le demandeur conteste également le choix. La Cour rejette également cet argument puisque le choix des éléments de preuve relevait raisonnablement du pouvoir discrétionnaire de la Section de la protection des réfugiés. Citant un rapport récent du Home Office du Royaume-Uni, la Section de la protection des réfugiés a conclu que les sunnites ne sont pas exposés à un véritable risque de persécution ou de préjudice de la part de l’État. Toutefois, des agents non gouvernementaux, en particulier les militants chiites, agissent avec impunité contre les sunnites. La Section de la protection des réfugiés a relevé que le rapport indiquait que le risque devait néanmoins être établi au cas par cas, ce qui [traduction« dépend du profil personnel, des liens familiaux, de la profession et de l’origine ».

[16]  La Section de la protection des réfugiés a ensuite examiné le profil du demandeur; son emploi, son éducation, ses voyages fréquents à l’étranger, l’endroit où il travaillait, sa capacité à se déplacer au travail et à passer des postes de contrôle, et a également tenu compte du fait que toute sa famille résidait à Bagdad. La Section de la protection des réfugiés a conclu qu’aucun de ces facteurs ne représentait une préoccupation de risque pour le demandeur. Ces faits, à la lumière des conclusions défavorables quant à la crédibilité des allégations de risque personnalisé, ont amené la Section de la protection des réfugiés à conclure que le demandeur n’était pas exposé à une possibilité sérieuse de persécution en Iraq. S’appuyant sur le même élément de preuve, la Section de la protection des réfugiés a conclu que la demande ne satisfaisait pas non plus aux exigences de l’article 97. La Section de la protection des réfugiés a effectué une analyse de la crainte subjective aussi bien qu’objective de la demande présentée au titre de l’article 96, mais il incombait au demandeur d’étoffer le dossier d’éléments de preuve documentaire indépendants et crédibles justifiant l’accueil d’une demande au titre de l’article 97. C’est au demandeur qu’il incombe de démontrer que cette preuve existe : Voir Canada (Citoyenneté et Immigration) c Sellan, 2008 CAF 381, aux paragraphes 3 et 4 [Sellan].

[17]  Dans le même ordre d’idées, la Cour comprend que l’article 97 vise à offrir une protection à des personnes qui sont exposées à un risque, mais qui ne peuvent démontrer aucun lien à un facteur de discrimination équivalant à de la persécution au sens de l’article 96. Le fait d’être visé par des membres de la famille, les enlèvements et d’autres situations de violence réelle ou de menaces de violence qui ne sont pas liées à une catégorie de persécution prescrite constituent des situations contre lesquelles l’esprit de l’article 97 visait à protéger.

[18]  En outre, en tout respect, la Cour ne souscrit pas à l’argument voulant que satisfaire aux exigences de l’article 96 qui consiste à prouver une crainte subjective et une crainte objective de persécution soit [traduction] « très difficile », en comparaison des exigences de l’article 97. La Cour invoque en l’espèce la décision Paramananthalingam, au paragraphe 16, comme l’a invoqué le demandeur. La Cour est d’avis que le défi de prouver le risque dans les deux situations a un effet contraire, dans la mesure où le demandeur doit prouver à la fois le risque personnel auquel il est exposé, appuyé par des documents sur la situation dans le pays, et le critère juridique d’une probabilité d’obtenir gain de cause dans une demande au titre de l’article 97. Démontrer une possibilité sérieuse de crainte fondée est moins exigeant qu’établir une probabilité de risque. C’est ce qu’enseigne l’arrêt Li c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CAF 1, où le demandeur a soutenu, sans obtenir gain de cause, que le même critère juridique devait être appliqué aussi bien à une analyse en application de l’article 97 qu’à une analyse au titre de l’article 96.

[19]  En suivant cette jurisprudence, la Section d’appel des réfugiés a souligné que la preuve de la situation dans le pays produite par le demandeur était liée à un motif prévu à la Convention, mais a en outre fait précisément référence à la preuve qu’il serait possible d’établir au sens de l’article 97, soit le risque auquel il est exposé en tant qu’ingénieur. La Section d’appel des réfugiés a rejeté cette affirmation, indiquant qu’aucun document sur la situation dans le pays n’étayait ce profil de risque. Elle a également souligné que le demandeur n’avait pas invoqué d’arguments concernant la criminalité ou la violence généralisée ni une crainte qui ne soit pas fondée sur un motif prévu à la Convention et que, par conséquent, la Section de la protection des réfugiés n’avait pas commis d’erreur. La Cour n’a aucun motif de blâmer la Section de la protection des réfugiés ou la Section d’appel des réfugiés pour l’analyse qu’elles ont faite.

[20]  La Cour conclut également que le demandeur a mal interprété la décision Paramananthalingam, qui a explicitement fait référence à la décision Sellan et à l’exigence à laquelle doit se soumettre le demandeur de présenter des éléments de preuve documentaire indépendants établissant un risque prévu à l’article 97. Dans la décision Paramananthalingam, la Cour a souligné le risque généralisé lié à la torture qui était « endémique au Sri Lanka et […] pratiquée dans tous les postes de police et établissements de détention » : Paramananthalingam, précité, au paragraphe 20. Bien que ce ne soit pas pertinent étant donné les conclusions de la Section d’appel des réfugiés, la Cour, dans la décision Paramananthalingam, a également cité la décision Ismaili c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 84, au paragraphe 64, qui expose des circonstances où une analyse indépendante en fonction des dispositions de l’article 97 n’était pas nécessaire à la suite d’une analyse approfondie de la crédibilité, comme suit :

[64]  Le défendeur soutient que la Commission n’était pas tenue de faire une analyse distincte relativement à l’article 97, étant donné que selon les conclusions très claires qu’elle a tirées, le récit du demandeur était faux. Bien que la jurisprudence ait décidé qu’il pouvait y avoir des circonstances dans lesquelles il convient de faire une analyse distincte relativement à l’article 97 (Kilic c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 84, au paragraphe 29; Sanchez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CAF 99, au paragraphe 15), il n’est pas nécessaire de faire cette analyse lorsqu’il a été conclu que le demandeur n’était pas crédible (Plancher c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 1283, aux paragraphes 16 et 17 (Plancher)). En l’espèce, il est clair que la Commission n’a pas cru que le demandeur entretenait une relation homosexuelle et elle a conclu qu’il avait inventé son récit pour étayer une demande d’asile non justifiée. Après avoir purement et simplement rejeté le récit du demandeur, il ne restait aucun fondement sur lequel une allégation de risque pouvait reposer.

B.  Les actes et les omissions de l’ancien conseil du demandeur équivalant à une erreur judiciaire

[21]  Le demandeur soutient que la Section d’appel des réfugiés a commis une erreur dans ses conclusions voulant que les actes et omissions de l’ancien consultant n’équivaillent pas à une erreur judiciaire, en raison de son incompétence et de ses omissions, comme il est précisé dans des allégations sur la question.

[22]  Il n’est pas contesté que la Section d’appel des réfugiés a appliqué de façon erronée le critère à trois volets applicable à cette question non plus qu’elle a présenté un degré élevé d’exigence en termes de circonstances et de critères de preuve devant être respectés avant de tirer une conclusion de négligence du consultant. « Le point de départ de l’analyse est la forte présomption que la conduite de l’avocat se situe à l’intérieur du large éventail de l’assistance professionnelle » (G.D.B., précité, au paragraphe 27). De même, le juge Marshall Rothstein a déclaré qu’une nouvelle audience ne devrait être accordée que dans les cas les plus exceptionnels : Huynh c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] ACF no 642 (TD) (QL).

[23]  Les demandeurs sont liés par leur choix du conseil. Si le demandeur choisit d’engager un consultant en immigration plutôt qu’un avocat spécialisé en immigration, il doit en assumer les conséquences. S’il a décidé d’avoir recours à un consultant, le client ne peut exiger de mesurer sa compétence selon les normes applicables à celle d’un avocat. Cela ne veut pas dire qu’aucune norme semblable à celles régissant la profession d’avocat n’est imposée à un consultant en immigration (Brown c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1305.

[24]  En ce qui concerne les allégations de négligence, il convient d’emblée de déterminer la norme de conduite appropriée d’un consultant en immigration en ce qui a trait à de l’incompétence. « La sagesse rétrospective n’a pas sa place dans cette appréciation » : G.D.B., précité, au paragraphe 27. Cela est habituellement établi par une preuve d’expert. Étant donné qu’aucune preuve d’expert n’a été produite en l’espèce, l’incompétence alléguée doit être manifeste. Le demandeur doit en outre démontrer qu’il existe une probabilité raisonnable que l’issue de l’audience initiale eût été différente; autrement, la demande doit être rejetée (Yang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 1189, au paragraphe 21.

[25]  Le demandeur a respecté l’exigence de porter plainte auprès de l’ordre professionnel du consultant. Son consultant n’a pas répondu. Toutefois, la Section d’appel des réfugiés a conclu que la conduite du consultant se situe à l’intérieur du large éventail de l’assistance professionnelle raisonnable, citant le paragraphe 27 de l’arrêt G.D.B..

[26]  En ce qui concerne les conclusions de la Section d’appel des réfugiés, la Cour conclut que la Section d’appel des réfugiés peut s’appuyer sur la déclaration signée par le demandeur dans son formulaire Fondement de la demande d’asile (FDA) selon laquelle les renseignements sont « complets, vrais et exacts », aussi bien que sur la déclaration de l’interprète selon laquelle le contenu intégral du formulaire FDA et tous les documents joints à celui-ci ont été interprétés fidèlement au demandeur.

[27]  De même, en ce qui a trait au formulaire FDA, la Section d’appel des réfugiés peut s’appuyer sur la déclaration solennelle du demandeur devant la Section de la protection des réfugiés selon laquelle son formulaire FDA était complet, vrai et exact. Le demandeur n’a pas non plus convaincu la Cour que la conclusion de la Section d’appel des réfugiés selon laquelle le formulaire FDA était rempli n’était pas exacte, ou que son ancien consultant ne l’avait pas conseillé d’une manière adéquate lors de la préparation du formulaire lorsqu’il lui a interprété. Il convient de souligner que le demandeur est instruit, comprend un peu l’anglais et que son consultant parlait la langue du demandeur. De même, en ce qui concerne l’omission de faire référence à l’État islamique (EIIS) en tant qu’agent de persécution, l’affidavit du demandeur reconnaît que son ancien consultant lui avait conseillé de l’inscrire sur son formulaire FDA, cependant, il a omis d’indiquer que l’État islamique était l’un des agents de persécution allégués. Quoi qu’il en soit, il a donné une explication satisfaisante de cette omission.

[28]  Il ne semble y avoir eu aucune incompétence de la part du consultant du demandeur du fait qu’il a prétendument omis de conseiller au demandeur de fournir une liste détaillée de documents lorsqu’il lui a conseillé de rassembler tous les documents qu’il pouvait pour étayer sa demande. La Section de la protection des réfugiés disposait également de documents étayant la demande d’asile du demandeur. Des documents du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR) sur la situation dans le pays et d’autres documents pertinents émanant d’un ancien collègue à l’aéroport qui, selon le demandeur, était dans une situation semblable à la sienne.

[29]  La Cour conclut en outre au caractère ingénu des allégations du demandeur sur l’incompétence de son consultant qui ne lui aurait pas conseillé de produire des documents démontrant que ses parents et ses frères et sœurs ont fui l’Iraq pour se rendre en Turquie et en Jordanie. Cela aurait constitué une fausse déclaration grave, étant donné que les membres de sa famille n’ont jamais fui l’Iraq. En résumé, la Cour conclut qu’il n’y a aucune erreur dans la conclusion de la Section d’appel des réfugiés selon laquelle le demandeur a omis d’établir que la conduite de son ancien conseiller ne s’inscrivait pas dans le large éventail de l’assistance professionnelle raisonnable.

C.  Analyse de la crédibilité

[30]  Le demandeur soutient que la Section d’appel des réfugiés a conclu que la Section de la protection des réfugiés a fait erreur dans trois de ses conclusions relatives à la crédibilité, mais a ensuite commis une erreur dans sa propre analyse concernant la crédibilité en ayant mal compris ou mal présenté les éléments de preuve, en s’appuyant sur des incohérences qui n’étaient pas appuyées par la preuve, en faisant fi des éléments de preuve et en leur accordant peu de poids et en faisant fi des explications raisonnables tout en tirant des conclusions concernant la vraisemblance fondées sur une analyse microscopique et des incohérences inexistantes. La Cour est en désaccord avec cette affirmation.

[31]  La Section d’appel des réfugiés a examiné en détail les différentes observations du demandeur contestant les conclusions de la Section de la protection des réfugiés quant à la crédibilité. Pour certaines, la Section d’appel des réfugiés était du même avis que le demandeur, comme le reproche concernant l’omission de l’EIIS dans son formulaire FDA, ainsi que du fait que son quartier était visé, et comme la réponse donnée à une question de la Section de la protection des réfugiés qui n’était pas suffisamment précise concernant un vol et une agression aléatoires. Sinon, la Section d’appel des réfugiés a confirmé le reste des nombreuses conclusions défavorables de la Section de la protection des réfugiés quant à la crédibilité du demandeur.

[32]  Ces conclusions comprenaient des éléments comme le fait de ne pas mentionner avoir été visé une ou deux fois par semaine parce que le quartier était sunnite; le fait de ne pas mentionner qu’il a reçu un appel d’une personne non identifiée qui souhaitait avoir accès à l’aéroport à des fins de terrorisme; sa décision de ne pas faire part de l’appel à son superviseur parce que ce dernier était chiite, ce qui n’est pas crédible en soi étant donné que cela sous-entend que son superviseur accepterait un acte terroriste; le fait que la description de l’appel était trop vague pour être fiable, en particulier en ne mentionnant que le fait que c’était à des fins répréhensibles, et cela seulement après que le commissaire de la Section de la protection des réfugiés l’eut interrogé à ce sujet; le fait de ne pas mentionner un collègue important dans son formulaire FDA bien qu’il soit prétendument dans la même situation et qu’il ait quitté le travail pour ce motif et la conclusion invraisemblable qu’il aurait pu oublier ce collègue alors qu’il a mentionné d’autres employés qui travaillaient avec lui; et le fait d’alléguer une incompétence importante de son ancien consultant pour ne pas avoir obtenu des lettres de sa famille pour établir qu’ils ont fui l’Iraq pour la Turquie et la Jordanie, alors que la Section de la protection des réfugiés a conclu, selon la prépondérance des probabilités, que la famille n’a pas fui l’Iraq.

[33]  La Cour conclut qu’il n’y a aucun motif d’alléguer que la Section d’appel des réfugiés a commis une erreur en ayant mal compris ou mal représenté les éléments de preuve dont elle était saisie, ou en se livrant à une analyse pointilleuse pour confirmer ces conclusions de la Section de la protection des réfugiés. En effet, le demandeur entreprend une forme d’examen pointilleux des éléments de preuve, demandant effectivement à la Cour de les apprécier à nouveau.

[34]  La Section d’appel des réfugiés n’a pas commis une erreur non plus en accordant peu de poids aux éléments de preuve que renfermaient les lettres produites devant la Section d’appel des réfugiés, lettres qui n’étaient pas assermentées. Plus précisément, pour une déclaration extrajudiciaire qui aurait pu être rédigée par n’importe qui, l’authentification du document comme étant le témoignage sous serment de la personne identifiée comme son auteur est une condition préalable d’admissibilité, et certainement un motif suffisant pour accorder moins de poids à ce document. Il n’est cependant pas évident que l’admission de la déclaration de l’ami aurait eu une incidence sur les conclusions relatives à la crédibilité, étant donné que la conclusion défavorable touchant la crédibilité s’appuyait sur de nombreux facteurs. Le fait que l’auteur de la déclaration en question était la même personne [traduction] « dans une situation semblable » que le demandeur a omis de mentionner dans son formulaire FDA dès le départ, est un autre facteur qui a une incidence négative sur le poids de la déclaration.

[35]  Le demandeur soutient également que la Section d’appel des réfugiés a commis une erreur dans ses conclusions concernant la crédibilité s’appuyant sur son propre examen de la transcription et, ce faisant, a violé les principes de justice naturelle en ne lui donnant pas une possibilité de répondre. La Cour n’est pas de cet avis. L’exigence de tirer ses propres conclusions à partir de la preuve, qui peut être tirée d’une transcription de l’instance, est implicite dans la compétence de la Section d’appel des réfugiés de réexaminer la crédibilité. En effet, il se produit souvent que les décideurs, en examinant les questions et réponses d’une transcription, relèvent des incohérences manifestes qui défient une explication logique. La Cour ne conclut pas que l’une des conclusions accessoires tirées dans ce seul paragraphe par la Section d’appel des réfugiés était du type de celles qui ne pouvaient être tirées de la transcription sans devoir donner au demandeur la possibilité d’y répondre.

[36]  La Cour rejette l’argument du demandeur selon lequel la Section de la protection des réfugiés et la Section d’appel des réfugiés ont tiré des conclusions erronées sur son manque de crédibilité lors de son témoignage.

D.  Audience

[37]  Bien que le demandeur n’ait pas expressément demandé la tenue d’une audience, la Section d’appel des réfugiés s’est néanmoins penchée sur la question de savoir si la tenue d’une audience était appropriée. Elle s’est instruite de façon adéquate qu’elle pourrait devoir tenir une audience si de nouveaux éléments de preuve soulevaient une question sérieuse concernant la crédibilité, la crédibilité se situant au cœur de la décision relative à la demande d’asile, et qui, si acceptée, justifiait l’accueil ou le rejet de la demande d’asile.

[38]  Le demandeur soutient que les omissions de son ancien consultant de souligner l’importance des documents, alors que les conclusions concernant la crédibilité étaient en grande partie fondées sur les omissions ou l’insuffisance de la preuve et alors que la Section d’appel des réfugiés a accepté ces nouveaux documents, auraient dû constituer un motif pour la tenue d’une audience. Étant donné que la Section d’appel des réfugiés a rejeté la prétention que l’ancien consultant du demandeur était incompétent, tout en concluant que les nouveaux documents avaient peu de poids, et qu’elle a conclu, aux termes de sa propre analyse, que le demandeur n’était pas crédible, il n’y a aucun fondement pour soutenir l’argument qu’une audience aurait dû être accordée.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-3887-17

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Aucune question n’a été proposée à des fins de certification, et aucune question n’est certifiée.

  3. L’intitulé de la cause est modifié afin d’y indiquer le bon défendeur, le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration.

« Peter Annis »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 8e jour de novembre 2019

Lionbridge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :

IMM-3887-17

 

INTITULÉ :

MAHMOOD SAED FAEQ AL-ABAYECHI c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 6 mars 2018

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE ANNIS

 

DATE DES MOTIFS :

Le 9 avril 2018

 

COMPARUTIONS :

Aleksandr Radin

POUR LE DEMANDEUR

 

Alex Kam

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Radin Law LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

POUR LE DEMANDEUR

 

Procureur général du Canada

 

Pour le défendeur

 

 

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