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Date : 20181002


Dossier : IMM-877-18

Référence : 2018 CF 979

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 2 octobre 2018

En présence de madame la juge McDonald

ENTRE :

ALI TAHMASEBI

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

intimé

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  Le demandeur demande le contrôle judiciaire de l’examen des risques avant renvoi (ERAR) selon lequel il ne court pas de risque s'il retourne en Iran parce qu’il s’est converti au christianisme pendant qu’il était au Canada. Pour les motifs qui suivent, le présent contrôle judiciaire est rejeté, car l’agent d’ERAR a raisonnablement examiné la preuve.


Contexte

[2]  Le demandeur est un citoyen de l’Iran et un résident du Canada depuis 2008. En 2014, une mesure de renvoi a été prise contre lui pour manquement à l’obligation de résidence. Il a déposé un ERAR en invoquant la crainte de persécution en Iran, car il s’était converti au christianisme pendant qu’il était au Canada.

[3]  Le demandeur a grandi dans un foyer musulman en Iran. Il prétend s’être converti au christianisme alors qu’il se trouvait au Canada après avoir connu une série de difficultés personnelles et financières.

[4]  Le 31 juillet 2016, il prétend avoir reçu une sommation judiciaire de l’Iran pour avoir [traduction] « assisté à des réunions de propagande contre le système ». Il croit que son ex-épouse a probablement informé le gouvernement iranien de sa conversion au christianisme.

Décision relative à l’ERAR

[5]  Dans la décision du 5 janvier 2018, l’agent a reconnu que le demandeur avait été baptisé comme chrétien et qu’il appartenait à deux églises chrétiennes au Canada.

[6]  Le demandeur croit que son ex-épouse a informé le gouvernement iranien de sa conversion au christianisme par rancune, étant donné qu’il ne pouvait pas payer la dot demandée. L’agent a noté qu’il n’y avait pas de preuve corroborant l’affirmation que le gouvernement iranien est au courant de sa conversion religieuse. Par conséquent, l’agent a conclu que cette affirmation était très hypothétique.

[7]  La sommation qui aurait été émise par la magistrature iranienne au demandeur le 31 juillet 2016 a été remise au frère du demandeur en Iran. Le demandeur y est accusé [traduction] « d’avoir assisté à des réunions de propagande contre le système ». L’agent a jugé que la sommation était vague et manquait de détails. L’agent avait plusieurs préoccupations en ce qui concerne la sommation, à savoir pourquoi elle avait été émise trois ans après la dernière visite en Iran du demandeur, pourquoi le gouvernement iranien prétendrait que le demandeur assistait à des réunions de propagande, les circonstances de l’émission de la sommation ainsi que le lien entre la sommation et la foi chrétienne du demandeur. Le demandeur n’a fourni aucune explication. De plus, rien n’indique que le gouvernement iranien ait communiqué avec le demandeur ou son frère une fois la date de la sommation expirée. Pour ces motifs, l’agent a accordé peu de poids à cet élément de preuve.

[8]  Le demandeur a également affirmé qu’il risquait d’être persécuté par le gouvernement iranien parce qu’il était impliqué dans un litige contre le gouvernement. Cependant, il n’a pas indiqué en quoi le litige le mettrait en danger et aucune preuve documentaire concernant l’issue du litige n’a été fournie. L’agent a accordé peu de poids à cette preuve.

[9]  Le demandeur s’est également appuyé sur des rapports sur l’état des lieux concernant le traitement des chrétiens ou des apostats en Iran. L’agent a fait remarquer que, même si la situation dans le pays soulève des préoccupations en matière de droits de la personne, le demandeur n’a pas fourni d’éléments corroborant la façon dont il risque personnellement d’être persécuté ou blessé en Iran. L’agent a souligné que la preuve relative à la situation dans le pays à elle seule est insuffisante sans preuve d’un lien avec la situation personnelle d’un demandeur.

[10]  L’agent a effectué des recherches indépendantes et a consulté des renseignements plus récents sur la situation de l’Iran. La recherche indépendante a révélé que les autorités iraniennes s’intéressent peu à la pratique religieuse en privé et que les actions de l’État visent principalement les églises locales et le prosélytisme actif. À la lumière de ces renseignements, l’agent a déterminé que les activités religieuses du demandeur au Canada ne le mettraient pas en danger s’il retournait en Iran.

Les questions en litige

[11]  Le demandeur soulève diverses questions relatives à la décision, lesquelles sont traitées ainsi :

  1. Était-ce une erreur de la part de l’agent de faire une recherche indépendante sur la situation dans le pays?

  2. L’agent a-t-il commis une erreur dans le traitement de la sommation?

Norme de contrôle

[12]  La norme de contrôle est le caractère raisonnable. Une décision à caractère raisonnable tient principalement « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel », ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir c. Nouveau- Brunswick, 2008 CSC 9, par 47).

[13]  S’il y a eu violation du droit à l’équité procédurale d’un demandeur, le tribunal ne fait preuve d’aucune déférence à l’égard de la décision de l’agent.

Était-ce une erreur de la part de l’agent de faire une recherche indépendante sur la situation dans le pays?

[14]  Le demandeur soulève deux préoccupations au sujet de l’agent de l’ERAR qui consulte d’autres rapports sur la situation dans le pays que ceux sur lesquels le demandeur s’appuie. Premièrement, il soutient qu’il y a eu manquement à son équité procédurale en n’étant pas informé des rapports sur la situation dans le pays qui ont été utilisés pour formuler l’évaluation des risques. Deuxièmement, il soutient que l’agent n’a pas tenu compte de façon équilibrée des renseignements contenus dans ces rapports.

[15]  Lorsque les renseignements sur la situation dans le pays auxquels l’agent fait référence sont disponibles et accessibles au demandeur au moment de sa demande, l’équité n’exige pas que l’agent avise le demandeur à l’avance. Lorsque les renseignements sur la situation dans le pays deviennent accessibles après la demande et que ces renseignements révèlent des questions nouvelles ou importantes qui modifient les considérations relatives à la situation dans le pays, l’agent doit les divulguer (Mancia c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) [1998] 3 CF 461).

[16]  En l’espèce, les documents auxquels l’agent fait référence étaient des documents mis à la disposition du public au moment où le demandeur a présenté ses observations en matière d’ERAR. Quoi qu’il en soit, les renseignements sur la situation dans le pays auxquels l’agent fait référence n’ont pas permis de relever des conditions ou des renseignements « importants » ou « nouveaux » qui auraient dû être communiqués au demandeur.

[17]  Par conséquent, l’agent d’ERAR n’était pas tenu d’offrir au demandeur d’autres occasions d’aborder les conditions du pays accessibles au public, et l’agent n’a violé aucun des droits procéduraux du demandeur.

[18]   En ce qui concerne la suggestion du demandeur selon laquelle cet agent a choisi les renseignements sur lesquels il s’est fondé et qu’il a omis des renseignements qui appuieraient la demande du demandeur, l’agent a tenu compte, à juste titre, du fait que les renseignements sur la situation dans le pays révélaient des préoccupations en matière des droits de la personne. Toutefois, comme le demandeur n’a pas fourni d’éléments de preuve corroborant la façon dont il risque d’être personnellement persécuté ou de subir un préjudice en Iran, l’agent a noté, à juste titre, que la preuve relative à la situation dans le pays à elle seule est insuffisante sans preuve de lien avec la situation personnelle du demandeur.

[19]  La conclusion de l’agent selon laquelle le demandeur ne risquait pas d’être persécuté s’il retournait en Iran est raisonnable.

L’agent a-t-il commis une erreur dans le traitement de la sommation?

[20]  Le demandeur fait valoir que l’agent n’a pas dûment tenu compte de la sommation et du risque qu’elle présente pour lui s’il devait retourner en Iran.

[21]  La sommation émise en juillet 2016 indique que le demandeur est [traduction] « accusé d’avoir assisté à des réunions de propagande contre le système ». Bien que l’agent n’ait exprimé aucune préoccupation quant à l’authenticité de la sommation, il doutait que celle-ci ait été liée à la foi chrétienne du demandeur. Le demandeur soutient que la période au cours de laquelle il s’est converti au christianisme et qu’il s’est disputé avec son ex-épouse coïncide avec la date de la sommation. Il suggère que cela assure le lien nécessaire entre sa conversion et la sommation. Toutefois, l’agent a conclu que cette affirmation était hypothétique.

[22]  De plus, le demandeur fait valoir que les renseignements sur la situation dans le pays auxquels l’agent fait référence portent sur des apostats qui sont souvent accusés de « propagande contre le régime ». Selon lui, cela explique le motif de la sommation ainsi que le libellé utilisé dans la sommation. Toutefois, en l’absence d’information ou de contexte établissant un lien entre la sommation et la conversion du demandeur au christianisme, l’agent n’était pas convaincu que le demandeur était en danger en raison de la sommation. L’agent a noté un manque d’information quant aux circonstances ayant donné lieu à la délivrance de la sommation ainsi qu’à la façon dont elle a été délivrée au frère du demandeur. Le demandeur a lui-même spéculé sur la façon dont la sommation a été produite (c.-à-d. son ex-épouse), mais n’a pas été en mesure de fournir aucun autre élément de preuve contextuel ou corroborant. Compte tenu de cela, il n’était pas déraisonnable pour l’agent de conclure que la preuve de la sommation n’était pas fondée et qu’elle était insuffisante pour appuyer une allégation de risque.

[23]  Essentiellement, dans le cadre de ce contrôle judiciaire, le demandeur demande au tribunal de réévaluer ces éléments de preuve. Ce n’est pas le rôle de la Cour (Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, par. 61).

[24]  Dans l’ensemble, le demandeur n’a établi aucune erreur susceptible de contrôle dans la décision de l’ERAR. L’agent a examiné la preuve, a examiné la situation personnelle du demandeur, a évalué la situation dans le pays et a fondé l’évaluation de risques sur la preuve documentaire disponible. Ce contrôle judiciaire est donc rejeté.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER IMM-877-18

LA COUR REND LE JUGEMENT suivant :

1.  La demande de contrôle judiciaire de la décision relative à l’examen des risques avant renvoi du 5 janvier 2018 est rejetée;

2.   Aucune question n’est certifiée.

« Ann Marie McDonald »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-877-18

INTITULÉ :

ALI TAHMASEBI c. LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

le 28 août 2018

jugements et motifs :

MCDONALD J.

DATE DES MOTIFS:

Le 2 octobre 2018

COMPARUTIONS :

Adetayo G. Akinyemi

pour le demandeur

Nicole Paduraru

pour l’intimé

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Adetayo G. Akinyemi

Avocat

Toronto (Ontario)

pour le demadeur

Procureur general du Canada

Toronto (Ontario)

pour l’intimé

 

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