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Date : 20180529


Dossier : IMM-4552-17

Référence : 2018 CF 554

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 29 mai 2018

En présence de madame la juge Roussel

ENTRE :

YINTAO WU

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  La demanderesse, Mme Yintao Wu est une citoyenne de la République populaire de Chine. En mai 2015, elle a présenté une demande de résidence permanente au Canada en tant que membre de la catégorie des travailleurs autonomes. La demanderesse a reçu l’aide d’un consultant en immigration agréé (consultant) basé au Québec (Canada).

[2]  Le 25 juillet 2017, un agent d’immigration du consulat général à Hong Kong (agent) a envoyé une lettre demandant que la demanderesse et son époux se présentent à une entrevue le 21 août 2017. La lettre a été envoyée à l’adresse courriel fournie par la demanderesse dans son formulaire « Recours aux services d’un représentant » et dans sa demande de résidence permanente.

[3]  Le 29 août 2017, l’agent a rejeté la demande de résidence permanente. L’agent a indiqué que puisque la demanderesse ne s’était pas présentée à l’entrevue prévue, sa demande avait été évaluée en fonction des éléments disponibles au dossier. L’agent a conclu que la demanderesse n’avait pas droit à un visa de résident permanent en tant que membre de la catégorie des travailleurs autonomes. La décision de l’agent a été communiquée au consultant de la demanderesse au moyen de la même adresse courriel que celle utilisée pour demander l’entrevue.

[4]  Le 4 septembre 2017, le consultant de la demanderesse a envoyé un courriel au bureau des visas à Hong Kong avisant que la lettre demandant une entrevue n’avait jamais été reçue. Il a également demandé que le dossier de la demanderesse soit rouvert pour qu’on lui accorde une nouvelle occasion de se présenter à une entrevue. Deux (2) jours plus tard, l’agent des visas à Hong Kong accusait réception de la requête de réexamen de la demanderesse et indiquait que si l’agent délégué décidait de rouvrir le dossier, les renseignements concernant les étapes suivantes seraient communiqués à la demanderesse et à son consultant. La demanderesse et son consultant n’ont pas reçu d’autre communication de la part du bureau des visas.

[5]  La demanderesse sollicite le contrôle judiciaire de la décision datée du 29 août 2017 refusant sa demande de résidence permanente à titre de membre de la catégorie des travailleurs autonomes. La demanderesse soutient que, selon les principes d’équité procédurale, il ne fallait pas refuser sa demande, car elle n’avait jamais reçu le courriel du 25 juillet 2017 lui demandant de se présenter à l’entrevue.

[6]  La question déterminante en l’espèce est de savoir si la demanderesse ou le défendeur doivent assumer les conséquences de la communication soi-disant fautive.

[7]  La jurisprudence en ce qui a trait aux communications fautives exige que le défendeur établisse d’abord, selon la prépondérance des probabilités, que la communication (courriel ou autre) ait été envoyée correctement à la demanderesse. Une fois que cela est établi, il existe une présomption selon laquelle la communication a été reçue par la demanderesse. Toutefois, la demanderesse peut renverser cette présomption en démontrant avec des éléments de preuve crédibles que la communication n’a pas été reçue (Fakeh c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 547, au paragraphe 10; Chandrakantbhai Patel c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 900, aux paragraphes 33, 40 et 42 [Chandrakantbhai Patel]; Patel c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 856,  au paragraphe 16; Ghaloghlyan c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1252, au paragraphe 8 [Ghaloghlyan]; Zare c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 1024, au paragraphe 37; Zhang c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 75, au paragraphe 14; Kaur c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 935, au paragraphe 12; Yang c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CF 124, au paragraphe 14).

[8]  Après avoir examiné le dossier, je suis convaincue que le défendeur a démontré, selon la prépondérance des probabilités, que le courriel sollicitant une entrevue a dûment été envoyé à la demanderesse.

[9]  Une copie de la communication par courriel est versée au Dossier certifié du tribunal (DCT), à la page 16, et la demande d’entrevue est comprise dans le corps du courriel. Le courriel démontre clairement qu’il a été envoyé à l’adresse courriel du consultant le 25 juillet 2017, laquelle avait été fournie par la demanderesse dans sa demande de résidence permanente et sur son formulaire « Recours aux services d’un représentant ». Ce dernier formulaire autorise expressément Citoyenneté et Immigration Canada à transmettre l’information à l’adresse courriel fournie.

[10]  Par ailleurs, les notes du Système mondial de gestion des cas (SMGC) relatives au dossier de la demanderesse indiquent que la lettre de convocation d’entrevue a été envoyée à la demanderesse le 25 juillet 2017. Elles comprennent aussi une entrée de l’agent qui a examiné le dossier le 25 août 2017, confirmant que l’adresse courriel figurant au SMGC était identique à l’adresse déclarée sur le formulaire « Recours aux services d’un représentant ». Enfin, il y a aussi une autre entrée au SMGC faite par l’agent examinant la demande de réexamen de la demanderesse le 14 septembre 2017, lequel écrit ce qui suit :

[traduction] Nos systèmes de courriels montrent qu’un courriel a été envoyé le 25 juillet 2017 à 13 h 05, heure locale à [adresse courriel du consultant] l’informant de l’entrevue. Il n’y avait pas de message de retour ou de message non distribuable. Il s’agit de la même adresse à partir de laquelle nous avons reçu la demande courante de réexamen et il y a dans l’adresse etc. D’après mon examen, aucune erreur de droit ou de fait n’a été commise. La demanderesse a été informée de l’entrevue aux coordonnées valables au dossier et elle ne s’est pas présentée.

Aucune réponse requise, car la réponse standard de reconnaissance a déjà été envoyée.

[11]  Même s’il eut été utile que le défendeur produise un affidavit de la part de l’agent qui a envoyé la communication par courriel le 25 juillet 2017, et d’inclure une copie de la boîte d’éléments envoyés de son ordinateur comme l’a recommandé le juge Douglas R. Campbell dans la décision Ghaloghlyan, cette omission n’est pas déterminante. Dans la même décision, le juge Campbell reconnaît que d’autres types d’éléments de preuve peuvent être suffisants pour prouver qu’une communication a été envoyée (Ghaloghlyan, au paragraphe 10).

[12]  En l’espèce, le défendeur a produit un affidavit d’un parajuriste du ministère de la Justice, joignant une copie des notes du SMGC relatives à la demanderesse. Les notes du SMGC sont également versées au DCT. Outre l’entrée initiale indiquant que le courriel avait été envoyé, deux (2) autres agents confirment que la communication par courriel avait dûment été envoyée et qu’il n’y avait pas de message de retour indiquant qu’il n’était pas distribuable. L’exactitude de ces notations dans le SMGC n’a pas été contestée et une copie de la communication par courriel est versée au DCT. Sur la foi du dossier qui m’a été présenté, et dans les circonstances de l’espèce, je conclus que le défendeur s’est acquitté de son fardeau de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que la communication par courriel avait été envoyée correctement.

[13]  La demanderesse, par contre, n’a pas renversé la présomption voulant que la communication par courriel ait été reçue. J’ai examiné la déclaration de la demanderesse voulant qu’elle n’ait pas reçu le courriel sollicitant sa présence. Toutefois, il n’est pas suffisant de simplement affirmer que le courriel en question n’a pas été reçu (Chandrakantbhai Patel, au paragraphe 33). La demanderesse n’a pas présenté d’éléments de preuve, y compris de son consultant, selon lequel l’adresse courriel était non fiable, inactive ou qu’elle ne fonctionnait pas bien. En d’autres mots, il n’y a rien au dossier qui me donnerait à penser que la communication par courriel n’avait pas été reçue du consultant.

[14]  À mon avis, les faits en l’espèce se distinguent de ceux de la décision Chandrakantbhai Patel, où le défendeur n’avait pas fourni de copie, et le DCT ne comprenait pas de copie du courriel allégué ou de copie de la lettre de demande portant la même date (Chandrakantbhai Patel, aux paragraphes 15 et 42). Or, ce n’est pas le cas en l’espèce.

[15]  Ils sont également distincts de ceux figurant dans les décisions Abboud c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 876 [Abboud] et Asoyan c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 206 [Asoyan], sur laquelle s’appuie la demanderesse dans son mémoire écrit. Dans la décision Abboud, la Cour a conclu que les réponses automatiques « suite à l’envoi du courriel aurai[en]t dû soulever un doute dans l’esprit de l’agent que la communication avait échoué » (Abboud, au paragraphe 15). De même dans la décision Asoyan, la Cour a conclu que l’inquisition par la demanderesse d’un accusé de réception indiquant que sa demande avait été reçue par le Bureau de réception centralisée des demandes à Sydney le 4 mars 2013 aurait dû être une indication pour l’agent des visas qu’elle n’avait pas reçu le courriel précédent sollicitant qu’elle fournisse des formulaires actualisés dans un délai donné (Asoyan, au paragraphe 18). Il n’y a pas d’indication en ce sens en l’espèce.

[16]  Par conséquent, puisque le défendeur a démontré, selon la prépondérance des probabilités, que la communication par courriel avait été envoyée correctement à l’adresse courriel fournie par la demanderesse et que la présomption de réception n’a pas été renversée, la demanderesse doit assumer le fardeau de la communication fautive.

[17]  Pour tous ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question n’a été proposée aux fins de certification, et je conviens que l’affaire ne soulève aucune question à certifier.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-4552-17

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Aucune question de portée générale n’est certifiée.

« Sylvie E. Roussel »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-4552-17

INTITULÉ :

YINTAO WU c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 23 mai 2018

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE ROUSSEL

DATE DES MOTIFS :

Le 29 mai 2018

COMPARUTIONS :

Nkunda I. Kabateraine

Pour la demanderesse

Alex C. Kam

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Nkunda I. Kabateraine

Avocat

Toronto (Ontario)

Pour la demanderesse

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

Pour le défendeur

 

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