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Date : 20180612


Dossier : IMM-3614-17

Référence : 2018 CF 610

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 12 juin 2018

En présence de monsieur le juge Pentney

ENTRE :

LIYE SHAO et LING DING

demanderesses

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision rendue par un agent des visas, qui a refusé la demande de résidence permanente présentée par Liye Shao (la demanderesse) au titre de la catégorie « regroupement familial » et parrainée par sa fille, Ling Ding (le répondant). (Lorsqu’il est fait référence à la fois à Mme Shao et à Mme Ding, le terme demanderesses est utilisé.) Le refus a été signifié après l’envoi d’une lettre relative à l’équité procédurale, dans laquelle l’agent s’est dit préoccupé du fait que la demanderesse avait fourni de faux renseignements au sujet de son état matrimonial. L’agent a conclu que la demanderesse avait fait, directement ou indirectement, des présentations erronées sur un fait important, ou une réticence sur ce fait, et a donc rejeté sa demande de résidence permanente.

[2]  Pour les motifs exposés ci-dessous, j’accueille la demande de contrôle judiciaire.

I.  Intitulé

[3]  Le défendeur a demandé à la Cour de modifier l’intitulé de la cause afin que le bon défendeur y soit désigné. L’intitulé sera modifié, sur consentement des parties – le défendeur approprié en l’espèce est le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration : Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (LIPR), paragraphe 4(1); Loi sur le ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration, LC 1994, c 31, paragraphe 2(1); Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227, article 2 (RIPR).

II.  Décision en appel

[4]  Le 5 janvier 2015, le bureau des visas de Hong Kong a reçu la demande de résidence permanente de la demanderesse.

[5]  Dans une lettre relative à l’équité procédurale envoyée à la demanderesse le 24 mars 2017, le bureau des visas s’est dit préoccupé du fait que la demanderesse avait fourni de faux renseignements au sujet de son état matrimonial dans sa demande de résidence permanente et avait produit une copie notariée originale frauduleuse de son certificat de divorce. Ces préoccupations venaient du fait que la demanderesse avait indiqué, dans sa demande, qu’elle était divorcée depuis 1998, alors que, sur ses demandes de visa de résident temporaire (VRT) présentées en 2007 et 2009, elle avait indiqué être mariée à M. Ding.

[6]  Dans sa réponse reçue le 31 mars 2017, la demanderesse a expliqué que les incohérences étaient dues au fait qu’elle avait demandé à un ami qui parlait mieux l’anglais qu’elle de l’aider à remplir la demande en 2007, et qu’elle s’était basée sur sa demande de 2007 pour remplir sa demande en 2009. La demanderesse a ajouté qu’elle n’avait pas remarqué l’erreur dans les documents précédents, tout en précisant que les renseignements indiqués sur sa demande de résidence étaient exacts, car elle avait rempli cette demande avec l’aide de sa fille (le répondant) qui a pris grand soin de s’assurer que la demande était exacte et complète. L’agent a jugé que cette explication n’était ni raisonnable ni crédible et a conclu, selon la prépondérance des probabilités, que la demanderesse avait fait, directement ou indirectement, des présentations erronées sur un fait important ou une réticence sur ce fait, ce qui la rendait interdite de territoire. Sa demande de résidence permanente a été refusée le 24 juin 2017.

III.  Questions en litige et norme de contrôle

[7]  La présente demande soulève deux questions :

  1. Le rejet de la demande de résidence permanente de la demanderesse constitue-t-il un manquement à l’équité procédurale?
  2. La décision rejetant la demande de résidence permanente était-elle raisonnable?

[8]  La norme de contrôle applicable à un manquement à l’équité procédurale est celle de la décision correcte, alors que le rejet de la demande soulève une question mixte de fait et de droit qui doit être examinée en regard de la norme de la décision raisonnable : Établissement de Mission c. Khela, 2014 CSC 24, au paragraphe 79; Canadian Pacific Railway Company v Canada (Attorney General), 2018 FCA 69; Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 79; Ge c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 594, [Ge].

IV.  Discussion

A.  Y a-t-il eu manquement à l’équité procédurale?

[9]  Les demanderesses soutiennent qu’il y a eu plusieurs manquements à l’équité procédurale. Premièrement, la lettre relative à l’équité procédurale était vague, car elle n’énonçait aucune préoccupation particulière ni ne précisait les documents à produire pour répondre aux préoccupations de l’agent. Le rejet de la réponse était donc inéquitable, car elles n’ont pas été informées des préoccupations à dissiper. Elles auraient dû avoir une autre possibilité de présenter des renseignements pour répondre aux préoccupations de l’agent. Deuxièmement, après avoir découvert une autre demande de VRT présentée en 2011 dans laquelle il était également indiqué que la demanderesse était mariée, l’agent aurait dû envoyer une deuxième lettre relative à l’équité procédurale. Troisièmement, l’agent a rejeté la demande en partie à cause de ses conclusions quant à la crédibilité de la demanderesse, sans toutefois informer cette dernière que sa crédibilité était remise en question. Quatrièmement, l’agent a commis une erreur en faisant abstraction de certains éléments de preuve et en omettant d’examiner la question du caractère substantiel. J’examinerai chacun de ces arguments à tour de rôle.

1)  La lettre relative à l’équité procédurale était-elle vague ou trompeuse?

[10]  Les demanderesses prétendent que l’agent, en l’espèce, était tenu à une plus grande obligation d’équité que celle qui est normalement exigée lors du traitement de demandes de visa, car l’issue de la demande de parrainage familial influait non seulement sur les intérêts de la demanderesse, mais aussi sur ceux de son répondant et de sa famille au Canada. Qui plus est, l’interdiction de territoire faisait en sorte que la demanderesse ne pouvait présenter de nouvelle demande avant cinq ans, ce qui ajoutait à la gravité de la décision pour les demanderesses : Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817, aux pages 837 à 841 [Baker]; Ge; Iqbal c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 533; Menon c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2005 CF 1273. Les demanderesses soutiennent que l’agent a manqué à son obligation d’équité supérieure parce que la lettre : a) ne précisait pas suffisamment quelles étaient les préoccupations de l’agent au sujet de la demande; b) ne précisait pas clairement que la demanderesse pouvait présenter d’autres documents et c) a omis d’indiquer les documents précis à produire pour répondre aux préoccupations de l’agent. Cela constituait, selon elles, un manquement à l’équité procédurale, car elles avaient été privées du droit de savoir quels étaient les arguments à réfuter et, de ce fait, qu’elles ont été privées d’une instruction équitable.

[11]  Les exigences relatives à l’équité procédurale varient selon la nature de la décision et son incidence sur l’individu, et elles doivent être examinées en tenant compte du régime législatif : Baker. La loi est claire sur ce point : l’équité procédurale requiert qu’un candidat à la résidence permanente bénéficie d’une réelle occasion de réagir aux contradictions matérielles qui apparaissent dans son dossier, ou de dissiper les doutes touchant sa crédibilité : Chawla c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 434, au paragraphe 14 [Chawla]. Tel est généralement le but de la lettre relative à l’équité procédurale. Les demanderesses invoquent les lignes directrices opérationnelles d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) qui énoncent, à l’intention des agents, les directives suivantes en matière d’équité procédurale :

Pour s’assurer que le demandeur a une possibilité réelle de présenter ses arguments, le décideur doit lui donner un avis suffisant concernant tout processus ou entrevue qui pourrait aboutir à une décision à l’égard de sa demande et lui donner une occasion raisonnable de déposer des éléments de preuve ou des arguments à l’appui de sa demande. Le décideur doit informer le demandeur des documents qui pourraient s’avérer nécessaires pour répondre aux préoccupations.

[12]  Les demanderesses soutiennent que la lettre relative à l’équité procédurale, en l’espèce, ne leur a pas fourni suffisamment d’information pour qu’elles puissent « connaître les éléments invoqués contre elles », ni ne précisait les documents qu’elles devaient produire pour répondre aux préoccupations de l’agent. Je ne suis pas de cet avis; j’estime au contraire que la lettre était explicite et qu’elle indiquait clairement aux demanderesses quelles étaient les préoccupations précises de l’agent et qu’il s’agissait d’une question grave qui pourrait avoir d’importantes ramifications pour elles.

[13]  La lettre relative à l’équité procédurale datée du 24 mars 2017 renvoie aux paragraphes 11(1) et 16(1) de la LIPR qui portent sur le processus de demande et sur l’obligation de répondre véridiquement à toutes les questions qui sont posées à une personne en vue d’établir son admissibilité, et note ce qui suit : [traduction] « Je crains que vous ne répondiez pas aux exigences énoncées au paragraphe 16(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés [...] ». L’agent ajoute ce qui suit :

[traduction]

Vous avez présenté un certificat de divorce de la République populaire de Chine sur lequel il est indiqué que vous avez divorcé de votre mari (Ding) Yanwei, le 24 août 1998. Cependant, sur le formulaire IMM00008 rempli et signé que vous avez produit, vous n’avez pas indiqué que vous vous étiez remariée après votre divorce d’avec votre ex-mari (Ding) en 1998.

Or, selon les renseignements disponibles dans notre base de données sur l’immigration, vous avez déclaré, lors de demandes antérieures de visa de visiteur au Canada présentées en décembre 2007 et en mai 2009, que vous étiez mariée et aviez un conjoint en République populaire de Chine. Vous avez également déclaré, dans une demande antérieure de visa de visiteur au Canada datée de décembre 2007, que vous viviez avez votre conjoint en République populaire de Chine, mais que celui-ci ne vous accompagnerait pas. À la lumière de tous les documents et renseignements disponibles, je crains que vous n’ayez fourni à ce bureau des renseignements mensongers sur votre situation personnelle, votre état matrimonial et vos antécédents conjugaux, ainsi qu’un certificat de divorce frauduleux de la République populaire de Chine, pour appuyer votre demande d’immigration.

[…]

J’aimerais vous offrir la possibilité de répondre à ces préoccupations.

[14]  Il est difficile d’imaginer ce qui aurait pu être ajouté dans cette lettre pour la rendre plus claire pour les demanderesses. L’argument selon lequel la lettre ne précisait pas les documents à produire pour répondre aux préoccupations de l’agent ne s’applique pas dans les circonstances. Dans la lettre, l’agent soulignait, non pas l’absence de documentation, mais plutôt les incohérences dans les renseignements trouvés dans le système au sujet de l’état matrimonial de la demanderesse. Ces incohérences remettent en question la véracité des déclarations sur la demande de résidence permanente et la validité du certificat de divorce. Enfin, dans la lettre, l’agent invitait la demanderesse à présenter une réponse.

[15]  À l’appui de leur argument en faveur d’une plus grande obligation d’équité, les demanderesses soulignent que la décision concernant la demande de parrainage a eu une incidence considérable sur elles, d’autant plus que l’interdiction de territoire pour fausses déclarations leur interdit de présenter une nouvelle demande avant cinq ans. Sur ce point, je ferais remarquer que les demanderesses ont été informées de ce fait, qui est exposé explicitement dans la lettre relative à l’équité procédurale.

[traduction] Veuillez noter que, s’il est établi que vous avez fait une fausse déclaration dans votre demande, vous pourriez être déclarée interdite de territoire en application de l’alinéa 40(1)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. Le cas échéant, vous serez interdite de territoire au Canada pour une période de cinq ans conformément à l’alinéa 40(2)a) et, en application du paragraphe 40(3), vous ne pourrez présenter de nouvelle demande pour obtenir le statut de résident permanent durant la période d’interdiction de territoire.

[16]  Sur ce point également, la lettre est précise et directe. Elle indique clairement aux demanderesses qu’il s’agit d’une question grave qui pourrait avoir pour conséquences, non seulement le rejet de la demande, mais aussi l’imposition d’un délai de cinq ans avant de pouvoir présenter une nouvelle demande. La lettre précise que tous les documents doivent être présentés en français ou en anglais et que tout document qui a été produit à l’origine dans une autre langue doit être accompagné d’une traduction certifiée conforme. On y indique en outre que les demanderesses peuvent fournir une explication si elles ne peuvent, ou ne veulent, soumettre d’autre documentation; la lettre fixe également un délai de 30 jours pour la réception de la réponse et précise comment les observations peuvent être présentées.

[17]  Il ne fait aucun doute que tous ces renseignements indiquaient aux demanderesses que la lettre relative à l’équité procédurale commandait plus qu’une simple réponse superficielle; malgré cela, les demanderesses se sont contentées de produire une lettre d’une page dans laquelle elles expliquaient simplement que les divergences étaient dues au fait que les demandes de VRT présentées en 2007 et 2009 avaient été préparées par un ami de la demanderesse qui maîtrisait mieux l’anglais que la demanderesse, et que l’erreur commise en 2007 avait été répétée sur la demande de 2009 parce que la première avait servi de modèle à la dernière. La demanderesse y déclare ce qui suit : [traduction] « Je n’ai pas suffisamment vérifié le formulaire, car je lui faisais confiance ». Elle ajoute que la demande de parrainage présentée en janvier 2015 est exacte, car elle l’a remplie avec l’aide de sa fille qui a pris soin de s’assurer que tous les documents et renseignements étaient exacts.

[18]  L’agent a trouvé cette explication insuffisante : [traduction] « Je ne considère pas que votre réponse à la lettre relative à l’équité procédurale soit crédible ou raisonnable, en particulier compte tenu du fait que vous avez présenté plus d’une demande au Canada contenant les mêmes renseignements, et ce, près de dix ans après la date où vous dites avoir divorcé ».

[19]  Je ne vois aucun manquement à l’équité procédurale dans les circonstances de l’espèce. L’agent a clairement exposé ses doutes au sujet de l’état matrimonial de la demanderesse, compte tenu des divergences relevées entre les demandes de visa de résident temporaire présentées en 2007 et 2009 et la demande de 2015. L’agent a également souligné la gravité de la situation, qui pouvait être lourde de conséquences pour la demanderesse. Cette dernière a été invitée à répondre, et la lettre précisait clairement que tout document présenté devait être en français ou en anglais. On ne peut donc pas imputer le défaut des demanderesses de présenter une réponse complète ou exhaustive à une inadéquation de la lettre relative à l’équité procédurale.

2)  Le principe d’équité procédurale obligeait-il l’agent à produire une lettre relative à l’équité procédurale, également pour la demande de 2011?

[20]  Les demanderesses soutiennent que l’agent a manqué à son devoir d’agir équitablement en n’envoyant pas de lettre relative à l’équité procédurale distincte, après avoir découvert une autre demande de VRT présentée en 2011 et sur laquelle il était indiqué que la demanderesse était mariée. Dans les notes relatives à la demande, inscrites dans le Système mondial de gestion des cas (SMGC), l’agent note ce qui suit :

[traduction] Après avoir examiné l’historique de SHAO Liye dans le Système de soutien des opérations des bureaux locaux (SSOBL), je constate que la demanderesse a en fait présenté une autre demande de VRT en mars 2011, dans laquelle elle indiquait là encore qu’elle était mariée. Comme la demanderesse n’a pas été informée de ce fait et n’a pas eu l’occasion d’y répondre conformément au principe d’équité procédurale, je n’en ai pas tenu compte dans la décision; j’en fais toutefois mention en l’espèce par souci d’intégralité, car cette demande avait aussi été présentée dans le but de rendre visite au répondant. Cependant, comme la date de naissance de la demanderesse inscrite sur la demande était erronée, ce n’est que maintenant que cette demande a pu être liée à l’historique complet de SHAO Liye.

[21]  Les demanderesses invoquent la décision Ardiles c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 323 [Ardiles], à l’appui de leur argument selon lequel une lettre relative à l’équité procédurale doit être produite lorsque des éléments de preuve éventuellement préjudiciables sont découverts, même si l’agent affirme que ces éléments de preuve n’ont pas été pris en compte. Dans Ardiles, l’agente a découvert une demande antérieure pour motifs d’ordre humanitaire que l’on croyait initialement détruite. L’agente a découvert que cette demande avait été refusée sans que les demandeurs en soient informés. Dans cette affaire, la Cour a conclu qu’il y avait eu manquement à l’équité procédurale, car il n’apparaissait pas clairement si cette information avait influencé de quelque manière l’évaluation défavorable faite par l’agente quant à la crédibilité des demandeurs. Les principales conclusions de la Cour s’énoncent comme suit :

[35]  Il reste cependant que la simple mention, dans les notes de l’agente d’immigration, selon laquelle « je ne crois pas qu’il s’agisse là d’une information extrinsèque qui appelle une réaction du client » ne suffit pas. D’autant qu’elle a pris la peine de recueillir l’information, laquelle, selon ses propres termes, était clairement utile pour établir si les demandeurs disaient la vérité à propos de leur revendication. Dans le jugement Redman c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1998), 157 F.T.R. 120 (C.F. 1re inst.), le juge Rothstein (tel était alors son titre) écrivait ce qui suit, aux paragraphes 4 et 5 :

Lorsqu’une lettre anonyme préjudiciable à un demandeur est reçue par un agent d’immigration, cette lettre doit être divulguée. L’alternative consistant dans la non-divulgation d’une lettre, dans la découverte de celle-ci par un demandeur après qu’une décision défavorable a été prise et puis dans l’affirmation de l’agente d’immigration selon laquelle la lettre n’a pas été invoquée, conduit à une perception d’injustice.

Bien entendu, les irrégularités découvertes après qu’une décision défavorable est prise sont souvent expliquées ou justifiées. Toutefois, dans des circonstances exceptionnelles, l’explication ou la justification après le fait ne satisfera pas aux exigences d’équité. Dans le contexte d’immigration, les lettres anonymes préjudiciables sont particulièrement méchantes et offensantes. Dans la plupart des cas, la teneur de ces lettres sera à juste titre écartée. Toutefois, l’équité exige que lorsque les renseignements éventuellement préjudiciables de ce genre sont reçus, ils soient divulgués afin qu’un demandeur puisse être convaincu, avant qu’une décision ne soit prise, qu’il a eu la possibilité d’y répondre.

Voir également le jugement Haouari c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1996] A.C.F. no 925 (QL) (C.F. 1re inst.), aux paragraphes 10 et 11.

[36]  Il s’agit là manifestement d’un cas limite. Même si l’agente d’immigration a dit qu’elle ne considérait pas l’information comme « extrinsèque », en ajoutant que, en tout état de cause, elle ne s’en est pas servie, la non-divulgation de cette information pertinente donne l’impression qu’il y a eu injustice et manquement. Il m’est d’ailleurs impossible de conclure que le manquement aux principes de justice naturelle a été négligeable et n’a pu d’une manière appréciable influer sur la décision finale.

[22]  Le défendeur soutient qu’une distinction devrait être faite sur les faits d’avec la décision rendue dans Ardiles. Je suis d’accord. Dans Ardiles, l’agente a fait sa propre enquête qui a mené à la découverte de documents dont les demandeurs ignoraient l’existence. Les demandeurs avaient été amenés à croire que ces documents n’existaient plus et, s’ils avaient eu l’occasion de commenter ces dossiers, ils auraient pu dissiper tout doute que l’agente avait au sujet de leur contenu. De plus, il n’est pas tout à fait clair quelle incidence ces nouveaux documents ont eu sur l’issue finale.

[23]  En l’espèce, l’agent a bien découvert une nouvelle demande de VRT, mais il s’agissait d’une demande présentée par la demanderesse elle-même; celle-ci devait donc en être informée. L’agent a aussi indiqué clairement que cela n’avait pas influencé sa décision finale.

[24]  Les demanderesses soutiennent que, si l’agent avait porté à leur attention cette demande de VRT présentée en 2011, elles auraient pu y répondre et soutenir à nouveau leur allégation selon laquelle la demanderesse était divorcée. Elles font valoir que, si elles avaient reçu une deuxième lettre relative à l’équité procédurale, elles auraient pu mentionner la demande de prorogation de visa de visiteur présentée par la demanderesse en 2010, un document qui avait lui aussi été rempli avec l’aide du répondant et sur lequel il était indiqué que la demanderesse est divorcée. Par conséquent, le défaut de produire une deuxième lettre a privé les demanderesses de la possibilité de répondre intégralement aux préoccupations de l’agent.

[25]  J’aimerais souligner que cette information est conforme aux notes du SMGC figurant dans le dossier qui m’a été présenté, dans lequel une entrée qui semble dater de janvier 2010 indique que la demanderesse est divorcée.

[26]  Contrairement à la situation dans Ardiles, où les demandeurs n’avaient aucun moyen de savoir que les autres dossiers existaient toujours, ou encore dans Redman (affaire mentionnée dans la citation précitée extraite de la décision Ardiles) où les demandeurs ignoraient l’existence de la lettre anonyme, les demanderesses en l’espèce prétendent que l’agent a manqué à son obligation d’équité procédurale parce qu’il ne les a pas informées de l’existence de documents qui, en fait, avaient été remplis et soumis par l’une d’elles ou par les deux. Cette allégation ne peut tout simplement pas être acceptée. Il incombait aux demanderesses de présenter une réponse complète et véridique dès la réception de la première lettre relative à l’équité procédurale, dans laquelle il était clairement indiqué que l’agent craignait que la demanderesse ait fait de fausses déclarations concernant son état matrimonial. Les demanderesses prétendent que le défaut de produire une deuxième lettre relative à l’équité procédurale constitue un manquement à l’équité procédurale, car une deuxième lettre aurait pu rafraîchir leur mémoire au sujet de la demande de prorogation de visa de 2010, ce qui aurait appuyé leur allégation que la demanderesse était bel et bien divorcée. Le problème avec cet argument, c’est que la première lettre était suffisamment claire pour que les demanderesses comprennent qu’elles devaient présenter tous les renseignements dont elles disposaient sur l’état matrimonial de la demanderesse. Elles n’avaient pas besoin d’une deuxième lettre pour être encouragées à présenter une réponse complète; le fait pour l’agent d’inclure cette information dans les notes du SMGC, simplement par souci d’intégralité, ne constitue pas un manquement à l’équité procédurale.

3)  L’agent a-t-il informé les demanderesses de ses préoccupations quant à leur crédibilité?

[27]  Les demanderesses prétendent que l’agent a commis une erreur en omettant de les informer de ses préoccupations quant à leur crédibilité, avant de rejeter la demande de parrainage. Elles fondent leur argument sur la lettre de décision dans laquelle il est indiqué ce qui suit : [traduction] « Je ne considère pas que la réponse à la lettre relative à l’équité procédurale soit crédible ou raisonnable […] ». Les demanderesses me demandent d’annuler cette décision parce qu’elles n’ont jamais eu l’occasion de répondre aux préoccupations de l’agent quant à leur crédibilité. Je n’en suis pas convaincu.

[28]  En l’espèce, les préoccupations de l’agent découlent des incohérences relevées dans les formulaires officiels de demande qui ont été signés et présentés par les demanderesses en vertu de la LIPR pour revendiquer le statut d’immigrant au Canada. Outre la lettre de décision, les notes du SMGC comportent plusieurs renvois énonçant les préoccupations de l’agent au sujet la crédibilité de la demanderesse; dans chaque cas, ces préoccupations sont liées à l’état matrimonial de la demanderesse – aucune autre question ne semble avoir soulevé de doutes quant à sa crédibilité. À titre d’exemple, sous la rubrique [traduction] « Examen de l’agent », les notes suivantes résument l’essentiel de l’analyse de l’agent :

[traduction]

- Je ne suis pas convaincu par les motifs invoqués (par la demanderesse principale) pour expliquer les renseignements erronés sur son état matrimonial qu’elle a indiqués sur ses deux demandes de VRT (visa de résident temporaire), la première présentée en décembre 2007 et l’autre en mai 2009.

[…]

- La demanderesse principale a omis de présenter des éléments de preuve dignes de foi pour expliquer les erreurs commises par un tiers sur sa demande de VRT de décembre 2007 et, deux ans plus tard, celle de mai 2009.

- Le fait demeure que la demanderesse principale a présenté un certificat de divorce de la République populaire de Chine daté de 1998, qui contredit les renseignements sur l’état matrimonial qu’elle a fournis à ce bureau en décembre 2007 et en mai 2009.

- J’ai donc des doutes quant à la crédibilité de la demanderesse principale en général et à la fiabilité de l’ensemble des documents et des renseignements qu’elle m’a présentés à l’appui de sa demande d’immigration.

- À la lumière de tous les documents et renseignements disponibles, je ne suis pas convaincu que la demanderesse principale ait présenté à ce bureau des renseignements véridiques sur son état matrimonial à l’appui de sa demande d’immigration.

[29]  Or, la loi est claire sur ce point : il incombe à l’auteur d’une demande d’immigration de s’assurer que les renseignements fournis sont exacts et complets : LIPR, article 16; Haque c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 315, au paragraphe 15; Khedri c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1397, aux paragraphes 22 à 27. La loi est également claire sur un autre point : lorsqu’un agent a des doutes quant à la crédibilité d’un demandeur, ou à la validité d’un document présenté à l’appui d’une demande, il doit en informer le demandeur et lui donner l’occasion d’y répondre. Pour ce faire, il n’est pas nécessaire que l’agent « commente » l’avancement de l’analyse à chacune des étapes; il s’agit plutôt de satisfaire au principe fondamental d’équité – et de permettre au demandeur de connaître la nature des préoccupations suffisamment en détail pour qu’il puisse fournir une explication ou d’autres renseignements. L’équité exige que les documents, rapports ou opinions dont un demandeur n’a pas connaissance, ou est présumé ne pas avoir connaissance, doivent être communiqués (Adewole c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 112; Haghighi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] 4 CF 407 (CAF), aux paragraphes 26 et 27).

[30]  En l’espèce, la lettre relative à l’équité procédurale qui a été envoyée à la demanderesse énonce la nature et le fondement des questions en litige et indique clairement que l’agent croit que la demanderesse n’a pas dit la vérité, c’est-à-dire, met en doute sa crédibilité. Cette pensée est clairement énoncée dans la phrase clé suivante : [traduction] « D’après l’ensemble des documents et renseignements disponibles, je doute que les renseignements que vous avez fournis au sujet de votre situation personnelle, de votre état matrimonial et de vos antécédents conjugaux soient exacts et je crois également que votre certificat de divorce de la République populaire de Chine est frauduleux ».

[31]  Cette phrase informe la demanderesse des questions en litige et lui offre la possibilité de fournir d’autres explications et renseignements. C’est ce que l’équité procédurale exige dans les circonstances. Rien, dans la lettre de décision ou dans les notes du SMGC, ne laisse entendre que l’agent mettait en doute la crédibilité de la demanderesse sur d’autres aspects que la demanderesse ignorait. Cela diffère d’une situation où, soit aucun avis n’est communiqué, soit l’information fournie est insuffisante pour permettre au demandeur de fournir une réponse utile : voir, par exemple, Chawla, au paragraphe 19.

[32]  En l’espèce, les préoccupations de l’agent au sujet de la crédibilité de la demanderesse et de l’authenticité du certificat de divorce ont été énoncées, et l’agent a jugé que la réponse fournie n’offrait pas d’explications suffisantes pour dissiper ces doutes. Pour ces motifs, l’agent a rejeté la demande pour fausses déclarations. Je suis d’avis que les demanderesses ont été informées d’une manière suffisamment claire que leur crédibilité était mise en doute et qu’elles ont eu la possibilité d’y répondre. C’est tout ce qui était exigé dans les circonstances.

4)  L’agent a-t-il commis une erreur en faisant abstraction de certains éléments de preuve?

[33]  Les demanderesses soutiennent que la décision de l’agent doit être annulée, parce qu’elle a été prise sans que l’agent prenne en compte tous les éléments de preuve pertinents. Elles soulignent plus précisément que, bien que l’agent mentionne les demandes de VRT de 2007 et de 2009 sur lesquelles la demanderesse était inscrite comme une personne mariée, aucune référence n’a été faite à plusieurs autres documents qui indiquaient, ou permettaient de croire, que la demanderesse était divorcée. Elles renvoient plus particulièrement à la traduction notariée du hukou (certificat de résidence) de 2015 dans laquelle il est indiqué que la demanderesse est divorcée, ainsi qu’à la traduction notariée du certificat des relations familiales de 2007 qui indique que la demanderesse et son ex-mari résidaient dans des lieux distincts. Ces documents ont été présentés à l’appui de la demande de parrainage, mais ils n’ont pas été cités, ni présentés de nouveau en réponse à la lettre relative à l’équité procédurale. Les demanderesses font valoir que l’agent avait l’obligation de prendre en compte tous les renseignements qu’elles ont présentés avant de formuler une conclusion au sujet de la demande. Le défaut de le faire rend la décision inintelligible, car la Cour ne peut alors que supposer et se demander si l’agent a tenu compte ou non de ces documents : Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c. Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62; Edw. Leahy c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CAF 227.

[34]  La jurisprudence de notre Cour établit clairement que le défaut de citer des éléments de preuve clés qui vont à l’encontre de la conclusion de l’agent peut entraîner l’annulation de la décision. Bien que le décideur ne soit pas tenu de citer tous les éléments de preuve au dossier, la Cour a conclu que « [...] plus la preuve qui n’a pas été mentionnée expressément ni analysée dans les motifs de l’organisme est importante, et plus une cour de justice sera disposée à inférer de ce silence que l’organisme a tiré une conclusion de fait erronée “sans tenir compte des éléments dont il [disposait]” » (Cepeda-Gutierrez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] A.C.F. no 1425 (QL), 157 FTR 35 (CF), au paragraphe 17; Zhong c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 223 [Zhong]).

[35]  Le défendeur fait valoir qu’il incombait aux demanderesses de présenter à l’agent tous les renseignements pertinents et qu’il est faux de prétendre que l’on peut transférer à l’agent le fardeau d’examiner soigneusement l’ensemble du dossier d’immigration à la recherche d’information pertinente. Le hukou et le certificat des relations familiales ont été présentés à l’appui de la demande de parrainage pour établir le lien entre la demanderesse et le répondant, et non son état matrimonial. Les demanderesses n’ont pas mentionné ces documents dans leur réponse à la lettre relative à l’équité procédurale, bien qu’elles auraient dû savoir qu’ils étaient pertinents pour dissiper les doutes soulevés dans la lettre. De plus, ni le hukou ni le certificat des relations familiales n’offrait de preuve concluante, car le hukou indiquait que la fille – qui vit actuellement au Canada – vivait à la même adresse que la demanderesse en Chine, et que le certificat des relations familiales n’a pas établi que la demanderesse était divorcée, ce document indiquant seulement que l’adresse de la demanderesse différait de celle de son « époux ». Le défendeur soutient que cela remet en cause le caractère probant de ces documents et que l’agent n’a donc pas commis d’erreur en omettant d’y faire référence.

[36]  Je suis d’accord avec le défendeur pour dire qu’il incombait à la demanderesse de présenter tous les renseignements nécessaires pour appuyer sa demande de résidence permanente. La question qui se pose en l’espèce est de savoir si les demanderesses, qui ont présenté ces renseignements, étaient en droit de s’attendre à ce que l’agent les examine intégralement avant de statuer sur l’affaire. L’affaire est d’autant plus complexe que les demanderesses ont omis de mentionner ces renseignements et d’autres renseignements lorsqu’il leur a été donné l’occasion de répondre aux préoccupations de l’agent au sujet de l’état matrimonial de la demanderesse. Si les demanderesses avaient profité de l’occasion pour présenter une réponse plus exhaustive et plus complète, elles auraient pu opposer les demandes de VRT de 2007 et 2009 (et 2011) à la demande de prorogation de visa présentée en 2010, à la demande de parrainage ainsi qu’aux traductions notariées du certificat de divorce, du hukou et du certificat des relations familiales. Cependant, les demanderesses ne l’ont pas fait; la question qui se pose est donc de savoir si la décision de l’agent est déraisonnable, parce qu’elle ne précise pas si ces renseignements ont été de quelque manière pris en compte.

[37]  Après avoir examiné les observations des parties, les dispositions pertinentes de la LIPR et du RIPR et la jurisprudence pertinente (voir Sai Jin Chi v. MCI, 2002 CFPI 126), je conclus que la décision est déraisonnable dans les circonstances de l’espèce. Les demanderesses se sont acquittées du fardeau qui leur incombait de présenter les documents pertinents et, bien que leur réponse à la lettre relative à l’équité procédurale ait été inadéquate, cela ne peut dispenser l’agent de son obligation d’examiner le dossier dans son intégralité. Je soulignerais que l’agent a examiné les dossiers informatiques de la demanderesse, ce qui lui a permis de découvrir les demandes de VRT de 2007 et 2009, puis le dossier de 2011. Manifestement, l’agent ne s’est pas contenté d’examiner la demande de parrainage et, de ce fait, il n’a pas commis d’erreur. Cependant, ni sa décision ni les notes du SMGC ne comportent quelque mention permettant de savoir si l’agent a examiné la demande de prorogation de visa de 2010, le hukou ou le certificat des relations familiales. J’en viens donc à me demander si l’agent a tenu compte de l’ensemble du dossier de la demande de parrainage; de plus, rien n’indique que le dossier complet d’immigration de la demanderesse a été pris en compte, car l’agent ne fait référence qu’aux demandes de 2007, 2009 et 2011.

[38]  Cette affaire s’apparente à Zhong, où la décision de l’agent, qui avait conclu que la demanderesse était inadmissible à la présentation d’une demande de résidence permanente en tant que membre de la famille parce qu’elle n’était pas la fille biologique de ses répondants, a été annulée parce que l’agent n’avait pas précisé s’il avait ou non pris en compte plusieurs documents clés. Dans cette affaire, les éléments de preuve indiquaient que les parents avaient pris en charge la demanderesse alors qu’elle était bébé, qu’ils avaient obtenu un certificat de naissance frauduleux et que la demanderesse était inscrite comme leur fille dans le hukou. Leurs éléments de preuve indiquaient que les parents n’avaient pas adopté officiellement la demanderesse et qu’ils ne lui avaient pas dit qu’elle n’était pas leur fille biologique pour éviter de lui causer de l’anxiété. La question qui se posait dans cette affaire était de savoir si les éléments de preuve établissaient que la demanderesse était l’enfant « de fait » des répondants. Le juge Keith Boswell a conclu que l’agent avait commis une erreur en omettant d’examiner plusieurs documents clés qui avaient été soumis par la demanderesse, et qui appuyaient ses allégations concernant sa relation de longue date et sa dépendance. L’absence de toute mention de ces documents particulièrement pertinents dans la décision ou dans les notes du SMGC a rendu la décision inintelligible et donc déraisonnable (voir les paragraphes 25 à 30).

[39]  Pour les mêmes motifs, je conclus que l’absence de toute mention du hukou et du certificat des relations familiales en l’espèce rend la décision déraisonnable. J’en viens à me demander si l’agent a tenu compte de ces documents avant de décider de rejeter la demande. Le hukou et la demande de prorogation de visa de 2010 contredisent directement la conclusion de l’agent quant aux fausses déclarations au sujet de l’état matrimonial, et le certificat des relations familiales remet en question cette conclusion, car il y est indiqué que la demanderesse et son ex-mari résidaient à des endroits différents. Ces documents exigeaient tout au moins un complément d’enquête de la part de l’agent. Je note par ailleurs que rien n’indique que l’agent avait d’autres motifs de mettre en doute la validité du certificat de divorce, si ce n’est de ses doutes quant à la crédibilité de la demanderesse. Ni la lettre de décision ni les notes du SMGC n’indiquent que l’agent avait quelque motif de croire que ces documents étaient frauduleux en raison de leur aspect ou contenu.

[40]  La conclusion de fausses déclarations en l’espèce repose sur la demande de parrainage sur laquelle il est indiqué que la demanderesse est divorcée. Les doutes de l’agent à ce sujet découlent de son examen des demandes de VRT de 2007 et 2009 sur lesquelles il était indiqué que la demanderesse est mariée. Je juge qu’il est déraisonnable de conclure que la demanderesse a fait de fausses déclarations au sujet de son état matrimonial, sans tenir compte des autres documents versés au dossier qui indiquent qu’elle est divorcée, ou qui permettent d’en conclure ainsi, en l’occurrence le certificat des relations familiales. Ces documents, et la demande de prorogation de visa de 2010, faisaient partie du dossier de la demanderesse. Il est vrai que les demanderesses auraient dû mentionner tout cela dans leur réponse à la lettre relative à l’équité procédurale, mais je ne peux conclure que leur défaut de le faire dégage l’agent de son obligation d’examiner tous les renseignements dans le dossier avant de rendre une décision concernant la demande. Le hukou et le certificat des relations familiales faisaient partie de la demande de parrainage, alors que la demande de prorogation de visa de 2010 faisait vraisemblablement partie du plus vaste dossier d’immigration – un dossier que l’agent a manifestement examiné en partie, puisque c’est ainsi qu’il a découvert les demandes de VRT de 2007, 2009 et 2011.

[41]  Vu ma conclusion sur cette question, il n’est pas nécessaire que j’examine la question visant à savoir si l’agent a commis une erreur en omettant d’examiner la question du caractère substantiel.

V.  Conclusion

[42]  Eu égard aux circonstances particulières de l’espèce, je conclus que la décision est déraisonnable. L’affaire est renvoyée à un autre agent des visas pour être examinée de nouveau. Aucune question à certifier n’a été soulevée par les parties, et aucune ne découle de l’affaire.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-3614-17

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

  1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie et l’affaire est renvoyée pour réexamen par un autre agent des visas.

  2. Il n’y a aucune question grave de portée générale à certifier.

  3. L’intitulé de la cause est modifié afin d’y indiquer le bon défendeur, le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration.

« William F. Pentney »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-3614-17

INTITULÉ :

LIYE SHAO ET LING DING c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 14 février 2018

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE PENTNEY

DATE DES MOTIFS :

LE 12 juin 2018

COMPARUTIONS :

Raymond Lo

Pour les demanderesses

Sally Thomas

Pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Raymond Lo

Avocat

Richmond Hill (Ontario)

Pour les demanderesses

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

Pour le défendeur

 

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