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Date : 20180706


Dossier : T-1628-17

Référence : 2018 CF 696

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 6 juillet 2018

En présence de monsieur le juge Annis

ENTRE :

RODRIGO RAMOS

demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Introduction

[1]  Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire de la décision (décision) de la déléguée du ministre, la directrice générale par intérim de la sûreté aérienne (la DGI ou la déléguée du ministre) de refuser la demande d’autorisation du demandeur de présenter une nouvelle demande d’habilitation de sécurité en matière de transport (habilitation de sécurité) en application de l’article II.36 de la Politique du Programme d’habilitation de sécurité en matière de transport (la Politique du PHST). La décision est datée du 6 octobre 2017.

[2]  La demande est rejetée pour les motifs qui suivent.

II.  Énoncé des faits

[3]  Le demandeur a quitté les Philippines pour immigrer au Canada en 1992. En 2004, le demandeur a commencé à travailler à l’aéroport à titre de nettoyeur, poste pour lequel il s’est vu accorder une habilitation de sécurité.

[4]  En juillet 2015, le demandeur a été impliqué dans de multiples incidents d’attouchements inappropriés et d’agressions sexuelles avec un étudiant participant à un programme d’échange qui vivait chez le demandeur dans le cadre d’un programme d’accueil. Il a été arrêté en août 2015. Les accusations ont été finalement retirées, après que le demandeur eut pris l’engagement de ne pas troubler l’ordre public.

[5]  Le 17 octobre 2016, Transports Canada a écrit au demandeur pour l’informer que les allégations d’agression sexuelle soulevaient des préoccupations quant à son admissibilité à conserver une habilitation de sécurité (la lettre relative aux renseignements défavorables). La lettre relative aux renseignements défavorables invitait le demandeur à [traduction] « fournir des renseignements supplémentaires décrivant les circonstances entourant les accusations criminelles et les incidents mentionnés ci-dessus, ainsi que toute autre information ou explication pertinente, y compris toutes circonstances atténuantes, dans les 20 jours suivant la réception de la présente lettre ». Le demandeur n’a pas fourni de réponse à la lettre relative aux renseignements défavorables.

[6]  Le 29 septembre 2017, la DGI a écrit au demandeur pour lui faire savoir que son habilitation de sécurité avait été annulée en raison du fait que [TRADUCTION] « l’information concernant [sa] participation à des incidents récents et le retrait de l’accusation d’agression sexuelle avaient soulevé de sérieuses préoccupations quant à [son] jugement et [sa] fiabilité » (la lettre d’annulation).

[7]  Le demandeur n’a pas contesté la décision du 29 septembre 2017 d’annuler son habilitation de sécurité par voie de demande de contrôle judiciaire et confirme l’exactitude des faits sous-jacents sur lesquels la décision est fondée.

[8]  À la suite de l’annulation de l’habilitation de sécurité du demandeur, son laissez-passer de sécurité a été saisi par son employeur et il n’a pas été autorisé à se présenter au travail dans la zone réglementée de l’aéroport.

[9]   Le 2 octobre 2017, le demandeur a communiqué avec Transports Canada et a déclaré qu’il avait présenté des observations en réponse à la lettre relative aux renseignements défavorables. Le demandeur a ensuite transmis une copie de l’information, laquelle, selon lui, avait été présentée à l’origine le 25 octobre 2016. L’observation qu’il a fournie consistait en une copie de sa demande d’habilitation de sécurité qui contenait des renseignements dont avait été saisi le décideur au moment de la décision annulant l’habilitation de sécurité. Transports Canada a confirmé avoir reçu les observations du demandeur et a informé le demandeur qu’il avait jusqu’au 6 octobre 2017 pour fournir d’autres observations.

[10]  Le 4 octobre 2017, le demandeur a communiqué avec Transports Canada par téléphone et a confirmé que ses observations par courriel constituaient les observations qui avaient été envoyées en réponse à la lettre relative aux renseignements défavorables. Le lendemain, le demandeur a de nouveau communiqué avec Transports Canada pour lui demander s’il y avait d’autres renseignements particuliers qu’il devait fournir.

[11]  Le 6 octobre 2017, Transports Canada a écrit au demandeur pour confirmer qu’il ne respectait pas les normes énoncées à l’article II.36 de la Politique du PHST (la lettre de décision) et que la décision de refuser son habilitation de sécurité ne serait pas réexaminée à ce moment-là.

[12]  Le ou vers le 10 octobre 2017, le demandeur a décidé de retenir les services d’un avocat. À la suite de l’expiration du délai imposé par Transports Canada le 6 octobre 2017, l’avocat du demandeur a écrit à Transports Canada et lui a demandé de réexaminer la décision annulant l’habilitation de sécurité.

[13]  Sa lettre d’observation initiale du 13 octobre 2017 a été suivie de deux courriels, tous deux datés du 16 octobre 2017. Les observations de l’avocat peuvent être bien résumées comme faisant valoir que Transports Canada conserve un pouvoir discrétionnaire résiduel pour réexaminer une décision et que ce réexamen devait être exercé en fonction de deux arguments principaux :

  • a) Le fait que le demandeur ait mal compris ce qui lui était demandé par la lettre relative aux renseignements défavorables, conjugué aux répercussions de la décision sur le demandeur, constitue une violation de l’équité procédurale en raison du fait qu’il n’a pas été possible pour lui de présenter des observations supplémentaires;

  • b) La nature du comportement criminel du demandeur qui constitue le fondement de l’annulation ne respecte pas le critère préliminaire prévu par la Politique du PHST et la décision d’annuler son habilitation de sécurité n’est pas raisonnable.

[14]  Le 17 octobre 2017, le surintendant des programmes de filtrage de sécurité a répondu à la lettre et aux courriels de l’avocat :

[traduction] Pour faire suite à notre conversation et à vos courriels datés du 16 octobre 2017 et à votre lettre datée du 13 octobre 2017, veuillez vous référer à la lettre datée du 6 octobre 2017, adressée à votre client et annexée aux présentes.

[15]  À la fin de la présentation des observations lors de l’audience, l’avocat du demandeur a demandé une autre modification à la demande modifiée afin de changer la date de la décision qui fait l’objet du contrôle judiciaire pour celle du 17 octobre 2017, soit la date du refus de la DGI d’examiner sa demande de réexamen de sa décision. La Cour a permis aux parties de présenter des observations écrites sur la question de savoir si une modification de la demande modifiée devrait être accordée.

III.  Norme de contrôle

[16]  Les normes établies qui s’appliquent au contrôle judiciaire d’une décision relative à une habilitation de sécurité en matière de transport ont été cernées à plusieurs reprises par la Cour : la décision d’annuler une habilitation de sécurité est un exercice discrétionnaire fondé sur une évaluation des faits et susceptible de révision selon le critère de la raisonnabilité : Henri c. Canada (Procureur général), 2016 CAF 38, au paragraphe 16.

[17]  La même norme de contrôle s’applique à la décision de la DGI en ce qui a trait au réexamen conformément à l’alinéa II.36(b) de la Politique du PHST.

IV.  Questions en litige

[18]  Le demandeur soutient que la DGI a entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire de réexaminer l’annulation de l’habilitation de sécurité du demandeur en limitant toute considération à la question découlant de l’alinéa II.36(b) de la Politique du PHST en démontrant qu’[traduction« un changement a eu lieu dans les circonstances qui ont mené au refus ou à l’annulation ». Il fait valoir que cette procédure se limite à accepter une nouvelle demande et à [traduction] « réexaminer » une décision antérieure.

[19]  De plus, le demandeur soutient qu’en retournant simplement sa lettre de décision du 6 octobre 2017 en réponse à ses observations du 13 octobre 2017, il est clair que le surintendant des programmes de filtrage de sécurité n’a pas du tout tenu compte de sa demande de réexamen.

[20]  Les questions en litige semblent comporter trois volets :

  • 1) L’alinéa II.36(b) de la Politique du PHST constitue-t-il une politique de réexamen et, dans l’affirmative, le demandeur a-t-il été privé de son droit à l’équité procédurale dans l’application de la politique?

  • 2) Existe-t-il une exigence résiduelle de réexamen selon laquelle le décideur serait tenu de réexaminer sa décision à la lumière des observations de l’avocat du 13 octobre 2017?

  • 3) Dans la négative, le demandeur devrait-il être autorisé à modifier sa demande de modification de la décision faisant l’objet du réexamen afin qu’elle constitue une demande relative au refus d’examiner les observations de son avocat?

V.  Droit

[21]  Mon collègue, le juge Diner, a récemment résumé le droit en matière de réexamen mettant en cause la Commission des droits de l’homme dans l’affaire Bossé c. Canada (Procureur général), 2017 CF 336, aux paragraphes 10 à 12 [Bossé] comme suit :

[10]  Bien que la Loi ne traite pas de la compétence de la Commission pour ce qui est d’examiner de nouveau des décisions antérieures de ne pas renvoyer une affaire au Tribunal, la Commission, comme elle « décide de sa propre procédure », a le pouvoir discrétionnaire d’examiner de nouveau des décisions : Kleysen Transport Ltd c. Hunter, 2004 CF 1413 (CanLII), aux paragraphes 8 et 13. Contre la capacité de la Commission à examiner de nouveau une décision antérieure s’applique le principe de dessaisissement, qui favorise le caractère définitif des décisions et soutient qu’en général, les tribunaux ne devraient pas examiner de nouveau des décisions antérieures (Chandler c. Association of Architects (Alberta), [1989] 2 CanLII 41 (CSC), [1989] RCS 848, aux paragraphes 861 à 863 [Chandler]). Dans Chandler, le juge Sopinka soutient que le principe de dessaisissement s’applique aux tribunaux administratifs, qui offrent un peu plus de souplesse que dans un contexte judiciaire.

[11]  Dans Merham, aux paragraphes 23 à 25, le juge Mainville, après avoir examiné la décision du juge Sopinka dans Chandler ainsi que dans d’autres instances, a expressément exclu le pouvoir discrétionnaire de la Commission pour ce qui est d’examiner de nouveau ses décisions. Il a conclu que le pouvoir discrétionnaire doit être exercé uniquement avec modération et dans des cas exceptionnels.

[12]  Plus récemment, le juge Scott a résumé quatre exceptions établies dans le cadre de l’affaire Chandler quant au principe de dessaisissement, qui est limité aux motifs de 1) nouvelle preuve, 2) justice naturelle, 3) erreur de compétence ou 4) négligence d’une question ouverte : Chopra c. Canada (Procureur général), 2013 CF 644 (CanLII), aux paragraphes 64 et 65 [Chopra]. Dans le cas en l’espèce, le demandeur a présenté des motifs de A) nouvelle preuve et de B) justice naturelle.

[22]  En plus de ces propositions, la Cour note que la Cour suprême dans l’arrêt Chandler (mentionné dans la décision Bossé, précitée) a déclaré à la page 862 qu’une réouverture des procédures administratives ne devrait pas normalement avoir lieu « lorsque la loi habilitante porte à croire qu’une décision peut être rouverte afin de permettre au tribunal d’exercer la fonction que lui confère sa loi habilitante ».

[23]  Il va sans dire également que l’ignorance de la loi ou une conduite déraisonnable de la part d’un demandeur n’est pas un motif valable pour une demande de réexamen.

VI.  Discussion

(1)  L’alinéa II.36(b) de la Politique du PHST constitue-t-il une politique de réexamen et, dans l’affirmative, le demandeur a-t-il été privé de son droit à l’équité procédurale dans l’application de la politique?

[24]  La Cour conclut que l’alinéa II.36(b) de la Politique du PHST constitue une forme de disposition autorisant le réexamen, même si elle est rédigée de manière à fournir au demandeur la possibilité de présenter une nouvelle demande. En faisant référence à un changement dans les circonstances, la disposition prévoit la possibilité de fournir de « nouveaux éléments de preuve » dans le but de réexaminer l’annulation. En conséquence, conformément à la citation dans l’arrêt Chandler précité, tout réexamen se limite à juste titre à la question des nouveaux éléments de preuve.

[25]  Il faut garder à l’esprit que le réexamen d’une décision fait intervenir un processus en deux étapes : la première étape consiste à déterminer si les faits sont suffisants pour exiger un nouvel examen, et la deuxième étape consiste à savoir si le réexamen devrait modifier la décision faisant l’objet du réexamen. De plus, il y a normalement des conditions rattachées à l’introduction de nouveaux éléments de preuve pour modifier une décision antérieure, à savoir que les éléments de preuve n’étaient pas connus ou raisonnablement accessibles au moment où la décision a été rendue.

[26]  Dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire de réexaminer, la DGI, à titre de déléguée du ministre, possède un large pouvoir discrétionnaire en application de l’article 4.8 de la Loi sur l’aéronautique, LRC (1985), c A-2. J’ai décrit ce pouvoir discrétionnaire dans Ng c. Canada (Procureur général), 2017 CF 376, au paragraphe 34, comme suit :

[34]  [...] Le contexte du libellé législatif de l’article 4.8 de la Loi sur l’aéronautique est rédigé de la façon la plus large possible sans pour autant en faire une forme de pouvoir discrétionnaire non susceptible de révision. Il dispose que « [l]e ministre peut, pour l’application de la présente loi, accorder, refuser, suspendre ou annuler une habilitation de sécurité ». Le fait que la Politique n’est pas appuyée par un règlement est également significatif. Il n’y a pas de règlement prévoyant dans quelle mesure le pouvoir discrétionnaire du ministre peut être exercé, ni même de règlement exigeant l’adoption d’une politique à cette fin. Cela reflète les motifs de politique à l’origine de l’article 4.8 de la Loi sur l’aéronautique tels qu’ils sont décrits au paragraphe 28 de la décision Sargeant [Sargeant c. Canada (Procureur général)], 2016 CF 893 : « puisque la sécurité aérienne est une question de grande importance et que l’accès aux zones réglementées est un privilège, et non un droit, le ministre, dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré par l’article 4.8, peut pencher du côté de la sécurité du public, ce qui signifie qu’en évaluant les intérêts de la personne touchée et la sécurité du public, l’intérêt du public a préséance ».

[27]  L’alinéa II.36(b) de la Politique du PHST porte sur la première étape, à savoir que le demandeur met un pied dans la porte en fournissant une nouvelle preuve probante qui équivaudrait à un changement de circonstances, de sorte qu’un réexamen est requis quant au refus ou à l’annulation de l’habilitation de sécurité.

[28]  Il n’y a aucune trace de nouveaux éléments de preuve qui pourraient constituer un changement de circonstances dans la présente cause. Le demandeur reconnaît qu’il a lui-même fait défaut dans un premier temps de comprendre ce qui était demandé en dépit du libellé clair de la lettre relative aux renseignements défavorables. Il n’y a aucune explication pour son défaut de répondre à la demande de renseignements, ni même de réussir à communiquer l’information à Transports Canada.

[29]  Pour ce motif, rien ne permet d’affirmer qu’il a été privé de son droit à l’équité procédurale en présentant la preuve de circonstances nouvelles. La Cour est d’accord avec les observations du défendeur qu’elles ne portent que sur un minimum d’exigences en matière d’équité procédurale dans tous les cas en ce qui concerne une décision en vertu de l’alinéa II.36(b) de la Politique.

[30]  L’ensemble des facteurs contextuels déterminant le contenu de l’équité procédurale décrit dans l’arrêt Baker c. Canada, [1999] 2 R.C.S. 817, aux paragraphes 22 à 28 s’applique en faveur du défendeur : la nature de la décision, la nature du régime législatif, l’importance de la décision pour les personnes visées, les attentes légitimes de la personne, ou les choix de procédure que l’organisme fait lui-même.

[31]  La jurisprudence a toujours considéré que le niveau d’équité procédurale est minimal pour une personne qui fait une première demande d’habilitation de sécurité, qui ressemble à la situation dans le présent cas aux fins de réexamen, exigeant seulement que le demandeur soit autorisé à soumettre une demande par écrit et que la décision ne soit pas fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire, sans tenir compte des éléments à sa disposition, ou tenant compte de facteurs non pertinents : Motta c. Canada (Procureur général), [2000] A.C.F. no 27, au paragraphe 13 [Motta]; Irani c. Canada (Procureur général), 2006 CF 816, aux paragraphes 21 à 22; Pouliot c. Canada (Ministre des Transports, de l’Infrastructure et des Collectivités), 2012 CF 347, au paragraphe 9.

[32]  Bien que la décision relative à l’annulation soit importante pour le demandeur, la décision contestée n’est pas cette décision en question, mais bien le rejet de la demande de réexaminer cette décision. Le demandeur ne peut s’attendre à obtenir une habilitation de sécurité, même s’il lui est permis de présenter une nouvelle demande.

[33]  La seule question possible qui a été soulevée était celle de l’équité procédurale, qui n’est pas étayée par les faits. Comme il a été noté, il est reconnu que le fait que le demandeur ne présente pas d’observations pertinentes repose entièrement sur ses propres épaules. Au lieu de répondre à cette demande non équivoque, il aurait plutôt déposé une nouvelle demande, même si elle n’a jamais été reçue par les fonctionnaires de Transports Canada.

[34]  En ce qui concerne les événements de l’automne 2017, lorsqu’il a appris que son habilitation de sécurité avait été retirée le 30 septembre 2017, le demandeur a engagé une série de conversations téléphoniques et d’échanges par courriel avec le personnel de Transports Canada.

[35]  Il a omis de répondre à l’une des demandes d’information et d’explications pertinentes concernant son comportement, se contentant de fournir à la place la copie de la nouvelle demande qu’il avait tenté, selon lui, de fournir en réponse à la lettre relative aux renseignements défavorables du 17 octobre 2016.

[36]  Malgré le fait qu’il n’a pas répondu à la demande de renseignements, le 3 octobre 2017, Transports Canada a accepté de permettre au demandeur de fournir des observations au plus tard le 6 octobre 2017 qui [traduction] « suffiraient à démontrer un changement important dans les circonstances pouvant justifier un réexamen de la décision d’annuler votre habilitation de sécurité ».

[37]  Cette information a été demandée afin de déterminer si le demandeur était admissible à présenter une nouvelle demande pour démontrer qu’« un changement a eu lieu dans les circonstances qui ont mené au refus ou à l’annulation » de son habilitation de sécurité conformément à l’article II.36 de la Politique du PHST.

[38]  Transports Canada a rejeté la demande de réexamen du demandeur parce qu’il n’avait fourni qu’une copie de sa demande qu’il avait tenté d’envoyer le 25 octobre 2016, laquelle avait déjà été versée dans son dossier et avait été prise en compte pendant le processus d’examen.

[39]  Le demandeur se plaint que cette décision a été rendue le 6 octobre 2017 et, par conséquent, avant toute observation qui aurait pu être reçue le même jour, qui avait été fixé comme date limite pour la présentation d’autres observations. Cependant, le demandeur a entre-temps omis de déposer des observations avant d’avoir reçu la décision du 6 octobre 2017 la semaine suivante, indiquant ainsi son intention de ne pas répondre dans les délais prévus par Transports Canada.

[40]  La Cour conclut que rien ne permet d’affirmer que la décision du 6 octobre 2017 était déraisonnable.

(2)  Existe-t-il une exigence résiduelle de réexamen selon laquelle la DGI serait tenue de réexaminer sa décision à la lumière des observations de l’avocat du 13 octobre 2017?

[41]  L’avocat du demandeur a présenté des observations supplémentaires après le refus de la DGI de réexaminer l’affaire le 6 octobre 2017. L’avocat soutient que le demandeur a fourni de nouveaux renseignements qui constituaient [traduction] « un changement [...] dans les circonstances ayant mené au refus ou à l’annulation ». Les prétendus nouveaux éléments de preuve étaient les suivants : le demandeur avait des remords; le préjudice qu’il a subi est sévère à la lumière de ses années de service; le décideur devrait considérer que la cour criminelle a conclu que son infraction était une aberration; et les intérêts de la justice militent en sa faveur en ce qui concerne les circonstances malheureuses découlant du fait qu’il n’a pas répondu à la lettre relative aux renseignements défavorables. Tous ces renseignements sur les nouvelles circonstances devraient être considérés comme suffisants pour exiger le réexamen de la décision de refuser l’habilitation de sécurité. Au lieu de cela, la réponse de la DGI consistant simplement à fournir une copie de la lettre du 6 octobre 2017 constituait une entrave à l’exercice de son pouvoir discrétionnaire de réexaminer la décision, de sorte que celle-ci devrait être annulée.

[42]  La Cour convient également avec le défendeur que les prétendus nouveaux éléments de preuve et les observations connexes soulevées dans la lettre de l’avocat du 13 octobre 2017 n’avaient pas été soumis à la DGI lorsqu’elle a rendu sa décision le 6 octobre 2017. Ne faisant pas partie du dossier, les observations de l’avocat ne peuvent pas par conséquent être examinées par la Cour afin de déterminer la raisonnabilité de la décision de la DGI de refuser d’examiner de nouveau sa décision antérieure : Gitxsan Treaty Society c. Hospital Employees’ Union, [2000] 1 CF 135, au paragraphe 13.

[43]  À l’audience, le demandeur a soutenu que la réponse de la DGI du 17 octobre 2017 n’était qu’une tentative de « recycler » la décision du 6 octobre 2017, mais que l’observation ne répond pas au fait que sa lettre du 13 octobre 2017 ne peut faire partie du dossier relatif à la décision du 6 octobre 2017 et n’est pas pertinente pour évaluer le caractère raisonnable de cette décision.

[44]  Si le demandeur avait conclu que le retour, le 16 octobre 2017, de sa lettre du 13 octobre 2017 constituait une décision de refuser de réexaminer la décision du 29 septembre, il aurait pu la désigner comme étant la décision sous-jacente sur laquelle reposait sa demande. La lettre du 13 octobre 2017 aurait alors été pertinente et aurait fait partie du dossier de la décision du 6 octobre 2017.

(3)  Dans la négative, le demandeur devrait-il être autorisé à modifier sa demande de modification de la décision faisant l’objet du réexamen afin qu’elle constitue une demande relative au refus d’examiner les observations de son avocat?

[45]  Après avoir indiqué à l’avocat du demandeur que la Cour ne pouvait examiner la décision du point de vue des documents dont avait été saisi le décideur le 6 octobre 2017, elle a indiqué qu’elle accepterait des observations écrites permettant au demandeur de modifier sa demande en vue de remplacer la décision du 6 octobre 2017 devant être réexaminée par celle du 17 octobre 2017 afin de permettre l’examen des observations faites par l’avocat.

[46]  La seule raison pour laquelle la Cour a permis d’autoriser une telle modification extraordinaire présentée à la dernière minute était que, bien qu’elle ait exhorté la Cour à refuser d’examiner l’[traduction« argument hypothétique » du demandeur, le défendeur a avancé des observations complètes pour contredire l’essentiel de la prétention du demandeur selon laquelle les observations faites après la décision de refuser l’habilitation de sécurité ne justifiaient pas un réexamen de la décision mettant fin à son habilitation de sécurité.

[47]  En fin de compte, la Cour rejette la modification tardive, principalement parce qu’elle convient qu’il n’y a pas de perspective raisonnable de succès fondée sur les observations de l’avocat en matière de réexamen. Cela vient s’ajouter aux arguments convaincants du défendeur, à savoir que permettre une telle modification aurait une quelconque incidence sur la procédure sommaire pour un examen efficace et rapide des décisions, et ferait abstraction de la preuve selon laquelle ce serait la deuxième modification à ce jour de la décision dans le cadre de la demande.

[48]  Sur le fondement de l’analyse de la Cour ci-dessus, la politique du PHST concernant de nouvelles circonstances en vue du réexamen ne s’applique pas aux éléments de preuve connus par le demandeur ou qui lui étaient raisonnablement accessibles au moment de la décision. La Politique ne tient pas compte non plus de l’ignorance de la loi, qui comprend raisonnablement la nécessité d’aider les avocats dans des affaires complexes, à moins qu’il ne soit prouvé que la personne souffrait d’un handicap ou d’une condition qui influait sur son jugement. Les observations de l’avocat reconnaissent que les mesures prises par le demandeur se rapportent à son [traduction] « malentendu » en ce qui concerne la lettre non équivoque relative aux renseignements défavorables.

[49]  Quoi qu’il en soit, le demandeur est incapable de se prévaloir de l’une des quatre exceptions décrites dans l’arrêt Chandler. Aucun nouvel élément de preuve n’a été présenté par son avocat. La preuve quant au retrait des accusations criminelles du demandeur en échange de son engagement de ne pas troubler l’ordre public était connue de la DGI. De même, il ne s’agit pas en l’espèce d’une question d’erreur de compétence des tribunaux ou de négligence d’une question ouverte. L’argument du demandeur concernant son incompréhension de la situation, ainsi que les répercussions sévères de l’annulation de son habilitation de sécurité sur lui et sur sa famille, n’est pas un facteur pertinent justifiant un réexamen de la décision du 29 septembre 2017 de lui retirer son habilitation de sécurité.

[50]  Autrement, son avocat soutient que la nature du comportement criminel lié à une accusation d’agression sexuelle, qui n’a pas fait l’objet de poursuites, ne respecte pas le critère préliminaire prévu par la Politique du PHST. La Cour n’est pas d’accord sur le fait qu’il s’agit d’une observation défendable. La DGI a fondé sa décision sur des facteurs pertinents concernant la conduite et le jugement du demandeur à partir des circonstances ayant donné lieu aux accusations. Ces circonstances n’ont pas été abordées par l’avocat.

[51]  Les observations de l’avocat concernent l’exercice du pouvoir discrétionnaire de la DGI quant au fait d’apprécier la preuve à nouveau. De plus, ces observations auraient pu être faites en 2017, tout comme le fait de fournir toute information supplémentaire relative à la procédure pénale et le rapport de consultation daté du 9 août 2016, lesquels éléments n’ont pas été fournis par le demandeur. Les éléments de preuve et les observations sont soit dénués de pertinence, soit insuffisants pour démontrer que la décision de la DGI de refuser de réexaminer sa décision était déraisonnable.

VII.  Conclusion

[52]  La demande est en conséquence rejetée. Ce n’est pas un cas approprié où des dépens devraient être accordés.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER T-1628-17

LA COUR rejette la demande et aucuns dépens ne sont attribués à l’une ou l’autre partie.

« Peter Annis »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :

T-1628-17

 

INTITULÉ :

RODRIGO RAMOS c. LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 24 mai 2018

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE ANNIS

 

DATE DES MOTIFS :

Le 6 juillet 2018

 

COMPARUTIONS :

Osborne G. Barnwell 

Pour le demandeur

 

Jacob Pollice

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Osborne G. Barnwell

Avocats

Toronto (Ontario)

 

Pour le demandeur

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

Pour le défendeur

 

 

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