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Date : 20180531


Dossier : T-546-18

Référence : 2018 CF 568

[TRADUCTION FRANÇAISE RÉVISÉE PAR L’AUTEUR]

Ottawa (Ontario), le 31 mai 2018

En présence de monsieur le juge Grammond

ENTRE :

GORDON GADWA,

BENJAMIN BADGER, JASON MOUNTAIN, VERNON WATCHMAKER, RONNIE PAUL ET TYLER YOUNGCHIEF

demandeurs

et

BRENDA JOLY,

WILLIAM JOHN ET TREVOR JOHN

défendeurs

ORDONNANCE ET MOTIFS

[1]  Les demandeurs Gordon Gadwa, Benjamin Badger, Jason Mountain et Vernon Watchmaker demandent une injonction interlocutoire pour obliger les défendeurs, qui sont le chef et certains membres du Conseil de la Nation crie Kehewin [la nation], à tenir une élection générale anticipée. Ils soutiennent que les défendeurs ont manqué à leur obligation fiduciaire à titre de chef et de conseillers, parce qu'ils ont refusé de déclencher une telle élection, qu'ils ont destitué un des demandeurs de son poste de conseiller et, plus généralement, qu'ils gèrent les affaires de la nation d'une manière [traduction] « arbitraire ».

[2]  Je rejette cette requête parce que les demandeurs n’ont pas démontré que le critère à trois volets pour émettre une injonction interlocutoire est respecté. Ils n’ont pas établi une forte apparence de droit comme quoi le comportement dont ils se plaignent constitue un manquement à l’obligation fiduciaire ou à toute autre règle de droit. L’injonction proposée n’empêcherait aucun préjudice irréparable et imposerait un inconvénient considérable à la nation.

[3]  Bien que MM. Paul et Youngchief soient des demandeurs dans la demande de contrôle judiciaire sous-jacente, seuls MM. Gadwa, Badger, Mountain et Watchmaker demandent une injonction interlocutoire. Par souci de commodité, je désignerai MM. Gadwa, Badger, Mountain et Watchmaker comme les demandeurs.

I.  Contexte factuel

[4]  La sélection du Conseil de la Première Nation Kehewin est régie par la [traduction] Loi électorale coutumière de la nation crie Kehewin [la Loi électorale]. La Loi électorale prévoit un processus en deux étapes, selon lequel les conseillers sont d’abord élus par les membres de la bande, puis un chef est élu, encore une fois par les membres de la bande, parmi les conseillers qui présentent leur candidature.

[5]  Une élection a eu lieu en mars 2014. Cependant, un membre de la nation qui résidait hors réserve a contesté l’élection devant la Cour au motif que la Loi électorale empêche les membres hors réserve de voter et que cela est contraire à la Charte canadienne des droits et libertés [Charte]. L’affaire a été réglée lorsque le conseil a accepté de déclencher une nouvelle élection au cours de laquelle les membres hors réserve auraient le droit de voter.

[6]  Cette élection a eu lieu le 1er septembre 2015. Les demandeurs et les défendeurs ont été élus conseillers. Une élection au poste de chef a eu lieu quatre semaines plus tard, le 29 septembre 2015. M. Gadwa, l’un des demandeurs, a été élu chef.

[7]  Un membre de la nation a interjeté appel en vertu de la Loi électorale, alléguant que M. Gadwa s’était livré à des pratiques électorales frauduleuses. La présidente d'élection a accueilli l’appel; elle a annulé l’élection de M. Gadwa, à la fois à titre de chef et de conseiller; elle a déclaré que Mme Joly, la candidate ayant obtenu le deuxième plus grand nombre de votes, a été élue chef et elle a déclaré une autre personne élue à titre de conseiller.

[8]  M. Gadwa a présenté une demande de contrôle judiciaire à l’encontre de cette décision. Le 31 mai 2016, dans la décision Gadwa c Première Nation Kehewin, 2016 CF 597, la juge Strickland a déclaré que la conclusion de la présidente d'élection, selon laquelle M. Gadwa s’était livré à des pratiques électorales frauduleuses, était raisonnable. Néanmoins, elle a conclu qu’il était déraisonnable de déclarer que la deuxième candidate, Mme Joly, avait été élue. Par conséquent, elle a déclaré qu’une élection partielle devait avoir lieu pour le poste de chef, en vertu de la Loi électorale. De plus, la juge Strickland a conclu que la présidente d'élection ne pouvait pas destituer M. Gadwa de son poste de conseiller, parce que la pratique frauduleuse soulevée ne concernait que l’élection au poste de chef et qu’elle avait eu lieu après l’élection des conseillers. Elle a fait remarquer que la Loi électorale établit un processus de destitution d’un chef ou d’un conseiller, pour lequel le conseil, et non le président d'élection, est le décideur.

[9]  À la suite de cette décision, M. Gadwa est demeuré conseiller. Peu après, cependant, une plainte a été déposée auprès du conseil pour le destituer de son poste de conseiller, invoquant les mêmes pratiques électorales frauduleuses qui ont mené à l’annulation de son élection en tant que chef. Le 7 juillet 2016, après avoir donné à M. Gadwa l’occasion de se défendre, les autres conseillers ont destitué M. Gadwa, en vertu de l’article VIII.1 de la Loi électorale. La résolution a été signée par les défendeurs actuels et par MM. Badger, Mountain et Watchmaker, qui sont parmi les demandeurs actuels.

[10]  La décision de la juge Strickland a également fait en sorte que la nation n’avait plus de chef. Jusque-là, Mme Joly était considérée comme la chef, conformément à la décision du président d'élection. Dans son affidavit, Mme Joly déclare que, peu de temps après que la décision de la juge Strickland a été rendue publique, les conseillers restants (outre M. Gadwa) ont convenu qu’il fallait interjeter appel de sa décision, qu’il fallait tenir une élection partielle pour le poste de chef et que Mme Joly agirait en tant que chef intérimaire entre-temps. Cette décision semble avoir été prise en vertu de l’article VIII(2.) de la Loi électorale, qui prévoit que lorsque le poste de chef devient vacant, [traduction] « le conseil choisit un conseiller à titre de chef intérimaire jusqu’à ce qu’une élection puisse avoir lieu ».

[11]  La question a été abordée d’une réunion du conseil le 19 juillet 2016. Aucune décision n’a été prise relativement à une élection partielle. Cependant, le 22 juillet 2016, le juge Rennie de la Cour d’appel fédérale a suspendu la partie du jugement de la juge Strickland qui exigeait la tenue d’une élection en attendant l’appel. Par conséquent, Mme Joly a continué d’occuper le poste de chef jusqu’au jugement de la Cour d’appel fédérale.

[12]  Le 4 octobre 2017, la Cour d’appel fédérale a rejeté l’appel interjeté par Mme Joly contre le jugement de la juge Strickland (Joly c Gadwa, 2017 CAF 203). M. Gadwa avait également interjeté un appel incident de la décision, mais il l’a abandonné à l’audience.

[13]  Les demandeurs et les défendeurs ne se sont pas entendus sur la façon de réagir à ce jugement. Les demandeurs ont insisté pour déclencher une élection générale, tandis que les défendeurs voulaient déclencher une élection partielle pour le poste vacant de conseiller, puis pour le poste de chef. Bien qu’un certain nombre de réunions du conseil aient eu lieu à l’automne 2017 pour en arriver à une décision, les deux parties sont restées fermement campées sur leur position et la question n’a pas été résolue.

[14]  Les deux groupes ont alors commencé à agir unilatéralement. Chaque groupe étant formé de trois conseillers, chacun a tenté de briser l’impasse par diverses tactiques. Chaque groupe a prétendu adopter lui-même des résolutions du conseil.

[15]  MM. Badger, Mountain et Watchmaker, prétendant agir comme quorum du conseil, ont cherché à réintégrer M. Gadwa au poste de conseiller, à révoquer la nomination de Mme Joly au poste de chef intérimaire et à nommer M. Watchmaker à sa place. Ils ont aussi prétendu déclencher des élections générales en mars 2018.

[16]  Les défendeurs, quant à eux, ont prétendu destituer M. Mountain du conseil en raison de son absence répétée, par résolution datée du 13 mars 2018.

[17]  À l’automne 2017, les défendeurs actuels ont présenté une demande de contrôle judiciaire à l’égard des mesures prises par les demandeurs actuels. Ils ont obtenu une injonction interlocutoire du juge Zinn le 31 octobre 2017 (Joly c Gadwa, 2017 CF 974), interdisant à M. Gadwa de se présenter au public comme s’il était un conseiller, à M. Watchmaker de se présenter au public comme s’il était chef intérimaire, et MM. Badger, Mountain et Watchmaker de tenir des réunions du conseil à moins que certaines conditions ne soient remplies. Cette ordonnance a été prolongée par le juge Lafrenière le 10 novembre 2017, jusqu’à ce qu’un jugement soit rendu dans cette affaire. Aucune date n’a encore été fixée pour l’audition de cette affaire.

[18]  Le 19 mars 2018, le juge Martineau, étant convaincu qu’il existait une preuve prima facie indiquant que les demandeurs actuels étaient coupables d’outrage à l’ordonnance du juge Lafrenière, a exigé qu’ils comparaissent en cour le 13 juin 2018 pour entendre la preuve liée à leur outrage et leur défense. Il a également émis une injonction interlocutoire interdisant aux demandeurs actuels de déclencher une élection générale ou de participer à une assemblée de mise en candidature pour une telle élection.

[19]  Comme le chef et les conseillers de la Nation crie Kehewin sont élus pour un mandat de trois ans, la prochaine élection générale aura lieu en septembre 2018.

II.  Analyse

[20]  Une injonction interlocutoire est une mesure temporaire visant à préserver les droits des parties jusqu’à ce qu’une décision soit rendue sur le fond. Il ne s’agit pas d’un règlement définitif du litige. Les tribunaux ont établi un critère, que je décrirai plus loin, pour décider si une injonction interlocutoire devrait être accordée. Ce critère tient compte du fait que de telles requêtes doivent souvent être tranchées sur la base d’un dossier de preuve incomplet.

[21]  À l’audience, l’avocate des demandeurs a précisé qu’elle ne demandait qu’une injonction interlocutoire qui obligerait les défendeurs à déclencher immédiatement une élection générale pour les postes de conseiller et de chef.

A.  Le critère pour les injonctions interlocutoires

[22]  Dans R c Société RadioCanada, 2018 CSC 5 [SRC], la Cour suprême du Canada a récemment reformulé le critère pour accorder une injonction interlocutoire :

À la première étape, le juge de première instance doit procéder à un examen préliminaire du bien‑fondé de l’affaire pour décider si le demandeur a fait la preuve de l’existence d’une « question sérieuse à juger », c’est‑à‑dire que la demande n’est ni futile ni vexatoire. À la deuxième étape, le demandeur doit convaincre la cour qu’il subira un préjudice irréparable si la demande d’injonction est rejetée. Enfin, à la troisième étape, il faut apprécier la prépondérance des inconvénients, afin d’établir quelle partie subirait le plus grand préjudice en attendant qu’une décision soit rendue sur le fond, selon que la demande d’injonction est accueillie ou rejetée.

(Au paragraphe 12, références omises)

[23]  Ce critère à trois volets est bien connu. Il a été énoncé dans des arrêts antérieurs de la Cour suprême : Manitoba (PG) c Metropolitan Stores Ltd., [1987] 1 RCS 110; RJR -- MacDonald Inc. c Canada (Procureur général), [1994] 1 RCS 311 [RJR].

[24]  Dans l’affaire RJR, la Cour suprême a déclaré que le critère « question sérieuse à juger » est un seuil relativement faible (RJR à la page 337). Toutefois, dans l’affaire SRC, la Cour a modifié ce seuil lorsqu’une injonction interlocutoire mandatoire est demandée. Contrairement à une injonction prohibitive, qui ordonne au défendeur de ne pas faire quelque chose, une injonction mandatoire oblige le défendeur à poser un geste. Dans ces cas, une « forte apparence de droit » est requise, ce qui signifie que

[...] lors de l’examen préliminaire de la preuve, le juge de première instance doit être convaincu qu’il y a une forte chance au regard du droit et de la preuve présentée que, au procès, le demandeur réussira ultimement à prouver les allégations énoncées dans l’acte introductif d’instance.

(SRC, au paragraphe 7, souligné dans l'original)

[25]  En l’espèce, il est clair que l’injonction interlocutoire demandée par les demandeurs est une injonction mandatoire.  Par conséquent, les demandeurs doivent établir une forte apparence de droit.

[26]  Même dans le cadre établi dans l’arrêt RJR, il ne s’agirait pas d’un cas où le seuil peu élevé d’une « question sérieuse à juger » s’applique. Dans l’arrêt RJR, la Cour a reconnu que, dans certains cas, « le résultat de la demande interlocutoire équivaudra en fait au règlement final de l’action » (RJR, à la page 338). Dans de tels cas, « le tribunal doit procéder à un examen plus approfondi du fond de l’affaire » (RJR, à la page 339). Autrement dit, lorsque le juge qui entend le fond de l’affaire ne peut annuler ce qui a été fait à l’étape interlocutoire, une forte apparence de droit doit être établie.

B.  Une forte apparence de droit

[27]  Pour obtenir une injonction interlocutoire, les demandeurs doivent d’abord établir, comme je l’ai expliqué plus haut, une forte apparence de droit. Ils ne l’ont pas fait. Ils se sont appuyés principalement sur le concept juridique de l’obligation fiduciaire. Ainsi, avant d’analyser leurs allégations, je dois définir davantage ce concept.

(1)  Obligation fiduciaire

[28]  Même si la Loi électorale est une forme de droit autochtone (John Borrows, Canada's Indigenous Constitution (Toronto : University of Toronto Press, 2010) aux pages 42 à 44), les demandeurs se sont principalement fondés sur un concept de droit privé canadien, l’obligation fiduciaire. Ce concept ne peut pas être utilisé dans le contexte des élections pour donner à la Cour le mandat de procéder à un examen général de la conduite des défendeurs.

[29]  Le concept d’obligation fiduciaire est parfois utilisé dans le contexte du droit public ou même de la philosophie politique. Néanmoins, en tant que concept juridique, il demeure assujetti à des critères définis par la jurisprudence. Ces critères ne justifient pas son utilisation comme outil général d’examen de la conduite des représentants élus. Cela élargirait le concept de l’obligation fiduciaire bien au-delà de sa portée reconnue. Pour comprendre pourquoi il en est ainsi, il est utile de prendre du recul et d’examiner le rôle approprié du droit et des tribunaux dans la sélection des dirigeants politiques.

[30]  La primauté du droit est un principe fondamental du droit public canadien. Entre autres, le principe de la primauté du droit exige que « les actes de gouvernement soient conformes au droit » (Renvoi relatif à la sécession du Québec, [1998] 2 RCS 217, au paragraphe 72). Toutefois, cela ne veut pas dire que le droit réglemente tout ce que font les politiciens. De nombreuses décisions prises par des représentants élus ont un caractère politique. Bien que ces décisions ne soient pas entièrement à l’abri du contrôle judiciaire, les juges font généralement preuve d’une grande déférence à leur égard.

[31]  Cela peut être illustré par une analogie avec le hockey. Le hockey est soumis à plusieurs règles. Le rôle de l’arbitre est de s’assurer que les joueurs respectent les règles. Cependant, les stratégies élaborées par les joueurs pour marquer des buts ne font pas l’objet de ces règles. L’arbitre ne juge pas ces stratégies.

[32]  De même, les règles de droit régissent la tenue des élections. Elles établissent le processus de vote et les critères pour décider qui gagne. Par contre, elles ne disent pas aux électeurs pour qui voter. Il existe aussi des règles concernant le déroulement des assemblées. Encore une fois, cependant, elles ne disent pas aux membres quelles décisions ils devraient prendre. Les règles de droit régissent le processus et non le résultat.

[33]  Comme un arbitre, les tribunaux peuvent appliquer les règles de droit régissant le processus électoral. Ils peuvent régler des litiges quant à savoir si le processus a été suivi, comme des litiges quant à l’admissibilité d’un candidat. Cependant, une fois que les gens ont été validement élus, les tribunaux ne peuvent pas intervenir pour dire aux représentants élus comment exercer leurs pouvoirs ou quelle politique adopter. Ce sont des questions purement politiques.

[34]  Il se peut que, dans les traditions autochtones, il n’y ait pas de distinction claire entre le droit et la politique. Cependant, les parties ont fondé leur recours sur la Loi électorale. Tout comme le droit électoral canadien, la Loi électorale réglemente le processus de sélection des chefs, mais il ne dit pas comment les chefs, une fois élus, devraient exercer leurs pouvoirs. Par conséquent, rien ne me permet de regarder au-delà des règles de droit qui régissent le processus et de juger de la façon dont les demandeurs et les défendeurs se sont acquittés de leurs fonctions. En fin de compte, notre Cour n’a pas plus de pouvoir que les membres de la nation pour déclencher des élections d’une manière non prévue dans la Loi électorale. Comme le juge Marshall Rothstein, alors membre de notre Cour, l’a déclaré dans une décision concernant la nation crie Kehewin il y a plus de 20 ans :

[traduction] La loi que la bande a adoptée est que les membres du conseil, y compris le chef, sont élus pour trois ans, et en tant que tels, ils sont à l’abri dans leur poste pendant cette période, sauf pour des raisons précises et conformément aux procédures prévues pour la destitution en vertu de la première loi autochtone Kehewin.

(Nation crie de Long Lake c Canada (Ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien), [1995] ACF nº 1020, 1995 CarswellNat 3203, au paragraphe 9 [Long Lake])

[35]  Cela m’amène au concept de l’obligation fiduciaire. Bien que ce concept et le concept voisin de la fiducie trouvent leur origine dans le droit privé, ils ont souvent été utilisés dans un contexte de droit public.

[36]  D’un point de vue très général, on peut dire que tout pouvoir politique est détenu en fiducie. Cela signifie que les personnes qui occupent une charge politique doivent utiliser leurs pouvoirs au profit des personnes qui sont assujetties à leur autorité et non à leur avantage personnel. Cette idée est fermement ancrée dans la philosophie politique occidentale, du moins depuis Locke et Rousseau. On trouve une idée semblable dans les philosophies autochtones. Le professeur John Borrows affirme que le concept d’intendance décrit correctement la relation entre les chefs autochtones et les membres de leurs communautés (John Borrows, « Stewardship and the First Nations Governance Act » (2003) 29 Queen’s LJ 103). Ce concept peut être assimilé à celui de la fiducie, bien qu’ils ne soient pas mis en œuvre de la même façon.

[37]  Cependant, il ne s’ensuit pas que chaque exercice du pouvoir politique donne lieu à ce que le droit canadien reconnaît comme une obligation fiduciaire. Par exemple, la Cour suprême du Canada a reconnu que la relation entre la Couronne et les peuples autochtones est de nature fiduciaire, mais que tous les aspects de cette relation n'entraînent pas nécessairement une obligation fiduciaire pouvant être reconnue sur le plan juridique (Manitoba Metis Federation Inc. c Canada (Procureur général)), 2013 CSC 14 au paragraphe 48, [2013] 1 RCS 623). En particulier, la Cour a précisé qu'une obligation fiduciaire existe habituellement dans les situations mettant en jeu un intérêt propriétal ou quelque chose d’analogue (Alberta c Elder Advocates of Alberta Society, 2011 CSC 24 au paragraphe 51, [2011] 2 RCS 261; Caron c Alberta, 2015 CSC 56 au paragraphe 106, [2015] 3 RCS 511).

[38]  Certaines décisions ont imposé une obligation fiduciaire au chef et au conseil des Premières nations. Une décision fréquemment citée est Gilbert c Abbey, [1992] 4 CNLR 21 (CS C-B), à la page 23 [Gilbert] :

[traduction]

Il ne fait aucun doute qu’un chef dûment élu ainsi que les membres d’un conseil de bande sont des fiduciaires pour tous les autres membres de la bande. Lorsqu’il est élu, le chef s’engage à agir dans l’intérêt des membres de la bande. Les membres de la bande risquent d’être victimes d’abus de la part du fiduciaire de leur poste, et un fiduciaire s’engage à ne pas laisser leurs intérêts entrer en conflit avec l’obligation assumée.

[39]  Cette idée a été résumée quelques années plus tard dans l’arrêt Assu c Chickite, [1999] 1 CNLR 14, 1998 CanLII 3974 (CS C-B), au paragraphe 34 :

[traduction]

[...] les tribunaux ont, à l’occasion, tenu un chef ou un membre du conseil responsable d’un manquement à l’obligation fiduciaire lorsque le chef ou le membre du conseil a participé, à titre d’élu, à des décisions prises dans un intérêt personnel.

[40]  Cependant, il faut garder à l'esprit que le manquement à l'obligation fiduciaire ou l’abus de confiance n'a été constaté que lorsque les représentants élus ont détourné des fonds publics à des fins personnelles, comme dans Gilbert, ou lorsqu'il y avait une irrégularité dans la répartition des fonds aux membres d'une Première nation (voir Barry c Garden River Band of Ojibways, 147 DLR (4e) 615, 1997 CanLII 493 (CA Ont)).

[41]  Le désaccord politique ne constitue pas un manquement à l’obligation fiduciaire. Les désaccords politiques doivent être résolus au moyen de processus publics de délibération, y compris des élections. Une allégation de manquement à l’obligation fiduciaire ne peut pas se substituer à des arguments politiques dans un forum politique. La façon dont les affaires d’une Première Nation sont gérées est habituellement une question politique. Dans certaines circonstances, comme dans Gilbert, cela peut aussi donner lieu à des questions juridiques, mais ce n’est pas toujours le cas.

(2)  Examen des allégations des demandeurs

[42]  En gardant ces principes à l’esprit, j’examinerai les faits qui, selon les demandeurs, constituent un manquement à l’obligation fiduciaire ou à toute autre règle de droit pertinente.

(a)  Le refus de déclencher une élection générale

[43]  Il semble que la principale question entre les parties dans cette affaire et dans le dossier T-1608-17 est de savoir s’il faut déclencher une élection générale immédiatement.

[44]  Comme il a été mentionné précédemment, une réunion du conseil a eu lieu le 28 novembre 2017. À cette réunion, l’un des demandeurs a proposé le déclenchement d’une élection générale. MM. Badger, Mountain et Watchmaker ont voté pour. MM. William John et Trevor John ont voté contre. Mme Joly, qui présidait la réunion, a exercé son droit de vote et a voté contre. Il y a donc eu égalité des voix et la proposition n’a pas été adoptée.

[45]  Les demandeurs soutiennent que Mme Joly n’avait le droit de voter que s’il y avait égalité des voix et qu’elle ne pouvait pas voter pour créer une égalité des voix. Ils disent donc que la proposition demandant la tenue d’une élection a été adoptée et que les défendeurs ont manqué à une obligation fiduciaire en ne se conformant pas à cette proposition.

[46]  En l’absence d’une disposition particulière dans les lois de la Première Nation Kehewin concernant la procédure à suivre aux réunions du conseil, les deux parties suggèrent que l’ouvrage Robert’s Rules of Order offre des lignes directrices utiles. Les demandeurs soutiennent également qu’une coutume a été établie au sein de la Première nation Kehewin selon laquelle la personne qui préside les réunions du conseil ne vote pas à moins qu’il y ait égalité des voix.

[47]  Il semble, cependant, que la ligne de conduite de Mme Joly était conforme aux règles figurant à l’ouvrage Robert’s Rules of Order :

[traduction]

Si le président est un membre de l’assemblée, il peut voter comme n’importe quel autre membre lorsque le vote est à bulletin secret [...]. Dans tous les autres cas, le président de l’assemblée, s’il est membre de l’assemblée, peut voter (mais n’y est pas contraint) chaque fois que son vote influera sur le résultat, c’est-à-dire qu’il peut voter soit pour rompre ou pour provoquer une égalité des voix [...]. En particulier :

Lorsqu’il y a égalité des voix, une proposition exigeant un vote majoritaire pour l’adoption est rejetée, puisqu’une égalité des voix n’est pas une majorité. Ainsi, s’il y a égalité des voix sans le vote du président, le président peut, s'il est membre, voter par l'affirmative, ce qui entraîne l'adoption de la proposition, ou, s'il y en a un de plus dans l'affirmative que dans la négative sans le vote du président (par exemple, s'il y a 72 votes pour et 71 contre), il peut voter négativement pour créer l’égalité, provoquant ainsi le rejet de la proposition.

(Sarah Corbin Robert et al, éd., Robert’s Rules of Order, 11e éd., Cambridge, Mass : Da capo Press, 2011) à la page 405)

[48]  Cela semble également compatible avec le paragraphe 22(2) de la Loi d’interprétation, LRC 1985, ch. I-21, qui pourrait sans doute s’appliquer dans la mesure où le conseil exerce les pouvoirs reconnus par la Loi sur les Indiens, LRC 1985, ch. I-5. Dans la section pertinente, le paragraphe 22(2) est rédigé ainsi :

Quorum

Quorum of board, court, commission, etc.

22(2) Les dispositions suivantes s’appliquent à tout organisme — tribunal, office, conseil, commission, bureau ou autre — d’au moins trois membres constitué par un texte :

22(2) Where an enactment establishes a board, court, commission or other body consisting of three or more members, in this section called an “association”,

[…]

[…]

b) tout acte accompli par la majorité des membres de l’organisme présents à une réunion, pourvu que le quorum soit atteint, vaut acte de l’organisme; […]

(b) an act or thing done by a majority of the members of the association present at a meeting, if the members present constitute a quorum, is deemed to have been done by the association; […]

[49]  Comme le chef est membre du conseil (l’« association »), il doit être compté parmi les « membres de l’association présents » afin de déterminer s’il y a une majorité.

[50]  Les demandeurs laissent également entendre que, selon la coutume, le chef ne vote pas aux réunions du conseil. La « coutume », en ce sens, signifie une forme particulière de droit autochtone qui puise sa source dans la pratique d’une Première Nation en particulier. Elle a été décrite comme comprenant « des pratiques [...] qui sont généralement acceptables pour les membres de la bande, qui font donc l’objet d’un large consensus » (Bigstone c Big Eagle, [1993] 1 CNLR 25 (CF 1re inst.), à la page 34; confirmé par Oakes c Pahtayken, 2010 CAF 169). Comme la coutume, en ce sens, fait référence à la pratique adoptée dans une Première Nation en particulier, elle doit être prouvée à titre de fait. Dans cette affaire, la preuve indique que la pratique alléguée n’a pas été suivie de façon uniforme. Il serait imprudent de ma part de constater une coutume sur une base aussi mince.

[51]  Par conséquent, les demandeurs n’ont pas établi de preuve prima facie que Mme Joly a agi illégalement en votant contre la résolution demandant la tenue immédiate d’une élection. J’ajouterais seulement que si une telle illégalité était découverte, je ne vois pas comment cela pourrait entraîner un manquement à l’obligation fiduciaire. Encore une fois, l’obligation fiduciaire est un concept juridique précis qui n’englobe pas toutes les formes de conduite illégale.

[52]  Les demandeurs soutiennent également que, selon la coutume, les élections dans la Nation crie Kehewin ont toujours lieu en mars. Ce n’est qu’à la suite du règlement d’un litige que des élections ont eu lieu en septembre 2015. Cependant, la Loi électorale parle d’un mandat de trois ans et donne au conseil le pouvoir discrétionnaire de fixer la date de l’élection. Rien n’indique que les élections devraient normalement avoir lieu en mars. À l’audience, lorsqu’on leur a demandé pourquoi les élections devraient avoir lieu en mars, l’avocate des demandeurs n’a pu que souligner le fait que cela coïncide avec la fin de l’exercice financier de la nation. Les demandeurs ne se sont pas acquittés du fardeau de démontrer l'existence d’une coutume qui supplanterait les dispositions explicites de la Loi électorale.

(b)  La destitution du conseiller Jason Mountain

[53]  Les demandeurs se plaignent également de la destitution de M. Mountain du conseil en raison de son absence répétée. À l’audience, l’avocate des demandeurs a précisé que les demandeurs ne demandent pas de réparation précise relativement à cette destitution dans le contexte de la présente demande. Ils se réservent le droit de présenter une demande distincte de contrôle judiciaire pour contester la destitution de M. Mountain à une étape ultérieure. Étant donné la possibilité d’autres procédures, j’en dirai le moins possible à ce sujet.

[54]  En bref, les défendeurs soutiennent que l’article VIII.1 de la Loi électorale prévoit que le poste de conseiller est automatiquement libéré lorsqu’un conseiller est absent sans raison à trois réunions consécutives du conseil, sans motifs raisonnables. Ils affirment que M. Mountain était absent à trois réunions consécutives sans donner de raison et que ce n’est que par la suite qu’il a avisé qu’il avait reçu un diagnostic de cancer. Selon les défendeurs, cet avis n’a pas eu pour effet de le réintégrer rétroactivement au conseil.

[55]  D’un autre côté, on pourrait faire valoir que le poste de conseiller n’est pas automatiquement vacant, puisque le conseil doit déterminer s’il existe des motifs raisonnables justifiant l’absence et que l’équité procédurale exige que le conseiller soit avisé que le conseil a l’intention de le destituer. Comme le juge Rothstein l’a déclaré dans Long Lake, [TRADUCTION] « cela exige un processus dans le cadre duquel le membre du conseil est autorisé à expliquer les raisons de son absence » (au paragraphe 19).

[56]  Je ne veux pas exprimer d’opinion sur la validité de la destitution de M. Mountain. Néanmoins, même si la destitution de M. Mountain était illégale, cela ne constitue pas un manquement à l’obligation fiduciaire. Il y a peut-être des motifs de droit administratif pour contester cette décision, mais jusqu’à maintenant, M. Mountain ne l’a pas fait. Les obligations fiduciaires ne doivent pas être confondues avec les principes de droit administratif. De toute façon, cette situation ne constitue pas une raison juridique pour déclencher une élection générale.

(c)  La mauvaise gestion financière

[57]  Le cœur de la plainte des demandeurs semble être que MM. Badger et Watchmaker, et peut-être M. Mountain, en tant que conseillers, sont privés de pouvoir et tenus dans l’ignorance quant aux affaires de la nation, particulièrement en ce qui concerne les questions financières. Par exemple, ils allèguent que les défendeurs ont fait tirer des chèques sans l'approbation du conseil, que les défendeurs ont signé une entente à long terme avec le ministère des Services aux Autochtones sans la participation des demandeurs et que les défendeurs n'ont pas été en mesure d’expliquer l'utilisation d'un paiement de règlement important reçu par la nation. Ils ajoutent que les défendeurs, en particulier Mme Joly, ont agi de manière « arbitraire ».

[58]  Les défendeurs contestent ces allégations et affirment que leur conduite était conforme aux lois de la Première Nation Kehewin et à la pratique établie, en ajoutant que toutes les décisions prises ont été adoptées à la majorité des voix du conseil et que la question de l'utilisation de l'argent du règlement a été abordée lors d'une assemblée publique.

[59]  Essentiellement, les allégations des demandeurs portent sur des désaccords au sujet de la direction des affaires de la nation.

[60]  Comme je l’ai mentionné plus tôt, les demandeurs doivent établir une forte apparence de droit, ce qui signifie une forte probabilité de gagner. La plupart de leurs allégations sont contestées et je ne peux pas en arriver à une décision dans le contexte d’une requête en injonction interlocutoire. Par-dessus tout, les plaintes des demandeurs portent sur la façon dont les défendeurs s’acquittent de leurs fonctions politiques. Cela ne donne pas lieu à une obligation fiduciaire de nature juridique.

[61]  Les requérants contestent également certaines décisions financières précises prises par Mme Joly, à savoir qu’elle a ordonné que des chèques de plus de 5 000 $ soient tirés sans l’approbation du conseil, qu’elle a employé son fils et son ex-époux et qu’elle s’est fait rembourser ses frais juridiques personnels par la nation. Ces allégations, si elles sont prouvées, pourraient se rapprocher d’un manquement à l’obligation fiduciaire, dans sa définition actuelle. Cependant, les défendeurs répondent que les chèques peuvent être faits pour un montant supérieur à 5 000 $ lorsque la dépense a déjà été approuvée par le conseil et que tous les conseillers avaient accepté que la nation paie les frais juridiques associés à l’affaire devant la Cour d’appel fédérale. Encore une fois, il incombe aux demandeurs d’établir une forte apparence de droit. À mon avis, les demandeurs ne l’ont pas fait.

C.  Le préjudice irréparable

[62]  Même si j’ai tort de conclure que les demandeurs n’ont pas établi une forte apparence de droit, ils n’ont pas réussi à prouver que l’injonction interlocutoire qu’ils demandent empêcherait la réalisation d’un préjudice irréparable. Le préjudice irréparable, dans ce contexte, signifie « préjudice qui ne peut être quantifié du point de vue monétaire ou un préjudice auquel il ne peut être remédié » (RJR à la page 341).

[63]  Les demandeurs font valoir que leur réputation est ternie par la situation, qu’on les empêche d’aller de l'avant avec les politiques pour lesquelles ils ont été élus et que l’argent est dépensé sans leur approbation. Ils disent que ces préjudices ne peuvent être indemnisés par l’accord de dommages-intérêts.

[64]  Toutefois, ces préjudices sont une conséquence nécessaire du fait que les demandeurs ne sont pas majoritaires au conseil. Un conseiller qui perd un vote au conseil ne subit pas de préjudice irréparable qui lui donne droit à une injonction. L’incapacité d’un politicien de mettre en œuvre ses politiques ne constitue pas un préjudice irréparable. De façon plus générale, une personne impliquée dans un processus décisionnel public peut être confrontée à un résultat défavorable, mais cette situation ne constitue pas, à elle seule, un préjudice irréparable : Newbould c Canada (Procureur général), 2017 CAF 106, aux paragraphes 31 à 33.

[65]  Plus fondamentalement, je ne vois pas comment le recours recherché, une élection générale immédiate, empêcherait un préjudice irréparable. Nous ne connaissons pas les résultats d’une telle élection. Elle pourrait reproduire, ou non, la division actuelle parmi les conseillers. Par conséquent, nous ne savons pas si ce recours permettra de prévenir les préjudices soulevés.

[66]  J’ajouterais qu’il n’y a aucune preuve que la nation est paralysée, que ses activités quotidiennes sont interrompues ou qu’elle n’a pas respecté ses engagements en raison de la situation dénoncée par les demandeurs.

[67]  Par conséquent, la présente affaire se distingue des autres affaires concernant la gouvernance d'une Première nation dans le cadre desquelles une injonction interlocutoire a été rendue, par exemple, pour empêcher la destitution illégale d'un représentant élu (Gabriel c Mohawk Council of Kanesatake, 2002 CFPI 483; Prince c Sucker Creek First Nation, 2008 CF 479).

D.  La prépondérance des inconvénients

[68]  Le troisième volet du critère des arrêts RJR/SRC est la prépondérance des inconvénients. À cette étape, la Cour compare les inconvénients pour le demandeur si l’injonction n’est pas accordée et les inconvénients pour le défendeur si l’injonction est accordée. Dans le contexte du droit administratif, l’effet de l’octroi ou non de l’injonction sur l’intérêt public peut également être pris en considération (RJR aux pages 343 à 347). En particulier, les tribunaux considèrent normalement que l’intérêt public favorise le respect des lois dûment adoptées.

[69]  Dans ce cas, l’intérêt public favorise le respect du mandat fixé par la Loi électorale pour le chef et le conseil. Il est généralement admis que la stabilité exige que les gouvernements soient élus pour des mandats fixes. À titre de comparaison, aux niveaux fédéral et provincial, il y a maintenant une loi qui établit, dans les limites permises par la Constitution, des dates fixes pour les élections (voir, par exemple, l’article 56.1 de la Loi électorale du Canada, LC 2000 ch. 9).

[70]  Les demandeurs affirment en fait que la Cour jouit du pouvoir général de déclencher des élections pour le conseil d’une Première Nation chaque fois que les membres du conseil sont incapables de parvenir à un consensus sur certains sujets. Bien que l’atteinte du consensus soit un objectif souhaitable, ni la Loi électorale ni aucune autre règle de droit n’accorde à la Cour un pouvoir aussi large.

[71]  En effet, en interprétant la Loi électorale, la Cour devrait être guidée par le principe de l’autonomie gouvernementale (Canadien Pacifique Ltée c Bande indienne de Matsqui, [1995] 1 RCS 3). Je n’ai pas besoin, aux fins actuelles, de donner une définition complète de ce concept. Il suffit de dire que l’autonomie gouvernementale suppose, à tout le moins, que les décisions concernant le sort politique de la nation devraient, dans la mesure du possible, être prises par la nation, et non par un organisme externe comme la Cour.

[72]  Par conséquent, je conclus que l’intervention de la Cour dans le cycle électoral de la nation, lorsqu’il n’a pas été démontré qu’il y avait eu violation d’une règle de droit particulière, causerait un inconvénient important à l’intérêt public de la nation. Cela milite contre l’octroi d’une injonction interlocutoire.

[73]  D’un point de vue plus pratique, je remarque aussi qu’il y aura en tous les cas une élection générale en septembre 2018. Je ne vois pas comment le fait de tenir une élection immédiatement plutôt qu’en septembre servirait les intérêts des membres de la nation. Tout avantage présumé d’une élection immédiate résulterait également de la tenue d’une élection en septembre.

[74]  De plus, un processus de modification de la Loi électorale est en cours afin de la rendre conforme à la Charte. Si une élection est déclenchée maintenant, elle le sera en vertu de la Loi électorale actuelle et des adaptations devront être apportées, comme cela s’est produit lors de l’élection de septembre 2015. Il s’agit d’un inconvénient supplémentaire découlant de l’injonction proposée. En revanche, le fait de permettre la tenue de la prochaine élection en septembre donnerait l’occasion de suivre le processus de modification prévu à l’article XV de la Loi électorale.

III.  Conclusion

[75]  En résumé, les demandeurs n’ont pas démontré que le critère à trois volets pour l’octroi d’une injonction interlocutoire est respecté. Par conséquent, leur requête est rejetée.


ORDONNANCE

LA COUR STATUE que :

1.  La requête en injonction interlocutoire est rejetée;

2.  Les demandeurs, Gordon Gadwa, Benjamin Badger, Jason Mountain et Vernon Watchmaker, doivent payer sans délai les dépens de la présente requête aux défendeurs, quel que soit le résultat éventuel de la demande sous-jacente.

« Sébastien Grammond »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

DOSSIER :

T-546-18

 

INTITULÉ :

GORDON GADWA, BENJAMIN BADGER, JASON MOUNTAIN, VERNON WATCHMAKER, RONNIE PAUL, ET TYLER YOUNGCHIEF c BRENDA JOLY,

WILLIAM JOHN ET TREVOR JOHN

REQUÊTE INSTRUITE PAR TÉLÉCONFÉRENCE LE 25 MAI 2018, DEPUIS OTTAWA (ONTARIO)

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LE JUGE GRAMMOND

 

DATE DES MOTIFS :

LE 31 MAI 2018

 

COMPARUTIONS :

Loretta Pete Lambert

POUR LES DEMANDEURS

 

David C. Rolf, c.r.

POUR LES DÉFENDEURS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Semaganis Worme Legal

Avocats

Saskatoon (Saskatchewan)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

MLT Aikins LLP

Avocats

Edmonton (Alberta)

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

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